« Faire » le métier ? Comment le métier de médiateur culturel est modelé par l’organisation
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Socio-économie du travail
2019 – 1, n° 5. Que font les organisations aux parcours professionnels ? - Auteurs : Aubouin (Nicolas), Coblence (Emmanuel), Kletz (Frédéric)
- Pages : 39 à 66
- Revue : Socio-économie du travail
« Faire » le métier ?
Comment le métier de médiateur culturel
est modelé par l’organisation
Nicolas Aubouin
Chaire NewPic
PSB, Paris School of Business
Emmanuel Coblence
Institut Supérieur de Gestion, Paris
Frédéric Kletz
Mines ParisTech
Comme le soulignent Rahman et Barley (2017) à propos du design créatif au sein des cabinets d’architectes ou Rocamora (2018) à propos du travail des influenceurs dans la mode, peu de recherches sur les professionnels créatifs (tels que les artistes, designers ou architectes) mettent l’accent sur l’étude minutieuse de leurs « activités professionnelles » quotidiennes au sein des organisations (Rahman et Barley, op. cit. p. 405). Tandis que les organisations créatives s’écartent de plus en plus des formes bureaucratiques standards (Parmentier et Picq, 2016), ces activités professionnelles continuent pourtant d’évoluer rapidement et le font sur des critères de professionnalisation particulièrement flous (Menger, 2002, 2010).
Il devient donc aujourd’hui essentiel de comprendre comment le travail est accompli au sein des organisations créatives et comment l’évolution d’un métier est « organisée ». Deux embûches émergent 40cependant. D’abord, la définition des tâches créatives n’est pas assez stable pour permettre le déploiement des dispositifs de gestion des métiers existants (Freidson, 1986, 2001 ; Béjean, 2008) ; ainsi, d’importantes difficultés dans la description et la classification des métiers culturels ont été identifiées de longue date : « pour chaque activité, pour chaque service, voire pour chaque individu : la définition des tâches est, dans la plupart des cas, imprécise » (Fixari et al., 1996, p. 18). Ensuite, les tentatives de rationalisation managériale du métier culturel viennent fréquemment buter sur les logiques professionnelles : les critères et objectifs de la Gestion des Ressources Humaines (GRH) sont considérés comme incompatibles, voire opposés, aux valeurs artistiques (Chiapello, 1994). Dès lors, la montée en puissance des démarches gestionnaires est souvent ressentie par les artistes comme « une intrusion dans leur domaine réservé » (Kéravel, 1993, p. 109), d’autant que « les métiers de la création sont des activités fortement personnalisées et individualistes » (Sapiro, 2006, p. 3). Ainsi, à l’heure actuelle, les recherches peinent globalement à montrer comment les organisations culturelles sont susceptibles d’accompagner l’évolution d’un métier créatif.
Notre article examine les processus organisationnels par lesquels deux organisations muséales françaises s’efforcent de façonner un métier culturel, celui de médiateur. Ce métier est particulièrement intéressant à étudier dans cette perspective car il se situe à l’interface entre enjeux de création (collections, conception d’expositions) et enjeux organisationnels (fréquentation, développement de la programmation). Notre questionnement est double : dans un contexte caractérisé par une instabilité des critères de professionnalisation, comment un métier culturel, à la frontière entre les collections et le public, se structure-t-il concrètement dans les organisations culturelles ? Quels rôles jouent les dispositifs organisationnels et managériaux dans l’évolution du métier ? Pour instruire ces questions, nous nous appuyons sur une double étude de cas dans le secteur des musées et lieux d’exposition. Nous étudions le Palais de Tokyo (PT), né en 2002 et rapidement devenu l’un des principaux centres de création contemporaine en Europe, et la Cité des Sciences et de l’Industrie (CSI), une institution française de référence en matière de diffusion de la culture scientifique depuis 1986. Notre méthodologie de recherche nous permet d’identifier des traits caractéristiques quant à l’évolution du métier de médiateur, par la comparaison de ces deux 41organisations appartenant à un même champ, mais contrastées par les enjeux stratégiques, les structures managériales et leur histoire.
Cette recherche vise à enrichir le cadre proposé par la sociologie des professions qui, s’il a été d’une très grande fécondité et a introduit une dynamique de recherche considérable sur le mode de construction sociale des métiers (occupations en anglais) et des professions, ne s’est guère focalisé sur la dimension organisationnelle. En effet, la sociologie des professions s’est construite, aux États-Unis, soit autour d’une approche fonctionnaliste visant à étudier des idéaux-types de professions (Parsons, 1968), soit autour d’une approche interactionniste, attentive aux processus sociaux, et étudiant la dynamique et la diversité des pratiques professionnelles (Hughes, 1985) : dans les deux cas, les professions sont étudiées comme des structures sociales obtenant une sorte de « consécration juridique » (Paradeise, 2003), à un niveau très macroscopique ou institutionnel. Des travaux francophones plus récents (Champy, 2009 ; Demazière, 2009 ; Dubar et al., 2015 ; Hénaut, 2011 ; Hénaut et Poulard, 2018) nous invitent cependant à adopter une approche plus contextualisée, voire contingente, des métiers. Héritiers de la sociologie interactionniste américaine, ils préconisent un renouvellement théorique vers une sociologie des groupes professionnels (Champy, op. cit.) et suggèrent de mettre en lumière le rôle des organisations dans la manière de construire et contextualiser les métiers, en particulier ceux connaissant des reconfigurations importantes.
Deux contributions principales se dégagent de notre recherche. Les études de cas mettent d’abord en évidence que le moteur d’une dynamique professionnelle peut se situer à l’intérieur de l’organisation culturelle, le métier ne résultant pas uniquement d’interventions exogènes (organisations professionnelles, État…). Nous montrons également comment l’évolution du métier de médiateur, entre collections et publics, peut constituer un moteur puissant de changement organisationnel des musées.
Dans un premier temps, cet article expose pourquoi le rôle de l’organisation reste insuffisamment exploré dans la sociologie des professions et l’étude du travail culturel, et analyse l’évolution des organisations culturelles conduisant à la transformation du métier de médiateur. En nous basant sur notre double étude de cas, nous montrons ensuite les modalités et difficultés de ces organisations à « faire » le métier : nous identifions des tensions entre les dynamiques professionnelles et 42organisationnelles. Ces données empiriques nous conduisent à dresser des perspectives de recherche plus larges pour l’analyse des métiers créatifs.
I. La dynamique de la médiation
dans les organisations culturelles
Les organisations culturelles semblent plus que jamais confrontées à la transformation de leur activité. Au cœur de métiers traditionnels (tel que celui de la protection et l’exposition des collections pour les organisations patrimoniales) viennent désormais s’incrémenter des missions nouvelles : territoriales, économiques et sociales (Burton et Scott, 2003 ; Aubouin et al., 2010). Si différentes dynamiques ont contribué à transformer profondément les organisations culturelles, comme le tournant commercial des musées (Bayart et Benghozi, 1993 ; Tobelem, 2003), celle de la médiation et des démarches liées aux publics a connu un impact particulier.
I.1. La montée en puissance de la médiation culturelle
Depuis plus de vingt ans se sont développées, de façon exponentielle, des activités multiformes à l’interface entre le public et les œuvres, d’abord dans les musées, puis dans l’ensemble du champ culturel (Aubouin et al., 2010 ; Aubouin et Kletz, 2018 ; Pignot et Saez, 2018) : « La médiation est devenue une évidence pour toute institution : théâtres, musées nationaux, bibliothèques municipales, opéras, services d’archives, salles de cinéma, centres d’art contemporain, monuments historiques, orchestres… proposent une large gamme d’actions dites de médiation, que certaines institutions déclarent comme le cœur de leur mission » (Aubouin et al., 2010, p. 1). D’autres auteurs affirment que la médiation entre art et public constitue précisément le cœur du management des organisations culturelles aujourd’hui : « modern arts management is based on the mediation of internal artistic expression with the external public1 » (Bendixen, 2000, 43p. 12). Ces activités, rangées sous l’appellation générique de “médiation culturelle”, prennent cependant des formes variées : visites-conférences, animation des espaces muséaux, ateliers avec des catégories de publics spécifiques, rencontres avec des artistes, conception de dispositifs numériques ou en ligne, etc.
Soutenue par des politiques publiques locales et nationales (dispositifs sectoriels, financements spécifiques, soutien à l’emploi, chartes), la médiation culturelle semble donc aujourd’hui occuper une place importante dans les organisations culturelles, tant du point de vue du nombre de projets proposés que de la taille des effectifs qui les portent. On assiste à une multiplication des dispositifs locaux d’incitation et de gestion des activités de médiation, mais aussi à de nouvelles organisations des services culturels (Aubouin et al., 2010), et à la structuration progressive des entités en charge de ces questions dans les organisations culturelles : services des publics, services éducatifs ou culturels, services de la médiation culturelle, etc. (Caillet et Lehalle, 1995 ; Dufrene et Gellereau, 2004). Cette dynamique se traduit également par l’émergence de compétences nouvelles, liées à la connaissance de catégories de publics, à l’organisation de projets de médiation ou au type de contenu qui doit être transmis, utilisé ou produit par l’organisation.
Plus récemment encore, ce tournant de la médiation s’est accompagné d’une irruption du numérique dans l’ensemble des organisations culturelles, y compris celles réputées les plus « traditionnelles » ou patrimoniales (Jeanpierre et Roueff, 2014). Cette arrivée a transformé l’activité de médiation, avec l’émergence de la production digitale, de guides numériques d’aide à la visite (Jarrier et Bourgeon-Renault, 2012), de production artistique multi-supports, de plateformes ou d’interfaces documentaires, ou de participation des publics. Le tournant numérique participe donc lui aussi à la transformation des médiations et à ouvrir à de nouvelles voies de professionnalisation.
I.2. Vers une professionnalisation des médiateurs ?
En corollaire, le métier de médiateur a fait son apparition au sein des organisations culturelles depuis les années 1980. Les médiateurs ont été largement promus en France par la politique démocratisation culturelle impulsée par le ministère de la Culture, et soutenus également par d’autres politiques plus larges comme celle des « Emplois Jeunes » 44(Pham, 2004). Cette politique a créé un appel d’air qui a conduit à la multiplication des postes de médiation et d’action culturelle, avant de bénéficier par la suite d’assises professionnelles relativement claires et stables, comme des référentiels de métiers (Aubouin et al., op. cit.), ou le fort développement de formations spécialisées (souvent de niveau Master) dont les plus anciennes remontent aux années 1990 (Caillet et Lehalle, 1995).
La sociologie des professions nous est particulièrement utile pour comprendre cette professionnalisation, en particulier la manière dont les médiateurs s’efforcent de « négocier » leur identité professionnelle (autant que le permettent leur cohésion et leur puissance collective) et tentent de l’inscrire dans une « nomenclature d’État » (Paradeise, 2003, p. 27) afin d’obtenir une véritable reconnaissance professionnelle. L’émergence des médiateurs en tant que nouveau groupe professionnel a été étudiée par Join-Lambert et al. (2008) : s’appuyant sur des ressources diverses, empruntant à des champs disciplinaires variés comme la muséologie ou les sciences de l’éducation, et construisant des dispositifs pratiques spécifiques à destination des publics, les médiateurs se sont efforcés de donner à leur fonction la « dignité d’une profession » (Dubar et al., 2015, p. 285), en l’occurrence une « identité professionnelle propre, distincte de celle des conservateurs » avec lesquels ils s’estiment fondés à « discuter d’égal à égal » (Join-Lambert et al., 2008, p. 142).
Bien que ce métier ait connu un important développement quantitatif, ses porteurs rencontrent souvent des difficultés au sein de leurs organisations (Aubouin et al., 2010 ; Peyrin, 2007) : au statut parfois précaire (CDD, vacataires…), ils occupent une position souvent marginalisée qui se manifeste par l’absence de bureau, une faible implication dans le processus de constitution de l’offre culturelle, etc. Autrement dit, « les contours professionnels de l’activité sont mal définis, et les acteurs, à l’image professionnelle peu claire, ne bénéficient pas d’un statut stable et effectuent des allers-retours entre différentes activités : médiation, pratiques artistiques, formation… » (Aubouin et al., op. cit. p. 2). Cette fragilité des métiers de la médiation révèle ainsi le rôle que peut jouer (ou non) l’organisation dans la construction et la reconnaissance du métier.
45I.3. L’organisation : un impensé dans l’évolution des métiers
Cependant, l’organisation apparaît souvent comme un impensé dans les recherches s’intéressant aux activités professionnelles créatives (Rahman et Barley, 2017), et peut-être parfois dans les organisations elles-mêmes, lorsqu’elles estiment que le métier s’adaptera de lui-même ou se construira depuis l’extérieur. Des recherches toujours plus nombreuses s’attachent pourtant à souligner l’importance des dispositifs organisationnels permettant d’accompagner les métiers en évolution. Ainsi, Demazière (2009) insiste sur le besoin, pour l’étude des métiers et professions, de comprendre « l’implication dans des activités de travail, (…) de restaurer l’intégration dans des collectifs de travail » (p. 83), et sur la nécessité d’« explorer des processus d’émergence, de différenciation et d’autonomie d’activités professionnelles », sur le terrain (p. 85). Dubar et al. (2015) reconnaissent ainsi que le processus de professionnalisation est fortement infléchi par les organisations : pour eux, ce processus est potentiellement conflictuel car encastré dans une « tension entre l’exigence d’efficacité technique ou bureaucratique du management et la revendication de reconnaissance et d’accomplissement de soi » des porteurs du métier (p. 316).
De même, Champy (2009) identifie l’émergence d’un courant de recherche récent en sociologie des professions qui s’attache à caractériser une « offensive du contrôle managérial sur les professions » (p. 193). Il note que cette offensive du management sur les professionnels se pose « avec une acuité particulière pour les professionnels qui travaillent dans des organisations publiques où de nouvelles pratiques managériales (…) donnent lieu au développement d’outils et de normes » fréquemment rassemblées sous le label du New Public Management (Champy, 2009, p. 194). Il apparaît ainsi qu’il n’y a pas de métier (ou de profession) qui soit « séparé » (Dubar et al., 2015, p. 330) du système professionnel et de l’organisation auxquels il appartient : l’identité, l’activité et la carrière dépendent notamment des « systèmes de gestion de l’organisation ».
Les outils de gestion des ressources humaines vont notamment mettre l’accent sur une « logique de compétence » (Zarifian, 1988) qui permet de classer les salariés ou porteurs d’un métier non sur leur seul diplôme professionnel, mais aussi sur leur savoir opérationnel 46validé. Des critères tels que l’autonomie, la responsabilité ou la nature de l’activité sont alors évalués par le management « dans une situation de travail déterminée » (Tanguy, 1998). Par exemple, la construction de grilles de classification se détache d’un classement fondé sur les attributs des agents pour y substituer celui obtenu à partir de l’analyse individuelle du poste de travail et du contenu de l’emploi (Tanguy, op. cit.).
Afin de comprendre les dynamiques professionnelles du métier de médiateur, et le rôle de l’organisation et des outils de gestion, nous mobilisons deux cas : le Palais de Tokyo et la Cité des Sciences (encadré 1). Dans ces deux cas, les porteurs du métier témoignent d’une insertion et d’une reconnaissance difficiles dans les organisations qui mettent en tension les processus de construction des métiers de médiateur.
I. « Faire » le métier :
les cas de deux organisations muséales
Peu d’études témoignent de la façon dont les organisations culturelles ont pu contribuer, sur le plan organisationnel, à transformer ou façonner un métier tel que celui de médiateur. Cette démarche est pourtant essentielle et véhicule un double enjeu stratégique. Premièrement, pour le métier lui-même : le métier ne prend consistance et épaisseur professionnelle que lorsqu’il s’incarne dans une organisation qui lui fait une place, le coordonne de manière spécifique avec d’autres métiers, l’évalue, et lui offre de nouveaux savoirs à acquérir et donc, lui renouvelle son « stock de compétences ». Pour l’organisation, ensuite : par l’injection de ses connaissances singulières et professionnelles, par sa représentation sur l’activité et par sa dynamique propre, le métier contribue à transformer et régénérer l’organisation, et à lui conférer une trajectoire renouvelée. C’est ce double mouvement que nos deux cas d’étude vont illustrer et expliciter.
471. Matériau empirique et méthodologie de recherche
Nos données empiriques sont issues d’organisations muséales (Palais de Tokyo, Cité des Sciences) avec lesquelles nous collaborons de longue date par des démarches de recherche-intervention (David et al., 2000), c’est-à-dire des recherches visant à les accompagner dans différentes actions de transformation organisationnelle et managériale (telle que la mise en place de nouvelles organisations du travail, d’outils de gestion des ressources humaines ou de transformation d’un métier).
Comme de nombreux chercheurs intéressés par l’évolution des métiers et des activités professionnelles, nous avons privilégié une méthodologie de recherche « in situ » (Champy, 2009, p. 67). Cette proximité nous permet d’obtenir un accès privilégié aux données de terrain (documents internes, entretiens avec les différents acteurs impliqués, observation des jeux d’acteurs) et de saisir la richesse des contenus de travail du métier de médiateur. Surtout, pour chacune de ces organisations culturelles, nous détaillons l’agencement des organisations et la place qu’y occupent les dynamiques professionnelles.
Les trois interventions sur lesquelles nous nous appuyons ici sont : une étude commanditée par le ministère de la Culture sur l’évolution des emplois de médiateurs, qui nous a conduits à analyser près de 50 structures culturelles (musées, théâtres, bibliothèques…) dont le Palais de Tokyo ; une étude sur la transformation des métiers du numérique à la Cité des Sciences, à travers une expérience innovante de relations aux usagers – le Carrefour Numérique (CN) ; enfin, une recherche-intervention plus large sur la refonte de la grille de classification de l’organisation Universcience (Cité des Sciences et Palais de la Découverte).
Notre travail d’intervention repose sur une approche essentiellement qualitative, combinant la participation à la mise en place d’outils, d’actions et de dispositifs d’évaluation, et de multiples entretiens en face-à-face avec les acteurs de ces organisations : plus de 100 entretiens au total, dont onze entretiens sur la médiation au Palais de Tokyo et 23 entretiens sur la médiation à la Cité des sciences. Les personnes interrogées occupaient des fonctions telles que responsables de services de médiation, chargés de projet médiation, chargés de conception d’exposition, chargés de développement des publics, médiateurs scientifiques, médiateurs culturels, médiateurs numériques, agents d’accueil et d’orientation, agents de billetterie, responsable de la programmation culturelle, partenaires sociaux, gestionnaire de carrière et responsable des Ressources Humaines…
Pour chaque cas, on montrera comment les pratiques professionnelles de médiation évoluent dans l’organisation, au sens de « la démarche d’organisation » qui cherche à la fois à les rationaliser et à les façonner selon ses besoins, les reconnaître, leur donner leur place dans l’organisation. Nous montrerons les difficultés de ces démarches et leurs effets.
48II.1. Le Palais de Tokyo :
la sinueuse construction du métier dans l’organisation
Dans le contexte de montée en puissance du métier de médiateur décrit plus haut, les expériences tentées par certaines organisations pour concevoir autrement ce métier, pour lui donner un rôle différent et innovant, ou pour accompagner la professionnalisation de ses porteurs, sont intéressantes à étudier : c’est le cas du Palais de Tokyo (PT). Nous analysons ici l’émergence professionnelle imaginée au départ, puis la transformation progressive aboutissant à de substantiels changements dans le périmètre d’intervention du métier et dans son contenu.
Précurseur de formes de médiation culturelle originales car faiblement formatées a priori, le PT a connu, depuis son ouverture en 2002, de grandes transformations internes, en lien avec l’activité des médiateurs (Verdier, 2002 ; Pham, 2004). Trois modes de pilotage organisationnel des activités vont se succéder, façonnant des formes différentes du métier. De ce point de vue, le cas du PT est emblématique du mode de « nidation » d’un métier par l’organisation, car il permet de comprendre le lien entre le pilotage des activités par le management de l’organisation et le déploiement du métier.
II.1.1 Acte 1 : un métier de médiateur autonome et faiblement encadré
Le Palais de Tokyo fait le choix, dès sa création, d’une politique de médiation ambitieuse et au large spectre d’interventions, inscrite dans le projet artistique des deux premiers directeurs. Elle repose sur la mise en place, dans les espaces d’exposition, d’une équipe de médiateurs à la fois polyvalents (c’est-à-dire capables de réaliser des activités aussi diverses que le conseil, l’accueil et la surveillance du public, l’accompagnement à la visite, la billetterie…), autonomes (c’est-à-dire responsabilisés sur leurs tâches volontairement diverses et imprécises, afin de laisser au médiateur une marge d’appréciation importante sur la nature du travail à fournir dans une situation contingente de médiation), et ouverts à un dialogue spontané et faiblement cadré avec les visiteurs. Le directeur des publics qualifie ce modèle d’« utopie des débuts, reposant sur des médiateurs culturels disponibles de midi à minuit, et particulièrement multitâches » (entretien avec le Directeur des Publics, décembre 2018). L’originalité de ce façonnage d’une médiation autonome et agile est étroitement 49liée au fonctionnement plus global du lieu, qui s’appuie sur un modèle « expérimental, interdisciplinaire, flexible » (Pham, 2004, p. 190) mais aussi « associatif » (au sens de la loi de 1901, que les acteurs en interne opposent au modèle de « l’institution »), et qui se caractérise :
–au niveau de la gestion des équipes, par une polyvalence et une autonomie fortes qui rompent avec le poids de la hiérarchie et la spécialisation des tâches ;
–au niveau de la structure organisationnelle, par une importante perméabilité entre fonctions d’animation et de conception ;
–au niveau des relations aux tutelles, par une relative autonomie de cet organisme dont le financement public représente moins de la moitié du budget global.
Dans les premières années de fonctionnement, on voit donc l’équipe dirigeante du PT construire des conditions originales de développement de l’activité de médiation – et de professionnalisation du métier de médiateur. Parmi ces conditions figure le statut contractuel proposé à tous les membres de l’équipe de médiation : profitant du dispositif « emplois-jeunes » créé alors par les pouvoirs publics, les médiateurs sont tous recrutés en contrat à durée indéterminée (CDI). Ce modèle de fonctionnement pose ainsi la médiation comme une activité importante et pérenne de l’organisation, originale par rapport à celles qui commençaient à émerger dans d’autres organisations culturelles à la même période (Aubouin et al., 2010). Ici, les médiateurs sont, d’une part, protégés par leur statut de CDI, d’autre part, autonomisés au contact direct du public, dans une rencontre libre, peu formatée et spontanée : « le processus de médiation est toujours en cours d’élaboration » (Pham, 2004, p. 192).
Ce modèle permet également à différents médiateurs d’être force de proposition pour la mise en place d’ateliers et d’événements internes, pour porter progressivement la conception de nouveaux dispositifs de médiation (sous la forme, par exemple, d’ateliers pour enfants – ateliers « Tok-Tok »), mais aussi d’essaimer ce modèle du métier par des conférences et des expositions hors-les-murs (le « Château de Tokyo »), et des modules de visite co-conçus avec d’autres lieux de pratiques artistiques contemporaines (Théâtre de la Colline, le Plateau, Centre National de la Danse de Pantin…).
50La construction de cette forme originale de médiation a modifié plus largement la représentation du métier : elle contribue à un exercice du métier, autonome et polyvalent, reposant davantage sur la capacité des médiateurs à construire leur propre référentiel d’expertise que sur une prescription fine et formalisée du travail par l’organisation. Ainsi plongé dans ce contexte organisationnel particulier, le métier s’enrichit, combinant de nouvelles tâches, de nouveaux savoirs et des apprentissages, ainsi que de nouvelles formes de coordination et d’interaction avec les métiers connexes, comme ceux de la conception d’exposition.
Ce référentiel repose sur l’idée centrale d’une « rencontre » avec le visiteur, mais présente des contraintes indéniables sur le travail au quotidien qui ont suscité des résistances en interne, voire une forme de « désenchantement » (Verdier, 2002). Ce référentiel suppose en effet d’« être en attente du visiteur, parfois pendant des heures », ce qui ne manque pas de questionner le caractère professionnel de l’activité : « être un professionnel de la rencontre et de l’attente, ça n’existe pas » (entretien avec un médiateur du PT, décembre 2003). Quant à la polyvalence revendiquée, elle est parfois vécue comme « schizophrénique, avec une multitude de tâches très différentes, voire antagonistes » (entretien avec un médiateur du PT, décembre 2003), ou comme une volonté de l’établissement de les assimiler à des « gardiens » (Pham, 2004).
Le pari de départ va finalement se clore par une remise en cause venant du haut de la hiérarchie du lieu, et par un retour vers des formes de médiation plus normées et standardisées où le métier est renvoyé à un espace de prescription plus circonscrit et cloisonné.
II.1.2 Acte 2 : un cloisonnement du métier par la direction générale
Après quatre années de pratiques de médiation autonome, le changement de direction s’accompagne d’une nouvelle politique globale pour l’établissement, avec une plus grande structuration des activités dont, par exemple, la création de nouvelles directions telle qu’une direction de la communication et de la programmation culturelle dans laquelle les médiateurs ont été placés. Dans l’espace du musée, la réorganisation se caractérise notamment par la mise en place d’un « bureau des médiateurs » (lieu d’information clairement identifié), auquel les médiateurs sont désormais rattachés « tel à un guichet » (entretien avec un médiateur 51du PT). Leur activité quotidienne est également façonnée et rationalisée : réduction de la polyvalence initiale (les tâches sont désormais recentrées sur des fonctions de visite et de conseil aux publics), abandon des activités de billetterie et de surveillance laissées désormais à d’autres agents du PT, et développement d’une activité de « documentaliste » (achat, classement, constitution et mise à disposition d’archives).
Cette restructuration s’est enfin traduite par une réduction progressive du nombre de médiateurs : certains postes ont été progressivement remplacés par des postes de caissiers et d’agents de sécurité en titre. Cela a été favorisé par le fort turn-over des équipes de médiateurs, aussi bien vers l’extérieur que par mobilité interne – notamment vers des postes de conception. Si la forte rotation des équipes semble liée à une résistance face à la nature même de l’activité, elle est aussi consécutive de la fin de la politique de recrutement en CDI : la direction décide en effet de passer désormais à un statut de CDD d’usage, dont la durée (relativement courte) est calée sur celle des expositions.
Comme on le voit, l’organisation s’est ainsi réorientée vers des formes plus normées de l’activité de médiation, s’éloignant du large spectre d’interventions qui la caractérisait au démarrage. C’est bien le contexte organisationnel qui a ainsi infléchi un processus de professionnalisation spécifique et ramené le métier à une forme ‘princeps’, certes moins porteuse de dynamique d’innovation aux dires des médiateurs concernés, mais également plus proche des normes exogènes et des standards de la profession, celles d’un métier très spécialisé et rendu bien distinct des autres métiers, notamment ceux de la conservation et conception d’exposition (Hénaut et Poulard, 2018 ; Octobre, 2001) d’une part, et de la surveillance d’autre part (Join-Lambert et al., 2008).
II.1.3 Acte 3 : une tentative de reprise en main du métier par ses porteurs
Une troisième période de changement a alors pris place en interne, mais cette fois à partir d’une proposition de restructuration émanant d’un des responsables de la médiation. L’idée était de créer une véritable direction des publics susceptible de regrouper toutes les activités en contact avec le public, afin de créer une plus grande cohérence entre elles et d’impulser un double façonnage du métier de médiateur autour de l’“expérience visiteur” et de la ‘fidélisation’.
52La direction du PT accepte, mais demande en contrepartie une plus forte structuration et une productivité renforcée de l’activité de médiation : réduction du temps d’interaction avec chaque visiteur, développement de rendez-vous avec le public à heures fixes, priorité donnée aux visites de groupes, avec possibilité de réservation de créneaux de médiation… Les médiateurs qualifient ce changement de « rationalisation du temps des médiateurs » et de « maximisation du taux de prise ». Sentant leur activité fragilisée par ces changements, avec notamment le risque de voir la médiation individuelle disparaître, les médiateurs acceptent finalement de rentrer dans cette logique plus managériale, ou comptable : ils comptabilisent ainsi le nombre de visiteurs qui les sollicitent chaque jour, ce qui leur permet in fine de sauvegarder l’activité, en la rendant plus visible dans les outils de gestion et le tableau de bord utilisés par la direction. Cette communication renouvelée entre les médiateurs et la direction de l’établissement ne porte pas que sur les aspects comptables : observant la diffusion des formes de médiation numériques dans d’autres organisations, la direction du Palais de Tokyo a demandé aux responsables de la médiation de tester un chatbot2. Réagissant à cette tentative de façonnage, les responsables chargés de ce test ont alors réussi à montrer l’inefficacité de ce dispositif et obtenu rapidement son interruption.
Par ailleurs, ce n’est pas seulement le poste de travail interne de médiateur qui est affecté, l’enjeu de cette redéfinition du métier dépassant les frontières de l’organisation. La configuration du métier retenue au PT a attiré de nombreux candidats, intéressés par cette forme du métier, emprunte d’une certaine autonomie (certes variable selon les périodes et vicissitudes rencontrées par l’établissement, mais qui a toujours existé), d’une forme de liberté dans la rencontre avec le public, et de responsabilisation des médiateurs. Derrière un métier façonné par l’organisation se cache aussi une capacité à attirer des candidats, à faire parler de cette médiation au sein de l’organisation et au-delà. Ainsi, des commissaires d’expositions, internes ou externes, des artistes invités par le PT, ont toujours été intéressés par cette forme du métier et ont pu l’exporter dans d’autres organisations, notamment à l’étranger. La forme du métier fabriquée par l’organisation déborde celle-ci, et va alors circuler et se frotter à d’autres organisations.
53C’est un autre cheminement que va connaître le métier dans le second cas que nous allons étudier maintenant.
II.2. La Cité des Sciences et de l’Industrie :
nouveaux contours et espaces du métier
La Cité des Sciences et de l’Industrie (CSI) représente, depuis plus de trente ans, une institution française de référence en matière de diffusion de la culture scientifique. Dès sa création, l’établissement a placé au cœur de son fonctionnement la médiation culturelle, aussi bien dans ses lieux d’expositions (par exemple, les espaces d’expositions grand public de la galerie ‘Explora’) que dans les espaces dédiés à un public spécifique comme la ‘Cité des enfants’. La place centrale de la médiation dans l’organisation se retrouve dans les effectifs de la filière professionnelle « Médiation » qui, avec près de 200 personnes, représente actuellement 16 % des effectifs de la CSI. Au sein de cette filière se trouvent une grande variété de postes avec près de 90 descriptifs différents, ce qui peut s’interpréter à la fois comme une volonté forte de l’organisation d’adapter le métier de médiateur aux spécificités des conditions d’exercice de l’activité, et comme une difficulté à homogénéiser le contenu des tâches effectivement réalisées par les médiateurs.
La CSI s’est en effet efforcée de modeler le métier de médiateur autour de différents enjeux propres à l’organisation : tout d’abord, adaptation à la nature des expositions (objets scientifiques et techniques, place de l’expérimentation et de la démonstration scientifique, partenariats avec des industriels…) ; ensuite, prise en compte de multiples enjeux sociétaux dans l’activité (comme l’accessibilité liée à un handicap, à la « fracture numérique », la formation…) ; enfin, contextualisation aux spécificités des espaces de déploiement de la médiation (espaces aussi variés que la médiathèque, les salles ‘Explora’, ou les espaces événementiels…). Surtout, avec l’irruption récente du numérique, les médiateurs ont été fortement questionnés en interne, en particulier au sein d’un des espaces dédiés, le Carrefour Numérique
II.2.1 Prologue : une approche classique du métier de médiateur numérique
Avant la mise en place du Carrefour Numérique (CN) en 2013 au sein de la CSI, la médiation numérique était calquée sur les principes et contenus de la médiation culturelle, c’est-à-dire qu’elle visait à sensibiliser 54le public aux enjeux d’internet et de l’informatique, à réduire la fracture numérique en permettant un accès facilité à la culture scientifique via les technologies de l’information, et à transmettre des connaissances scientifiques. La fiche de poste de Médiateur TIC de 2012 (encadré 2) montre bien que l’organisation prescrivait à ses médiateurs une approche classique de la médiation culturelle, basée sur la transmission, l’expertise et les contenus.
2. Fiche de poste : Médiateur Culturel, Scientifique, Technique et TIC
Résumé du poste
Sous l’autorité de son responsable hiérarchique, le/la titulaire du poste conçoit des programmes de médiation en lien avec son domaine de compétence, les met en œuvre et participe à leur diffusion. Il/elle propose des formes de médiation (orale, écrite, muséographique…) adaptées aux publics visés par l’établissement.
Description des activités
Médiation à caractère scientifique, technique ou culturel :
– Proposer une médiation adaptée aux différents publics, diversifiée dans ses formats et ses modalités pédagogiques
– Adapter les formes de médiation humaine aux circonstances et aux lieux d’intervention
– Préparer et veiller à la bonne organisation matérielle des activités de médiation
Conception de programmes et de produits de médiation :
– Instruire et proposer un programme de médiation
– Proposer un budget et des délais de réalisation
– Concevoir les contenus et les supports liés aux programmes de médiation
– S’assurer de la fiabilité des contenus et de la qualité des supports
– Développer des partenariats dans le cadre de la conception de programmes de médiation
– Suivre les process liés aux différentes phases du programme de médiation
– Coordonner une équipe projet
– Réaliser un bilan ou un rapport d’évaluation
Contribution aux projets transverses :
– Participer aux différentes phases du projet d’exposition (conception/réalisation/suivi)
– Participer à la mise en itinérance des produits de médiation scientifique et des expositions
– Assurer des actions de formation auprès des publics relais ou des acquéreurs de produits de médiation scientifique ou des équipes internes
– Apporter son expertise scientifique, pédagogique et en médiation
– Organiser et piloter des événements à caractère scientifique
Communication et veille scientifique, technique ou culturelle :
– Rédiger des articles de vulgarisation scientifique pour des supports variés
55– Communiquer sur les nouveaux médias
– Assurer une veille scientifique, technique ou culturelle
– Participer aux projets de communication de l’établissement
Source : Descriptif des Postes, Cité des Sciences – Universcience, 22/01/2012)
Or, ce façonnage classique du métier va considérablement évoluer, en 2013, avec le développement de deux nouveaux dispositifs : un fablab et un living lab. Ces deux labs se fondent sur des valeurs renforcées d’ouverture la plus large possible à un public varié (et pas seulement à des initiés) et d’un accès gratuit, sans inscription, sans droit d’adhésion ou carte de membre (excepté pour l’utilisation de certaines machines comme la découpeuse laser ou l’imprimante 3D). Mais c’est bien la nouvelle posture du médiateur vis-à-vis des « usagers » dans ces espaces qui transforme le plus l’organisation du travail de médiateur.
II.2.2 Acte 1 : la construction
d’une nouvelle doctrine de médiation numérique
Au sein du CN, le public est en effet placé au cœur, non comme une « cible » de diffusion de la médiation (comme cela est souvent le cas dans les représentations canoniques de la médiation culturelle), mais comme le principal concepteur de la médiation, dont on souhaite valoriser l’expertise. Ainsi, dès la phase d’expérimentation de ces nouveaux espaces, les visiteurs ont été activement impliqués, ce qui a permis de constituer un premier « réseau de coopération » : « On commençait tout juste à avoir des machines, (…) on s’installait à peine dans l’espace avec une ouverture officieuse pour rencontrer ponctuellement les publics (…) que se constituait déjà un premier noyau dur de la communauté » (entretien avec le chef de projet fablab du CN, printemps 2015). La participation active des publics passe également par la mise en place d’outils numériques comme un wiki, plate-forme collaborative de documentation propre au fablab, accessible en open source, et qui a été élaborée dans sa version initiale par l’un des premiers usagers, avant d’être régulièrement alimentée par les nouveaux usagers à travers la documentation de chacun de leurs projets.
On le voit, le Carrefour Numérique devient davantage un espace de mise en relation d’une communauté qu’un lieu de transmission comme peuvent l’être les autres espaces de médiation de la CSI au même moment 56(« Explora » ou la Cité des enfants). Plus encore, certains événements sont même entièrement conçus par la communauté elle-même, comme le « Week-end Minecraft » organisé par un réseau de joueurs et qui a réuni plus d’une dizaine de milliers de participants. Cette volonté de laisser l’usager s’approprier l’espace et alimenter la conception de l’offre culturelle est soulignée par le chef de projet du fablab : « On participe à faire se rencontrer les gens, dans une logique de décloisonnement, dans un espace où les enjeux sont propres à chacun. S’ils innovent, c’est très bien, mais ce n’est pas une fin en soi. On laisse surtout aux usagers l’opportunité de se saisir du lieu, d’en faire quelque chose qui n’était pas prévue » (second entretien avec le chef de projet du fablab, automne 2015).
Cette doctrine, inédite à la CSI, est en fait directement importée des modes d’organisation des fablabs et de la représentation du poste de « fab’manager » (Lhoste, 2017) : ceux-ci puisent dans les savoirs de la communauté en incitant les membres à participer ; ils expérimentent différentes formes d’ouverture et d’échanges avec les utilisateurs-experts, et organisent la circulation des connaissances au sein de l’espace et à l’extérieur (Lhoste, op. cit., p. 17).
II.2.3 Acte 2 : le façonnage du métier de médiateur numérique
Ainsi, avec le développement de cet espace et la montée en puissance du numérique, les médiateurs numériques de la CSI voient leur activité profondément renouvelée. Le rôle traditionnel de transmetteur d’un savoir, d’organisateur d’un événement, ou de concepteur d’un dispositif de médiation, est désormais mis au second plan pour favoriser une posture volontairement plus distante, d’« accompagnateur », de « facilitateur » ou de « garant » de la capitalisation des connaissances scientifiques portées – et apportées – par l’usager. Cependant, cette transformation des pratiques professionnelles des médiateurs numériques n’est pas sans difficulté, comme le souligne l’une des médiatrices qui travaille alors au CN : « Avant (…) le savoir était descendant. Aujourd’hui, on est des vulgarisateurs, ou plutôt des facilitateurs. On va orienter vers des solutions mais on n’apporte pas la solution. C’est parfois frustrant. (…) surtout, de ne pas se sentir utile. En fait, le “faire ensemble”, c’est laisser se tromper, accepter de ne pas avoir de structure. Avant, quand 57tu faisais un atelier, tu pouvais le préparer, structurer ton animation. Au Carrefour, tu n’as plus cet appui. Mais, en fait, ça pousse à lâcher le contrôle, à lâcher prise pour laisser les gens chercher. Mais j’apprends progressivement, je finis par trouver ma place et ce changement me convient » (entretien avec une médiatrice du CN, automne 2015).
Les nouveaux espaces de l’organisation façonnent ainsi le métier de la médiation numérique, dont le rôle est alors recomposé autour d’une approche plus horizontale de la transmission. Ce façonnage essaime au sein des espaces d’exposition, conduit à transformer la médiathèque en learning center, ou affecte d’autres professions établies au sein de l’organisation : ainsi, les commissaires d’exposition impliquent désormais les équipes de médiation numérique et multimédia beaucoup plus en amont dans leurs projets d’exposition. Cependant, la cohabitation de plusieurs logiques de médiation suscite d’importantes résistances chez les porteurs du métier dans le reste de l’organisation.
II.2.4 Acte 3 : les résistances des autres porteurs de la médiation à la CSI
Ce processus de façonnage produit des frictions avec l’organisation, notamment autour de la question de la reconnaissance des compétences spécifiques qui s’y déploient et s’y diffusent (mise en réseau, community management, capitalisation de connaissances émergentes). Cette tension questionne la légitimité des médiateurs numériques, comme le souligne le chef du département du CN : « En fait, il y a un blocage pour ce qui concerne la question des compétences, une inertie malgré un esprit commando : “on est des défricheurs, on sait où on va”. On se rend finalement compte que les contours de cette forme de médiation demeurent flous. Ça nous dessert dans notre quête de légitimité » (entretien avec le chef du Département du CN, automne 2015).
Pour les porteurs de l’activité, cette dynamique de reconnaissance par l’organisation des nouveaux contours du métier ne peut se produire qu’à travers une visibilité dans les processus organisationnels et les outils de GRH, comme la grille de classification de l’établissement. Le chef du Département du CN insiste en effet tout à la fois sur l’importance d’intégrer les outils RH de l’organisation et sur la difficulté d’y rentrer, notamment à cause de la dimension encore trop informelle des pratiques professionnelles développées au sein du fablab et du living lab : « On fait 58valoir un positionnement novateur, mais faut aussi être légitime. C’est vrai, nos médiateurs ont défriché depuis trois ans le champ et ça doit être valorisé. Ça pourrait passer par une reconnaissance dans la classif’, une montée en compétence. Pour l’instant tout est trop informel. Ça nous joue des tours, on n’a pas encore de vision commune sur où on veut aller » (entretien avec le chef du Département du CN, automne 2015).
Or, lors de la construction d’une nouvelle grille de classification, les porteurs d’une médiation classique pèsent fortement pour faire reconnaître avant tout leur représentation du métier, plus canonique, plus visible, et portée par davantage d’agents (médiateurs d’« Explora »…). Alors que la création d’une sous-filière « Médiation numérique » est, un temps, envisagée par les partenaires sociaux pour rendre visibles les spécificités du métier, ce scénario sera finalement abandonné pour privilégier une large filière de « Médiation » dans laquelle ces spécificités sont diluées.
Façonnage ne rime donc pas ici avec acceptation et intégration des nouvelles évolutions de métier par l’organisation, mais on assiste plutôt à la mise sous tension de ces évolutions par les acteurs de l’organisation.
I. Le façonnage réciproque
du métier et de l’organisation
Notre double étude de cas met d’abord en évidence que l’organisation culturelle constitue un des moteurs majeurs des dynamiques professionnelles : si le métier peut arriver dans l’organisation avec ses propres référents, construits par d’autres acteurs et organisations (les lieux de formation, l’État à travers notamment l’élaboration de référentiels nationaux…), l’organisation culturelle apparaît, dans notre recherche, comme l’acteur central du processus de construction des métiers en évolution. Mais, nos cas montrent également que cette construction endogène des métiers ne se fait pas de façon linéaire, connaît des frictions, et n’est pas toujours aboutie, confrontée à des difficultés qui constituent en même temps le ferment d’une richesse et d’une dynamique professionnelle.
59III.1. Une transformation ni exogène ni autonome :
un métier modelé par l’organisation
Si, comme la sociologie des professions l’a déjà montré, le métier peut résulter d’interventions exogènes à l’organisation, allant des professionnels eux-mêmes (Menger, 2010), à l’État et ses différentes administrations (Aubouin et al., 2010 ; Pham, 2004), en passant par les lieux de formation initiale et continue (Caillet et Lehalle, 1995), les organisations culturelles apparaissent, dans notre recherche, comme des acteurs centraux du processus de construction des métiers culturels.
Au Palais de Tokyo, nous avons observé une construction endogène mais sinueuse du métier. Le métier de médiateur est transformé progressivement par les dynamiques de changement organisationnel et la politique menée par la direction générale : la recomposition endogène des activités et des services permet de construire et repenser l’exercice de la médiation. Par la suite, les questionnements autour de la possibilité de développement des formes originales de médiation soulevées par l’expérience du Palais de Tokyo (liberté, spontanéité) essaiment dans d’autres organisations culturelles, avec en filigrane l’enjeu de permettre aux organisations de contribuer à transformer le référentiel professionnel d’un métier (Montoya, 2008). Dans le métier qui nous préoccupe, celui des médiateurs, la forme retenue par le Palais de Tokyo, même si elle a évolué au cours du temps, s’est constitué comme une forme de résistance par rapport aux velléités d’autres organismes d’en faire une activité très formatée, scandée par des épisodes pouvant être scénarisés, voire « scriptés » (déroulage de scripts définis par d’autres professionnels), voire encore externalisés. Le Palais de Tokyo a cherché à montrer que d’autres formes de médiation, et donc de médiateurs, pouvaient être imaginées, faisant appel à d’autres formes de professionnalisation et de place laissées au sein de l’organisation, échappant à la tentation de l’externalisation à laquelle cèdent de nombreuses organisations comparables.
À la Cité des Sciences, la construction endogène du métier se distingue aussi par ses effets exogènes. La transformation des métiers de la Cité des Sciences au prisme du numérique s’est produite moins sous l’effet des transformations techniques des outils digitaux ou informatiques qu’à travers les évolutions des usages qu’ils génèrent. De ce fait, ces transformations touchent aussi bien les métiers de l’informatique, de la communication, que ceux de la production et de la médiation 60culturelle de la CSI. En particulier, le rôle de médiateur au Carrefour Numérique est, comme on l’a montré, façonné par les nouveaux principes d’ouverture, de coopération et d’échange d’expertise qu’initie le fablab, mais également par les caractéristiques de l’espace physique dans lequel ce métier se déploie (von Krogh et Geilinger, 2014).
Ainsi voit-on, dans ces deux cas, l’évolution de l’activité, mais également la transformation du métier, par une dynamique interne à l’organisation. Le métier se façonne progressivement, au gré des changements de politique interne, en fonction de l’espace qui lui est réservé, des procédures de professionnalisation qui lui sont offertes. Il ne s’agit pas seulement d’une forme de régulation interne (Reynaud, 1989), mais bien d’un façonnage du métier, au sens où le métier se fait au contact de l’activité concrète, au contact du public, et se fait en fonction de la place qui lui est laissée par la direction.
Ces façonnages successifs ont alors un double effet, quelque peu contradictoire. D’une part, ils contribuent à construire une trajectoire organisationnelle de professionnalisation pour les porteurs du métier : c’est par cette série de tentatives de définitions, réaménagements et réajustements successifs que le métier se construit. D’autre part, ils aboutissent à des formes du métier de plus en plus spécifiques, selon les configurations organisationnelles particulières dans lesquelles ces façonnages se produisent. Cela ne manque pas d’interroger le processus complexe de construction du métier : ces formes continuent-elles à appartenir au même métier, ou correspondent-elles plutôt des ramifications du métier ?
III.2. Le métier, un moteur du changement organisationnel ?
Notre recherche montre également comment les métiers dans les organisations culturelles se façonnent à travers des processus de changement organisationnel et constituent aussi, en retour, un moteur de transformation de l’organisation. Ce résultat semble converger avec de précédentes recherches qui ont placé les dynamiques du changement organisationnel au cœur des enjeux stratégiques des organisations culturelles (Janes, 1999). Nous montrons que l’organisation n’est pas simplement un réceptacle d’accueil de métiers déjà constitués, mais plutôt un creuset dans lequel les métiers se façonnent progressivement en interaction avec ceux déjà existants. Les outils externes à l’organisation, 61comme les répertoires de compétences, offrent certes un premier niveau de représentation des activités et des compétences professionnelles. Mais par construction, ils ne s’attachent qu’à décrire des objets RH « froids » (emplois, métiers, professions) qui sont des entités isolées, sans en appréhender la dimension organisationnelle. Les outils conçus en interne, au contraire, nécessairement contextualisés, sont plus aptes à accompagner les transformations des métiers ; ils permettent par ailleurs de prendre en compte les enjeux de mobilité et d’évolutions de carrière.
Ainsi, suivant les travaux d’Evetts (2003), il s’agirait plutôt d’une hybridation des deux processus, endogènes et exogènes, de professionnalisation : la professionnalisation serait donc « dialectique » (Demazière, 2009), à la fois processus from within (de l’intérieur), initiés et maîtrisés par les organisations en interaction avec les travailleurs concernés d’une part, et from above (de l’extérieur), introduits et gérés par des acteurs extérieurs d’autre part.
« From within » (Evetts, 2003 ; Demazière, 2009), la transformation d’un métier va jouer un effet d’entrainement sur le façonnage d’autres métiers de l’organisation : le renouvellement des métiers de la médiation au Palais de Tokyo invite à repenser les rôles joués par les métiers connexes de la sécurité ou de la conception des expositions ; les nouveaux rôles du médiateur au Carrefour Numérique questionnent ceux des médiateurs culturels dans les autres espaces de l’organisation (‘Explora’, la Cité des enfants…) mais aussi les rôles des concepteurs d’expositions ou des conservateurs. Comme pour de nombreux métiers émergents ou en évolution, la division du travail se transforme à mesure que les frontières du métier de médiateur s’étendent, ou se déplacent. Le phénomène de concurrence entre groupes professionnels au sein des musées, déjà bien identifié dans la littérature (Join-Lambert et al., 2008 ; Hénaut, 2011), transforme ainsi l’organisation.
« From above » (Evetts, 2003 ; Demazière, 2009), la modification des métiers par l’organisation se produit aussi sous l’effet de processus de diffusion de nouvelles compétences ou de nouvelles pratiques qui peuvent créer, en opposition aux effets de spécification des processus de façonnage endogène, des effets mimétiques exogènes (DiMaggio et Powell, 1983). Ces derniers amènent parfois le métier à converger vers des standards d’autres organisations, comme c’est le cas des transformations récentes de la médiation au Palais de Tokyo qui va ressembler davantage à la 62façon dont ce métier est façonné dans d’autres organisations culturelles (Aubouin et al., 2010).
On le voit, la structuration des métiers constitue un stimulus qui peut être à l’origine d’un mouvement de changement organisationnel – changement « épisodique » à la CSI avec la création d’un nouvel espace, ou bien changement « continu » au PT, pour reprendre la distinction classique de Weick et Quinn (1999). Cela amène l’organisation à concrétiser un potentiel d’actions, touchant à la fois les modes de relation et de coordination, les structures et le design organisationnel, et les savoirs et outils d’évaluation et de capitalisation. La prise en compte des métiers en évolution peut ainsi amener non seulement à la création de nouveaux acteurs ou outils de gestion, mais aussi à un mode renouvelé de conception de l’offre culturelle, voire faire émerger de nouvelles formes de représentations que l’organisation culturelle a de ses publics, de ses produits (expositions…), et de son identité même.
Notre article met ainsi en évidence le lien entre la régénération des produits culturels (plus numériques, plus participatifs, plus expérimentaux) et la co-évolution nécessaire de l’organisation et des métiers. Nous montrons que le schéma organisationnel de la Cité des Sciences ou du Palais de Tokyo, et la structure de leurs compétences reflètent la nature des produits culturels et des relations avec les publics : pour envisager de nouvelles formes d’activité, portées par des acteurs nouveaux, il faut nécessairement réformer l’organisation. Les dynamiques professionnelles constituent ainsi l’un des leviers par lesquels la stratégie, les objectifs et les activités sont renouvelés et actualisés.
Conclusion
Notre article a permis de jeter les premières bases d’une étude organisationnelle de l’évolution du métier de médiateur dans les organisations culturelles et, plus généralement, de la dynamique des métiers façonnés par les organisations. Si les recherches existantes sur la professionnalisation laissent souvent de côté les modalités organisationnelles de la construction du métier, notre recherche montre au contraire le rôle 63crucial de l’organisation. Les métiers culturels, qui évoluent fortement aujourd’hui, ne semblent pas uniquement façonnés par une intervention exogène ou par une dynamique d’« autodéfinition » (Menger, 2010) issue des professionnels eux-mêmes : les organisations culturelles s’en emparent et contribuent ainsi à « faire » le métier, c’est-à-dire à le doter de tout un arsenal gestionnaire, qui porte aussi bien sur la redéfinition des compétences, la détermination d’objectifs et de missions, l’articulation fine avec l’organisation du travail et les métiers existants (conservateur, gardien, caissier), les espaces physiques d’exercice de l’activité, et une structure organisationnelle renouvelée. Nous comprenons mieux comment les métiers culturels, qui constituent des sortes d’« enclaves professionnelles » dans les organisations (Barley et Tolbert, 1991), vont être transformés au contact de ces organisations, en fonction de la place qui leur est aménagée au sein de configurations professionnelles, vus comme des espaces de déploiement des compétences et d’acquisition de savoirs nouveaux.
Notre double étude de cas montre en même temps les difficultés de structuration d’un métier culturel, en particulier en matière d’instrumentation de gestion : l’enjeu pour ces organisations est de faire une place aux fonctions et compétences émergentes, de leur donner des repères, de les structurer, de concevoir une structure organisationnelle les intégrant, les formant, leur conférant une identité professionnelle, tout en continuant à intégrer et rationaliser les métiers plus anciens et institutionnalisés.
Au-delà, nous tentons de tracer des traits distinctifs pouvant ensuite être discutés, généralisés ou spécifiés par des recherches ultérieures. Ces traits ne sont en effet pas spécifiques au cas des musées français, et pourraient être observés dans d’autres organisations culturelles, françaises ou internationales. Ainsi, de nouvelles recherches en sociologie des professions et dans le champ du changement organisationnel pourraient stimuler notre compréhension de l’évolution et de la structuration des métiers culturels en établissant un lien avec les capacités de renouvellement stratégique et de développement de nouveaux produits culturels.
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- Thème CLIL : 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
- ISBN : 978-2-406-09597-2
- EAN : 9782406095972
- ISSN : 2555-039X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09597-2.p.0039
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 09/10/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Dynamique professionnelle, métier, médiateur, organisation culturelle, outil de gestion RH