Les réseaux du primitivisme face au « canon » littéraire national
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Le Primitivisme des avant-gardes littéraires
- Author: Rodriguez (Antonio)
- Pages: 53 to 72
- Collection: Encounters, n° 595
- Series: Twentieth and twenty-first century literature, n° 46
Les réseaux du primitivisme
face au « canon »
littéraire national
« Dada est un mot qui existe dans toutes les langues – il n’exprime rien d’autre que l’internationalité du mouvement1. » Alors que Dada se donne en grande partie comme une avant-garde internationale, cosmopolite, radicalement antinationale au milieu de la Grande Guerre, plusieurs mouvements du modernisme littéraire, rattachés à des langues particulières, se gardent de s’opposer aux logiques nationales de la littérature2. Certes, les futurismes italiens ou russes, tout comme Zaum3, ont eux-mêmes porté les élans nationaux, voire nationalistes, en concrétisations politiques des révolutions de l’esprit4. Plutôt que de traiter de ces problèmes déjà balisés par la critique, je me concentre ici sur les paradoxes des modernistes littéraires à Paris, qui sont associés aux peintres, d’abord à Montmartre puis à Montparnasse. Apollinaire, Cendrars, Max Jacob, Cocteau ou Salmon adoptent en effet des imaginaires et des projets primitivistes, en parallèle à une volonté de renouveler la poésie et le récit, notamment pour se défaire de la rigidité du canon national, institutionnel, tout comme de l’imitation des grands modèles. Pourtant, ces auteurs, qui fréquentent assidûment les ateliers des peintres5, s’inscrivent également à l’encontre du futurisme ou de 54Dada, au cosmopolitisme plus affirmé. Il convient pour eux de prendre les devants de la littérature nationale avant de s’imposer dans le « monde entier », pour reprendre la formule de Cendrars. Par le biais du primitivisme, ils cherchent à transformer le « canon » littéraire.
Pour eux, les revues, tout comme les galeries d’art, servent avant tout de réseaux, souvent internationaux, comme le marché de l’art à Paris à ce moment-là6, bien plus que l’industrie littéraire nationale à laquelle ils restent encore associés de loin7 ; à l’exception d’Apollinaire par les revues et le Mercure de France. La revue Lacerba a ainsi accueilli des échanges littéraires avec l’Italie par exemple8, tout comme d’autres revues bien connues, telles 291 à New York ou 391 à Barcelone. Si l’échelle internationale semble une évidence pour les auteurs qui fréquentent des peintres, des galeristes tels Ambroise Vollard ou Daniel-Henry Kahnweiler, des collectionneurs tel Paul Guillaume, elle ne correspond pas exactement aux logiques de la reconnaissance littéraire nationale, au sein d’une langue internationale. Apollinaire et Max Jacob ne fréquentent pas les mêmes peintres et les mêmes réseaux qu’Anatole France ou Proust9. Au contraire, ils publient leurs premiers livres par le biais de Kahnweiler, avec des tirages limités à une centaine d’exemplaires10.
Cette étude vise à comprendre mieux comment nous allons d’un primitivisme littéraire associé au marché de l’art tout comme à une contestation du canon national vers un primitivisme qui intègre l’industrie culturelle, notamment par le roman ou le cinéma. Pour ce faire, nous développerons sept points principaux :
551.Le « primitivisme » en littérature appartient vers 1900 aux avant-gardes proches du marché de l’art pour devenir une valeur montante, puis une valeur sûre pour la littérature elle-même dans les années 1920.
2.Cette esthétique reste ambivalente face à la reconnaissance nationale de la littérature, des grands auteurs, et elle demande à recomposer le « canon » hors du classique (de Homère à nos jours) et des héritages institutionnels (l’école, le musée, l’opéra, l’Université).
3.Le « primitivisme » permet une sortie hors des modèles de la représentation et de l’imitation, y compris de l’imitation des « pères » par la « filiation » nationale.
4.Les objets et les figures convoquées sont multiples (allant du Gaulois à l’Africain, en passant par la femme ou le fou), mais ils invitent à un geste « primitiviste » semblable.
5.La fréquentation première des réseaux de l’art offre un seuil pour entrer dans les réseaux de la littérature la plus diffusée, qui sont dans un nouvel essor industriel.
6.La réaction face au « darwinisme social » des civilisations associe un imaginaire temporel, spatial, sociologique contre les facultés de l’esprit prises sous une perspective cartésienne (par exemple, le fou donne accès au monde prélogique, le « Noir » à la sexualité).
7.Le primitivisme littéraire permet d’explorer ce que la morale impériale refoule (la sexualité, le corps, l’homosexualité, les marges) et de le valoriser par le biais d’une libération de la création.
Le choix d’un imaginaire « primitiviste »
Ce primitivisme littéraire permet aux auteurs d’intéresser les peintres, les éditeurs-galeristes et les collectionneurs proches des avant-gardes. Il s’inscrit typiquement dans les phases de « problématisation » et d’« intéressement » proposées par les recherches sur les réseaux. Par « problématisation », nous entendons d’abord la formulation d’un problème en vue de le présenter comme essentiel, « passage obligé » pour les autres acteurs du réseau ; l’« intéressement » consistant à transformer 56ces acteurs comme alliés, en les incitant à coopérer11. En somme, pour que le primitivisme littéraire se diffuse, il « doit s’intégrer dans un réseau d’acteurs qui [le] reprennent, [le] soutiennent, [le] déplacent12. » C’est bien ce qui a lieu en littérature avec les poètes qui fréquentent les ateliers. Ils s’inscrivent ainsi à l’encontre de trois valeurs : les « vies bourgeoises » fondées sur la réussite économique ; la reproduction sous le signe de l’imitation classique ; le « canon littéraire national » promu par l’école républicaine, tout comme « l’héritage institutionnalisé » du xixe siècle (musées, théâtres et scènes lyriques), qu’il soit « classique », « romantique » ou « naturaliste13 ». Par le biais de figures diverses considérées comme primitives, une esthétique du décentrement agit tel un déplacement vers les franges de la société, dans le temps et l’espace, une sortie hors des normes ou du canon attendu. Elle offre un écart face aux attentes associées à la « domination » intérieure, au modèle fantasmé de la centralité dans les capitales impériales, dont la figure majeure, servant de repoussoir, serait une concentration, plus ou moins mouvante, de caractéristiques : un adulte, de sexe masculin, blanc, marié, père de famille, chrétien (par habitude, non par conviction), hétérosexuel, moralisateur, rationaliste, ancré dans son confort matériel. Par-delà une histoire des idées ou des mentalités, nous sommes typiquement dans une catégorie de l’imaginaire au sens où la définit Jean-Jacques Wunenburger : « L’activité de l’imagination elle-même, désigne les activités de groupement systémique d’images en tant qu’elles comportent une sorte de principe d’auto-organisation, d’autopoïétique, permettant d’ouvrir sans cesse l’imaginaire à de l’innovation, à des transformations, à des recréations14. » Selon Joël Thomas, l’imaginaire est « un système, un dynamisme organisateur des images, qui leur confère une profondeur en les reliant entre elles15 ». Le primitivisme offre un bien curieux reflet des valeurs, comme un « envers16 », présenté par le milieu 57artistique au monde européen en pleine expansion impériale, en pleine homogénéisation nationale, mais aussi en pleine croissance des collections d’art. Les appels au « primitivisme » circulent alors abondamment dans les milieux artistiques17, en s’écartant d’autres circuits littéraires.
Les auteurs modernistes qui fréquentent ou participent à ce marché de l’art sont les plus favorables au primitivisme. Ils se retrouvent dans les ateliers de Picasso18, des Delaunay, chez les peintres d’avant-garde, tout en participant à la bohème de Montmartre ou de Montparnasse. En somme, ils possèdent des lieux de rencontre, de sociabilité (des cafés, des ateliers), puis des revues (Les Soirées de Paris, Nord-Sud, Sic), des collections, des galeries ou des théâtres qui les accueillent. Si nous ne comprenons pas mieux ces réseaux, nous ne pouvons guère saisir comment et où, précisément à Paris, circulent les valeurs du primitivisme littéraire. Car un réseau principal s’intéresse et évalue favorablement les composantes du « primitivisme », tandis que le terme de « primitif » circule déjà de manière courante19. La légitimation de la singularité de l’artiste, qui passe par un décadrage axiologique20, inclut même un tel primitivisme dans des milieux précis. Une approche en réseau a pour vertu de compléter une sociologie de la « domination » dans les arts (Pierre Bourdieu, Pascale Casanova21) ou une sociologie de la singularité (Bernard Lahire22). Or, le « primitivisme » se révèle être un élément clé, moins pertinent pour acquérir un « capital symbolique » au 58sein du champ23 qu’en tant qu’orientation imaginaire et intéressement esthétique des différents acteurs du marché de l’art ; du moins, jusqu’à la Première Guerre mondiale. Le terme sous-tend un ensemble de mots régulièrement associés et usités dans de telles esthétiques.
Ces orientations se renouvellent avec la succession des avant-gardes artistiques jusqu’en 1945, puis sont contestées, relativisées, réutilisées autrement. Par-delà l’étude de cet ensemble de mots-clés en littérature que nous pouvons regrouper sous le terme de « primitivisme », nous pouvons également décrire des « actants24 » (qui se rapportent principalement aux revues, mais aussi aux collections, puis à la direction d’institutions). Il faut y ajouter les rapports aux nouvelles technologies, comme le cinéma. Toutes ces actions cachent souvent autant de « luttes pour la reconnaissance » qui passent par un imaginaire de l’asymétrie, et recouvrent des questions éthiques25, outre le désir de consolider une reconnaissance personnelle.
Le « primitivisme littéraire » offre ainsi une notion centrale pour considérer des formes de « problématisation », d’« intéressement », de « mobilisation26 » dans les réseaux artistiques et littéraires au début du xxe siècle à Paris. Capable de rassembler des orientations en apparence distinctes (par les objets convoqués, réalisés, ou par des références communes), cette notion devient un « point de passage obligé27 », et souvent moins apparent, pour comprendre des choix opérés au sein d’une « modernité ». Plusieurs acteurs du milieu littéraire éveillent l’intérêt pour un tel primitivisme, à l’instar de Paul Guillaume, mais aussi des figures comme Jean Paulhan, secrétaire à la NRF dès 1919 et auteur des Hain-Tenys Merinas malgaches (1913-1917), ou, plus tard, André Malraux. Ces derniers acteurs prendront d’ailleurs une place prépondérante dans les institutions littéraires, distribueront les rôles dans l’édition, les reconnaissances ou les prix littéraires28. Nous retrouvons enfin des phases de « mobilisation », au sens de la sociologie de la 59traduction, par les acteurs du « primitivisme littéraire » dans des soirées littéraires, des spectacles, des expositions, des numéros de revues, tels les événements de Lyre et Palette.
Les motivations modernistes
pour le primitivisme
Pourquoi adopter le primitivisme comme imaginaire de l’asymétrie et du décentrement ? Ce qui irrite encore notre sensibilité dans cette notion consiste à voir combien ce décentrement implique une hiérarchisation des valeurs, qui articule le plus haut (l’art « noble » porté par les artistes) avec ce qui est le plus déconsidéré par rapport au rationalisme occidental : les femmes, les noirs, les fous, les enfants ; souvent les plus vulnérables ou les plus dominés. Néanmoins, une telle asymétrie cache également une manière de reconsidérer le refoulé, de comprendre la vie intégralement et de s’en prendre au modèle de l’imitation (peut-être de la reproduction). Comme l’a montré Anne Tomiche, le primitivisme se nourrit d’un ressourcement, énergétique, presque magique, dans les origines pour reprendre contact avec les parts occultées de la société. Il en allait comme si les capitales impériales étaient frappées d’une scission entre leur soif de domination par la rationalité et les contrepoints « vitalistes » révélés par les arts.
Pour ce faire, les écrivains modernistes convoquent des « sources » communes, souvent déconsidérées par l’éducation : les productions des enfants, les folklores régionaux, les écrits ou les dessins des fous, les figures du barbare, du sauvage, des textes archaïques ou préclassiques qui donnent forme à ces valeurs. Le primitivisme crée alors plusieurs figures « primitives », forcément « péjoratives » dans l’axiologique, comme autant de points d’appui d’un imaginaire et d’un « rapport » de création asymétrique. Celle-ci s’oppose à la lignée du canon, à la transmission entre « pères » et « fils ». Comme l’indique Baptiste Brun : « Figures héritées du second xixe siècle, les “primitifs” que sont, tour à tour et à des degrés différents, l’enfant, le nègre, l’homme préhistorique, voire l’ouvrier et le paysan marqués du sceau du darwinisme social, sont les dénominateurs 60communs de ces productions, auxquels s’ajoute la figure du fou, du dégénéré29. » Dans ce « darwinisme social30 », les revendications antiéconomiques et anti-industrielles participent souvent aux principes valorisés d’une bohème symbolique31, tout en perturbant les « fonctions » et la « distribution » des rôles d’une société bourgeoise. Néanmoins, cet écart est paradoxal, car ces valeurs participent largement au marché de l’art.
Au sein de ces centres culturels, la stabilité de la lignée nationale est mise à mal, notamment par les appels au décentrement : les avant-gardes doivent bousculer les catégories, superposer les époques, les groupes, créer la « surprise32 » par les catégories de l’hybridation ; telles sont les valeurs préconisées. Ainsi, participer à la littérature à proximité des peintres à Paris assure un rayonnement « international », notamment par la fréquentation de Picasso, Modigliani, Juan Gris, Francis Picabia et tout un ensemble de peintres non français33, avant d’investir la littérature « nationale », occupée dans les années 1900 à 1914 par d’autres acteurs, qui les maintiennent à distance. Contrairement à Proust qui s’inscrit en continuité d’Anatole France, Gustave Flaubert, Charles Baudelaire ou Alfred de Vigny, Apollinaire montre davantage ses liens aux milieux artistiques, son influence dans la presse, tout en participant déjà au Mercure de France34. Dans tous les cas, la volonté de se dire « universel » ne passe plus par l’expression d’un génie national retranché dans une pureté et une homogénéité, mais par une forte hétérogénéité.
Il existe une multiplicité d’objets pour le « primitivisme littéraire » : Apollinaire se fonde sur la littérature médiévale et le cycle arthurien, Max Jacob sur les légendes et les folklores bretons, Blaise Cendrars sur l’Afrique subsaharienne ou le Brésil, Jean Cocteau sur le jazz. Pour ces auteurs qui se fréquentent depuis 1905 (si nous considérons les deux premiers), puis dans les années 1910 pour des projets éditoriaux ou artistiques, l’orientation primitiviste apparaît, mais elle se porte sur des 61objets distincts. Le « merveilleux » peut aussi bien prendre appui sur des textes médiévaux que sur des contes populaires bretons. Mais il est également possible d’avoir des « sources » plus lointaines : les contes dits « nègres », le rapport à la Russie chez Cendrars et Salmon. Ces auteurs, comme d’autres par la suite, projettent un imaginaire primitiviste par le biais de l’espace (la géographie), du temps (l’histoire et l’archéologie), de la littérature et des médias (la poésie face à la paralittérature ou aux arts populaires, souvent moins reconnus), de l’ethnologie (les races, les civilisations), des religions (la magie, les sources du christianisme) ou de la conscience (psychologie, métapsychologie).
Dans la variété d’asymétries, le point commun paraît tout d’abord relever d’une perspective ancrée à Paris, dans les milieux savants ou « autorisés ». Il s’agit d’une projection de valeurs depuis la capitale nationale et impériale. Elle renoue avec l’opposition bourgeois/bohème du xixe siècle35, en suivant ce qui prend de la valeur sur le marché de l’art ou dans les musées. Ainsi, en considérant les premiers ouvrages publiés par Apollinaire, Max Jacob, de 1908 à 1914, nous voyons la recherche d’un ancrage imaginaire des origines légendaires, et une conquête d’une légitimité littéraire par le biais des arts et des publications chez Kahnweiler. André Derain enrichit les œuvres avec des bois gravés, tout comme Picasso avec ses pointes sèches. Chez Apollinaire, comme chez Max Jacob, la création joue sur un regard philologique ou érudit. Dans les Œuvres burlesques et mystiques de frère Matorel, Max Jacob adopte une voix d’éditeur bourgeois qui se moque des essais poétiques pratiqués dans la première partie. Il avait déjà établi en 1911 ce dédoublement dans La Côte à partir de poèmes bretons et d’un regard ethnographique36. Il ne s’agit pas de revenir aux « sources » au premier degré, mais d’avoir une distanciation assez complexe avec les désirs d’un « retour aux sources » : les auteurs convoquent l’enchantement, sans en être dupes, avec ironie bien souvent.
Cet enchantement se détache du canon « national », tel qu’il est donné par les programmes scolaires de la Troisième République (allant de l’Antiquité grecque à la modernité, en passant par la Renaissance, 62la période classique et les grands romantiques), ou par le canon des grandes institutions culturelles que sont les musées des Beaux-Arts et les théâtres lyriques. En somme, le point central du primitivisme est de se détacher d’emblée du corpus scolaire, de l’éducation normée ou des canons des musées. Il apparaît forcément comme un « écart » dans le temps et l’espace, et cet écart, projeté sur le reste du monde, ou dans l’histoire, sert de fondement à la création, bien plus que l’objet ou le document lui-même. D’où les formules pour le moins ambivalentes de Picasso, Cocteau ou Dubuffet sur le primitivisme :
Je ne connais pas d’ouvrage que je puisse vous recommander sur l’art des primitifs. Du reste peut-on légitimement parler d’un art des primitifs ? On range là toutes espèces d’art bien disparates. Somme toute on y range tout ce qui n’est pas hellénistique. C’est bien arbitraire. Peut-on même parler d’hommes primitifs, ou de pensée primitive ? Telles civilisations (nègre – polynésienne – eskimo etc.) sont-elles véritablement – objectivement – primitives par rapport à la nôtre ? C’est nous qui le disons ! Voire37 !
Paris : un enchevêtrement de réseaux
Paris se trouve ainsi dans une situation paradoxale : d’une part, les institutions culturelles et l’éducation nationale françaises dépendent d’instances centralisées, dans des « réseaux » nationaux ; d’autre part, en tant que « ville cosmopolite » et « capitale des arts et des lettres », elle porte un rayonnement international, voire mondial, qui fait aussi sa fierté. La Ville lumière accueille les différents réseaux, sans pour autant les superposer instantanément. La notion trop large de « contexte » parisien pourrait alors créer une illusion d’optique : les auteurs considérés seraient forcément connus dans les autres capitales occidentales, forcément en phase avec les autres milieux littéraires et les grandes maisons d’édition. C’est mal connaître la circulation et les activités littéraires multiples de l’époque. En même temps, dans la même ville, des réseaux artistiques et littéraires coexistent sans forcément se rencontrer.
63Comme l’a montré Anne-Marie Thiesse38, la lignée « nationale » vise une homogénéité qui va, généralement pour les États en Europe, de la Grèce antique aux temps modernes. Elle est construite notamment par les portraits littéraires des civilisations (Sainte-Beuve) et le canon scolaire, en vue de l’éducation du citoyen39. Cette lignée s’élabore en opposition aux littératures « étrangères », parmi lesquelles les textes « primitifs » forment des marges. Comme l’indique Nicola Gess40, de nombreuses découvertes alimentent d’autres connaissances : par exemple, la littérature médiévale, mais aussi l’Égyptologie, l’archéologie et surtout l’ethnologie (qu’elle soit intérieure à la nation, dans les régions ; ou extérieure, notamment dans les colonies). Avec la Troisième République, la littérature a servi de consolidation pour le modèle « national », comme l’ont montré Antoine Compagnon41 ou Pascale Casanova. L’organisation des États-nations a été guidée par la constitution d’une « identité » propre, l’élaboration d’une histoire de la littérature, une éducation à la langue par ladite littérature, le déploiement du « canon » national par la scolarité, la conservation et la valorisation du patrimoine.
Cette valorisation s’appuie dans les faits sur des réseaux, dans ce cas sur la consolidation nationale du réseau, qui montre son efficacité en littérature, par l’éducation et la distribution avant tout en lien avec des industries littéraires ou des groupes qui détiennent la presse. Pour le domaine français, Paris possède les principaux leviers : industrie littéraire et culturelle (cinéma, opéra, théâtre), éducation nationale (avec un impact intérieur considérable), accès au marché international de l’art, capitale d’un empire colonial. Aucune autre ville francophone ne peut revendiquer un tel impact. Seules des villes comme Londres, New York, puis Berlin, Vienne, Moscou, Milan, Barcelone – peut-être la nouvelle São Paulo – sont capables d’une telle attractivité. On le sait, si les poètes, les écrivains, les artistes vivent à Paris, malgré des conditions économiques parfois difficiles, c’est dans l’espoir de participer aux bons réseaux avec une concentration suffisante d’acteurs déterminants dans la capitale. Ils bénéficient ainsi 64de l’image positive du « contexte » qui souligne combien les choses importantes se déroulent à Paris.
Dans les modèles de la filiation masculine, pour capter l’héritage du génie national, ces auteurs s’inscrivent souvent en « mauvais fils ». Ils ont d’ailleurs des origines étrangères, comme pour Apollinaire, Cendrars, Tzara, mais aussi des filiations juives comme Max Jacob. Le modèle familial patriarcal semble en tout cas difficile à reproduire dans leur vie. Ainsi, malgré des propos sur la portée « universelle » des œuvres, les poètes eux-mêmes montrent une forte motivation pour participer à une histoire nationale, qui sert de lieu principal de reconnaissance, mais sans l’imaginaire de la filiation. Le primitivisme reconstruit alors l’identité nationale, le patrimoine littéraire et artistique par d’autres biais, plus fraternels.
Il devient omniprésent à partir du moment où l’évolutionnisme darwinien touche aussi les genres littéraires42. Le pouvoir des artistes et des écrivains se trouve accru par une « religion de l’art43 ». Dans ce contexte, le primitivisme sert de « ressourcement », comme s’il fallait intégrer d’autres sources au « canon » alors constitué.
Au vu du statut bohème des artistes et des écrivains à ce moment-là, ce ressourcement doit être antibourgeois et aller vers des objets en apparence peu valorisés par les « beaux-arts ». Il me semble important d’insister sur un point : ils veulent défaire à la fois l’histoire continue et la structuration pyramidale du corps social : déformer la tête, le centre visionnaire et coupé du reste du corps, la structure verticale des réseaux.
Dans le primitivisme littéraire, nous trouvons alors un rapport critique à la société par le biais des origines de l’humanité. Le fou n’est plus le fou, il nous ramène au monde prélogique. L’enfant n’est pas bête, il est la conscience première, tout comme le paysan. En somme, toutes ces figures primitives illustrent une conscience par le corps par-delà la rationalité instrumentale et technologique, dite « cartésienne », qui se développe sur les différents plans de la société.
65Contre le colonialisme de l’esprit
Dans les différentes géohistoires de la mondialisation44, le moment colonial, notamment africain et océanien, apparaît comme une deuxième phase d’expansion. Il est fortement lié à la révolution industrielle et à l’essor de modes d’organisation de la société, déployés dès le milieu du xixe siècle, comme autant de « réseaux » qui favorisent la circulation et l’échange des biens manufacturés. Le rapport aux colonies ou l’organisation du territoire national s’élabore ainsi comme une « captation » des ressources (matérielles, humaines) pour alimenter le développement industriel et économique. Dans quelle mesure assistons-nous à une telle démarche dans les milieux artistiques à Paris, notamment à travers le primitivisme ?
Les auteurs et les artistes « captent » également les ressources premières des contes et folklores, dans une conquête de la valeur sur un marché de l’art mondialisé, qui dépasse le fonctionnement du canon national. Ils se placent eux-mêmes dans un rapport de « raffinement » des matières littéraires premières, en les mettant en valeur (ce qui reste quand même éloigné d’un pur capitalisme). Mais ce qui va également à l’encontre d’un anti-capitalisme forcené45. Les réécritures, les collages, les juxtapositions visent non pas à imiter certains groupes sociaux, mais à recréer une circulation dans la pyramide sociale.
Le rayonnement des capitales impériales passe considérablement par les arts et les lettres. Or, ceux-ci tendent à se réorganiser radicalement : la multiplication des musées des beaux-arts, des théâtres lyriques, mais aussi la reconsidération des collections, tout comme une nouvelle organisation de la littérature à l’ère industrielle. Un certain militantisme apparaît dans les collections privées d’abord, puis publiques46. Dans ce contexte, les poètes tendent à occuper une frange particulière de la société, dès le deuxième tiers du xixe siècle : ils se retrouvent dans le monde bohème, vendent peu d’ouvrages, mais leurs œuvres participent 66au marché de l’art avec les peintres, ainsi qu’au théâtre lyrique par le biais du ballet. Avec Mallarmé, d’un point de vue sociologique, la nouvelle valorisation de la poésie s’associe à l’esprit de collection47, au livre imprimé rare, mais aussi au livre d’artiste avec Manet ou au ballet avec Debussy. Les poètes fréquentent alors les milieux artistiques, côtoient les peintres et les musiciens bien plus que les romanciers : les collaborations intermédiales servent de principal lieu de reconnaissance et de survie économique.
Les figures du primitivisme littéraire ne sont pas une nouveauté du modernisme au xxe siècle. Déjà, les personnages d’un certain réalisme romanesque avaient pu passer par les femmes (Flaubert, Tolstoï), les enfants (Hugo, Dickens), l’idiot (Dostoïevski), et la poésie moderniste a intégré l’univers des maudits : le saltimbanque, le bohémien, les cabarets interlopes, les divertissements populaires. Mais le traitement ressemble davantage au « nègre » qu’on retrouve dans « Mauvais Sang » de Rimbaud, ou au fou chez Lautréamont, considéré à la première personne. Dans ce cadre, le sujet lyrique adopte un point de vue « primitiviste » où il célèbre ce qui est généralement dévoyé. Un passage d’une Saison en enfer condense à lui seul les attributs de ce point de vue primitiviste, tant il crée une généalogie non christianisée fondée sur le Gaulois48, le barbare. Rimbaud associe la « raison » avec « la nation et la science ». Une hypocrisie est alors dénoncée entre le « nègre », qui refuse la lumière illusoire, et les « faux nègres » :
Oui, j’ai les yeux fermés à votre lumière. Je suis une bête, un nègre. Mais je puis être sauvé. Vous êtes de faux nègres, vous maniaques, féroces, avares. Marchand, tu es nègre ; magistrat, tu es nègre ; général, tu es nègre ; empereur, vieille démangeaison, tu es nègre : tu as bu d’une liqueur non taxée, de la fabrique de Satan. – Ce peuple est inspiré par la fièvre et le cancer. Infirmes et vieillards sont tellement respectables qu’ils demandent à être bouillis. – Le plus malin est de quitter ce continent, où la folie rôde pour pourvoir d’otages ces misérables. J’entre au vrai royaume des enfants de Cham.
67Connais-je encore la nature ? me connais-je ? – Plus de mots. J’ensevelis les morts dans mon ventre. Cris, tambour, danse, danse, danse, danse ! Je ne vois même pas l’heure où, les blancs débarquant, je tomberai au néant.
Faim, soif, cris, danse, danse, danse, danse49 !
Ces lignes, bien connues, montrent les renversements et les dichotomies. Les « faux nègres » se détachent de leurs origines, de leur corps et des forces de la vie. L’imaginaire primitiviste s’inscrit contre la rationalité ; le ventre contre la tête. Un imaginaire social apparaît, qui transforme les capitales impériales en cerveau dominant le corps, les régions et les colonies, non sans rappeler les trois ordres de la société. L’appel au ventre, à la danse, au cri, à la soif s’inscrit comme un renversement des valeurs. L’impact de Rimbaud se fait surtout sentir au début du xxe siècle, plus qu’à la publication d’Une Saison en enfer, y compris dans les polémiques entre modernistes : Reverdy face à Max Jacob, ou, plus tard, entre les surréalistes et Claudel. Nous pouvons également penser au cas de Lautréamont, valorisé par les surréalistes, y compris dans l’idée d’une poésie faite par tous50. La reconstitution du patrimoine littéraire est directement en jeu.
Chez Apollinaire, l’imaginaire historique des sources ne part pas du Gaulois, mais plutôt du Moyen Âge51. En Angleterre à la fin du xixe siècle, une querelle autour de la « ballade » a eu lieu. Il existe en effet deux types de « ballades » : la « ballad », qui adopte un modèle plus anglo-saxon, la « ballade », qui sert de référence française et cosmopolite. Or, comme l’a indiqué Marion Thain : « Une argumentation […] met aussi en exergue comment la poésie de cette période met en scène des tensions entre le nationalisme et le cosmopolitisme, qui sont aussi cruciales pour nous aujourd’hui qu’elles l’étaient à l’époque52. » Dans 68ce contexte, le retour aux sources s’inscrit dans un nationalisme anti-français, à l’encontre des vues plus cosmopolites accordées à la « ballade ». Où se tient le ressourcement de l’énergie ? Est-ce dans une Bretagne légendaire, dans l’orphisme archaïque ou encore dans les imaginaires rhénans ? Apollinaire lui-même n’hésite pas à faire varier ses sources.
Les tentatives pour incorporer le primitivisme
dans l’industrie culturelle
Si le « retour au classique » de 1916 a été bien documenté pour les avant-gardes, j’aimerais souligner deux phénomènes à partir de ces années : d’une part, les auteurs évoqués prennent les devants de l’espace littéraire et artistique, grâce à des revues comme Nord-Sud et Sic, mais aussi grâce à des spectacles (Parade et Les Mamelles de Tirésias). Dès 1918, nous voyons les réseaux modernistes se transformer : passer de la logique du marché de l’art (avec Kahnweiler, Vollard, Paul Guillaume), des salons mondains et des collectionneurs (Jacques Doucet), aux échanges entre les arts (ballets russes), aux nécessités de survie par le biais de l’industrie : cinématographique ou littéraire (par le roman)53. Nous voyons alors surgir un intérêt pour les grandes formes narratives. Ces différents auteurs, qui étaient des poètes, passent du côté du récit long, du roman tout particulièrement, et du scénario54. L’ouvrage récent d’Émilien Sermier55 sur la « saison » des poètes dans le roman me paraît justement montrer le passage des écritures d’avant-garde associées au milieu artistique, donc à un réseau particulier, à des tentatives pour intégrer des industries littéraires, avec un succès relatif, c’est-à-dire à un autre réseau. Les auteurs sont alors pris sous une double injonction : 1. Garder les principes qui ont fait leur succès sur le marché de l’art, passant par une stratégie de l’énergétique, du mouvement, du cri, du corps, de tout ce qui se rattache au « primitif ». 2. Entrer dans une 69standardisation des années 1920 (d’autant plus, ensuite, avec le cinéma parlant), avec pour contre-modèle les romans à l’Anatole France, mais aussi à la Proust ou Martin du Gard, dont ils se gaussent.
Il est fascinant de les voir transposer une telle stratégie des arts à l’industrie du roman, avec les déceptions que cela implique, mais aussi avec les réussites, dans la mesure où le « primitivisme » en tant que trait du modernisme va s’instituer et devenir une valeur sûre56. Les récits autobiographiques légendaires vont contribuer à en faire un élément de distinction : l’art « nègre », le folklore, la littérature médiévale, le jazz, le cinéma apparaissent comme les « ressourcements » d’une civilisation qui reconstruit son patrimoine.
Un moment et une situation
du primitivisme littéraire
Si l’homogénéité de la lignée nationale, partant du classique, est remise en question par le modernisme littéraire, l’imaginaire du « primitivisme » permet de sortir de l’imitation, de la reproduction des modèles, d’une perspective historique également. Fondé sur le différentiel et le « choc », comme l’esthétique de l’image de Reverdy, le primitivisme convoqué par ces auteurs offre des contrastes et des surprises à partir d’objets « primitifs » distincts. La multiplicité de ces objets, le faisceau de mots associés à cette démarche n’empêchent guère l’adoption d’une esthétique et d’un imaginaire tout à fait favorable dans les réseaux du marché de l’art à Paris. Les auteurs évoqués se lancent en littérature, à Montmartre comme à Montparnasse, par le biais de livres d’artiste à forte valeur symbolique : les bois gravés de Derain ou Dufy renouent ainsi avec des techniques premières pour accompagner les textes médiévaux ou orphiques d’Apollinaire.
Pourtant, cette situation tend à se transformer de 1916 à 1921. Le « retour du classique » avec la direction de revues littéraires, de collections chez des éditeurs souligne une sortie progressive des seuls réseaux 70de l’art. Parallèlement, ces auteurs ont la volonté, après les premières expérimentations intermédiales, d’intégrer l’industrie culturelle du livre par le roman ou de s’insérer dans le milieu du cinéma. Tous se mettent à écrire des nouvelles ou des récits pour le moins étranges, en gardant des techniques élaborées précédemment, qui s’inscrivent à l’encontre de l’intrigue standardisée.
La ville de Paris ne peut servir de contexte homogène à l’histoire du primitivisme, car elle se tisse de réseaux hétérogènes qui ne se superposent pas constamment. En tant que « capitale des arts », elle offre d’emblée un horizon international pour la circulation et la valorisation des livres d’artistes. Néanmoins, en tant que « capitale littéraire », elle est davantage soumise aux valeurs nationales de la métropole : la Ville lumière apparaît alors, dans un imaginaire social, comme incarnant la partie cérébrale d’un progrès, de la période hellénistique à la Belle-Époque, contestable et contestée par le primitivisme, dans une géographie des contrastes. Des débuts d’Apollinaire à la Grande Guerre, cette attitude possède sa part d’innovation et de surprise, et elle sera particulièrement soutenue ensuite par les positions déterminantes de Jean Paulhan à la NRF, d’André Malraux ou de Jean Dubuffet. L’expansion des primitivismes tout au long des années 1920-1930 poursuivra un tel imaginaire.
Antonio Rodriguez
Université de Lausanne
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3 Jean-Claude Lanne, « Xlebnikov et le langage d’outre-entendement », Altérations, créations dans la langue, Anne Tomiche (dir.), Clemont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2001, p. 69-85.
4 Je renvoie à l’ouvrage de synthèse d’Anne Tomiche, La Naissance des avant-gardes occidentales, 1909-1922, Paris, Armand Colin, 2015.
5 Philippe Geinoz, Relations au travail : Dialogue entre poésie et peinture à l’époque du cubisme. Apollinaire-Picasso-Braque-Gris-Reverdy, Genève, Droz, 2014.
6 Comme l’indiquent Emmanuel Hoog et Michel Hoog : « À la veille de la première guerre mondiale, les structures essentielles du marché actuel sont dessinées : c’est un marché international et bientôt mondial, qui s’est annexé, autour de marchandises auxquelles on reconnaît des qualités esthétiques, toutes sortes de produits de l’activité humaine qui ont perdu leur finalité première. » Le Marché de l’art, Paris,PUF, coll. « Que sais-je ? », 1995, p. 72.
7 Pour comparer les deux réseaux à ce moment, je renvoie aux biographies parallèles de Pierre Assouline : Gaston Gallimard, Un demi-siècle d’édition française, Paris, Gallimard, 1984 ; L’Homme de l’art, D.-H. Kahnweiler 1884-1979, Paris, Gallimard, 1989.
8 Mario Richter, « Apollinaire et Lacerba », La Revue des revues, vol. 58, no 2, 2017, p. 24-33. Adriano Marchetti, « Les débuts de Max Jacob en Italie, avant qu’on ne l’y traduise », Les Cahiers Max Jacob, no 10, 2010, p. 9-16.
9 Je renvoie à l’essai sur la relation plus proche, et néanmoins impossible, entre Proust et Cocteau : Claude Arnaud, Proust contre Cocteau, Paris, Grasset, 2013.
10 Guillaume Apollinaire, L’Enchanteur pourrissant, avec des illustrations d’André Derain, Paris, Henry Kahnweiler, 1909. Max Jacob, Œuvres burlesques et mystiques de frère Matorel, avec des illustrations d’André Derain, Paris, Heny Kahnweiler, 1912.
11 Voir l’article précurseur de Michel Callon, « Éléments pour une sociologie de la traduction », L’Année Sociologique, vol. 36, 1986, p. 169-208.
12 Madeleine Akrich, Michel Callon, Bruno Latour, « À quoi tient le succès des innovations ? 1 : L’art de l’intéressement », Gérer et comprendre, Annales des Mines, no 11, 1988, p. 20.
13 Anne Tomiche souligne quant à elle « le rejet de la tradition » et la « valorisation du nouveau », op. cit., p. 143-150.
14 Jean-Jacques Wunenburger, L’Imaginaire, Paris, PUF, 2020, p. 36.
15 Joël Thomas (dir.), Introduction aux méthodologies de l’imaginaire, Paris, Ellipses, 1998, p. 15.
16 Je songe à la formule d’Antonin Artaud sur la recherche de « l’envers » dès le Théâtre de la Cruauté. Voir sur les rapports à la mimèsis : Alain B. Marchand, « Mimèsis et catharsis : de la représentation à la dénégation du réel chez Aristote, Artaud et Brecht. » Philosophiques, vol. 15/1, 1988, p. 108-127.
17 Voir Philippe Dagen, Primitivismes : une invention moderne, Paris, Gallimard, 2019 ; Primitivismes II. Une guerre moderne, Paris, Gallimard, 2021.
18 Voir Serge Linarès, Picasso et les écrivains, Paris, Citadelles & Mazenod, 2013.
19 Dans sa thèse de doctorat, Jehanne Denogent démontre combien le primitivisme à partir de l’Afrique s’appuie sur une culture coloniale et un usage du terme « primitif » dans les milieux populaires et savants. Jehanne Denogent, Palimpsestes africains : Primitivisme littéraire et avant-garde (1901-1924), sous la direction de Christine Le Quellec Cottier, Lausanne, Université de Lausanne, 2022.
20 Voir Nathalie Heinich, De la visibilité, Paris, Gallimard, 2012.
21 Voir Pierre Bourdieu, « Le marché des biens symboliques », L’Année sociologique, no 22, p. 49-126 ; Les Règles de l’art : genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, coll. « Points essais », 1992. Pierre Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Fayard, 2001. Pascale Casanova, La République mondiale des Lettres, édition revue et corrigée, Paris, Seuil, coll. « Points essais », 2008 [1999].
22 Voir Bernard Lahire, Franz Kafka : éléments pour une théorie de la création littéraire, Paris, La Découverte, 2010 ; Ce qu’ils vivent, ce qu’ils écrivent : mises en scène littéraires du social et expériences socialisatrices des écrivains, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2011.
23 Voir l’étude d’Isabelle Krywskowki dans ce même volume.
24 Voir Bruno Latour, Changer de société. Refaire de la sociologie, Paris, La Découverte, 2006.
25 Voir Axel Honneth, La Lutte pour la reconnaissance, Paris, Gallimard, 2013.
26 Voir Michel Callon, Sociologie de l’acteur réseau, dans Madeleine Akrich et al. (dir.), op. cit.[en ligne], Paris, Presses des Mines, 2006.
27 Madeleine Akrich et al. (dir.), op. cit.
28 Sur Jean Paulhan, voir : Clarisse Barthélemy-Arkwright (dir.), La Littérature selon Jean Paulhan, Paris, Classiques Garnier, 2015.
29 Baptiste Brun, Jean Dubuffet et la besogne de l’art brut, Dijon, Les Presses du Réel, 2019, p. 16.
30 Voir Jean-Marc Bernardini, Le Darwinisme social en France (1859-1918) : Fascination et rejet d’une idéologie, Paris, Éditions CNRS, 1997.
31 Voir Anthony Glinoer, La Bohème : une figure de l’imaginaire social, Montréal, PUM, 2019.
32 Nous renvoyons à notre article : « Du nouveau dans la surprise ? Une notion conventionnelle devenue emblématique de l’année 1917 », Littérature, no 188, 2017/4, p. 28-38.
33 Tel que l’a montré Annie Cohen-Solal dans Un Étranger nommé Picasso, Paris, Fayard, 2021, ainsi que le catalogue Picasso l’Étranger, Paris, Fayard, 2021.
34 Voir Laurence Campa, Guillaume Apollinaire, Paris, Gallimard, 2014.
35 Pour reprendre les éléments des études de Pierre Bourdieu, Anthony Glinoer et Vincent Laisney.
36 Voir Serge Linarès, « La Côte, “un livre pâle” ? », Les Cahiers Max Jacob, no 21/22, 2021, p. 157-180 ; Antonio Rodriguez, « Max Jacob, le primitivisme breton face à l’art nègre », La Critique d’art des poètes, Corinne Bayle, Philippe Kaenel, Serge Linarès (dir.), Paris, Kimé, 2022, p. 141-154.
37 Lettre de Jean Dubuffet à Charles Ladame, 8 mai 1946, Lausanne, Archives de la Collection de l’Art Brut.
38 Voir Anne-Marie Thiesse, La Fabrique de l’écrivain national, Paris, Gallimard, 2019.
39 Voir Gustave Lanson, L’Éducation de la démocratie, Paris, F. Alcan, 1903.
40 Voir l’essai de Nicola Gess, Primitive Thinking :Figuring Alterity in German Modernity, qui vient d’être traduit en anglais (Berlin, De Gruyter, 2022).
41 Voir Antoine Compagnon, La Troisième République des Lettres, Paris, Le Seuil, 1983.
42 Voir Ferdinand Brunetière, L’Évolution des genres dans l’histoire de la littérature, Paris, Pocket, 2000 [1890].
43 Se référer à Paul Bénichou, Le Sacre de l’écrivain, Paris, J. Corti, 1985.
44 Comme l’ont montré Christian Grataloup, Géohistoire de la mondialisation. Le temps long du monde, Paris, Armand Colin, 2011, et Laurent Carroué, Géographie de la mondialisation, Paris, Armand Colin, 2019.
45 Cette analyse est au cœur du volume de Ben Etherington, Literary Primitivism, Stanford, Stanford University Press, 2018.
46 Emmanuel Hoog, Michel Hoog, op. cit., p. 43.
47 Voir Luc Boltanski, Arnaud Desquerre, Enrichissement. Une critique de la marchandise, avec Arnaud Esquerre, Paris, Gallimard, 2017.
48 « J’ai de mes ancêtres gaulois l’œil bleu blanc, la cervelle étroite, et la maladresse dans la lutte. Je trouve mon habillement aussi barbare que le leur. Mais je ne beurre pas ma chevelure. // Les Gaulois étaient les écorcheurs de bêtes, les brûleurs d’herbes les plus ineptes de leur temps. » Arthur Rimbaud, « Mauvais sang », Une Saison en enfer, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2007 [1873].
49 Arthur Rimbaud, op. cit.
50 Olivier Belin, La Poésie faite par tous : une utopie en question, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2022. Olivier Belin souligne par exemple les rêveries de Benjamin Péret : « Pourtant la poésie véritablement faite par tous existe, et Péret l’a même rencontrée : dans le merveilleux des mythes amérindiens et précolombiens. Érigé en source originelle de la voix poétique, le génie attribué aux peuples premiers garantirait la perpétuelle possibilité d’un retour à la création collective… » (p. 91).
51 Voir : Nathalie Koble, Amandine Mussouet Mireille Séguy (dir.), Mémoire du Moyen Âge dans la poésie contemporaine, Paris, Hermann, 2014.
52 Marion Thain, « Le cosmopolitisme parnassien anglais : transnationalisme et forme poétique », traduit par Megan Zeitz, Théories du lyrique. Une anthologie de la critique mondiale de la poésie, Antonio Rodriguez (dir.), Université de Lausanne, novembre 2021, en ligne.
53 Voir l’article proposé dans ce volume par Nadejda Magnenat.
54 Nadja Cohen, Les Poètes modernes et le cinéma (1910-1930), Paris, Classiques Garnier, 2013.
55 Émilien Sermier, Une Saison dans le roman. Explorations modernistes : d’Apollinaire à Supervielle (1917-1930), Paris, José Corti, 2022.
56 Ibid.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-15120-3
- EAN: 9782406151203
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-15120-3.p.0053
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 09-20-2023
- Language: French
- Keyword: Collectionneurs, marché de l’art, imaginaire social, patrimoine, intermédialité, livre d’artiste