Aller au contenu

Classiques Garnier

Comment penser et défendre le roman de chevalerie au XVIe siècle ? Les préfaces de Jean Maugin (Palmérin, Nouveau Tristan)

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2021 – 1, n° 41
    . varia
  • Auteur : Montorsi (Francesco)
  • Résumé : Si le XVIe siècle français n’élabore pas de théorie sur le roman de chevalerie, il produit des réflexions ponctuelles sur le genre. Alors que les préfaces des récits imprimés entre 1480 et 1530 évoquent le topos de l’instruction et du plaisir, certains textes publiés au milieu du siècle formulent une conceptualisation plus précise. C’est le cas des réflexions proposées par Jean Maugin pour sa traduction du Palmerin d’Olive de 1546 et pour le remaniement du Nouveau Tristan de 1554.
  • Pages : 265 à 280
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406119968
  • ISBN : 978-2-406-11996-8
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11996-8.p.0265
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 07/07/2021
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : préface, roman arthurien, historiographie, Palmerin d’Olive, Nouveau Tristan
265

Comment penser et défendre le roman de chevalerie au xvie siècle ?

Lexemple des préfaces de Jean Maugin
(Palmérin, Nouveau Tristan)1

La Renaissance française nélabore pas de théorie sur le roman et, avant Pasquier et Fauchet, lhistoire littéraire ny est pas pratiquée en tant que genre discursif2. Et, pourtant, des réflexions ponctuelles, souvent inscrites dans des lieux liminaires, autorisent à jeter un regard sur la réception de ce genre. Dans le cas du roman de chevalerie peuvent être signalées les positions exprimées par Jean Maugin, lun des protagonistes dune saison culturelle qui se distingue par le succès éditorial des fictions chevaleresques. Lanalyse comparative de deux textes introductifs de sa plume – la traduction du Palmerin dOlive de 1546, et le remaniement du Nouveau Tristan de 1554 – permettra de montrer certaines caractéristiques de lappréhension du roman de chevalerie en France au milieu du xvie siècle.

Succès et disgrâce du roman de chevalerie
au xvie siècle

Le roman de chevalerie, dont lorigine – comme tout le monde le sait – est médiévale, vit une saison de grande popularité au xvie siècle. Les « proses épiques », cest-à-dire les mises en prose des chansons 266de geste, et les romans daventures figurent parmi les livres les plus imprimés de lépoque. À partir dune diffusion plus élitiste, le roman arthurien se fraie également un chemin sur les étals des libraires. Dès linvention de limprimerie jusquà 1530, sans compter le cas particulier du Chevalier doré3, onze récits arthuriens sont transmis par les presses en France4. Dans lordre de parution : Lancelot, Tristan, Artus de Bretagne, Merlin, Gyron le Courtois, Giglan, Saint Graal, Ysaïe le Triste, Méliadus, Perceforest, et Perceval5. Ce sont, toutes, des histoires en prose, souvent assez longues, qui puisent leur matière dans des écrits composés deux ou trois siècles plus tôt.

Signalons aussi deux initiatives éditoriales qui remanient des textes médiévaux de la Table Ronde pour les mettre au goût du jour à une époque, le milieu et la fin du siècle, où les lecteurs se sont en partie éloignés des chevaliers du roi Arthur. Cest le cas du Lancelot de Benoît Rigaud, un abrégé radical du roman en prose éponyme (Lyon, 1591), et du Nouveau Tristan de Jean Maugin, sur lequel nous reviendrons plus longuement.

Les récits dorigine médiévale ont été réimprimés tous au moins une fois, à lexception unique du Perceval. Le roman Artus de Bretagne connaît le plus grand nombre de publications. Texte hétérodoxe, sadressant à un large public, il compte à lui seul pour près dun tiers des éditions 267arthuriennes médiévales avec seize publications différentes. Dans ce classement, suivent Merlin et Tristan (7), Giglan et Lancelot du Lac (6), Ysaïe le Triste (4), Gyron le Courtois (3), Méliadus de Leonnoys, Perceforest, Saint Graal (2).

Comparer la fortune de ces textes avec celle dautres ensembles narratifs médiévaux nous amène à constater leur moindre diffusion. Pour ne prendre que deux succès épiques, les Quatre fils Aymon et Fierabras ont été imprimés respectivement au moins 33 et 30 fois aux xve et xvie siècles. Lune des raisons qui expliquent ces différents volumes de production réside dans la durée de leur fortune. Si les romans de matière carolingienne sont édités tout au long du xvie siècle, jusquà être inclus, pour certains, dans la Bibliothèque Bleue, ceux de la Table Ronde connaissent une vie courte. Imprimés entre 1488 et le début des années 1530, leur transmission sarrête brusquement. Après 1530, aucun texte inédit nest plus mis en circulation. De plus, on cesse aussi de mettre sous presse la plupart des romans médiévaux déjà édités, à lexception des récits néo-arthuriens, Ysaïe le Triste, Artus de Bretagne, ainsi que de Giglan, adaptation en prose tardive de deux romans antérieurs. Cette décennie marque la fin dune transmission jusqualors ininterrompue depuis le début xiiie siècle, et qui ne sera réactivée que dans un tout autre contexte, celui la philologie des xixe et xxe siècles.

La disgrâce du récit arthurien peut être mise en parallèle avec lavènement de nouvelles modes et de valeurs littéraires. Les romans de la Table Ronde auraient été détrônés auprès de ses lecteurs, essentiellement les élites nobiliaires et courtisanes, par des produits neufs : des romans de chevalerie modernes. Cest en 1540 que, pour la première fois, paraît un tel récit venu dEspagne, lAmadis de Gaule, traduit par Nicolas Herberay des Essarts. La version du castillan voit le jour à une époque où la langue française cherche des exemples normatifs. Rapidement, elle devient un modèle de prose élégante. Cette initiative ouvre aussi le début dune série de publications de traductions de lespagnol, de litalien, du moyen français visant à renouveler la matière chevaleresque. Ces versions sapproprient lidéal dune prose riche, incarné par les écrits de Herberay des Essarts, et sont publiées en des formes typographiques prestigieuses – au niveau des caractères, du format, de la mise en page, et des illustrations – qui les éloignent des impressions gothiques des 268romans médiévaux. Rééditées jusquau seuil du siècle suivant, elles bénéficient dun succès spectaculaire qui marque les esprits6.

Ces récits chevaleresques modernes paraissent pour la plupart grâce aux soins du même groupe dimprimeurs-libraires (Vincent Sertenas, Étienne Groulleau, Jean Longis, Denis Janot, Jeanne de Marnef) tenant boutique au Palais7. Ces « nouveaux romans » sont les traductions de la série espagnole des Amadis (Livres I à XII, auxquels sajoute Dom Florès, traduction de la seconde partie de Lisuarte de Grecia), les trois volumes de celle de Palmerin, la traduction dun libro de caballerías isolé (lHistoire palladienne, 1555), les traductions de trois récits italiens (le Philocope de 1542, le Roland furieux de 1543 et le Roland amoureux de 1549), et enfin deux adaptations du français – une prose épique, Gérard dEuphrate (1549), et un roman arthurien, le Nouveau Tristan (1554), sur lequel nous allons maintenant nous arrêter.

Jean Maugin et ses réflexions
sur la forme romanesque

Le Nouveau Tristan est une adaptation du Tristan en prose, lun des récits arthuriens les plus goûtés aux xve et xvie siècles8. Le but 269de lopération ne tend pas à fournir lédition dun roman médiéval, mais à en proposer une version actualisée, raison pour laquelle dans les paratextes du Nouveau Tristan, les adjectifs « renouvelée » et « nouveau » qualifient lhistoire offerte aux lecteurs. Cette aspiration se concrétise par des stratégies stylistiques et narratives, modernisant le style et lintrigue, et par le choix dun format typographique proche de celui des autres textes de chevalerie contemporains. Pour ces traits, lédition, parue à Paris en 1554, sinscrit dans la mouvance des « nouveaux romans » publiés à Paris par Sertenas, Groulleau et Cie. La figure de lauteur, Jean Maugin, incarne également la continuité entre lopération éditoriale lancée par ce groupe et le Nouveau Tristan, un récit qui paraît pourtant sous dautres presses, celles de la Veuve de La Porte.

La biographie de Jean Maugin est peu connue, et ce que nous savons de lui nous le tirons de ses écrits9. Tantôt indiqué par son surnom « le Petit Angevin », il signe dans les années 1540 et 1550 quelques œuvres originales, des traductions et des remaniements, qui paraissent tous, sauf son dernier, chez le groupe de libraires du Palais : le Palmerin dOlive et LAmour de Cupido et de Psiché en 1546, Les Dix Histoires du Nouveau Testament en 1547, Le Parrangon de vertu en 1548, le Nouveau Tristan en 2701554. Richard Cooper lui attribue, sur la foi darguments stylistiques, le Gérard dEuphrate de 154910. Si cette paternité est sujette à caution, on lui assignera en revanche la révision dun autre récit de chevalerie, lHistoire palladienne, paru en 155511. Des vers de Maugin se lisent à la fin de son Amour de Cupido et de Psiché et dans le recueil Jardin dhonneur (1550). Le Petit Angevin signe aussi de nombreux textes liminaires. En plus des poèmes de Pernette du Guillet (1546), des traductions de Tacite et Machiavel (1548), et de celle des Epistres de Phalaris (1550), ils se rencontrent dans des romans sentimentaux ou chevaleresques (Amadis VII en 1546, Amadis VIII en 1548, Gérard dEuphrate en 1549, Primaléon de Grèce en 1550, ainsi que la réédition de lAmadis en format in-octavo parue en 1548), publiés encore une fois par les mêmes imprimeurs-libraires parisiens.

Lœuvre de Jean Maugin se décline donc selon deux lignes directrices principales, celle de la traduction / du remaniement, et celle de lécriture préfacielle. Elle sinscrit dans un contexte de collaboration professionnelle presque exclusive avec un cercle déditeurs. Ce qui est particulier dans cette activité cest aussi quelle est tournée en large partie vers la fiction en prose. Cest ce rapport privilégié qui amène Maugin à élaborer de réflexions sur le statut du discours romanesque. Bien que peu développées, celles-ci présentent un intérêt considérable, car elles comptent parmi les peu nombreuses tentatives dappréhension conceptuelle du genre à lâge de la Renaissance. On notera à ce sujet que les préfaces des romans de chevalerie imprimés entre les années 1480 et les années 1530 ne constituent pas des tentatives dappréhension de la forme narrative, mais se limitent à évoquer le topos traditionnel de linstruction et du plaisir12.

Commençons par la réflexion la plus tardive, celle qui se trouve dans le Nouveau Tristan en prose. Jean Maugin choisit une position peu 271usuelle et assez discrète pour développer une discussion sur le statut du récit arthurien. Dans le début du premier chapitre – et non dans le prologue ni dans la lettre de dédicace – nous lisons :

Lhistoire humaine a esté tousjours tant recommandée entre les nobles, que tout ce qui sest fait depuis la creation du monde [] est creu, et y adjouste-lon foy, comme aux escritures sainctes & divines : tellement que celuy qui voudroit nier en une Academie ce que nous avons aujourdhuy des antiques gestes des Grecz, & Barbares, ne seroit en moindre défaveur & mauvaise reputation, quen lEglise un heretique. Ce persuadé [] je ne fay plus doute, que si on croit telles antiquitez, & des estranges mesmes, que par semblable raison on ne doive croire aussi, ce qui est notté des nostres, & des chevaliers entre autres qui fleurissoient du temps de celuy Artus, columne, seul soutien & restaurateur des vertuëux hommes, compris sous ce sacré mistere de la TABLE RONDE13.

Lauteur remarque le prestige de lécriture historique, spécialement entre les nobles. Lobservation se lie dune manière générale au topos de lhistoria magistra vitae, mais sinscrit spécifiquement dans le contexte dun crédit croissant pour lhistoire amené à lépoque par lavènement des modèles humanistes déducation. Quelle forme psychologique de croyance sous-tend-elle la lecture des écrits historiques ? Maugin constate que les événements racontés par les Anciens sont considérés comme véridiques, et ajoute, de manière polémique, quon leur attribue la même foi quon accorde à la Bible. On nous dit même que celui qui montrerait du scepticisme à leur égard dans une « Académie » serait regardé comme un hérétique dans une église. Ce constat sur la croyance, plutôt la crédulité, dans les faits les moins vraisemblables de lhistoire antique fait pivoter le discours. Si lon croit ces histoires des peuples anciens, pour certains « étranges », il nest pas déraisonnable de croire également aux récits arthuriens. Linvitation à ladhésion référentielle est appuyée par un argument extratextuel, à savoir la constatation que ces derniers récits, qualifiés de « nottres » et opposés aux gestes des « Grecz, & Barbares », sont des antiquités nationales.

Le passage ici considéré élabore donc une réflexion qui affirme la vérité référentielle des récits arthuriens et qui les inscrit dans un passé national. Cette position est soutenue par le biais dune stratégie discursive détournée. En effet, Maugin développe une argumentation 272apologétique à lencontre dune critique qui demeure, elle, en large partie implicite. Lévocation de formes de croyance, chez des lecteurs douvrages historiques, qui sapparenteraient à de la crédulité sert à réfuter le scepticisme hypercritique à légard des récits arthuriens eux-mêmes. Sans être nommés, les détracteurs qui taxent les récits chevaleresques de fables sont identifiables avec les humanistes, auxquels renvoie le terme, dinvention très récente, d« Académie14 ».

La réflexion du Nouveau Tristan sinscrit dans un débat que nous navons pas encore évoqué mais que nous devons considérer afin de saisir la valeur dune position qui nest ni naïve ni attardée, comme elle pourrait sembler par un regard trop rapide. Mais, avant de dessiner ce contexte culturel, nous allons cependant analyser un autre développement théorique de Jean Maugin – celui, à la fois indépendant et divergent, que le Petit Angevin avait consigné quelques années plus tôt dans le Palmérin dOlive. Ce texte est la traduction dun libro de caballerías, premier épisode de la saga des Palmerines15. Publiée en 1546 à Paris, lédition sinscrit dans la « collection » de récits de chevalerie inaugurée avec la série des Amadis, arrivée alors au sixième volume. Cette proximité est revendiquée dans le prologue où le traducteur offre un éloge au « langaige essardin » et où, entre autres, on lit ceci :

Les anciens Romains (magnifiques seigneurs) pour mieux atirer leurs citoyens à lamour de vertu et avoir en horreur le vice, non seulement escrivirent loix, fisrent publier editz, créerent censeurs, entretindrent gents letrez du tresor publicq pour rediger par escrit les actes heroïques et vertueux faitz de 273leurs majeurs, ainsi à grands fraiz eurent à leurs gaiges gladiateurs, poëtes, basteleurs, musiciens, et menestriers de diverses sortes ; les uns, à fin de leur mettre devant les yeux le commun vivre des hommes, pour lensuyvre ou fuyr, les autres, pour leur recreacion seulement. De ce font assez foy les ordonnances de leurs roys, decretz de consulz, les loix des douzes tables, les saintes constitucions imperiales, nombre infiny de vrayes et bien belles histoires, et les satyres et comedies que nous avons deulx encore pour le jourdhuy. Les Françoys (precellants entre tous peuples à faire leur proffit des meurs de leurs voysins) les ont ensuyviz en cecy ; ont mis en livres les vies de leurs ancestres, gouverneurs, ducz, roys, princes, et jusquaux modernes, traduit fables, et inventé romants, qui ne sont autre chose que comedies prosaïques16.

Les Anciens, dit Jean Maugin, ont inventé en leur temps de nombreuses activités artistiques : histoire, poésie, comédies, satyres, spectacles divers. Certaines de celles-ci servaient à encourager les citoyens à la vertu et à les détacher des vices, alors que dautres œuvraient simplement à leur récréation. Les Français ont emboîté le pas aux Romains : ils se sont mis à lécriture de lhistoire dun côté, et de lautre, à la traduction et invention de « fables » et « romants », ce dernier mot prenant ici le sens de romans de chevalerie17. Jean Maugin explique la nature de ces fictions en les comparant à un autre genre, la comédie, bien que celle-ci soient en vers et celles-là en prose.

Dans la préface du Palmérin, le roman est donc considéré sous deux aspects, le but et le statut générique. Le premier consiste à réjouir les lecteurs. Lécriture des fables et des « romants » recherche la récréation plutôt que linstruction, dévolue elle, de manière traditionnelle, à lhistoire. Cest pourquoi les verbes « recréer » et « délecter » reviennent dans le prologue18. Maugin revendique en outre pour le roman une qualité fictionnelle. Elle 274se comprend à travers le parallélisme avec la « fable », lemploi du verbe « inventer » et la comparaison avec la comédie. Lidentification avec cette dernière mérite dêtre remarquée, car elle constitue un effort peu commun de conceptualisation de la spécificité de la fiction en prose. Non seulement lassociation rapproche le roman dun genre disposant de théorisation et modèles prestigieux, mais elle permet aussi de caractériser certains traits propres au discours romanesque. Il sagit de la forme prosaïque, évoquée par contraste, et déléments qui sont implicitement partagés par les deux genres, dont la nature fictionnelle déjà évoquée, la modalité narrative (vs. lyrique), la représentation vraisemblable (à lencontre, par exemple, des fables animalières). On remarquera, sans pouvoir nous attarder sur ce point, que lélaboration de Jean Maugin peut avoir été inspirée par la traduction en prose de lAndria de Térence parue en 1542. Dans la préface érudite qui précède le texte, lhumaniste Charles Estienne décrit le déroulement matériel et les fonctions de la comédie antique, ainsi que celles de la satire, pour lesquels il proclame le statut de « fable19 ».

La place du roman dans la réflexion théorique
et face aux critiques érudites

Afin de comprendre les réflexions de Jean Maugin, il est temps de préciser quelque peu la place que la théorie de la Renaissance attribue au roman20. Cette place est, on le sait, toute relative. Les arts poétiques du xvie siècle nabordent jamais la fiction en prose. Si tel ou tel texte est 275parfois évoqué, cela se fait de manière incidente, dans des développements consacrés à dautres aspects de lart littéraire21. Ainsi, Thomas Sébillet (1548) et Joachim du Bellay (1549) parlent des récits en prose à propos du style, tandis que Peletier du Mans (1555) et Scaliger (1561) évoquent le roman dans des passages consacrés au poème épique. La terminologie ne dispose pas dun mot qui désigne lensemble des fictions longues en prose, le mot « roman » ne prenant le sens moderne quau siècle suivant22.

Au xvie siècle, il ny a donc pas une théorisation du roman. Il existe seulement des tentatives aurorales de fournir au genre une identité et une fonction spécifiques, souvent insérées dans les préfaces des récits eux-mêmes. Lhumaniste et religieux Jacques Amyot livre la plus ambitieuse et influente dans sa traduction du roman grec dHéliodore en 154823. Dautres réflexions intéressantes, bien que moins développées et moins significatives pour lhistoire littéraire, se parcourent à lorée de romans de chevalerie, chez Nicolas Herberay Des Essarts (Amadis I, 1540), Jacques Gohory (Amadis X, 1555, Amadis XIII, 1571) et bien sûr Jean Maugin.

Un certain nombre de celles-ci sinscrivent dans des opérations apologétiques répondant aux critiques du genre, et en particulier à ces religieux et ces humanistes qui, pendant la Renaissance, sassocient pour attaquer les romans pour leur immoralité ou leur illégitimité formelle. Vers la fin des années 1540, les critiques deviennent particulièrement fréquentes, et en 1548, pour la première fois, un volume dAmadis 276saccompagne dune pièce apologétique, la première dune longue série qui justifie la traduction du récit et sa proposition au public24.

La critique se déploie dautant plus facilement que, dépourvue de théorisation et de modèles dautorité, la fiction en prose peut être vue par ses détracteurs à linstar dun discours humain soumis au jugement de vérité. Il sagit, bien sûr, de lancienne équivalence entre récit de fiction et mensonge. Conception classique sil en est depuis Platon, elle reste encore vitale pendant la Renaissance. Mais au xvie siècle, une nouveauté de taille se fait large au sein de ce paradigme. La critique des cercles érudits infléchit en effet léquivalence fable=mensonge dans une nouvelle direction, qui était largement inexploitée jusqualors. Le roman, et surtout le roman de chevalerie, est pensé à lintérieur dune relation antinomique. Écriture du mensonge, il soppose à lécriture vraie, celle de lhistoire. Le roman devient en quelque sorte le singe de lhistoriographie.

Il faudrait étudier en détail le développement de cette antinomie qui marque en profondeur la pensée du roman pendant le xvie siècle et au-delà. Quil suffise de dire que la contradiction entre les deux formes semble se répandre dans le discours critique à partir des années 1520, et saccentuer fortement au milieu du siècle. Parmi les ouvrages et les traductions historiques qui la reprennent pour leur compte, nous connaissons la traduction de Thucydide par Claude de Seyssel en 1527, le De Philologia de Guillaume Budé en 1532, la traduction de Machiavel par Jacques Gohory en 1548, celle de Darès par Mathurin Héret en 1553, celle dAntonio de Guevara par Antoine Allègre en 1556, celle de Tite Live par Jean Amelin en 1559, Lhistoire des neuf roys Charles de France de François Belleforest en 1568, la traduction de Tite-Live par Antoine de la Faye en 158225. Chaque fois la même exhortation : les lecteurs doivent abandonner les écrits fabuleux romanesques pour sadonner à la lecture de lhistoire.

Un fait mérite dêtre observé. Cette opposition acquiert une telle force quelle sinsinue jusque dans ces romans de chevalerie quelle sert pourtant à décrier. En procédant à un esprit palinodique qui na rien 277dexceptionnel pour lépoque, les traducteurs de récits chevaleresques minimisent leur effort littéraire, tout en promettant de destiner le plus clair de leur temps à venir à des travaux historiques. Il en va ainsi dans le Dom Flores dHerberay des Essarts en 1552, dans lAmadis X de Jacques Gohory en 1552, et dans lAmadis XII de Guillaume Aubert en 155626. Jacques Gohory le dira bien, lui qui traduit Amadis seulement pour « [s]exercer au langage Castilan » et qui assure de « reserve[r] plus voluntiers toute [s]a reste à employer au sujet serieux, veritable, & illustre de lhistoire Françoise27 ». Ces positions sinscrivent dans les évolutions propres à une culture humaniste qui dépasse les frontières du royaume de France. En effet, des ouvrages savants présentent aussi, dans les mêmes années, les romans de chevalerie et les romans sentimentaux, comme la forme fausse et dégradée de la véritable écriture historique28.

Lémergence de lantinomie sinsère dans le contexte, déjà évoqué, dun prestige croissant accordé à lhistoire29. La discipline sappuie alors sur les nouvelles sensibilités philologiques et archéologiques qui sétaient développées depuis le xve siècle. Cest en raison de ces nouveaux outils que plusieurs légendes qui avaient parfois cours depuis des siècles sont alors battues en brèche. Certaines de celles-ci avaient partie liée avec la matière chevaleresque. Il en est ainsi pour la Chronica Turpini, chaînon essentiel de la légende carolingienne30, ainsi que pour lHistoria regum 278Britannie. Si lon regarde ce dernier ouvrage, nous savons quil ne sagit, en grande partie, que dun tissu de fables. Et pourtant le texte de Geoffroy de Monmouth a servi à lépoque médiévale de caution pour croire que les récits arthuriens contenaient les vestiges dun ancien passé31. Seulement en 1525, un humaniste développe la première réfutation moderne de lHistoria32. Et au milieu du siècle, des historiens français – ainsi François de Belleforest ou Charles Du Moulin – mettent en doute explicitement de nombreux éléments de la légende galfridienne33.

Malgré ces marques dune désaffection et le début dune nouvelle critique sceptique, ce serait une erreur destimer que la foi en la légende arthurienne tombe soudainement en ces années sous les coups de la nouvelle érudition. Il est plus exact de dire que le xvie siècle voit une coexistence exemplaire de manifestations de scepticisme et de formes de croyance. La légende relayée par lHistoria regum Britannie sétait diffusée, depuis son apparition, dans une myriade de textes. Les protagonistes de la légende arthurienne se retrouvent par exemple dans de chroniques anciennes très diffusées, pour certaines composées par des autorités ecclésiastiques34. En raison de la fortune hors pair de ces ouvrages, lhistoire arthurienne semblait prendre les apparences dun 279savoir universel partagé. Ainsi, bien que Geoffroy puisse sembler parfois suspect, les différents éléments de la pseudo-histoire se fraient un chemin dans des textes historiques fraîchement rédigés au xvie siècle35. Un cas emblématique illustre la persistance tenace de la croyance, celui de lun des plus grands historiens de lépoque, Claude Fauchet. Ce dernier proteste contre des détracteurs non nommés en affirmant quArthur nest pas « un fantosme, ou un nom faict à plaisir ». Il a bien existé et il est mort en 541, la date naguère fournie par Geoffroy de Monmouth à un an près36 . Sil est au xvie siècle une critique dorigine érudite humaniste qui sérige à lencontre de la véracité de la légende, il existe aussi des formes de résistance au scepticisme.

Conclusion

Après ce détour, nous pouvons retourner à ce Jean Maugin, qui nous a permis daffronter lappréhension théorique du roman de chevalerie à la Renaissance. Traducteur, préfacier, homme du livre, Maugin révèle une curiosité pour le roman qui est, pour lépoque, remarquable. Il aborde la question du statut référentiel du genre dans au moins deux endroits, des préfaces rattachées à la traduction dun libro de caballerías castillan pour un cas et au remaniement dun roman arthurien pour lautre.

Le prologue du Nouveau Tristan représente une réponse à un débat courant sur la véracité de certaines légendes chevaleresques, qui étaient attaquées par la critique historique. Face au scepticisme montant, Maugin épouse et revendique la croyance, dorigine ancienne, dune historicité du texte arthurien. Cette profession ne réclame pas seulement une certaine lecture du texte. Elle sert aussi dargument de légitimité. La critique sur le roman de chevalerie étant portée par son identification 280avec le mensonge, elle est parée par un geste contraire et inverse de proclamation de sa vérité référentielle.

Lautre réflexion sur le statut du discours romanesque de Maugin se lit dans le Palmérin. Ici, différemment que dans Nouveau Tristan, la remarque na pas la forme dune défense polémique. Nous sommes en 1546 et la critique contre le roman de chevalerie na pas encore les caractères aigus, voire fiévreux, quelle connaîtra peu après. Maugin peut alors présenter le roman de chevalerie comme une écriture de la fiction destinée à la récréation. Lassociation novatrice avec la comédie antique permet dattribuer à ce genre non codifié un espace discursif autonome, et de le soustraire à la critique sur sa nature mensongère.

Les réflexions sur la forme du roman exprimées dans le Nouveau Tristan et dans le Palmérin parcourent ainsi deux voies opposées, et on peut sétonner quelles aient été prononcées par le même auteur. Lune, qui semble relever dune sapience médiévale, fait coïncider ce qui est pour nous la fiction en prose avec lhistoire, alors que lautre garantit un espace autonome au récit de fantaisie, et paraît indiquer les développements futurs de la théorie du roman.

Néanmoins, la contradiction est moins évidente lorsquon envisage les caractéristiques propres à chaque ensemble textuel. Le récit arthurien était lié à une forte tradition de pseudo-historicité, qui était toujours vivante à la Renaissance. Lappréhension des ouvrages de la Table Ronde se faisait volontiers par le filtre de lhistoire, fût-il revendiqué ou rejeté. En revanche, les Palmérin et les Amadis navait pas dattaches établies avec des textes historiographiques dautorité. La nature plus clairement fictive de ces récits de chevalerie castillans a alors aidé certains auteurs, dont Jean Maugin, à penser le roman en tant quespace fictionnel indépendant, comme discours aux spécificités propres. Il en allait de même pour le roman grec, qui était en train dêtre redécouvert en France au cours des mêmes années, et qui allait inspirer la plus influente réflexion sur le genre romanesque écrite au xvie siècle.

Francesco Montorsi

Universität Zürich

1 Je tiens à remercier Pascale Mounier pour ses conseils et Isabelle Godeby pour sa relecture attentive.

2 E. Mortgat-Longuet, Clio au Parnasse. Naissance de l« histoire littéraire » française aux xvie et xviie siècles, Paris, Champion, 2006.

3 Il sagit de l« extraction » dun épisode du Perceforest, publié de manière autonome sous le nom de Chevalier doré (Paris, 1541). Le roman ne se revendique pas de lunivers arthurien. Sur ce texte voir S. Cappello, « La double réception du Chevalier Doré (Denis Janot, 1541 ; Denis de Harsy, 1542 ; Jean Bonfons, s.d.) », Studi francesi, 159, 2009, p. 535-548.

4 Sur lédition des récits arthuriens au xvie siècle, voir J. Taylor, Rewriting Arthurian Romance in Renaissance France. From Manuscript to Printed Book, Cambridge, Brewer, 2014 ; C. E. Pickford, « Les éditions imprimées de romans arthuriens en prose antérieurs à 1600 », Bulletin bibliographique de la Société internationale arthurienne, 13, 1961, p. 99-109 ; P. Ménard, « La réception des romans de chevalerie à la fin du Moyen Âge et au xvie siècle », Bulletin bibliographique de la Société internationale arthurienne, 49, 1997, p. 234-273 ; C. Ferlampin-Acher, F. Montorsi et J. Taylor, « La matière arthurienne dans les imprimés français », La matière arthurienne tardive en Europe, 1270-1530, éd. C. Ferlampin-Acher, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2020, p. 261-279.

5 Ces titres correspondent parfois à la réunion de plusieurs œuvres distinctes. Le Lancelot contient, en plus du roman du même nom, la Queste del saint Graal et la Mort le roi Arthur. Le Merlin est composé par trois volumes, dont les deux premiers contiennent le Merlin de Robert de Boron, le troisième les Prophécies. Le Perceval combine une réfection du Conte du Graal, deux prologues apocryphes, Elucidation et Bliocadran, et trois Continuations. Le Giglan est une adaptation en prose de deux romans en vers, le Jaufré et le Bel Inconnu, avec lintégration dextraits de Laurin.

6 F. Montorsi, Lapport des traductions de litalien dans la dynamique du récit de chevalerie (1490-1550), Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 53-56 et 63-66, et R. Cooper, « “Notre histoire renouvelée” : the Reception of the Romances of Chivalry in Renaissance France », Chivalry in the Renaissance, éd. S. Anglo, Woodbridge, Boydell, 1990, p. 175-191.

7 A. Parent, Les métiers du livre à Paris au xvie siècle (1535-1560), Genève, Droz, 1974, p. 12-13, p. 171, p. 217-220 et passim ; M. Simonin, « La disgrâce dAmadis », Studi francesi, 82, 1984, p. 1-35, et « Peut-on parler de politique éditoriale au xvie siècle ? Le cas de V. Sertenas, libraire du Palais », Le livre dans lEurope de la Renaissance, éd. P. Aquilon et H.-J. Martin, Paris, Promodis, 1988, p. 264-281 [articles repris dans Lencre et la lumière, Genève, Droz, 2004, p. 189-234 et p. 761-782] ; A. Réach-Ngô, Lécriture éditoriale à la Renaissance. Genèse et promotion du récit sentimental français (1530-1560), Genève, Droz, 2013, p. 98-106.

8 Nouveau Tristan [= Premier Livre du nouveau Tristan, prince de Leonnois, chevalier de la Table ronde, et dYseulte, princesse dYrlande, royne de Cornouaille, fait francoys par Jean Maugin], Paris, Veuve de M. de La Porte, 1554. Le roman a été réimprimé trois fois : Paris, Gabriel Buon, 1567 ; Lyon, Benoit Rigaud, 1577 ; Paris, Nicolas Bonfons, 1586. Sur ce texte, voir E. Schürhoff, Über den Tristan-Roman des Jean Maugin, Halle a. S., Weisenhaus, 1909 ; J. Lods, « Le “Nouveau Tristan” de Jean Maugin », Bulletin bibliographique de la Société Internationale Arthurienne, 12, 1960, p. 107-116 ; L. Harf-Lancner, « Tristan détristanisé : du Tristan en prose (xiiie siècle) au Nouveau Tristan de Jean Maugin (1554) », Nouvelle Revue du seizième siècle, 2, 1984, p. 5-22 ; E. Höfner, « Tristan-Fassungen in literarischer Umbruchzeit. Pierre Sala (um 1520-1529) und Jean Maugin (1554) », Tristan-Tristrant. Mélanges en lhonneur de D. Buschinger à loccasion de son 60e anniversaire, éd. A. Crépin et W. Spiewok, Greifswald, Reineke, 1996, p. 243-263 ; Taylor, Rewriting Arthurian Romance, p. 183-202 ; S. Cals, « “Nouveau Tristan” (Jean Maugin, 1554), nouvelles émotions ? », Don Quichotte avant Don Quichotte ? Les récits de chevalerie du xive au xvie s. en France, Italie et Espagne. Production et réception, éd. C. Croizy-Naquet et M. Szkilnik, Tirant, 19, 2019, p. 179-194 (disponible en ligne).

9 La présentation la plus précise de lœuvre de Jean Maugin se trouve dans larticle dA. Bettoni, « Il “Palmerin de Oliva” tradotto da Maugin : editori, storie e mode letterarie nella Francia del Cinquecento », Il nest nul si beau passe temps que se jouer a sa pensee. Studi di filologia e letteratura francese in onore di Anna Maria Finoli, Pisa, ETS, 1995, p. 173-201. En plus des études citées infra et supra, on signalera les travaux de M. Malinverni, « Il Melicello di Jean Maugin : echi di un dialogo ideale tra romanzi e poesia », Il confronto letterario, 33, 2000, p. 83-107, et « Le Melicello de Jean Maugin : une “véritable histoire” ou le fruit dune “invention” ? Le cas dun roman sentimental au xvie siècle », Le roman français au xvie siècle ou le renouveau dun genre dans le contexte européen, éd. M. Clément et P. Mounier, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2005, p. 217-233, ainsi quE. Neuville, Lespace paratextuel à la Renaissance. Jean Maugin et ses contemporains, diplôme de conservateur des bibliothèques, sous la direction de R. Mouren, Lyon, Enssib, 2010 (disponible en ligne).

10 Voir lédition Le Premier Livre de lhistoire et ancienne cronique de Gerard dEuphrate, duc de Bourgogne, éd. R. Cooper, Paris, Garnier, 2012. Le texte est paru de manière anonyme. Bettoni avait auparavant émis lhypothèse que louvrage soit de la plume de Jean De Mesmes, voir Bettoni, « Il “Palmerin de Oliva” tradotto da Maugin », p. 176.

11 Histoire Palladienne traitant des gestes et faits darmes et damours [] mise en français par Cl. Colet, É. Groulleau pour V. Sertenas et J. Dallier, Paris, 1555. La révision de Jean Maugin, intervenue en raison de la mort prématurée de Claude Colet, est évoquée dans un sonnet signé par la devise « Coelum [non] Solum » [Jean de Mesmes].

12 N. Cazauran, « Les romans de chevalerie en français, entre exemple et récréation », Le roman de chevalerie au temps de la Renaissance, éd. M. T. Jones Davies, Paris, Touzot, 1987, p. 29-48.

13 Nouveau Tristan, p. 1.

14 La plus ancienne attestation du mot en français date du début du xvie siècle (académie de Platon). Le sens, non spécialisé, « de lieu denseignement » se retrouve pour la première fois en 1535 (chez Marot qui laurait repris à l« Accademia neoplatonica » de Florence), voir W. von Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch, Bâle et alii, Zbinden et alii, 1922-2002, 25 vol., vol. 24, p. 64-65.

15 Le premier livre de Palmerin dOlive, Paris, Denis Janot / Jean Longis, 1546 [Des exemplaires au nom de Vincent Sertenas ont aussi existé selon le témoignage de Du Verdier]. Le texte de la deuxième édition (1549) est « reveu & emendé par le mesme Auteur ». Le livre a été souvent réimprimé au xvie siècle : Paris, Jean Longis / Etienne Groulleau, 1549 ; Paris, Jean Longis / Etienne Groulleau / Vincent Sertenas, 1553 ; Paris, Galliot du Pré II, 1563 ; Antwerpen, Jan van Waesberge, 1572 ; Paris, Galliot du Pré II, 1573 ; Lyon, François Arnoullet, 1576 ; Lyon, Benoît Rigaud, 1576 ; Lyon, Benoît Rigaud, 1592 ; Lyon, Benoît Rigaud, 1593. Sur ce texte, voir Bettoni, « Il “Palmerin de Oliva” tradotto da Maugin » ; Taylor, Rewriting Arthurian Romances, p. 192-195 ; A. Freer, « Palmerín de Olivia en Francia », Studi sul Palmerín de Olivia. III. Saggi e richerche, Pisa, Università di Pisa, 1966, p. 177-237.

16 Le texte se lit, en plus des éditions du xvie siècle, dans B. Weinberg, Critical Prefaces of the French Renaissance, Evanston, Northwestern University Press, 1950, p. 131-134 (édition de 1546, avec les variantes de celle 1553), doù nous tirons notre citation, ainsi que dans L. Guillerm, Sujet de lécriture et traduction autour de 1540, Paris, Klincksieck, 1988, p. 585-587. Cappello évoque cette préface dans « Aux origines de la réflexion française sur le roman », Du roman courtois au roman baroque, éd. E. Bury et F. Mora, Paris, Les Belles Lettres, 2004, p. 415-435, ici p. 430.

17 Voir infra n. 19.

18 « Et neust esté quau contraire de ce je me persuadois quœuvre, tant petite soit-elle, moyennant quelle procede dun bon cueur pour proffiter à la postérité, peult aucunement delecter les lecteurs, je neusse jamais paind characthere. Estant doncq meu de ceste persuasion et asseuré que toutes choses nouvelles peuvent quelque temps recréer [] » (Weinberg, Critical Prefaces, p. 133, nous soulignons).

19 La préface se lit dans La comédie à lépoque dHenri II et de Charles IX. 1541-1554, éd. L. Zilli, A. Bettoni, R. Reynolds-Cornell, M. Miotti, Florence/Paris, Olschki / Presses Universitaires de France, 1994, p. 23-37, ainsi que dans Weinberg, Critical Prefaces, p. 89-103. Elle a eu dimportants échos au xvie siècle (voir lintroduction de Zilli à lédition citée, p. 7-8).

20 Sur la théorisation du roman en France, ou plutôt son absence, on lira entre autres A. Boilève-Guerlet, Le Genre romanesque. Des théories de la Renaissance italienne aux réflexions du xviie siècle français, Santiago de Compostela, Services de publications de lUniversité, 1993 ; S. Cappello, « Aux origines de la réflexion française sur le roman » ; Pascale Mounier, « La situation théorique du roman en France et en Italie à la Renaissance », Seizième siècle, 4, 2004, p. 173-193, et, du même auteur, « Peut-on penser le roman du xvie siècle ? », Bibliothèque dHumanisme et Renaissance, 69, 2, 2007, p. 381-398.

21 A. Maynor Hardee, « Toward a Definition of the French Renaissance Novel », Studies in the Renaissance, 15, 1968, p. 25-38 (lauteur ignore que le mot « roman » désigne à lépoque considérée le récit de chevalerie, voir note suivante).

22 Au xvie siècle, le mot roman indique, sauf exception (par ex. le Roman de la Rose), les récits de chevalerie : voir les travaux de P. Mounier, « Les sens littéraires de roman en français préclassique », Le Français préclassique, 8, 2004, p. 157-182 ; Le roman humaniste. Un genre novateur français, 1532-1564, Paris, Champion, 2007, p. 39-76 ; et « Quelques substituts de “roman” au xvie siècle : innovation romanesque et prudence lexicale », Le roman français au xvie siècle, p. 33-49 ; ainsi que S. Cappello, « Fable, fiction, histoire fabuleuse. Relazioni sinonimiche e dissimilazioni semantiche nel “Proësme du translateur” di Jacques Amyot (1548) », La sinonimia tra langue e parole nei codici francese e italiano, éd. S. Cigada et M. Verna, Milano, Vita e Pensiero, 2008, p. 145-165.

23 M. Fumaroli, « Jacques Amyot and the Clerical Polemic against the Chivalric Novel », Renaissance Quarterly, 38, 1985, p. 22-40 [une traduction remaniée de larticle se lit dans Exercices de lecture. De Rabelais à Paul Valéry, Paris, Gallimard, 2006, p. 29-61] ; S. Cappello, « La Prefazione di Amyot allHistoire aethiopique di Eliodoro », Studi in memoria di Giorgio Valussi, éd. V. Orioles, Alessandria, Edizioni dellOrso, 1992, p. 125-146 ; et les analyses de L. Plazenet dans son édition dHéliodore, LHistoire aethiopique. Traduction de Jacques Amyot, Paris, Champion, 2008.

24 Cappello, « Aux origines de la réflexion française sur le roman », p. 431. Sur la critique du roman dans la Renaissance française voir également, du même, « Letteratura narrativa e censura nel Cinquecento francese », La censura libraria nellEuropa del secolo xvi, éd. U. Rozzo, Udine, Forum, 1997, p. 53-100, ainsi que Simonin, « La disgrâce dAmadis ».

25 Largument se rencontre dans les préfaces des textes cités, à lexception du De Philologia de Budé où on le trouve au milieu du texte (voir De philologia, éd. M.-M. de La Garanderie, Paris, Les Belles Lettres, 2001, p. 90-92).

26 Dans le Dom Florès, la palinodie se décline au passé : Herberay Des Essarts affirme avoir laissé lAmadis pour se dédier à lécriture de lhistoire.

27 Le dixiesme livre dAmadis de Gaule, Paris, Vincent Sertenas, 1552, « A tresillustre princesse madame Marguerite de France », f. a iir, reproduit dans Hugues Vaganay, Amadis en Français. Essai de bibliographie, Genève, Slatkine, 1970 [1906], p. 107.

28 Pour les cas de Jean Louis Vivès, Henri Corneille Agrippa de Nettesheim, et Antoine Possevin, voir Cappello, « Letteratura narrativa e censura ».

29 Pour les évolutions de la science historique au xvie siècle, voir louvrage fondamental de D. R. Kelley, Foundations of Modern Historical Scholarship. Language, Law, and History in the French Renaissance, New York / London, Columbia University Press, 1970. Les historiens de la deuxième moitié du siècle sont lobjet du livre de G. Huppert, Lidée de lhistoire parfaite, tr. de langlais, Paris, Flammarion, 1973 [1re éd. Chicago/London, 1970] et de la contribution de R. Chartier, « Comment on écrivait lhistoire au temps des guerres de religion », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 29, 1974, p. 883-887. Pour un panorama synthétique, voir G. Gadoffre, La révolution culturelle dans la France des humanistes. Guillaume Budé et François Ier, Genève, Droz, 1997, ch. ix « De lhistoriographie à la démarche historique ». Pour le travail historiographique de Guillaume Budé, on lira les travaux de L. A. Sanchi, dont « Humanistes et antiquaires. Le De asse de Budé », Anabases, 16, 2012, p. 207-223 (disponible en ligne).

30 I. Short, « A Study in Carolingian Legend and its Persistence in Latin Historiography (xii-xvi Centuries) », Mittellateinisches Jahrbuch, 7, 1970, p. 127-152.

31 Malgré ses éléments fabuleux, louvrage de Geoffroy de Monmouth a été reçu dès sa parution comme un texte digne de foi. Voir R. H. Fletcher, The Arthurian Material in the Chronicles, Especially Those of Great Britain and France, Boston, Ginn & company, 1906 ; P. Damian-Grint et Fr. Le Saux, « The Arthur of the Chronicles », The Arthur of the French. The Arthurian Legend in Medieval French and Occitan Literature, éd. G. S. Burgess, Cardiff, University of Wales Press, 2006, p. 93-111 ; A. Putter, « Latin Historiography after Geoffrey of Monmouth », The Arthur of Medieval Latin Literature, éd. S. Echard, Cardiff, University of Wales Press, 2011, p. 85-108 ; J. Tahkokallio, « French Chroniclers and the Credibility of Geoffrey of Monmouths History of the Kings of Britain, c. 1150-1225 », L« Historia regum Britannie » et les « Bruts » en Europe, vol. 1, Traductions, adaptations, réappropriations, xiie-xvie siècle, éd. H. Tétrel, et G. Veysseyre, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 53-67. Dans les études sur la réception de la matière arthurienne on a coutume de signaler deux manifestations de scepticisme à légard du clerc gallois, qui sont le fait de Giraud de Berri et William of Newburgh. Il est notable néanmoins que le premier des deux auteurs contribue aussi, à dautres moments, à diffuser le récit de Geoffroy de Monmouth (cf. J. Crick « The British Past and the Welsh Future : Gerald of Wales, Geoffrey of Monmouth and Arthur of Britain », Celtica, 23, 1999, p. 60-75).

32 D. Hay, Polydore Vergil, Renaissance Historian and Man of Letters, Oxford, Clarendon, 1952.

33 F. Montorsi, « Faut-il croire à Geoffroy de Monmouth ? Notes sur la réception de lHistoria regum Britannie au xvie siècle », Don Quichotte avant Don Quichotte ?, éd. Croizy-Naquet et Szkilnik, p. 259-276 (disponible en ligne).

34 Cest le cas, entre autres, des sommes de Martin dOppava (Martinus Polonus) qui cite Merlin, et de Vincent de Beauvais qui évoque Arthur et Merlin.

35 Deux exemples : Nicole Gilles, Les Annales et chroniques de France, Paris, Denis Janot, 1532 [1525], f. xiiir, qui cite Aurelius, Utepandragon, Arthur et Merlin, et Gilles Corrozet, La fleur des antiquitez, singuliarites et excellences de la noble et triumphante ville et cite de Paris, Paris, Galliot du Pré, 1532, p. 25, qui évoque linvasion de la Gaule par Arthur.

36 Claude Fauchet, Œuvres, Genève, Slatkine Reprints, 1969 [fac-similé de léd. de Paris, 1610], 2 vol., vol. 2 : Les Antiquitez gauloises et françoises, f. 81vo.