Évolution des conventions de qualité et enjeux de la singularité sur le marché du vin
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Systèmes alimentaires / Food Systems
2017, n° 2. varia - Auteur : Isla (Anne)
- Pages : 197 à 217
- Revue : Systèmes alimentaires
Évolution des conventions de qualité
et enjeux de la singularité
sur le marché du vin
Anne Isla
Université de Toulouse, LEREPS
Introduction
Le vin a ceci de particulier que l’incertitude sur la qualité subsiste jusqu’à la consommation. Par conséquent, l’organisation de la production, les modalités de vinification et d’élevage, les investissements effectués, les formes de commercialisation du produit, l’étiquetage des bouteilles, etc., doivent être en cohérence avec une vision commune de ce qui fait la qualité du produit, parmi une pluralité de définitions possibles (Stanziani, 2005).
Le choix du « bon » vin doit être fondé sur un jugement, le sien ou celui d’un autre, en fonction des normes sociales en vigueur. Les dispositifs de jugement proposent aux consommateurs une connaissance orientée qui doit leur permettre de faire des choix raisonnables, cela fait partie des pratiques civilisées (Karpik, 2007). Ces dispositifs réduisent le déficit cognitif sur les marchés des singularités1. Ils sont construits par de multiples acteurs : producteurs, vendeurs, professionnels du marché, mass-média, pouvoirs publics.
Le système juridique instrumentalise et renforce la convention de qualité issue des pratiques de la société et retenue comme légitime. Une analyse 198des textes européens et français permet de montrer qu’il y a une tendance à la « désingularisation » du produit « vin ». L’objet de cet article est de montrer cette évolution. Pour cela, nous avons étudié les textes juridiques européens publiés entre 1962 (première organisation commune du marché du vin) et 2012, et les textes français publiés entre 1905 (« loi sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles ») et 20142.
Les travaux de la sociologie des régimes d’engagements de Thévenot (2010, 2014) nous fournissent une grille de lecture de la construction et l’évolution des dispositifs de jugement. L’originalité de ces travaux est d’articuler en même temps les registres de légitimité et l’architecture et l’organisation du collectif (partie 1). Nous montrons que l’évolution du cadre institutionnel se traduit par un développement de la grammaire libérale, notamment depuis les années 2000. Cela va impacter les conventions de qualité mobilisables. Cette évolution, censée développer la concurrence sur le marché du vin, met en tension le principe de singularité sur lequel se fonde une partie du marché du vin, en l’occurrence les vins d’appellation (partie 2).
1. Grammaire des communs et ordres de grandeur :
un cadre pour évaluer les jugements
sur la qualité du vin
Nous utilisons la grille de lecture de la sociologie des régimes d’engagements de Thévenot (2010 et 2014) pour étudier les dispositifs de jugements sur la qualité du vin. Ce cadre a le mérite de combiner 1) la pluralité des ordres de grandeur, c.-à-d. les registres de légitimité, et 2) la grammaire des communs, c.-à-d. l’architecture et l’organisation du collectif qui caractérise le pouvoir ou la capacité de prendre part au commun.
Les registres de légitimité des économies de la grandeur (Boltanski et al., 1991) permettent de dégager les conventions de qualité qui serviront à évaluer les biens sur les marchés (Eymard-Duvernay, 2002 ; Ponte, 2009) : i) une convention domestique qui s’appuie sur la tradition, sur 199des savoir-faire spécifiques, sur le rôle coordinateur de la confiance entre personnes ; ii) une convention marchande dont le prix est l’étalon de la qualité ; iii) une convention industrielle qui renvoie à la conformité à un standard, à un investissement technique qui assure une régularité temporelle et une irréversibilité ; iv) une convention civique où la qualité du produit est liée à un engagement pour le bien-être collectif, notamment par rapport aux impacts sociaux et environnementaux ; v) une convention de l’opinion où l’incertitude sur la qualité est résolue grâce au jugement, considéré comme objectif, d’un acteur qui est externe à l’échange et qui a une « bonne réputation » ; vi) une convention de l’inspiration où la personnalité d’un des acteurs de l’échange, dont la vision géniale, intuitive, créative ou complètement étrange, prévaut pour évaluer la qualité.
Le marché du vin ne se laisse enfermer dans aucune des conventions identifiées (Ponte, 2009), il fait appel à plusieurs formes de justification. Nous le synthétisons dans la figure suivante.
Conventions Grandeurs |
Caractéristiques |
Principes de coordination |
Exemples |
Inspiration Foi |
Vin unique ; vigneron ou propriété. La qualité est peu ou pas objectivable. Est grand ce qui échappe à la maîtrise, à la mesure. Le vin est une création (artistique), un « être » singulier. Il est unique, universel, culte. La marque est plus proche de la griffe du grand couturier que de la marque per se (Barrère, 2007) ; ex. : Petrus, Romanée Conti. |
Unicité |
1855, classement des grands crus de Bordeaux. Classements UNESCO 1999, 2007, 2015 de parcelles au patrimoine culturel mondial. |
Opinion Célébrité |
Jugement externe non objectif, opinion, renom, notoriété. La renommée (virtuellement possible du jour au lendemain) se propage grâce à un intermédiaire, un média (par ex. un guide des vins : Parker, Hachette, etc.) chargé de véhiculer le message jusqu’au public visé. La marque permet de cristalliser, dans une image de marque, un mouvement d’opinion. |
Renom |
Années 1980 Parution des premiers guides sur le vin (Hachette 1985, Parker 1987). |
200
Domestique Réputation |
Proximité, confiance et réputation. Marque/variété, terroir, indication géographique de l’origine (IGP). La qualité est basée sur la tradition, les règles du savoir-vivre, le respect, la responsabilité, l’éducation à ce qu’est un bon vin. Respect des règles de vinification du cahier des charges des AOP. Le vin peut être considéré comme un patrimoine. |
Confiance |
Années 1930 Lois françaises sur les indications géographiques (dont les AOP). |
Civique Intérêt général |
Impacts « collectifs » sur la société et l’environnement, bien commun, intérêt général Labels, certifications (bio, commerce équitable, etc.), marques collectives (IG, AOP). |
Bien commun |
Années 1990 Système de géotraçabilité les producteurs voulant montrer leur respect de l’économie durable (sociale et environnementale). |
Industrielle Efficacité |
Mesure externe « objective » (ou du moins mesurable). Test en laboratoire, codification des procédures, normes de sécurité alimentaire. Recherche de l’efficacité dans la production, informations générales sur le produit (composition, calories, produits allergènes, etc.), lutte contre la fraude. |
Mesure |
Années 1880, définitions du vin 1962-2008, OCM vitivinicole. Années 1990, mesures de protection de la santé. |
Marchande Prix |
Biens marchands qui, même s’ils ont des caractéristiques différentes, sont comparables et désirés selon l’opinion et l’intérêt que l’individu en a. Réduction du choix d’options au format de marchandises dotées d’un prix que l’on peut acheter ou vendre. Le prix correspond à la « véritable valeur » du vin. |
Concurrence |
Depuis 1995, volonté de l’OMC de privilégier les marques par rapport aux IG dans le marché mondial ; OCM agricole unique de 2008. |
Fig. 1 – Conventions légitimes et caractéristiques de la qualité des vins.
Les producteurs de vin cherchent à se placer au mieux dans la bataille de classement des vins, dans la guerre culturelle autour des critères de jugement et d’excellence. Leurs stratégies peuvent être très diversifiées. Certains vont valoriser leur produit dans une logique traditionnelle 201d’appellation3, alors que d’autres, peu favorisés par les représentations que les consommateurs ont de leur produit, vont adopter des règles du jeu relevant de la culture anglo-saxonne4 qui leur sont plus favorables, les classements par cépages par exemple. On peut trouver des actions originales chez des propriétaires de grands crus classés qui mettent sur le marché des vins de table5. Dans tous les cas, les producteurs cherchent à influer sur l’évolution des normes, les principes de jugement du vin. Ils vont essayer de peser sur la convention de qualité retenue comme légitime.
Les grammaires du commun traduisent la manière de s’engager et de se coordonner. Laurent Thévenot (2010 et 2014) en identifie trois :
– la grammaire des grandeurs plurielles ou grammaire des conventions plurielles (GCP) où sont confrontées les différentes grandeurs et leur légitimité dans des épreuves critiques. Le modèle des grandeurs plurielles « relie la reconnaissance de qualifications faisant autorité au jugement en situation » (Thévenot, 2010, p. 6). Il peut y avoir des compromis, des compatibilités entre les différentes conventions ;
– la grammaire libérale (GL) est adossée aux conventions marchande – le marché érigé en modèle d’organisation sociale – et industrielle – gouvernement par les normes, standards, objectifs (fig. 1). En outre, la convention marchande est placée en position supérieure et acquiert en même temps une extériorité qui la soustrait au débat ; elle est posée comme une incontournable procédure d’agrégation (Thévenot, 2010). L’autorité légitime est celle de l’individu autonome choisissant parmi des options reconnues. Au lieu de laisser la place aux tensions, aux dénonciations d’une convention légitime au nom d’une autre, la grammaire libérale du commun lisse le différend dans une 202–différence de choix d’individus exposés comme « opinions » ou « intérêts ». Les différentes caractéristiques du bien commun sont rejetées ;
– la grammaire par affinités où le commun se construit à partir de la mise en partage d’affinités personnelles.
Depuis la fin du xxe siècle, la critique des politiques publiques au nom de l’individu favorise une GL. Cette évolution va impacter les vins AOP et plus généralement les indications géographiques (IG). En effet, les IG s’articulent sur un compromis domestique-civique (fig. 1). La qualité de ces vins s’appuie sur la tradition, le savoir-faire, l’histoire, l’origine. L’évolution internationale, montre que les IG sont associées au développement rural, à la préservation de biens publics (Belletti, Marescotti et Touzard, 2015) et ont donc une dimension civique. Le vin est un bien singulier, il peut être considéré comme un patrimoine.
Les objets de nature domestiques sont des biens patrimoniaux (Boltanski et al.,1991, p. 302).
Pour obtenir le comportement du consommateur souhaité, les IG visent à remplacer la concurrence par des fidélités non réflexives (ibid.). Face à la multiplicité des choix possibles, les IG appellent un engagement actif de la part du consommateur pour satisfaire les conditions de choix raisonnable, elles doivent maintenir les goûts personnels (Karpik, 2007, p. 178). Pour les marques, au contraire, « la captation domine et favorise les luttes concurrentielles : il faut l’emporter sur les dispositifs concurrents en étant plus informatif, plus persuasif, ou pour toute autre raison. […] curiosité, intérêt, plaisir, passion, distinction, persuasion, séduction, éthique […] » (ibid., p. 78). Les marques privées sont plutôt liées à une disposition des acteurs à endosser les goûts portés par les dispositifs et/ou les produits (ibid., p. 144). La marque mobilise donc un compromis opinion-marché.
Les AOC [appellations d’origine contrôlée] (et les IG plus généralement) visent à garantir publiquement la singularité d’un bien ou d’un service à l’aide d’une obligation de moyens de production certifiée par une autorité de contrôle, tandis que la marque concentre une signification censée maintenir son identité, et celle des produits qu’elle représente, à travers le temps et l’espace (Karpik, 2007, p. 70).
203Certes, le système des marques peut être couplé à une certification technique, éthique, environnementale (Belletti, Marescotti et Touzard, 2015), mais il y a une volonté d’uniformisation des produits. À l’opposé, l’appellation a une dimension collective autour d’une notion de terroir ou de territoire. Le rapport au bien public est différent.
D’un côté [la marque], la production en grand de vins aux goûts plaisants et à la qualité homogène ; de l’autre [l’IG], les particularismes, la variabilité, les surprises parfois bonnes, parfois mauvaises qui caractérisent une multiplicité de singularités difficiles à évaluer et à comparer. D’un côté, un choix facile au résultat prévisible ; de l’autre, un choix compliqué aux conséquences incertaines (Karpik, 2007, p. 178).
Grammaires du commun, conventions de qualités et règles de droit ont des relations réciproques. Une règle de droit a besoin d’une convention sous-jacente pour être formulée puis appliquée. À l’inverse, une convention peut être soutenue par une règle de droit ou être remise en cause par une nouvelle règle juridique qui va s’institutionnaliser. En outre, en précisant le contenu et les modalités d’application de la convention de qualité, le cadre institutionnel explicite la grammaire du commun, la façon de se coordonner. Il est donc pertinent, pour montrer l’évolution de la grammaire du commun et des conventions de qualité sur le marché du vin, de se pencher sur l’évolution du cadre institutionnel.
2. Évolution du cadre institutionnel,
une désingularisation du produit
Toutes les règles sont porteuses de valeurs, nourries d’une interprétation du social et de conceptions du mode de régulations (Lascoumes et Le Galès, 2005) ; elles coordonnent les représentations sur les comportements (Jeammaud, 1982) ; elles participent à la construction d’une identité collective (Searle, 1998). D’une part, le système juridique institutionnalise la convention de qualité et renforce la légitimité, la diffusion et la stabilisation à un moment et dans un lieu donnés ; d’autre part, il institutionnalise les grammaires du commun.
204L’étude empirique que nous avons menée montre à travers l’analyse du cadre institutionnel le glissement historique d’une GCP vers une GL. Nous avons recensé tous les textes européens et français portant sur l’organisation du marché du vin. Pour les textes français, de 1905 à 2009 plus le Code rural et de la pêche maritime version consolidée au 27/04/2014 ; pour les textes européens, de 1962 à 2012, dont les 6 OCM vitivinicoles et l’OCM unique (cf. annexe pour la liste de ces textes).
À partir du recensement de ces textes, nous avons créé des corpus6 sur lesquels nous avons utilisé un logiciel d’analyse et de traitement des données textuelles (Alceste7). Le logiciel permet une seconde lecture des textes caractérisant l’environnement institutionnel du secteur vitivinicole, objectivant les tendances que nous avons pu déceler ou pointant des angles que nous aurions pu négliger (Isla, 2011 et 2014).
Plusieurs conventions de qualité vont apparaître, se combiner, prendre plus ou moins d’importance dans l’histoire de la réglementation du vin. En 1855, lors de l’exposition universelle, certains négociants et producteurs français mobilisent la convention de l’inspiration8en mettant en place le classement des vins les plus chers de Bordeaux. Le vin est présenté comme une œuvre d’art, l’essentiel est la renommée ; les règles et les savoir-faire ne sont pas directement en jeu. Quarante-quatre ans plus tard, motivée par la crise du phylloxéra et l’utilisation par les producteurs de substituts dans leurs vins, la loi française du 14-08-1889 énonce la première définition légale du vin, « produit de la fermentation complète ou partielle du raisin frais ou jus de raisin frais », définition qui se veut objective et qui renvoie à une convention industrielle. Dans cette perspective, de nombreux autres décrets vont suivre. Parallèlement, plusieurs congrès internationaux9 réfléchissent à la lutte contre la fraude. Mais certains producteurs veulent mettre en avant l’authenticité de leurs vins, la qualité basée sur la tradition, les savoir-faire, les terroirs. Le législateur s’inspire de ces pratiques et leur donne un ancrage plus général en créant, dans la loi de 1905, les 205« appellations d’origine » ou « appellations d’origine simple ». Il s’agit d’un compromis entre conventions domestique et industrielle.
Les délimitations administratives des zones de production font souvent l’objet d’affrontements politiques (Laferté, 2006). Pendant les premières années du xxe siècle, deux approches de codification de la qualité s’opposent et donnent lieu à de nombreux procès (ibid. chap. 2) : doit-on privilégier une qualité « substantielle des vins » (conception manufacturée du vin, pratique des équivalences et coupage, pouvoir du négociant) ou une « qualité liée à l’origine » (conception naturelle, pouvoir du propriétaire) ; c’est-à-dire une convention industrielle ou domestique ? Quelles sont les pratiques licites et illicites ? Les syndicats de propriétaires multiplient les procès contre les négociants qui coupent leur vin10. En retour, les négociants promeuvent les marques commerciales privées. Les comportements opportunistes se multiplient, par exemple la déclaration de récoltes plus importantes que la réalité pour revendre au négoce des droits d’appellation (ibid. p. 55]. Une succession de lois et de décrets en découlent. Finalement, la loi de 1935 donnera raison aux propriétaires11.
La loi du 30-07-1935, institue le système de « protection et désignation d’origine ». Cette loi est la base de la régulation des régimes de qualité européens qui suivra. Elle crée les AO (aire de production, cépages, rendements, degré alcoométrique, procédés de culture et de vinification ou de distillation). En 1943, le gouvernement institue le Comité national des appellations d’origine12 pour administrer les processus des AOC pour des vins de haute qualité.
En Europe, pour normaliser les AO des différents pays membres, est créée, en 1962, une organisation commune du marché (OCM) spécifique au vin. Cette OCM distingue deux catégories de vin : les vins de table (VDT) et les vins de qualité produits dans des régions déterminées (VQPRD). La gestion des premiers relève de l’UE, et celle des seconds des États. En 1970, la deuxième OCM édicte des 206règles techniques précises (classement des vignes, classement des vins, pratiques œnologiques). Les États membres restent libres de mettre en place des règles plus rigoureuses. L’Europe se focalise sur la convention industrielle, elle définit les catégories, gère les quantités, cherche à supprimer les productions excédentaires. Elle laisse aux États le soin de développer la convention domestique : définition précise de la région délimitée (nature du sol, climat, situation des parcelles, qualité des vins). De 1970 à 2008, toute une série de modifications sera faite en maintenant ces principes13.
Le paysage institutionnel change lorsque la Commission européenne, dans une volonté de développer « un marché concurrentiel et compétitif », va uniformiser la réglementation agroalimentaire, c’est-à-dire insérer le secteur vitivinicole dans la PAC. L’OCM vitivinicole de 2008 est la dernière propre à la filière. On parlera désormais d’OCM unique pour tout le secteur agricole. L’objectif est de « dé-singulariser » le produit vin pour développer la compétitivité dans une perspective où la concurrence est perçue, principalement, comme une concurrence en prix.
Cela se concrétise par la création d’un « marché unique du vin », puis d’un « marché unique agricole14 », avec l’uniformisation de la définition de l’AO pour tous les produits alimentaires et l’assouplissement des pratiques œnologiques et de l’étiquetage (Isla 2011 et 2014). On assiste aussi à un changement dans les équilibres de pouvoirs entre les États et la Commission européenne. Jusque-là, les États membres avaient une marge de manœuvre importante pour les VQPRD et pouvaient notamment établir des règles plus restrictives que celles exigées par la Commission15. Le développement des VQPRD depuis deux décennies avait réduit le rôle de l’UE dans la gestion du secteur ; mais en fusionnant les 21 OCM agricoles, la Commission ouvre la voie à un retournement de la situation, une prise de contrôle et un basculement 207des VQPRD, désormais AOP, vers un problème européen. Dorénavant, la reconnaissance en AOP n’est plus faite par les États membres, mais par la Commission. Or, ce n’est pas exactement la même conception de la qualité qui est mobilisée. La vision européenne mobilise en priorité les conventions marchande et industrielle (multiplication des indicateurs et mesures). Les textes nationaux mobilisent en priorité la convention domestique (pour une argumentation plus détaillée, voir les dendrogrammes, les cartographies et les graphiques produits par le logiciel Alceste (Isla, 2014).
Les textes français s’articulent en premier lieu sur les notions de bassin vitivinicole, de canton, de commune, de terroir et d’appellation, sur le respect des règles de vinification. On y retrouve une convention domestique qui insiste sur la permanence et la continuité d’une tradition. Les guides sur le vin qui se développent à partir des années 1980 vont articuler cette convention à celle de l’opinion permettant de médiatiser la qualité, mais en participant aussi au glissement vers une convention marchande. La référence au rendement, à la définition des primes, à l’arrachage, au degré d’alcool, etc., ne vient qu’en deuxième position dans les textes français (Isla, 2014). Au niveau européen, c’est l’inverse. Les aspects techniques ressortent en premier lieu (convention industrielle) alors que les aspects liés à la qualité, au terroir et à l’origine n’apparaissent que dans un second temps. La Commission rompt le lien à l’origine (convention domestique) et donne une grande place à une qualification marchande par la concurrence. Cette priorité donnée au développement de la concurrence est récurrente dans le débat marque versus IG.
Au niveau de l’OMC, l’accord ADPIC (accords sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) de 1994 a totalement modifié l’approche de la protection des IG (dont les AOP) en élargissant le champ de la protection intellectuelle aux IG à côté de celle des marques. L’OIV qui avait été créée en 192716 pour défendre les AO, précise en 2001 que les propositions de protections ne doivent pas remettre« en cause les accords internationaux en matière de commerce et de propriété intellectuelle17 », en d’autres termes, elles ne doivent pas aller à l’encontre du développement d’une GL.
208Dans une GL, les AOP et les IG basées sur des conventions domestiques et civiques peuvent induire des distorsions de concurrence et fausser l’information du consommateur (Isla, 2009). L’instauration d’un « marché concurrentiel et compétitif » passe par l’objectivisation marchande des biens. Les conventions de qualité sont réduites à des caractéristiques ou des propriétés du vin-bien marchand. Avec le développement de la GL, « au lieu que les différentes grandeurs soient maintenues sur le même plan dans le débat critique, l’une d’elles, la grandeur marchande, est placée en position d’autorité supérieure » (Thévenot, 2010, p. 13). Dans ces conditions, la qualification civique, par exemple, est réduite à un label « solidaire » ou un « éco-label », les grandeurs légitimes sont repliées dans les caractéristiques des biens. Il est difficile de défendre une vision des conventions plurielles dans une GL (Thévenot, 2010).
Dans la GCP, la différence privilégiée porte sur la caractérisation du bien commun (Thévenot, 2010) qui découle des compromis entre les différentes conventions. C’était le cas au début du xxe siècle quand les aspects qualitatifs du vin, liés à la confiance, à l’origine, à la tradition, aux terroirs et aux savoir-faire, ont été choisis comme solution pour réguler le secteur des IG et des AOP. Dans la GL qui se développe à la fin du xxe siècle, les conventions de qualité sont réduites à l’état de simples opinions (fig. 1). Comme on l’a vu, il ne faut pas qu’un ancrage trop fort vienne nuire à la concurrence. Les consommateurs sont appréhendés comme des individus autonomes, capables de faire des choix dans l’éventail des informations proposées, et responsables de ces choix ; les producteurs, appréhendés comme des participants, doivent améliorer la transparence de l’information. Les caractéristiques des conventions légitimes, en particulier celles qui soutiennent la logique d’appellation, sont mises à mal par ces nouvelles régulations. C’est dans ce nouveau cadre institutionnel et pour répondre à ce nouvel environnement juridique que des producteurs de vin ou des entreprises d’authentification et d’identification18 développent, depuis les années 2000, des systèmes de géotraçabilité.
209Conclusion
La lutte économique pour le contrôle du marché, la confrontation entre les vins français, et plus globalement européens, et les vins du Nouveau Monde, mettent en cause un enjeu central : les goûts du vin, les goûts des consommateurs, l’extrême diversité et la signification culturelle et sociale accordées aux vins. L’étude des textes réglementaires à travers la grille de lecture des économies de la grandeur (Boltanski et Thévenot, 1991) et la grammaire des communs (Thévenot, 2010 et 2014) révèle une double évolution : glissement des registres de légitimité d’une convention domestique-civique vers une convention de plus en plus marchande, passage d’une grammaire des conventions plurielles à une grammaire libérale d’individus optant. La critique des politiques publiques au nom de l’individu a fait place à trois engagements de niveau public (Thévenot, 2010) : i) la concurrence érigée en modèle d’organisation du secteur du vin (convention marchande), ii) l’extension d’un esprit managérial et compétitif (convention industrielle), iii) l’intérêt individuel tenu pour moteur de toute action humaine (GL). Ce registre porté par l’OMC et la Commission européenne, conduit à une « désingularisation » du produit. « Au débat politique sur les fondements de la construction du commun se substituent des processus de négociations et la mise en balance “d’intérêts” ou “d’opinions” » (Pattaroni, 2016, p. 54). Cette désingularisation a deux impacts sur les vins d’appellation : non seulement une concurrence accrue des vins de marque et de cépage, mais aussi une mobilisation plus difficile des références traditionnelles aux conventions de qualité domestique et civique. Face à cette « désingularisation » portée par l’OMC et la Commission européenne, une partie des producteurs de vins innovent pour conférer une nouvelle singularité au vin, en utilisant notamment la géotraçabilité. L’étude de ces systèmes de géotraçabilité serait un terrain possible d’approfondissement des enjeux de la singularité sur le marché du vin.
Les systèmes de géotraçabilité promeuvent l’autorité libérale conférée à un individu libre dans le choix de ses options, en augmentant la transparence de l’information. En effet, il est difficile de dénoncer une convention légitime afin d’en faire valoir d’autres dans une GL du 210commun. En ajoutant des caractéristiques au produit et en combinant des dispositifs techniques et une disposition sociale, la curiosité, les systèmes de géotraçabilité ont pour but d’éveiller l’intérêt individuel des consommateurs (Cochoy, 2011). Certains de ces systèmes – GS1, Tagwine, eProvenance, etc. – recensent des indicateurs de stockage, de transport, de température des vins, des lieux de commercialisation, des avis des autres utilisateurs, d’allergènes, etc. Ils relèvent de l’individualisation qui est caractéristique de la marque. D’autres, comme Geowine19, concernent des vins d’appellation et veulent donner du sens à l’AOP, valoriser les vins de terroir20 face à l’arrivée de nouveaux entrants, comme les vins de cépage. Geowine propose au consommateur de scanner à l’aide de son téléphone le datamatrix (code-barre à deux dimensions) ou d’entrer le numéro inscrit sur la bouteille pour avoir accès à un portail internet spécifique et retrouver toutes les informations relatives à ce vin. Le consommateur a accès à une traçabilité de la vigne à la bouteille concernée. Sur ce portail est expliquée l’importance du terroir et sont développées les caractéristiques du vin (nature des sols, pente, altitude, cartographie, conditions climatiques locales liées au millésime, éclairage en heures de la parcelle, énergie globale en kwh/m2 de la parcelle), les données sur ce vin (cépages, parcelles, vinification, dégustation), l’éthique du travail (vidéos de vignerons et de cavistes), l’importance du développement durable (diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires). Lorsque la géotraçabilité est mobilisée par des vins d’appellation, comme c’est le cas dans le système Geowine, les vins restent des appellations (respect d’un cahier des charges et soumission à des autorités de contrôle), mais les producteurs de ces vins d’appellation vont utiliser les outils des marques pour « se vendre » ; il s’agit de rajouter à un signe de qualité collectif une individualisation du produit et une multiplication des options et des choix.
En outre, nous avons abordé l’évolution du secteur vitivinicole à travers le prisme du cadre institutionnel ; l’étude des réseaux d’acteurs capables de les influencer (Belletti, Marescotti et Touzard, 2015) est aussi une pièce essentielle de la compréhension et devra compléter cette description. Il faut aussi garder à l’esprit l’encastrement de l’histoire de la jurisprudence dans de multiples contextes : contextes culturels 211(Laferté, 2006) ; rôle des consommateurs dans la perception des goûts du vin (Barrère, 2007 ; Cochoy, 2011) ; responsabilité de la montée en puissance des vins du « Nouveau Monde » dans la remise en question des classifications (Garcia-Parpet, 2004) ; rôle des experts et des scientifiques dans la construction de normes (Lascoumes et Le Galès, 2005) ; part du changement climatique dans l’évolution des comportements (Touzard et Ollat, 2014).
212ANNEXe
Liste des textes étudiés
1905 |
Loi F sur la répression des fraudes, denrées alimentaires et des produits agricoles JO 05-08-1905 |
1924 |
Arrangement portant création à Paris d’un office international du vin (OIV) |
1935 |
Dct-loi du 30-07-1935 : Défense du marché des vins et régime économique de l’alcool. |
1958 |
Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international |
1962 |
Rglt CE du 24-04-1962 portant établissement graduel d’une OCM-vitivinicole |
1964 |
Dct F no 64-902 du 31-08-1964 relatif à la production viticole et à l’organisation du marché du vin |
1966 |
Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international |
1970 |
Rglt CE no 816/70 du Conseil du 28-04-70, portant dispositions complémentaires en matière d’OCM-vitivinicole |
1975 |
Dct F no 75-762, 06-08-1975, propriété industrielle, marques, protection AO |
1976 |
Rglt CE no 1162/76 du 17-05-76, portant des mesures visant à adapter le potentiel viticole aux besoins du marché |
1976 |
Rglt CE no 1163/76 relatif à l’octroi d’une prime de reconversion dans le domaine de la viticulture |
1979 |
Rglt CE no 337/79 du Conseil du 05-02-79 portant OCM-vitivinicole |
1979 |
Dct F no 79-755 du 04-09-1979 application de la loi du 01-08-1905 |
1986 |
Rglt CE no 2392/86, établissement du casier viticole communautaire |
1987 |
Rglt CE no 822/87 du Conseil du 16-03-1987 portant OCM-vitivinicole |
1988 |
Dtve 89/104/CEE du Conseil du 21-12-1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques |
1991 |
Arrêté du 14-05-1991 label des vins d’appellation d’origine « Vin délimité de qualité supérieure » |
1992 |
Décision 92/10/CEE du Conseil du 19-12-1991 reportant la date de mise en vigueur de la Dtve 89/104/CEE |
1992 |
OIV- Résolution Eco 2/92 – Résolution de Madrid |
1993 |
Dct du 07-01- 1993 relatif à la désignation et à la présentation des vins à appellation d’origine |
1993 |
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Abréviations utilisées : Rglt = règlement ; Dct = décret ; Dtve = directive ; F = France ; CE = Communautés européennes
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1 Pour Karpik (2007, p. 38), un marché marqué par l’incertitude sur la qualité, et par des acteurs à la recherche de la « bonne » singularité est un marché des singularités.
2 La liste des textes étudiés est en annexe.
3 Les producteurs de Chinon par exemple (cf. Garcia-Parpet, 2004).
4 « Grande capacité de mise en marché provenant plus de partenariats que d’un fort investissement patrimonial, production de qualité adaptée à la demande d’un public dans l’incapacité de se repérer dans un éventail complexe de produits, intégration des fonctions de production et de distribution, traçabilité de processus de production importée de l’activité industrielle […] fréquence des marques » (Garcia-Parpet, 2004, § 39). C’est la stratégie adoptée par des producteurs du Languedoc-Roussillon.
5 Saint-Émilion en 2004, par exemple.
6 3 corpus sur la traçabilité et 3 sur l’organisation du vin (français, européen et global), 3 corpus recensant tous les textes cités dans les règlements européen principaux de 1999, 2002 et 2008, 1 corpus global rassemblant tous les textes.
7 http://www.image-zafar.com/Logiciel.html.
8 Pour les caractéristiques de chaque convention, cf. fig. 1.
9 En 1874, 1908 et 1909.
10 En les accusant de fraudeurs. Mais la question n’est pas tant la fraude qu’une autre conception du vin, une autre légitimité.
11 Les travaux de Gilles Laferté (2006) montrent comment les propriétaires ont réussi à politiser leur intérêt. Leur nombre (90 000 viticulteurs pour quelques centaines de négociants dans la région Bourgogne au début du xxe siècle) va leur faciliter la tâche. Voir aussi Olivier Jacquet (2009).
12 Qui deviendra l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité).
13 Pour la liste des textes étudiés, cf. annexe.
14 Nous pouvons parler d’une « dé-spécification » de la politique vitivinicole ou d’une uniformisation de la réglementation agroalimentaire (cf. « l’horizontalité communautaire », règlement (CE) no 479/2008, art. 9,23). Cette volonté s’inscrit dans un projet politique global relatif à la compétitivité de l’économie européenne : The Better Regulation Strategy. Lancée par le Conseil européen de Lisbonne en 2000, cette stratégie comporte une liste d’objectifs transversaux tels que la « simplification » de la réglementation européenne (Mandelkern Group on Better Regulation, rapport final, 13 novembre 2001).
15 Par exemple, l’utilisation des copeaux de bois pour les vins AOP est autorisée par l’UE, alors que l’INAO en France l’interdit.
16 Ratifié par cinq pays. En 2001, l’OIV devient l’Organisation internationale de la vigne et du vin ; elle compte aujourd’hui 45 pays.
17 http://www.oiv.int/oiv/cms/index (2001).
18 Aussi bien pour les vins de marques que pour les IG. Citons, par exemple, le système Code Online de GS1 France ou celui développé par la SICPA, multinationale suisse, pour tracer et authentifier les vins espagnols, ou encore Tagwine, eProvenance, RFID, etc.
19 www.geowine.net
20 La notion même de terroir peut porter à discussions et controverses (cf. G. Teil, 2013).
- Thème CLIL : 3306 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie de la mondialisation et du développement
- ISBN : 978-2-406-07196-9
- EAN : 9782406071969
- ISSN : 2555-0411
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07196-9.p.0197
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 17/11/2017
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français
- Mots-clés : Qualité du vin, régulation, convention, singularité, grammaire du commun