« Bardes du futur » et « primitifs d’une nouvelle sensibilité » Le primitivisme et le temps des avant-gardes historiques
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Le Primitivisme des avant-gardes littéraires
- Author: Krzywkowski (Isabelle)
- Pages: 31 to 52
- Collection: Encounters, n° 595
- Series: Twentieth and twenty-first century literature, n° 46
« Bardes du futur » et « primitifs
d’une nouvelle sensibilité »
Le primitivisme et le temps
des avant-gardes historiques
Si la critique spécialisée a démontré que la rupture d’avec le passé relevait plus de la posture que de la réalité, les avant-gardes historiques restent souvent assimilées au mot d’ordre de l’« anti-tradition ». Une telle perspective ne permet évidemment pas de donner la place requise au « primitivisme » autrement qu’en pointant une contradiction qui a pu servir à disqualifier ces mouvements. À l’inverse, mon hypothèse est que le primitivisme est aussi constitutif des avant-gardes historiques que l’engouement machiniste, et que ce paradoxe n’est qu’apparent : il manifeste plutôt une rupture profonde avec le paradigme temporel moderne, qui est celui du progrès. Je voudrais donc interroger ici ce que nous dit l’intérêt pour le primitif du rapport que le début du xxe siècle entretient avec le temps.
Force est d’avouer que, si je me proposais au départ de considérer comment les artistes de l’époque argumentent cette apparente contradiction, je n’ai guère trouvé de commentaires explicites. Par ailleurs, il me paraît vrai, comme on le verra dans un premier temps, que la notion de « primitivisme » est dans une certaine mesure anachronique appliquée aux avant-gardes historiques. Le terme permet cependant efficacement de nommer un faisceau de notions et d’aspirations que les avant-gardes historiques associent au « primitif ». J’examinerai donc d’abord les usages du terme à l’époque, avant de montrer que son évolution est la condition pour ouvrir une autre histoire et illustre une nouvelle manière de penser le temps.
32Des primitifs au primitivisme
Sans prétendre à l’exhaustivité, un échantillonnage qui me semble néanmoins probant, tiré des histoires littéraires contemporaines et des écrits des groupes avant-gardistes, impose un premier constat : le terme « primitivisme », dont l’apparition dans les langues européennes est contemporaine de la période1, est peu employé par les artistes des avant-gardes historiques. S’il ne semble donc pas encore constitué comme notion, les nombreuses occurrences de l’adjectif « primitif » (parfois substantivé) permettent de suivre l’évolution de ce que l’on perçoit comme tel.
« Primitif » s’est imposé, au cours du xixe siècle, particulièrement dans le champ de l’histoire de l’art, pour qualifier les peintres du Moyen Âge puis, par extension, ce qui renvoyait à l’art préhistorique. Cette perspective fait bouger les canons artistiques mais son développement entre en résonance avec les théories déterministes contemporaines dont ces temps « premiers » illustrent la conception progressiste (que les artistes cependant questionnent, comme en peinture le mouvement préraphaélite au milieu du xixe siècle).
À la fin du xixe siècle, le terme « primitif » va également être appliqué à des cultures éloignées géographiquement2, ce qui s’accompagne d’un élargissement des valeurs qui lui sont associées, au point, selon 33J. C. Middleton, d’être « en passe de devenir un cliché3 » dès 1914. Il faut cependant noter que les citations que ce dernier mobilise utilisent essentiellement l’adjectif « primitif » (éventuellement substantivé). C’est, selon Erhard Schüttpelz4, avec Aby Warburg que le primitivisme devient un concept opératoire en histoire de l’art. Mais l’usage du terme ne semble se généraliser qu’en 19385, avec l’ouvrage de Robert Goldwater, Primitivism in Modern Art, qui propose une première synthèse et une classification fondée sur une évolution de la notion6. Cette institutionnalisation fait l’objet de nombreuses critiques dans les années 1940, notamment par Dubuffet7.
Pour ce qui concerne un primitivisme littéraire, Giovanni Lista a attiré l’attention des chercheurs sur le « Manifeste du primitivisme » publié en 1909 par un groupe de poètes toulousains en réponse au manifeste fondateur du futurisme de Marinetti. Le texte des Toulousains, qui affiche un terme promis à plus d’avenir que les signataires, est assez évasif : il associe le primitivisme aux « sources de la vie », fait un détour par la peinture et la physique pour mentionner les « couleurs primitives » et revendique le « culte du souvenir » et le principe d’une « Beauté Éternelle8 » : si la première expression n’est sans doute pas incompatible avec le futurisme italien, la troisième constitue à l’évidence, comme le souligne Lista, le « négatif du Manifeste futuriste9 ». En tout état de cause, le primitivisme ici ne paraît guère « d’avant-garde ».
34Une source probable du manifeste toulousain est l’étude de Marius-Ary Leblond sur Leconte de Lisle, qui semble être une des premières occurrences du terme « primitivisme » en français, donc légèrement antérieure aux avant-gardes historiques. On y lit par exemple :
Haineux du « siècle », [Leconte de Lisle] regrette dans ses poèmes les âges de l’humanité primitive que son esprit socialiste imagine libertaires, et dans la représentation à la fois béate et désespérée de la vie primitive, il exprime quel avait été son idéal d’avenir. […] Cela constitue une sorte de primitivisme socialiste, pour lequel le bonheur de la cité socialiste future tient dans un retour aux mœurs simples primitives, égalitaires et partageuses, […]10.
Je reviendrai plus loin sur les implications de ce texte que théorise plus largement l’essai L’Idéal du xixe siècle. Le rêve de bonheur d’après Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre. Les théories primitivistes et l’idéal artistique du socialisme, publié lui aussi en 1909. Les deux auteurs utilisent le terme pour établir des nuances intéressantes : ils font ainsi le départ entre « primitifs » au sens académique et « primitifs modernes ou primitivistes11 » et identifient dans le « primitivisme » une visée beaucoup plus large que la « primitivité12 ». On trouve déjà dans ce texte, dont l’état actuel des connaissances laisse penser qu’il est l’inventeur du concept, tous les éléments de la complexe et ambiguë nébuleuse primitiviste : de la préhistoire aux « civilisations rudimentaires », peuples « sauvages » ou « bruts13 », des sources hellénistiques aux cultures populaires, du mythe de l’âge d’or à l’utopie politique14.
Ce « primitivisme » porté par des auteurs proches du néo-classicisme n’est, pour ce que j’ai pu consulter, pas associé en tant que tel aux 35mouvements avant-gardistes par la critique de l’époque, à l’exception de la Russie15. En France, Florian-Parmentier me semble le seul à ne pas ignorer le « primitivisme » dans sa cartographie des mouvements littéraires d’avant-guerre, mais il renvoie précisément au manifeste du groupe toulousain, dont il trouve d’ailleurs le nom inadapté, notamment en regard de son usage en peinture16.
Le primitivisme ne paraît pas non plus identifié comme un courant artistique spécifique : il est intéressant qu’un Christian Sénéchal, dont l’étude sur Les Grands Courants de la littérature française contemporaine (1934) est pourtant très attentive aux différentes tendances, et dont le classement est souvent subtil, identifie un ensemble de thématiques qui rayonnent autour de ce que ses théoriciens plus tardifs associeront au primitivisme. À propos des « générations de la guerre », Sénéchal constate, d’une part, l’intérêt d’un certain nombre d’auteurs pour « la connaissance de l’âme » (ce qui inclut « l’âme des enfants et adolescents », « l’âme des races étrangères » et « les mystères du subconscient ») ; d’autre part, il identifie une tendance ouverte à « la conquête du monde », constituée des « voyageurs », des « aventuriers » et des « coloniaux » : il note que « l’Afrique noire, dont l’âme mystérieuse exerce sur les Européens un attrait si puissant, […] a donné naissance à une véritable mode artistique17 », qu’il explique par les contacts avec le monde noir pendant la guerre et par un « courant général [qu’il ne nomme pas] qui, depuis le cubisme, entraîne l’art vers les formes primitives capables de le rajeunir18 ». Sénéchal ne propose donc aucun terme générique pour ces orientations diverses qui caractérisent, selon lui, l’époque. Plus étonnant encore, on ne trouve pas d’entrée liée au « primitif » dans le plus tardif Dictionnaire du dadaïsme de Georges Hugnet en 1976. Il n’est pas non plus dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme que publient (sans noms 36d’auteurs) Breton et Éluard en 1938, alors même que Breton avait pu affirmer en 1925 : « Il n’y a pas une œuvre d’art qui tienne devant notre primitivisme intégral19. »
Si l’on considère pour finir les manifestes, on constate que l’emploi des termes « primitif »/« primitivisme » (le second nettement plus rare) est d’abord le fait des peintres et des plasticiens (on trouvera plus loin quelques exemples). Notons que l’Almanach du Cavalier bleu [Der blaue Reiter], qui, selon Middleton, constitue « the most dramatic result of sympathy with the primitive20 », utilise l’adjectif « primitiv » dans des acceptions diverses mais pas le substantif « Primitivismus ». Par réaction peut-être, étant donné les liens entre ces artistes, c’est en Russie qu’un groupe, constitué en 1911 autour de Mikhail Larionov et de Natalia Gontcharova pour l’exposition « La queue de l’âne », rejoint par des poètes, suscite, en 1913, le manifeste du « Néo-primitivisme » d’Alexandre Chevtchenko21 : ils s’intéressent aux arts populaires et cherchent à sortir de l’héritage européen en se tournant vers les sources orientales (notamment la Scythie, qui inspire le nom du groupe cubo-futuriste Gileia).
En somme, la notion existe mais n’a pas été adoptée par la plupart des mouvements avant-gardistes et, sans être complètement absent22, le terme « primitivisme » n’a guère fait l’objet d’un travail de théorisation ni de conceptualisation par les mouvements (pourtant férus d’« ismes ») auxquels il a ensuite été rattaché. Ils l’ont, pourtant, parfois explicitement dénoncé, comme le mouvement brésilien « anthropophage » : « Os antropofagos não são modernistas […] Mas tambem não são primitivistas. […] Não se deve confundir volta ao estado natural (o que se quer) com volta ao estado primitivo (o que não interessa). O que se quer é simplicidade […]. Naturalidade […] Contra a beleza canonica, a beleza natural, feia, bruta, 37agreste, barbara, ilogica. Instinto contra verniz23. » On retrouve dans cette liste une série de termes qui viennent couramment concurrencer l’adjectif « primitif » : adamique, archaïque, barbare, sauvage (les deux premiers plus historiques, les suivants souvent réservés aux peuples extra-européens), ou encore primordial, élémentaire, pur et, bien sûr, « nègre », nuancent en même temps qu’ils constituent le paradigme primitiviste.
Ces alternatives montrent, à la fois, la part mythique de l’imaginaire primitiviste (dont Tzara formulera plus tard la relation avec ce qu’il appelle la « poésie latente » : « Penser non dirigé, mythe, activité métaphorique et rêve sont donc pour le primitif des formes vivantes correspondant à ce qui pour nous est englobé sous le terme général de poésie24 ») et la très large constellation que le terme finit par dessiner : « critique pratique du rationalisme et du naturalisme25 », comme dit Meschonnic, qui prend, avec les futuristes russes puis avec dada, une portée anthropologique. Ces variations de périmètre expliquent aussi qu’il puisse s’agir d’une tendance transversale, non spécifique aux avant-gardes (c’est pourquoi le nazisme pourra revendiquer un « primitif » germain tout en interdisant des productions contemporaines taxées de dégénérescence parce qu’elles vont chercher du côté d’un « primitif » extra-européen).
La notion, telle que forgée a posteriori par les historiens de l’art, crée un biais par son association avec les avant-gardes. Il reste qu’elle est opératoire : elle synthétise ces orientations multiples, et parfois contradictoires. Il reste aussi qu’on peut examiner ce que les avant-gardes y ont apporté de spécifique (à mon sens, et pour dire très vite, la 38dimension de l’élémentaire et la volonté de renouveler le langage26) ou encore, comme je me propose de le faire ici, ce que cette préoccupation éclaire des rapports des avant-gardes historiques avec le temps.
Ouvrir l’histoire
On comprend qu’il n’est pas si simple d’opposer primitivisme et « anti-tradition » : ce que les groupes avant-gardistes rejettent, c’est le « culte de la tradition » qui s’enseigne dans les écoles, organise les musées et les bibliothèques et tient lieu de critère d’appréciation académique. Mais l’anti-tradition ne vise pas tant à remplacer un canon par un autre, qu’à refuser la notion même de « canon » qui mène à l’académisme, au « respect des ancêtres », donc à l’imitation (ce que le manifeste « Le Futurisme » qualifie, en 1920, de « primitivisme plagiaire » ou « faux primitifs27 ») et au déni d’autres traditions.
À la place de ce passé « étriqué28 », pour reprendre le mot des futuristes russes, il peut s’agir, comme le dit Serge Milan, de construire une « histoire sans passé29 ». Mais il peut aussi s’agir de révéler une autre histoire. C’est ce que fait par exemple Wilhelm Worringer lorsqu’il s’attache à distinguer les arts « naturalistes » ou « empathiques », à caractère imitatif (c’est-à-dire l’art classique grec et l’art européen de la Renaissance à la fin du xixe siècle) et l’art qu’il qualifie d’« abstrait », dans le cadre duquel il associe les arts byzantins, médiévaux, ainsi que 39l’art contemporain30. Cette autre histoire, susceptible d’intégrer des traditions extra-européennes (en s’appuyant notamment sur l’essor de l’ethnologie au début du xxe siècle) aussi bien que des traditions ignorées par les institutions artistiques31, doit rouvrir l’histoire de l’art : « souvent, seule la barbarie peut sauver l’art32 », affirment ainsi les frères Bourliouk dans la Première revue des futuristes russes en 1914.
Selon Adrian Marino, le primitivisme serait « refus de la culture33 ». Je rejoins plutôt l’approche d’Henri Meschonnic qui parle de « transformation du regard34 » porté sur l’autre et sur l’histoire occidentale. Nul doute que cette transformation n’ait été progressive35, d’une curiosité parfois condescendante, parfois clairement raciste, à la prise de conscience (comme l’analyse Jean-Claude Blachère à propos de Breton) du fait que « le primitif est notre contemporain36 » menacé par l’entreprise coloniale. Nul doute aussi qu’il n’ait été difficile d’échapper à l’impensé évolutionniste que porte le terme, on l’a vu dans les propos des futuristes italiens 40cités plus haut – mais l’enjeu est bien toujours celui d’un déplacement des questionnements. C’est la valeur que donne Tristan Tzara à sa rencontre avec « l’art nègre » : « Ce qui m’a attiré dans la production des peuples primitifs a été le problème de savoir pourquoi on fait de l’art37. »
Le « primitif » vient donc bouleverser les normes et l’histoire officielle. On pourrait en dire ce que Cyrille Zola-Place énonce de l’anthologie Negro publiée par Nancy Cunard en 1934 : il s’y construit la « dynamique d’un autre rapport au monde et à la connaissance », qui n’est pas une « nouvelle géographie des cultures » mais « un système tectonique qui fait exploser l’humanisme de la raison autoritaire héritées des Lumières38 ». La primauté est accordée à d’autres critères, l’émotion, l’affect, l’expression, le pathos – terminologie que les avant-gardes allemandes ont particulièrement bien explorée – qui sont associés au « primitif ». Il y a là, comme le dit Pierre Sabot à propos du surréalisme, « l’horizon de possibilité d’une contre-culture39 » : « L’anti-modèle40 », dit Meschonnic.
Le vrai paradoxe est donc finalement moins la prise de conscience progressive de temporalités simultanées, que le lien établi entre primitivisme et futur. On trouvait déjà cette idée dans les textes de Marius-Ary Leblond que je citais plus haut : les deux auteurs en appellent aux « primitifs modernes ou primitivistes41 » pour qui « le primitivisme est à la fois le souvenir, le culte de l’ancêtre, et la préoccupation, l’amour des arrière-petits-fils42 ». Cet « idéal artistique du socialisme contemporain43 », qu’ils distinguent de la « primitivité44 », ne renie pas le passé, mais associe explicitement le primitivisme à un futur.
Il faudrait dans ce cadre poser la question de l’utopie : ne pouvant développer, je renvoie au très riche collectif Utopia. The Avant-garde, Modernism and (Im)possible Life dont l’introduction explique que la 41conception avant-gardiste diffère des périodes précédentes en ce qu’il ne s’agit plus de penser un progrès, mais la destruction de l’ancien comme condition d’émergence du nouveau45. Le primitivisme (en tant qu’élargissement du passé et refus de la tradition comme valeur) invite à nuancer cette affirmation mais est un constituant essentiel pour une conception non progressiste de l’histoire.
Refonder l’histoire, c’est donc autant rendre sensible à l’existence d’histoires parallèles, qu’ouvrir la perspective historique à l’avenir. Les avant-gardes historiques ont à plusieurs reprises revendiqué le fait qu’elles n’étaient elles-mêmes qu’un début : c’est la célèbre formule du manifeste des peintres futuristes en 1910, « nous sommes […] les primitifs d’une nouvelle sensibilité centuplée46 ». Dans le même ordre d’idée, Kroutchenykh, Matiouchine et Malevitch convoquent en 1913 le premier congrès panrusse des « bardes du futur47 ».
Cet étonnant renversement confirme que le « primitif » est moins considéré comme un passé que comme un recommencement. Pour les futuristes italiens, d’ailleurs, la « nouvelle sensibilité » vise la « reconstruction futuriste de l’univers48 ». Ils distinguent deux primitivismes, l’un superficiel et l’autre fondateur : en sculpture, Boccioni renvoie dos à dos l’« imitazione degl’egizi, dei primitivi o dei selvaggi », au profit de la « verginità primitiva di una nuova costruzione architettonica49 ». La 42même année 1912, les artistes futuristes expliquent à leur public qu’il faut distinguer le « primitivisme impressionniste » du « primitivisme futuriste50 ». Pour le futuriste anglais Nevinson, les « Néo-primitifs » n’ont été qu’une étape dans la destruction des valeurs et des normes51. À propos de Gauguin, il développe :
If it has been necessary in painting and sculpture to have naïveté, deformation and archaism, it was only because it was essential to break away violently from the academic and the graceful before going further towards the plastic dynamism of painting 52 .
Mais comment concilier cela avec l’abandon d’une conception positiviste de l’histoire ? Jean-Claude Lanne, qui examine la « singulière assomption » du futur qui caractérise l’époque, parle, à propos du travail de refondation linguistique qu’explorent les artistes russes53 avec la zaoum, d’une « technique eschatologique » où le sens serait suspendu « in futuro », pour permettre « l’extension infinie de l’énonciation poétique à partir du point présent dans la direction du futur54 ». Le primitivisme est une voie vers l’universel.
43Sortir du temps
Ce que ces différentes propositions nous indiquent, c’est une rupture profonde dans la conception du temps. La pensée déterministe et rationaliste qui domine le xixe siècle est une pensée de la continuité. Pour les avant-gardes il s’agit au contraire, comme le souligne Jean-Claude Lanne, de rompre avec « la continuité des temps55 ».
Les nouvelles théories mathématiques et physiques offrent des modèles pour repenser le temps56, avec lesquels dialogue la philosophie (Bergson, Ouspenski, …). L’opposition que construit Bergson – en réponse à Einstein – entre le temps scientifique, mesurable, et le temps vécu, s’avère, on le sait, particulièrement féconde pour les arts57 : la « durée » ne relève pas de la succession mais de l’interférence des strates passées, présentes et à venir, qui sont donc éprouvées comme simultanées (ou synthétiques) plutôt que comme une succession. Cela conduit à privilégier le temps ressenti, principe qui nourrit par exemple la démarche du stream of consciousness[flux de conscience]. De même, la temporalité linéaire peut être remplacée par ce que Carl Einstein nomme la « théorie du temps relatif58 », qu’il avait explorée dans son roman Bebuquin59, publié en 1912. Ce renouvellement radical de la perception temporelle suscite notamment un roman expérimental qui se joue de la cohérence60 : 44début et fin arbitraires, dislocation du cadre spatio-temporel, hétérogénéité et fragmentation, versatilité des personnages interrogent les cadres narratifs dont il s’agit, comme pour les autres arts, de définir les composants élémentaires (préoccupation qui s’inscrit, elle aussi, dans la nébuleuse primitiviste). Le « temps relatif » conduit dans tous les genres à l’exploration de nouvelles formes discontinues, où les points de vue varient et les événements se télescopent. La valorisation du présent en est un autre aspect : les événements s’y font écho selon d’autres modalités (notamment la simultanéité ou la synthèse61), avec pour corollaire le goût de l’instantané, de la spontanéité et, par association, de l’instinct, qui nous ramènent au primitif. On connaît les conséquences formelles de ces procédés dans tous les arts.
Transformer la perception et la conception du temps est l’un des enjeux majeurs des avant-gardes historiques. L’expression fantasmatique est son annulation. Depuis la célèbre affirmation de Marinetti dans le manifeste fondateur du futurisme en 1909, « le temps et l’espace sont morts hier » (ce que met exemplairement en œuvre le fait de privilégier les verbes à l’infinitif), la plupart des groupes ont exprimé leur défiance à l’égard de la représentation progressiste du temps. L’abolition de la temporalité est, selon Theo Van Doesburg, ce qui caractériserait le mouvement dada : « Dada ontkent de evolutie. Elke beweging, verwekt een tegen-beweging van gelijke sterkte, die elkander opheffen. […] Dada heft de algemeen erkende dualiteit […] en schept hierdoor het “Indifferenzpunkt” een punt alzoo boven het menschelijk begrip van tijd en ruimte62. » Le primitivisme est partie prenante du processus : ainsi, le principe « anthropophagique » de l’avant-garde brésilienne débouche-t-il sur « O mundo não datado63. » Chez les futuristes russes, cela prend la forme d’une temporalité réversive : « Nous avons appris 45à suivre le monde en commençant par la fin, ce mouvement inversé me réjouit64 » explique Kroutchenykh.
Adrian Marino rend compte en ces termes de ce qu’il nomme les « polarités fondamentales » des avant-gardes :
L’avant-garde – on le sait – est toujours tournée vers l’avenir. Mais cette projection, du fait même qu’elle tend à une pureté paradisiaque, implique une régression « primitive ». Le futur rejoint ainsi le passé le plus éloigné à travers un présent, qui ne fait que prolonger celui-ci. Par son extension et sa dilatation progressives, le présent devient une continuation et une intégration croissante du temps révolu dans le temps à venir – mouvement à la fois cyclique et dialectique. […] Tuer le passé et le ressusciter sous des formes neuves, promises à un avenir brillant, constitue donc un procédé constant des avant-gardes65.
Le primitivisme joue donc un rôle-clé dans cette refondation du temps – non sans avoir, on l’a vu, fait subir au « primitif » une réélaboration radicale, puisque, comme l’analyse Meschonnic, le primitivisme n’est pas « dans une linéarité naïve de l’arrière et de l’avant66 » ; il n’est pas non plus, selon le même auteur, réductible à « une origine67 ».
Non que la réflexion sur les origines, le primordial, ne soit partagée par les avant-gardes historiques (voir le rappel qu’en fait Adrian Marino68 ou encore l’entrée que Joachim Schulze consacre au préfixe « Ur- », distincte des sections « Anfang », « Antike », « Archaisch » ou « Primitiv », dans son dictionnaire du primitivisme69) mais, comme la notion de « primitif », elle dépasse la seule perspective (pré)historique pour désigner aussi ce que l’homme n’a pas encore transformé, ce qui relève de l’inconscient ou de l’élémentaire. De même, il s’agit pour les futuristes russes, selon Tchoukovski, de fonder avec la zaoum « un pré-langage, pré-culturel, pré-historique quand le mot n’était pas encore le logos70 […] » 46car l’enjeu est de libérer la langue « de la Raison, de la psychologie, de la logique71 ».
Le mythe tient un rôle dans ce programme, qui vise à rompre avec la culture de la rationalité (dont le temps progressiste est un des attributs), puisqu’il se situe précisément hors de l’histoire et du temps. Je n’en évoquerai pas d’autres, pour finir, que celui qui traverse l’œuvre de Vélimir Khlebnikov, qui pousse sans doute au plus loin la volonté de « construire conceptuellement un “temps” nouveau, de telle sorte que le temps empirique, (“notre” temps, celui de l’histoire) n’en soit qu’un cas particulier72 ». Jean-Claude Lanne renvoie au concept de « métabiose », « forgé par Khlebnikov pour compléter celui de symbiose », soit « l’association de deux êtres vivants dans le même lieu, mais en des temps successifs73 ». C’est ce programme « achronique74 » que mettent en place les « Tables du destin », c’est-à-dire la (re)découverte des « pures lois du temps75 » grâce auxquelles la « gamme du futurien […] relie […] les grandes vibrations de l’humanité76 ».
Dès lors, il n’y a pas d’anachronisme primitiviste puisqu’« il n’y a plus d’anachronisme77 » : rien n’empêche donc, comme le proclame l’annonce de l’exposition d’arts africains organisée par Stieglitz à New York en 1913, de proclamer les « African Savages the First Futurists », ni les sculptures nègres de cohabiter avec les machines, le ciment et les avions dans la liste de ce qui a « contribu[é] à modifier [la] sensibilité » comme le rappelle Christine Le Quellec Cottier à partir d’un témoignage d’Angel Zarraga78.
Si cet article doit ses meilleures formules à Henri Meschonnic, je ne partage pas sa conviction que « la temporalité mythique de l’avant-garde 47consiste dans l’opposition du passé au futur, du “recul” et de “l’avancée”. Son temps est linéaire79 » – ce qui résonne d’ailleurs en contradiction avec ce que je citais plus haut à propos du primitivisme80. Tout au contraire, comme j’ai tenté de le montrer, l’enjeu des avant-gardes historique me paraît tenir à cette volonté de sortir de ce temps linéaire moderne (qui n’est de fait pas exactement celui de la modernité artistique dont parle Meschonnic), et le primitivisme est, au même titre que le simultanéisme, un de ses instruments. Pour cette raison, je ne crois pas non plus que « le primitif [soit] une création du primitivisme », mais plutôt que le « primitivisme » sort le « primitif » de ce que le xixe siècle déterministe lui attribuait de « primitivité », pour reprendre la distinction proposée par Marius-Ary Leblond, de poids du passé. Son expansion permet de tirer tout le parti possible des nouvelles « lois du temps » (pour suivre Khlebnikov) écrites par les mathématiques, la physique et la philosophie. Primitivisme et machinisme, comme l’analysait Tchoukovski, « ne font que se compléter l’[un] l’autre et l’[un] est impossible l’un sans l’autre81 ».
Isabelle Krzywkowski
Université Grenoble-Alpes
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1 En français, le dictionnaire de Littré (1873/1883) ignore le terme (la notion de « peintre primitif » n’est pas identifiée non plus), mais admet « primitivité ». Le Trésor de la langue française ne lui consacre pas une entrée mais le présente comme un dérivé dans l’article « Primitif » : la première attestation remonterait à 1904 pour la peinture et à 1906 dans une étude de Marius et Ary [sic] Leblond sur Leconte de Lisle. En allemand comme en anglais, le mot apparaîtrait à la fin du xixe siècle et connaît un pic à partir des années 1930, essentiellement dans le champ de la critique d’art. En italien, selon le Grande dizionario della lingua italiana, la première occurrence semble être celle des peintres futuristes, à propos des primitifs italiens dans le « Manifeste technique de la peinture futuriste » du 11 avril 1910.
2 « Primitif » concurrence le terme plus ancien « sauvage ». Un exemple intéressant est la préface d’Henri Clouzot et d’André Level au catalogue de l’exposition « d’art nègre et d’art océanien » organisée par Paul Guillaume en 1919 : intitulée « L’art sauvage, Océanie-Afrique », elle alterne les deux mots. En concluant sur le fait qu’« il n’existe guère d’art vraiment sauvage » puisque tous sont issus « d’anciennes civilisations » (p. 4), les auteurs font aussi entendre que l’art africain ou océanien n’est pas plus « primitif » que l’art européen.
3 J. C. Middleton, « The Rise of Primitivism an its Relevance to the Poetry of Expressionism and Dada », The Discontinuous Tradition. Studies in German Literature in honour of Ernest Ludwig Stahl, P. F. Ganz (dir.), Oxford, Clarendon Press, 1971, p. 193.
4 Erhard Schüttpelz, « Zur Definition des literarischen Primitivismus », Literarischer Primitivismus, Nicola Gess (dir.), Berlin, Boston, Walter de Gruyter, 2013, p. 24.
5 1938 est aussi l’année de la publication (en anglais) de la conférence présentée par Warburg en 1923, dans l’établissement psychiatrique où il séjournait, sur les Indiens Pueblo rencontrés vingt-sept auparavant. Elle n’a été publiée en allemand qu’en 1988.
6 Robert Goldwater, Primitivism in Modern Art, New York, Harper & Brothers, 1938. Les chapitres 3 à 6 distinguent un primitivisme « romantique » (Gauguin, le fauvisme), « émotionnel » (les expressionnistes allemands), « intellectuel » ou « formel » (Picasso, l’abstraction) et « du subconscient » (infantilisme, dada et le surréalisme).
7 Voir Baptiste Brun, Jean Dubuffet et la besogne de l’Art Brut : critique du primitivisme, Dijon, Les presses du réel, 2019.
8 Touny-Lérys, Marc Dhano, Georges Gaudion, « Le primitivisme » (1909), Futurisme. Manifestes, proclamations, documents, Giovanni Lista (éd.), Lausanne, L’Âge d’Homme, 1973, p. 69-71.
9 Giovanni Lista, « Un siècle futuriste », Futurisme, op. cit., p. 78. Je renvoie pour le détail à son analyse p. 65-79.
10 Marius-Ary Leblond, Leconte de Lisle. D’après des documents nouveaux, Paris, Mercure de France, 1906, p. 274 (chap. 10). Marius-Ary Leblond est le pseudonyme de Georges Athénas et d’Alexandre Merlot ; écrivains nés à la Réunion, ils opposent le « roman colonial » à l’exotisme. En 1909 leur est attribué le prix Goncourt pour leur roman En France. Sur les ambivalences du « roman colonial », voir Jean-Michel Racault, « Marius et Ary Leblond théoriciens du roman colonial : exotisme, altérité, créolité », Les Cahiers naturalistes, 2014 (88), p. 61-80.
11 Marius-Ary Leblond, L’Idéal du xixe siècle. Le rêve de bonheur d’après Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre. Les théories primitivistes et l’idéal artistique du socialisme, Paris, Alcan, 1909, p. 1. Le livre a reçu le Prix de la critique littéraire en 1911.
12 Ibid., p. 31.
13 Ibid., p. 1 et 7.
14 Ils défendent dans cet essai le retour à la nature – mais une mécanisation réfléchie pour libérer du travail –, la structuration communautaire, l’affranchissement des femmes. Ils n’en sont pas moins les ardents défenseurs de l’entreprise coloniale.
15 Pour la France, cette impression est corroborée par le livre de Michel Décaudin, qui n’utilise le mot « primitivisme » qu’une fois, à propos du manifeste toulousain (La Crise des valeurs symbolistes. Vingt ans de poésie française. 1895-1914, Paris, Genève, Slatkine, 1981 [1960], p. 279). À noter pour l’archéologie de la nébuleuse primitiviste les pages qu’il consacre au « nouveau paganisme » en France, dont Nietzsche est l’une des références (p. 282-285). Pour la Russie, voir infra.
16 Florian-Parmentier, La Littérature et l’époque. Histoire de la littérature française de 1885 à 1914, Paris, Figuière, s. d. [1914], p. 242-245.
17 Christian Sénéchal, Les Grands Courants de la littérature française contemporaine, Paris, Société française d’éditions littéraires et techniques E. Malfère, 1933, p. 276.
18 Ibid., p. 278.
19 André Breton, « Le surréalisme et la peinture » [1925], éd. Jean-Michel Place, Paris, 1975, p. 27. Rappelons l’incipit de l’article (et des éditions qui le reprennent) : « L’œil existe à l’état sauvage. » (Ibid., p. 26).
20 [le résultat le plus remarquable de la sympathie pour le primitif]. J. C. Middleton, art. cité, p. 188.
21 Alexandre Chevtchenko, Нео-примитивизм. Его теория. Его возможности. Его достижения[Le Néo-primitivisme. Sa théorie. Ses possibilités. Ses réalisations], Moscou, [juin] 1913. Voir aussi les travaux de Vladimir Markov.
22 On le trouve par exemple dans le tardif « Manifiesto ultraísta vertical » de Guillermo de Torre, daté de novembre 1920, qui présente une synthèse assez complète des différentes perspectives que recouvre la notion.
23 « Les anthropophages ne sont pas des modernistes. […] Mais ce ne sont pas non plus des primitivistes. […] On ne doit pas confondre retour à l’état naturel (ce que nous voulons) avec retour à l’état primitif (ce qui ne nous intéresse pas). Ce que nous voulons, c’est la simplicité […]. Le naturel […] Contre la beauté canonique – la beauté naturelle, laide, brute, agreste, barbare, illogique. Instinct contre vernis. » Anonyme, « de antropofagia », Revista de Antropofagia (Diário de São Paulo), Segunda dentição [Deuxième dentition], no 4, 7 avril 1929 : https://digital.bbm.usp.br/view/?45000033273&bbm/7064#page/84/mode/2up, (consulté le 28/02/2022), « De l’anthropophagie », trad. Jacques Thériot, Anthropophagies, Paris, Flammarion, 1982, p. 290.
24 Tristan Tzara, « [Note] iii : La dialectique de la poésie », Le Surréalisme et l’après-guerre (1948), Œuvres complètes 1924-1963, t. V, Henri Béhar (éd.), Paris, Flammarion, 1982, p. 91. À la page précédente, il mentionne Lévy-Bruhl et dénonce son approche positiviste du « penser prélogique » auquel Tzara oppose la volonté de « savoir si le dépassement du penser logique est possible, sinon nécessaire » (ibid., p. 90).
25 Henri Meschonnic, Modernité, modernité[1988], Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1993, p. 273.
26 Voir Isabelle Krzywkowski, « Le primitivisme dans la poésie des avant-gardes historiques », « Le Temps et l’Espace sont morts hier ». Les Années 1910-1920. Poésie et poétique de la première avant-garde, Paris, L’Improviste, 2006, p. 193-214, également en ligne : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00634798 (consulté le 28/02/2022).
27 Leonardo Dudreville, Achille Funi, Luigi Russolo, Mario Sironi, « Le Futurisme » (11 avril 1920), Peintres futuristes italiens (1921), Futurisme, op. cit., p. 218.
28 « Прошлое тесно ». David Bourliouk, Alexeï Kroutchenykh, Vladimir Maïakovski, Vélimir Khlebnikov, « Пощёчина общественному вкусу » [1912], « Gifle au goût public », trad. Marc Dachy et Macha Poynder, Poésure et peintrie. D’un art, l’autre, Musée de Marseille, 1993, p. 492.
29 Serge Milan, « Les récits historiques du Futurisme, ou l’histoire sans passé de l’avant-garde », Cahiers de Narratologie, no 15, 2008 : http://journals.openedition.org/narratologie/849 (consulté le 28/02/2022).
30 Wilhelm Worringer, Abstraktion und Einfühlung. Ein Beitrag zur Stilpsycholgie[1907], Abstraction et Einfühlung : contribution à la psychologie du style, trad. Emmanuel Martineau, Paris, Klincksieck, 1978. Il faut cependant noter que Worringer exclut les arts africains, qui sont comparés à des productions enfantines donc non artistiques : on voit que malgré la rupture que constitue sa proposition, il n’a pas abandonné la perspective évolutionniste.
31 En particulier les arts populaires, qui intéressent déjà certains symbolistes. Notons toutefois que Marinetti privilégie le music-hall (plutôt que le cirque, par exemple), précisément parce qu’il « n’a heureusement pas de traditions, pas de maîtres, pas de dogmes et se nourrit d’actualité véloce » : « Le Music-hall est naturellement anti-académique, primitif et ingénu », F. T. Marinetti, « Le Music-hall. Manifeste futuriste » (tract, 29 septembre 1913), Futurisme, op. cit., p. 250 et 252).
32 Cité par Agnès Sola, Le Futurisme russe, Paris, PUF, 1989, p. 19.
33 Adrian Marino, « Le retour aux sources », Les Avant-gardes littéraires du xxe siècle, Jean Weisgerber (dir.), publication du Centre d’étude des avant-gardes littéraires de l’université de Bruxelles, coll. « Comparative History of Literatures in European Languages », Budapest, Akaémiai Kiadó, 1984-1986 (2 vol.), vol. 2, p. 763.
34 Henri Meschonnic, op. cit., p. 276.
35 Ceci pose évidemment la question du racisme et du rapport des avant-gardes à la situation coloniale, que les surréalistes formuleront les premiers explicitement, dès 1925 contre la guerre du Maroc (voir La Révolution surréaliste, par exemple le no 5, 15 octobre 1925, p. 31) ou dans le plus célèbre manifeste de 1931 « Ne visitez pas l’exposition coloniale » (voir Dominique Rosse, « Surréalisme, colonialisme et pensée primitive », Mélusine, « Cultures, contre-culture », xvi, 1997, p. 16-28 ; Sophie Leclercq, La Rançon du colonialisme. Les surréalistes face aux mythes de la France coloniale (1919-1962), [Dijon], Les presses du réel, coll. « Œuvres en sociétés », 2010). Le primitivisme a été une critique de la culture hégémonique avant d’être une critique de l’hégémonie culturelle.
36 Jean-Claude Blachère, Les Totems d’André Breton. Surréalisme et primitivisme littéraire, Paris, L’Harmattan, coll. « Critiques littéraires », 1996, p. 29.
37 Tristan Tzara, cité dans Catherine Dufour, « Méditation sur le monde nègre », Europe, no 1061-1062, septembre-octobre 2017, p. 123.
38 Cyrille Zola-Place, « Nancy Cunard et la Negro : une poétique de l’intervalle », Negro. Anthology. 1931-1933, Nancy Cunard (éd. 1934), Paris, Nouvelles éditions Place, 2018, p. 7.
39 Pierre Sabot, « Primitivisme et surréalisme : une “synthèse” impossible ? », Methodos, no 3, 2003 : http://journals.openedition.org/methodos/109 (consulté le 28/02/2022).
40 Henri Meschonnic, op. cit., p. 273.
41 Marius-Ary Leblond, L’Idéal du xixe siècle, op. cit., p. 1.
42 Ibid., p. 3.
43 Idem.
44 Ibid., p. 31.
45 David Ayers, Benedikt Hjartarson, Tomi Huttunen, Harri Veiro (dir.), Utopia. The Avant-garde, Modernism and (Im)possible Life, Berlin, Boston, De Gruyter, coll. « European Avant-Garde and Modernism Studies », 2015.
46 Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Luigi Russolo, Giacomo Balla, GinoSeverini, « Manifeste des peintres futuristes » (11 avril 1910, version française), Futurisme, op. cit., p. 165. La même idée est reprise en 1912 : « Voilà pourquoi nous nous sommes proclamés les primitifs d’une sensibilité complètement rénovée » (Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Luigi Russolo, Giacomo Balla, GinoSeverini, « Les exposants au public », ibid., p. 171). Il est possible que cette formule trouve sa source chez Saint-Georges de Bouhélier : « Nous sommes sans doute les Primitifs d’une race future » (« Thème à Variations. (Notes sur un art futur)) », L’Académie française, no 1, février 1893, p. 11). Le titre même de sa revue (elle deviendra La Revue naturiste, mouvement important dans la constitution du primitivisme) montre le chemin qui reste à parcourir, mais il est probable que Marinetti en ait eu connaissance.
47 « бардов будущего ». Voir Alexei Kroutchenykh, « Les Nouvelles Voies du mot. Langage du futur mort au symbolisme. », Troe [Les Trois] (1913), cité dans Viktor Chklovski, Résurrection du mot, trad. Andrée Robel, Paris, Éditions Gérard Lebovici, 1985, p. 77.
48 Giacomo Balla, Fortunato Depero, « Ricostruzione futurista dell’universo » (tract, 11 mars 1915), « Reconstruction futuriste de l’univers », Futurisme, op. cit., p. 202-204.
49 [l’imitation des Égyptiens, des Primitifs ou des sauvages / la virginité primitive d’une nouvelle construction architectonique]. Umberto Boccioni, « Manifesto tecnico della scultura futurista » (11 aprile 1912), « Manifeste technique de la sculpture futuriste », trad. originale s.n., Futurisme, op. cit., p. 176 et 177.
50 Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Luigi Russolo, Giacomo Balla, Gino Severini, « Les exposants au public », Les Peintres futuristes italiens : exposition, 5-24 février 1912, Futurisme, op. cit., p. 169.
51 Notons qu’Agnès Sola envisage aussi le « primitivisme » et « l’infantilisme » comme des étapes transitoires pour la peinture et la poésie du futurisme russe (Agnès Sola, Le Futurisme russe, op. cit., p. 19-25).
52 [S’il a été nécessaire, en peinture et en sculpture, d’arriver à la naïveté, à la déformation et à l’archaïsme, c’est seulement parce qu’il était essentiel de rompre violemment avec l’académisme et le gracieux, avant d’aller plus loin vers le dynamisme plastique de la peinture. (Je traduis)]. F. T. Marinetti, C. R. W. Nevinson, « Vital English Art. Futurist Manifesto », The Observer, London, June 7, 1914, p. 7.
53 Il n’aura pas échappé que je glisse des futuristes italiens aux « futuriens » russes. Le raisonnement lisse une divergence probable entre les deux groupes : les futuristes cherchent à refonder le temps, mais les Italiens ne sortent en fait pas de la perspective progressiste alors que les Russes ont une visée universelle.
54 Jean-Claude Lanne, « Temps et parole poétique chez Vélimir Khlebnikov », Europe, no 978, octobre 2010, p. 162-163. De ce point de vue, Lanne apporte la contradiction à Tchoukovski (cf. note 70), qui considère que le futurisme russe n’a été qu’une « simulation de futurisme » (p. 54) puisqu’il était tourné vers le passé, même si c’était un passé mythique.
55 Ibid., p. 161.
56 Voir par exemple Jean-Christophe Valtat, Culture & figures de la relativité. Le temps retrouvé, Finnegans Wake, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque de Littérature Générale et Comparée », 2004 ; Linda Dalrymple Henderson, The Fourth Dimension and Non-Euclidean Geometry inModern Art, Princeton, UP, 1983.
57 Pour un état des lieux récents, voir Annales bergsoniennes, t. IX, « Bergson et les écrivains », Arnaud François, Clément Girardi et Camille Riquier (dir.), Paris, PUF, 2020 ; ainsi que Mark Antliff, Inventing Bergson. Cultural Politics and the Parisian Avant-Garde, Princeton, UP, 1993.
58 Carl Einstein, « Lettre à Kahnweiler [1923] », Carl Einstein et Daniel-Henry Kahnweiler – Correspondance 1921-1939, trad. Liliane Meffre, Marseille, Dimanche, 1993, p. 19.
59 Carl Einstein, Bebuquin oder die Dilettanten des Wunders. Ein Roman [1906-1909], Bébuquin ou les dilettantes du miracle, trad. Sabine Wolf, Dijon, Les presses du réel, coll. « L’écart absolu », 2000.
60 Voir : Cahiers de Narratologie, no 24, Avant-gardes et littérature narrative, Isabelle Krzywkowski et Barbara Meazzi (dir.), 2013 : https://journals.openedition.org/narratologie/6656 (consulté le 28/02/2022).
61 Sur ces notions, voir Isabelle Krzywkowski, « Le Temps et l’Espace sont morts hier », op. cit., p. 87-111 et 113-127.
62 « [Dada nie l’évolution. Tout mouvement suscite un contre-mouvement de force égale, ils s’annulent l’un l’autre. […] Dada abolit le dualisme […] et crée ainsi l’“Indifferenzpunkt”, un point situé au-delà de la conception humaine du temps et de l’espace] ». Theo van Doesburg, Wat is dada ?, La Haye, De Stijl, 1923, p. 10-11 ; Qu’est-ce que dada ?, trad. Marc Dachy, Paris, L’échoppe, 1992, p. 30.
63 [Le monde sans date]. Oswald de Andrade, « Manifesto antropófago », Revista de antropofagia, 1re année, no 1, mai 1928, p. 3 et 7, « Manifeste anthropophage », trad. Jacques Thériot, Anthropophagies, op. cit., p. 272. Plus haut, il dénonce aussi la notion de « mentalité prélogique » chez Lévy-Bruhl.
64 Alexei Kroutchenykh, op. cit., p. 88.
65 Adrian Marino, « Passé / Présent / Avenir », op. cit., p. 781.
66 Henri Meschonnic, op. cit., p. 272.
67 Idem.
68 Adrian Marino, « Le retour aux sources », op. cit., p. 760-768 : ce chapitre dense fait un état des lieux international des formes que prend « l’idée du retour périodique aux origines ».
69 Joachim Schulze, « Ur-Mythen, Seele, Sprache, Tanz, Wald, usw. », Wild, Irre & Rein. Wörterbuch zum Primitivismus, Giessen, Anabas, 1995, p. 198-199.
70 Kurneï Tchoukovski, Futuristy[1922], Les Futuristes, trad. Gérard Conio, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1976, p. 52.
71 Ibid., p. 56.
72 Jean-Claude Lanne, Vélimir Khlebnikov, poète futurien, Paris, Institut d’études slaves, 1983, t. 1, p. 41.
73 Id., « Temps et parole poétique chez Vélimir Khlebnikov », art. cité, p. 171-172.
74 Id., Vélimir Khlebnikov, poète futurien, op. cit., p. 47.
75 Vélimir Khlebnikov, Extrait des Tables du destin[1922-1923], Des nombres et des lettres, trad. Agnès Sola, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1986, p. 117.
76 Vélimir Khlebnikov, « Наша основа » [1919], « Notre Base », trad. Agnès Sola, Des nombres et des lettres, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1986, p. 92.
77 Jean Epstein, La Poésie d’aujourd’hui. Un nouvel état de l’intelligence, Paris, Éditions de la sirène, 1921, p. 147.
78 Voir dans ce volume l’article de Christine Le Quellec Cottier, note 39.
79 Henri Meschonnic, op. cit., p. 95.
80 À propos de « l’origine », ibid., p. 272.
81 Korneï Tchoukovski, op. cit., p. 63.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-15120-3
- EAN: 9782406151203
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-15120-3.p.0031
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 09-20-2023
- Language: French
- Keyword: Avant-garde, anachronisme, temporalité, primitif, modernité, relativité