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Classiques Garnier

L’écriture des amours dans la première traduction française de l’Historia destructionis Troiae de Guido delle Colonne

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2019 – 2, n° 38
    . varia
  • Auteur : Croizy-Naquet (Catherine)
  • Résumé : Vers 1380 à la cour de France, le premier traducteur anonyme en prose française de l’Historia destructionis Troiae de Guido delle Colonne s’efforce de translater littéralement sa source dans une écriture quelquefois outrancière qui éveille le soupçon d’un discours biaisé. L’étude de la rhétorique amoureuse permet de saisir le degré de connivence entre l’auteur et son lectorat puis de déterminer la distance qui s’instaure entre la réception d’hier et celle d’aujourd’hui et ses enjeux.
  • Pages : 451 à 467
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406104544
  • ISBN : 978-2-406-10454-4
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10454-4.p.0451
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 01/04/2020
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Guido delle Colonne, Historia destructionis Troiae, traduction, rhétorique, Amour, parodie, anachronisme, prose, école sicilienne
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LÉCRITURE DES AMOURS
DANS LA PREMIÈRE TRADUCTION FRANÇAISE DE LHISTORIA DESTRUCTIONIS TROIAE
DE GUIDO DELLE COLONNE

Si les frontières entre roman et histoire sont poreuses, surtout aux débuts de la littérature vernaculaire, elles tendent à saffirmer avec lémergence de la prose et à doter lhistoire dun statut reconnaissable. Lhistoire est, on le sait, une affaire sérieuse par ce qui fonde sa raison dêtre, un discours événementiel soutenu par des modalités héritées des historiens latins, articulées sur la description des temps, des lieux et des personnages. Sa structure, son fonctionnement référentiel qui dénote et exemplifie, sa double vocation pédagogique et moralisante, la séparent fondamentalement du système de la satire, étudié par Jean-Claude Mühlethaler pour le Roman de Fauvel : lemploi de lallégorie pour signifier le triomphe du mal, la composante éthique qui permet au narrateur et à Fortune de juger la société et Fauvel, enfin lancrage dans lactualité. Cest pourquoi, quand le critique cite les genres concernés par la satire, le roman, lépopée, le fabliau, le théâtre, la poésie des trouvères jusquà celle de Villon, il exclut lhistoriographie : par une incompatibilité registrale et structurale, elle ne saurait épouser la forme, la dynamique et la logique de la satire1. Pourtant elle revêt parfois, semble-t-il, des accents satiriques ou mieux ménage des moments de parodie. La parodie, ou le chant dà côté selon son étymologie, ou encore la pulsion parodique dont Éric Hicks précise quelle part dà côté et non den-dessous2, simmisce quelquefois par déplacement dans le registre grave de lhistoire pour poser un contre-discours à la doxa.

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À cet égard, lHistoria destructionis Troiae en prose latine de Guido delle Colonne offre un cas de figure intéressant à travers lécriture des amours3. À la fin du xiiie siècle, le juge de Messine translate en prose latine le Roman de Troie en vers de Benoît de Sainte-Maure qui, dans lentourage Plantagenêt, invente en langue vernaculaire, avec les auteurs du Roman de Thèbes et du Roman dEneas, les procédés propres à lécriture romanesque et confère une importance inédite aux personnages féminins et à lexamen approfondi des tourments et des bonheurs de lamour4. Dans les années 1380, à la cour de France, le premier traducteur en prose française de lHistoria sefforce de translater littéralement la lettre de sa source5. Le résultat nest pas sans déconcerter le lecteur contemporain par lusage dune rhétorique quelquefois outrancière qui éveille le soupçon dun discours biaisé. Comme la souligné Jean-Claude Mühlethaler, le sourire quon se prend à esquisser, né du changement desthétiques, risque fort de tomber « à côté » de ce dont le texte se veut le passeur et exige donc dêtre replacé dans son historicité6.

Prévenu du piège de lanachronisme transformé en outil heuristique7, il est loisible dévaluer léventuelle portée parodique du discours dispensé sur lamour8. Létude des traits les plus saillants dune écriture 453reproduisant jusquà épuisement tous les codes devrait nous autoriser, par le biais dune « lecture en clé intertextuelle », à saisir le degré de connivence entre lauteur et son lectorat dalors puis à déterminer la distance qui sinstaure entre la réception dhier et celle daujourdhui. Peut-être est-elle à même de faire émerger de nouvelles senefiances qui ne trahissent pas forcément le message de Guido et de son émule. Pour détecter sinon une intention parodique, au moins un impensé parodique à lépoque de composition des textes, il convient de rappeler dabord en quelques mots ce quils sont.

DEUX ŒUVRES SÉRIEUSES

Lhistoire de Troie est placée sous le sceau du tragique, cest-à-dire un registre qui fait obstacle à la manifestation ouverte du comique, quelle quen soit la forme. Cest particulièrement vrai dans la version de Guido delle Colonne. Le juge la entreprise sur les instances de larchevêque de Salerne, Mathaeus da Porta, mais la interrompue, dès la fin du premier livre, à la mort de ce dernier en 1272. Une quinzaine dannées plus tard, en trois mois, du 15 septembre au 25 décembre 1287, il rédige de son plein gré les trente-quatre autres livres, afin, dit-il dans son prologue, dapporter la seule vérité qui vaille sur lhistoire troyenne9. Ainsi ordonne-t-il son texte selon une chronologie linéaire copiant celle de Benoît, qui trace le parcours de Troie, de sa naissance ou re-naissance à sa mort. Il lenchâsse dans une lecture chrétienne du monde qui se devine en filigrane dans un récit où sexhibe la misère de lhomme sans Dieu, déplorée et martelée comme un leitmotiv par le narrateur. À cette strate linéaire, trouée de récits étiologiques, de commentaires scientifiques, de notes encyclopédiques, de digressions étymologiques, se superpose en continu une strate explicative adossée à deux causalités essentielles, lorgueil et la luxure. Ces deux péchés 454capitaux dictent syntaxiquement le déroulement de la narration par une approche exclusivement morale des faits.

Ce choix, digne dun juge contempteur de la faiblesse humaine, se manifeste dans la large part concédée aux amours corrélées à Troie, au détriment de la guerre et des batailles. Guido sévertue à en inventorier toutes les déclinaisons possibles, immanquablement fatales à limage du récit originel. Au moyen dune esthétique quil inaugure dans la prose latine, il sémancipe cependant de sa source par sa vision extrêmement pessimiste des couples célèbres du monde gréco-troyen. Une telle réappropriation de la guerre de Troie ne surprend guère de la part dun juge pour qui le salut nest point de ce monde et qui refuse de voir lHomme se parfaire dans un amour immanent. Joseph dExeter dans son Iliade avait, avant lui, emprunté cette voie10 : sinspirant de Darès, dont la prose sèche et rugueuse autorise tout type damplificatio, Joseph fait une lecture chrétienne de la guerre de Troie dans un style à « lexpressionnisme souvent criard11 » et livre une image tout en noir de la condition humaine dont le malheur vient de ses vices, cupidité, cruauté et luxure.

Si Guido sinscrit dans un tel discours, cest quil subit aussi, en toute vraisemblance, la situation chaotique vécue par lItalie au cours du xiiie siècle. Le pays voit leffondrement de la maison des Hohenstaufen en Sicile et les conflits entre Guelfes (la maison dAnjou) et Gibelins (la maison des Hohenstaufen) qui provoquent la guerre civile. Lépisode tragique des Vêpres siciliennes avec le soulèvement de lîle contre la domination de Charles dAnjou (le 30 mars 1282 à Palerme et Corleone) et la mise sous la protection du roi dAragon, Pierre III, vient la couronner. Le climat politique est alourdi en outre par les suites de la quatrième croisade et les dissensions, depuis le Grand Schisme, entre Rome et Constantinople derrière laquelle se profile Troie, que concrétisent la perte de la capitale byzantine en 1261 et léchec du second concile de Lyon en 1274. Tout se conjugue pour que lhistoire de Troie, sous le regard de Guido, soit, par projection rétrospective, le creuset dune réflexion politique, porteuse dun message désabusé sur la guerre, ses causes et 455ses horreurs12. Plus que la filiation de Darès et Benoît, lœuvre latine a véritablement rencontré dans toute lEurope les attentes et les préoccupations dauditoires et lectorats variés, au point densemencer une tradition propre. Lattestent le nombre de manuscrits – quelque deux cent quarante –, ses traductions en différentes langues, ses abrègements en latin et en français, ses adaptations ou encore son interpolation dans des compilations13.

Parmi les traductions, la première, appelons-la Guido A à la suite de Marc-René Jung, se distingue par sa grande fidélité au texte latin14. Lauteur, qui la commencée en 1380, « en nom et en lhonneur » du roi Charles (Charles V, mort le 16 septembre, ou bien son successeur Charles VI15) sur la commande du maire de Beauvais, endosse dans le prologue lidentité de sa source – « je propre juge Guy de la Columpne Mesane » (p. 96, l. 36)16 – comme une manière de proclamer la littéralité de sa traduction. Il tâche de rendre la lettre du texte par le rythme de la prose et par une abondance de latinismes, suivant les pratiques traductrices de la période. Entachée de quelques lectures fautives (dans les noms propres) et de quelques incomplétudes factuelles, sa translation qui négale pas la prose latine en restitue cependant la facture stylistique17. Lauteur relaie, sans latténuer, le tropisme catastrophiste de Guido qui, en des temps difficiles, et aussi délicat soit-il pour nous den estimer linfluence, trouve en toute vraisemblance quelques résonances à la cour de France.

Les textes et les éléments contextuels dont nous disposons ne laissent guère affleurer une conscience parodique efficiente. La gravité quaffichent Guido et son traducteur français nest pas un leurre, mais une déontologie 456revendiquée dans le prologue où ils exposent ce quest lhistoire, comment on lécrit et quels buts on lui assigne18. Cette entrée, assez singulière en ce quelle remanie les topoï, se focalise sur la volonté dénoncer enfin la vérité « de la dicte hystoire » que lauteur veut « escrire et enregistrer sans aucune ficcion » (p. 96, l. 38). À lappui de cette règle, il récuse avec soin Homère, mais également Virgile et Ovide qui introduisent dans le cours de la narration « aucunes fictions et poëtries19 [adjoutees] par si estranges figures que il pouoit sembler a ceulx que ces fictions veoient que ce feust dautre matiere pour leur parole trop obscure » (p. 95, l. 18-20). Et il choisit sans surprise Darès et Dictys, mentant effrontément puisque sa source, réelle mais jamais nommée, est lœuvre séminale de Benoît. Les auteurs pointent toutefois les limites des deux proses latines : par « le[ur] stile et une maniere si briefve de escrire », elles sont contraintes en effet dabandonner les « moult de particulieres histoires » (p. 96, l. 45-46). Guido A, respectueux de sa source, semploie donc à combler les manques et les ellipses, en reconstituant ces « hystoires » – cest-à-dire en réécrivant et/ou en amplifiant en réalité les « aucun buen dit » (v. 142) que soctroyait Benoît – dont le traitement de lamour est le point dorgue.

Le dessein est d« engrandir plaisir et deduit a ceulx qui les voulront convenablement escouter ou lyre » (p. 96, l. 47-48). Ce divertissement réside, sans quil en soit fait expressément mention, dans un style aux antipodes de la prose sèche et sans aspérités des textes latins. Il est doublement fondé, pour la forme, sur lamplificatio20 et, pour le contenu, sur « la plaisant verité des particulieres histoires » (p. 96, l. 47). Les termes « plaisir » et « deduit » ou encore « plaisant » ninduisent ni légèreté ni distanciation mais, par le truchement des affects21, un état de réceptivité plus aiguë à la dimension édifiante de lhistoire. Lauteur aspire en effet à « donner vigour et hardement densuivir les preux et 457les vaillans en la vertu ymaginative et a lesperit de tous les lisans qui ont bonne volenté et certain propos de leur corps employer en fais de vertus » (p. 95, l. 12-14). Il vise plus spécifiquement le « proufit et deduit de ceulx qui entendent gramaire et sceivent la verité distinguer de la falase » (p. 96, l. 35-36). Le lecteur est ainsi dépeint, compris dans une communauté interprétative qui rassemble notables, prélats et nobles laïques cultivés, en France comme en Italie, autour de valeurs et de codes poétiques similaires ou voisins22.

Dans une telle configuration, lhistoire de Troie, par sa plasticité, par le caractère universel de ses situations autour de lamour et de la guerre, répond, comme tout mythe, à ce qui taraude les consciences, à ce qui agite les émotions, à ce qui motive les actes, à ce qui règle le sort des sociétés. Les deux proses officient à travers elle comme dimplacables machines à déconstruire lamour par un régime constant de lexcès. Cest ce régime précisément qui peut heurter le lecteur et faire naître lidée de parodie.

UNE ESTHÉTIQUE DE LEXCÈS
ET LE SOUPÇON DE LA PARODIE

Inféodé à lesthétique de son temps, léditeur de lHistoria, Nathanaël Griffin, est très sévère à lendroit de Guido. Il accable une œuvre faite à la va-vite, en trois mois, caractérisée, en dépit de passages fort soignés, par un style médiocre avec des fautes de syntaxe et des phrases incomplètes. Dans un jugement de valeur qui relève dun écart de goût et de formation, il critique plus encore la rhétorique ampoulée et boursouflée dont sont empreints les épisodes amoureux, et il regrette le manque dhumour, cet humour que Benoît savait distiller ici ou là, par exemple dans lépisode consacré à Briseida et Troïlus23. Cest dans cette copia verborum, que met à lindex Griffin, que pourrait sopérer un déplacement 458parodique, destiné moins à faire rire quà faire ressentir, sous un effet de loupe grossissante, les dangers de lamour. Lamplificatio se fait alors, aussi, soulignement, exagération, emphase24. Lauteur de la première traduction, linguiste avant que dêtre un interprète distancié, lentend ainsi lorsquil se cale scrupuleusement sur la prose latine25.

Le traducteur reformule en français les ressources du langage romanesque courtois que mobilise Guido. Le renouvellement ne se constate pas vraiment dans lornatus facilis26 qui passe davantage par les figures de pensées, dont laccumulation avec la liste dépeignant les réactions physiques de Médée victime du désir amoureux, que par les figures de mots comme la répétition ou lanaphore. Il est plus tangible dans lornatus difficilis qui privilégie lethos, plus propice que le pathos à lanalyse et à lintrospection. Le traducteur multiplie les métaphores et les comparaisons. Il décrit de la sorte le coup de foudre qui frappe Médée lorsquelle entre dans la salle où se tient Jason :

Et ce regard qui le ceur lui remplissoit de plaisance saoulait lestomac du ceur tellement que cellui du corps estoit saoullé et raemply. (p. 113, 443-444)

Le topos du regard est intriqué à une métaphore physique quil reprend et peaufine quelques lignes plus loin :

Cest la doulce et amere savour qui de plaisance si descent et trait le chetif et aveugléz amans que de tant que plus le goustent et plus en reçoivent, de tant sont ilz plus appetisans. Car lestomac saouléz asséz tost aprés digere et retourne en son cueur les plaisans desirs et delicieux solas esprouvéz, et puis en est de pou en pou plus gloutement desirans et temptéz. (p. 121, 665-670)

Prise à la lettre, cette métaphore dénote un processus physique qui, autour du sème de cœur, confond organe et sentiment, ramenant lamour à une pulsion désirante, insatiable et animale, dévolue invariablement 459à la femme dans la tradition cléricale misogyne médiévale27. Lauteur sait retravailler les métaphores existantes, bricolant les combinaisons et les complémentant par de nouveaux éléments :

Adonc de son doulx cuer naist et sourt ung doulx fleuve de amoureuses larmes, arrousans et rempans ces joes rosees et savouré viaire, courans continuelment par les conduis de ses deux vairs et gracieux yeulx. Et ainsi en souppirant, et de parfont cuer la fontainne de plour rendant de sa belle bouche, disoit et faisoit tele lamentation en son amy regrettant. (p. 125, l. 759-764)

La verve métaphorique et comparative grâce à une valse adjectivale très élaborée se déploie tout à loisir dans le portrait dHélène qui surgit comme une apparition aux yeux de Pâris. Le traducteur préserve globalement lordre descendant canonique et, tel un peintre, sappesantit sur le jeu des couleurs et sur les tracés du corps et du visage. Il sempare des qualifications attendues (p. 178-179), mais il les juxtapose, les mêle et les enrichit : la description des cheveux combine couleur (« chevelure doree », « raie plus blanche que neige »), disposition (« fiz blons et doréz par proporcion magistraulment disposéz et trechiés »), composition avec un jeu danamorphose28 :

[] onny et plain, plus blanc que lait. Dont parmi ces deux temples la clere onde de la verberacion de son cring faisoit une couleur dun rain comme or reluisant sur le plain front sans fronche apperent entre ces deux treches de coulour changant puis blanche puis flammant. (p. 178, l. 2034-2036)

Lauteur sessaie à dautres comparaisons dans des sortes dembryons encyclopédiques. Il sollicite, outre les lapidaires, la géométrie (« le nez traictis qui par rele droicte descent et depart les II joes agaument », l. 2045-2046), lastronomie (« ses deux yeulx vers et estincelans comme deux planettes jettans une clarté et ray attrayant », p. 179, l. 2040-2041), la flore (« une rose en lait mouillé », l. 2051 ; « comme deux roses ou rouges boutons », l. 2055 ; « comme rose meslee avec fleur de liz », l. 2061), la couture (« la papilliere garnie dun pourfil de long 460et de delié fil », l. 2042-2043). Le cocktail est tel – le corps devient comme un microcosme de lunivers – quil interdit une visualisation du personnage. Le cumul et la dispersion que suscite la collusion des comparaisons aboutissent paradoxalement à une fragmentation réduisant la beauté dHélène à un corps disloqué qui ne peut sembrasser dun seul regard par limagination. Leffet-portrait fait suspecter un morceau de bravoure ambigu où la composition savante enclôt une décomposition, symbole dune « semblance » illusoire et trompeuse, comme lest la femme.

Un type dexcès similaire alimente les fort nombreuses interpellations que lauteur formule indifféremment au lecteur ou auditeur, son public supposé, et aux personnages quil fustige pour leur attitude ou quil plaint devant le sort qui les attend29. Les considérations misogynes sont dans le droit fil de limage de la femme, forgée dans les premiers siècles de la Chrétienté et relayée par la tradition patristique, toujours vivace au xiiie siècle chez Brunet Latin ou chez des auteurs comme Jean de Meun, entouré dune sulfureuse réputation que prouve la fameuse querelle déclenchée par son Roman de la Rose30. Lauteur a cette spécificité de répartir son argumentaire entre pathos et logos. Dune part, il sapitoie sur les hommes, victimes de linconstance inhérente aux femmes, et les prévient contre elles :

O chetive et affolee noblesce, [] naie pas grant foy de croire et cuider force et confiance en fragilité feminine dont le courage est tous jours muable et qui ne savroit ou ne pourroit estre estable, especiaument quant elle est jeune et experte et plaine de divers desirs ! (p. 112, l. 423-426)

Dautre part, il éclaire son propos en définissant la nature féminine par essence faible :

Cest aussi chose certainne que la femme naturelement desire compaignie domme, si comme matiere et chose imparfaicte desire sa fourme et sa perfection. (p. 112, l. 427-428)

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Sa doxa renvoie à celle de saint Augustin, résumée par Howard Bloch entre autres : lhomme est la forme, ou lesprit, et la femme, image dégradée de la seconde nature de lhomme, est reléguée dans le domaine de la matière31. Mais le style fleuri et orné, en dépassant la simple expression dune vérité théologico-philosophique, lui donne une force percutante et rend plus prégnante encore la culpabilité de la femme dans la catastrophe annoncée, les hommes eussent-ils leur part de responsabilité. Au même titre que les discours délégués aux personnages, ces interventions narratoriales créent une dramatisation sans cesse entretenue et décuplée qui, pour léditeur de Guido, verse dans la grandiloquence32. Cette appréciation risque de voiler lempathie de lauteur avec son auditoire ou lectorat et damoindrir sa volonté de ficher dans lesprit du lectorat un récit mué en exemplum démesuré, nouant le sententiel au compassionnel.

Lécriture négative des amours na pas nui au rayonnement de la première traduction française, transmise par six manuscrits ou fragments de manuscrits dont certains sont illustrés, majoritairement dans les États bourguignons où lhistoire de Troie est très en vogue33. Cest que, et ce nest pas le moindre des paradoxes, lors même quils lencadrent dun jugement moralisateur et lencodent de prédicats négatifs, les auteurs montrent une certaine jouissance à dépeindre la beauté de la femme, à mimer les délices et les tourmentes de lamour, à en suggérer la sensualité et lérotisme. Par cette catharsis, le public de seigneurs et de dames des cours de France et de Bourgogne est mis en demeure de purger ses péchés et dextraire de lhistoire de Troie une leçon de comportement à méditer. De même, les prélats auxquels sadressent aussi les œuvres peuvent y voir incarner et exemplifier leurs théories sur la femme et la bonne conduite à tenir avec elle. On est fondé à se demander si lauditoire interprétait ce parti-pris de « lexagération » au sens originel comme un déplacement parodique.

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DUNE RÉCEPTION À LAUTRE

La question est dautant plus légitime que la facture des textes tranche avec les mises en prose du roman de Benoît de Sainte-Maure qui séchelonnent du xiiie au xive siècle34. La comparaison est aisée à faire pour le lectorat, car la version du manuscrit BL Royal 20. D. I, en provenance de Naples, lune des plus anciennes, arrive au même moment, en 1380, à la cour de France, où elle est répertoriée et rangée dans la librairie du Louvre35. Cette cinquième mise en prose, insérée dans la deuxième rédaction de lHistoire ancienne jusquà César, connaît une fortune si spectaculaire quelle éclipse sans doute pour un temps la traduction guidoéenne. Prose 5 est une summa de la matière troyenne, qui compile maintes sources : le roman en vers, les proses antérieures, des récits étiologiques, les proses latines de Darès et de Dictys, les épîtres traduites en prose des Héroïdes dOvide et quelques autres œuvres plus ou moins identifiables36. Cette mise en prose se distingue par une esthétique de la mesure. Sous la plume dun narrateur discret, le contenu y est épuré et ramassé, à la fois dénué de pathos et avare en morceaux de bravoure. Lauteur est exhaustif quant aux événements, mais moins prolixe et détaillé dans la narration des faits : sil relate in extenso les amours de Jason et de Médée, il est peu disert sur les débats intérieurs et la description des souffrances ; il sacrifie des discours, dont celui de Pâris à Hélène ; il se garde de jugements, sur linfidélité de Briseïda en particulier. Le style est au diapason, tout de sobriété, parfois archaïsant.

Le pari dune prose qui ne sétale pas nexclut pas la sophistication ni les trouvailles langagières dont le portrait dHélène porte témoignage37. Lauteur peint, dans lordre descendant topique, le physique 463de lhéroïne, ses parures de pierres précieuses aux vertus déclinées dans des micro-récits, puis de nouveau le physique. Cet exercice fort maîtrisé dans lequel le lapidaire prime la prosopographie est conforme au projet que définissait Benoît dans sa célèbre métaphore de la forteresse de mots, érigée sur la mesure et lharmonie (v. 132-137). Il est repensé au filtre de lidéal du juste milieu, prôné par les clercs dans la mouvance de Thomas dAquin, dont le célèbre contemporain du Dominicain, Brunet Latin, qui a exercé une grande influence sur Prose 1 que recopie en partie Prose 538. Par la compilation et la réécriture, le programme initial, et initiatique, du roman en vers est « actualisé » à la façon dont lentend Yves Citton, dans le sens dun dépassement39. Il débouche sur la fabrique dun nouveau mythe littéraire qui exalte un idéal de civilisation au prisme dun amour total, spirituel et charnel, dont Hélène et Pâris sont la vive incarnation. Emblématisant laccomplissement de lHomme ici-bas, fût-ce le temps dune civilisation, Troie est, par excellence, la cité modélisante qui rivalise avec la cité de Dieu, mythe certes indépassable, mais bousculé ici par la fiction40.

Promouvant une esthétique radicalement différente, comme le revers de la même médaille troyenne, Guido et son traducteur insistent sur le renversement fatal des destinées41. Ils « désidéalisent » Troie, renvoyée à son destin de cité mortelle parce que trop humaine, et ils noircissent en corollaire lamour dHélène et de Pâris, passion impossible à juguler et racine dun désordre mortifère et mortel (livre VII, p. 176-177). Cette idéologie déceptive dans laquelle lHomme est seul comptable de son destin – le titre dun article de Jean-Claude Mülhethaler, « Quand Fortune, ce sont les hommes », lexprime fort bien42 – émane 464dune écriture à double entente, toute tendue entre éloge et blâme, volontiers exhibitionniste, qui bénéficie des précédents latins et de la source vernaculaire, mais tout aussi bien de lexpérience poétique de Guido. À linstar dautres fonctionnaires laïques, notaires et juristes, le juge de Messine aurait appartenu en effet à lécole sicilienne, première école poétique italienne fondée par Giacomo de Lentini en 1230, qui ne perdure quune trentaine dannées, jusquen 1266, mais dont la réputation sétend, à la faveur de fructueux contacts, à toute lItalie, au sud de la France et aux milieux du Nord43. Rattaché à la civilisation de la Magna Curia de Frédéric II (1194-1250), empereur polyglotte, philosophe, esprit encyclopédique, qui règne sur Palerme et Messine44, ce groupe de poètes transpose en dialecte italien la tradition provençale acclimatée aux chansons populaires siciliennes45. Lempereur sadonne lui-même à cette poésie, ainsi que, parmi dautres, Guido, cité par Dante comme modèle dans son De vulgari eloquentia (2.5) sous le nom de « judex de Messina46 ». Son trait majeur est linfléchissement du contenu de la finamor, qui récuse toute mystique ou toute transcendance : il sagit damours humaines, dune aventure sentimentale dans un cœur tourmenté par la traîtrise, la séparation… qui connaît la précarité des choses. Il se traduit par lusage dimages naturalistes et de métaphores scientifiques qui constituent les prémisses dune phénoménologie amoureuse. Celles-ci, précisément, affleurent dans lHistoria et sa traduction où la profusion de latinismes accréditent 465une « scientifisation » du discours poétique sous légide dune pragmatique de lamour47.

Limmense succès du juge de Messine, que John Lydgate qualifie de master, tient à cette nouveauté formelle combinée avec la tradition lyrique et romanesque, qui enregistre sous un jour original les affres de lamour et sa nature destructrice. Par un style empreint daffects, Guido mise sur les puissances de la suggestion et de la persuasion, enjoignant le spectateur à sonder les coutures de lhistoire troyenne pour lui donner à voir et à sentir sur quelles sombres mécaniques, soigneusement floutées ou masquées par Benoît, elle repose. Le style ou la forme sens satisfait un désir defficacité dans la dénonciation des comportements et dans la condamnation des ravages de lamour et de la guerre à lorigine dune rhapsodie de malheurs. Cette marque de fabrique est donc plus un label de qualité apposé au discours amoureux quun instrument parodique concerté. Ainsi perçue, la rhétorique de Guido est dépourvue dune « intentionnalité ludique ». Elle invite plus sûrement à une lecture tragique de la guerre de Troie. Cest ainsi en tout cas quen 1452, Jacques Milet, « estudiant en loys en luniversité dOrleans », traduisant une partie de lHistoria en quelque 28 000 vers, linterprète dans sa pièce de théâtre intitulée lIstoire de la destruction de Troie la Grant par personnages, quil nomme « transgredie ». Pour la critique, il compose la première tragédie en français48.

Les avatars de lHistoria conduisent à réfléchir sur la motivation et la pertinence du regard décalé que le lecteur moderne jette sur les ornements rhétoriques mais dont il paraît audacieux de gratifier son alter ego médiéval. Cette perception probablement naïve, anachronique et subjective naît de la facture du texte qui, au cœur même de la constellation troyenne, crée un net différentiel dans la saisie de la légende. Elle provient encore de la distance temporelle que jalonnent la confrontation et le feuilleté des esthétiques et la différence radicale 466des horizons dattente et des contextes49. Tous ces facteurs ne font pas du lecteur moderne un « lecteur modèle50 » et menacent, à laube du xxie siècle, de le reléguer au seuil des textes. Pourtant, si certains sens nous échappent, dautres que Guido navait pas anticipés sébauchent sans contrevenir à ses objectifs, dont le tout premier est de transmettre une histoire exemplaire, « ung fait et chose si notable ; et pour ce que cest chose digne de memoire pardurable… » (p. 95, l. 15-16). En désacralisant lamour par la mise au jour des craquelures et fissures qui en entaillent les codes, il cherche en effet à exemplifier, à dépasser par la généralisation les cas singuliers, au-delà de la référence à des héros bien connus. Il œuvre en prédicateur : il adopte la recette éprouvée dans les sermons et traités moraux, par ses commentaires et ses moralisations, par ses prières et invocations à Dieu ou par sa compassion et sa colère envers lhumanité pécheresse. Or, il ny a pas loin du prédicateur au satiriste. Tout comme le premier, le second veut susciter une prise de conscience chez son public gouverné par ses passions et voué à se perdre51. Ce voisinage étroit entre prêche, satire et parodie est très sensible dans la virulente stigmatisation des femmes, qui démarque quelque peu le catalogue de leurs vices, dressé entre autres dans la fameuse satire VI de Juvénal. Par une intertextualité consciente et diffuse – le poète latin étant un référent rhétorique pour la misogynie médiévale cléricale –, cette collusion registrale incline à penser que, sous un discours éminemment tragique, Guido propose une parodie par anticipation de lamour humain au miroir de lhistoire troyenne52.

Dans le domaine de lamour extrêmement balisé et traversé de traditions, lhistoriographie troyenne ne fréquente que de loin la satire et la parodie, par des pas de côté et par les ramages dont se pare la rhétorique. Si elle y consent, cest moins par une tentation ludique que par le souci de condamner la condition de lHomme privé des lumières de la Révélation et du véritable amour. La réécriture troyenne de Guido, prise 467dans les filets de la parodie et/ou de la tragédie selon les points de vue et les horizons dattente, délivre un surplus de sens suffisamment riche sur lévénement pour faire naître des lectures qui se superposent ou se juxtaposent plutôt quelles ne sopposent ni ne sannulent, des lectures qui réclament la participation active dun lecteur critique, susceptible déclairer dans le temps long le sens de lHistoire.

Catherine Croizy-Naquet

Université de la Sorbonne Nouvelle-Paris 3

EA 173

1 J.-Cl. Mühlethaler, Fauvel au pouvoir : lire la satire médiévale, Paris, Champion, 1994, p. 30.

2 É. Hicks, « Tirer sur la révérence : la prise de parole parodique », Formes de la critique : parodie et satire dans la France et lItalie médiévales, éd. J.-Cl. Mühlethaler, A. Corbellari, B. Wahlen, Paris, Champion, 2003, p. 215-234, ici p. 215.

3 Guido de Columnis, Historia Destructionis Troiae, éd. N. Griffin, Cambridge, Massachusetts, 1936 ; réimpr. New York, The Mediaeval Academy of America, 1970 ; Guido delle Colonne, Historia Destructionis Troiae, transl. with an introduction and notes M. E. Meek, Bloomington, Indiana University Press, 1974.

4 Le Roman de Thèbes, éd. et trad. A. Petit, Paris, Champion, 2008 ; Le Roman dEneas, éd. et trad. A. Petit, Paris, LGF, 1997 ; Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, éd. L. Constans, Paris, Firmin Didot, 6 vol., 1904-1912 ; voir aussi Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, éd. et trad. partielles E. Baumgartner, Fr. Vielliard, Paris, LGF, 1998.

5 Consulter lédition de M. Milhat, LHistoire de Troie au xve siècle. Édition critique de la première traduction française de lHistoria Destructionis Troiae de Guido delle Colonne, Thèse pour le diplôme darchiviste paléographe, École nationale des chartes, 2012. Lédition paraîtra chez Champion, dans les CFMA.

6 J.-Cl. Mühlethaler, « Comment déceler lintentionnalité ludique ? », Poétique, 117, 2015, p. 5.

7 Voir, dans cette perspective, N. Loraux, « Éloge de lanachronisme en histoire », Espaces Temps, 87-88, 2005, p. 127-139.

8 Parmi les nombreux travaux traitant de cette question, voir notamment, outre ceux de J.-Cl. Mühlethaler, D. Sangsue, La parodie, Paris, Hachette, 1994 ; M. Bonafin, Contesti della parodia. Semiotica, antropologia, cultura medievale, Turin, UTET, 2001 ; G. Agamben, « Parodie », Profanations, trad. M. Rueff, Paris, Payot et Rivages, 2005, p. 39-59 ; P. Aron, « Parodie », Dictionnaire du littéraire, éd. P. Aron, D. Saint-Jacques, Paris, PUF, 2006, p. 439-440 ; Y.-M. Tran-Gervat, « Pour une définition opérationnelle de la parodie littéraire : parcours critique et enjeux dun corpus spécifique », Cahiers de narratologie, 13, 2006, en ligne.

9 Se reporter à M.-R. Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, Bâle-Tübingen, Francke, 1996, p. 563-569.

10 Joseph Iscanus, Werke und Briefe, éd. L. Gompfe, Leyde-Cologne, Brill, 1970 ; Joseph dExeter, LIliade, épopée du xiie siècle sur la guerre de Troie, dir., trad. et notes Fr. Mora, Turnhout, Brepols, 2003.

11 Joseph dExeter, LIliade, épopée du xiie siècle sur la guerre de Troie, p. 26.

12 Sur le contexte historique, voir par exemple St. Runciman, Les Vêpres siciliennes, Paris, Les Belles Lettres, 2008 ; N. G. Chrissis, Crusading in Frankisk Greece. A Study of Byzantine-Western Relations and Attitudes, 1204-1282, Turnhout, Brepols, 2012, p. 285 et suivantes.

13 Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, p. 565 et suivantes.

14 Jung, La légende de Troie, p. 570-580.

15 Il est difficile de trancher : le contexte historique qui fait écho à celui de Guido plaide en faveur de Charles VI par un même état de crise. Sur ces deux rois, consulter notamment Fr. Autrand, Charles V le Sage, Paris, Fayard, 1994, et Charles VI. La folie du roi, Paris, Fayard, 1986.

16 Toutes nos citations du texte sont daprès lédition de Milhat, LHistoire de Troie au xve siècle.

17 C. Croizy-Naquet, « Traduire ou renouveler lhistoire troyenne : la première traduction française de lHistoria destructionis Troiae de Guido delle Colonne », Variations sur le mythe : La légende de Troie de lAntiquité tardive au Moyen Âge, dir. E. Amato, E. Gaucher-Rémond et G. Scafoglio, Université de Nantes, Cahiers de LAMo, 2, 2014, en ligne.

18 Croizy-Naquet, « Traduire ou renouveler lhistoire troyenne ».

19 À entendre sans doute au sens de « fable mythologique ». Sur cette notion, voir la mise au point dH. Campangne, Mythologie et rhétorique aux xve et xvie siècles en France, Paris, Champion, 1996, p. 18-21.

20 En son sens médiéval de « faire long » : E. Faral, Les arts poétiques du xiie et du xiiie siècle. Recherches et documents sur la technique littéraire du Moyen Âge, Paris, Champion, 1983 [1re éd. 1924], p. 61.

21 Sur cette notion, voir par exemple I. Rosier-Catach, « Discussions médiévales sur lexpression des affects », Le sujet des émotions au Moyen Âge, dir. P. Nagy, D. Boquet, Paris, Beauchesne, 2008, p. 206-215.

22 Voir Milhat, LHistoire de Troie au xve siècle, p. v et suivantes ; C. Croizy-Naquet, « Deux lectures du Roman de Troie au xve siècle, deux lectorats ? », Byzance et lOccident III. Écrits et manuscrits, dir. E. Eghedi-Kovacs, Budapest, Collège Eötvös József, 2016, p. 217-232.

23 Éd. Griffin, p. 163-166.

24 Sur ces termes et leur signification ancienne, voir St. Macé, « Lamplification, ou lâme de la rhétorique. Présentation générale », Exercices de rhétorique, Sur lamplification, 4, 2014, p. 1-26 (en ligne) ; Lemphase : copia ou brevitas ? (xvie-xviie siècles), dir. M. Levesque, O. Pédeflous, Paris, PUPS, 2009.

25 Croizy-Naquet, « Traduire ou renouveler lhistoire troyenne ».

26 A. Petit, Naissances du roman. Les techniques littéraires dans les romans antiques du xiie siècle, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1985, p. 733 et suivantes ; Fr. Mora, « Metre en romanz. » Les romans dantiquité du xiie siècle et leur postérité (xiiie-xive siècle), Paris, Champion, 2008, p. 364 et suivantes.

27 Voir, parmi de nombreux travaux, H. Bloch, Medieval Misogyny and the Invention of Western Romantic Love, Chicago, Chicago University Press, 1991 ; du même auteur, « La misogynie médiévale et linvention de lamour en Occident », Les Cahiers du GRIF, 47, 1993, p. 9-23.

28 Voir, par comparaison, le protocole descriptif de Benoît : C. Croizy-Naquet, Thèbes, Troie et Carthage. Poétique de la ville dans le roman antique, Paris, Champion, 1994, p. 155-228.

29 Sur ce point, voir C. Croizy-Naquet, « LHistoria Destructionis Troiae et sa première traduction française : aux origines dun mystère profane », Théâtre et révélation. Donner à voir et à entendre au Moyen Âge. Hommage à Jean-Pierre Bordier, dir. C. Croizy-Naquet, St. Le Briz-Orgeur, J.-R. Valette, Paris, Champion, 2017, p. 363-370.

30 Se reporter notamment à Bloch, Medieval Misogyny, chapitre 2, « Early Christianity and the Estheticization of Gender ».

31 Sur les « grands écrivains misogynes des premiers siècles de la chrétienté », voir Bloch, « La misogynie médiévale et linvention de lamour en Occident », p. 10 et suivantes. Se reporter aussi à Brunet Latin, Li Livres dou Tresor, éd. Fr. J. Carmody, Berkley-Los Angeles, University of California Press, réimpr. Genève, Slatkine, 1975, II, 106, p. 290, dont on peut supposer quil était connu de Guido comme lattestent les points de convergence avec Prose 1.

32 Éd. Griffin, p. 166.

33 Éd. Milhat, p. 1-12 ; Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, p. 575-580.

34 Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, p. 440-562 ; A. Rochebouet, « Dune pel toute entiere sans nulle cousture ». La cinquième mise en prose du Roman de Troie, édition critique et commentaire, thèse de doctorat, dir. G. Roussineau, Université Paris IV-Sorbonne, 2009, p. 287-354. Voir aussi LHistoire ancienne jusquà César, éd. Y. Otaka, introduction, bibliographie C. Croizy-Naquet, Orléans, Paradigme, 2016.

35 Consulter Rochebouet, « Dune pel toute entiere sans nulle cousture », p. 70.

36 Sur le travail des sources de Prose 5, voir Rochebouet, « Dune pel toute entiere sans nulle cousture », p. 287-348.

37 Voir léd. Otaka, p. 260-262, § 211-212.

38 Sur Prose 1, consulter Fl. Tanniou, « Raconter la vraie estoire de Troye ». Histoire et édification dans le Roman de Troie en prose (Prose 1, version commune), thèse de lUniversité de Paris Ouest-Nanterre La Défense, 2009.

39 Y. Citton, Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ?, Paris, Éditions Amsterdam, 2007, en particulier le chapitre xiii, « Actualisations ».

40 Sur ce texte, voir notre introduction à LHistoire ancienne jusquà César, éd. Otaka, p. 38-65.

41 C. Croizy-Naquet, « Fortune et le sens de lhistoire dans la première traduction en prose française de lHistoria Destructionis Troiae de Guido delle Colonne », La question du sens au Moyen Âge. Hommage au professeur Armand Strubel, dir. D. Boutet, C. Nicolas, Paris, Champion, 2017, p. 305-320.

42 J.-Cl. Mülhethaler, « Quand Fortune, ce sont les hommes. Aspects de la démythification de la déesse, dAdam de la Halle à Alain Chartier », La Fortune. Thèmes, représentations, discours, dir. Y. Foehr-Janssens et E. Métry, Genève, Droz, 2003, p. 177-206.

43 La question de savoir sil sagit bien du même auteur reste débattue : voir en particulier C. Calenda, « Scuola poetica siciliana », Federiciana, Treccani, 2005 ; R. Chiàntera, Guido delle Colonne. Poeta e storico latino del sec. xiii e il problema della lingua della nostra primitiva lirica darte, Napoli, Casa Editrice Federico & Adria di P. Federico, 1956 ; G. Contini, « Le rime di Guido Delle Colonne », Bollettino del Centro di Studi Filologici e Linguistici siciliani, 2, 1954, p. 178-200 ; G. Contini, Frammenti di filologia romanza, Firenze, Edizioni del Galluzzo, 2007, vol. I, p. 235-264.

44 Consulter par exemple G. Masson, Frédéric de Hohenstaufen, trad. angl. A. D. Toledano, Paris, Albin Michel, 1957 ; D. Abulafia, Frederik II. A Medieval Emperor, Londres, Allen Lane-The Penguin Press, 1988.

45 Voir A. Di Stefano, La cultura alla corte di Federico II imperatore, Bologne, Zanichelli, 1950 [1re éd. 1938], chapitre iv, p. 222 et suivantes sur la poésie à la cour ; Poeti alla corte di Federico II. La scuola siciliana, dir. C. Ruta, Di Renzo, 2003 ; I poeti della Scuola siciliana. Vol. 2. Poeti della corte di Federico II, dir. C. Di Girolamo, Milano, Mondadori, 2008. Des poèmes de Guido se lisent dans B. Panvini, Le rime della Scuola siciliana, Firenze, Olschki, 2 vol., 1962-1964.

46 Voir aussi II, v, 4 (« Iudex de Columpnis de Messana ») ou II, vi, 6 (« Iudex de Messana »).

47 Voir ainsi le traitement réservé au cœur chez ces poètes, dont Guido, dans J. Lacroix, « Bon vouloir et pouvoir du cœur chez les poètes siciliens à la cour de Frédéric II de Hohenstaufen », Le « cuer » au Moyen Âge, Senefiance, 30, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 1991, p. 187-204.

48 Elle est adressée à Charles VII, au duc Charles dOrléans et au comte Charles dAnjou : voir Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, p. 603 ; du même, « Jacques Milet et son Épître épilogative », Mélanges détudes romanes du Moyen Âge et de la Renaissance offerts à Jean Rychner, Travaux de linguistique et de littérature, 16/1, 1978, p. 241-258.

49 On renverra sur ce point à louvrage pionnier dH.-R. Jauss, Pour une esthétique de la réception, trad. Cl. Maillard, Paris, Gallimard, 1978.

50 U. Eco, Lector in fabula. Le Rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs, trad. M. Bouzaher, Paris, Grasset, 1985.

51 Mühlethaler, Fauvel au pouvoir, p. 404 et suivantes.

52 Dans la veine du plagiat par anticipation de P. Bayard, Le plagiat par anticipation, Paris, Minuit, 2009.