Des genres emblématiques de la littérature médiévale ? Genres lyriques et fabliaux dans le Recueil de l’origine de la langue et poesie françoise (1581) de Claude Fauchet
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
2021 – 1, n° 41. varia - Auteur : Menegaldo (Silvère)
- Pages : 281 à 297
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
Des genres emblématiques
de la littérature médiévale ?
Genres lyriques et fabliaux dans le Recueil de l’origine
de la langue et poesie françoise (1581) de Claude Fauchet
En publiant en 1581 le Recueil de l’origine de la langue et poesie françoise, ryme et romans. Plus les noms et sommaire des œuvres de cxxvii poetes François vivans avant l’an mccc1, Claude Fauchet2 non seulement se livre à une véritable « défense et illustration3 » de la langue et de la littérature médiévales françaises, qu’il lit et qu’il apprécie probablement comme personne à son époque, mais il peut même être considéré comme le premier historien de cette littérature, quoique nulle part dans le Recueil il n’en exprime explicitement l’intention, se contentant de dire plus modestement vouloir sauver de l’oubli les « bonnes pieces » que l’on peut « quelque fois » trouver « parmi tels cahiers moisis4 ».
De fait, nettement subdivisé en deux parties bien différenciées, le Recueil ne se présente certes pas comme une histoire de la littérature médiévale française, mais plutôt comme un ouvrage quelque peu hybride : c’est ainsi qu’à un premier livre plus « théorique », si l’on peut dire, divisé en huit chapitres, qui s’intéresse d’abord à la question des origines du français 282(chapitres i à v) puis à celle de la rime, considérée comme une invention de la poésie française (chapitres vi à viii), fait suite un second livre plus « pratique », rassemblant sans ordre immédiatement apparent une collection de 127 notices numérotées, restituées en tête de l’ouvrage sous la forme d’une liste alphabétique d’auteurs ou « Indice des noms des Poetes François, contenus au second livre5 ». Comme j’ai eu l’occasion de le montrer ailleurs6, la succession de ces notices – qui combinent avec une ampleur très variable (de quelques lignes à près de dix pages pour Jean de Meun) extraits de textes directement puisés aux manuscrits et commentaires historiques, linguistiques ou plus littéraires – est en fait moins aléatoire qu’il semble à première vue, obéissant à un ordre au moins triple, à la fois chronologique, manuscrit et générique. C’est ce qui permet finalement de délimiter cinq sections différentes dans la seconde partie anthologique du Recueil : une première section consacrée à des textes narratifs, principalement des romans et des chansons de geste parmi les plus anciens ; une deuxième à la poésie lyrique, celle des chansons d’amour ; une troisième aux fabliaux, principalement ; une quatrième encore à la poésie lyrique, avec cette fois les jeux-partis ; enfin une cinquième section à des textes divers, de nouveau surtout narratifs, de l’époque de Philippe le Hardi (Adenet le Roi) à celle de Philippe le Bel (Jean de Meun et Pierre Gentien).
Au total, à défaut d’une histoire de la littérature médiévale à proprement parler, le livre ii du Recueil n’en présente pas moins un tableau d’une grande richesse et même relativement représentatif dans sa variété qui prend en compte à la fois lyrisme et récit, narration brève ou longue, chanson de geste et roman, etc. Dans ce vaste panorama, néanmoins, auquel on ne saurait reprocher d’inévitables lacunes, tous les genres ne sont pas également traités, loin s’en faut : tandis que certains sont négligés (ainsi le roman ou la chanson de geste, dont la diversité n’est guère représentée) voire oubliés (ainsi le lai, en dépit de la notice 118), d’autres, incontestablement, sont mis en vedette. C’est, comme on va le voir, tout particulièrement le cas pour les genres lyriques (sous deux espèces, la chanson d’amour et le jeu-parti) et le fabliau, qui font l’objet 283des sections 2, 3 et 4 du Recueil, section entre lesquelles Fauchet semble avoir conçu une sorte d’unité, comme en témoigne le commentaire suivant, d’ordre d’abord lexical, puis chronologique, qui figure dans la dernière notice (notice 115) de la section 4 :
Ce mot de wihot duquel usent encores les haults Picards, pour signifier Cocu : me fait penser que la plus part de ces autheurs de jeux partis, furent de ces quartiers, ou voisins. Tant y a que tous ceux que j’ay nommez depuis Thiebault Roy de Navarre, semblent avoir eu la vogue depuis l’an m. ccxxx. jusques en l’an m. cclx. & quelque peu d’avantage. Car les Chansons, les Fabliaux, & les Jeux partis d’Amours, font mention des seigneurs vivans de ce temps-la. (p. 193)
Situé au centre (très élargi) du Recueil, suivant un ordre également chronologique (la première section étant réservée aux textes datés de 1155 à 1200 environ, la dernière à la fin du xiiie siècle), c’est donc bien un ensemble cohérent que constituent les sections 2, 3 et 4 du Recueil, de la notice 15 (Thibaut de Champagne) à la notice 115, contenant « les Chansons, les Fabliaux, & les Jeux partis d’Amours ». Il reste à se demander comment cet ensemble est construit, comment et pourquoi ces genres particuliers y sont mis en vedette par le savant lecteur que fut Fauchet.
Les genres lyriques :
chansons d’amour et jeux-partis
Le livre ii du Recueil contient donc deux sections, clairement délimitées, consacrées aux genres lyriques médiévaux, toutes deux encadrant la section 3 dévolue en grande partie aux fabliaux, qui apparaissent ainsi au cœur de l’anthologie élaborée par Claude Fauchet. Quoique de longueur très inégale (44 pages pour la section 2, 10 seulement pour la section 4), les deux sections lyriques se présentent à première vue sous un jour assez similaire en proposant, suivant essentiellement l’ordre de deux manuscrits – un manuscrit aujourd’hui perdu ayant appartenu à Henri de Mesmes, pour les chansons7, et un autre emprunté à Antoine 284Matharel pour les jeux-partis, dorénavant au Vatican8 – une série de notices (68 notices d’un côté, 13 seulement de l’autre) portant sur tel ou tel poète et les œuvres qui lui sont attribuées, tantôt citées plus ou moins abondamment, tantôt résumées, parfois même seulement évoquées, avec un certain nombre de commentaires d’ordre historique, philologique et esthétique – les « remarques admiratives », ainsi que le constate Espiner-Scott, étant « plus nombreuses et plus variées dans cette partie du Recueil9 ». Cependant les différences entre les deux sections sont probablement plus importantes que les ressemblances, la seconde, consacrée à un genre somme toute secondaire, n’existant que dans l’ombre de la première qui met en vedette un genre phare et toujours d’actualité au xvie siècle, la chanson ou le poème d’amour.
Une section en forme d’appendice : les jeux-partis
En fait, l’organisation des deux sections et l’utilisation des deux manuscrits qui en sont la source principale est plus complexe qu’il n’y paraît. Dans les deux cas, ainsi qu’il le dit d’ailleurs explicitement pour le ms. de Mesmes, Fauchet procède « selon l’ordre du livre », qui pour ce dernier correspond également selon lui à un ordre chronologique10 : autrement dit, l’ordre de succession des différentes notices coïncide plus ou moins avec l’ordre manuscrit, ms. de Mesmes pour la section 2, que l’on suppose assez exactement suivi, ms. Matharel pour la section 4, calqué de façon plus libre afin de regrouper les textes par auteur (ce qui n’est pas vraiment le cas dans le manuscrit) et d’éviter les redites par rapport à la section 2. Cependant, dans cette même section 2, Fauchet 285met aussi ponctuellement à contribution le second manuscrit, désigné comme « le recueil des jeux partis » (ainsi p. 138, 149, 153 et 154), en complément du premier11, ainsi qu’une troisième source plus inattendue, le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole de Jean Renart, pour les insertions lyriques dont ce roman est farci et les noms de poètes qu’il contient12 ; inversement, dans la section 4, seul le ms. Matharel est utilisé, et encore n’est-ce que pour les auteurs qui n’ont pas déjà été cités dans la section 213. Il apparaît bien, en somme, que Fauchet a mobilisé toutes les sources exploitables pour la section 2, la section 4 ne reposant en quelque sorte que sur le reliquat de ces sources.
Si l’on poursuit la comparaison entre les deux sections, d’autres différences se manifestent, qui dans l’ensemble tendent à souligner le caractère quelque peu adventice de la section 4. Certes, le jeu-parti14 bénéficie d’une définition en bonne et due forme15, ce qui n’est pas le cas pour la chanson d’amour. Mais, des 56 poèmes mentionnés (sur les 66 que contient le manuscrit), la quasi-totalité ne donne lieu qu’à un résumé laconique, sans le moindre commentaire ni la moindre citation, à l’exception d’un demi-vers16 dans la notice 109 et de deux vers17 dans la longue (7 pages) notice 107 consacrée à Jean Bretel qui représente, avec le résumé des 37 jeux-partis du manuscrit, une grande partie de la section 4, avantage logiquement consenti au « grand maistre de jeux partis » (p. 184), qui est 286aussi le seul à faire l’objet d’un commentaire historique18. On en retire l’impression, en somme, que Fauchet a déjà dit l’essentiel de ce qu’il avait à dire sur la lyrique médiévale dans la section 2, mais qu’il a tout de même tenu à réserver un développement spécifique au jeu-parti, pour diverses raisons qui peuvent tenir d’abord aux sources disponibles (sur les deux chansonniers dont semble avoir disposé Fauchet, l’un est de fait entièrement consacré au jeu-parti), mais aussi à sa volonté de mettre en lumière un genre typique de la lyrique médiévale et d’illustrer ainsi sa richesse (même si d’autres, comme la pastourelle, auraient très bien pu jouer le même rôle), voire à des exigences de composition d’ensemble du livre ii, permettant par exemple l’alternance entre poèmes essentiellement narratifs (dans les sections 1, 3 et 5) et lyriques (sections 2 et 4).
Un genre phare et toujours d’actualité :
la chanson d’amour
A contrario du jeu-parti, il n’est nul besoin de définition pour les « vieilles chansons » (p. 116) contenues dans le manuscrit de Mesmes dont il est question au début de la section 2 du livre ii du Recueil, en tête de la notice consacrée à Thibaut de Champagne ; évidemment chanson vaut pour chanson d’amour, poésie amoureuse, genre plus que jamais en vogue à l’époque de Fauchet et qui se passe fort bien de présentation.
Paradoxalement peut-être, puisque le genre n’a rien d’exotique, la section 2, beaucoup plus étendue que la section 4, s’en distingue en même temps par une approche des auteurs et des œuvres globalement plus approfondie, tant sur le plan littéraire qu’historique, et mobilisant un plus grand nombre de sources, non seulement pour citer les textes (à partir des deux manuscrits, mais aussi du Roman de la Rose de Jean Renart), mais aussi pour situer leurs auteurs dans leur temps (en ayant recours à diverses « chroniques », ou à d’autres œuvres littéraires, ainsi la Bible d’Hugues de Berzé, notice 59).
Sur le plan littéraire, il est manifeste que Fauchet s’intéresse de beaucoup plus près aux textes eux-mêmes, qu’il cite abondamment, à partir desquels il entreprend de constituer une sorte de répertoire de topoï – ou de « traits », comme il le dit lui-même p. 119 ou 122 – lyriques, usant 287parfois de termes techniques19 et multipliant les jugements élogieux : non seulement les siens20, mais aussi ceux qu’il reprend aux contemporains des poètes, qu’il s’agisse d’une chanson « coronee » (p. 153, 155 et 156) lors de concours poétiques ou d’un auteur « fort estimé » (notices 79 à 82) par le Roman de la Rose de Jean Renart. L’enthousiasme n’est toutefois pas uniforme et paraît s’émousser peu à peu, au fil de la section 3, dont l’écriture évolue sensiblement entre la notice 15, l’une des plus détaillées, et les dernières notices (en particulier 67 à 78), beaucoup plus brèves : les citations se font de plus en plus rares, puis tendent à disparaître, remplacées par des résumés ou le résumé d’une seule chanson, de même que disparaissent les commentaires ou les appréciations esthétiques. Reflet d’une lecture personnelle, de l’enthousiasme des débuts à la lassitude finale21 ?
Sur le plan historique, alors que les auteurs cités ne sont bien souvent que des noms, Fauchet, dès qu’il en a les moyens, s’efforce, comme dans la section 4, mais avec beaucoup plus de développements, de les identifier et de les situer dans le temps22, préoccupation qui de toute manière marque l’ensemble du livre ii du Recueil. Dans quelques rares cas, particulièrement développés23, il s’agit même de conférer une véritable épaisseur biographique à ces noms, en associant aux citations de l’œuvre poétique divers « tesmoignages » (p. 119 et 128) empruntés à telle ou telle « chronique » (« les grandes Chroniques de France », à propos des « amours et estude poetique » de Thibaut de Champagne, p. 119 ; ou « une bonne chronique que j’ay », sur « les amours du Chastelain de Couci, & de la dame de Faiel », p. 128) ; se manifeste ainsi l’intention de relier l’expression poétique de l’amour à un contexte biographique, aussi incertain soit-il, un 288trait déjà caractéristique, quelque trois siècles plus tôt, des vidas et razos occitanes, mais aussi des Vies des plus célèbres et anciens poètes provençaux de son contemporain Jean de Nostredame (qui n’avait cependant pas, comme on le sait, la rigueur philologique et historique de Fauchet…), dont le nom apparaît d’ailleurs incidemment dans la notice 17 consacrée au Châtelain de Coucy. En outre, par l’ampleur de l’érudition qu’il déploie dans cette section, Fauchet montre aussi l’intérêt tout particulier qu’il porte aux chansons d’amour des trouvères médiévaux.
Les fabliaux
La section centrale du livre ii du Recueil, la section 3, n’est pas, en dépit de la remarque de Claude Fauchet citée en introduction, uniquement consacrée aux « Fabliaux », non seulement parce que le genre n’est pas exactement conçu comme on le conçoit aujourd’hui, mais aussi parce que cette section contient des notices qui n’ont manifestement rien à voir avec le fabliau, comme celles consacrées à L’Art d’amour de Guiart (notice 91), aux poèmes religieux d’Huon le Roi de Cambrai (notice 93) ou au « Romans » de Meliacin, ici fautivement intitulé « Meliadius », de Girart d’Amiens (notice 94), et quelques autres encore. Néanmoins c’est bien le fabliau qui domine cette section, occupant exclusivement – sauf la notice 83 sur Rutebeuf, où il est aussi question des autres œuvres du poète – onze notices sur un ensemble de vingt (les notices 83 à 102), et à peu près 17 pages sur 22 (de la page 161 à la page 183). Notons cependant que l’intérêt que Fauchet porte aux fabliaux ne se limite pas à cette section 3, puisqu’il en est aussi question dans les notices 81 (Jouglet), 119 (De Honte et de Puterie24) et 120 (Les Deux chevaux, dont le prologue est cité pour montrer que « Jehan de Boves », c’est-à-dire probablement Jean Bodel, avec lequel Fauchet ne fait pas le rapprochement, « fut estimé bon trouveur de fabliaux ») ; mais encore dans la première 289partie du Recueil, à la page 74, où une citation du Chevalier à la robe vermeille est donnée à propos des vêtements offerts aux jongleurs, et à la page 77, au sujet de la rime léonine, dont un exemple est emprunté au fabliau des Trois dames qui trouvèrent un vit (voir le tableau ci-dessous).
Même s’il en est question ailleurs, il apparaît assez clairement que le regroupement des textes dans la section 3 relève pour une large part d’une logique générique, visant à réunir un certain nombre de compositions de la même espèce, en l’occurrence des fabliaux. Quant à leur succession même, elle s’appuie en priorité, comme le montre assez clairement l’enchaînement des notices 83 (Rutebeuf) à 92 (Garin), sur le ms. BnF, fr. 1593, dont on sait qu’il a appartenu à Fauchet25, et dans une moindre mesure sur le BnF, fr. 837, consulté pour sa part à la bibliothèque du roi ; en tout cas, tous les extraits cités par Fauchet à cette occasion proviennent de l’un ou l’autre manuscrit (voir le tableau ci-dessous et les notes).
Le vocable étant visiblement vieilli à la fin du xvie siècle26, Fauchet prend soin de proposer une définition du fabliau, sur laquelle il revient d’ailleurs à plusieurs reprises : les fabliaux sont des « comptes faicts à plaisir, ainsi que des nouvelles », dit-il dès le premier livre du Recueil, dans le chap. 8 (p. 73-74) ; définition qu’il répète deux fois, d’abord p. 96, où il précise que c’est « un conte faict à plaisir, comme une nouvelle meslee de fables, où volontiers à la fin il y a quelque interpretation morale » (livre ii, notice 9, à propos du Songe d’Enfer de Raoul de Houdenc), puis p. 160, dans la notice consacrée à Rutebeuf (voir aussi la notice 92, où la citation de Garin a surtout pour rôle de définir le genre). Les termes en étant tout de même plus imprécis que ceux de la critique moderne27, cette définition conduit Fauchet à considérer comme fabliaux des poèmes, notamment allégoriques, tels ceux de Raoul de Houdenc ou de Richard de l’Isle Adam, qui ne le sont plus aujourd’hui ; elle n’en met pas moins 290en valeur deux ou trois composantes essentielles du genre : il s’agit d’un récit bref (si l’on peut donner cette valeur au mot « conte »), mêlant fiction et réalité, divertissement et morale.
Dans la section 3 essentiellement, mais aussi ailleurs dans le Recueil, comme on l’a vu, Fauchet signale au total seize28 fabliaux différents, dont je donne ci-après la liste suivant l’ordre du Recueil, la source manuscrite, le titre et le cas échéant l’auteur tels que les cite Fauchet, le traitement dont le texte est l’objet et enfin son titre et son numéro d’ordre dans l’édition de référence que constitue le Nouveau recueil complet des fabliaux de W. Noomen29.
Les fabliaux dans le Recueil
Place dans le Recueil (section, notice et page) |
Source (manuscrit et folios) |
Auteur et titre du fabliau (d’après Fauchet) |
Traitement textuel |
Titre et no dans le NRCF |
Livre I, chap. 8, p. 74 |
Fr. 1593, 152-153 |
La Robe vermeille |
citation30 |
Le Chevalier à la robe vermeille (no 12) |
Livre I, chap. 8, p. 77 |
Fr. 1593, 149-150 |
Des trois dames |
citation31 |
Les Trois dames qui trouvèrent un vit (no 96) |
2 – 81, p. 159 |
Fr. 837, 116-118 |
Jonglet, Jonglet |
résumé |
Jouglet (no 10)32 |
3 – 83, p. 162 |
Fr. 1593, 187-188 |
Rutebeuf, Du clerc |
résumé |
La Pucelle qui voulait voler (no 65)33 |
291
3 – 83, p. 162-163 |
Fr. 1593, 62-63 |
Rutebeuf, De la femme d’un escuyer |
résumé |
La Dame qui fit trois fois le tour de l’église (no 54) |
3 – 86, p. 164-166 |
Fr. 1593, 108-110 |
Courte Barbe, Les Trois aveugles de Compiègne |
récriture abrégée et citation34 |
Les Trois aveugles de Compiègne (no 9) |
3 – 88, p. 167-169 |
Fr. 1593, 127-130 |
Jehan Le Galois, La Bourse pleine de sens |
récriture abrégée |
La Bourse pleine de sens (no 8) |
3 – 89, p. 170-179 |
Fr. 1593, 130-134 |
Jehan Chapelain, Du secretain de Cluni |
récriture et citation35 |
Le Sacristain III (no 74) |
3 – 92, p. 179-180 |
Fr. 1593, 211-215 |
Garin, Le Chevalier qui faisoit parler les devans & derrieres des femmes |
citation36 |
Le Chevalier qui faisait parler les cons (no 15) |
3 – 95, p. 181 |
Fr. 837, 49-51 |
Hues Piancelles, De sire Hains & dame Avieuse |
bref résumé et citation37 |
Sire Hain et dame Anieuse (no 5) |
3 – 98, p. 181-182 |
Fr. 837, 233 |
Hues de Cambray, La Male honte |
citation38 |
La Male honte (no 43) |
3 – 99, p. 182 |
Fr. 837, 66-68 |
Courtois d’Arras, De Foucher Boi-vin |
bref résumé |
Boivin de Provins (no 7)39 |
3 – 100, p. 182 |
Fr. 1593, 210-211 |
Haisiaux, De l’anneau qui faisoit roidir le membre |
bref résumé et citation40 |
L’Anneau qui faisait les vits grands et roides (no 99) |
3 – 101, p. 182 |
Fr. 837, 238-240 |
Durans, De trois bossus |
bref résumé et citation41 |
Les Trois bossus (no 47) |
3 – 102, p. 182-183 |
Fr. 837, 158-161 |
Huistaces d’Amiens, Du boucher d’Abeville |
bref résumé |
Le Boucher d’Abbeville (no 18) |
4 – 120 p. 196 |
Fr. 837, 248-249 |
Des deux chevaux |
citation42 |
Les Deux chevaux (no 50) |
Comme on peut s’en apercevoir à la lecture de l’avant-dernière colonne du tableau, ce qui est probablement le plus frappant dans le cas des fabliaux, c’est que Fauchet s’attarde sur ces différents textes de façon très inégale. Les uns, en effet, sont simplement signalés, sans qu’il soit rien dit, ou presque, de leur contenu : c’est le cas notamment pour La Male honte (notice 98), mais surtout pour Le Chevalier qui faisait parler les culs et les cons (ou, pour citer exactement Fauchet, Le Chevalier qui faisoit parler les devans & derrieres des femmes), dont le titre, on peut le supposer, est suffisamment explicite et le contenu suffisamment grossier (« un conte de lourde mensonge ») pour se dispenser de toute autre précision ; pudeur un peu étonnante, pourtant, alors que Fauchet propose dans la notice 81 un résumé relativement détaillé du fabliau scatologique intitulé Jouglet. Comme ce dernier, en effet, le plus grand nombre des fabliaux connus de Fauchet font l’objet d’un résumé de longueur variable (souvent de quelques lignes à près de trente tout de même pour La Dame qui fit trois fois le tour de l’église de Rutebeuf), en général relativement exact43, mais parfois pas du tout, comme c’est le cas dans la notice 101 portant sur Les Trois bossus de Durand, que Fauchet n’a dû parcourir que très rapidement…
Finalement, trois fabliaux se distinguent, puisqu’ils font l’objet non d’un résumé plus ou moins étendu, mais d’une véritable récriture : ce sont Les Trois aveugles de Compiègne (notice 86), La Bourse pleine de sens (notice 88) et Le Sacristain (notice 89). La longueur de ces trois textes suffit à nettement les distinguer des autres : tandis que le plus long des résumés (La Dame qui fit trois fois le tour de l’église) ne compte que 27 lignes de prose pour 170 vers, Fauchet consacre 79 lignes aux 328 vers des Trois aveugles de Compiègne, 81 lignes aux 423 vers de La Bourse pleine de sens et surtout 272 lignes de prose afin de restituer les 607 vers de la troisième version connue du Sacristain, qui est d’ailleurs propre au manuscrit fr. 1593. Dans ces trois cas, il est clair qu’il ne s’agit pas seulement de donner un aperçu de l’histoire, mais de la raconter de bout en bout, pour que le lecteur puisse l’apprécier en elle-même ; de philologue, Fauchet se fait conteur. Légèrement abrégée dans le cas des Trois aveugles et de La Bourse, pas du tout dans celui du Sacristain, la 293récriture est rendue manifeste non seulement par la longueur des textes, mais aussi par la présence du discours direct, qui permet évidemment de donner plus de vivacité au récit, et par un jeu de reprises textuelles, particulièrement nombreuses dans le Sacristain dont Fauchet suit le texte presque vers à vers, ainsi qu’il l’annonce d’ailleurs d’emblée, après avoir cité le début du fabliau :
Et le reste en ryme que j’ay mis en prose le plus pres du sens de l’autheur, retenant beaucoup de ses propres mots pour d’avantage descouvrir le temps.
De fait, la notice 89 consiste bien en une mise en prose du texte versifié, dont le texte, souvent repris presque à l’identique, en particulier dans les dialogues44, ne subit que très peu de modifications, toutes mineures et correspondant soit à des explications (d’ailleurs scrupuleusement signalées entre parenthèses45), soit à des simplifications46, soit ce qu’on pourrait appeler des améliorations47.
294Pourquoi ce traitement particulier a-t-il été réservé à ces trois fabliaux ? Il s’agit apparemment de ceux que Fauchet a le mieux appréciés, puisque ce sont les seuls à bénéficier d’un jugement explicitement favorable, le fabliau des Trois aveugles étant estimé « assez plaisant » (p. 164), celui de La Bourse « moral » (p. 167) et enfin celui du Sacristain « fort plaisant & bien meslé d’adventures diverses » (p. 170). C’est donc bien ses qualités proprement littéraires, correspondant d’ailleurs à la définition même du fabliau, que Fauchet entend faire goûter à ses lecteurs, même si l’intérêt historique (« descouvrir le temps ») n’est évidemment pas absent.
Des genres emblématiques ?
Regroupés au centre du Recueil dans les sections 2, 3 et 4, abondamment cités, appréciés et même paraphrasés, « les Chansons, les Fabliaux, & les Jeux partis d’Amours » (p. 193), même si c’est moins vrai pour ces derniers, bénéficient incontestablement d’une plus grande attention de la part de Fauchet, sont mis en vedette plus qu’aucun autre genre dans le Recueil. Pourquoi ? Est-ce parce qu’il s’agirait de genres emblématiques de la littérature médiévale, plus représentatifs ou caractéristiques que d’autres ? C’est ce qu’on peut être tenté de penser, eu égard notamment au cas du fabliau, bel et bien considéré aujourd’hui, auprès d’un public dépassant celui des seuls spécialistes, comme un genre typiquement médiéval, au même titre (voire plus encore) que la chanson de geste ou le roman arthurien.
Différentes caractéristiques peuvent participer de cette dimension emblématique. D’abord la brièveté de ces textes, qu’ils soient lyriques ou narratifs, qui de fait les rend plus accessibles, alors qu’au moins à une reprise Fauchet doit reconnaître qu’il n’a pas lu intégralement un roman48. Leur qualité, ensuite, maintes fois soulignée s’agissant des 295chansons d’amour, mais aussi, on l’a vu, des fabliaux faisant l’objet d’une paraphrase, goûtés à la fois pour leur caractère « plaisant » et « moral ». Enfin leur thématique et leur tonalité, l’amour qu’on chante ou dont on débat chez les trouvères ; l’amour aussi, mais sous un autre angle (celui des ébats sexuels et du cocufiage), la vie quotidienne et le comique dans les fabliaux.
En somme, si ces textes sont à la fois plus abordables et plus séduisants, c’est non seulement en vertu de leurs caractéristiques propres, mais aussi et peut-être surtout en vertu de leur capacité à illustrer une sorte de continuité du goût littéraire du Moyen Âge à la Renaissance, ou du moins une coïncidence, qui rend certaines œuvres médiévales plus appréciables que d’autres parce que de fait elles peuvent correspondre au goût des contemporains de Fauchet, comme l’avait déjà souligné Espiner-Scott :
La satisfaction avec laquelle Fauchet a rempli son livre de chansons d’amour et de fabliaux nous renseigne assez non seulement sur son goût personnel, mais aussi et surtout sur celui de son siècle. Il espérait sans doute que le Recueil deviendrait un livre d’agrément qui répondrait au goût marqué des contemporains pour les contes assez libres et pour les vers d’amour imités des quattrocentistes italiens49.
Mais le goût des contemporains n’est pas seul en cause. Qu’il s’agisse de « contes assez libres » regroupés en recueils ou de « vers d’amour », il est en outre question de genres où l’influence italienne, influence qu’emblématisent les figures tutélaires de Boccace et Pétrarque, notamment comme modèles d’affirmation d’une littérature en langue vulgaire50, 296a été la plus importante. C’est une autre raison pour que Fauchet ait choisi de s’y arrêter, l’une des intentions affichées du Recueil étant de mettre en lumière la littérature médiévale française en général, et en particulier ce qui en elle est susceptible de retourner ce jeu d’influences et de montrer que c’est la littérature italienne qui a d’abord pris pour modèle la française, aussi bien dans le domaine lyrique (Dante ou Pétrarque se sont inspirés des trouvères) que dans celui de la narration brève (telle ou telle nouvelle de Boccace est empruntée aux fabliaux), comme on le voit en particulier dans les trois passages suivants (le dernier étant situé à la fin de la section consacrée aux fabliaux) :
Dante Poete Florentin, & Bocace du mesme pais, y [à l’Université de Paris] ont estudié : qui est la cause pourquoy vous rencontrez dans les livres de cestuy-ci, une infinité de parolles & manieres de parler toutes Françoises. Et qui voudra fueilleter nos vieils Poetes, il trouvera dedans, les mots dont les Italiens se parent le plus : voire les noms & differences de leurs Rymes, Sonnets, Ballades, Lais, & autres. Quant au Sonnet, Guillaume de Lorris monstre que les François en ont usé : puis qu’il dit au Roman de la Rose,
« Lais d’Amours & Sonnets courtois. »
Et je monstreray bien dans nos fableaux, & livres plus anciens que Bocace, cinq ou six de ses meilleures & plus plaisantes nouvelles51. (p. 47)
Si Petrarque & ses semblables se sont aidez des plus beaux traits des chansons de Thiebaut Roy de Navarre, Gaces Brulez, le Chastelain de Coucy, & autres anciens poetes François […]. (p. 49)
Qui fueilleteroit bien ces fabliaux, il trouveroit les meilleures nouvelles de Boccace : entre autres la v. de la vii. Journee, d’un qui confessa sa femme, de laquelle il estoit jaloux. La vi. de la ix. de ceux qui coucherent avec la femme & fille de leur hoste. (p. 182-183)52
Privilégier dans la seconde partie du Recueil poésie lyrique et fabliaux semble donc correspondre à la fois à un choix esthétique, où le goût médiéval rejoint celui des contemporains de Fauchet, et à un choix idéologique, relevant d’une forme d’anti-italianisme, où s’affirme la précellence de la 297littérature française, modèle de la littérature italienne non seulement au Moyen Âge, mais encore à la fin du xvie siècle, comme on le voit dans le passage suivant, qui prolonge la citation faite ci-dessus de la p. 49 :
Si Petrarque & ses semblables se sont aidez des plus beaux traits des chansons de Thiebaut Roy de Navarre, Gaces Brulez, le Chastelain de Coucy, & autres anciens poetes François, que feront ceux qui vivent maintenant, quand ils viendront à fueilleter les œuvres de tant d’excellents poetes, qui sont venus depuis le regne du Roy François premier de ce nom ? Je croy qu’ils ne se feindront non plus de les piller, & qu’ils auront encores moins de honte de cueillir les fleurs de si beaux jardins dressez par nos derniers poetes, que leurs predecesseurs n’ont faict, d’emporter les espines & ronces des landes & haliers frequentez par nos anciens peres.
Certainement plus nuancées que celles d’Henri Estienne dans le Projet du Livre intitulé de la Précellence du langage François (1579)53, les vues exprimées dans le Recueil n’ont peut-être pas seulement pour intention, comme le pense J. Balsamo, de placer « les rapports entre la France et l’Italie […] dans une continuité historique faite d’émulation et d’échanges, où chacune des nations gardait son originalité et sa différence54 » ; plus radicalement, me semble-t-il, il s’agit d’inverser l’influence attendue et de faire de la littérature française, aussi bien médiévale que contemporaine, le modèle de sa rivale italienne. À cet égard, le choix de mettre en avant les genres les plus emblématiques de cette influence contestée par Fauchet, la poésie amoureuse et la nouvelle (avec son ancêtre le fabliau), ne relève évidemment pas du hasard.
Silvère Menegaldo
Université de Tours
CESR
1 Imprimé à Paris par Mamert Patisson pour Robert Estienne en 1581 ; consultable sur Gallica, dans une numérisation de qualité. Voir aussi l’édition partielle, limitée au livre I, de J. G. Espiner-Scott, Recueil de l’origine de la langue et poesie françoise, ryme et romans. Livre ier, Paris, Droz, 1938.
2 Sur Fauchet, on renverra aux travaux toujours essentiels de J. G. Espiner-Scott, Claude Fauchet, sa vie, son œuvre, Paris, Droz, 1938 d’une part, et Documents concernant la vie et les œuvres de Claude Fauchet, Paris, Droz, 1938 d’autre part. Voir aussi la notice très complète que lui consacre N. Lombart dans Écrivains juristes et juristes écrivains, dir. B. Méniel, Paris, Garnier, 2015, p. 455-464.
3 N. Lombart, « Une “défense et illustration” de la poésie française médiévale : le Recueil de l’origine de la langue et poesie françoise de Claude Fauchet (1581) », Accès aux textes médiévaux de la fin du Moyen Âge au xviiie siècle, éd. M. Guéret-Laferté et C. Poulouin, Paris, Champion, 2012, p. 105-142.
4 Fauchet, Recueil, p. 91.
5 Pour une analyse détaillée non seulement du contenu du second livre du Recueil, mais plus largement des lectures médiévales de Fauchet, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 115-229.
6 Voir S. Menegaldo, « Claude Fauchet historien de la littérature médiévale dans Recueil de l’origine de la langue et poesie françoise (1581) », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 35, 2018, p. 495-523.
7 Pour le contenu de ce manuscrit, voir la tentative de reconstitution d’Espiner-Scott dans Documents, p. 264-271.
8 Il s’agit du ms. Biblioteca Apostolica Vaticana, Reg. lat. 1522. Pour une analyse détaillée du contenu de la section lyrique (f. 139-170) de ce manuscrit, qui contient 66 jeux-partis, voir M. Tyssens, « Intavulare ». Tables de chansonniers romans. ii. Chansonniers français. 1. a (B.A.V., Reg. lat. 1490), b (B.A.V., Reg. lat. 1522), A (Arras, Bibliothèque municipale 657), Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, 1998, p. 157-171.
9 Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 190.
10 Cf. les p. 116-117 du Recueil : « Entre plusieurs livres excellents en toutes langues, dont la librairie de messire Henry de Mesmes, chevalier, seigneur de Roissy, Conseiller d’estat, est aussi bien garnie que pas une qui se puisse trouver : Il y en a un de vieilles chansons, le plus entier & curieusement recueilli d’entre celles des meilleurs maistres, que j’aye veu pour ce regard. Car il nomme 64. autheurs de chansons tous louables, & lesquels je veux icy mettre selon l’ordre du livre. D’autant que je ne puis asseurer en quel temps plusieurs d’eux ont vescu : & qu’il y a apparence que celuy qui a fait ce recueil, les a mis selon l’aage qu’ils ont flori : pource qu’il escrit devant, aussi tost les Chansons d’un Menestrel, que d’un Duc, Conte, ou Chevalier ».
11 Cf. les p. 134, 137, 138, 145, 149, 153 et 154 du Recueil où il est fait référence à une douzaine de jeux-partis différents se trouvant dans le ms. Matharel.
12 Voir les notices 79 à 82, ainsi que les citations p. 139 et 145 du Recueil.
13 Seule exception, la notice 103 consacrée à un mystérieux « Frere » que Fauchet n’identifie pas mais qui n’est autre, probablement, que le Gilles le Vinier ayant fait déjà l’objet de la notice 51.
14 Sur ce genre médiéval, cf. surtout le Recueil général des jeux-partis français, éd. A. Långfors, Paris, SATF, 1926, 2 t. et l’étude de M. Gally, Parler d’amour au puy d’Arras, Orléans, Paradigme, 2004.
15 Cf. surtout la p. 183 du Recueil, qui ouvre la section 4 en décrivant en ces termes le contenu du ms. Matharel : « C’est un recueil de chansons en Dialogues, contenans des demandes & responses amoureuses, debatues pour & contre. Plusieurs desquelles sont ingenieusement disputees ». Cf. aussi la p. 184 : « Ces demandes joyeuses servoyent à faire passer le temps aux compaignies honnestes : & je trouve que tel esbat a esté longuement pratiqué en France. »
16 Cf. Recueil, p. 191, citation du v. 61 de la pièce 107 du Recueil général des jeux-partis français, t. 2, p. 32.
17 Cf. Recueil, p. 188, citation des v. 7-8 de la pièce 39 du Recueil général des jeux-partis français, t. 1, p. 144 (jeu-parti entre Jean Bretel et Jean de Grieviler, et non Cuvelier, comme l’indique Fauchet).
18 Cf., à propos du troisième jeu-parti de Jean Bretel, le commentaire de la p. 185, d’ailleurs réitéré (faute d’autres informations historiques à relever) p. 193 en conclusion de la section, sur la mort de Manfred en Sicile en 1264 (en fait, 1266).
19 Ainsi, à propos de Thibaut de Champagne, « la vi. est tresbelle, pleine de similitudes & translations » (p. 121) ; à propos de Gautier d’Épinal, « la ii. est pleine de belles comparaisons » (p. 143).
20 Ainsi Gace Brulé est « tresbon Poete » (p. 122), Blondel de Nesle « excellent Poete » et ses chansons « pleines de beaux traits » (p. 130), la neuvième chanson de Thierry de Soissons est « tresbonne chanson » (p. 133), « Monseigneur Thiebault de Blason a fait cinq chansons, dont la premiere est belle » (p. 134), etc. Comme on l’a déjà dit, de tels jugements élogieux sont particulièrement nombreux dans la section 2.
21 Lassitude dont Fauchet ne se cache d’ailleurs pas, comme l’indique clairement la phrase concluant l’ensemble formé par les notices 15 à 78, dont la matière vient tout entière du manuscrit de Mesmes : « Je pouvois extraire d’avantage de belles manieres de parler, tant de ceux qui sont nommez, que des autres sans nom : mais tout ainsi que je me suis lassé de lire, aussi croy-je bien, lecteur, que tu ne le seras pas moins » (Recueil, p. 157).
22 Voir par exemple les notices 20, 24, 46 ou 48.
23 Voir surtout les notices 15 (Thibaut de Champagne) et 17 (Châtelain de Coucy).
24 C’est Fauchet qui dans la notice 119 parle de « fabel » à propos du court poème de Richard de l’Isle Adam, De Honte et de Puterie (uniquement conservé dans le ms. BnF, fr. 837, f. 252), le terme apparaissant, mais pas pour le désigner, au v. 2 du texte ; de fait le poème, mettant en scène deux personnifications, quoique sur le registre comique, n’est pas considéré aujourd’hui comme un fabliau.
25 L’ordre des notices 83 à 92 correspond en effet à la succession des textes dans le ms. BnF, fr. 1593 (voir la notice du site Arlima) : œuvres de Rutebeuf (f. 59-74), Fables de Marie de France (f. 75-100), L’Evangile des femmes de « Jehan du Pin » (f. 100-101), Les Trois aveugles de Compiègne de Cortebarbe (f. 108-110), œuvres du Clerc de Vaudoy (f. 111-114), La Bourse pleine de sens (f. 127-130), Le Sacristain (f. 130-134), Renaut d’Andon (f. 144-148), L’Art d’amour de Guiart (f. 181-184) et Le Chevalier qui faisait parler les cons de Garin (f. 211-215).
26 Les entrées « Fabel » et « Fableau » du dictionnaire de Huguet ne renvoient guère qu’au Recueil de Fauchet.
27 Rappelons pour mémoire celle que propose O. Jodogne dans O. Jodogne et J.-Ch. Payen, Le fabliau. Le lai narratif, Turnhout, Brepols, 1975, p. 23 : « un conte en vers où, sur un ton trivial, sont narrées une ou plusieurs aventures plaisantes et/ou exemplaires ».
28 Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 196-197 en recense 23 cités dans toute l’œuvre de Fauchet (y compris en dehors du Recueil, donc, comme c’est le cas pour Auberée), mais certains textes qu’elle relève ne sont pas aujourd’hui considérés comme des fabliaux, ainsi Le Vair palefroi de Huon le Roi ou les poèmes du Clerc de Vaudoy : cf. sur ces derniers Huon le Roi, Le Vair palefroi, éd. A. Långfors, Paris, Champion, 1912 et Les Dits du Clerc de Vaudoy, éd. P. Ruelle, Bruxelles, Presses universitaires de Bruxelles, 1969.
29 Nouveau recueil complet des fabliaux (dorénavant NRCF), éd. W. Noomen, Van Gorcum, Assen, 1983-1998, 10 vol.
30 Citation des v. 202-210 du fr. 1593 : cf. NRCF, t. II, p. 277-279.
31 Citation des v. 1-8 du fr. 1593 : cf. NRCF, t. VIII, p. 274.
32 Précisons que le fr. 837 conserve la seule copie connue de ce fabliau.
33 Ce fabliau est anonyme dans ses trois copies connues ; il n’est pas évident de savoir pourquoi Fauchet propose de l’attribuer à Rutebeuf.
34 Citation des v. 326-327 du fr. 1593 : cf. NRCF, t. II, p. 174.
35 Citation des v. 1-6 du fr. 1593 : cf. NRCF, t. VII, p. 19.
36 Citation des v. 1-12 du fr. 1593 : cf. NRCF, t. III, p. 56.
37 Citation des v. 1-4 du fr. 837 : cf. NRCF, t. II, p. 6.
38 Citation des v. 1-2 du fr. 837, seule copie de La Male Honte à donner Hue de Cambrai comme auteur : cf. NRCF, t. V, p. 92.
39 L’attribution erronée de ce fabliau anonyme provient probablement, comme le suggère Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 198, de ce que Boivin de Provins, dans le ms. BnF, fr. 837, est immédiatement précédé de Courtois d’Arras, qui n’est pas un nom d’auteur, mais celui du personnage de l’histoire : cf. Courtois d’Arras, éd. et trad. J. Dufournet, Paris, GF-Flammarion, 1995.
40 Citation des v. 1-2 du fr. 1593, seule copie connue de ce fabliau : cf. NRCF, t. VIII, p. 315.
41 Citation des v. 285-287 du fr. 837, unique copie de ce fabliau : cf. NRCF, t. V, p. 199.
42 Citations des v. 14-17 du fr. 837, unique copie de ce fabliau : cf. NRCF, t. V, p. 256. Fauchet cite ces vers à seule fin de montrer que « Jehan de Boves » était un « bon trouveur de fabliaux », sans rien dire de plus sur le texte lui-même.
43 Relevons cependant le cas de La Pucelle qui voulait voler, où Fauchet ajoute, avec d’ailleurs un certain bonheur d’invention, un élément (« maniant nue pour faire sortir les plumes ») qui ne se trouve pas dans le texte original.
44 Comparer par exemple « Madame dieu vous gard : & me doint vostre amour. Il y a ja long temps que je vous aime : voire dés que j’estoy petit clergeon, & que vous demouriez chez vostre pere. Ce mal qui me tenoit comme enfant, ne m’a laissé à ceste heure que je suis homme, pour le vous monstrer plus certainement. Je vous prie donc m’octroyer vostre amour : vous advisant que j’ay le maniment du thresor de ceans, lequel est tout à vostre commandement pour vous faire riche, & si jolie de robes & joyaux, qu’il n’y a femme à Cluni, qui le soit davantage » (p. 170-171) aux v. 36-47 du Sacristain III : « Dame, dist il, Deus vous salut, / Et il me doint la vostre amour, / Car il a ja passé maint jour / Que vous amai chiez vostre pere. / Petiz clerçons et emfens ere / Et mout avoie petit sans, / Mais or en est venus li tans / Que je puis bien parler de sans ! / Se vous volez faire mes bons, / Je sui touz sires du tresor : / Vous avriez argent et or / De grant planté, joiaus et roubes. » De même avec « Mal de hait aye celuy qui ne se soucie de vostre ennuy, & Dieu vous envoye joye : laquelle aussi vous pourriez avoir si vouliez croire mon conseil, ayant moyen de vous faire la plus heureuse de la ville » (p. 172) et les v. 114-117 ; de manière générale, avec les parties dialoguées.
45 Voir notamment la série de parenthèses p. 175 : « (qui s’estoit incontinent jetté hors du lict) », précision logique qui ne figure pas dans le texte original, de même que « (considerant le danger auquel il estoit, qui l’eust trouvé avec ce corps mort) » ; « (lors appelez bacons, dont vient le mot de Baconer pour saller) », précision d’ordre lexical ; « (car en ce temps les taverniers faisoyent crier devant leurs huis, Cy a bon vin, de tel & tel lieu) », précision d’ordre historique.
46 Ainsi, juste après le meurtre du sacristain, quand la femme s’exclame « Mors, escorchiez ou ars en flame / Serons ou aus fourches levé » dans le fabliau (v. 253-254), elle dit plus simplement chez Fauchet : « vous nous avez conduits à la mort car je sçay bien que gens viendront incontinent nous prendre pour nous mener en prison » (p. 174).
47 Ainsi au moment où le mari tue le sacristain d’un coup de massue, le fabliau dit, assez platement me semble-t-il, « Tel li donna de sa maçue / Ou haterel que il le tue / Et a ses piés l’abati jus » (v. 244-246), tandis que Fauchet rend le moment plus dramatique : le mari « luy descharge sur les oreilles un coup de masse, assené si dextrement & en tel en droit, qu’il cheut mort sans crier » (p. 173).
48 Voir la notice 5 du Recueil, p. 88, où Fauchet avoue exceptionnellement une lecture lacunaire : « Le Roman du Paon, est une continuation des faits d’Alexandre : lequel se trouve en la bibliotheque du Roy, avec plusieurs autres, dont je n’ay peu nommer les autheurs, pour ne les avoir entierement leus ». Pour celui qui est nommé, il s’agit d’un texte aujourd’hui connu sous le titre de Vœux du paon, continuation du Roman d’Alexandre datée du début du xive siècle et attribuée (à la fin du texte) dans un seul manuscrit (le BnF, fr. 12565) à Jacques de Longuyon – la Bibliothèque nationale de France en conservant par ailleurs plusieurs exemplaires. Pour plus d’informations à ce sujet, voir H. Bellon-Méguelle, Du Temple de Mars à la Chambre de Vénus. Le beau jeu courtois dans les « Vœux du paon », Paris, Champion, 2008.
49 Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 238-239 ; voir aussi p. 190.
50 Voir à ce propos les remarques de J. Balsamo dans Les rencontres des Muses. Italianisme et anti-italianisme dans les Lettres françaises à la fin du xvie siècle, Genève, Slatkine, 1992, p. 190-191 : « À les considérer sans complaisance, les œuvres vulgaires de Boccace ou de Pétrarque, comparées aux textes latins des mêmes auteurs, n’avaient guère de prestige. Leurs sonnets amoureux et leurs nouvelles plaisantes étaient des œuvres de peu de poids, des bagatelles dans l’ordre des savoirs. Mais ces nugae avaient pourtant une grande portée par le dessein qui les animait. Ainsi, sans dépendre des œuvres particulières qu’elle rendait possible, la décision d’écrire en leur propre langue prise par les plus illustres des Italiens était suffisante pour justifier l’admiration qu’on devait leur porter. Mais ce choix conduisit à une admiration sans réserve lorsqu’on se rendit compte que le Canzoniere et le Decameron étaient également des chefs-d’œuvre dans l’ordre des valeurs mondaines, et qu’ils n’avaient pas d’équivalent dans les littératures antiques. »
51 Il y a manifestement dans cette dernière phrase une lacune, que rien ne signale toutefois dans l’imprimé que nous citons. De son côté Espiner-Scott, dans son édition du premier livre du Recueil, p. 79, n’en dit mot.
52 Voir aussi les pages 106 (à propos de Boccace), 119 (Dante), 128 (Boccace) et 162 (Boccace).
53 Voir Balsamo, Les rencontres des Muses, en particulier p. 72 (Estienne) et 84-87 (Fauchet).
54 Balsamo, Les rencontres des Muses, p. 86-87.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11996-8
- EAN : 9782406119968
- ISSN : 2273-0893
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11996-8.p.0281
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/07/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français