Women in top management When corporate and investment banking resists…
- Publication type: Journal article
- Journal: Socio-économie du travail
2020 – 2, n° 8. Genre et politiques de l’emploi et du travail - Authors: Di Paola (Vanessa), Épiphane (Dominique)
- Pages: 61 to 89
- Journal: Social Economy of Labor
L’accès des femmes au top management
Quand la banque de financement
et d’investissement résiste…
Vanessa di Paola
Aix-Marseille Université, CNRS, Lest, CAR Céreq
Dominique Épiphane
Céreq, Lest, CAR Céreq
Introduction
Dans la plupart des pays européens, une ségrégation verticale, relative au fait que les femmes sont sous-représentées parmi les professions supérieures et d’encadrement, perdure et ce, malgré des avancées récentes, en lien avec les obligations faites aux entreprises en matière d’accords sur l’égalité professionnelle ou de lutte contre les discriminations (di Paola et al., 2018). Comme l’illustrent de nombreux travaux sur le « plafond de verre », les positions d’encadrement restent toujours l’apanage des hommes (Laufer, 2005 ; Buscatto et Marry, 2009). Les pratiques de sélection pour un poste reposent de façon prégnante sur des caractéristiques mal définies, laissant une grande part aux jugements subjectifs (Borgogno et al., 2003) et peuvent donc avoir de réels effets quant à l’exclusion de certaines catégories de personnes, en particulier dans l’accès aux postes les plus prestigieux. Les entreprises comme d’autres types d’organisations sont façonnées par le genre et en retour, contribuent à reproduire les inégalités sexuées (Buscatto et Marry, 2009). Ainsi, les 62femmes, même fortement diplômées, font souvent, dès le début de leur carrière, les frais de leur appartenance à leur catégorie de genre (di Paola et al., 2017 ; Couppié et Épiphane, 2006 ; Épiphane, 2002). Même si les critères utilisés ne sont pas tous juridiquement discriminatoires, ils sont les marqueurs d’une forme de « pré-jugement » qui peut s’apparenter à de la discrimination (Marchal et Rieucau, 2006). En effet, nombre d’études ont montré combien les femmes font l’objet de sanctions pratiques ou symboliques telles que la naturalisation disqualifiante des compétences, une mise à l’épreuve des capacités professionnelles, des entraves à la carrière ou encore la confrontation au sexisme, que celui-ci soit hostile ou bienveillant (Buscatto et Marry, 2009 ; Épiphane et al., 2011). Ainsi, les responsables des recrutements vont supposer comme statistiquement corrélés des critères (visibles) avec des qualités (invisibles) qu’elles et ils souhaitent des collaborateurs et collaboratrices en général (Sénac-Slawinski, 2005 ; Cortéséro et al., 2013) et aux postes de pouvoir en particulier. Quels que soient les contextes organisationnels, prédomine une gestion sexuée des compétences et des carrières qui conduit à dénier aux femmes pouvoir et autorité dans l’entreprise (Laufer, 2004).
Le secteur de la banque et de la finance n’échappe pas à la règle. Alors que les femmes y sont majoritaires, représentant 52 % des effectifs parmi 71 des plus grandes banques de 20 pays différents (allant jusqu’à 61% au Canada1), leur part varie très fortement selon les métiers et diminue avec le prestige et le salaire (Mignot-Gérard et al., 2018). Pourtant, impulsée par les politiques publiques qui exigent des entreprises davantage d’égalité salariale et de parité dans l’accès aux différents postes, la féminisation de certaines professions et fonctions, en particulier d’encadrement, est à l’œuvre.
Cette féminisation est congruente avec de nouvelles façons de manager et fait écho aux « bienfaits de la mixité » mis en avant dans les discours RH, la considérant comme un élément important de la performance et de la compétitivité des entreprises (Meynaud et al., 2009) ; les femmes sont en effet supposées apporter de nouvelles « compétences féminines » à cette fonction telles que l’écoute, la recherche du consensus, le pragmatisme… (Chaintreuil et Épiphane, 2014). Cependant, des points de résistances majeurs au processus de 63féminisation de l’encadrement supérieur perdurent (Guillaume et Pochic, 2007).
L’originalité de cet article est de montrer, à travers l’exemple d’une entreprise européenne du secteur bancaire ayant, depuis longtemps, mis en place de nombreuses actions pour favoriser l’égalité femmes-hommes, comment ces points de résistances prennent forme, prospèrent et mutent.
Nous exposerons d’abord la politique de l’entreprise qui a émergé au cours de ces vingt dernières années ainsi que les motivations invoquées pour favoriser la féminisation des postes d’encadrement afin de mettre au jour les représentations et d’identifier les postulats sous-jacents dont elles se nourrissent. Nous verrons ensuite en quoi cette féminisation ne repose pas sur une réelle remise en question ni des modèles organisationnels ni des modalités de carrière. Nous déclinerons enfin les différentes formes de résistances à l’œuvre : non seulement celles relevant d’obstacles traditionnellement évoqués pour expliquer le plafond de verre mais aussi celles liées, notamment, aux effets pervers d’une telle politique.
1. Méthodologie
La recherche a été menée dans le cadre d’un programme de recherche
ANR (WOman in MANagement2). Les analyses présentées ici reposent sur la monographie d’une grande entreprise européenne du secteur bancaire et sur un corpus d’entretiens semi-directifs auprès d’une quarantaine de personnes.
Il s’est agi au préalable, d’identifier les différentes mesures prises en matière d’égalité professionnelle par l’analyse documentaire des accords, des rapports annuels, des chartes et engagements et par des entretiens exploratoires auprès de différents acteurs et actrices des ressources humaines, de la diversité, des membres de réseaux de cadres féminins et masculins … Les thèmes abordés portaient sur l’accès des femmes aux fonctions d’encadrement ainsi que leurs différents registres de justification pour engager et soutenir la féminisation de ces professions.
Par ailleurs, nous avons interviewé une quarantaine de cadres à hautes responsabilités du domaine de la banque de Financement et d’investissement (BFI) de cette entreprise, de 40 à 55 ans, exerçant leur fonction en Europe. Ces entretiens ont été réalisés entre 2017 et 2019 avec une surreprésentation délibérée des femmes (deux tiers de l’échantillon). Il s’agissait d’aborder leurs caractéristiques familiales et parcours professionnel ainsi que de recueillir leurs récits sur leurs expériences vécues et leurs difficultés éventuelles afin de cerner ce qui a facilité, ou au contraire 64freiné, leur accès à ces postes de Top Management et les conditions d’exercice de leur fonction. Grâce à une analyse thématique de ce corpus – réalisée avec un logiciel de traitement de données textuelles (Nvivo) – nous proposons une lecture des obstacles et des résistances à l’égalité professionnelle au sein de cette entreprise.
Par soucis d’anonymat, tous les prénoms des personnes et des lieux ont été changés et les professions simplifiées.
I. Un engagement en faveur de l’égalité professionnelle exemplaire en apparence
La société étudiée est une entreprise européenne du secteur bancaire. Son organisation compte une filière dite de Banque de Financement et d’Investissement (BFI) qui rassemble des activités de conseil et d’ingénierie financière auprès des grandes entreprises, des institutions financières et du secteur public. Ses activités se déclinent en trois grandes fonctions : le financement des grandes entreprises qui consiste à trouver les financements nécessaires aux projets stratégiques ; les activités de banque d’investissement qui concernent le conseil « en stratégies d’investissement » tel que les projets de « fusion-acquisition », les introductions en bourse et les augmentations de capital ; enfin, les activités de marchés qui se rapportent à l’ensemble des opérations financières visant à trouver les meilleurs placements via les salles de marchés. Dans l’ensemble de la société en Europe, si la filière de la banque de détails est assez féminisée, celui de la BFI l’est significativement moins. Or, les professions les plus prestigieuses et rémunératrices se trouvent bien là. Aussi, notre analyse portera précisément sur ce domaine. Ses métiers, qu’ils soient positionnés en Front Office ou dans les fonctions supports3, 65requièrent un haut niveau d’expertise passant notamment par un niveau de formation élevé (grandes écoles de commerce ou d’ingénieurs ou autres formations de niveau Bac +5 a minima). La mobilité à l’internationale y est souhaitée, la langue anglaise considérée comme norme professionnelle dans un environnement de travail anglo-saxon où la culture du risque est prégnante. Les modalités de carrières y sont très hétérogènes et il n’existe pas de modèle type de passage d’une fonction à une autre. Certaines et certains arrivent très rapidement, dès leur sortie d’école de commerce ou d’ingénieurs à des postes de top management, tandis que d’autres, y parviennent un peu plus tard, après quelques années passées au sein de l’entreprise ou dans une autre banque sur des fonctions d’expertise par exemple. Il n’y a pas de règles d’ancienneté, d’âge ou de nombre de postes requis pour accéder à ces fonctions ni même pour bénéficier de fortes promotions.
Dans ces fonctions de top management, les salaires fixes sont souvent conséquents. Le savoir-être commercial et la capacité de générer du P&L4sont les compétences les plus valorisées. Ainsi, les métiers du Front Office sont notamment « évalués sur leur capacité à transformer des contacts en volume d’affaires » (Chelly et Sébéloué, 2014). Si le principe de rémunération de la performance au mérite individuel prévaut dans l’ensemble des activités de la banque d’investissement, une assez forte hétérogénéité existe dans les pratiques de rémunération variable. Ainsi, dans certaines fonctions support, les bonus ne dépassent que rarement la moitié du salaire annuel fixe, tandis que pour certaines fonctions de Front Office, ils peuvent plus que le doubler.
I.1. Une politique pro-active …
Dans cette entreprise, une volonté de renforcement de la place des femmes aux postes de responsabilité et une approche très favorable à l’égalité professionnelle entre les femmes et hommes – par ailleurs affichée par les acteurs et actrices du secteur dans son ensemble (Blanchard et al., 2013) – a émergé au cours de ces vingt dernières années. En témoignent 66les nombreuses actions menées, labellisations, signatures de chartes, engagements, politiques, et divers accords depuis plus de vingt ans. Dès lors, elle n’a eu de cesse de rechercher une reconnaissance externe sur son positionnement en la matière et de mettre en place, en interne, des éléments organisationnels affichant l’intérêt pour la promotion de la diversité, avec notamment la création d’un poste de Responsable Diversité très tôt afin d’assurer la mise en œuvre de cet engagement. La crise financière de 2008 qui a particulièrement impacté ce secteur d’activité, en raréfiant les possibilités de promotion et accroissant ainsi la compétition en interne, n’a pas infléchi cette orientation.
Au-delà de la signature des différents accords et chartes, les engagements de cette entreprise prennent également forme au travers de la mise en place d’indicateurs au service d’objectifs à atteindre. Ainsi, la politique de rémunération s’affiche comme suivant des principes d’« équité » reposant sur un processus annuel de révision. Récemment, un indicateur spécifique – concernant l’attribution des rémunérations entre les deux sexes pour tous les métiers et fonctions du groupe – a été défini afin de corriger les écarts entre femmes et hommes non justifiés par leur évolution de carrière ou l’exercice de leur activité professionnelle ; une enveloppe spécifique d’augmentation a été allouée pour un montant de plusieurs millions d’euros. Par ailleurs, un programme destiné à repérer et promouvoir des cadres à « fort potentiel » a été créé ces dernières années, afin de les préparer à devenir membres des comités exécutifs de l’entreprise. Il est assorti d’objectifs chiffrés de promotion de femmes plus ambitieux pour l’encadrement intermédiaire que pour le top management.
I.2. … qui n’a pas encore atteint tous ses objectifs
Si le conseil d’administration de cette entreprise est paritaire, c’est loin d’être le cas de son comité exécutif. Sans prétendre à l’évaluation des politiques mises en œuvre – à l’instar de Coron (2018) et Charbeau et Larquier (2010) – on constate que si certaines ambitions, comme l’augmentation de la part des femmes parmi le Top Management ont été atteintes, des écarts persistent.
Ces dernières années, dans la société, la majorité des promotions internes concernaient des femmes, toutefois celles aux plus hauts niveaux de classification étaient encore majoritairement masculines. En matière de 67rémunération, les augmentations individuelles de traitement sont moins fréquentes pour les femmes aux plus hauts niveaux de classification. De surcroît, l’écart entre les salaires médians se fait toujours au profit des hommes, et augmente de manière significative parmi les cadres aux plus fortes rémunérations.
Par ailleurs, au sein de la BFI, la ségrégation horizontale – il est vrai, moins explicitement visée par les politiques égalité – est toujours forte et ancrée autour du clivage entre les métiers du Front Office et ceux des fonctions support (Middle Office et Back Office). Or, lorsque les femmes atteignent des postes à hautes responsabilités, ce sont surtout dans ces dernières comme « Responsable des Ressources Humaines » ou du Marketing et de la Communication. A contrario, les métiers phares du Front Office tels que les « Traders » ou les « Concepteurs/conseillers en opérations et produits financiers », sont toujours à nette dominante masculine. Or, ce sont dans ces métiers que l’on observe les plus hautes rémunérations, dotées des responsabilités P&L et les promotions les plus remarquables notamment vers la direction générale de la banque. Cela se vérifie au regard de la part modeste des femmes dans les postes à hautes responsabilités ainsi que parmi les membres des Comités Exécutifs transverses. Manifestement, les quotas et enveloppes de rattrapage ne suffisent pas à atteindre une égalité de traitement.
I. Une culture d’entreprise
qui a du mal à évoluer
II.1. Constance de l’organisation du travail
et des modalités de carrière
Pour progresser professionnellement, les femmes continuent de devoir se plier à certaines normes, certains codes correspondant à un ethos professionnel construit comme masculin. Cet ethos fonctionne comme un processus informel de clôture du groupe professionnel qui s’avère particulièrement discriminant pour les femmes (Boussard, 2016 ; Boni-Le Goff, 2013).
68II.1.1. Surinvestissement professionnel et disponibilité permanente
Une des normes particulièrement prégnantes est toujours, pour la grande majorité des cadres, celle du surinvestissement professionnel. Les dynamiques du marché du travail et la pression concurrentielle extrêmement forte subies par nombre d’entreprises ont modifié la norme temporelle (Bouffartigue et Bouteiller, 2002), la rendant plus flexible, fragmentée, ou en particulier pour les cadres, dense, intensive (Bigi, 2019), voire invasive (Bustreel et Pernod-Lemattre, 2019). Ainsi, dans ces professions hautement qualifiées, une dimension centrale du métier est la disponibilité permanente, que celle-ci soit présentielle ou distancielle, et pour ces femmes, il s’agit souvent d’atténuer, autant que possible, les interférences de leur vie personnelle sur la pratique d’un temps de travail extensif. Ainsi, Claudia, travaillant au sein de la société depuis 20 ans, actuellement dans les fusions-acquisitions, supervise directement 30 managers à l’international, encadrant ainsi près de 800 collaborateurs et collaboratrices dans le monde entier :
Oui je travaille à plein temps, et puis je travaille beaucoup chez moi, y compris le week-end. Je voyage beaucoup… quand même 2 jours tous les 10 jours, c’est beaucoup. (…) Des vacances, j’en prends mais je travaille souvent. En fait, il n’y pas eu de vacances où je n’ai pas bossé… (Claudia, 50 ans, Senior Banker, Front Office)
À l’instar de ce que Boussard (2016) a observé chez les dirigeantes dans le secteur financier, cette exigence de disponibilité permanente apparaît dans les entretiens des femmes, comme dans ceux des hommes, comme une évidence qu’elles et ils acceptent pour réussir leur mission. Elles semblent être, comme le sont leurs homologues masculins, soumises à ce que Guillaume et Pochic (2007) appellent « le test de la dévotion », c’est-à-dire une disponibilité temporelle extrêmement forte, pour pouvoir accéder ou rester aux postes les plus intéressants. Anna, mère de trois enfants, qui a connu une carrière ascendante depuis son entrée dans l’entreprise en 2002, nous avoue lorsqu’on l’interroge sur ses horaires de travail :
Ben là, si je vous le dis, vous allez exploser… Là, je fais 8h30-22h. Mais personne ne m’oblige, je suis toute seule le soir, mon chef n’est même pas là… Et ce n’est pas un problème : je peux tout à fait rentrer le soir, être avec 69mes enfants si je veux… (…) Donc, c’est une liberté… c’est juste que pour moi, parfois, c’est plus simple de rester là plus tard et d’évacuer que de rentrer, m’occuper de tout ce qu’il y a à faire à la maison, et de me reconnecter après. Voilà. Donc, j’ai un sentiment de liberté totale du point de vue de l’organisation. (Anna, 40 ans, DRH)
II.1.2. La cooptation via les réseaux
Une autre constante observée qui témoigne de la non-remise en question des modes de gestion de la main-d’œuvre est celle qui consiste à recruter le plus souvent ses collaborateurs et collaboratrices via les réseaux informels. Les postes vacants font rarement l’objet d’une diffusion large au sein de l’entreprise et leur publicité reste plutôt confidentielle ; c’est souvent une ou un ancien collègue ou supérieur hiérarchique qui est à la source de l’information. Ainsi, comme dans beaucoup d’entreprises, les recrutements et promotions se font principalement par le jeu des cooptations homophiles (Acker, 2009). Ces cooptations sont les fruits d’une bonne insertion dans des réseaux sociaux favorables sur le déroulement de la carrière. Or, ces réseaux, encore dominés par les hommes, en nombre comme dans le fonctionnement, privilégiant dès lors un « entre soi » masculin, se révèlent plus favorables aux hommes qu’aux femmes (Buscatto et Marry, 2009). Ingrid, dans l’entreprise depuis 14 ans, à la tête d’un service marketing depuis 4 ans, nous raconte que c’est au moment où elle se met en couple avec un de ses collègues qu’elle perçoit des procédés, un système de réseautage qu’elle ne soupçonnait pas auparavant. Elle découvre alors une connivence masculine et un système d’échange d’informations sur les postes à pourvoir via des SMS ou des e-mails personnels :
Avec mon compagnon, on travaille dans la même entité et je me suis rendue compte qu’il avait une vie parallèle cachée, en dehors du bureau, par réseautage, que moi je n’avais pas. Et ça a été hyper choquant pour moi, parce que je me suis rendu compte que, quand on est une femme on a beau bien s’entendre avec les gens, être professionnelle…, on n’est pas un homme et, comme on n’est pas un homme, on ne reçoit pas les petits messages par SMS le soir, les petits mails cachés, les choses comme ça…. C’est incroyable, il y a une espèce de connivence masculine où… « Ah ben tiens, t’es au courant que machin va partir ? Il y a tel truc qui va se libérer ! », « Ah ben tiens je voulais te dire qu’il y a tel projet en cours, que peut-être ça peut t’intéresser » … Il y a tout un réseau… mais vraiment je vous assure j’étais sidérée, et 70je me suis dit « Mais pourquoi moi on ne me le dit pas ? » (Ingrid, 45 ans, Directrice Marketing, Back Office)
Le manque d’accès aux réseaux sociaux et professionnels informels peut donc freiner les femmes dans leur mobilité ou leur progression de carrière. Il est également parfois un frein à l’accès aux meilleurs clients. Dans les métiers à hautes responsabilités du Front Office, ce qui clive c’est avant tout la possibilité de générer du chiffre d’affaires, du P&L. Or l’homophilie est également très présente avec les clients (Roth, 2003). Ces derniers, qui sont aussi généralement des hommes, partagent le même ethos professionnel que ceux dont ils achètent les prestations (Boussard, 2016).
II.1.3. L’international toujours accélérateur de carrière
Une autre norme professionnelle perdure : celle de la disponibilité géographique, notamment lorsqu’on passe par l’Audit Interne qui représente la voie royale pour une carrière prometteuse. Dans ces métiers, évoluer professionnellement passe encore bien souvent par la nécessité d’effectuer régulièrement des missions à l’étranger voire de s’expatrier. Ce type de mobilité est perçue comme un critère de dynamisme, érigée en marque de réussite potentielle et sa valorisation, sous des formes multiples, est un principe auquel doivent adhérer les individus (Bertaux-Wiame, 2006). En témoigne le récit d’Anna, actuellement en poste à Zurich, lorsqu’elle nous parle de ce choix, librement consenti, malgré la difficulté de voir grandir ses enfants quand on est contrainte de voyager loin et régulièrement :
Mes enfants ont survécu, bon, moi aussi mais c’était quand même dur… J’ai quand même laissé mon enfant parfois trois semaines ou un mois, sans le voir. (…) C’est quand même des choix personnels que personne ne nous oblige à faire mais bon… Faire un bébé au début d’un parcours d’audit, ben ça veut dire que mécaniquement, même s’ils font des efforts pour ne pas m’envoyer quatre mois en Inde, allez, trois semaines, il fallait bien quand même que j’assure ce que j’avais à faire… (Anna, 40 ans, DRH)
Le poids des mobilités géographiques nécessaire pour faire carrière défavorise encore très nettement les femmes (Pochic, 2005 ; Cartier et Join-Lambert, 2011) car au nom de ces motifs familiaux, les propositions de mobilité géographique vont être prioritairement faites aux hommes 71du fait de plus grande liberté face à la situation professionnelle de leur conjointe (Bertaux-Wiame, 2006). Les femmes sont encore souvent soumises à un ensemble de contraintes que ne connaissent pas les hommes, à commencer par la priorité accordée à la carrière du mari (Marry et al., 2017 ; Le Renard, 2019). C’est ce que décrit Paul, salarié du groupe depuis 2003, actuellement en poste en Suède après six années passées en Allemagne :
Dans le réseau d’expatriés, il y a très peu de femmes… Parce que souvent, dans le couple, monsieur a un meilleur poste que madame, et donc une opportunité de partir. En fait, quand on part à l’étranger, la 2e personne du couple doit souvent faire un sacrifice, et donc, le sacrifice à faire pour monsieur est plus coûteux, plus difficile que le sacrifice de madame. C’est pour ça que c’est souvent monsieur qui part en expatriation, qui se fait accompagner par madame, qui fait un sacrifice. Est-ce que mon parcours aurait été différent si j’avais été une femme ? Oui, je pense. Je pense. Donc, ça veut dire que je le dois à ma femme. (Paul, 45 ans, Risk Manager, Middle Office)
Ainsi, la forte disponibilité, temporelle ou géographique reste une norme dominante. Nous verrons plus loin à quel point elle nécessite des arrangements pour permettre d’articuler travail et vie personnelle.
II.1.4. Un virilisme toujours d’actualité
En outre, des années de culture d’entreprise « masculine » perdurent dans certains comportements et attitudes dans la manière d’exercer sa fonction. Certaines femmes indiquent ressentir beaucoup de pression dans cet univers où il faut montrer qu’on est « sûre de soi » en étant souvent minoritaire, voire l’unique femme. Dans cet environnement viril, souvent décrit comme « dur », « agressif », « machiste » …, les femmes peuvent se sentir en terrain hostile et être victimes d’une violence symbolique persistante :
C’est vrai qu’une femme on ne lui pardonne rien, quand même, voilà…. Alors qu’un homme, il peut être beaucoup moins performant, il peut être parfois moins sérieux dans certaines attitudes, ça ne posera pas de problèmes. Une femme on va l’attaquer tout de suite. (Ingrid, 45 ans, Directrice Marketing, Back Office)
Qu’elles les minorent « Et puis ça va aller hein j’ai 3 frères… je peux supporter un truc comme ça… » comme Mélanie (52 ans, 72Directrice Transformation Digitale, Front Office) ou avouent devoir parfois faire preuve de fermeté pour « être prises au sérieux », on retrouve deux postures souvent observées : celles de l’euphémisation (Marry et al., 2017) ou de la virilisation (Laufer, 1982 ; Le Feuvre, 2008), l’une comme l’autre ne venant pas perturber l’hégémonie de cet univers masculin. De surcroît, la posture d’alignement sur ces codes est particulièrement mal perçue. Beaucoup reprochent aux femmes « proches du pouvoir » ou « au pouvoir », d’être très fermes, voire antipathiques, comme « si cette dureté leur permettait d’être l’égale des hommes… » (Ingrid). Si ces postures sont observées dans de multiples études (Sineau, 1988 ; Wajcman, 1998 ; Pruvost, 2007 ; Zolesio, 2009), les personnes interviewées qui ont soulevé cet aspect, attribuent ces comportements virilistes au monde de la finance lui-même « très agressif », « très masculin ». Le « top management à la BFI » est décrit comme un univers traditionnel où les managers, hommes comme femmes, ont un fort esprit de compétition. Ainsi, Simon, récemment arrivé dans l’entreprise, dénonce le comportement viriliste chez certains de ses collègues masculins :
Ce que je constate c’est que les femmes qui sont vraiment dans le management, le top management coté BFI, elles ont les mêmes codes que les hommes finalement, le même cynisme… Je trouve que c’est une boite qui est très « old school ». Les managers se comparent tous à la taille de leur bidon et au nombre de personnes qu’ils peuvent avoir… (…) Pour moi, elles prennent les mêmes mauvaises habitudes que les gros managers hommes et elles retombent dans les mêmes travers… j’ai l’impression que dans l’accession au pouvoir, elles se perdent un peu en route. (Simon, 48 ans, Manager conception des produits financiers, Front Office).
II.2. Un paradigme qui ne favorise guère le changement
II.2.1. De la « diversité » à l’injonction de « performance »
La société a adhéré au concept de « diversité » dès son apparition en Europe. Outre la dimension genrée des inégalités, celui-ci englobe plus largement tous types de dimensions potentiellement discriminatoires. Ainsi, la société va privilégier une politique de promotion de la diversité fondée sur l’amélioration des « performances » et la valorisation des « compétences » (Sénac, 2010) au détriment d’une politique de « lutte 73contre les discriminations » affichée en tant que telle. Le risque d’une telle approche est de ne pas réellement traiter les discriminations systémiques à l’œuvre (Montargot et Peretti, 2014).
Cette approche par la diversité est d’ailleurs dénoncée par de rares femmes senior managers en Front Office, impliquées dans un réseau féminin depuis sa création. Comme Solange, elles regrettent l’usage de ce concept en ce qu’il dilue l’égalité professionnelle en assimilant les femmes à une minorité stigmatisée comme une autre :
On a mis [la lutte des inégalités femmes-hommes] avec tous les sujets de diversité qui sont devenus plus généraux et on a mis ça avec les problématiques LBGT, avec la diversité ethnique et tout ça… Mais moi je dis à chaque fois « Mais ce n’est pas le même sujet, il y a le sujet de la mixité ET celui de la diversité ! » Parce que la diversité ça concerne aussi bien les hommes que les femmes. Et la mixité c’est la moitié de l’humanité, c’est la moitié de nos clients… (Solange, 59 ans, Directrice Fusion-acquisition, Front Office).
Si la lutte contre les discriminations développée en France s’appuie traditionnellement sur le principe de l’égalité de traitement, l’approche par la diversité valorise quant à elle les caractéristiques individuelles et fait la synthèse entre l’exigence de justice et l’intérêt pragmatique de valoriser les apports de « l’autre ». La différence devient source de richesse. La plupart des managers ont assimilé cette approche et y adhèrent : au même titre que la diversité culturelle ou générationnelle, la présence des femmes est supposée améliorer la performance de l’entreprise. Ainsi, les « qualités spécifiques » des femmes sont mobilisées comme si elles faisaient partie du référentiel de compétences (Junter, 2004). Aurélie, au parcours exceptionnel, ayant occupé depuis son arrivée dans le groupe, il y a vingt ans, plusieurs postes de direction notamment en Front Office et actuellement DRH insiste sur le fait que la diversité crée de la valeur :
C’est extrêmement important d’avoir cette richesse de profils, de compétences, de mind set … Donc rien n’est genré, mais par contre, il y a des dominantes et c’est vrai que les femmes sont plus quand même dans l’écoute. (Aurélie, 55 ans, DRH)
Il va donc s’agir d’utiliser « les compétences » des unes et des autres pour améliorer la performance des équipes. Cette contribution de la 74diversité des compétences à la performance de l’entreprise est en effet souvent mise en avant au détriment d’un paradigme visant à réparer les injustices subies par certaines catégories (Bereni, 2009). Charlotte, juriste, qui assiste le service RH du groupe dans la négociation des différents accords de l’entreprise, explique qu’elle n’est pas favorable à la mise en place de quotas pour faire adhérer et « bien embarquer tout le monde » et souligne la primauté des compétences :
Avec toujours, comme point d’attention d’être sur la compétence et la performance. C’est-à-dire que, l’objectif n’est pas de nommer quelqu’un parce que c’est une femme, mais de nommer quelqu’un parce qu’elle est d’abord performante, parce qu’elle est compétente et qu’en plus c’est une femme – c’est très bien, voilà, mais c’est avant tout la compétence et la performance ; dans cet ordre des choses. (Charlotte, 50 ans, Juriste, Fonctions support)
Karine, DRH qui a fait l’essentiel de sa carrière dans les ressources humaines de cette banque, évoque l’institut McKinsey qui depuis près de dix ans « démontre » une corrélation entre la mixité au sein des instances dirigeantes des entreprises et une meilleure performance5 :
Ce qui est clair, ce que toutes les statistiques montrent c’est que plus vous avez de mixité plus vous avez de performance. Qu’il y a une vraie corrélation entre la performance et la mixité dans l’entreprise. (…) vous avez des études de McKinsey qui montrent que quand vous prenez les entreprises qui performent le plus c’est comme par hasard celles qui sont les plus mixtes et celles qui performent le moins pour les mêmes secteurs d’activités c’est les moins mixtes. Donc ça c’est statistiquement… ce qui est prouvé. (Karine, 46 ans, DRH)
Pour activer l’adhésion des cadres, sont organisés régulièrement, des événements autour des thématiques de la diversité ou encore des conférences portant par exemple sur le lien entre mixité des équipes et performance des entreprises.
Ainsi, l’approche par la diversité se conjugue en terme économique plutôt qu’en termes d’égalité et de justice. Ce glissement vers une argumentation de l’efficacité économique, portée par certaines actrices de l’égalité professionnelle (Blanchard, 2010) est légitimé par certaines 75études en sciences de gestion6 (Ferrary, 2010) qui « démontrent » les effets produits par l’avancée en mixité dans les entreprises en matière de performance (Landrieux-Kartochian, 2004 ; Wierink et Méda, 2005) sans plus questionner les inégalités persistantes (Bereni, 2009).
Ce changement de paradigme n’est pas sans conséquence en termes de valorisation. Car les performances servent à évaluer, à verser des primes et bonus, à promouvoir, alors même qu’elles sont indissociables d’un modèle organisationnel plutôt façonné par et pour les hommes. Stéphanie, aux ressources humaines de l’organisation depuis 7 ans, mentionne les difficultés pour ses services de s’assurer du caractère équitable de l’attribution des bonus, puisque celle-ci est laissée à l’appréciation de chaque manager :
Le biais qu’il peut y avoir, que je ne maîtrise pas, c’est que c’est quand même eux [les managers] qui définissent les performances de leurs collaborateurs ; c’est eux qui définissent les objectifs ; et c’est eux aussi qui définissent comment le collaborateur est bon ou pas bon dans son poste […] Le biais, enfin l’inconscient qu’il peut y avoir, c’est qu’il a 10 collaborateurs et il augmente 3 hommes ; il n’augmente aucune femme en me disant : « Ben oui, mais les femmes sont moins bonnes que les hommes – donc moi j’augmente les hommes ». Donc moi, je vais dire : « Ben pourquoi il est moins bon ? etc. », mais il peut me construire tout un argumentaire très convaincant sur le fait que les hommes sont meilleurs, alors qu’en fait ce n’est pas vrai… (Stéphanie, 42 ans, DRH)
Enfin, le management par la diversité est diffusé dans l’organisation par des formations auprès des managers à l’existence de « biais inconscients ou décisionnels7 » pour expliquer les inégalités de traitement sans remettre fondamentalement en cause le fonctionnement organisationnel (Demillly, 2020) en les faisant reposer sur la seule posture individuelle :
Donc, il y a pas mal de formations, notamment, qui sont proposées sur les biais décisionnels, que ce soit par rapport aux notions homme-femme, aux notions d’âge, de handicap ou de religion, pour traiter justement les personnes qui disent « Non, je n’ai pas de biais… », ben leur montrer qu’on en a toujours et que c’est bien de les connaître pour prendre un peu de recul quand on doit prendre des décisions d’embauche, des décisions de bonus, des décisions de nomination. (Amélie, 40 ans, Gestionnaire Middle Office)
76Ainsi, la diversité, loin de remettre en cause les stéréotypes de sexes (Fortino, 2002), va au contraire les entretenir en donnant l’illusion que l’organisation lutte contre.
II.2.2. Des mesures qui ne remettent pas en cause les codes masculins
En effet, bon nombre de dispositifs sont mis en place au sein de cette entreprise, pour aider les femmes à progresser professionnellement et tenter de briser le plafond de verre. Les responsables diversité des différentes entités, prenant appui sur le réseau féminin de cadres interne à l’entreprise et fortement valorisé et soutenu par la direction du groupe, affichent comme objectif de promouvoir les femmes dans les sphères les plus hautes de l’entreprise. Les actions visant à s’approprier et incorporer les codes, les savoirs-être nécessaires pour atteindre des postes plus importants sont multipliées, leur donnant alors tous les outils que les hommes ont et qui, en revanche, leur feraient défaut, en les mettant face à une injonction de performance.
Ainsi, Irène, membre particulièrement impliquée dans ce réseau, nous explique qu’une soixante d’évènements sont organisés chaque année pour leur apporter « plus de confiance en elles », leur permettre de « mieux définir leur projet de carrière » ou encore « d’oser davantage exprimer leur souhait d’évolution ». Ces actions se déclinent sous différents formats. Une dizaine de conférences réunit environ 800 personnes et porte sur des thématiques comme la mixité, l’ambition, etc. à partir d’interventions de chercheurs et chercheuses ou de membres du Comité Exécutif. Des événements de Networking, des stands à la sortie du restaurant d’entreprise sont organisés tous les mois. Du coaching est également proposé afin d’accompagner les femmes en matière de développement personnel, de soft-skills, de confiance en soi, de marketing de soi, d’affirmation dans l’échange :
Il s’agit de donner des compétences aux femmes, qu’elles aient confiance en elles, qu’elles sachent parler, qu’elles sachent négocier leurs salaires, qu’elles prennent un poste même si elles n’ont que 50 % des compétences et tout ça. Donc, ça, c’est plus à faire, c’est comportemental. (Franck, 48 ans, Membre du réseau masculin)
Par ailleurs, face au constat de l’importance et de l’influence des réseaux informels masculins, des petits déjeuners avec les cadres à très 77hautes responsabilités de l’entreprise sont également organisés régulièrement pour parler de la place des femmes dans l’entreprise et créer des relations pour échanger des informations sur d’éventuelles opportunités de promotion et élargir son réseau professionnel :
On organise des petits déjeuners avec les membres du Comité Exécutif ou des Top managers de la banque… ça permet aussi de réseauter… parce que c’est aussi l’objectif de l’association : c’est d’aider les femmes qui, par nature, ne sont pas enclines à réseauter, à se constituer un réseau et à utiliser ce réseau pour leur projet de carrière. (…) Et puis [apprendre] aussi les règles du jeu : parfois, naïvement, on pense que c’est votre gestionnaire individuel de carrière qui va vous aider à trouver un nouveau boulot, alors qu’on sait bien que ce n’est pas ça ! Que c’est le réseau qui fonctionne… Enfin, ça se saurait si c’était la RH qui vous aidait à trouver un job ! (Irène, 58 ans, Membre du réseau féminin)
Enfin des actions de mentoring mobilisent une cinquantaine de binômes adhérentes-senior manager et permettent aux mentees de bénéficier de retours d’expérience de leur mentor, dont le rôle est souvent souligné comme « indispensable pour surmonter les barrières obstruant le parcours des femmes » (Roth, 2006).
Ces différentes initiatives, vivement appréciées par les femmes qui en avaient bénéficié, leur a permis « d’être soutenues », « encouragées dans leurs démarches » et dans « l’affirmation » d’elles-mêmes. Elles y ont également trouvé des « ressources pour s’informer » et comprendre les mécanismes qui régissent la gestion des carrières. En bref, dans la majorité des cas, elles estiment y avoir trouver les clés de leur progression professionnelle.
Mais ces actions, loin de revisiter les normes masculines attachées aux fonctions d’encadrement, les renforcent et les légitiment (Grésy et Lebert, 2019). En effet, les normes et pratiques professionnelles existantes sont transmises sans être jamais remises en question. La philosophie de ces dispositifs consiste davantage à permettre aux femmes de pallier certaines de leurs « défaillances » qu’à renverser ces normes. Ainsi, ici comme dans d’autres entreprises, « l’accès des femmes au pouvoir et au profit ne se fait pas en subvertissant l’ordre du genre, mais en l’acceptant » (Boussard, 2016). Ces opérations sont faites dans le cadre d’une « mobilisation respectueuse », d’un « militantisme consensuel » qui consistent à limiter les entraves que connaissent les femmes tout 78en acceptant l’ordre établi (Boni-Le Goff, 2010). Pour autant, toutes ne sont pas enrayées et les engagements en matière de parentalité et en faveur de celle pour l’équilibre des temps de vie ne semblent pas avoir eu les effets escomptés pour faciliter l’articulation des sphères familiale et professionnelle.
I. obstacles et résistances à l’œuvre
III.1. Une articulation des temps sociaux toujours difficile
III.1.1. Une « conciliation » famille-carrière sous haute tension
Au cours des entretiens réalisés, les éléments de la vie privée sont très vite abordés par les femmes sur le registre de l’articulation difficile avec leur vie professionnelle. Au contraire de leurs homologues masculins, chez qui ce thème est rarement évoqué spontanément (Jacquemart, 2014), l’incidence de la vie familiale sur leur carrière est toujours forte. Aujourd’hui encore, continuer à s’investir pleinement professionnellement après leur(s) maternité(s) se fait souvent au prix d’une contorsion organisationnelle sans faille, assortie la plupart du temps d’une forte délégation à des tiers. La maternité doit se conjuguer avec des horaires très étendus, parfois des missions à l’étranger et, quoiqu’il en soit, un besoin de connexion permanente. Bon nombre d’entre elles décrivent la complexité de devoir mener de front carrière professionnelle et carrière familiale. Solange, une des premières femmes diplômées d’une école de commerce prestigieuse et pionnière dans le top management du secteur de la finance nous raconte les difficultés qu’elle a rencontrées pour mener de front une telle carrière et son rôle de mère quand ses enfants étaient jeunes :
J’ai 3 enfants, j’avais un mari qui ne m’aidait absolument pas donc j’ai tout porté moi-même, avec les voyages, les trucs, c’était cauchemardesque (…) J’ai serré les dents, c’est pour ça que je parle de combat, c’est parce que je pense qu’il y a beaucoup de choses sur lesquelles, j’ai serré les dents et je me suis dit : il faut tenir. (Solange, 59 ans, Directrice Fusion-acquisition, Front Office).
79Aujourd’hui encore, la politique de l’entreprise visant l’équilibre des temps de vie ne semble au final pas très efficiente. En effet, comme Sabine, membre du réseau féminin, le regrette, certaines « bonnes pratiques » comme « la mise à disposition de paniers légumes plutôt que de crèches » ne paraissent guère à la hauteur des enjeux et besoins réels. D’autres, comme « l’optimisation des réunions » ou « le bon usage des e-mails » ne sont, la plupart du temps, pas appliquées :
J’ai du mal à croire à l’équilibre vie privée-vie pro. On en parle énormément, depuis plusieurs années, notamment ici, avec cette magnifique Charte de l’engagement et les 15 engagements pour l’équilibre vie pro / vie perso. Personne ne respecte ça ! Oui, il y a un truc des fois, c’est affiché dans les bureaux… Voilà, en gros, plus on en parle et moins on en fait… (Sabine, 46 ans, Project Manager, Back Office)
III.1.2. Des renoncements « choisis »
Le manque de mesures efficaces pour changer l’organisation du travail et permettre aux parents – principalement aux mères – de continuer à mener sereinement leur carrière a comme conséquence, pour nombre d’entre elles, de devoir renoncer à certains postes, à faire « des choix » qui, de facto, les pénaliseront en termes d’évolution professionnelle. Sabine, en constante progression depuis son entrée dans l’entreprise en 1991, a décidé, à la naissance de son troisième enfant, de « lever le pied » :
C’est vrai que c’est marrant parce qu’on dit : « J’ai fait le choix de ne pas aller plus loin » – En fait on ne fait pas le choix de ne pas aller plus loin. Le choix s’impose de lui-même (rire). Le choix s’impose de lui-même à l’arrivée par exemple d’un 3e enfant comme pour moi. Je me suis dit, « Là, si tu veux voir la 3e grandir, ce que tu n’as pas trop vu avec la 2e par exemple, et ben, il faut arrêter. Parce que ce n’est pas jouable quoi » (…) S’il y a un problème, il faut être là, il faut pouvoir rester, il faut pouvoir être disponible, il faut … Puis à un moment donné quand vous êtes connectée, même pendant les vacances, bon ben … ça va un peu, mais … Moi avec trois enfants, c’était « Non » quoi … (Sabine, 46 ans, Project Manager, Back Office)
Ainsi, renoncer à certaines fonctions est perçu comme une « bonne solution » pour mieux « concilier » leurs vies professionnelle et familiale. Même si, comme l’indique Sabine, le terme de « choix » est très ambigu, 80rares sont celles qui le questionnent, la plupart ayant intériorisé qu’une progression professionnelle doit se payer au prix fort, se mériter.
De surcroît, au-delà du renoncement de celles qui ne peuvent ou ne veulent plus supporter cette pression, le fait d’être mères peut rendre moins à même de se voir proposer certains postes. Anna, mère de 3 enfants, pour ne pas être victime de sexisme bienveillant (Épiphane et al., 2011), a dû prendre les devants auprès de son supérieur pour obtenir un poste à l’étranger :
Alors, ce poste-là, je l’ai eu … (…) Je lui ai dit : « Moi, de toutes façons, dans 6 mois, j’aimerais bien commencer à bouger, donc, si jamais vous entendez parler de quelque chose… Moi, je suis ouverte à plein de trucs, et, by the way, si c’est un poste à l’étranger, je serais super contente ! ». « Ah bon ? » Parce qu’évidemment, mariée, 3 enfants, au siège, depuis un moment, le biais, c’est : « Elle ne bouge pas, de toute façon, son mari travaille, elle a 3 enfants … », donc, c’est pour ça que je savais que c’était important que je précise que j’avais envie d’être un peu mobile, quoi. (Anna, 40 ans, DRH)
Enfin, ne pas pouvoir fortement déborder sur les horaires standards pénalise certaines jeunes mères en les privant de l’accès aux contacts informels le soir ou les week-ends et donc d’informations sur des opportunités potentielles. Ingrid estime que sa charge familiale a quelque peu freiné sa carrière :
Donc pendant 10 ans c’est moi qui ai tout géré, tout. Parce qu’il [son mari] n’était jamais là, il avait ses trucs d’entreprise, ses machins, ses trucs, c’était vraiment …tous les soirs je partais à 18 h du bureau. Il est évident que ça n’aide pas à faire carrière, hein même si j’ai réussi à m’en sortir et que … voilà je suis quand même, je me dis finalement ça se passe plutôt pas mal, mais si j’avais consacré plus de soirées à faire du réseautage, à faire des choses etc. … je serais certainement encore plus loin aujourd’hui, ça c’est certain. Bon. C’est évident. Mais bon. C’était mon choix, c’était notre choix … (Ingrid, 45 ans, Directrice Marketing, Back Office)
Ce poids de la gestion de la vie familiale et des enfants reste d’autant plus lourd que les modèles d’organisation du travail et les évolutions de carrière au sein de l’entreprise, n’ont guère évolué malgré les différents dispositifs.
Face à ces contraintes évidentes, quelques-unes vont faire, quant à elles, des « choix » de carrières familiales atypiques – ne pas avoir 81d’enfant ou en retarder la naissance – leur permettant d’accorder une large part à leur fort investissement professionnel. Mélanie explique que si l’arrivée de son enfant n’a pas ralenti sa carrière – d’autant plus que son mari, en profession libérale, a cessé son activité à la naissance de celui-ci – c’est parce que cette naissance n’est arrivée qu’à 43 ans, après une trajectoire remarquable ponctuée d’importantes mobilités internationales.
Quand j’ai eu mon premier fils, j’étais déjà membre d’un Comex, le plus dur avait été fait ! Et du coup, j’avais pu bosser mes 20 h par jour, 7 jours sur 7, ce que je n’aurais pas pu faire si j’avais eu des enfants. (Mélanie, 52 ans, Directrice Transformation Digitale, Front Office)
Les femmes connaissent donc un prix à payer pour faire carrière, quand certains hommes quant à eux, organisent la résistance pour tenter de poursuivre la leur, sans entrave.
III.2. Les résistances masculines
Comme vu précédemment, la politique prônée par la direction de l’entreprise repose sur la mise en place de mesures concrètes et relativement coercitives comme celles de quotas de femmes ou encore, la création d’enveloppes ad hoc permettant des rattrapages salariaux quand les responsables RH ou les managers constatent des disparités en la matière. Ces différentes mesures font l’objet de fortes résistances de la part des hommes, qu’il s’agisse de plaintes ou de stratégies de détournement de dispositifs en faveur des femmes.
III.2.1. La complainte des hommes blancs
En effet, certaines mesures sont loin de faire l’unanimité et engendrent des discours de lassitude voire de plaintes de la part d’hommes qui se sentent collectivement dépossédés par l’arrivée de femmes qui bénéficieraient de toutes sortes d’avantages non mérités (Tougas et Beaton, 1993 ; Épiphane, 2016). Ils se considèrent en quelque sorte victimes d’une avancée sociale dont ils sont exclus et la vivent comme une menace pour leurs acquis, alors même que leurs conditions d’emploi et de carrière demeurent globalement plus favorables que celles des femmes (Tougas et al., 2005). Ces hommes « blancs », « d’un certain 82âge » ont l’impression que des opportunités leur échappent à cause de la nomination de femmes, potentiellement consécutive aux politiques mises en place dans l’organisation, mais qu’ils ont tendance à percevoir comme trop nombreuses voire systématiques :
Mes amis qui sont en position d’entrer dans des comex ou qui y sont et risquent d’en sortir, me disent : « De toutes façons, c’est mort, moi je suis un homme, je suis blanc, je ne suis pas homosexuel et je ne suis pas une gonzesse, donc de toute façon, c’est fini pour moi, je ne progresserai plus » … (Ingrid, 45 ans, Directrice Marketing, Back Office)
La mise en lumière de critères de discrimination positive en faveur des femmes, désormais affichés et donc visibles, s’oppose à l’ancienne logique de cooptation masculine non dite et non-formalisée et donc invisible, ouvre ainsi la boîte de Pandore (Giampino et Grésy, 2012). Ceux qui dénoncent ces pratiques, les jugent discriminatoires et donc injustes. C’est le cas de Charly, pourtant mentor, certes « un peu par hasard, pour faire plaisir à une collègue du service juridique » qui, tout en ayant apprécié cette expérience de tutorat, nous confie ses réticences quant à la politique d’égalité mise en place par l’entreprise :
L’homme a un handicap par rapport à la femme dans sa candidature, parce que c’est un homme et ça, pour moi, c’est de la discrimination positive (…) On ne va pas corriger 50 ans d’histoire comme ça. Le problème c’est que tout ça, est pavé de bonnes intentions sauf qu’en termes de rattrapage salarial, c’est juste monstrueux ! (…) Moi je veux bien rêver, mais on n’est pas dans le monde des bisounours quoi ! C’est aussi un sujet économique, de rentabilité de mes activités. J’ai aussi des hommes qui sont mal embauchés et qui ont un salaire qui n’est pas bon quoi. Et on fait quoi pour eux ? (Charly, 56 ans, Responsable Métier de Financement, Mentor)
En conséquence, certains managers refusent de se soumettre à une politique de quotas, alors même que l’entreprise les y incite. Ainsi, Éric, trader pendant 20 ans et manager en salle des marchés depuis 5 ans bien que regrettant la rareté des femmes dans cet univers très masculin, se refuse pour autant à privilégier les candidatures féminines lorsqu’elles se présentent :
D’ailleurs dans les recrutements que je fais, parfois je me suis dit : « Bon, quand même, c’est une femme… je n’en ai pas, il faudrait peut-être que… » 83Et puis, après, je me suis dit : « Mais non, je ne veux pas tomber là-dedans ! Je ne veux pas tomber dans le principe de quotas. Non, je ne veux pas tomber là-dedans ». (Éric, 49 ans, Responsable Salle des marchés, Front Office).
Aussi, en étant perçue comme une menace par le groupe majoritaire, le contrecoup de la mise en place de ces dispositifs serait un durcissement de la résistance à l’avancée des femmes dans les organisations, et ce d’autant plus que le nombre de dispositifs est important (Burke et Black, 1997 ; Hale, 1999). Ces résistances masculines se manifestent également à travers le dénigrement des femmes appartenant au réseau féminin qui se voient considérées par certains comme une « bande de féministes, de harpies, de bonnes femmes très revendicatives » (Sabine). Se sentant désavantagés, ces hommes s’appuient sur leurs croyances sexistes (Tougas et al., 2005), et remettent souvent en question la légitimité des femmes puisque ces mesures consisteraient in fine, à les promouvoir « parce qu’elles sont femmes ». Les politiques d’égalité sont perçues comme non méritocratiques et les femmes en bénéficiant, in fine, comme non méritantes.
III.2.2. Le détournement de certains dispositifs
De même, les enveloppes spécifiques, destinées à rattraper les inégalités salariales, sont parfois considérées comme des augmentations abusives. Par exemple, la prime octroyée aux jeunes mères lors de leur retour de congé maternité n’est pas comprise par tous les managers comme une neutralisation de l’effet négatif de ce congé sur les revenus. Au contraire, certains d’entre eux considèrent cette prime comme une augmentation injuste puisqu’elle « ne concerne pas les jeunes pères » nous fait remarquer Charly. Si les rééquilibrages salariaux sont souvent présentés comme problématiques, c’est qu’ils contreviennent au principe de rémunération de la performance au « mérite » individuel (Pochic, 2019). En conséquence, ces enveloppes sont donc parfois détournées de leur objectif initial et utilisées de façon dévoyée pour rétablir ce principe. Utilisées pour augmenter les femmes, elles permettent à certains supérieurs hiérarchiques de conserver l’entièreté de l’enveloppe globale pour la répartir uniquement entre les hommes de leur équipe. Par exemple Marc – qui a pourtant en charge d’assurer la conformité des transactions de la banque aux dispositions réglementaires et législatives 84en vigueur – nous avoue, lorsqu’on aborde la question de la politique de rattrapage des inégalités salariales de l’entreprise, ne pas vraiment respecter les règles du jeu :
On en joue quoi. Ben, c’est à dire qu’on sait qu’il y a des enveloppes d’augmentation pour les femmes et donc, ce qu’on va faire, comme les enveloppes d’augmentation ne sont pas très élevées, c’est qu’on va prendre l’enveloppe d’augmentation, on va la répartir sur les hommes, et on va essayer de jouer sur l’augmentation de l’enveloppe égalité hommes/femmes pour augmenter les femmes. C’est dramatique d’en venir à ça. C’est comme s’il y a avait une enveloppe d’augmentation pour les hommes et une enveloppe d’augmentation pour les femmes (…) Comme quoi, quand on veut, on peut faire tout ce qu’on veut. Les gens en jouent quoi. Alors, je ne sais pas si c’est un bien ou un mal mais, moi, à la fin, c’est toujours une augmentation de plus que j’aurai pour mes équipes ! (Marc, 45 ans, Directeur Compliance, Middle Office)
De même, les femmes de retour de congé maternité, qui ont obtenu la prime consécutive au décalage salarial induit par celui-ci, peuvent ne se voir attribuer aucun autre bonus l’année suivante, le montant global des augmentations étant ainsi destiné aux autres membres de l’équipe. A contrario, quand un manager veut augmenter l’une de ses collaboratrices, il peut demander à puiser dans « l’enveloppe égalité » et arguer d’une différence de salaire avec ses collègues masculins alors que la collaboratrice est jeune et que l’écart avec ses collègues masculins est davantage dû à sa moindre ancienneté qu’à un « réel » écart discriminatoire.
Ces détournements sont d’autant plus faciles que les règles restent opaques quant au processus global de rémunération. L’effet pervers de ce manque de transparence est d’entretenir à la fois des pratiques d’attribution différenciées entre les femmes et les hommes, un sentiment d’illégitimité des femmes et celui d’injustice des hommes.
Oui, oui, il y a des process… (…) Mais on n’a pas de données, donc, c’est difficile de savoir. Moi, je ne sais pas les salaires de mes collaborateurs. Aucune idée. Donc, c’est difficile de se comparer quand on ne sait pas où l’on est. (Anna, 40 ans, DRH)
85Conclusion
Dans ce secteur d’activité hautement qualifié et concurrentiel, nous avons pu voir, en rentrant au sein même d’une entreprise, comment, malgré des avancées réelles favorisées par une politique soutenue d’égalité professionnelle mise en place depuis le début des années 2000, se fabriquait et se maintenait le plafond de verre. Cette persistance d’inégalités sexuées dans les carrières qui voient, aujourd’hui encore, les femmes rencontrer plus de difficultés à atteindre les fonctions les plus prestigieuses, s’explique par différentes formes de résistances à l’œuvre. Celles-ci sont « encastrées » dans les processus organisationnels. Les discriminations dont les femmes font l’objet se nichent à la fois dans la pérennité des modèles managériaux dominants (Laufer, 2005) axés sur la diversité et la performance et des pratiques informelles de gestion des carrières (Fortino, 2002 ; Lambert et Remillon, 2018).
De même, on a vu combien les dimensions culturelles et symboliques du pouvoir dans cette organisation, comme dans beaucoup d’autres, se déclinaient surtout au masculin (Wajcman, 1998). Malgré les différentes mesures mises en place, la culture patriarcale de l’entreprise demeure et permet la résistance d’un ethos et de normes qui dessinent toujours un monde professionnel pensé plutôt au masculin (Boussard, 2016). Car même si les « hommes modernes », aux discours plus égalitaires, pointent souvent du doigt ceux d’un certain âge (Bereni et Jacquemart, 2018), ils aspirent, tout comme leurs aînés à une ascension professionnelle rapide et contribuent ainsi, eux aussi de facto à la reproduction du modèle dominant de la carrière. La permanence de règles apparemment neutres (forte disponibilité, mobilité géographique, cooptation, gestion par les compétences…) continuant ainsi à produire une discrimination indirecte (Marry et al., 2017).
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1 Selon l’étude de Ferrary (2017) https://www.skema-bs.fr/facultes-et-recherche/recherche/observatoire-de-la-feminisation
2 Cette recherche bénéficie d’un financement de l’Agence Nationale pour la Recherche dans le cadre du projet WOMAN (appel à projet 2016, ANR-16-CE26-0010-01). Pour plus d’informations, consulter le site https://woman.hypotheses.org/
3 La BFI réalise des transactions financières. Celles-ci suivent un processus de traitement faisant intervenir plusieurs acteurs ou actrices de marchés du Front Office, mais aussi celles ou ceux des fonctions support en Middle Office et Back Office. Dans cet article, nous rassemblons sous le terme de Front Office toutes les équipes contribuant aux transactions financières que ce soit dans la salle des marchés où travaillent les traders et les sales qui vendent les produits et les stratégies, les analystes financiers, les quants (ingénierie financière), mais aussi les Senior Banker (banquiers ou banquières conseil), les chargés d’affaires fusion-acquisition … Le Middle Office intervient dans la gestion des opérations et fait figure d’interface entre le Front Office et le Back Office qui procède à la finalisation des opérations financières réalisées, au contrôle sur les flux de paiement et de transfert de titres et gère la partie administrative et comptable des opérations. Ces fonctions support regroupent des métiers comme gestionnaires de Middle ou de Back Office, Risk Manager, Compliance Officer (gestionnaire de conformité), informaticiennes et informaticiens (cf. Chelly et Sébéloué, 2014).
4 De l’anglais Profit and Loss, il s’agit des gains et pertes générés.
5 McKinsey (2016), Women Matter 2016, reinventing the workplace to unlock the potential of gender diversity, McKinsey & Company.
6 Il est à noter qu’il existe de nombreux débats scientifiques sur ce sujet, y compris en sciences de gestion.
7 Issue de la psychologie sociale, ces biais désignent les représentations qui poussent les individus à discriminer, sans être pour autant porteurs d’une idéologie sexiste, raciste…
- CLIL theme: 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
- ISBN: 978-2-406-12361-3
- EAN: 9782406123613
- ISSN: 2555-039X
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-12361-3.p.0061
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 12-08-2021
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Gender, Glass ceilling, Professional equality, Top management, Resistances