L’écriture des amours dans la première traduction française de l’Historia destructionis Troiae de Guido delle Colonne
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
2019 – 2, n° 38. varia - Auteur : Croizy-Naquet (Catherine)
- Pages : 451 à 467
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
L’ÉCRITURE DES AMOURS
DANS LA PREMIÈRE TRADUCTION FRANÇAISE DE L’HISTORIA DESTRUCTIONIS TROIAE
DE GUIDO DELLE COLONNE
Si les frontières entre roman et histoire sont poreuses, surtout aux débuts de la littérature vernaculaire, elles tendent à s’affirmer avec l’émergence de la prose et à doter l’histoire d’un statut reconnaissable. L’histoire est, on le sait, une affaire sérieuse par ce qui fonde sa raison d’être, un discours événementiel soutenu par des modalités héritées des historiens latins, articulées sur la description des temps, des lieux et des personnages. Sa structure, son fonctionnement référentiel qui dénote et exemplifie, sa double vocation pédagogique et moralisante, la séparent fondamentalement du système de la satire, étudié par Jean-Claude Mühlethaler pour le Roman de Fauvel : l’emploi de l’allégorie pour signifier le triomphe du mal, la composante éthique qui permet au narrateur et à Fortune de juger la société et Fauvel, enfin l’ancrage dans l’actualité. C’est pourquoi, quand le critique cite les genres concernés par la satire, le roman, l’épopée, le fabliau, le théâtre, la poésie des trouvères jusqu’à celle de Villon, il exclut l’historiographie : par une incompatibilité registrale et structurale, elle ne saurait épouser la forme, la dynamique et la logique de la satire1. Pourtant elle revêt parfois, semble-t-il, des accents satiriques ou mieux ménage des moments de parodie. La parodie, ou le chant d’à côté selon son étymologie, ou encore la pulsion parodique dont Éric Hicks précise qu’elle part d’à côté et non d’en-dessous2, s’immisce quelquefois par déplacement dans le registre grave de l’histoire pour poser un contre-discours à la doxa.
452À cet égard, l’Historia destructionis Troiae en prose latine de Guido delle Colonne offre un cas de figure intéressant à travers l’écriture des amours3. À la fin du xiiie siècle, le juge de Messine translate en prose latine le Roman de Troie en vers de Benoît de Sainte-Maure qui, dans l’entourage Plantagenêt, invente en langue vernaculaire, avec les auteurs du Roman de Thèbes et du Roman d’Eneas, les procédés propres à l’écriture romanesque et confère une importance inédite aux personnages féminins et à l’examen approfondi des tourments et des bonheurs de l’amour4. Dans les années 1380, à la cour de France, le premier traducteur en prose française de l’Historia s’efforce de translater littéralement la lettre de sa source5. Le résultat n’est pas sans déconcerter le lecteur contemporain par l’usage d’une rhétorique quelquefois outrancière qui éveille le soupçon d’un discours biaisé. Comme l’a souligné Jean-Claude Mühlethaler, le sourire qu’on se prend à esquisser, né du changement d’esthétiques, risque fort de tomber « à côté » de ce dont le texte se veut le passeur et exige donc d’être replacé dans son historicité6.
Prévenu du piège de l’anachronisme transformé en outil heuristique7, il est loisible d’évaluer l’éventuelle portée parodique du discours dispensé sur l’amour8. L’étude des traits les plus saillants d’une écriture 453reproduisant jusqu’à épuisement tous les codes devrait nous autoriser, par le biais d’une « lecture en clé intertextuelle », à saisir le degré de connivence entre l’auteur et son lectorat d’alors puis à déterminer la distance qui s’instaure entre la réception d’hier et celle d’aujourd’hui. Peut-être est-elle à même de faire émerger de nouvelles senefiances qui ne trahissent pas forcément le message de Guido et de son émule. Pour détecter sinon une intention parodique, au moins un impensé parodique à l’époque de composition des textes, il convient de rappeler d’abord en quelques mots ce qu’ils sont.
DEUX ŒUVRES SÉRIEUSES
L’histoire de Troie est placée sous le sceau du tragique, c’est-à-dire un registre qui fait obstacle à la manifestation ouverte du comique, quelle qu’en soit la forme. C’est particulièrement vrai dans la version de Guido delle Colonne. Le juge l’a entreprise sur les instances de l’archevêque de Salerne, Mathaeus da Porta, mais l’a interrompue, dès la fin du premier livre, à la mort de ce dernier en 1272. Une quinzaine d’années plus tard, en trois mois, du 15 septembre au 25 décembre 1287, il rédige de son plein gré les trente-quatre autres livres, afin, dit-il dans son prologue, d’apporter la seule vérité qui vaille sur l’histoire troyenne9. Ainsi ordonne-t-il son texte selon une chronologie linéaire copiant celle de Benoît, qui trace le parcours de Troie, de sa naissance ou re-naissance à sa mort. Il l’enchâsse dans une lecture chrétienne du monde qui se devine en filigrane dans un récit où s’exhibe la misère de l’homme sans Dieu, déplorée et martelée comme un leitmotiv par le narrateur. À cette strate linéaire, trouée de récits étiologiques, de commentaires scientifiques, de notes encyclopédiques, de digressions étymologiques, se superpose en continu une strate explicative adossée à deux causalités essentielles, l’orgueil et la luxure. Ces deux péchés 454capitaux dictent syntaxiquement le déroulement de la narration par une approche exclusivement morale des faits.
Ce choix, digne d’un juge contempteur de la faiblesse humaine, se manifeste dans la large part concédée aux amours corrélées à Troie, au détriment de la guerre et des batailles. Guido s’évertue à en inventorier toutes les déclinaisons possibles, immanquablement fatales à l’image du récit originel. Au moyen d’une esthétique qu’il inaugure dans la prose latine, il s’émancipe cependant de sa source par sa vision extrêmement pessimiste des couples célèbres du monde gréco-troyen. Une telle réappropriation de la guerre de Troie ne surprend guère de la part d’un juge pour qui le salut n’est point de ce monde et qui refuse de voir l’Homme se parfaire dans un amour immanent. Joseph d’Exeter dans son Iliade avait, avant lui, emprunté cette voie10 : s’inspirant de Darès, dont la prose sèche et rugueuse autorise tout type d’amplificatio, Joseph fait une lecture chrétienne de la guerre de Troie dans un style à « l’expressionnisme souvent criard11 » et livre une image tout en noir de la condition humaine dont le malheur vient de ses vices, cupidité, cruauté et luxure.
Si Guido s’inscrit dans un tel discours, c’est qu’il subit aussi, en toute vraisemblance, la situation chaotique vécue par l’Italie au cours du xiiie siècle. Le pays voit l’effondrement de la maison des Hohenstaufen en Sicile et les conflits entre Guelfes (la maison d’Anjou) et Gibelins (la maison des Hohenstaufen) qui provoquent la guerre civile. L’épisode tragique des Vêpres siciliennes avec le soulèvement de l’île contre la domination de Charles d’Anjou (le 30 mars 1282 à Palerme et Corleone) et la mise sous la protection du roi d’Aragon, Pierre III, vient la couronner. Le climat politique est alourdi en outre par les suites de la quatrième croisade et les dissensions, depuis le Grand Schisme, entre Rome et Constantinople derrière laquelle se profile Troie, que concrétisent la perte de la capitale byzantine en 1261 et l’échec du second concile de Lyon en 1274. Tout se conjugue pour que l’histoire de Troie, sous le regard de Guido, soit, par projection rétrospective, le creuset d’une réflexion politique, porteuse d’un message désabusé sur la guerre, ses causes et 455ses horreurs12. Plus que la filiation de Darès et Benoît, l’œuvre latine a véritablement rencontré dans toute l’Europe les attentes et les préoccupations d’auditoires et lectorats variés, au point d’ensemencer une tradition propre. L’attestent le nombre de manuscrits – quelque deux cent quarante –, ses traductions en différentes langues, ses abrègements en latin et en français, ses adaptations ou encore son interpolation dans des compilations13.
Parmi les traductions, la première, appelons-la Guido A à la suite de Marc-René Jung, se distingue par sa grande fidélité au texte latin14. L’auteur, qui l’a commencée en 1380, « en nom et en l’honneur » du roi Charles (Charles V, mort le 16 septembre, ou bien son successeur Charles VI15) sur la commande du maire de Beauvais, endosse dans le prologue l’identité de sa source – « je propre juge Guy de la Columpne Mesane » (p. 96, l. 36)16 – comme une manière de proclamer la littéralité de sa traduction. Il tâche de rendre la lettre du texte par le rythme de la prose et par une abondance de latinismes, suivant les pratiques traductrices de la période. Entachée de quelques lectures fautives (dans les noms propres) et de quelques incomplétudes factuelles, sa translation qui n’égale pas la prose latine en restitue cependant la facture stylistique17. L’auteur relaie, sans l’atténuer, le tropisme catastrophiste de Guido qui, en des temps difficiles, et aussi délicat soit-il pour nous d’en estimer l’influence, trouve en toute vraisemblance quelques résonances à la cour de France.
Les textes et les éléments contextuels dont nous disposons ne laissent guère affleurer une conscience parodique efficiente. La gravité qu’affichent Guido et son traducteur français n’est pas un leurre, mais une déontologie 456revendiquée dans le prologue où ils exposent ce qu’est l’histoire, comment on l’écrit et quels buts on lui assigne18. Cette entrée, assez singulière en ce qu’elle remanie les topoï, se focalise sur la volonté d’énoncer enfin la vérité « de la dicte hystoire » que l’auteur veut « escrire et enregistrer sans aucune ficcion » (p. 96, l. 38). À l’appui de cette règle, il récuse avec soin Homère, mais également Virgile et Ovide qui introduisent dans le cours de la narration « aucunes fictions et poëtries19 [adjoutees] par si estranges figures que il pouoit sembler a ceulx que ces fictions veoient que ce feust d’autre matiere pour leur parole trop obscure » (p. 95, l. 18-20). Et il choisit sans surprise Darès et Dictys, mentant effrontément puisque sa source, réelle mais jamais nommée, est l’œuvre séminale de Benoît. Les auteurs pointent toutefois les limites des deux proses latines : par « le[ur] stile et une maniere si briefve de escrire », elles sont contraintes en effet d’abandonner les « moult de particulieres histoires » (p. 96, l. 45-46). Guido A, respectueux de sa source, s’emploie donc à combler les manques et les ellipses, en reconstituant ces « hystoires » – c’est-à-dire en réécrivant et/ou en amplifiant en réalité les « aucun buen dit » (v. 142) que s’octroyait Benoît – dont le traitement de l’amour est le point d’orgue.
Le dessein est d’« engrandir plaisir et deduit a ceulx qui les voulront convenablement escouter ou lyre » (p. 96, l. 47-48). Ce divertissement réside, sans qu’il en soit fait expressément mention, dans un style aux antipodes de la prose sèche et sans aspérités des textes latins. Il est doublement fondé, pour la forme, sur l’amplificatio20 et, pour le contenu, sur « la plaisant verité des particulieres histoires » (p. 96, l. 47). Les termes « plaisir » et « deduit » ou encore « plaisant » n’induisent ni légèreté ni distanciation mais, par le truchement des affects21, un état de réceptivité plus aiguë à la dimension édifiante de l’histoire. L’auteur aspire en effet à « donner vigour et hardement d’ensuivir les preux et 457les vaillans en la vertu ymaginative et a l’esperit de tous les lisans qui ont bonne volenté et certain propos de leur corps employer en fais de vertus » (p. 95, l. 12-14). Il vise plus spécifiquement le « proufit et deduit de ceulx qui entendent gramaire et sceivent la verité distinguer de la falase » (p. 96, l. 35-36). Le lecteur est ainsi dépeint, compris dans une communauté interprétative qui rassemble notables, prélats et nobles laïques cultivés, en France comme en Italie, autour de valeurs et de codes poétiques similaires ou voisins22.
Dans une telle configuration, l’histoire de Troie, par sa plasticité, par le caractère universel de ses situations autour de l’amour et de la guerre, répond, comme tout mythe, à ce qui taraude les consciences, à ce qui agite les émotions, à ce qui motive les actes, à ce qui règle le sort des sociétés. Les deux proses officient à travers elle comme d’implacables machines à déconstruire l’amour par un régime constant de l’excès. C’est ce régime précisément qui peut heurter le lecteur et faire naître l’idée de parodie.
UNE ESTHÉTIQUE DE L’EXCÈS
ET LE SOUPÇON DE LA PARODIE
Inféodé à l’esthétique de son temps, l’éditeur de l’Historia, Nathanaël Griffin, est très sévère à l’endroit de Guido. Il accable une œuvre faite à la va-vite, en trois mois, caractérisée, en dépit de passages fort soignés, par un style médiocre avec des fautes de syntaxe et des phrases incomplètes. Dans un jugement de valeur qui relève d’un écart de goût et de formation, il critique plus encore la rhétorique ampoulée et boursouflée dont sont empreints les épisodes amoureux, et il regrette le manque d’humour, cet humour que Benoît savait distiller ici ou là, par exemple dans l’épisode consacré à Briseida et Troïlus23. C’est dans cette copia verborum, que met à l’index Griffin, que pourrait s’opérer un déplacement 458parodique, destiné moins à faire rire qu’à faire ressentir, sous un effet de loupe grossissante, les dangers de l’amour. L’amplificatio se fait alors, aussi, soulignement, exagération, emphase24. L’auteur de la première traduction, linguiste avant que d’être un interprète distancié, l’entend ainsi lorsqu’il se cale scrupuleusement sur la prose latine25.
Le traducteur reformule en français les ressources du langage romanesque courtois que mobilise Guido. Le renouvellement ne se constate pas vraiment dans l’ornatus facilis26 qui passe davantage par les figures de pensées, dont l’accumulation avec la liste dépeignant les réactions physiques de Médée victime du désir amoureux, que par les figures de mots comme la répétition ou l’anaphore. Il est plus tangible dans l’ornatus difficilis qui privilégie l’ethos, plus propice que le pathos à l’analyse et à l’introspection. Le traducteur multiplie les métaphores et les comparaisons. Il décrit de la sorte le coup de foudre qui frappe Médée lorsqu’elle entre dans la salle où se tient Jason :
Et ce regard qui le ceur lui remplissoit de plaisance saoulait l’estomac du ceur tellement que cellui du corps estoit saoullé et raemply. (p. 113, 443-444)
Le topos du regard est intriqué à une métaphore physique qu’il reprend et peaufine quelques lignes plus loin :
C’est la doulce et amere savour qui de plaisance si descent et trait le chetif et aveugléz amans que de tant que plus le goustent et plus en reçoivent, de tant sont ilz plus appetisans. Car l’estomac saouléz asséz tost aprés digere et retourne en son cueur les plaisans desirs et delicieux solas esprouvéz, et puis en est de pou en pou plus gloutement desirans et temptéz. (p. 121, 665-670)
Prise à la lettre, cette métaphore dénote un processus physique qui, autour du sème de cœur, confond organe et sentiment, ramenant l’amour à une pulsion désirante, insatiable et animale, dévolue invariablement 459à la femme dans la tradition cléricale misogyne médiévale27. L’auteur sait retravailler les métaphores existantes, bricolant les combinaisons et les complémentant par de nouveaux éléments :
Adonc de son doulx cuer naist et sourt ung doulx fleuve de amoureuses larmes, arrousans et rempans ces joes rosees et savouré viaire, courans continuelment par les conduis de ses deux vairs et gracieux yeulx. Et ainsi en souppirant, et de parfont cuer la fontainne de plour rendant de sa belle bouche, disoit et faisoit tele lamentation en son amy regrettant. (p. 125, l. 759-764)
La verve métaphorique et comparative grâce à une valse adjectivale très élaborée se déploie tout à loisir dans le portrait d’Hélène qui surgit comme une apparition aux yeux de Pâris. Le traducteur préserve globalement l’ordre descendant canonique et, tel un peintre, s’appesantit sur le jeu des couleurs et sur les tracés du corps et du visage. Il s’empare des qualifications attendues (p. 178-179), mais il les juxtapose, les mêle et les enrichit : la description des cheveux combine couleur (« chevelure doree », « raie plus blanche que neige »), disposition (« fiz blons et doréz par proporcion magistraulment disposéz et trechiés »), composition avec un jeu d’anamorphose28 :
[…] onny et plain, plus blanc que lait. Dont parmi ces deux temples la clere onde de la verberacion de son cring faisoit une couleur d’un rain comme or reluisant sur le plain front sans fronche apperent entre ces deux treches de coulour changant puis blanche puis flammant. (p. 178, l. 2034-2036)
L’auteur s’essaie à d’autres comparaisons dans des sortes d’embryons encyclopédiques. Il sollicite, outre les lapidaires, la géométrie (« le nez traictis qui par rele droicte descent et depart les II joes agaument », l. 2045-2046), l’astronomie (« ses deux yeulx vers et estincelans comme deux planettes jettans une clarté et ray attrayant », p. 179, l. 2040-2041), la flore (« une rose en lait mouillé », l. 2051 ; « comme deux roses ou rouges boutons », l. 2055 ; « comme rose meslee avec fleur de liz », l. 2061), la couture (« la papilliere garnie d’un pourfil de long 460et de delié fil », l. 2042-2043). Le cocktail est tel – le corps devient comme un microcosme de l’univers – qu’il interdit une visualisation du personnage. Le cumul et la dispersion que suscite la collusion des comparaisons aboutissent paradoxalement à une fragmentation réduisant la beauté d’Hélène à un corps disloqué qui ne peut s’embrasser d’un seul regard par l’imagination. L’effet-portrait fait suspecter un morceau de bravoure ambigu où la composition savante enclôt une décomposition, symbole d’une « semblance » illusoire et trompeuse, comme l’est la femme.
Un type d’excès similaire alimente les fort nombreuses interpellations que l’auteur formule indifféremment au lecteur ou auditeur, son public supposé, et aux personnages qu’il fustige pour leur attitude ou qu’il plaint devant le sort qui les attend29. Les considérations misogynes sont dans le droit fil de l’image de la femme, forgée dans les premiers siècles de la Chrétienté et relayée par la tradition patristique, toujours vivace au xiiie siècle chez Brunet Latin ou chez des auteurs comme Jean de Meun, entouré d’une sulfureuse réputation que prouve la fameuse querelle déclenchée par son Roman de la Rose30. L’auteur a cette spécificité de répartir son argumentaire entre pathos et logos. D’une part, il s’apitoie sur les hommes, victimes de l’inconstance inhérente aux femmes, et les prévient contre elles :
O chetive et affolee noblesce, […] n’aie pas grant foy de croire et cuider force et confiance en fragilité feminine dont le courage est tous jours muable et qui ne savroit ou ne pourroit estre estable, especiaument quant elle est jeune et experte et plaine de divers desirs ! (p. 112, l. 423-426)
D’autre part, il éclaire son propos en définissant la nature féminine par essence faible :
C’est aussi chose certainne que la femme naturelement desire compaignie d’omme, si comme matiere et chose imparfaicte desire sa fourme et sa perfection. (p. 112, l. 427-428)
461Sa doxa renvoie à celle de saint Augustin, résumée par Howard Bloch entre autres : l’homme est la forme, ou l’esprit, et la femme, image dégradée de la seconde nature de l’homme, est reléguée dans le domaine de la matière31. Mais le style fleuri et orné, en dépassant la simple expression d’une vérité théologico-philosophique, lui donne une force percutante et rend plus prégnante encore la culpabilité de la femme dans la catastrophe annoncée, les hommes eussent-ils leur part de responsabilité. Au même titre que les discours délégués aux personnages, ces interventions narratoriales créent une dramatisation sans cesse entretenue et décuplée qui, pour l’éditeur de Guido, verse dans la grandiloquence32. Cette appréciation risque de voiler l’empathie de l’auteur avec son auditoire ou lectorat et d’amoindrir sa volonté de ficher dans l’esprit du lectorat un récit mué en exemplum démesuré, nouant le sententiel au compassionnel.
L’écriture négative des amours n’a pas nui au rayonnement de la première traduction française, transmise par six manuscrits ou fragments de manuscrits dont certains sont illustrés, majoritairement dans les États bourguignons où l’histoire de Troie est très en vogue33. C’est que, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, lors même qu’ils l’encadrent d’un jugement moralisateur et l’encodent de prédicats négatifs, les auteurs montrent une certaine jouissance à dépeindre la beauté de la femme, à mimer les délices et les tourmentes de l’amour, à en suggérer la sensualité et l’érotisme. Par cette catharsis, le public de seigneurs et de dames des cours de France et de Bourgogne est mis en demeure de purger ses péchés et d’extraire de l’histoire de Troie une leçon de comportement à méditer. De même, les prélats auxquels s’adressent aussi les œuvres peuvent y voir incarner et exemplifier leurs théories sur la femme et la bonne conduite à tenir avec elle. On est fondé à se demander si l’auditoire interprétait ce parti-pris de « l’exagération » au sens originel comme un déplacement parodique.
462D’UNE RÉCEPTION À L’AUTRE
La question est d’autant plus légitime que la facture des textes tranche avec les mises en prose du roman de Benoît de Sainte-Maure qui s’échelonnent du xiiie au xive siècle34. La comparaison est aisée à faire pour le lectorat, car la version du manuscrit BL Royal 20. D. I, en provenance de Naples, l’une des plus anciennes, arrive au même moment, en 1380, à la cour de France, où elle est répertoriée et rangée dans la librairie du Louvre35. Cette cinquième mise en prose, insérée dans la deuxième rédaction de l’Histoire ancienne jusqu’à César, connaît une fortune si spectaculaire qu’elle éclipse sans doute pour un temps la traduction guidoéenne. Prose 5 est une summa de la matière troyenne, qui compile maintes sources : le roman en vers, les proses antérieures, des récits étiologiques, les proses latines de Darès et de Dictys, les épîtres traduites en prose des Héroïdes d’Ovide et quelques autres œuvres plus ou moins identifiables36. Cette mise en prose se distingue par une esthétique de la mesure. Sous la plume d’un narrateur discret, le contenu y est épuré et ramassé, à la fois dénué de pathos et avare en morceaux de bravoure. L’auteur est exhaustif quant aux événements, mais moins prolixe et détaillé dans la narration des faits : s’il relate in extenso les amours de Jason et de Médée, il est peu disert sur les débats intérieurs et la description des souffrances ; il sacrifie des discours, dont celui de Pâris à Hélène ; il se garde de jugements, sur l’infidélité de Briseïda en particulier. Le style est au diapason, tout de sobriété, parfois archaïsant.
Le pari d’une prose qui ne s’étale pas n’exclut pas la sophistication ni les trouvailles langagières dont le portrait d’Hélène porte témoignage37. L’auteur peint, dans l’ordre descendant topique, le physique 463de l’héroïne, ses parures de pierres précieuses aux vertus déclinées dans des micro-récits, puis de nouveau le physique. Cet exercice fort maîtrisé dans lequel le lapidaire prime la prosopographie est conforme au projet que définissait Benoît dans sa célèbre métaphore de la forteresse de mots, érigée sur la mesure et l’harmonie (v. 132-137). Il est repensé au filtre de l’idéal du juste milieu, prôné par les clercs dans la mouvance de Thomas d’Aquin, dont le célèbre contemporain du Dominicain, Brunet Latin, qui a exercé une grande influence sur Prose 1 que recopie en partie Prose 538. Par la compilation et la réécriture, le programme initial, et initiatique, du roman en vers est « actualisé » à la façon dont l’entend Yves Citton, dans le sens d’un dépassement39. Il débouche sur la fabrique d’un nouveau mythe littéraire qui exalte un idéal de civilisation au prisme d’un amour total, spirituel et charnel, dont Hélène et Pâris sont la vive incarnation. Emblématisant l’accomplissement de l’Homme ici-bas, fût-ce le temps d’une civilisation, Troie est, par excellence, la cité modélisante qui rivalise avec la cité de Dieu, mythe certes indépassable, mais bousculé ici par la fiction40.
Promouvant une esthétique radicalement différente, comme le revers de la même médaille troyenne, Guido et son traducteur insistent sur le renversement fatal des destinées41. Ils « désidéalisent » Troie, renvoyée à son destin de cité mortelle parce que trop humaine, et ils noircissent en corollaire l’amour d’Hélène et de Pâris, passion impossible à juguler et racine d’un désordre mortifère et mortel (livre VII, p. 176-177). Cette idéologie déceptive dans laquelle l’Homme est seul comptable de son destin – le titre d’un article de Jean-Claude Mülhethaler, « Quand Fortune, ce sont les hommes », l’exprime fort bien42 – émane 464d’une écriture à double entente, toute tendue entre éloge et blâme, volontiers exhibitionniste, qui bénéficie des précédents latins et de la source vernaculaire, mais tout aussi bien de l’expérience poétique de Guido. À l’instar d’autres fonctionnaires laïques, notaires et juristes, le juge de Messine aurait appartenu en effet à l’école sicilienne, première école poétique italienne fondée par Giacomo de Lentini en 1230, qui ne perdure qu’une trentaine d’années, jusqu’en 1266, mais dont la réputation s’étend, à la faveur de fructueux contacts, à toute l’Italie, au sud de la France et aux milieux du Nord43. Rattaché à la civilisation de la Magna Curia de Frédéric II (1194-1250), empereur polyglotte, philosophe, esprit encyclopédique, qui règne sur Palerme et Messine44, ce groupe de poètes transpose en dialecte italien la tradition provençale acclimatée aux chansons populaires siciliennes45. L’empereur s’adonne lui-même à cette poésie, ainsi que, parmi d’autres, Guido, cité par Dante comme modèle dans son De vulgari eloquentia (2.5) sous le nom de « judex de Messina46 ». Son trait majeur est l’infléchissement du contenu de la fin’amor, qui récuse toute mystique ou toute transcendance : il s’agit d’amours humaines, d’une aventure sentimentale dans un cœur tourmenté par la traîtrise, la séparation… qui connaît la précarité des choses. Il se traduit par l’usage d’images naturalistes et de métaphores scientifiques qui constituent les prémisses d’une phénoménologie amoureuse. Celles-ci, précisément, affleurent dans l’Historia et sa traduction où la profusion de latinismes accréditent 465une « scientifisation » du discours poétique sous l’égide d’une pragmatique de l’amour47.
L’immense succès du juge de Messine, que John Lydgate qualifie de master, tient à cette nouveauté formelle combinée avec la tradition lyrique et romanesque, qui enregistre sous un jour original les affres de l’amour et sa nature destructrice. Par un style empreint d’affects, Guido mise sur les puissances de la suggestion et de la persuasion, enjoignant le spectateur à sonder les coutures de l’histoire troyenne pour lui donner à voir et à sentir sur quelles sombres mécaniques, soigneusement floutées ou masquées par Benoît, elle repose. Le style ou la forme sens satisfait un désir d’efficacité dans la dénonciation des comportements et dans la condamnation des ravages de l’amour et de la guerre à l’origine d’une rhapsodie de malheurs. Cette marque de fabrique est donc plus un label de qualité apposé au discours amoureux qu’un instrument parodique concerté. Ainsi perçue, la rhétorique de Guido est dépourvue d’une « intentionnalité ludique ». Elle invite plus sûrement à une lecture tragique de la guerre de Troie. C’est ainsi en tout cas qu’en 1452, Jacques Milet, « estudiant en loys en l’université d’Orleans », traduisant une partie de l’Historia en quelque 28 000 vers, l’interprète dans sa pièce de théâtre intitulée l’Istoire de la destruction de Troie la Grant par personnages, qu’il nomme « transgredie ». Pour la critique, il compose la première tragédie en français48.
Les avatars de l’Historia conduisent à réfléchir sur la motivation et la pertinence du regard décalé que le lecteur moderne jette sur les ornements rhétoriques mais dont il paraît audacieux de gratifier son alter ego médiéval. Cette perception probablement naïve, anachronique et subjective naît de la facture du texte qui, au cœur même de la constellation troyenne, crée un net différentiel dans la saisie de la légende. Elle provient encore de la distance temporelle que jalonnent la confrontation et le feuilleté des esthétiques et la différence radicale 466des horizons d’attente et des contextes49. Tous ces facteurs ne font pas du lecteur moderne un « lecteur modèle50 » et menacent, à l’aube du xxie siècle, de le reléguer au seuil des textes. Pourtant, si certains sens nous échappent, d’autres que Guido n’avait pas anticipés s’ébauchent sans contrevenir à ses objectifs, dont le tout premier est de transmettre une histoire exemplaire, « ung fait et chose si notable ; et pour ce que c’est chose digne de memoire pardurable… » (p. 95, l. 15-16). En désacralisant l’amour par la mise au jour des craquelures et fissures qui en entaillent les codes, il cherche en effet à exemplifier, à dépasser par la généralisation les cas singuliers, au-delà de la référence à des héros bien connus. Il œuvre en prédicateur : il adopte la recette éprouvée dans les sermons et traités moraux, par ses commentaires et ses moralisations, par ses prières et invocations à Dieu ou par sa compassion et sa colère envers l’humanité pécheresse. Or, il n’y a pas loin du prédicateur au satiriste. Tout comme le premier, le second veut susciter une prise de conscience chez son public gouverné par ses passions et voué à se perdre51. Ce voisinage étroit entre prêche, satire et parodie est très sensible dans la virulente stigmatisation des femmes, qui démarque quelque peu le catalogue de leurs vices, dressé entre autres dans la fameuse satire VI de Juvénal. Par une intertextualité consciente et diffuse – le poète latin étant un référent rhétorique pour la misogynie médiévale cléricale –, cette collusion registrale incline à penser que, sous un discours éminemment tragique, Guido propose une parodie par anticipation de l’amour humain au miroir de l’histoire troyenne52.
Dans le domaine de l’amour extrêmement balisé et traversé de traditions, l’historiographie troyenne ne fréquente que de loin la satire et la parodie, par des pas de côté et par les ramages dont se pare la rhétorique. Si elle y consent, c’est moins par une tentation ludique que par le souci de condamner la condition de l’Homme privé des lumières de la Révélation et du véritable amour. La réécriture troyenne de Guido, prise 467dans les filets de la parodie et/ou de la tragédie selon les points de vue et les horizons d’attente, délivre un surplus de sens suffisamment riche sur l’événement pour faire naître des lectures qui se superposent ou se juxtaposent plutôt qu’elles ne s’opposent ni ne s’annulent, des lectures qui réclament la participation active d’un lecteur critique, susceptible d’éclairer dans le temps long le sens de l’Histoire.
Catherine Croizy-Naquet
Université de la Sorbonne Nouvelle-Paris 3
EA 173
1 J.-Cl. Mühlethaler, Fauvel au pouvoir : lire la satire médiévale, Paris, Champion, 1994, p. 30.
2 É. Hicks, « Tirer sur la révérence : la prise de parole parodique », Formes de la critique : parodie et satire dans la France et l’Italie médiévales, éd. J.-Cl. Mühlethaler, A. Corbellari, B. Wahlen, Paris, Champion, 2003, p. 215-234, ici p. 215.
3 Guido de Columnis, Historia Destructionis Troiae, éd. N. Griffin, Cambridge, Massachusetts, 1936 ; réimpr. New York, The Mediaeval Academy of America, 1970 ; Guido delle Colonne, Historia Destructionis Troiae, transl. with an introduction and notes M. E. Meek, Bloomington, Indiana University Press, 1974.
4 Le Roman de Thèbes, éd. et trad. A. Petit, Paris, Champion, 2008 ; Le Roman d’Eneas, éd. et trad. A. Petit, Paris, LGF, 1997 ; Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, éd. L. Constans, Paris, Firmin Didot, 6 vol., 1904-1912 ; voir aussi Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, éd. et trad. partielles E. Baumgartner, Fr. Vielliard, Paris, LGF, 1998.
5 Consulter l’édition de M. Milhat, L’Histoire de Troie au xve siècle. Édition critique de la première traduction française de l’Historia Destructionis Troiae de Guido delle Colonne, Thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, École nationale des chartes, 2012. L’édition paraîtra chez Champion, dans les CFMA.
6 J.-Cl. Mühlethaler, « Comment déceler l’intentionnalité ludique ? », Poétique, 117, 2015, p. 5.
7 Voir, dans cette perspective, N. Loraux, « Éloge de l’anachronisme en histoire », Espaces Temps, 87-88, 2005, p. 127-139.
8 Parmi les nombreux travaux traitant de cette question, voir notamment, outre ceux de J.-Cl. Mühlethaler, D. Sangsue, La parodie, Paris, Hachette, 1994 ; M. Bonafin, Contesti della parodia. Semiotica, antropologia, cultura medievale, Turin, UTET, 2001 ; G. Agamben, « Parodie », Profanations, trad. M. Rueff, Paris, Payot et Rivages, 2005, p. 39-59 ; P. Aron, « Parodie », Dictionnaire du littéraire, éd. P. Aron, D. Saint-Jacques, Paris, PUF, 2006, p. 439-440 ; Y.-M. Tran-Gervat, « Pour une définition opérationnelle de la parodie littéraire : parcours critique et enjeux d’un corpus spécifique », Cahiers de narratologie, 13, 2006, en ligne.
9 Se reporter à M.-R. Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, Bâle-Tübingen, Francke, 1996, p. 563-569.
10 Joseph Iscanus, Werke und Briefe, éd. L. Gompfe, Leyde-Cologne, Brill, 1970 ; Joseph d’Exeter, L’Iliade, épopée du xiie siècle sur la guerre de Troie, dir., trad. et notes Fr. Mora, Turnhout, Brepols, 2003.
11 Joseph d’Exeter, L’Iliade, épopée du xiie siècle sur la guerre de Troie, p. 26.
12 Sur le contexte historique, voir par exemple St. Runciman, Les Vêpres siciliennes, Paris, Les Belles Lettres, 2008 ; N. G. Chrissis, Crusading in Frankisk Greece. A Study of Byzantine-Western Relations and Attitudes, 1204-1282, Turnhout, Brepols, 2012, p. 285 et suivantes.
13 Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, p. 565 et suivantes.
14 Jung, La légende de Troie, p. 570-580.
15 Il est difficile de trancher : le contexte historique qui fait écho à celui de Guido plaide en faveur de Charles VI par un même état de crise. Sur ces deux rois, consulter notamment Fr. Autrand, Charles V le Sage, Paris, Fayard, 1994, et Charles VI. La folie du roi, Paris, Fayard, 1986.
16 Toutes nos citations du texte sont d’après l’édition de Milhat, L’Histoire de Troie au xve siècle.
17 C. Croizy-Naquet, « Traduire ou renouveler l’histoire troyenne : la première traduction française de l’Historia destructionis Troiae de Guido delle Colonne », Variations sur le mythe : La légende de Troie de l’Antiquité tardive au Moyen Âge, dir. E. Amato, E. Gaucher-Rémond et G. Scafoglio, Université de Nantes, Cahiers de L’AMo, 2, 2014, en ligne.
18 Croizy-Naquet, « Traduire ou renouveler l’histoire troyenne ».
19 À entendre sans doute au sens de « fable mythologique ». Sur cette notion, voir la mise au point d’H. Campangne, Mythologie et rhétorique aux xve et xvie siècles en France, Paris, Champion, 1996, p. 18-21.
20 En son sens médiéval de « faire long » : E. Faral, Les arts poétiques du xiie et du xiiie siècle. Recherches et documents sur la technique littéraire du Moyen Âge, Paris, Champion, 1983 [1re éd. 1924], p. 61.
21 Sur cette notion, voir par exemple I. Rosier-Catach, « Discussions médiévales sur l’expression des affects », Le sujet des émotions au Moyen Âge, dir. P. Nagy, D. Boquet, Paris, Beauchesne, 2008, p. 206-215.
22 Voir Milhat, L’Histoire de Troie au xve siècle, p. v et suivantes ; C. Croizy-Naquet, « Deux lectures du Roman de Troie au xve siècle, deux lectorats ? », Byzance et l’Occident III. Écrits et manuscrits, dir. E. Eghedi-Kovacs, Budapest, Collège Eötvös József, 2016, p. 217-232.
23 Éd. Griffin, p. 163-166.
24 Sur ces termes et leur signification ancienne, voir St. Macé, « L’amplification, ou l’âme de la rhétorique. Présentation générale », Exercices de rhétorique, Sur l’amplification, 4, 2014, p. 1-26 (en ligne) ; L’emphase : copia ou brevitas ? (xvie-xviie siècles), dir. M. Levesque, O. Pédeflous, Paris, PUPS, 2009.
25 Croizy-Naquet, « Traduire ou renouveler l’histoire troyenne ».
26 A. Petit, Naissances du roman. Les techniques littéraires dans les romans antiques du xiie siècle, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1985, p. 733 et suivantes ; Fr. Mora, « Metre en romanz. » Les romans d’antiquité du xiie siècle et leur postérité (xiiie-xive siècle), Paris, Champion, 2008, p. 364 et suivantes.
27 Voir, parmi de nombreux travaux, H. Bloch, Medieval Misogyny and the Invention of Western Romantic Love, Chicago, Chicago University Press, 1991 ; du même auteur, « La misogynie médiévale et l’invention de l’amour en Occident », Les Cahiers du GRIF, 47, 1993, p. 9-23.
28 Voir, par comparaison, le protocole descriptif de Benoît : C. Croizy-Naquet, Thèbes, Troie et Carthage. Poétique de la ville dans le roman antique, Paris, Champion, 1994, p. 155-228.
29 Sur ce point, voir C. Croizy-Naquet, « L’Historia Destructionis Troiae et sa première traduction française : aux origines d’un mystère profane », Théâtre et révélation. Donner à voir et à entendre au Moyen Âge. Hommage à Jean-Pierre Bordier, dir. C. Croizy-Naquet, St. Le Briz-Orgeur, J.-R. Valette, Paris, Champion, 2017, p. 363-370.
30 Se reporter notamment à Bloch, Medieval Misogyny, chapitre 2, « Early Christianity and the Estheticization of Gender ».
31 Sur les « grands écrivains misogynes des premiers siècles de la chrétienté », voir Bloch, « La misogynie médiévale et l’invention de l’amour en Occident », p. 10 et suivantes. Se reporter aussi à Brunet Latin, Li Livres dou Tresor, éd. Fr. J. Carmody, Berkley-Los Angeles, University of California Press, réimpr. Genève, Slatkine, 1975, II, 106, p. 290, dont on peut supposer qu’il était connu de Guido comme l’attestent les points de convergence avec Prose 1.
32 Éd. Griffin, p. 166.
33 Éd. Milhat, p. 1-12 ; Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, p. 575-580.
34 Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, p. 440-562 ; A. Rochebouet, « D’une pel toute entiere sans nulle cousture ». La cinquième mise en prose du Roman de Troie, édition critique et commentaire, thèse de doctorat, dir. G. Roussineau, Université Paris IV-Sorbonne, 2009, p. 287-354. Voir aussi L’Histoire ancienne jusqu’à César, éd. Y. Otaka, introduction, bibliographie C. Croizy-Naquet, Orléans, Paradigme, 2016.
35 Consulter Rochebouet, « D’une pel toute entiere sans nulle cousture », p. 70.
36 Sur le travail des sources de Prose 5, voir Rochebouet, « D’une pel toute entiere sans nulle cousture », p. 287-348.
37 Voir l’éd. Otaka, p. 260-262, § 211-212.
38 Sur Prose 1, consulter Fl. Tanniou, « Raconter la vraie estoire de Troye ». Histoire et édification dans le Roman de Troie en prose (Prose 1, version commune), thèse de l’Université de Paris Ouest-Nanterre La Défense, 2009.
39 Y. Citton, Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ?, Paris, Éditions Amsterdam, 2007, en particulier le chapitre xiii, « Actualisations ».
40 Sur ce texte, voir notre introduction à L’Histoire ancienne jusqu’à César, éd. Otaka, p. 38-65.
41 C. Croizy-Naquet, « Fortune et le sens de l’histoire dans la première traduction en prose française de l’Historia Destructionis Troiae de Guido delle Colonne », La question du sens au Moyen Âge. Hommage au professeur Armand Strubel, dir. D. Boutet, C. Nicolas, Paris, Champion, 2017, p. 305-320.
42 J.-Cl. Mülhethaler, « Quand Fortune, ce sont les hommes. Aspects de la démythification de la déesse, d’Adam de la Halle à Alain Chartier », La Fortune. Thèmes, représentations, discours, dir. Y. Foehr-Janssens et E. Métry, Genève, Droz, 2003, p. 177-206.
43 La question de savoir s’il s’agit bien du même auteur reste débattue : voir en particulier C. Calenda, « Scuola poetica siciliana », Federiciana, Treccani, 2005 ; R. Chiàntera, Guido delle Colonne. Poeta e storico latino del sec. xiii e il problema della lingua della nostra primitiva lirica d’arte, Napoli, Casa Editrice ‘Federico & Adria’ di P. Federico, 1956 ; G. Contini, « Le rime di Guido Delle Colonne », Bollettino del Centro di Studi Filologici e Linguistici siciliani, 2, 1954, p. 178-200 ; G. Contini, Frammenti di filologia romanza, Firenze, Edizioni del Galluzzo, 2007, vol. I, p. 235-264.
44 Consulter par exemple G. Masson, Frédéric de Hohenstaufen, trad. angl. A. D. Toledano, Paris, Albin Michel, 1957 ; D. Abulafia, Frederik II. A Medieval Emperor, Londres, Allen Lane-The Penguin Press, 1988.
45 Voir A. Di Stefano, La cultura alla corte di Federico II imperatore, Bologne, Zanichelli, 1950 [1re éd. 1938], chapitre iv, p. 222 et suivantes sur la poésie à la cour ; Poeti alla corte di Federico II. La scuola siciliana, dir. C. Ruta, Di Renzo, 2003 ; I poeti della Scuola siciliana. Vol. 2. Poeti della corte di Federico II, dir. C. Di Girolamo, Milano, Mondadori, 2008. Des poèmes de Guido se lisent dans B. Panvini, Le rime della Scuola siciliana, Firenze, Olschki, 2 vol., 1962-1964.
46 Voir aussi II, v, 4 (« Iudex de Columpnis de Messana ») ou II, vi, 6 (« Iudex de Messana »).
47 Voir ainsi le traitement réservé au cœur chez ces poètes, dont Guido, dans J. Lacroix, « ‘Bon vouloir’ et pouvoir du cœur chez les poètes siciliens à la cour de Frédéric II de Hohenstaufen », Le « cuer » au Moyen Âge, Senefiance, 30, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 1991, p. 187-204.
48 Elle est adressée à Charles VII, au duc Charles d’Orléans et au comte Charles d’Anjou : voir Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, p. 603 ; du même, « Jacques Milet et son Épître épilogative », Mélanges d’études romanes du Moyen Âge et de la Renaissance offerts à Jean Rychner, Travaux de linguistique et de littérature, 16/1, 1978, p. 241-258.
49 On renverra sur ce point à l’ouvrage pionnier d’H.-R. Jauss, Pour une esthétique de la réception, trad. Cl. Maillard, Paris, Gallimard, 1978.
50 U. Eco, Lector in fabula. Le Rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs, trad. M. Bouzaher, Paris, Grasset, 1985.
51 Mühlethaler, Fauvel au pouvoir, p. 404 et suivantes.
52 Dans la veine du plagiat par anticipation de P. Bayard, Le plagiat par anticipation, Paris, Minuit, 2009.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-10454-4
- EAN : 9782406104544
- ISSN : 2273-0893
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10454-4.p.0451
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 01/04/2020
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Guido delle Colonne, Historia destructionis Troiae, traduction, rhétorique, Amour, parodie, anachronisme, prose, école sicilienne