Que font les restructurations aux parcours des salariés ?
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Socio-économie du travail
2019 – 1, n° 5. Que font les organisations aux parcours professionnels ? - Auteurs : Melnik-Olive (Ekaterina), Stephanus (Camille)
- Pages : 99 à 133
- Revue : Socio-économie du travail
Que font les restructurations
aux parcours des salariés1 ?
Ekaterina Melnik-Olive
Centre d’études et de recherches
sur les qualifications (Céreq)
Camille Stephanus
Centre d’études et de recherches
sur les qualifications (Céreq)
Les entreprises, leur gouvernance et leurs stratégies de gestion de la main d’œuvre occupent une place importante dans les évolutions du marché du travail et les trajectoires individuelles, que ce soit en France ou à l’étranger (Cappelli et al., 1997 ; Lefresne, 2002 ; Gazier et Petit, 2007 ; Bruyère et Lizé, 2012). D’une manière générale, cela se traduit en France, depuis les années 1980-1990, par une déstabilisation des trajectoires individuelles sur le marché du travail, même si les marchés internes n’ont pas disparu (Duhautois et al., 2012). Le nombre de transitions entre l’emploi et le chômage a augmenté, notamment pour les moins qualifiés (Larquier et Remillon, 2008). Sur la période 2008-2014, la part des actifs connaissant des allers-retours entre emploi et chômage et la part des contrats temporaires dans les embauches se sont accrues de manière significative (Flamand, 2016). La norme d’emploi en CDI à temps plein est aujourd’hui plus difficile à atteindre pour les jeunes en début de vie active qu’il y a vingt ans (Couprie et Joutard, 2017). La 100rotation de la main d’œuvre dans les établissements augmente depuis les années 1980 pour la majorité des métiers (Picart, 2014) et les changements dans les modes de production et de gestion de la main d’œuvre y jouent un rôle important (Gautié, 2006). En réponse à ces évolutions, les politiques de sécurisation des parcours occupent désormais une place centrale en France et en Europe (Castel, 2006 ; Mériaux, 2009).
Dans ce contexte, le phénomène des restructurations au sein même des entreprises peut venir accentuer ce constat d’une déstabilisation des salariés dans leur trajectoire professionnelle, mais aussi dans leur travail. Souvent accompagnées de réductions des effectifs, les restructurations se traduisent en effet par des transformations profondes de l’organisation, une intensification du travail et le sentiment d’insécurité pour les salariés qui restent dans l’entreprise (Guerrero, 2008 ; Bonvin et Simon, 2009 ; Beaujolin-Bellet et Schmidt, 2012 ; Benquet et Durand, 2016). L’évolution de la gouvernance des entreprises avec le rôle croissant des marchés financiers et des investisseurs, l’internationalisation et l’environnement économique et technologique en constante évolution ont concédé aux restructurations un caractère multiforme, diffus, permanent et universel (Beaujolin-Bellet et Schmidt, op. cit.). En France, comme en Europe, elles concernent aujourd’hui l’ensemble de l’économie. En 2015, plus d’un tiers des salariés des pays européens ont connu une restructuration ou réorganisation sur leur lieu de travail, la France se situant au-dessus de cette moyenne (Eurofound, 2018). Les réorganisations internes d’entreprises sont à l’origine de plus de 60 % des suppressions d’emploi annoncées en Europe, tandis qu’un tiers a été motivé par la faillite (Eurofound, 2012). Pour ceux qui sont contraints à quitter l’entreprise, les risques de chômage durable et l’insécurité des revenus augmentent (Amossé et al., 2011 ; Beaujolin-Bellet et al., 2009 ; Bruyère et Lizé, 2012 ; Huttunen et al., 2011 ; Jolkkonen, 2018). Mais les restructurations ont également des conséquences pour les salariés qui restent dans l’entreprise restructurée. En France, le rapport officiel remis en 2010 au Premier Ministre identifiait la fréquence des restructurations et le sentiment d’insécurité dans l’emploi qu’elles engendrent comme facteurs importants de risques psycho-sociaux pour les salariés (Lanchmann, Larose et Penicaud, 2010). De son côté, en 2012, la Commission Européenne, à travers son Livre Vert, reconnaissait les effets négatifs des restructurations « mal menées », y compris sur les salariés dont l’emploi n’est pas menacé a 101priori. Enfin, au-delà des risques psycho-sociaux pour les salariés, les restructurations présentent des risques pour les organisations et leur performance. Par exemple, le sentiment d’insécurité est considéré comme un facteur pouvant entraver l’identification des salariés à l’entreprise, l’investissement individuel et par voie de conséquence, la performance organisationnelle (Guerrero, 2008). C’est donc un ensemble très large d’effets potentiellement négatifs sur le travail et les trajectoires des salariés qui place les restructurations « au cœur de la dynamique de précarisation des différentes catégories de travailleurs » (Marsden, 2009).
Forts de ces constats, nous cherchons dans cet article à interroger, d’un point de vue micro, le rôle des restructurations dans la déstabilisation des trajectoires individuelles. L’hypothèse étudiée ici porte sur l’effet déstabilisateur des restructurations qui passe par la fragilisation de certaines catégories de salariés dans l’entreprise. Comment les restructurations et les éléments de contexte dans lesquels elles surviennent, impactent les perceptions des salariés quant à l’évolution de leurs conditions de travail, de leurs responsabilités, de leurs revenus et de leur sentiment de sécurité dans l’emploi ? En dehors des licenciements, ces restructurations suscitent-elles d’autres mobilités externes ?
Afin d’apporter des éléments de réponses à ces questions, nous revenons, dans une première partie, sur les travaux qui ont cherché à définir les restructurations et identifier leurs effets sur les salariés. Dans une deuxième partie, nous présentons les éléments de contexte qui conditionnent les restructurations et leurs caractéristiques. Dans les troisième et quatrième parties, nous examinons les conséquences des différentes formes de restructurations sur les salariés restés dans l’entreprise, puis, sur les mobilités des salariés ayant quitté leur entreprise dans ce contexte. La dernière partie présente des éléments de conclusion mais également de prolongement de notre travail.
102I. Les restructurations et leurs effets
sur les salariés : de quoi parle-t-on ?
Il ne faut pas s’y tromper : le terme « restructuration » est susceptible de recouvrir des réalités économiques et financières très différentes (Plassard, 2000). Les entreprises peuvent restructurer aussi bien dans un contexte économique défavorable que dans un contexte d’expansion (Gorgeu et Mathieu, 2005). Il est vrai que dans les années 1970-1980, de lourdes restructurations ont été menées conjointement par les entreprises et l’État face à la crise. Cela étant, à partir de 1990, aux côtés des restructurations « de crise », on observe l’émergence des restructurations dites « de compétitivité » ou « offensives », devenues un outil permanent d’adaptation et de réduction des coûts (Beaujolin-Bellet et Schmidt, 2012). Leurs raisons, finalités et effets sont multiples et peuvent différer d’une organisation à l’autre (Gorgeu et Mathieu, 2005 ; Beaujolin-Bellet et Schmidt, op. cit.). Le concept de restructuration mobilisé dans cet article désigne un ensemble de transformations qui touchent aux périmètres externes et internes de l’organisation productive et au travail des salariés (Beaujolin-Bellet et Schmidt, op. cit.). Nous adoptons aussi une vision élargie des restructurations qui intègre différentes dimensions interdépendantes et non-exclusives : financière (par exemple, les opérations de fusion-acquisition), organisationnelle (les changements dans l’organisation du travail, la suppression de niveaux hiérarchiques) et technologique (les changements dans les techniques et procédés) (Le Deist et Winterton, 2013).
De nombreux travaux pointent les difficultés à quantifier les restructurations et leurs conséquences sur l’emploi et les trajectoires individuelles des salariés (Plassard, 2000 ; Sauviat, 2010 ; Signoretto, 2015a). Parmi les plus préoccupantes pour les pouvoirs publics, et aussi les plus visibles, figurent les restructurations qui se traduisent par des suppressions d’emplois. Cependant, le dénombrement des licenciements économiques et des Plans de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) n’en fournit qu’une vision partielle (Sauviat, op. cit. ; Signoretto, op. cit.). En effet, les licenciements économiques et les PSE ne sont pas toujours utilisés par les entreprises pour réduire leurs effectifs. Elles peuvent aussi mobiliser d’autres leviers 103juridiques (rupture conventionnelle, licenciement pour motif personnel), ou supprimer les emplois temporaires considérés comme des « outils de flexibilité » (Vasquez, 2006 ; Signoretto, 2015b). Plus précisément, Signoretto (2015a) distingue plusieurs modes de gestion de départs des salariés dans le cadre de restructurations, souvent intégrés dans les PSE ou plans de départs volontaires. Ainsi, les « départs orientés vers l’inactivité » visant l’éviction des salariés les plus âgés et les départs « s’appuyant sur une indemnisation plus forte des salariés » incitant à quitter l’entreprise, peuvent prendre la forme juridique de « ruptures à l’amiable pour motif économique ». Quant aux départs « tournés vers un reclassement interne ou externe », ils correspondent aux pratiques de reclassement des salariés entre établissements d’une même entreprise, entre entreprises d’un même groupe, ou vers des entreprises « partenaires ». Cependant, l’obligation de reclassement n’étant pas une obligation de résultat, elle n’assure ni la qualité ni la pérennité des solutions trouvées pour les salariés (Bruggeman, 2005 ; Beaujolin-Bellet et al., 2009 ; Lefresne et Sauviat, 2009). En cas d’adhésion du salarié à ces dispositifs de reclassement externe, il s’agit juridiquement d’une rupture de contrat d’un commun accord. Mais l’accord du salarié concerne les mesures d’accompagnement ou de compensation, et non pas la rupture du contrat en elle-même, contrairement à un départ « réellement » choisi (Signoretto, 2015a). Enfin, la rupture conventionnelle, un dispositif juridique introduit en 2008 pour les salariés en CDI, est parfois utilisée pour contourner les contraintes liées au licenciement économique (Signoretto, 2015a ; 2015b). Résultant d’une négociation entre l’employeur et le salarié, il a été montré que seuls les cadres, les salariés les mieux rémunérés et ceux issus des grands établissements, parviennent en réalité à négocier des indemnités supérieures au minimum légal (Bouvier, 2018).
Il existerait ainsi un brouillage, accentué en cas de restructuration, entre les différentes catégories juridiques de rupture de la relation d’emploi, renvoyant à une distinction parfois floue entre les mobilités subies et les mobilités choisies (Perez, 2013 ; Berton, 2013).
De plus, afin de ne pas sous-estimer les effets déstabilisateurs des restructurations sur les trajectoires des salariés, il apparaît nécessaire d’affiner l’analyse des effets des restructurations sur les mobilités en admettant que « la forme juridique de la rupture est peut-être moins importante que les conditions qui l’ont entourée » (Berton, op. cit., 104p. 50). Perez (2013 ; 2014) montre ainsi que pour les salariés restés en entreprise, les restructurations et les pratiques de management mises en œuvre dans le cadre de changements provoquent un sentiment d’insécurité et une dégradation des conditions du travail qui peuvent déboucher sur d’autres formes juridiques de rupture. Susceptibles de créer de « nouvelles vulnérabilités » pour certaines catégories de travailleurs, les restructurations peuvent aussi créer de nouvelles opportunités pour d’autres (Rorive, 2005).
C’est en référence à cette littérature que nous cherchons à analyser ici la nature des liens entre restructurations et mobilités externes des salariés en prenant en compte aussi bien les modalités juridiques de départs que leur dimension subjective, c’est-à-dire telles que ces ruptures sont perçues par les salariés. Ainsi, les mobilités des salariés considérées a priori comme choisies, peuvent en réalité être contraintes par les stratégies et pratiques des entreprises en matière de gestion de la main d’œuvre, ainsi que par d’autres éléments de contexte de l’entreprise et du marché (Berton, op. cit.). La prise en compte de ces éléments (les variations de l’activité, la dépendance de l’entreprise d’un groupe, la présence de capitaux étrangers…) constitue l’un des apports originaux de ce travail en ce qu’elle permette d’ouvrir un angle mort susceptible d’éclairer l’impact des restructurations sur le vécu des salariés et leurs mobilités.
Au total, notre article vise à éclairer le rôle des restructurations sur les salariés et leurs trajectoires professionnelles à partir d’une source originale, à savoir les données couplées Salarié-Entreprise Defis produites par le Céreq (cf. encadré 1).
1. Présentation de l’enquête Defis
Le Dispositif d’enquêtes sur les formations et itinéraires des salariés (Defis) a été initié par le Céreq en 2014, à la demande du Conseil National d’Évaluations de la Formation Professionnelle (CNEFP). Le dispositif est financé par le Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP), aujourd’hui France compétences. Ce dispositif associe le suivi d’une cohorte de salariés sur 5 ans à l’interrogation des entreprises qui les employaient initialement. Elle comporte ainsi deux volets : le volet Entreprise qui apporte des informations sur l’entreprise où le salarié travaillait en 2013, sa gouvernance et les transformations qui ont pu y survenir ; et le volet Salarié qui permet de caractériser l’environnement de travail du salarié entre 2014 et 2016. Plus précisément :
105– Le volet Entreprise : en mars-avril 2015, environ 3 700 entreprises représentatives des structures de dix salariés et plus (en France métropolitaine) dans l’ensemble des secteurs d’activité marchands (y compris les entreprises privées de l’éducation et de la santé, mais hors agriculture et administration publique) ont été interrogées. L’enquête s’intéresse également aux entreprises de 3 à 9 salariés pour certains secteurs, mais ces entreprises ont été exclues de notre analyse. Au total, 4 500 entreprises ont été interrogées. Ce volet fournit des informations concernant les pratiques des entreprises en matière de gestion des ressources humaines, et plus particulièrement les pratiques de formation, le management et l’organisation du travail.
– Le volet Salarié : environ 16 000 individus, salariés en décembre 2013 des entreprises répondantes, ont été interrogés en 2015, puis réinterrogés chaque automne jusqu’en 2019. Ce volet décrit des éléments biographiques, recense les formations à visée professionnelle et retrace les parcours professionnels des individus interrogés.
Les résultats présentés dans ce document portent sur les salariés employés au 31/12/2013 dans les entreprises répondantes de 10 salariés et plus interrogés lors des deux premières vagues de l’enquête (en 2015 et 2016). Les salariés âgés de plus de 56 ans, les apprentis, ainsi que les salariés encore en formation initiale au 1er janvier 2014 ont été exclus de l’analyse, portant la taille de l’échantillon global à 8493 salariés.
Sur la base de ces données, nous abordons à présent la manière dont nous saisissons les restructurations dans leur contexte.
I. Approcher empiriquement le contexte
et les caractéristiques des restructurations
Les effets des restructurations sur l’emploi et les parcours dépendent en partie de la nature et du contexte de ces dernières (Plassard, 2000). Les modes de gouvernance de l’entreprise influencent non seulement la gestion de la main d’œuvre, le dialogue social et les marges de manœuvre des acteurs concernés (Lefresne et Sauviat, 2009) mais aussi les raisons profondes des restructurations. La gouvernance de l’entreprise, par exemple l’appartenance à un groupe, la présence de capitaux étrangers, l’actionnariat, orientent les finalités des restructurations vers les différentes stratégies des parties prenantes (Benquet et Durand, 2016). Les entreprises plus petites, non-cotées en bourse ou n’appartenant pas à un groupe, restructurent plus souvent dans le but d’éviter la faillite, tandis que les stratégies de groupe et les pressions des investisseurs 106peuvent motiver des restructurations pour toutes autres raisons (Degorre et Reynaud, 2007 ; Gorgeu et Mathieu, 2005). Dans les justifications de la mise en place d’un PSE, le dépôt de bilan est, par exemple, plus souvent évoqué par les entreprises indépendantes, tandis que pour les entreprises appartenant à un groupe, ce sont les réorganisations qui sont avancées en premier lieu (Sauviat, 2010).
II.1. Une typologie de situations d’entreprise
Une typologie élaborée à partir des données du volet Entreprise de Defis permet de prendre en compte des éléments de contexte dans l’analyse des effets des restructurations sur les mobilités et le vécu des salariés. Ces éléments qui conditionnent les restructurations renvoient au type de gouvernance de l’entreprise, aux évolutions de son activité et au type de marché sur lequel elle intervient.
Une analyse factorielle (Analyse des Correspondances Multiples – ACM) suivie d’une Classification Ascendante Hiérarchique (CAH) a pris appui sur deux groupes de variables actives. Le premier se réfère au contexte économique de l’entreprise ; il porte sur l’évolution de son chiffre d’affaire et de son marché durant les trois dernières années (2012-2015), ainsi que sur la taille de son marché (international, national ou régional). Le second groupe concerne la structure de l’entreprise et sa gouvernance : présence de capitaux étrangers, appartenance à un organisme financier ou non-financier, à une famille, un groupe, mono ou pluri-établissement(s). Au total, l’analyse factorielle fait intervenir une dizaine de variables actives.
Deux principaux axes se dégagent. Le premier distingue les entreprises selon qu’elles ont connu ou non une baisse ou hausse du chiffre d’affaire ou du marché, entre 2012 et 2015. Le second oppose les entreprises selon leur structure de propriété et le type de marché sur lequel elles opèrent. D’un côté, il s’agit des entreprises appartenant à un groupe, un organisme financier ou une société non-financière, intervenant sur le marché international ou national. Nous les qualifions d’entreprises « dépendantes ». De l’autre, se situent les entreprises n’appartenant pas à un groupe et dont la structure de propriété ne contient ni capital étranger, ni organisme financier, ni société non-financière, opérant plus souvent sur un marché régional. Nous les appelons les entreprises « indépendantes ».
107La CAH conduit ensuite à distinguer cinq types d’entreprises formant des classes relativement proches en termes de marché sur lequel elles interviennent, de variation d’activité et de gouvernance (tableau 1). Les entreprises dites indépendantes sont elles-mêmes divisées en trois groupes selon que leur activité est en baisse (29 % des entreprises et 17 % des salariés), stable (14 % des entreprises et 5 % des salariés) ou en croissance (15 % des entreprises et 9 % des salariés). Les entreprises dites dépendantes, ne sont quant à elles divisées qu’en deux groupes : les entreprises en croissance (22 % des entreprises et 28 % des salariés) et celles en déclin ou stables (21 % des entreprises et 40 % des salariés).
Tab. 1 – Répartition des entreprises par situations (données pondérées)
Situation d’entreprise |
Entreprises en restructuration |
Ensemble des entreprises |
|||||
plan de licenciement |
acquisition |
fusion-acquisition |
baisse d’effectifs |
baisse du nombre niv. hiérarchiques |
changement de propriétaire |
||
Indépendante en baisse |
48 |
15 |
23 |
61 |
52 |
22 |
29 |
Indépendante stable |
7 |
10 |
6 |
7 |
1 |
8 |
14 |
Indépendante en hausse |
3 |
14 |
9 |
2 |
6 |
16 |
15 |
Dépendante stable ou en baisse |
31 |
28 |
31 |
22 |
28 |
28 |
21 |
Dépendante en hausse |
10 |
33 |
30 |
7 |
12 |
26 |
22 |
Total |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
Source : Céreq-France compétences, Defis volet Entreprise 2015.
Champ : entreprises de 10 salariés et plus (N=3379).
Les classes issues de cette typologie confortent les résultats des travaux consacrés aux déterminants des restructurations. Le contexte économique et la structure de propriété apparaissent comme deux dimensions très discriminantes. Environ 80 % des entreprises ayant connu un plan de 108licenciement2 ou une baisse d’effectifs sont regroupées parmi celles dont l’activité est plutôt en baisse (tableau 1). Ce sont aussi ces entreprises qui ont majoritairement connu une réorganisation interne sous la forme d’une baisse du nombre de niveaux hiérarchiques. Les fusions-acquisitions ou les changements de propriétaire sont majoritairement présents au sein des classes regroupant les entreprises dites dépendantes. Un tiers des acquisitions (i.e. rachat d’une autre entreprise) durant la période 2012-2015 est observé dans des « entreprises dépendantes en hausse ». Dans les classes des « entreprises dépendantes », on observe une surreprésentation des entreprises des secteurs de la métallurgie et de la chimie, tandis que les classes regroupant les « entreprises indépendantes » contiennent une part relativement élevée d’entreprises de la construction3.
II.2. Appréhender les restructurations
dans leurs différentes dimensions
Le parti pris de notre analyse consiste à s’intéresser aux effets des restructurations dont l’impact, quel qu’il soit, a été ressenti par les salariés. Dans le cadre du suivi du volet Salarié, ces derniers ont été interrogés sur les changements survenus dans leur entreprise et ayant affecté leur environnement de travail. Les questions portant sur les restructurations ont été posées en 2015 et 2016, couvrant ainsi la période de 2014 à 2016 : « Depuis janvier 2014/2015, votre environnement de travail a-t-il été fortement modifié par… Une restructuration ou une fusion ou un déménagement de l’établissement, l’entreprise où vous travaillez ? Un plan de licenciement dans l’établissement où vous travaillez ? ». Une variable à trois modalités a été ainsi construite : une première modalité identifie les salariés ayant vu leur environnement de travail touché par une restructuration incluant un plan de licenciement (10 % des salariés) ; une deuxième identifie ceux déclarant une restructuration sans plan de licenciement (24 %) ; une dernière permet d’identifier les salariés n’ayant déclaré ni restructuration ni plan de licenciement (66 %) (Tableau 2).
109Tab. 2 – Répartition des salariés par situations d’entreprise
avec ou sans restructuration (données pondérées).
Situation d’entreprise |
Salariés d’une entreprise en restructuration… |
Salariés d’une entreprise sans restructuration (66 %) |
Ensemble des salariés |
|
avec (10 %) |
sans (24 %) |
|||
Indépendante en baisse |
21 |
13 |
18 |
17 |
Indépendante stable |
2 |
6 |
5 |
5 |
Indépendante en hausse |
6 |
7 |
11 |
9 |
Dépendante stable ou en baisse |
47 |
43 |
38 |
40 |
Dépendante en hausse |
24 |
31 |
28 |
29 |
Total |
100 |
100 |
100 |
100 |
Source : Céreq-France compétences, Defis volets Entreprise et Salarié, 2015 et 2016.
Champ : salariés de moins de 56 ans (hors apprentis ou travailleurs en formation initiale) des entreprises de 10 salariés et plus (N=8493).
D’autres types de changements, qui peuvent renvoyer aux dimensions organisationnelle et technique des restructurations impactant le travail des salariés, sont appréhendés à partir des questions posées également en 2015 et 2016 : « Depuis janvier 2014/2015, votre travail a-t-il été modifié par : Un changement dans les techniques ou procédures utilisées ? L’introduction d’un nouveau produit, service, marché, client ? Un changement de l’organisation du travail ? ». Trois variables binaires ont été ainsi construites pour identifier les salariés qui ont déclaré les changements suivants : dans l’organisation du travail (58 %), dans les techniques ou procédures utilisées (52 % des salariés) et dans l’introduction d’un nouveau produit, service, marché, client (54 %) (Tableau 3).
110Tab. 3 – Répartition des salariés par situations d’entreprise
avec ou sans changement (données pondérées).
Situation d’entreprise |
Salariés déclarant… |
Ensemble des salariés |
||
Un changement dans l’organisation du travail (58 %) |
L’introduction d’un nouveau produit (54 %) |
Un changement dans les techniques (52 %) |
||
Indépendante en baisse |
15 |
14 |
16 |
17 |
Indépendante stable |
4 |
4 |
4 |
5 |
Indépendante en hausse |
9 |
7 |
7 |
9 |
Dépendante stable ou en baisse |
42 |
44 |
43 |
40 |
Dépendante en hausse |
30 |
31 |
30 |
29 |
Total |
100 |
100 |
100 |
100 |
Source : Céreq-France compétences, Defis volets Entreprise et Salarié, 2015 et 2016.
Champ : salariés de moins de 56 ans (hors apprentis ou travailleurs en formation initiale) des entreprises de 10 salariés et plus (N=8493).
Ces variables ne sont pas exclusives les unes des autres. Elles reflètent différentes dimensions des restructurations qui ont été intégrées dans les modèles explicatifs du sentiment d’insécurité dans l’emploi et des évolutions vécues par les salariés demeurant dans leur entreprise.
Encore une fois, les résultats reportés dans les tableaux 2 et 3 confortent le caractère discriminant du contexte économique et de la gouvernance dans l’analyse des restructurations (Bunel et al., 2009). Les salariés qui déclarent un environnement impacté par un plan de licenciement sont surreprésentés au sein des deux classes d’entreprises, indépendantes et dépendantes, ayant connu une baisse d’activité. Ceux qui disent avoir été concernés par une restructuration sans plan de licenciement sont un peu plus présents dans les deux classes regroupant les entreprises 111dépendantes (tableau 2). Enfin, les salariés qui déclarent des changements dans le travail dus à une nouvelle organisation du travail, l’introduction d’un nouveau produit ou d’une technique sont également globalement plus présents dans les entreprises dites dépendantes (tableau 3).
Ces résultats permettent d’inscrire les différentes formes de restructurations dans des configurations socio-économiques d’entreprises. Nous mobilisons la variable issue de notre typologie dans l’analyse qui suit.
I. Quand les salariés se retrouvent fragilisés
Cette partie s’intéresse à la manière dont les restructurations impactent les perceptions des salariés au sujet de leurs conditions de travail et d’emploi. Cela prolonge des travaux, qui, en écartant une vision déterministe (Bonvin et Simon, 2009 ; Perez, 2013), montrent comment les restructurations et les nouvelles formes de gestion et d’organisation du travail créent de nouvelles « vulnérabilités » (Rorive, 2005).
Jusqu’ici la sécurité des revenus n’a été abordée que pour les salariés ayant connu des mobilités externes (Bruyère et Lizé, 2012). Qu’en est-il des effets des restructurations sur les salaires des travailleurs qui restent dans leur entreprise ? En effet, la « stabilité dans l’emploi n’implique pas toujours stabilité des revenus » et il serait imprudent de supposer a priori que les salaires des personnes qui restent dans l’entreprise sont stables ou augmentent (Bruyère et Lizé, op. cit., p. 7). Du point de vue légal, le salaire de base inscrit dans le contrat de travail ne peut pas être révisé sans accord du salarié. En cas de refus, l’employeur ne peut pas licencier le salarié sans que le licenciement ne soit considéré sans cause réelle ni sérieuse. Les employeurs peuvent toutefois proposer des baisses de salaire, accompagnées ou pas de réduction du temps de travail, en échange de la sauvegarde d’emplois par exemple (Allan, 1997). Ces pratiques font partie des mesures proposées pour éviter des licenciements (ou en réduire leur nombre) en cas de difficulté économique. Aussi, les baisses de salaire, parfois liées à des variations de primes ou des changements dans la quotité de temps du travail, sont-elles plus fréquentes pour les salariés qui restent dans le même établissement (Biscourp et al. 2005).
112III.1. Appréhender la fragilisation
des salariés au travail
Afin d’étudier les effets des restructurations sur l’environnement de travail des salariés, nous utilisons les variables déclaratives portant sur les évolutions de leur situation professionnelle dans l’entreprise. Pour cette analyse, nous utilisons la sous-population des salariés restés dans la même entreprise pendant les deux années du suivi longitudinal.
Les salariés demeurés dans la même entreprise depuis le début du suivi ont été interrogés sur les évolutions qu’ils ont pu percevoir sur leur situation professionnelle entre 2014 et 2016. Les modifications de salaire ont été appréhendées par la question suivante : « Comment a évolué votre rémunération depuis décembre 2013 en dehors des augmentations de salaire liées à l’ancienneté ou au SMIC ? ». Une deuxième question a permis de saisir l’évolution perçue des responsabilités sur la période de suivi : « Diriez-vous que votre niveau de responsabilité a augmenté, a baissé, n’a pas évolué ? ». Enfin, une troisième question concernant les évolutions des conditions de travail a été posée comme suit : « Diriez-vous que vos conditions de travail se sont améliorées, se sont détériorées, n’ont pas changé ? ». À partir de ces questions, nous avons construit trois variables binaires identifiant les salariés qui ont connu des évolutions à la baisse en termes de rémunération, de niveau de responsabilité ou de conditions de travail. Si seulement 7 % des salariés qui sont toujours dans leur entreprise déclarent une baisse de niveau de responsabilité, presque 23 % d’entre eux relatent une dégradation de leurs conditions de travail, tandis que 10 % font état une baisse de rémunération.
Le sentiment d’insécurité dans l’emploi a été appréhendé par le biais de la question portant sur le risque de perte d’emploi perçu par les salariés : « Dans les 12 prochains mois, pensez-vous avoir un risque de perte d’emploi : très probable, probable, peu probable, impossible ? ». Une variable binaire identifiant les salariés qui considèrent ce risque comme « très probable » ou « probable » (29 % des salariés) permet ainsi d’approcher le sentiment d’insécurité du salarié dans son emploi.
113III.2. L’effet apparent des restructurations sur la situation
des salariés restés dans l’entreprise restructurée
Le Tableau 4 présente les principaux résultats des régressions logistiques visant à rendre compte des effets des restructurations et des circonstances qui les entourent sur nos indicateurs de fragilisation des salariés au travail. On observe, à caractéristiques de salariés et d’entreprises équivalentes, des effets significatifs d’un plan de licenciement sur les risques d’une baisse de salaire, de conditions de travail perçues comme dégradées ainsi qu’un effet particulièrement fort sur le risque perçu de perte d’emploi. Les restructurations n’impliquant pas de plan de licenciement semblent avoir des effets positifs et significatifs uniquement sur les risques de perte de salaire et de responsabilité. Par ailleurs, les changements dans l’organisation du travail influencent positivement et significativement les quatre indicateurs subjectifs de fragilisation, tandis que les changements techniques impactant le travail affectent surtout le sentiment d’avoir des conditions de travail dégradées et le sentiment d’insécurité dans l’emploi.
Quant au contexte de l’entreprise en restructuration, la plupart des effets significatifs sur les indicateurs de fragilisation sont observés pour les salariés travaillant dans des entreprises dites dépendantes dont l’activité n’est pas en hausse. Le fait de travailler dans ce type d’entreprise (regroupant 41 % des salariés inclus dans l’analyse) augmente significativement les risques de baisse de salaire, de responsabilité et le sentiment d’insécurité. Être dans une entreprise indépendante connaissant des difficultés économiques (i.e. une activité en baisse) augmente le sentiment d’insécurité dans l’emploi, mais ne semble pas impacter les trois autres indicateurs. Enfin, être employé par une entreprise indépendante à l’activité stable semble accroître les risques de ressentir une dégradation des conditions de travail par rapport à une entreprise dépendante en croissance. En revanche, les salariés de ce type d’entreprises ont une moindre probabilité d’exprimer un sentiment d’insécurité dans l’emploi que les salariés des entreprises dites dépendantes.
114Tab. 4 – Effet apparent des restructurations sur la situation déclarée des salariés restés dans l’entreprise (quatre régressions logistiques séparées estimées
par maximum de vraisemblance, avec pondérations).
Probabilité de déclarer… |
|||||||||
Baisse de salaire |
Moins de responsabilités |
Conditions de travail dégradées |
Risque de perte d’emploi |
||||||
Modification de l’environnement de travail |
|||||||||
Entreprise en restructuration |
Avec plan de licenciement |
+0,62** |
ns |
+0,67*** |
+1,39*** |
||||
Sans plan de licenciement |
+0,51** |
+0,69*** |
ns |
ns |
|||||
Entreprise sans restructuration |
réf. |
réf. |
réf. |
réf. |
|||||
Situation de l’entreprise |
|||||||||
Indépendante |
en baisse |
ns |
ns |
ns |
+0,62** |
||||
stable |
ns |
ns |
+0,56* |
-0,57* |
|||||
en hausse |
ns |
ns |
ns |
ns |
|||||
Dépendante |
stable ou en baisse |
+0,74*** |
+0,42* |
ns |
+0,33** |
||||
en hausse |
réf. |
réf. |
réf. |
réf. |
|||||
Travail modifié par un changement |
|||||||||
Organisation du travail |
Oui |
+0,41** |
+0,77*** |
+0,57** |
+0,29** |
||||
Non |
réf. |
réf. |
réf. |
réf. |
|||||
Introduction d’un nouveau produit |
Oui |
ns |
ns |
ns |
ns |
||||
Non |
réf. |
réf. |
réf. |
réf. |
|||||
Techniques ou procédures utilisées |
Oui |
ns |
ns |
+0,33** |
+0,25* |
||||
Non |
réf. |
réf. |
réf. |
réf. |
|||||
Autres conditionnements |
Age, sexe, contrat de travail, diplôme, catégorie socioprofessionnelle, ancienneté du salarié + taille et secteur de l’entreprise |
||||||||
N |
6 181 |
* significatif à 10 %, ** significatif à 5 %, *** significatif à 1 %.
Lecture : Les salariés déclarant une restructuration avec plan de licenciement ont, à autres déterminants donnés, une probabilité supérieure aux autres de déclarer une baisse de salaire.
Source : Céreq-France compétences, Defis volets Entreprise et Salarié, 2015 et 2016.
Champ : salariés de moins de 56 ans (hors apprentis ou travailleurs en formation initiale) des entreprises de 10 salariés et plus.
115Au-delà des effets propres aux restructurations et à leurs circonstances, certaines caractéristiques des salariés et de leurs emplois semblent accroître ou, au contraire, réduire certains risques (tableau 6 en annexe). Par exemple, les salariés non-diplômés du supérieur et les employés de commerce (versus les cadres) déclarent plus souvent des baisses de salaire. Le risque de perte d’emploi est plus souvent perçu par les salariés plus âgés et ceux en contrat temporaire. Les femmes évoquent plus souvent que les hommes des conditions de travail dégradées. En revanche, les ouvriers non-qualifiés et non-diplômés du supérieur le font moins souvent, peut-être en raison de conditions de travail initiales déjà défavorables (Rouxel, 2009). De même, les baisses de responsabilité sont moins souvent déclarées par les ouvriers que par les cadres. Ce résultat peut être interprété de deux manières différentes. D’une part, pour exprimer le sentiment de perdre des responsabilités, il faut avoir eu le sentiment d’en détenir auparavant. Cela est peut-être plus souvent le cas pour les cadres que pour les salariés moins qualifiés. D’autre part, cela va dans le sens de certaines pratiques d’entreprises, que l’on retrouve dans le lean management par exemple, qui tendent à accroitre l’autonomie et la responsabilisation des salariés en supprimant les niveaux intermédiaires de management tout en renforçant le contrôle. Dans ce cas, les salariés moins qualifiés peuvent gagner en autonomie et en responsabilité sur leurs postes (Cappelli et al., 1997 ; Beaujolin-Bellet et Schmidt, 2012).
Ces résultats apportent des éléments de cadrage aux approches plus compréhensives mettant en avant les effets potentiellement négatifs des restructurations sur les salariés (Le Deist et Winterton, 2013). Il est cependant important de souligner que ces résultats montrent les tendances dominantes, mais ne signifient pas qu’il existe un déterminisme selon lequel toute restructuration impacterait négativement les salariés (Bonvin et Simon, 2009 ; Perez, 2013). En effet, ce sont les conditions de leur mise en œuvre, trop souvent « peu respectueuses des collectifs de travail et des conditions favorisant l’implication et la réalisation d’un travail de qualité » (Perez, 2013, p. 222), et les motivations qui les fondent qui sont susceptibles de déstabiliser les salariés dans leur entreprise.
116I. Quand les départs reflètent
les contraintes de l’organisation
Les restructurations et les changements qui leurs sont associés peuvent amener à une rupture de la trajectoire du salarié au sein de son entreprise. Dans certains cas, la rupture, même volontaire du point de vue juridique (par exemple une démission), est une façon de sortir d’une situation qui n’est plus soutenable (Perez, op. cit.). De plus, les entreprises peuvent profiter des restructurations pour rajeunir la pyramide des âges et/ou changer leur structure de qualifications (Signoretto, 2015a).
IV.1. Appréhender les mobilités externes
dans leur double dimension, juridique et subjective
Les différentes formes de mobilité externe sont analysées de deux manières parallèles : du point de vue du mode juridique de départ et du point de vue purement subjectif du salarié. Contrairement à Amossé et al. (2011) qui utilisent la dimension subjective de la mobilité uniquement pour les ruptures de contrat à durée déterminée, nous avons appréhendé les modes juridiques de rupture et leur dimension subjective en les traitant de manière séparée. Cela permet également de ne pas émettre d’hypothèse a priori sur le caractère contraint ou choisi des démissions ou des licenciements (Filatriau et Nouël de Buzonnière, 2011). Deux questions distinctes posées aux salariés permettent d’appréhender ces différentes dimensions relatives aux mobilités externes. La première question traite de l’aspect juridique de la rupture : « Pourquoi avez-vous cessé de travailler pour cette entreprise ? Vous avez démissionné ; c’était la fin de votre contrat ; licenciement ; autre rupture de contrat (dont rupture à l’amiable) ». La seconde renvoie à sa dimension subjective : « Pourquoi avez-vous cessé de travailler pour cette entreprise ? Vous avez été contraint par l’entreprise ; Vous l’avez choisi ? ».
Parmi les salariés qui étaient en emploi à la fin 2013, 11 % ont connu une rupture à l’amiable ou non-précisée, 8 % ont démissionné, 1177 % sont partis suite à la fin de leur contrat et 4 % ont été licenciés entre 2014 et 2016. D’un point de vue subjectif, 11 % de ces salariés ont connu une mobilité externe contrainte et 19 % une mobilité choisie. Au total, à l’automne 2016, près d’un tiers des salariés de notre champ ont quitté l’entreprise dans laquelle ils travaillaient en décembre 2013.
IV.2. L’effet apparent des restructurations
sur la probabilité et la forme des mobilités externes
Quels types de mobilités les restructurations suscitent-elles ? Nous avons réalisé des estimations de modèles du type logit multinomial (Afsa-Essafi, 2003), en prenant pour situation de référence le fait d’être toujours dans l’entreprise. Les probabilités des différents modes de départ ont donc été calculées relativement à la probabilité de rester dans l’entreprise (Tableau 5). Sans surprise, un plan de licenciement augmente très significativement la probabilité pour un salarié d’être licencié et, moins significativement, la probabilité d’une autre rupture (dont rupture à l’amiable). Les restructurations sans plan de licenciement accroissent également la probabilité pour un salarié d’être licencié, mais réduisent la probabilité de quitter l’entreprise suite à la fin du contrat. D’un point de vue subjectif, la probabilité qu’un salarié perçoive son départ comme contraint augmente avec une restructuration, qu’elle soit accompagnée ou non d’un plan de licenciement. Cependant, avoir connu une restructuration n’impacte pas la probabilité d’une mobilité externe perçue comme choisie. Ainsi, si l’on pouvait supposer que certains départs négociés dans le cadre de restructurations financières seraient choisis, cela ne semble pas être le cas du point de vue des salariés.
118Tab. 5 – Effet apparent des restructurations sur différentes catégories de mobilité externe (deux régressions logistiques multinomiales séparées estimées par maximum de vraisemblance, avec pondérations) par référence à l’absence de mobilité externe.
Probabilité de … |
Probabilité de mobilité externe… |
||||||
Démission |
Licencie-ment |
Fin de contrat |
Autre rupture |
Contrainte |
Choisie |
||
Modification de l’environnement de travail |
|||||||
Entreprise en restructuration |
Avec plan de licenciement |
ns |
+2,06*** |
ns |
+0,49** |
+1,66*** |
ns |
Sans plan de licenciement |
ns |
+0,66*** |
-0,52* |
ns |
0,38* |
ns |
|
Entreprise sans restructuration |
réf. |
réf. |
réf. |
réf. |
réf. |
réf. |
|
Situation de l’entreprise |
|||||||
Indépendante |
en baisse |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
stable |
ns |
-1,02* |
ns |
ns |
-1,13** |
ns |
|
en hausse |
ns |
-1,04** |
ns |
ns |
ns |
ns |
|
Dépendante |
stable ou |
ns |
ns |
ns |
ns |
0,34* |
ns |
en hausse |
réf. |
réf. |
réf. |
réf. |
réf. |
réf. |
|
Travail modifié par un changement d’organisation du travail |
|||||||
(réf. = non) |
+0,77*** |
ns |
ns |
+0,59*** |
ns |
+0,68*** |
|
Travail modifié par l’introduction d’un nouveau produit |
|||||||
(réf. = non) |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
|
Travail modifié par un changement de technique ou procédure utilisée |
|||||||
(réf. = non) |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
|
Autres conditionnements |
Age, sexe, diplôme, catégorie socioprofessionnelle, + taille et secteur de l’entreprise |
||||||
N |
8 493 |
* significatif à 10 %, ** significatif à 5 %, *** significatif à 1 %.
Lecture : Les salariés déclarant une restructuration avec plan de licenciement ont, à autres déterminants donnés, une probabilité supérieure aux autres de déclarer une baisse de salaire.
Source : Céreq-France compétences, Defis volets Entreprise et Salarié, 2015 et 2016.
Champ : salariés de moins de 56 ans (hors apprentis ou travailleurs en formation initiale) des entreprises de 10 salariés et plus.
119Du point de vue des changements, le changement technique ne semble pas affecter les mobilités externes des salariés, tout comme l’introduction de nouveaux produits ou services. En revanche, le changement dans l’organisation du travail exerce un effet significatif sur les probabilités de démissionner et d’obtenir une autre rupture (dont une rupture à l’amiable). Du point de vue du salarié, les changements dans l’organisation du travail apparaissent plus souvent contingents aux départs perçus comme choisis. Cependant, ce lien interroge : ne s’agit-il pas de mobilités contraintes par le contexte ?
Enfin, le contexte et la gouvernance de l’entreprise, tels qu’ils sont pris en compte dans notre typologie, semblent avoir des effets significatifs sur les mobilités perçues comme contraintes tout comme les licenciements. Plus précisément, le risque d’être licencié est significativement plus faible pour les salariés d’une entreprise indépendante stable ou en croissance que dans une entreprise dépendante en croissance. Ce résultat est confirmé lorsque l’on regarde les départs perçus comme contraints. Si l’on compare entre eux les salariés des entreprises dépendantes, les salariés des entreprises ayant leur activité en baisse ou stable risquent plus un départ contraint que les salariés d’une entreprise indépendante stable, mais sans pour autant que ce soit un licenciement.
Au-delà de ces effets principaux, certaines caractéristiques sociodémographiques et d’emploi sont particulièrement associées à certaines formes de mobilité externe (voir tableau 7 en annexe). On constate, par exemple, un effet protecteur du diplôme du supérieur contre un licenciement et, plus généralement, contre une mobilité perçue comme contrainte. Les employés de commerce risquent plus un licenciement que les cadres, tandis que l’on n’observe pas de différence significative pour d’autres catégories, toutes choses égales par ailleurs. L’âge diminue la probabilité d’une rupture conventionnelle ou d’une autre rupture à l’amiable mais, à partir d’un point de retournement, cette probabilité augmente. Cette même tendance est constatée pour les départs perçus comme choisis, suggérant que ce type de rupture engloberait des mesures d’âge proposées par les entreprises pour réduire les effectifs ou rajeunir la pyramide des âges. En revanche, les autres ruptures (dont une rupture à l’amiable) semblent moins ouvertes aux ouvriers qui ont une moindre probabilité de quitter l’entreprise dans ce cadre. De plus, occuper un emploi d’ouvrier non-qualifié diminue significativement la probabilité d’un départ perçu comme choisi.
120Conclusion
À partir d’une source originale de données quantitatives, cet article apporte des éléments de cadrage sur les processus de fragilisation des salariés dans les entreprises en restructuration. Les restructurations sont abordées ici dans une vision élargie, c’est-à-dire incluant leurs dimensions financière, organisationnelle et technique. L’un des apports de ce travail consiste également à prendre en compte les caractéristiques des entreprises exposées aux restructurations à travers une typologie de leurs situations.
Nos résultats font ainsi ressortir les liens qui existent entre les restructurations au sens large (avec ou sans plan de licenciement, changement technique ou organisationnel) et les indicateurs subjectifs de fragilisation des salariés dans leur emploi. Ils indiquent que si les transformations survenues dans l’entreprise introduisent une instabilité dans les situations d’emploi, le contexte économique de l’entreprise et sa structure de propriété y jouent également un rôle significatif. Notamment, le sentiment d’insécurité dans l’emploi apparaît contingent aux difficultés économiques de l’entreprise, mais également à sa structure de gouvernance.
Ils montrent également que cette fragilisation subjective liée aux restructurations se traduit par des mobilités externes accrues. Ceci ne concerne pas seulement le risque d’être licencié, mais aussi celui de connaitre d’autres formes de mobilités.
Dans un environnement de travail affecté par une restructuration avec ou sans plan de licenciement, les salariés sont aussi plus enclins à percevoir leur mobilité comme contrainte. En outre, la relation positive entre les changements dans l’organisation du travail et les mobilités perçues comme choisies invite à questionner la réelle liberté de choix des salariés dans ce contexte.
Dans cet article, nous avons fait le choix d’analyser les effets des restructurations qui ont affecté l’environnement de travail des salariés de leur point de vue. Une autre possibilité serait d’appréhender les restructurations avec les variables déclarées par les entreprises. Ce changement de perspective permettrait notamment de rendre compte des effets des restructurations sur les salariés qu’ils soient ou non directement 121impactés dans leur travail. Plus largement, les liens entre les politiques d’entreprises et les parcours des salariés restent à explorer. Par exemple, les configurations organisationnelles axées sur le développement des capacités (Caillaud et Zimmermann, 2011 ; Sigot et Vero, 2014 ; Vero et Sigot, 2017 ; Vero et Zimmermann, 2018) seraient-elles susceptibles de sécuriser les trajectoires professionnelles dans un contexte de restructuration ?
La mise en évidence des effets déstabilisateurs des restructurations sur les salariés au sein de leur entreprise interroge les modalités d’accompagnement des salariés aux trajectoires heurtées par une restructuration. Les résultats présentés dans cet article fournissent des éléments en faveur des dispositifs d’accompagnement des parcours plutôt que de gestion des conséquences des restructurations menées « à chaud ». Les dispositifs tels que le Conseil en Évolution Professionnelle (CEP) pourraient permettre d’avancer dans cette direction (Melnik-Olive et Stephanus, 2019). Mais cet accompagnement n’est pas du seul ressort de l’action publique, il engage aussi les entreprises. Au-delà des dispositifs de reclassement, les entreprises ont un rôle à jouer dans l’accompagnement des transitions professionnelles en lien avec les changements qu’elles connaissent. Au titre de leur implication, comptent les outils et les démarches qu’elles sont susceptibles de déployer pour soutenir les transitions contraintes par le contexte (Sardas et Gand, 2011). Au demeurant, des pratiques accrues de restructurations dépourvues d’accompagnement pourraient s’avérer, y compris pour les entreprises, en décalage avec leur recherche de performance (Everaere, 2012). L’évaluation des dispositifs d’accompagnement constitue également une orientation pour des travaux à venir.
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126Annexe I
Tab. 6 – Restructurations et indicateurs de fragilisation au travail
(quatre régressions logistiques séparées estimées
par maximum de vraisemblance, avec pondération).
Baisse de salaire |
Baisse de niveau de responsabilité |
Dégradation des conditions de travail |
Risque perçu de perte d’emploi |
|
Constante |
-5.50*** |
-4.02* |
-0.97 |
-4.97*** |
Âge |
ns |
ns |
ns |
0.11* |
Âge au carré |
ns |
ns |
ns |
ns |
Sexe |
||||
Homme |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Femme |
ns |
ns |
0.35** |
ns |
Type de contrat décembre 2013 |
||||
CDI temps complet |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
CDI temps partiel |
ns |
ns |
ns |
ns |
Contrat temporaire |
ns |
ns |
ns |
0.88** |
Diplôme |
||||
Non diplômé du supérieur |
0.46* |
ns |
-0.38** |
ns |
Diplômé du supérieur |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
CS |
||||
Cadre |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Profession intermédiaire |
ns |
ns |
ns |
ns |
127
Employé administratif |
ns |
ns |
ns |
sn |
Employé de commerce |
0.74* |
ns |
ns |
ns |
Ouvrier qualifié |
ns |
-0.91** |
ns |
ns |
Ouvrier non qualifié |
ns |
-0.95* |
-0.96** |
ns |
Ancienneté dans l’entreprise |
||||
<1ans |
0.90** |
ns |
ns |
ns |
[1-2 ans [ |
ns |
ns |
ns |
ns |
[2-5 ans[ |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
[5-10 ans[ |
ns |
ns |
ns |
ns |
[10-20 ans[ |
ns |
ns |
ns |
ns |
[20 et +[ |
ns |
ns |
-0.43* |
ns |
Taille de l’entreprise |
||||
[10-20[ |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
[20-50[ |
-0.71*** |
1.47*** |
ns |
ns |
[50-250[ |
-1.03*** |
1.31*** |
ns |
ns |
[250-500[ |
-0.61* |
1.30*** |
ns |
ns |
[500-1000] |
-2.00*** |
1.15** |
ns |
ns |
[1000-2000[ |
-1.44*** |
1.19** |
0.71** |
ns |
[2000 et plus[ |
-0.87*** |
1.21*** |
ns |
ns |
Environnement du salarié impacté par un(e) |
||||
Restructuration avec plan de licenciement |
0.62** |
ns |
0.67*** |
1.39*** |
128
Restructuration sans plan de licenciement |
0.51** |
0.69*** |
ns |
ns |
Pas de restructuration |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Travail modifié par un changement : |
||||
Organisation du travail |
0.41** |
0.77*** |
0.57** |
0.29** |
Introduction d’un nouveau produit |
ns |
ns |
ns |
ns |
Technique ou procédure utilisée |
ns |
ns |
0.33** |
0.25* |
Type d’entreprise |
||||
Indépendante en baisse |
ns |
ns |
ns |
0.62** |
Indépendante stable |
ns |
ns |
0.56* |
-0.57* |
Indépendante en croissance |
ns |
ns |
ns |
ns |
Dépendante stable ou en baisse |
0.74*** |
0.42* |
ns |
0.33** |
Dépendante en croissance |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Note : Ces résultats sont issus de quatre régressions logistiques binaires. Les quatre modèles incluent les variables présentées dans le tableau, ainsi que la variable secteur d’activité de l’entreprise.
* significatif à 10 %, **significatif à 5 %, ***significatif à 1 %.
Lecture : Les salariés déclarant une restructuration accompagnée d’un plan de licenciement ont toutes choses égales par ailleurs une probabilité plus faible de déclarer une baisse de salaire.
Source : Céreq-France compétences, Defis volet Salarié, 2015 et 2016.
Champ : les salariés du champ de Defis âgés de moins de 56 ans (apprentis et formation initiale exclus) qui n’ont pas quitté l’entreprise (N=6181).
129Annexe II
Tab. 7 – Probabilité de mobilité externe selon les caractéristiques du salarié
et de son entreprise (deux régressions logistiques multinomiales séparées estimées par maximum de vraisemblance, avec pondération) par référence à l’absence
de mobilité externe.
Démission |
Licenciement |
Fin de contrat |
Autre |
Contraint |
Choisi |
|
Constante |
2.63* |
-3.30 |
-2.98 |
3.04** |
1.18 |
2.79** |
Âge |
-0.17** |
ns |
-0.31** |
-0.25*** |
-0.19** |
-0.18*** |
Âge au carré |
ns |
ns |
.00414** |
.00292*** |
.00248** |
.00188** |
Homme |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Femme |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
Niveau de diplôme atteint |
||||||
Non diplômé du supérieur |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Diplômé du supérieur |
ns |
-0.60** |
ns |
ns |
-0.65*** |
ns |
Catégorie sociaux professionnel de l’emploi |
||||||
Cadre |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Profession intermédiaire |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
Employé administratif |
ns |
ns |
1.14** |
ns |
ns |
ns |
Employé de commerce |
ns |
0.91* |
ns |
ns |
ns |
ns |
Ouvrier qualifié |
ns |
ns |
ns |
-0.55* |
ns |
ns |
Ouvrier non qualifié |
ns |
ns |
ns |
-0.86** |
ns |
-0.67* |
Ancienneté dans l’entreprise |
||||||
<1ans |
ns |
ns |
1.122*** |
ns |
0.45* |
ns |
130
[1-2 ans [ |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
[2-5 ans[ |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
[5-10 ans[ |
-0.59** |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
[10-20ans[ |
-0.81** |
ns |
ns |
ns |
ns |
-0.52** |
[20 et +[ |
-2.75*** |
-1.11** |
ns |
-0.78** |
-1.02*** |
-1.33*** |
Taille de l’entreprise |
||||||
[10-20[ |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
[20-50[ |
-0.76*** |
ns |
ns |
ns |
-0.56* |
ns |
[50-250[ |
-0.56* |
Ns |
ns |
ns |
-0.55* |
ns |
[250-500[ |
ns |
-0.73* |
ns |
-0.76** |
-1.04*** |
ns |
[500-1000] |
-1.07*** |
-0.82* |
ns |
ns |
ns |
-0.89*** |
[1000-2000[ |
-1.18*** |
-0.87* |
ns |
ns |
-0.86** |
-0.64** |
[2000 et plus[ |
-0.97*** |
-0.82** |
ns |
-0.70** |
-0.98*** |
-0.71*** |
L’environnement du salarié impacté par un(e) |
||||||
Restructuration accompagnée d’un plan de licenciement |
ns |
2.06*** |
ns |
0.49** |
1.66*** |
ns |
Restructuration sans plan de licenciement |
ns |
0.66** |
-0.52* |
ns |
0.38* |
ns |
Pas de restructuration |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Travail modifié par un changement |
||||||
Organisation du travail |
0.77*** |
ns |
ns |
0.59*** |
ns |
0.68*** |
Introduction d’un nouveau produit |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
Technique ou procédure utilisée |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
Type d’entreprise |
||||||
131
Indépendante en baisse |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
ns |
Indépendante stable |
ns |
-1.02* |
ns |
ns |
-1.13** |
ns |
Indépendante en croissance |
ns |
-1.04** |
ns |
ns |
ns |
ns |
Dépendante stable ou en baisse |
ns |
ns |
ns |
ns |
0.34* |
ns |
Dépendante en croissance |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Ref. |
Répartition en % |
8 |
4 |
7 |
11 |
11 |
19 |
Nombre d’observations |
659 |
382 |
407 |
861 |
773 |
1 536 |
Note : Ces résultats sont issus de deux régressions logistiques multinomiales modélisant la probabilité de chaque type de mobilité externe. Au sein de chaque modèle, la probabilité est estimée en comparaison à la probabilité d’être encore en emploi. Les deux modèles incluent toutes les variables présentées dans le tableau ainsi que les variables secteur d’activité de l’entreprise et type de contrat du salariés (CDI temps complet, CDI temps partiel et contrat temporaire).
* significatif à 10 %, **significatif à 5 %, ***significatif à 1 %.
Lecture : la probabilité pour un salarié d’avoir quitté l’entreprise suite à un licenciement est plus élevée s’il déclare un environnement de travail modifié par une restructuration, qu’elle soit accompagnée ou non d’un plan de licenciement. 4 % d’entre eux déclarent avoir été licencié.
Source : Céreq-France compétences, Defis volet Salarié, 2015 et 2016.
Champ : les salariés du champ de Defis âgés de moins de 56 ans, apprentis et formation initiale exclus (N=8493).
132Annexe III
Tab. 8 – Composition des populations de salariés (données pondérées).
Salariés restés dans l’entreprise |
Ensemble des salariés |
|
N=6181 |
N=8493 |
|
Sexe |
||
Homme |
63 |
60 |
Femme |
37 |
40 |
Type de contrat en décembre 2013 |
||
CDI temps complet |
88 |
|
CDI temps partiel |
10 |
|
Contrat temporaire |
2 |
|
Diplôme |
||
Non diplômé du supérieur |
58 |
59 |
Diplômé du supérieur |
42 |
41 |
Catégorie socioprofessionnelle |
||
Cadre |
23 |
21 |
Profession intermédiaire |
27 |
26 |
Employé administratif |
11 |
12 |
Employé de commerce |
8 |
10 |
Ouvrier qualifié |
23 |
22 |
Ouvrier non qualifié |
9 |
10 |
Ancienneté dans l’entreprise |
||
< 1 an |
7 |
12 |
[1-2 ans[ |
7 |
8 |
[2-5 ans[ |
18 |
20 |
[5-10 ans[ |
21 |
21 |
[10-20 ans[ |
29 |
25 |
20 ans et plus |
18 |
14 |
133
Taille de l’entreprise |
||
[10-20[ |
10 |
11 |
[20-50[ |
17 |
17 |
[50-250[ |
22 |
22 |
[250-500[ |
9 |
9 |
[500-1000[ |
9 |
8 |
[1000-2000[ |
8 |
7 |
2000 et plus |
26 |
25 |
Total |
100 |
100 |
Source : CNEFP-Céreq, Defis volet Salarié, 2015 et 2016.
Champ : salariés de moins de 56 ans (hors apprentis ou travailleurs en formation initiale) des entreprises de 10 salariés et plus.
1 Nous remercions le comité de rédaction de la revue et les deux rapporteurs anonymes pour les remarques et suggestions qu’ils nous ont faites sur ce travail. Nous restons toutefois seuls responsables des éventuelles erreurs et insuffisances.
2 Dans nos données, le plan de licenciement ne correspond pas toujours au dispositif du plan de sauvegarde de l’emploi ; il s’agit d’une donnée déclarative.
3 D’après des explorations statistiques non présentées ici mais disponibles sur demande auprès des auteurs.
- Thème CLIL : 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
- ISBN : 978-2-406-09597-2
- EAN : 9782406095972
- ISSN : 2555-039X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09597-2.p.0099
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 09/10/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Restructuration, conditions de travail, sentiment d’insécurité, mobilités contraintes