Comment penser et défendre le roman de chevalerie au XVIe siècle ? Les préfaces de Jean Maugin (Palmérin, Nouveau Tristan)
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
2021 – 1, n° 41. varia - Auteur : Montorsi (Francesco)
- Pages : 265 à 280
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
Comment penser et défendre le roman de chevalerie au xvie siècle ?
L’exemple des préfaces de Jean Maugin
(Palmérin, Nouveau Tristan)1
La Renaissance française n’élabore pas de théorie sur le roman et, avant Pasquier et Fauchet, l’histoire littéraire n’y est pas pratiquée en tant que genre discursif2. Et, pourtant, des réflexions ponctuelles, souvent inscrites dans des lieux liminaires, autorisent à jeter un regard sur la réception de ce genre. Dans le cas du roman de chevalerie peuvent être signalées les positions exprimées par Jean Maugin, l’un des protagonistes d’une saison culturelle qui se distingue par le succès éditorial des fictions chevaleresques. L’analyse comparative de deux textes introductifs de sa plume – la traduction du Palmerin d’Olive de 1546, et le remaniement du Nouveau Tristan de 1554 – permettra de montrer certaines caractéristiques de l’appréhension du roman de chevalerie en France au milieu du xvie siècle.
Succès et disgrâce du roman de chevalerie
au xvie siècle
Le roman de chevalerie, dont l’origine – comme tout le monde le sait – est médiévale, vit une saison de grande popularité au xvie siècle. Les « proses épiques », c’est-à-dire les mises en prose des chansons 266de geste, et les romans d’aventures figurent parmi les livres les plus imprimés de l’époque. À partir d’une diffusion plus élitiste, le roman arthurien se fraie également un chemin sur les étals des libraires. Dès l’invention de l’imprimerie jusqu’à 1530, sans compter le cas particulier du Chevalier doré3, onze récits arthuriens sont transmis par les presses en France4. Dans l’ordre de parution : Lancelot, Tristan, Artus de Bretagne, Merlin, Gyron le Courtois, Giglan, Saint Graal, Ysaïe le Triste, Méliadus, Perceforest, et Perceval5. Ce sont, toutes, des histoires en prose, souvent assez longues, qui puisent leur matière dans des écrits composés deux ou trois siècles plus tôt.
Signalons aussi deux initiatives éditoriales qui remanient des textes médiévaux de la Table Ronde pour les mettre au goût du jour à une époque, le milieu et la fin du siècle, où les lecteurs se sont en partie éloignés des chevaliers du roi Arthur. C’est le cas du Lancelot de Benoît Rigaud, un abrégé radical du roman en prose éponyme (Lyon, 1591), et du Nouveau Tristan de Jean Maugin, sur lequel nous reviendrons plus longuement.
Les récits d’origine médiévale ont été réimprimés tous au moins une fois, à l’exception unique du Perceval. Le roman Artus de Bretagne connaît le plus grand nombre de publications. Texte hétérodoxe, s’adressant à un large public, il compte à lui seul pour près d’un tiers des éditions 267arthuriennes médiévales avec seize publications différentes. Dans ce classement, suivent Merlin et Tristan (7), Giglan et Lancelot du Lac (6), Ysaïe le Triste (4), Gyron le Courtois (3), Méliadus de Leonnoys, Perceforest, Saint Graal (2).
Comparer la fortune de ces textes avec celle d’autres ensembles narratifs médiévaux nous amène à constater leur moindre diffusion. Pour ne prendre que deux succès épiques, les Quatre fils Aymon et Fierabras ont été imprimés respectivement au moins 33 et 30 fois aux xve et xvie siècles. L’une des raisons qui expliquent ces différents volumes de production réside dans la durée de leur fortune. Si les romans de matière carolingienne sont édités tout au long du xvie siècle, jusqu’à être inclus, pour certains, dans la Bibliothèque Bleue, ceux de la Table Ronde connaissent une vie courte. Imprimés entre 1488 et le début des années 1530, leur transmission s’arrête brusquement. Après 1530, aucun texte inédit n’est plus mis en circulation. De plus, on cesse aussi de mettre sous presse la plupart des romans médiévaux déjà édités, à l’exception des récits néo-arthuriens, Ysaïe le Triste, Artus de Bretagne, ainsi que de Giglan, adaptation en prose tardive de deux romans antérieurs. Cette décennie marque la fin d’une transmission jusqu’alors ininterrompue depuis le début xiiie siècle, et qui ne sera réactivée que dans un tout autre contexte, celui la philologie des xixe et xxe siècles.
La disgrâce du récit arthurien peut être mise en parallèle avec l’avènement de nouvelles modes et de valeurs littéraires. Les romans de la Table Ronde auraient été détrônés auprès de ses lecteurs, essentiellement les élites nobiliaires et courtisanes, par des produits neufs : des romans de chevalerie modernes. C’est en 1540 que, pour la première fois, paraît un tel récit venu d’Espagne, l’Amadis de Gaule, traduit par Nicolas Herberay des Essarts. La version du castillan voit le jour à une époque où la langue française cherche des exemples normatifs. Rapidement, elle devient un modèle de prose élégante. Cette initiative ouvre aussi le début d’une série de publications de traductions de l’espagnol, de l’italien, du moyen français visant à renouveler la matière chevaleresque. Ces versions s’approprient l’idéal d’une prose riche, incarné par les écrits de Herberay des Essarts, et sont publiées en des formes typographiques prestigieuses – au niveau des caractères, du format, de la mise en page, et des illustrations – qui les éloignent des impressions gothiques des 268romans médiévaux. Rééditées jusqu’au seuil du siècle suivant, elles bénéficient d’un succès spectaculaire qui marque les esprits6.
Ces récits chevaleresques modernes paraissent pour la plupart grâce aux soins du même groupe d’imprimeurs-libraires (Vincent Sertenas, Étienne Groulleau, Jean Longis, Denis Janot, Jeanne de Marnef) tenant boutique au Palais7. Ces « nouveaux romans » sont les traductions de la série espagnole des Amadis (Livres I à XII, auxquels s’ajoute Dom Florès, traduction de la seconde partie de Lisuarte de Grecia), les trois volumes de celle de Palmerin, la traduction d’un libro de caballerías isolé (l’Histoire palladienne, 1555), les traductions de trois récits italiens (le Philocope de 1542, le Roland furieux de 1543 et le Roland amoureux de 1549), et enfin deux adaptations du français – une prose épique, Gérard d’Euphrate (1549), et un roman arthurien, le Nouveau Tristan (1554), sur lequel nous allons maintenant nous arrêter.
Jean Maugin et ses réflexions
sur la forme romanesque
Le Nouveau Tristan est une adaptation du Tristan en prose, l’un des récits arthuriens les plus goûtés aux xve et xvie siècles8. Le but 269de l’opération ne tend pas à fournir l’édition d’un roman médiéval, mais à en proposer une version actualisée, raison pour laquelle dans les paratextes du Nouveau Tristan, les adjectifs « renouvelée » et « nouveau » qualifient l’histoire offerte aux lecteurs. Cette aspiration se concrétise par des stratégies stylistiques et narratives, modernisant le style et l’intrigue, et par le choix d’un format typographique proche de celui des autres textes de chevalerie contemporains. Pour ces traits, l’édition, parue à Paris en 1554, s’inscrit dans la mouvance des « nouveaux romans » publiés à Paris par Sertenas, Groulleau et Cie. La figure de l’auteur, Jean Maugin, incarne également la continuité entre l’opération éditoriale lancée par ce groupe et le Nouveau Tristan, un récit qui paraît pourtant sous d’autres presses, celles de la Veuve de La Porte.
La biographie de Jean Maugin est peu connue, et ce que nous savons de lui nous le tirons de ses écrits9. Tantôt indiqué par son surnom « le Petit Angevin », il signe dans les années 1540 et 1550 quelques œuvres originales, des traductions et des remaniements, qui paraissent tous, sauf son dernier, chez le groupe de libraires du Palais : le Palmerin d’Olive et L’Amour de Cupido et de Psiché en 1546, Les Dix Histoires du Nouveau Testament en 1547, Le Parrangon de vertu en 1548, le Nouveau Tristan en 2701554. Richard Cooper lui attribue, sur la foi d’arguments stylistiques, le Gérard d’Euphrate de 154910. Si cette paternité est sujette à caution, on lui assignera en revanche la révision d’un autre récit de chevalerie, l’Histoire palladienne, paru en 155511. Des vers de Maugin se lisent à la fin de son Amour de Cupido et de Psiché et dans le recueil Jardin d’honneur (1550). Le Petit Angevin signe aussi de nombreux textes liminaires. En plus des poèmes de Pernette du Guillet (1546), des traductions de Tacite et Machiavel (1548), et de celle des Epistres de Phalaris (1550), ils se rencontrent dans des romans sentimentaux ou chevaleresques (Amadis VII en 1546, Amadis VIII en 1548, Gérard d’Euphrate en 1549, Primaléon de Grèce en 1550, ainsi que la réédition de l’Amadis en format in-octavo parue en 1548), publiés encore une fois par les mêmes imprimeurs-libraires parisiens.
L’œuvre de Jean Maugin se décline donc selon deux lignes directrices principales, celle de la traduction / du remaniement, et celle de l’écriture préfacielle. Elle s’inscrit dans un contexte de collaboration professionnelle presque exclusive avec un cercle d’éditeurs. Ce qui est particulier dans cette activité c’est aussi qu’elle est tournée en large partie vers la fiction en prose. C’est ce rapport privilégié qui amène Maugin à élaborer de réflexions sur le statut du discours romanesque. Bien que peu développées, celles-ci présentent un intérêt considérable, car elles comptent parmi les peu nombreuses tentatives d’appréhension conceptuelle du genre à l’âge de la Renaissance. On notera à ce sujet que les préfaces des romans de chevalerie imprimés entre les années 1480 et les années 1530 ne constituent pas des tentatives d’appréhension de la forme narrative, mais se limitent à évoquer le topos traditionnel de l’instruction et du plaisir12.
Commençons par la réflexion la plus tardive, celle qui se trouve dans le Nouveau Tristan en prose. Jean Maugin choisit une position peu 271usuelle et assez discrète pour développer une discussion sur le statut du récit arthurien. Dans le début du premier chapitre – et non dans le prologue ni dans la lettre de dédicace – nous lisons :
L’histoire humaine a esté tousjours tant recommandée entre les nobles, que tout ce qui s’est fait depuis la creation du monde […] est creu, et y adjouste-l’on foy, comme aux escritures sainctes & divines : tellement que celuy qui voudroit nier en une Academie ce que nous avons aujourd’huy des antiques gestes des Grecz, & Barbares, ne seroit en moindre défaveur & mauvaise reputation, qu’en l’Eglise un heretique. Ce persuadé […] je ne fay plus doute, que si on croit telles antiquitez, & des estranges mesmes, que par semblable raison on ne doive croire aussi, ce qui est notté des nostres, & des chevaliers entre autres qui fleurissoient du temps de celuy Artus, columne, seul soutien & restaurateur des vertuëux hommes, compris sous ce sacré mistere de la TABLE RONDE13.
L’auteur remarque le prestige de l’écriture historique, spécialement entre les nobles. L’observation se lie d’une manière générale au topos de l’historia magistra vitae, mais s’inscrit spécifiquement dans le contexte d’un crédit croissant pour l’histoire amené à l’époque par l’avènement des modèles humanistes d’éducation. Quelle forme psychologique de croyance sous-tend-elle la lecture des écrits historiques ? Maugin constate que les événements racontés par les Anciens sont considérés comme véridiques, et ajoute, de manière polémique, qu’on leur attribue la même foi qu’on accorde à la Bible. On nous dit même que celui qui montrerait du scepticisme à leur égard dans une « Académie » serait regardé comme un hérétique dans une église. Ce constat sur la croyance, plutôt la crédulité, dans les faits les moins vraisemblables de l’histoire antique fait pivoter le discours. Si l’on croit ces histoires des peuples anciens, pour certains « étranges », il n’est pas déraisonnable de croire également aux récits arthuriens. L’invitation à l’adhésion référentielle est appuyée par un argument extratextuel, à savoir la constatation que ces derniers récits, qualifiés de « nottres » et opposés aux gestes des « Grecz, & Barbares », sont des antiquités nationales.
Le passage ici considéré élabore donc une réflexion qui affirme la vérité référentielle des récits arthuriens et qui les inscrit dans un passé national. Cette position est soutenue par le biais d’une stratégie discursive détournée. En effet, Maugin développe une argumentation 272apologétique à l’encontre d’une critique qui demeure, elle, en large partie implicite. L’évocation de formes de croyance, chez des lecteurs d’ouvrages historiques, qui s’apparenteraient à de la crédulité sert à réfuter le scepticisme hypercritique à l’égard des récits arthuriens eux-mêmes. Sans être nommés, les détracteurs qui taxent les récits chevaleresques de fables sont identifiables avec les humanistes, auxquels renvoie le terme, d’invention très récente, d’« Académie14 ».
La réflexion du Nouveau Tristan s’inscrit dans un débat que nous n’avons pas encore évoqué mais que nous devons considérer afin de saisir la valeur d’une position qui n’est ni naïve ni attardée, comme elle pourrait sembler par un regard trop rapide. Mais, avant de dessiner ce contexte culturel, nous allons cependant analyser un autre développement théorique de Jean Maugin – celui, à la fois indépendant et divergent, que le Petit Angevin avait consigné quelques années plus tôt dans le Palmérin d’Olive. Ce texte est la traduction d’un libro de caballerías, premier épisode de la saga des Palmerines15. Publiée en 1546 à Paris, l’édition s’inscrit dans la « collection » de récits de chevalerie inaugurée avec la série des Amadis, arrivée alors au sixième volume. Cette proximité est revendiquée dans le prologue où le traducteur offre un éloge au « langaige essardin » et où, entre autres, on lit ceci :
Les anciens Romains (magnifiques seigneurs) pour mieux atirer leurs citoyens à l’amour de vertu et avoir en horreur le vice, non seulement escrivirent loix, fisrent publier editz, créerent censeurs, entretindrent gents letrez du tresor publicq’ pour rediger par escrit les actes heroïques et vertueux faitz de 273leurs majeurs, ainsi à grands fraiz eurent à leurs gaiges gladiateurs, poëtes, basteleurs, musiciens, et menestriers de diverses sortes ; les uns, à fin de leur mettre devant les yeux le commun vivre des hommes, pour l’ensuyvre ou fuyr, les autres, pour leur recreacion seulement. De ce font assez foy les ordonnances de leurs roys, decretz de consulz, les loix des douzes tables, les saintes constitucions imperiales, nombre infiny de vrayes et bien belles histoires, et les satyres et comedies que nous avons d’eulx encore pour le jourd’huy. Les Françoys (precellants entre tous peuples à faire leur proffit des meurs de leurs voysins) les ont ensuyviz en cecy ; ont mis en livres les vies de leurs ancestres, gouverneurs, ducz, roys, princes, et jusqu’aux modernes, traduit fables, et inventé romants, qui ne sont autre chose que comedies prosaïques16.
Les Anciens, dit Jean Maugin, ont inventé en leur temps de nombreuses activités artistiques : histoire, poésie, comédies, satyres, spectacles divers. Certaines de celles-ci servaient à encourager les citoyens à la vertu et à les détacher des vices, alors que d’autres œuvraient simplement à leur récréation. Les Français ont emboîté le pas aux Romains : ils se sont mis à l’écriture de l’histoire d’un côté, et de l’autre, à la traduction et invention de « fables » et « romants », ce dernier mot prenant ici le sens de romans de chevalerie17. Jean Maugin explique la nature de ces fictions en les comparant à un autre genre, la comédie, bien que celle-ci soient en vers et celles-là en prose.
Dans la préface du Palmérin, le roman est donc considéré sous deux aspects, le but et le statut générique. Le premier consiste à réjouir les lecteurs. L’écriture des fables et des « romants » recherche la récréation plutôt que l’instruction, dévolue elle, de manière traditionnelle, à l’histoire. C’est pourquoi les verbes « recréer » et « délecter » reviennent dans le prologue18. Maugin revendique en outre pour le roman une qualité fictionnelle. Elle 274se comprend à travers le parallélisme avec la « fable », l’emploi du verbe « inventer » et la comparaison avec la comédie. L’identification avec cette dernière mérite d’être remarquée, car elle constitue un effort peu commun de conceptualisation de la spécificité de la fiction en prose. Non seulement l’association rapproche le roman d’un genre disposant de théorisation et modèles prestigieux, mais elle permet aussi de caractériser certains traits propres au discours romanesque. Il s’agit de la forme prosaïque, évoquée par contraste, et d’éléments qui sont implicitement partagés par les deux genres, dont la nature fictionnelle déjà évoquée, la modalité narrative (vs. lyrique), la représentation vraisemblable (à l’encontre, par exemple, des fables animalières). On remarquera, sans pouvoir nous attarder sur ce point, que l’élaboration de Jean Maugin peut avoir été inspirée par la traduction en prose de l’Andria de Térence parue en 1542. Dans la préface érudite qui précède le texte, l’humaniste Charles Estienne décrit le déroulement matériel et les fonctions de la comédie antique, ainsi que celles de la satire, pour lesquels il proclame le statut de « fable19 ».
La place du roman dans la réflexion théorique
et face aux critiques érudites
Afin de comprendre les réflexions de Jean Maugin, il est temps de préciser quelque peu la place que la théorie de la Renaissance attribue au roman20. Cette place est, on le sait, toute relative. Les arts poétiques du xvie siècle n’abordent jamais la fiction en prose. Si tel ou tel texte est 275parfois évoqué, cela se fait de manière incidente, dans des développements consacrés à d’autres aspects de l’art littéraire21. Ainsi, Thomas Sébillet (1548) et Joachim du Bellay (1549) parlent des récits en prose à propos du style, tandis que Peletier du Mans (1555) et Scaliger (1561) évoquent le roman dans des passages consacrés au poème épique. La terminologie ne dispose pas d’un mot qui désigne l’ensemble des fictions longues en prose, le mot « roman » ne prenant le sens moderne qu’au siècle suivant22.
Au xvie siècle, il n’y a donc pas une théorisation du roman. Il existe seulement des tentatives aurorales de fournir au genre une identité et une fonction spécifiques, souvent insérées dans les préfaces des récits eux-mêmes. L’humaniste et religieux Jacques Amyot livre la plus ambitieuse et influente dans sa traduction du roman grec d’Héliodore en 154823. D’autres réflexions intéressantes, bien que moins développées et moins significatives pour l’histoire littéraire, se parcourent à l’orée de romans de chevalerie, chez Nicolas Herberay Des Essarts (Amadis I, 1540), Jacques Gohory (Amadis X, 1555, Amadis XIII, 1571) et bien sûr Jean Maugin.
Un certain nombre de celles-ci s’inscrivent dans des opérations apologétiques répondant aux critiques du genre, et en particulier à ces religieux et ces humanistes qui, pendant la Renaissance, s’associent pour attaquer les romans pour leur immoralité ou leur illégitimité formelle. Vers la fin des années 1540, les critiques deviennent particulièrement fréquentes, et en 1548, pour la première fois, un volume d’Amadis 276s’accompagne d’une pièce apologétique, la première d’une longue série qui justifie la traduction du récit et sa proposition au public24.
La critique se déploie d’autant plus facilement que, dépourvue de théorisation et de modèles d’autorité, la fiction en prose peut être vue par ses détracteurs à l’instar d’un discours humain soumis au jugement de vérité. Il s’agit, bien sûr, de l’ancienne équivalence entre récit de fiction et mensonge. Conception classique s’il en est depuis Platon, elle reste encore vitale pendant la Renaissance. Mais au xvie siècle, une nouveauté de taille se fait large au sein de ce paradigme. La critique des cercles érudits infléchit en effet l’équivalence fable=mensonge dans une nouvelle direction, qui était largement inexploitée jusqu’alors. Le roman, et surtout le roman de chevalerie, est pensé à l’intérieur d’une relation antinomique. Écriture du mensonge, il s’oppose à l’écriture vraie, celle de l’histoire. Le roman devient en quelque sorte le singe de l’historiographie.
Il faudrait étudier en détail le développement de cette antinomie qui marque en profondeur la pensée du roman pendant le xvie siècle et au-delà. Qu’il suffise de dire que la contradiction entre les deux formes semble se répandre dans le discours critique à partir des années 1520, et s’accentuer fortement au milieu du siècle. Parmi les ouvrages et les traductions historiques qui la reprennent pour leur compte, nous connaissons la traduction de Thucydide par Claude de Seyssel en 1527, le De Philologia de Guillaume Budé en 1532, la traduction de Machiavel par Jacques Gohory en 1548, celle de Darès par Mathurin Héret en 1553, celle d’Antonio de Guevara par Antoine Allègre en 1556, celle de Tite Live par Jean Amelin en 1559, L’histoire des neuf roys Charles de France de François Belleforest en 1568, la traduction de Tite-Live par Antoine de la Faye en 158225. Chaque fois la même exhortation : les lecteurs doivent abandonner les écrits fabuleux romanesques pour s’adonner à la lecture de l’histoire.
Un fait mérite d’être observé. Cette opposition acquiert une telle force qu’elle s’insinue jusque dans ces romans de chevalerie qu’elle sert pourtant à décrier. En procédant à un esprit palinodique qui n’a rien 277d’exceptionnel pour l’époque, les traducteurs de récits chevaleresques minimisent leur effort littéraire, tout en promettant de destiner le plus clair de leur temps à venir à des travaux historiques. Il en va ainsi dans le Dom Flores d’Herberay des Essarts en 1552, dans l’Amadis X de Jacques Gohory en 1552, et dans l’Amadis XII de Guillaume Aubert en 155626. Jacques Gohory le dira bien, lui qui traduit Amadis seulement pour « [s]’exercer au langage Castilan » et qui assure de « reserve[r] plus voluntiers toute [s]a reste à employer au sujet serieux, veritable, & illustre de l’histoire Françoise27 ». Ces positions s’inscrivent dans les évolutions propres à une culture humaniste qui dépasse les frontières du royaume de France. En effet, des ouvrages savants présentent aussi, dans les mêmes années, les romans de chevalerie et les romans sentimentaux, comme la forme fausse et dégradée de la véritable écriture historique28.
L’émergence de l’antinomie s’insère dans le contexte, déjà évoqué, d’un prestige croissant accordé à l’histoire29. La discipline s’appuie alors sur les nouvelles sensibilités philologiques et archéologiques qui s’étaient développées depuis le xve siècle. C’est en raison de ces nouveaux outils que plusieurs légendes qui avaient parfois cours depuis des siècles sont alors battues en brèche. Certaines de celles-ci avaient partie liée avec la matière chevaleresque. Il en est ainsi pour la Chronica Turpini, chaînon essentiel de la légende carolingienne30, ainsi que pour l’Historia regum 278Britannie. Si l’on regarde ce dernier ouvrage, nous savons qu’il ne s’agit, en grande partie, que d’un tissu de fables. Et pourtant le texte de Geoffroy de Monmouth a servi à l’époque médiévale de caution pour croire que les récits arthuriens contenaient les vestiges d’un ancien passé31. Seulement en 1525, un humaniste développe la première réfutation moderne de l’Historia32. Et au milieu du siècle, des historiens français – ainsi François de Belleforest ou Charles Du Moulin – mettent en doute explicitement de nombreux éléments de la légende galfridienne33.
Malgré ces marques d’une désaffection et le début d’une nouvelle critique sceptique, ce serait une erreur d’estimer que la foi en la légende arthurienne tombe soudainement en ces années sous les coups de la nouvelle érudition. Il est plus exact de dire que le xvie siècle voit une coexistence exemplaire de manifestations de scepticisme et de formes de croyance. La légende relayée par l’Historia regum Britannie s’était diffusée, depuis son apparition, dans une myriade de textes. Les protagonistes de la légende arthurienne se retrouvent par exemple dans de chroniques anciennes très diffusées, pour certaines composées par des autorités ecclésiastiques34. En raison de la fortune hors pair de ces ouvrages, l’histoire arthurienne semblait prendre les apparences d’un 279savoir universel partagé. Ainsi, bien que Geoffroy puisse sembler parfois suspect, les différents éléments de la pseudo-histoire se fraient un chemin dans des textes historiques fraîchement rédigés au xvie siècle35. Un cas emblématique illustre la persistance tenace de la croyance, celui de l’un des plus grands historiens de l’époque, Claude Fauchet. Ce dernier proteste contre des détracteurs non nommés en affirmant qu’Arthur n’est pas « un fantosme, ou un nom faict à plaisir ». Il a bien existé et il est mort en 541, la date naguère fournie par Geoffroy de Monmouth à un an près36 . S’il est au xvie siècle une critique d’origine érudite humaniste qui s’érige à l’encontre de la véracité de la légende, il existe aussi des formes de résistance au scepticisme.
Conclusion
Après ce détour, nous pouvons retourner à ce Jean Maugin, qui nous a permis d’affronter l’appréhension théorique du roman de chevalerie à la Renaissance. Traducteur, préfacier, homme du livre, Maugin révèle une curiosité pour le roman qui est, pour l’époque, remarquable. Il aborde la question du statut référentiel du genre dans au moins deux endroits, des préfaces rattachées à la traduction d’un libro de caballerías castillan pour un cas et au remaniement d’un roman arthurien pour l’autre.
Le prologue du Nouveau Tristan représente une réponse à un débat courant sur la véracité de certaines légendes chevaleresques, qui étaient attaquées par la critique historique. Face au scepticisme montant, Maugin épouse et revendique la croyance, d’origine ancienne, d’une historicité du texte arthurien. Cette profession ne réclame pas seulement une certaine lecture du texte. Elle sert aussi d’argument de légitimité. La critique sur le roman de chevalerie étant portée par son identification 280avec le mensonge, elle est parée par un geste contraire et inverse de proclamation de sa vérité référentielle.
L’autre réflexion sur le statut du discours romanesque de Maugin se lit dans le Palmérin. Ici, différemment que dans Nouveau Tristan, la remarque n’a pas la forme d’une défense polémique. Nous sommes en 1546 et la critique contre le roman de chevalerie n’a pas encore les caractères aigus, voire fiévreux, qu’elle connaîtra peu après. Maugin peut alors présenter le roman de chevalerie comme une écriture de la fiction destinée à la récréation. L’association novatrice avec la comédie antique permet d’attribuer à ce genre non codifié un espace discursif autonome, et de le soustraire à la critique sur sa nature mensongère.
Les réflexions sur la forme du roman exprimées dans le Nouveau Tristan et dans le Palmérin parcourent ainsi deux voies opposées, et on peut s’étonner qu’elles aient été prononcées par le même auteur. L’une, qui semble relever d’une sapience médiévale, fait coïncider ce qui est pour nous la fiction en prose avec l’histoire, alors que l’autre garantit un espace autonome au récit de fantaisie, et paraît indiquer les développements futurs de la théorie du roman.
Néanmoins, la contradiction est moins évidente lorsqu’on envisage les caractéristiques propres à chaque ensemble textuel. Le récit arthurien était lié à une forte tradition de pseudo-historicité, qui était toujours vivante à la Renaissance. L’appréhension des ouvrages de la Table Ronde se faisait volontiers par le filtre de l’histoire, fût-il revendiqué ou rejeté. En revanche, les Palmérin et les Amadis n’avait pas d’attaches établies avec des textes historiographiques d’autorité. La nature plus clairement fictive de ces récits de chevalerie castillans a alors aidé certains auteurs, dont Jean Maugin, à penser le roman en tant qu’espace fictionnel indépendant, comme discours aux spécificités propres. Il en allait de même pour le roman grec, qui était en train d’être redécouvert en France au cours des mêmes années, et qui allait inspirer la plus influente réflexion sur le genre romanesque écrite au xvie siècle.
Francesco Montorsi
Universität Zürich
1 Je tiens à remercier Pascale Mounier pour ses conseils et Isabelle Godeby pour sa relecture attentive.
2 E. Mortgat-Longuet, Clio au Parnasse. Naissance de l’« histoire littéraire » française aux xvie et xviie siècles, Paris, Champion, 2006.
3 Il s’agit de l’« extraction » d’un épisode du Perceforest, publié de manière autonome sous le nom de Chevalier doré (Paris, 1541). Le roman ne se revendique pas de l’univers arthurien. Sur ce texte voir S. Cappello, « La double réception du Chevalier Doré (Denis Janot, 1541 ; Denis de Harsy, 1542 ; Jean Bonfons, s.d.) », Studi francesi, 159, 2009, p. 535-548.
4 Sur l’édition des récits arthuriens au xvie siècle, voir J. Taylor, Rewriting Arthurian Romance in Renaissance France. From Manuscript to Printed Book, Cambridge, Brewer, 2014 ; C. E. Pickford, « Les éditions imprimées de romans arthuriens en prose antérieurs à 1600 », Bulletin bibliographique de la Société internationale arthurienne, 13, 1961, p. 99-109 ; P. Ménard, « La réception des romans de chevalerie à la fin du Moyen Âge et au xvie siècle », Bulletin bibliographique de la Société internationale arthurienne, 49, 1997, p. 234-273 ; C. Ferlampin-Acher, F. Montorsi et J. Taylor, « La matière arthurienne dans les imprimés français », La matière arthurienne tardive en Europe, 1270-1530, éd. C. Ferlampin-Acher, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2020, p. 261-279.
5 Ces titres correspondent parfois à la réunion de plusieurs œuvres distinctes. Le Lancelot contient, en plus du roman du même nom, la Queste del saint Graal et la Mort le roi Arthur. Le Merlin est composé par trois volumes, dont les deux premiers contiennent le Merlin de Robert de Boron, le troisième les Prophécies. Le Perceval combine une réfection du Conte du Graal, deux prologues apocryphes, Elucidation et Bliocadran, et trois Continuations. Le Giglan est une adaptation en prose de deux romans en vers, le Jaufré et le Bel Inconnu, avec l’intégration d’extraits de Laurin.
6 F. Montorsi, L’apport des traductions de l’italien dans la dynamique du récit de chevalerie (1490-1550), Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 53-56 et 63-66, et R. Cooper, « “Notre histoire renouvelée” : the Reception of the Romances of Chivalry in Renaissance France », Chivalry in the Renaissance, éd. S. Anglo, Woodbridge, Boydell, 1990, p. 175-191.
7 A. Parent, Les métiers du livre à Paris au xvie siècle (1535-1560), Genève, Droz, 1974, p. 12-13, p. 171, p. 217-220 et passim ; M. Simonin, « La disgrâce d’Amadis », Studi francesi, 82, 1984, p. 1-35, et « Peut-on parler de politique éditoriale au xvie siècle ? Le cas de V. Sertenas, libraire du Palais », Le livre dans l’Europe de la Renaissance, éd. P. Aquilon et H.-J. Martin, Paris, Promodis, 1988, p. 264-281 [articles repris dans L’encre et la lumière, Genève, Droz, 2004, p. 189-234 et p. 761-782] ; A. Réach-Ngô, L’écriture éditoriale à la Renaissance. Genèse et promotion du récit sentimental français (1530-1560), Genève, Droz, 2013, p. 98-106.
8 Nouveau Tristan [= Premier Livre du nouveau Tristan, prince de Leonnois, chevalier de la Table ronde, et d’Yseulte, princesse d’Yrlande, royne de Cornouaille, fait francoys par Jean Maugin], Paris, Veuve de M. de La Porte, 1554. Le roman a été réimprimé trois fois : Paris, Gabriel Buon, 1567 ; Lyon, Benoit Rigaud, 1577 ; Paris, Nicolas Bonfons, 1586. Sur ce texte, voir E. Schürhoff, Über den Tristan-Roman des Jean Maugin, Halle a. S., Weisenhaus, 1909 ; J. Lods, « Le “Nouveau Tristan” de Jean Maugin », Bulletin bibliographique de la Société Internationale Arthurienne, 12, 1960, p. 107-116 ; L. Harf-Lancner, « Tristan détristanisé : du Tristan en prose (xiiie siècle) au Nouveau Tristan de Jean Maugin (1554) », Nouvelle Revue du seizième siècle, 2, 1984, p. 5-22 ; E. Höfner, « Tristan-Fassungen in literarischer Umbruchzeit. Pierre Sala (um 1520-1529) und Jean Maugin (1554) », Tristan-Tristrant. Mélanges en l’honneur de D. Buschinger à l’occasion de son 60e anniversaire, éd. A. Crépin et W. Spiewok, Greifswald, Reineke, 1996, p. 243-263 ; Taylor, Rewriting Arthurian Romance, p. 183-202 ; S. Cals, « “Nouveau Tristan” (Jean Maugin, 1554), nouvelles émotions ? », Don Quichotte avant Don Quichotte ? Les récits de chevalerie du xive au xvie s. en France, Italie et Espagne. Production et réception, éd. C. Croizy-Naquet et M. Szkilnik, Tirant, 19, 2019, p. 179-194 (disponible en ligne).
9 La présentation la plus précise de l’œuvre de Jean Maugin se trouve dans l’article d’A. Bettoni, « Il “Palmerin de Oliva” tradotto da Maugin : editori, storie e mode letterarie nella Francia del Cinquecento », Il n’est nul si beau passe temps que se jouer a sa pensee. Studi di filologia e letteratura francese in onore di Anna Maria Finoli, Pisa, ETS, 1995, p. 173-201. En plus des études citées infra et supra, on signalera les travaux de M. Malinverni, « Il Melicello di Jean Maugin : echi di un dialogo ideale tra romanzi e poesia », Il confronto letterario, 33, 2000, p. 83-107, et « Le Melicello de Jean Maugin : une “véritable histoire” ou le fruit d’une “invention” ? Le cas d’un roman sentimental au xvie siècle », Le roman français au xvie siècle ou le renouveau d’un genre dans le contexte européen, éd. M. Clément et P. Mounier, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2005, p. 217-233, ainsi qu’E. Neuville, L’espace paratextuel à la Renaissance. Jean Maugin et ses contemporains, diplôme de conservateur des bibliothèques, sous la direction de R. Mouren, Lyon, Enssib, 2010 (disponible en ligne).
10 Voir l’édition Le Premier Livre de l’histoire et ancienne cronique de Gerard d’Euphrate, duc de Bourgogne, éd. R. Cooper, Paris, Garnier, 2012. Le texte est paru de manière anonyme. Bettoni avait auparavant émis l’hypothèse que l’ouvrage soit de la plume de Jean De Mesmes, voir Bettoni, « Il “Palmerin de Oliva” tradotto da Maugin », p. 176.
11 Histoire Palladienne traitant des gestes et faits d’armes et d’amours […] mise en français par Cl. Colet, É. Groulleau pour V. Sertenas et J. Dallier, Paris, 1555. La révision de Jean Maugin, intervenue en raison de la mort prématurée de Claude Colet, est évoquée dans un sonnet signé par la devise « Coelum [non] Solum » [Jean de Mesmes].
12 N. Cazauran, « Les romans de chevalerie en français, entre exemple et récréation », Le roman de chevalerie au temps de la Renaissance, éd. M. T. Jones Davies, Paris, Touzot, 1987, p. 29-48.
13 Nouveau Tristan, p. 1.
14 La plus ancienne attestation du mot en français date du début du xvie siècle (académie de Platon). Le sens, non spécialisé, « de lieu d’enseignement » se retrouve pour la première fois en 1535 (chez Marot qui l’aurait repris à l’« Accademia neoplatonica » de Florence), voir W. von Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch, Bâle et alii, Zbinden et alii, 1922-2002, 25 vol., vol. 24, p. 64-65.
15 Le premier livre de Palmerin d’Olive, Paris, Denis Janot / Jean Longis, 1546 [Des exemplaires au nom de Vincent Sertenas ont aussi existé selon le témoignage de Du Verdier]. Le texte de la deuxième édition (1549) est « reveu & emendé par le mesme Auteur ». Le livre a été souvent réimprimé au xvie siècle : Paris, Jean Longis / Etienne Groulleau, 1549 ; Paris, Jean Longis / Etienne Groulleau / Vincent Sertenas, 1553 ; Paris, Galliot du Pré II, 1563 ; Antwerpen, Jan van Waesberge, 1572 ; Paris, Galliot du Pré II, 1573 ; Lyon, François Arnoullet, 1576 ; Lyon, Benoît Rigaud, 1576 ; Lyon, Benoît Rigaud, 1592 ; Lyon, Benoît Rigaud, 1593. Sur ce texte, voir Bettoni, « Il “Palmerin de Oliva” tradotto da Maugin » ; Taylor, Rewriting Arthurian Romances, p. 192-195 ; A. Freer, « Palmerín de Olivia en Francia », Studi sul Palmerín de Olivia. III. Saggi e richerche, Pisa, Università di Pisa, 1966, p. 177-237.
16 Le texte se lit, en plus des éditions du xvie siècle, dans B. Weinberg, Critical Prefaces of the French Renaissance, Evanston, Northwestern University Press, 1950, p. 131-134 (édition de 1546, avec les variantes de celle 1553), d’où nous tirons notre citation, ainsi que dans L. Guillerm, Sujet de l’écriture et traduction autour de 1540, Paris, Klincksieck, 1988, p. 585-587. Cappello évoque cette préface dans « Aux origines de la réflexion française sur le roman », Du roman courtois au roman baroque, éd. E. Bury et F. Mora, Paris, Les Belles Lettres, 2004, p. 415-435, ici p. 430.
17 Voir infra n. 19.
18 « Et n’eust esté qu’au contraire de ce je me persuadois qu’œuvre, tant petite soit-elle, moyennant qu’elle procede d’un bon cueur pour proffiter à la postérité, peult aucunement delecter les lecteurs, je n’eusse jamais paind characthere. Estant doncq’ meu de ceste persuasion et asseuré que toutes choses nouvelles peuvent quelque temps recréer […] » (Weinberg, Critical Prefaces, p. 133, nous soulignons).
19 La préface se lit dans La comédie à l’époque d’Henri II et de Charles IX. 1541-1554, éd. L. Zilli, A. Bettoni, R. Reynolds-Cornell, M. Miotti, Florence/Paris, Olschki / Presses Universitaires de France, 1994, p. 23-37, ainsi que dans Weinberg, Critical Prefaces, p. 89-103. Elle a eu d’importants échos au xvie siècle (voir l’introduction de Zilli à l’édition citée, p. 7-8).
20 Sur la théorisation du roman en France, ou plutôt son absence, on lira entre autres A. Boilève-Guerlet, Le Genre romanesque. Des théories de la Renaissance italienne aux réflexions du xviie siècle français, Santiago de Compostela, Services de publications de l’Université, 1993 ; S. Cappello, « Aux origines de la réflexion française sur le roman » ; Pascale Mounier, « La situation théorique du roman en France et en Italie à la Renaissance », Seizième siècle, 4, 2004, p. 173-193, et, du même auteur, « Peut-on penser le roman du xvie siècle ? », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 69, 2, 2007, p. 381-398.
21 A. Maynor Hardee, « Toward a Definition of the French Renaissance Novel », Studies in the Renaissance, 15, 1968, p. 25-38 (l’auteur ignore que le mot « roman » désigne à l’époque considérée le récit de chevalerie, voir note suivante).
22 Au xvie siècle, le mot roman indique, sauf exception (par ex. le Roman de la Rose), les récits de chevalerie : voir les travaux de P. Mounier, « Les sens littéraires de roman en français préclassique », Le Français préclassique, 8, 2004, p. 157-182 ; Le roman humaniste. Un genre novateur français, 1532-1564, Paris, Champion, 2007, p. 39-76 ; et « Quelques substituts de “roman” au xvie siècle : innovation romanesque et prudence lexicale », Le roman français au xvie siècle, p. 33-49 ; ainsi que S. Cappello, « Fable, fiction, histoire fabuleuse. Relazioni sinonimiche e dissimilazioni semantiche nel “Proësme du translateur” di Jacques Amyot (1548) », La sinonimia tra ‘langue’ e ‘parole’ nei codici francese e italiano, éd. S. Cigada et M. Verna, Milano, Vita e Pensiero, 2008, p. 145-165.
23 M. Fumaroli, « Jacques Amyot and the Clerical Polemic against the Chivalric Novel », Renaissance Quarterly, 38, 1985, p. 22-40 [une traduction remaniée de l’article se lit dans Exercices de lecture. De Rabelais à Paul Valéry, Paris, Gallimard, 2006, p. 29-61] ; S. Cappello, « La Prefazione di Amyot all’Histoire aethiopique di Eliodoro », Studi in memoria di Giorgio Valussi, éd. V. Orioles, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 1992, p. 125-146 ; et les analyses de L. Plazenet dans son édition d’Héliodore, L’Histoire aethiopique. Traduction de Jacques Amyot, Paris, Champion, 2008.
24 Cappello, « Aux origines de la réflexion française sur le roman », p. 431. Sur la critique du roman dans la Renaissance française voir également, du même, « Letteratura narrativa e censura nel Cinquecento francese », La censura libraria nell’Europa del secolo xvi, éd. U. Rozzo, Udine, Forum, 1997, p. 53-100, ainsi que Simonin, « La disgrâce d’Amadis ».
25 L’argument se rencontre dans les préfaces des textes cités, à l’exception du De Philologia de Budé où on le trouve au milieu du texte (voir De philologia, éd. M.-M. de La Garanderie, Paris, Les Belles Lettres, 2001, p. 90-92).
26 Dans le Dom Florès, la palinodie se décline au passé : Herberay Des Essarts affirme avoir laissé l’Amadis pour se dédier à l’écriture de l’histoire.
27 Le dixiesme livre d’Amadis de Gaule, Paris, Vincent Sertenas, 1552, « A tresillustre princesse madame Marguerite de France », f. a iir, reproduit dans Hugues Vaganay, Amadis en Français. Essai de bibliographie, Genève, Slatkine, 1970 [1906], p. 107.
28 Pour les cas de Jean Louis Vivès, Henri Corneille Agrippa de Nettesheim, et Antoine Possevin, voir Cappello, « Letteratura narrativa e censura ».
29 Pour les évolutions de la science historique au xvie siècle, voir l’ouvrage fondamental de D. R. Kelley, Foundations of Modern Historical Scholarship. Language, Law, and History in the French Renaissance, New York / London, Columbia University Press, 1970. Les historiens de la deuxième moitié du siècle sont l’objet du livre de G. Huppert, L’idée de l’histoire parfaite, tr. de l’anglais, Paris, Flammarion, 1973 [1re éd. Chicago/London, 1970] et de la contribution de R. Chartier, « Comment on écrivait l’histoire au temps des guerres de religion », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 29, 1974, p. 883-887. Pour un panorama synthétique, voir G. Gadoffre, La révolution culturelle dans la France des humanistes. Guillaume Budé et François Ier, Genève, Droz, 1997, ch. ix « De l’historiographie à la démarche historique ». Pour le travail historiographique de Guillaume Budé, on lira les travaux de L. A. Sanchi, dont « Humanistes et antiquaires. Le De asse de Budé », Anabases, 16, 2012, p. 207-223 (disponible en ligne).
30 I. Short, « A Study in Carolingian Legend and its Persistence in Latin Historiography (xii-xvi Centuries) », Mittellateinisches Jahrbuch, 7, 1970, p. 127-152.
31 Malgré ses éléments fabuleux, l’ouvrage de Geoffroy de Monmouth a été reçu dès sa parution comme un texte digne de foi. Voir R. H. Fletcher, The Arthurian Material in the Chronicles, Especially Those of Great Britain and France, Boston, Ginn & company, 1906 ; P. Damian-Grint et Fr. Le Saux, « The Arthur of the Chronicles », The Arthur of the French. The Arthurian Legend in Medieval French and Occitan Literature, éd. G. S. Burgess, Cardiff, University of Wales Press, 2006, p. 93-111 ; A. Putter, « Latin Historiography after Geoffrey of Monmouth », The Arthur of Medieval Latin Literature, éd. S. Echard, Cardiff, University of Wales Press, 2011, p. 85-108 ; J. Tahkokallio, « French Chroniclers and the Credibility of Geoffrey of Monmouth’s History of the Kings of Britain, c. 1150-1225 », L’« Historia regum Britannie » et les « Bruts » en Europe, vol. 1, Traductions, adaptations, réappropriations, xiie-xvie siècle, éd. H. Tétrel, et G. Veysseyre, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 53-67. Dans les études sur la réception de la matière arthurienne on a coutume de signaler deux manifestations de scepticisme à l’égard du clerc gallois, qui sont le fait de Giraud de Berri et William of Newburgh. Il est notable néanmoins que le premier des deux auteurs contribue aussi, à d’autres moments, à diffuser le récit de Geoffroy de Monmouth (cf. J. Crick « The British Past and the Welsh Future : Gerald of Wales, Geoffrey of Monmouth and Arthur of Britain », Celtica, 23, 1999, p. 60-75).
32 D. Hay, Polydore Vergil, Renaissance Historian and Man of Letters, Oxford, Clarendon, 1952.
33 F. Montorsi, « Faut-il croire à Geoffroy de Monmouth ? Notes sur la réception de l’Historia regum Britannie au xvie siècle », Don Quichotte avant Don Quichotte ?, éd. Croizy-Naquet et Szkilnik, p. 259-276 (disponible en ligne).
34 C’est le cas, entre autres, des sommes de Martin d’Oppava (Martinus Polonus) qui cite Merlin, et de Vincent de Beauvais qui évoque Arthur et Merlin.
35 Deux exemples : Nicole Gilles, Les Annales et chroniques de France, Paris, Denis Janot, 1532 [1525], f. xiiir, qui cite Aurelius, Utepandragon, Arthur et Merlin, et Gilles Corrozet, La fleur des antiquitez, singuliarites et excellences de la noble et triumphante ville et cite de Paris, Paris, Galliot du Pré, 1532, p. 25, qui évoque l’invasion de la Gaule par Arthur.
36 Claude Fauchet, Œuvres, Genève, Slatkine Reprints, 1969 [fac-similé de l’éd. de Paris, 1610], 2 vol., vol. 2 : Les Antiquitez gauloises et françoises, f. 81vo.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11996-8
- EAN : 9782406119968
- ISSN : 2273-0893
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11996-8.p.0265
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/07/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : préface, roman arthurien, historiographie, Palmerin d’Olive, Nouveau Tristan