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Classiques Garnier

Évolution des conventions de qualité et enjeux de la singularité sur le marché du vin

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Systèmes alimentaires / Food Systems
    2017, n° 2
    . varia
  • Auteur : Isla (Anne)
  • Résumé : Cet article étudie l’évolution du cadre institutionnel du secteur vitivinicole à travers le prisme de la sociologie des régimes d’engagements. Il montre que les régulations, européennes et mondiales depuis quelques années, relèvent de la « dé-singularisation » et de la « grammaire libérale ». Cette évolution va impacter les conventions de qualité mobilisables. La recherche mobilise les textes français et européens de 1905 à 2014, qui sont resitués dans le cadre des accords de l’OMC.
  • Pages : 197 à 217
  • Revue : Systèmes alimentaires
  • Thème CLIL : 3306 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie de la mondialisation et du développement
  • EAN : 9782406071969
  • ISBN : 978-2-406-07196-9
  • ISSN : 2555-0411
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07196-9.p.0197
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 17/11/2017
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Qualité du vin, régulation, convention, singularité, grammaire du commun
197

Évolution des conventions de qualité
et enjeux de la singularité
sur le marché du vin

Anne Isla

Université de Toulouse, LEREPS

Introduction

Le vin a ceci de particulier que lincertitude sur la qualité subsiste jusquà la consommation. Par conséquent, lorganisation de la production, les modalités de vinification et délevage, les investissements effectués, les formes de commercialisation du produit, létiquetage des bouteilles, etc., doivent être en cohérence avec une vision commune de ce qui fait la qualité du produit, parmi une pluralité de définitions possibles (Stanziani, 2005).

Le choix du « bon » vin doit être fondé sur un jugement, le sien ou celui dun autre, en fonction des normes sociales en vigueur. Les dispositifs de jugement proposent aux consommateurs une connaissance orientée qui doit leur permettre de faire des choix raisonnables, cela fait partie des pratiques civilisées (Karpik, 2007). Ces dispositifs réduisent le déficit cognitif sur les marchés des singularités1. Ils sont construits par de multiples acteurs : producteurs, vendeurs, professionnels du marché, mass-média, pouvoirs publics.

Le système juridique instrumentalise et renforce la convention de qualité issue des pratiques de la société et retenue comme légitime. Une analyse 198des textes européens et français permet de montrer quil y a une tendance à la « désingularisation » du produit « vin ». Lobjet de cet article est de montrer cette évolution. Pour cela, nous avons étudié les textes juridiques européens publiés entre 1962 (première organisation commune du marché du vin) et 2012, et les textes français publiés entre 1905 (« loi sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles ») et 20142.

Les travaux de la sociologie des régimes dengagements de Thévenot (2010, 2014) nous fournissent une grille de lecture de la construction et lévolution des dispositifs de jugement. Loriginalité de ces travaux est darticuler en même temps les registres de légitimité et larchitecture et lorganisation du collectif (partie 1). Nous montrons que lévolution du cadre institutionnel se traduit par un développement de la grammaire libérale, notamment depuis les années 2000. Cela va impacter les conventions de qualité mobilisables. Cette évolution, censée développer la concurrence sur le marché du vin, met en tension le principe de singularité sur lequel se fonde une partie du marché du vin, en loccurrence les vins dappellation (partie 2).

1. Grammaire des communs et ordres de grandeur :
un cadre pour évaluer les jugements
sur la qualité du vin

Nous utilisons la grille de lecture de la sociologie des régimes dengagements de Thévenot (2010 et 2014) pour étudier les dispositifs de jugements sur la qualité du vin. Ce cadre a le mérite de combiner 1) la pluralité des ordres de grandeur, c.-à-d. les registres de légitimité, et 2) la grammaire des communs, c.-à-d. larchitecture et lorganisation du collectif qui caractérise le pouvoir ou la capacité de prendre part au commun.

Les registres de légitimité des économies de la grandeur (Boltanski et al., 1991) permettent de dégager les conventions de qualité qui serviront à évaluer les biens sur les marchés (Eymard-Duvernay, 2002 ; Ponte, 2009) : i) une convention domestique qui sappuie sur la tradition, sur 199des savoir-faire spécifiques, sur le rôle coordinateur de la confiance entre personnes ; ii) une convention marchande dont le prix est létalon de la qualité ; iii) une convention industrielle qui renvoie à la conformité à un standard, à un investissement technique qui assure une régularité temporelle et une irréversibilité ; iv) une convention civique où la qualité du produit est liée à un engagement pour le bien-être collectif, notamment par rapport aux impacts sociaux et environnementaux ; v) une convention de lopinion où lincertitude sur la qualité est résolue grâce au jugement, considéré comme objectif, dun acteur qui est externe à léchange et qui a une « bonne réputation » ; vi) une convention de linspiration où la personnalité dun des acteurs de léchange, dont la vision géniale, intuitive, créative ou complètement étrange, prévaut pour évaluer la qualité.

Le marché du vin ne se laisse enfermer dans aucune des conventions identifiées (Ponte, 2009), il fait appel à plusieurs formes de justification. Nous le synthétisons dans la figure suivante.

Conventions

Grandeurs

Caractéristiques
de la qualité

Principes de coordination

Exemples

Inspiration

Foi

Vin unique ; vigneron ou propriété.

La qualité est peu ou pas objectivable. Est grand ce qui échappe à la maîtrise, à la mesure. Le vin est une création (artistique), un « être » singulier. Il est unique, universel, culte.

La marque est plus proche de la griffe du grand couturier que de la marque per se (Barrère, 2007) ; ex. : Petrus, Romanée Conti.

Unicité
du produit

1855, classement des grands crus de Bordeaux. Classements UNESCO 1999, 2007, 2015 de parcelles au patrimoine culturel mondial.

Opinion

Célébrité

Jugement externe non objectif, opinion, renom, notoriété.

La renommée (virtuellement possible du jour au lendemain) se propage grâce à un intermédiaire, un média (par ex. un guide des vins : Parker, Hachette, etc.) chargé de véhiculer le message jusquau public visé. La marque permet de cristalliser, dans une image de marque, un mouvement dopinion.

Renom

Années 1980

Parution des premiers guides sur le vin (Hachette 1985, Parker 1987).

200

Domestique

Réputation

Proximité, confiance et réputation.

Marque/variété, terroir, indication géographique de lorigine (IGP).

La qualité est basée sur la tradition, les règles du savoir-vivre, le respect, la responsabilité, léducation à ce quest un bon vin. Respect des règles de vinification du cahier des charges des AOP. Le vin peut être considéré comme un patrimoine.

Confiance

Années 1930

Lois françaises sur les indications géographiques (dont les AOP).

Civique

Intérêt général

Impacts « collectifs » sur la société et lenvironnement, bien commun, intérêt général

Labels, certifications (bio, commerce équitable, etc.), marques collectives (IG, AOP).

Bien commun

Années 1990

Système de géotraçabilité les producteurs voulant montrer leur respect de léconomie durable (sociale et environnementale).

Industrielle

Efficacité

Mesure externe « objective » (ou du moins mesurable).

Test en laboratoire, codification des procédures, normes de sécurité alimentaire. Recherche de lefficacité dans la production, informations générales sur le produit (composition, calories, produits allergènes, etc.), lutte contre la fraude.

Mesure

Années 1880, définitions du vin

1962-2008, OCM vitivinicole.

Années 1990, mesures de protection de la santé.

Marchande

Prix

Biens marchands qui, même sils ont des caractéristiques différentes, sont comparables et désirés selon lopinion et lintérêt que lindividu en a. Réduction du choix doptions au format de marchandises dotées dun prix que lon peut acheter ou vendre. Le prix correspond à la « véritable valeur » du vin.

Concurrence

Depuis 1995, volonté de lOMC de privilégier les marques par rapport aux IG dans le marché mondial ; OCM agricole unique de 2008.

Fig. 1 – Conventions légitimes et caractéristiques de la qualité des vins.

Les producteurs de vin cherchent à se placer au mieux dans la bataille de classement des vins, dans la guerre culturelle autour des critères de jugement et dexcellence. Leurs stratégies peuvent être très diversifiées. Certains vont valoriser leur produit dans une logique traditionnelle 201dappellation3, alors que dautres, peu favorisés par les représentations que les consommateurs ont de leur produit, vont adopter des règles du jeu relevant de la culture anglo-saxonne4 qui leur sont plus favorables, les classements par cépages par exemple. On peut trouver des actions originales chez des propriétaires de grands crus classés qui mettent sur le marché des vins de table5. Dans tous les cas, les producteurs cherchent à influer sur lévolution des normes, les principes de jugement du vin. Ils vont essayer de peser sur la convention de qualité retenue comme légitime.

Les grammaires du commun traduisent la manière de sengager et de se coordonner. Laurent Thévenot (2010 et 2014) en identifie trois :

la grammaire des grandeurs plurielles ou grammaire des conventions plurielles (GCP) où sont confrontées les différentes grandeurs et leur légitimité dans des épreuves critiques. Le modèle des grandeurs plurielles « relie la reconnaissance de qualifications faisant autorité au jugement en situation » (Thévenot, 2010, p. 6). Il peut y avoir des compromis, des compatibilités entre les différentes conventions ;

la grammaire libérale (GL) est adossée aux conventions marchande – le marché érigé en modèle dorganisation sociale – et industrielle – gouvernement par les normes, standards, objectifs (fig. 1). En outre, la convention marchande est placée en position supérieure et acquiert en même temps une extériorité qui la soustrait au débat ; elle est posée comme une incontournable procédure dagrégation (Thévenot, 2010). Lautorité légitime est celle de lindividu autonome choisissant parmi des options reconnues. Au lieu de laisser la place aux tensions, aux dénonciations dune convention légitime au nom dune autre, la grammaire libérale du commun lisse le différend dans une 202différence de choix dindividus exposés comme « opinions » ou « intérêts ». Les différentes caractéristiques du bien commun sont rejetées ;

la grammaire par affinités où le commun se construit à partir de la mise en partage daffinités personnelles.

Depuis la fin du xxe siècle, la critique des politiques publiques au nom de lindividu favorise une GL. Cette évolution va impacter les vins AOP et plus généralement les indications géographiques (IG). En effet, les IG sarticulent sur un compromis domestique-civique (fig. 1). La qualité de ces vins sappuie sur la tradition, le savoir-faire, lhistoire, lorigine. Lévolution internationale, montre que les IG sont associées au développement rural, à la préservation de biens publics (Belletti, Marescotti et Touzard, 2015) et ont donc une dimension civique. Le vin est un bien singulier, il peut être considéré comme un patrimoine.

Les objets de nature domestiques sont des biens patrimoniaux (Boltanski et al.,1991, p. 302).

Pour obtenir le comportement du consommateur souhaité, les IG visent à remplacer la concurrence par des fidélités non réflexives (ibid.). Face à la multiplicité des choix possibles, les IG appellent un engagement actif de la part du consommateur pour satisfaire les conditions de choix raisonnable, elles doivent maintenir les goûts personnels (Karpik, 2007, p. 178). Pour les marques, au contraire, « la captation domine et favorise les luttes concurrentielles : il faut lemporter sur les dispositifs concurrents en étant plus informatif, plus persuasif, ou pour toute autre raison. [] curiosité, intérêt, plaisir, passion, distinction, persuasion, séduction, éthique [] » (ibid., p. 78). Les marques privées sont plutôt liées à une disposition des acteurs à endosser les goûts portés par les dispositifs et/ou les produits (ibid., p. 144). La marque mobilise donc un compromis opinion-marché.

Les AOC [appellations dorigine contrôlée] (et les IG plus généralement) visent à garantir publiquement la singularité dun bien ou dun service à laide dune obligation de moyens de production certifiée par une autorité de contrôle, tandis que la marque concentre une signification censée maintenir son identité, et celle des produits quelle représente, à travers le temps et lespace (Karpik, 2007, p. 70).

203

Certes, le système des marques peut être couplé à une certification technique, éthique, environnementale (Belletti, Marescotti et Touzard, 2015), mais il y a une volonté duniformisation des produits. À lopposé, lappellation a une dimension collective autour dune notion de terroir ou de territoire. Le rapport au bien public est différent.

Dun côté [la marque], la production en grand de vins aux goûts plaisants et à la qualité homogène ; de lautre [lIG], les particularismes, la variabilité, les surprises parfois bonnes, parfois mauvaises qui caractérisent une multiplicité de singularités difficiles à évaluer et à comparer. Dun côté, un choix facile au résultat prévisible ; de lautre, un choix compliqué aux conséquences incertaines (Karpik, 2007, p. 178).

Grammaires du commun, conventions de qualités et règles de droit ont des relations réciproques. Une règle de droit a besoin dune convention sous-jacente pour être formulée puis appliquée. À linverse, une convention peut être soutenue par une règle de droit ou être remise en cause par une nouvelle règle juridique qui va sinstitutionnaliser. En outre, en précisant le contenu et les modalités dapplication de la convention de qualité, le cadre institutionnel explicite la grammaire du commun, la façon de se coordonner. Il est donc pertinent, pour montrer lévolution de la grammaire du commun et des conventions de qualité sur le marché du vin, de se pencher sur lévolution du cadre institutionnel.

2. Évolution du cadre institutionnel,
une désingularisation du produit

Toutes les règles sont porteuses de valeurs, nourries dune interprétation du social et de conceptions du mode de régulations (Lascoumes et Le Galès, 2005) ; elles coordonnent les représentations sur les comportements (Jeammaud, 1982) ; elles participent à la construction dune identité collective (Searle, 1998). Dune part, le système juridique institutionnalise la convention de qualité et renforce la légitimité, la diffusion et la stabilisation à un moment et dans un lieu donnés ; dautre part, il institutionnalise les grammaires du commun.

204

Létude empirique que nous avons menée montre à travers lanalyse du cadre institutionnel le glissement historique dune GCP vers une GL. Nous avons recensé tous les textes européens et français portant sur lorganisation du marché du vin. Pour les textes français, de 1905 à 2009 plus le Code rural et de la pêche maritime version consolidée au 27/04/2014 ; pour les textes européens, de 1962 à 2012, dont les 6 OCM vitivinicoles et lOCM unique (cf. annexe pour la liste de ces textes).

À partir du recensement de ces textes, nous avons créé des corpus6 sur lesquels nous avons utilisé un logiciel danalyse et de traitement des données textuelles (Alceste7). Le logiciel permet une seconde lecture des textes caractérisant lenvironnement institutionnel du secteur vitivinicole, objectivant les tendances que nous avons pu déceler ou pointant des angles que nous aurions pu négliger (Isla, 2011 et 2014).

Plusieurs conventions de qualité vont apparaître, se combiner, prendre plus ou moins dimportance dans lhistoire de la réglementation du vin. En 1855, lors de lexposition universelle, certains négociants et producteurs français mobilisent la convention de linspiration8en mettant en place le classement des vins les plus chers de Bordeaux. Le vin est présenté comme une œuvre dart, lessentiel est la renommée ; les règles et les savoir-faire ne sont pas directement en jeu. Quarante-quatre ans plus tard, motivée par la crise du phylloxéra et lutilisation par les producteurs de substituts dans leurs vins, la loi française du 14-08-1889 énonce la première définition légale du vin, « produit de la fermentation complète ou partielle du raisin frais ou jus de raisin frais », définition qui se veut objective et qui renvoie à une convention industrielle. Dans cette perspective, de nombreux autres décrets vont suivre. Parallèlement, plusieurs congrès internationaux9 réfléchissent à la lutte contre la fraude. Mais certains producteurs veulent mettre en avant lauthenticité de leurs vins, la qualité basée sur la tradition, les savoir-faire, les terroirs. Le législateur sinspire de ces pratiques et leur donne un ancrage plus général en créant, dans la loi de 1905, les 205« appellations dorigine » ou « appellations dorigine simple ». Il sagit dun compromis entre conventions domestique et industrielle.

Les délimitations administratives des zones de production font souvent lobjet daffrontements politiques (Laferté, 2006). Pendant les premières années du xxe siècle, deux approches de codification de la qualité sopposent et donnent lieu à de nombreux procès (ibid. chap. 2) : doit-on privilégier une qualité « substantielle des vins » (conception manufacturée du vin, pratique des équivalences et coupage, pouvoir du négociant) ou une « qualité liée à lorigine » (conception naturelle, pouvoir du propriétaire) ; cest-à-dire une convention industrielle ou domestique ? Quelles sont les pratiques licites et illicites ? Les syndicats de propriétaires multiplient les procès contre les négociants qui coupent leur vin10. En retour, les négociants promeuvent les marques commerciales privées. Les comportements opportunistes se multiplient, par exemple la déclaration de récoltes plus importantes que la réalité pour revendre au négoce des droits dappellation (ibid. p. 55]. Une succession de lois et de décrets en découlent. Finalement, la loi de 1935 donnera raison aux propriétaires11.

La loi du 30-07-1935, institue le système de « protection et désignation dorigine ». Cette loi est la base de la régulation des régimes de qualité européens qui suivra. Elle crée les AO (aire de production, cépages, rendements, degré alcoométrique, procédés de culture et de vinification ou de distillation). En 1943, le gouvernement institue le Comité national des appellations dorigine12 pour administrer les processus des AOC pour des vins de haute qualité.

En Europe, pour normaliser les AO des différents pays membres, est créée, en 1962, une organisation commune du marché (OCM) spécifique au vin. Cette OCM distingue deux catégories de vin : les vins de table (VDT) et les vins de qualité produits dans des régions déterminées (VQPRD). La gestion des premiers relève de lUE, et celle des seconds des États. En 1970, la deuxième OCM édicte des 206règles techniques précises (classement des vignes, classement des vins, pratiques œnologiques). Les États membres restent libres de mettre en place des règles plus rigoureuses. LEurope se focalise sur la convention industrielle, elle définit les catégories, gère les quantités, cherche à supprimer les productions excédentaires. Elle laisse aux États le soin de développer la convention domestique : définition précise de la région délimitée (nature du sol, climat, situation des parcelles, qualité des vins). De 1970 à 2008, toute une série de modifications sera faite en maintenant ces principes13.

Le paysage institutionnel change lorsque la Commission européenne, dans une volonté de développer « un marché concurrentiel et compétitif », va uniformiser la réglementation agroalimentaire, cest-à-dire insérer le secteur vitivinicole dans la PAC. LOCM vitivinicole de 2008 est la dernière propre à la filière. On parlera désormais dOCM unique pour tout le secteur agricole. Lobjectif est de « dé-singulariser » le produit vin pour développer la compétitivité dans une perspective où la concurrence est perçue, principalement, comme une concurrence en prix.

Cela se concrétise par la création dun « marché unique du vin », puis dun « marché unique agricole14 », avec luniformisation de la définition de lAO pour tous les produits alimentaires et lassouplissement des pratiques œnologiques et de létiquetage (Isla 2011 et 2014). On assiste aussi à un changement dans les équilibres de pouvoirs entre les États et la Commission européenne. Jusque-là, les États membres avaient une marge de manœuvre importante pour les VQPRD et pouvaient notamment établir des règles plus restrictives que celles exigées par la Commission15. Le développement des VQPRD depuis deux décennies avait réduit le rôle de lUE dans la gestion du secteur ; mais en fusionnant les 21 OCM agricoles, la Commission ouvre la voie à un retournement de la situation, une prise de contrôle et un basculement 207des VQPRD, désormais AOP, vers un problème européen. Dorénavant, la reconnaissance en AOP nest plus faite par les États membres, mais par la Commission. Or, ce nest pas exactement la même conception de la qualité qui est mobilisée. La vision européenne mobilise en priorité les conventions marchande et industrielle (multiplication des indicateurs et mesures). Les textes nationaux mobilisent en priorité la convention domestique (pour une argumentation plus détaillée, voir les dendrogrammes, les cartographies et les graphiques produits par le logiciel Alceste (Isla, 2014).

Les textes français sarticulent en premier lieu sur les notions de bassin vitivinicole, de canton, de commune, de terroir et dappellation, sur le respect des règles de vinification. On y retrouve une convention domestique qui insiste sur la permanence et la continuité dune tradition. Les guides sur le vin qui se développent à partir des années 1980 vont articuler cette convention à celle de lopinion permettant de médiatiser la qualité, mais en participant aussi au glissement vers une convention marchande. La référence au rendement, à la définition des primes, à larrachage, au degré dalcool, etc., ne vient quen deuxième position dans les textes français (Isla, 2014). Au niveau européen, cest linverse. Les aspects techniques ressortent en premier lieu (convention industrielle) alors que les aspects liés à la qualité, au terroir et à lorigine napparaissent que dans un second temps. La Commission rompt le lien à lorigine (convention domestique) et donne une grande place à une qualification marchande par la concurrence. Cette priorité donnée au développement de la concurrence est récurrente dans le débat marque versus IG.

Au niveau de lOMC, laccord ADPIC (accords sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) de 1994 a totalement modifié lapproche de la protection des IG (dont les AOP) en élargissant le champ de la protection intellectuelle aux IG à côté de celle des marques. LOIV qui avait été créée en 192716 pour défendre les AO, précise en 2001 que les propositions de protections ne doivent pas remettre« en cause les accords internationaux en matière de commerce et de propriété intellectuelle17 », en dautres termes, elles ne doivent pas aller à lencontre du développement dune GL.

208

Dans une GL, les AOP et les IG basées sur des conventions domestiques et civiques peuvent induire des distorsions de concurrence et fausser linformation du consommateur (Isla, 2009). Linstauration dun « marché concurrentiel et compétitif » passe par lobjectivisation marchande des biens. Les conventions de qualité sont réduites à des caractéristiques ou des propriétés du vin-bien marchand. Avec le développement de la GL, « au lieu que les différentes grandeurs soient maintenues sur le même plan dans le débat critique, lune delles, la grandeur marchande, est placée en position dautorité supérieure » (Thévenot, 2010, p. 13). Dans ces conditions, la qualification civique, par exemple, est réduite à un label « solidaire » ou un « éco-label », les grandeurs légitimes sont repliées dans les caractéristiques des biens. Il est difficile de défendre une vision des conventions plurielles dans une GL (Thévenot, 2010).

Dans la GCP, la différence privilégiée porte sur la caractérisation du bien commun (Thévenot, 2010) qui découle des compromis entre les différentes conventions. Cétait le cas au début du xxe siècle quand les aspects qualitatifs du vin, liés à la confiance, à lorigine, à la tradition, aux terroirs et aux savoir-faire, ont été choisis comme solution pour réguler le secteur des IG et des AOP. Dans la GL qui se développe à la fin du xxe siècle, les conventions de qualité sont réduites à létat de simples opinions (fig. 1). Comme on la vu, il ne faut pas quun ancrage trop fort vienne nuire à la concurrence. Les consommateurs sont appréhendés comme des individus autonomes, capables de faire des choix dans léventail des informations proposées, et responsables de ces choix ; les producteurs, appréhendés comme des participants, doivent améliorer la transparence de linformation. Les caractéristiques des conventions légitimes, en particulier celles qui soutiennent la logique dappellation, sont mises à mal par ces nouvelles régulations. Cest dans ce nouveau cadre institutionnel et pour répondre à ce nouvel environnement juridique que des producteurs de vin ou des entreprises dauthentification et didentification18 développent, depuis les années 2000, des systèmes de géotraçabilité.

209

Conclusion

La lutte économique pour le contrôle du marché, la confrontation entre les vins français, et plus globalement européens, et les vins du Nouveau Monde, mettent en cause un enjeu central : les goûts du vin, les goûts des consommateurs, lextrême diversité et la signification culturelle et sociale accordées aux vins. Létude des textes réglementaires à travers la grille de lecture des économies de la grandeur (Boltanski et Thévenot, 1991) et la grammaire des communs (Thévenot, 2010 et 2014) révèle une double évolution : glissement des registres de légitimité dune convention domestique-civique vers une convention de plus en plus marchande, passage dune grammaire des conventions plurielles à une grammaire libérale dindividus optant. La critique des politiques publiques au nom de lindividu a fait place à trois engagements de niveau public (Thévenot, 2010) : i) la concurrence érigée en modèle dorganisation du secteur du vin (convention marchande), ii) lextension dun esprit managérial et compétitif (convention industrielle), iii) lintérêt individuel tenu pour moteur de toute action humaine (GL). Ce registre porté par lOMC et la Commission européenne, conduit à une « désingularisation » du produit. « Au débat politique sur les fondements de la construction du commun se substituent des processus de négociations et la mise en balance “dintérêts” ou “dopinions” » (Pattaroni, 2016, p. 54). Cette désingularisation a deux impacts sur les vins dappellation : non seulement une concurrence accrue des vins de marque et de cépage, mais aussi une mobilisation plus difficile des références traditionnelles aux conventions de qualité domestique et civique. Face à cette « désingularisation » portée par lOMC et la Commission européenne, une partie des producteurs de vins innovent pour conférer une nouvelle singularité au vin, en utilisant notamment la géotraçabilité. Létude de ces systèmes de géotraçabilité serait un terrain possible dapprofondissement des enjeux de la singularité sur le marché du vin.

Les systèmes de géotraçabilité promeuvent lautorité libérale conférée à un individu libre dans le choix de ses options, en augmentant la transparence de linformation. En effet, il est difficile de dénoncer une convention légitime afin den faire valoir dautres dans une GL du 210commun. En ajoutant des caractéristiques au produit et en combinant des dispositifs techniques et une disposition sociale, la curiosité, les systèmes de géotraçabilité ont pour but déveiller lintérêt individuel des consommateurs (Cochoy, 2011). Certains de ces systèmes – GS1, Tagwine, eProvenance, etc. – recensent des indicateurs de stockage, de transport, de température des vins, des lieux de commercialisation, des avis des autres utilisateurs, dallergènes, etc. Ils relèvent de lindividualisation qui est caractéristique de la marque. Dautres, comme Geowine19, concernent des vins dappellation et veulent donner du sens à lAOP, valoriser les vins de terroir20 face à larrivée de nouveaux entrants, comme les vins de cépage. Geowine propose au consommateur de scanner à laide de son téléphone le datamatrix (code-barre à deux dimensions) ou dentrer le numéro inscrit sur la bouteille pour avoir accès à un portail internet spécifique et retrouver toutes les informations relatives à ce vin. Le consommateur a accès à une traçabilité de la vigne à la bouteille concernée. Sur ce portail est expliquée limportance du terroir et sont développées les caractéristiques du vin (nature des sols, pente, altitude, cartographie, conditions climatiques locales liées au millésime, éclairage en heures de la parcelle, énergie globale en kwh/m2 de la parcelle), les données sur ce vin (cépages, parcelles, vinification, dégustation), léthique du travail (vidéos de vignerons et de cavistes), limportance du développement durable (diminution de lutilisation des produits phytosanitaires). Lorsque la géotraçabilité est mobilisée par des vins dappellation, comme cest le cas dans le système Geowine, les vins restent des appellations (respect dun cahier des charges et soumission à des autorités de contrôle), mais les producteurs de ces vins dappellation vont utiliser les outils des marques pour « se vendre » ; il sagit de rajouter à un signe de qualité collectif une individualisation du produit et une multiplication des options et des choix.

En outre, nous avons abordé lévolution du secteur vitivinicole à travers le prisme du cadre institutionnel ; létude des réseaux dacteurs capables de les influencer (Belletti, Marescotti et Touzard, 2015) est aussi une pièce essentielle de la compréhension et devra compléter cette description. Il faut aussi garder à lesprit lencastrement de lhistoire de la jurisprudence dans de multiples contextes : contextes culturels 211(Laferté, 2006) ; rôle des consommateurs dans la perception des goûts du vin (Barrère, 2007 ; Cochoy, 2011) ; responsabilité de la montée en puissance des vins du « Nouveau Monde » dans la remise en question des classifications (Garcia-Parpet, 2004) ; rôle des experts et des scientifiques dans la construction de normes (Lascoumes et Le Galès, 2005) ; part du changement climatique dans lévolution des comportements (Touzard et Ollat, 2014).

212

ANNEXe

Liste des textes étudiés

1905

Loi F sur la répression des fraudes, denrées alimentaires et des produits agricoles JO 05-08-1905

1924

Arrangement portant création à Paris dun office international du vin (OIV)

1935

Dct-loi du 30-07-1935 : Défense du marché des vins et régime économique de lalcool.

1958

Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations dorigine et leur enregistrement international

1962

Rglt CE du 24-04-1962 portant établissement graduel dune OCM-vitivinicole

1964

Dct F no 64-902 du 31-08-1964 relatif à la production viticole et à lorganisation du marché du vin

1966

Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations dorigine et leur enregistrement international

1970

Rglt CE no 816/70 du Conseil du 28-04-70, portant dispositions complémentaires en matière dOCM-vitivinicole

1975

Dct F no 75-762, 06-08-1975, propriété industrielle, marques, protection AO

1976

Rglt CE no 1162/76 du 17-05-76, portant des mesures visant à adapter le potentiel viticole aux besoins du marché

1976

Rglt CE no 1163/76 relatif à loctroi dune prime de reconversion dans le domaine de la viticulture

1979

Rglt CE no 337/79 du Conseil du 05-02-79 portant OCM-vitivinicole

1979

Dct F no 79-755 du 04-09-1979 application de la loi du 01-08-1905

1986

Rglt CE no 2392/86, établissement du casier viticole communautaire

1987

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1988

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1992

OIV- Résolution Eco 2/92 – Résolution de Madrid

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1993

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1994

ADPIC-OMC

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1998

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1999

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1999

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1999

Loi F no 99-574 dorientation agricole

1999

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1999

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2000

Rglt CE no 1607/00, VQPRD

2000

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2004

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2006

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2006

Avis du Comité économique et social européen du 22-06-06 sur la réforme du secteur vitivinicole

2006

Loi F no 2006-11 dorientation agricole

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Arrêté F du 05-04-2007 relatif aux conditions dutilisation dun nom de variété pour les vins mousseux

2007

Arrêté F du 13-08-2007 plantation de vignes, vins de pays

2007

Arrêté F du 21-06-2007 plantation, replantation et de replantation, sur-greffage, vins AO

2007

Rglt CE no 1234/2007 du Conseil du 22-10-2007, OCM unique

2007

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2008

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2008

Rectificatif au Rglt CE 479/2008 portant organisation OCM vitivinicole

2008

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2008

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2009

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2009

Rglt CE no 114/2009, mesures transitoires dapplication du Rglt CE 479/2008, vins AO et IG

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2009

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2009

Rglt CE no 607/2009 de la Commission du 14-07-2009 modalités dapplication du Rglt CE no 479/2008, AO, IG, mentions traditionnelles, étiquetage, présentation de certains produits du secteur vitivinicole

2009

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Abréviations utilisées : Rglt = règlement ; Dct = décret ; Dtve = directive ; F = France ; CE = Communautés européennes

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1 Pour Karpik (2007, p. 38), un marché marqué par lincertitude sur la qualité, et par des acteurs à la recherche de la « bonne » singularité est un marché des singularités.

2 La liste des textes étudiés est en annexe.

3 Les producteurs de Chinon par exemple (cf. Garcia-Parpet, 2004).

4 « Grande capacité de mise en marché provenant plus de partenariats que dun fort investissement patrimonial, production de qualité adaptée à la demande dun public dans lincapacité de se repérer dans un éventail complexe de produits, intégration des fonctions de production et de distribution, traçabilité de processus de production importée de lactivité industrielle [] fréquence des marques » (Garcia-Parpet, 2004, § 39). Cest la stratégie adoptée par des producteurs du Languedoc-Roussillon.

5 Saint-Émilion en 2004, par exemple.

6 3 corpus sur la traçabilité et 3 sur lorganisation du vin (français, européen et global), 3 corpus recensant tous les textes cités dans les règlements européen principaux de 1999, 2002 et 2008, 1 corpus global rassemblant tous les textes.

7 http://www.image-zafar.com/Logiciel.html.

8 Pour les caractéristiques de chaque convention, cf. fig. 1.

9 En 1874, 1908 et 1909.

10 En les accusant de fraudeurs. Mais la question nest pas tant la fraude quune autre conception du vin, une autre légitimité.

11 Les travaux de Gilles Laferté (2006) montrent comment les propriétaires ont réussi à politiser leur intérêt. Leur nombre (90 000 viticulteurs pour quelques centaines de négociants dans la région Bourgogne au début du xxe siècle) va leur faciliter la tâche. Voir aussi Olivier Jacquet (2009).

12 Qui deviendra lINAO (Institut national de lorigine et de la qualité).

13 Pour la liste des textes étudiés, cf. annexe.

14 Nous pouvons parler dune « dé-spécification » de la politique vitivinicole ou dune uniformisation de la réglementation agroalimentaire (cf. « lhorizontalité communautaire », règlement (CE) no 479/2008, art. 9,23). Cette volonté sinscrit dans un projet politique global relatif à la compétitivité de léconomie européenne : The Better Regulation Strategy. Lancée par le Conseil européen de Lisbonne en 2000, cette stratégie comporte une liste dobjectifs transversaux tels que la « simplification » de la réglementation européenne (Mandelkern Group on Better Regulation, rapport final, 13 novembre 2001).

15 Par exemple, lutilisation des copeaux de bois pour les vins AOP est autorisée par lUE, alors que lINAO en France linterdit.

16 Ratifié par cinq pays. En 2001, lOIV devient lOrganisation internationale de la vigne et du vin ; elle compte aujourdhui 45 pays.

17 http://www.oiv.int/oiv/cms/index (2001).

18 Aussi bien pour les vins de marques que pour les IG. Citons, par exemple, le système Code Online de GS1 France ou celui développé par la SICPA, multinationale suisse, pour tracer et authentifier les vins espagnols, ou encore Tagwine, eProvenance, RFID, etc.

19 www.geowine.net

20 La notion même de terroir peut porter à discussions et controverses (cf. G. Teil, 2013).