La valorisation des langues étrangères sur le marché du travail français Une analyse des offres d'emploi déposées sur Internet
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Socio-économie du travail
2018 – 2, n° 4. La démocratie au travail : usages et catégories / Democracy at work: uses and categories - Auteurs : Giret (Jean-François), Guégnard (Christine)
- Pages : 83 à 118
- Revue : Socio-économie du travail
La valorisation des langues étrangères sur le marché
du travail français
Une analyse des offres d’emploi déposées sur Internet
Jean-François Giret
IREDU, Institut de recherche
sur l’éducation
Centre associé au Céreq,
Université Bourgogne Franche-Comté
Christine Guégnard
IREDU, Institut de recherche
sur l’éducation
Centre associé au Céreq
Université Bourgogne Franche-Comté
Introduction1
La maîtrise de langues étrangères est souvent présentée sur le marché du travail comme une condition nécessaire pour accéder aux emplois 84qualifiés et devient un enjeu des politiques éducatives (Grin, 2005). Après le diplôme et l’expérience, la connaissance d’au moins une langue étrangère deviendrait un sésame pour trouver un emploi, notamment pour les diplômés de l’enseignement supérieur. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet avantage. En premier lieu, la mondialisation des échanges et notamment l’ouverture au commerce international imposent des interactions plus nombreuses avec des partenaires ne parlant pas la même langue. Elle s’accompagne d’une montée en puissance des qualifications dans de nombreux secteurs ouverts aux exportations (Maurin et al., 2003), particulièrement dans les activités de production et de commercialisation. Le rôle d’une langue commune est déterminant et oriente les échanges entre les pays (Melitz, 2008).
Cependant, cette montée en compétences qui impose la maîtrise des langues, ne s’arrête pas aux métiers en lien direct avec le commerce international du secteur marchand : les échanges culturels, scientifiques ou sportifs requièrent souvent de connaître certaines langues, l’anglais notamment qui devient une norme de plus en plus dominante dans la recherche, les publications, les colloques ou les sites Internet (Héran, 2013). Autre exemple, l’essor économique mondial de la Chine souligne la probabilité que les questions linguistiques deviennent plus, plutôt que moins, importantes à l’avenir (Welch et Welch, 2008). Enfin, dans une logique de signal où les employeurs se trouveraient moins contraints dans leurs recrutements en période de chômage élevé, la langue étrangère peut être utilisée comme un critère supplémentaire de tri des candidats à l’embauche même si le poste proposé n’en nécessite pas un usage immédiat. D’une part, cette maîtrise de langue constitue un signal de productivité supplémentaire et de capacité d’apprentissage dans d’autres domaines. D’autre part, elle peut toujours être considérée comme un atout pour l’entreprise dans le cas d’une évolution de l’activité.
Au niveau européen, quelques études ont notamment souligné des stratégies de gestion linguistique (par exemple, des formations spécifiques linguistiques, une immersion des salariés dans les pays étrangers, nomination d’un référent identifiable par l’ensemble des salariés, recrutement de personnes étrangères…) recensées dans des entreprises sélectionnées pour l’importance de leur croissance commerciale (Hagen et al., 2006 ; Commission Européenne, 2011) : les compétences linguistiques y occupent une place importante notamment lorsque les activités des 85entreprises sont tournées vers l’international. Or, selon Archer et Davison (2008), seulement le quart des employeurs de multinationales attestent de compétences en langues étrangères parmi leurs jeunes diplômés embauchés. La langue peut constituer en effet un obstacle considérable pour le bon fonctionnement d’une équipe internationale, obstacle au moins aussi important que les différences culturelles. Ainsi, d’après Bel Habib (2011) près de 27 % des petites et moyennes entreprises (PME) suédoises et 40 % des PME françaises ont une stratégie d’exportation multilingue comparée à 68 % parmi les PME danoises et 63 % parmi les PME allemandes. De ce fait, le pourcentage d’entreprises estimant avoir raté des contrats d’exportation en raison de barrières linguistiques est plus élevé en Suède (20 %) et en France (13 %) contre 4 % pour le Danemark et 8 % pour l’Allemagne.
Notre travail vise plus particulièrement à s’interroger sur la valorisation des compétences en langues étrangères sur le marché du travail français. La connaissance d’une langue est-elle une plus-value rémunérée par l’employeur car considérée comme une compétence complémentaire, ou seulement un critère de sélection parmi une offre abondante de diplômés ? De manière générale, les recherches basées sur des enquêtes auprès de salariés dans différents pays conduisent à des résultats assez mitigés. Aux États-Unis, l’utilisation d’une autre langue que l’anglais ne semble pas constituer un avantage salarial sur le marché du travail (Fry et Lowell, 2003) ou alors très faible (Saiz et Zodo, 2005). Dans les pays non-anglophones, la majorité des travaux suggèrent que la pratique de l’anglais est en général un atout sur le marché du travail (Lang et Siniver, 2009 ; Ginsburgh et Prieto-Rodriguez, 2011 ; Stöhr, 2015), mais certains peinent à dégager des effets significatifs d’autres langues sur les rémunérations. Peu de travaux empiriques existent en France sur cette questionà l’exception de l’étude de Ginsburgh et Prieto-Rodriguez (2011), à partir d’un panel européen des ménages : sur un échantillon limité, ils mettent en avant un effet salarial positif de certaines langues étrangères en France. Or, l’enquête « Offre d’emploi et de recrutement » (OFER) en 2005 montrait que les entreprises y accordaient une importance mesurée lors du recrutement au regard d’autres caractéristiques comme la formation ou l’expérience. Ce résultat est conforté par la dernière enquête OFER de 2016 (Bergeat, Rémy, 2017) : les langues étrangères sont très peu mentionnées spontanément par les recruteurs dans les critères de 86sélection, très loin derrière l’expérience, les compétences, la motivation. En ce qui concerne les débutants, la maîtrise de langues étrangères est considérée par seulement 13 % des recruteurs (Moncel, 2008).
Nous proposons dans cette recherche d’analyser la présence de critères linguistiques dans des offres d’emploi sur Internet. À partir d’un corpus d’environ 1 500 offres d’emploi collectées en 2014 sur les sites Internet de Pôle Emploi et de l’Apec (Association pour l’emploi des cadres), l’objectif sera de comprendre comment la présence des critères linguistiques est supposée influencer la rémunération proposée dans les annonces. L’article se décompose en trois parties. La première reviendra sur les différentes recherches concernant les canaux de diffusion des offres d’emploi, puis sur les exigences linguistiques relevées en France ou dans d’autres pays pour certains secteurs d’activité et/ou postes de travail. Ce sera l’occasion de souligner l’intérêt mais aussi les limites de l’analyse des annonces sur Internet pour étudier les tendances de recrutement sur le marché du travail. La deuxième partie détaillera le corpus utilisé et présentera une première analyse descriptive des offres d’emploi, en comparant notamment celles qui précisent des critères linguistiques à celles qui n’en expriment pas. Enfin, la troisième partie proposera une approche « toutes choses égales par ailleurs » en vue de connaître l’impact des critères linguistiques sur le salaire : l’intérêt sera d’identifier un effet net par rapport à d’autres variables également supposées affecter la rémunération proposée.
I. La langue comme critère de recrutement
dans les offres d’emploi sur Internet
Le recrutement est généralement associé à une forte incertitude de l’employeur du fait notamment de la difficulté à évaluer la qualité de la relation d’emploi future. De nombreuses recherches montrent que les canaux de recrutement vont correspondre à des formes de sélection spécifique qui vont permettre de réduire cette incertitude (Marchal et Rieucau, 2009).
87I.1. Les offres d’emploi sur Internet :
un marché du travail spécifique ?
Les annonces, les réseaux, les intermédiaires publics ou les candidatures spontanées sont autant d’espaces de coordination qui sont structurés par des modes d’organisation spécifique, dépendant des entreprises qui y recourent. Reprenant Thévenot (1985) et se référant au cadre de l’économie des conventions, Larquier et Rieucau (2014, p. 95) voient dans l’utilisation d’un canal de recrutement deux investissements de forme : « une mise en forme des frontières du marché du travail sur lequel intervient le canal et une mise en forme du langage pour qualifier les emplois et les candidats sur le marché ». Cela leur permet de proposer une typologie structurée autour de deux axes. Le premier correspond au fait que l’entreprise puise une offre sur un marché délimité par la profession ou la détention d’un diplôme par exemple, alors que dans le second cas, elle cherche plutôt à constituer une offre sur un marché dont les frontières ne sont pas bien définies. Le second axe rend compte du format de l’information adopté et privilégié par le canal pour qualifier les emplois et les candidats. Dans cette typologie, les annonces sur des sites Internet sont en général considérées comme des « tuyaux », reposant sur des critères stabilisés, voire mêmes « durcis », comme le diplôme, l’expérience, parfois la maîtrise de l’anglais qui vont constituer les frontières du métier (Larquier et Rieucau, 2014). Autrement dit, la langue comme d’autres critères explicites de recrutement peut délimiter explicitement l’accès aux offres en excluant de facto, ceux qui n’ont pas cette compétence. Cependant, d’autres canaux, liés à d’autres pratiques sectorielles de recrutement, vont permettre de constituer une main-d’œuvre moins formatée ou ouvrir sur d’autres critères de recrutement.
Les annonces d’offre d’emploi sont particulièrement sélectives en France dans leur formulation en termes de diplôme, d’expérience (Larquier et Rieucau, 2012). Cependant, l’analyse du marché du travail à partir des petites annonces ne donne qu’une vision partielle des offres d’emploi. D’abord, la part de ces annonces dans le recrutement est structurellement faible en France par rapport à d’autres pays. Les résultats des enquêtes statistiques Labour Force Survey (2011) indiquent que les offres d’emploi par petites annonces en France ne correspondent qu’à 6 % des embauches pour les salariés recrutés depuis moins de trois mois, alors que les candidatures spontanées et les relations sont respectivement de 8845 % et de 25 %. En revanche, les petites annonces représentent 27 % des recrutements en Angleterre, devant les relations (26 %) et les candidatures spontanées (19 %) (Rieucau, 2013). Ensuite, le dépôt d’une annonce sur Internet ou dans la presse correspond à une logique de recrutement spécifique de l’entreprise ou d’un cabinet de recrutement. Le type d’entreprise ou le type de profil recherché ne coïncident pas forcément à ceux qui seraient visés par d’autres canaux de recrutement. Enfin, l’annonce correspond à une phase de présélection : l’objectif est de faire un premier tri parmi les candidats qui pourraient prétendre à un emploi sur le marché du travail. Si des critères sont mentionnés dans les offres d’emploi, ils correspondent souvent à des conditions nécessaires, mais pas forcément suffisantes pour accéder à l’emploi. D’autres caractéristiques, comme le montre par exemple l’abondante littérature sur les compétences non académique ou de soft skills (Bailly et Léné, 2015), peuvent être évaluées lors du recrutement et permettre l’embauche définitive d’un candidat.
En France, ces dernières décennies, l’évolution des offres d’emploi par annonce s’est caractérisée par une diversification des exigences. Alors que les critères en termes de formation et d’expérience étaient présents dans moins de 20 % des annonces de presse dans les années soixante, elles l’étaient dans presque 60 % d’entre elles au début des années 2000 (Marchal et Torny, 2003). De même, les exigences en langues étrangères ne concernaient que 5 % des annonces dans les années 60 contre un peu moins de 25 % quinze ans plus tard. Par ailleurs, comme le soulignent Marchal et Rieucau (2006), les différents critères ont tendance à se cumuler et à être de plus en plus explicites dans les offres, ce qui accroît la sélection. Les annonces françaises se différencient sensiblement des autres pays européens, où les annonces sont moins exigeantes en termes de critères et moins avares d’informations sur les caractéristiques de l’emploi (Marchal et Rieucau, 2005).
L’essor d’Internet dans la diffusion des offres d’emploi ainsi que le développement des réseaux sociaux semblent s’accompagner d’une segmentation et d’une spécialisation de plus en plus importantes des offres selon le canal utilisé. Par exemple, les annonces sur Internet se distinguent de celles dans la presse (Bessy et Marchal, 2006) particulièrement pour les grandes entreprises qui ont les moyens de traiter la masse d’information davantage hétérogène que dans les autres canaux, 89du fait de son faible coût d’accès. Par ailleurs, elles semblent avoir tendance à favoriser les insiders sur le marché du travail aux dépens des chercheurs d’emplois et débutants (Fondeur et Tuchszirer, 2005). Les annonces tous supports confondus (affiches, presse, Internet) constituent la source d’information la plus mobilisée par les chercheurs d’emploi mais concernent des emplois spécifiques sur un segment étroit du marché du travail, relevés encore dernièrement par Larquier et Rieucau (2017). Ces auteures rappellent ainsi que les agences publiques permettent aux demandeurs d’emploi peu diplômés d’accéder à des emplois aidés ou de courte durée, les entreprises de travail temporaire alimentent principalement le segment secondaire des emplois de l’industrie, les cabinets de recrutement servent le segment primaire des emplois très qualifiés et durables, et elles démontrent que les annonces alimentent le segment des professions intermédiaires, plutôt commerciales, sur le versant primaire du marché.
Malgré ces imperfections, l’étude des offres d’emploi spécifiquement par voie d’annonces, présente néanmoins certains avantages pour analyser les pratiques et les critères de sélection lors du recrutement. D’une part, ces annonces donnent des informations et des repères sur les méthodes de recrutement à une date donnée. Selon Marchal et Rieucau (2006, p. 94), « l’annonce met au grand jour des conditions d’embauche qu’une société donnée considère comme légitime à un moment donné du temps ». Elles permettent aussi d’avoir une idée des profils recherchés de candidats à l’embauche en fonction des postes censés être vacants dans l’économie. Ces repères informent avant tout des a priori sur lesquels repose la sélection professionnelle pour évaluer la qualité attendue du salarié et donc sur les compétences requises dans ce processus, même si elles ne seront pas toutes utilisées dans l’emploi. De plus, les annonces rendent compte des évolutions les plus récentes du marché du travail, des stratégies en matière de ressources humaines mais aussi des derniers arbitrages de la part des employeurs en matière d’organisation du travail ou de processus de production. D’autre part, le format et la taille de l’annonce exigent pour celui qui l’écrit de faire des choix, de mettre en avant les qualités attendues chez les candidats pour qu’elle soit un premier outil efficace de sélection. Elle permet ainsi d’avoir une idée pour chaque emploi, des critères priorisés par les recruteurs (Marchal et Rieucau, 2006).
90I.2. L’exigence d’une langue étrangère
comme critère de recrutement
De nombreux travaux montrent l’importance de la maîtrise de plusieurs langues dans les pays où coexistent plusieurs langues officielles ou pour les populations issues de l’immigration lorsqu’il s’agit de la langue du pays de destination (Grin, 2003 ; Chiswick, 2008). À notre connaissance, il existe assez peu de recherches concernant l’effet d’une langue étrangère sur l’accès à des emplois qualifiés ou mieux rémunérés dans un pays alors que des études plus qualitatives soulignent la nécessité de former des diplômés à ces langues (par exemple, l’OREFQ, 2010 ; Ghisla et Lüdi, 2013). L’enjeu linguistique semble se poser dans tous les pays et même dans ceux dont la langue est la plus utilisée dans les échanges internationaux. Au Royaume-Uni, des risques sont même soulevés au vu du déclin de l’apprentissage des langues et de l’exportation par les entreprises britanniques de façon disproportionnée dans les pays anglophones (Mann, Brassell et Bevan, 2011). Tinsley (2013) met ainsi en évidence les limites du monolinguisme qui provoque une défaillance du marché dans l’offre et la demande de linguistes qualifiés dans tous les secteurs de l’économie britannique. Pour les candidats à l’embauche, la valeur de leurs compétences linguistiques va donc à la fois dépendre de l’utilisation des langues dans le fonctionnement de l’économie (Grin et Vaillancourt, 1997) mais également de leur rareté relative dans l’offre de travail. En effet, cette compétence risque d’être d’autant plus valorisable sur le marché du travail que son niveau général d’acquisition et de maîtrise dans un pays est faible2, si elle reste néanmoins utile pour les employeurs.
Disposer de données sur les offres d’emploi présente l’intérêt d’analyser les liens entre les exigences en termes de compétences linguistiques et la rémunération proposée, saisis au niveau de l’annonce et avant même 91tout recrutement effectif d’une personne3. Cela permet de mettre en évidence l’attention spécifique de l’employeur pour la langue, sans tenir compte a priori du profil de la personne finalement recrutée. L’absence de mention d’un critère linguistique dans l’annonce ne signifie pas pour autant qu’une compétence linguistique ne soit pas exigée, notamment dans les pays où la maîtrise de cette langue est plus courante. Ainsi, Hellekjær et Fairway (2015) comparent une enquête sur les salariés norvégiens occupant des postes très qualifiés aux offres d’emploi de ces mêmes postes, et soulignent que l’utilisation de l’anglais concerne une part beaucoup plus importante des enquêtés (89 %) alors qu’elle n’est mentionnée explicitement que dans une partie des offres d’emplois (31 %).
L’analyse des offres d’emploi donne une information sur les comportements des employeurs ou recruteurs en considérant la langue de la même façon que le niveau de formation ou l’expérience acquise sur le marché du travail. Se pose naturellement la question du type de salariés et des segments du marché du travail susceptibles de valoriser les langues. Comme le montre une étude des offres d’emploi incluant des critères linguistiques au Luxembourg, la segmentation linguistique reste fortement liée à la segmentation des emplois (Pigeron-Piroth et Fehlen, 2015). Pour les secteurs les plus liés à l’ouverture internationale, l’expertise dans la langue étrangère (l’anglais) est décisive, alors que pour des secteurs plus protégés, le luxembourgeois joue un rôle de filtre en protégeant les emplois de la concurrence des salariés étrangers souvent plus diplômés. C’est également ce que souligne en France, Deneire (2008) à partir d’une analyse des offres d’emploi dans la presse écrite quotidienne et sur un site Internet : les secteurs où le critère de langue est le plus demandé sont le commerce international et le tourisme, en plus des emplois dans le management où la demande est en général transversale à différents secteurs.
Il convient cependant de s’interroger sur la qualité des emplois proposés lorsque la connaissance d’une langue est exigée. Certains emplois, même ouverts à la concurrence internationale ne sont pas nécessairement très qualifiés. Cousin (2002) identifie par exemple que certains postes d’assistance clientèle au sein des centres d’appel, pour des salariés parlant 92au moins deux langues étrangères couramment, sont vécus comme un déclassement, faute d’avoir pu se stabiliser dans d’autres emplois. Heller et Boutet (2006, p. 10) soulignent dans ce cadre, l’émergence d’une catégorie sociale moins qualifiée, qu’ils désignent sous le nom d’« ouvriers et ouvrières de la langue », où le « travail consiste essentiellement à communiquer » dans une langue étrangère. Cette catégorie, qui inclut les employés des centres d’appel, mais également différents emplois dans la traduction, correspondrait à un mode d’organisation quasi-taylorisé d’une industrie de la langue, qui serait beaucoup plus dépendant de la concurrence internationale comme le montrent fréquemment les délocalisations des centres d’appel.
Les différents éléments de cette revue de la littérature indiquent que le capital linguistique peut, sous certaines conditions, se révéler payant sur le marché du travail, en France comme dans d’autres pays. Cela n’est pas forcément systématique et dépend avant tout du type d’emploi obtenu. L’hypothèse que la maîtrise d’une ou plusieurs langues étrangères représente une plus-value pour les entreprises et constitue une source de rémunération supplémentaire sur le marché du travail, ne peut être faite que si l’on tient compte des spécificités des emplois et des individus qui y postulent. Explorer cette hypothèse suppose donc de s’intéresser aux caractéristiques individuelles recherchées par les employeurs et les recruteurs, et à cette fin, un recueil d’offres d’emploi déposées sur Internet a été effectué et sera présenté dans la section suivante. La revue de la littérature souligne cependant la spécificité de ce canal de distribution des offres d’emploi. Il s’adresse en général à un segment plus diplômé et souvent plus expérimenté et à des entreprises de taille importante qui peuvent se permettre de faire la sélection. De plus, la présence d’un critère linguistique et plutôt rare dans la majorité des annonces constitue certainement un signal fort d’exclusion pour ceux qui ne le possèdent pas. On peut s’attendre à ce que notre critère linguistique soit élevé du fait de retenir ce « canal de distribution ». En revanche, il semble moins probable que le choix de se focaliser sur les offres d’emplois en ligne, influence de manière spécifique la rentabilité d’une langue étrangère.
93II. Une base originale de données
sur les offres d’emploi
L’enjeu de notre étude est d’identifier les exigences en matière de compétences linguistiques qui sont mentionnées dans les offres d’emploi via Internet en France. Au-delà de la part des annonces précisant la langue comme critère de sélection d’embauche, nous souhaitons connaître le type de langue souhaitée/requise, l’exigence éventuelle de plusieurs langues, le niveau de maîtrise ou d’acquisition, les liens existants entre les demandes linguistiques et les autres critères notamment en termes de formation, de profession et de salaire proposés.
L’objectif initial est d’avoir une large palette d’emplois proposés et de repérer un corpus d’environ 1 500 offres d’emploi diffusées sur Internet. L’intérêt des sites de Pôle Emploi et de l’Apec est multiple face à ce marché sur Internet qui est loin d’être unifié. Au regard du classement des sites emploi en France ces dernières années, Pôle Emploi, acteur public, reste le leader incontesté en termes d’audience diffusant à un large public le plus grand nombre d’annonces, sous un format standardisé et une catégorisation des offres via son répertoire opérationnel des métiers et des emplois. Le recours à Pôle Emploi par les entreprises étant moins envisagé pour le recrutement des diplômés de l’enseignement supérieur (Garnier et Lutinier, 2005), l’Apec est retenue du fait de sa position de premier site pour l’emploi des cadres en France où les offres présentées sont actualisées, recueillies et qualifiées par un réseau de consultants. Nous souhaitons disposer ainsi d’une large gamme d’annonces référencées gratuitement, non hiérarchisées (ou sponsorisées4), accessibles à un grand nombre de personnes et d’entreprises, avec une relative maîtrise du contenu des informations et des indications communes pour décrire les offres (notamment les salaires). La principale incidence de ces choix est d’obtenir des annonces, revues par ces deux intermédiaires du placement, qui viennent de segments plus protégés du marché du travail mais aussi de ne pas avoir les entreprises ou les secteurs spécifiques 94qui n’ont pas (ou peu) recours à ces intermédiaires comme mode de recrutement (l’hôtellerie-restauration, l’agriculture, la construction…).
La collecte des offres d’emploi au niveau national a eu lieu durant les mois de mai et de juin 2014. Dans un premier temps, un échantillon exhaustif a été collecté au mois de mai au fur et à mesure de leur parution et diffusion sur les deux sites Internet (indépendamment de leur origine) et sans aucune sélection a priori sur le contenu de ces offres (801 annonces pour ce premier fichier nommé Exhaustif). Face au risque de se retrouver avec un nombre assez faible d’annonces mentionnant une langue étrangère et d’informations complémentaires sur les exigences linguistiques (type, nombre de langues, niveau…), un second échantillon d’offres a été constitué en juin, au fil de leur apparition, en éliminant les annonces sans aucune mention linguistique (728 annonces pour ce second fichier nommé Langue)5. Ensuite, d’un point de vue méthodologique, nous avons procédé à un codage a priori des offres d’emploi en identifiant les informations recherchées plutôt qu’un codage par un logiciel d’analyse textuelle.
Des différences apparaissent entre les deux sites Internet sélectionnés. Les annonces de l’Apec sont plus représentées (56 % pour le fichier Exhaustif et 58 % pour le fichier Langue). Ces offres spécialisées principalement pour des cadres6 ou ingénieurs proviennent davantage des grandes entreprises (près de 35 % de plus de 1 000 salariés et près du tiers d’agences d’intérim et de cabinets de recrutement), du secteur des services en majorité (plus de 60 %) et proposent notamment des contrats stables (84 % de CDI) pour des candidats plus diplômés et expérimentés. Tandis que les annonces diffusées sur le site de Pôle Emploi sont nettement plus diversifiées en termes de professions (48 % d’employés dans le fichier Exhaustif et 34 % dans le fichier Langue, 15 % et 29 % de professions intermédiaires respectivement), en termes de contrats de travail (40 % de CDI), de diplômes et d’expérience, de secteurs d’activité et taille d’entreprises avec une dominante des petites 95structures (la moitié des entreprises de moins de 20 salariés) et du secteur des services (68 %).
Autre disparité, la connaissance d’une ou plusieurs langues étrangères est nettement plus relevée du côté de l’Apec (39 % pour 7 % des annonces de Pôle Emploi dans le fichier Exhaustif) et le plurilinguisme, ou l’exigence de deux langues au moins, est mentionné dans plus de la moitié des offres de l’Apec et 18 % de celles de Pôle Emploi dans le fichier Langue. Le regroupement des annonces de ces deux sites permet d’avoir une représentation plus diversifiée et ainsi d’enrichir l’analyse. Dernière contrainte : les indications sur les rémunérations manquent pour près de la moitié des annonces de l’Apec (moins de 7 % via Pôle Emploi) parce qu’elles dépendent du profil des candidats et de la négociation au moment de l’entretien (cf. encadré 1). Pour Marchal et Torny (2003 p. 68), « l’absence de mention du salaire peut résulter d’une stratégie délibérée si la rémunération n’est pas attractive ou si son montant ne doit pas être connu de la concurrence ».
1. Traitement de l’information dans les offres d’emploi
La collecte manuelle des offres d’emploi sur les sites Internet et leur retranscription ont nécessité un investissement important pour homogénéiser l’information disponible, voire la corriger. Par exemple, lorsque le poste de professeur ou d’ingénieur était classé en employé qualifié (quelquefois non qualifié), ou l’embauche dans un collège public était notée dans une entreprise de moins de dix salariés. De plus, les indications sur les entreprises étaient parfois formulées de manière floue en ces termes : « leader mondial dans son secteur », « groupe international », « acteur majeur dans son secteur d’activité », « cabinet à taille humaine » … Il en est de même pour l’expérience requise « vous justifiez d’une expérience probante » ou encore pour le niveau de diplôme ou de formation souhaité, parfois très précis, parfois très vague comme « formation supérieure », « de bac+2 à bac+5 » … Dernière difficulté, l’information irrégulière sur le salaire qui pouvait être exposé en horaire brut, en mensuel ou annuel brut, parfois exprimé sous forme de tranches. Au final, quel que soit l’échantillon, 33 % des annonces fixent la rémunération, 31 % l’affichent sous forme de tranches et 36 % ne donnent aucun chiffre en indiquant « à négocier », « à définir selon le profil », « selon expérience », « négociable » …
Traitement de l’information relative aux langues
Il s’agit d’appréhender le nombre de langues étrangères qui sont nécessaires/indispensables et/ou celles qui sont éventuellement souhaitées par l’employeur. La maîtrise des langues qui serait « un atout », « un plus », « appréciée », « bienvenue », 96« indispensable » … est prise en compte car elle témoigne de l’intérêt porté par l’employeur à son égard et peut donc faire la différence dans le processus de recrutement. Lorsque dans l’annonce, les exigences en langues sont formulées par exemple de la manière suivante : « anglais et/ou allemand », deux langues sont alors comptabilisées. En effet, le terme « et » amène à penser que la maîtrise des deux langues représente un avantage dans le processus de recrutement puisque qu’elles sont toutes deux idéalement requises pour le poste. À l’inverse, lorsque l’annonce mentionne « anglais ou allemand », seule une langue est considérée nécessaire à l’exercice de l’emploi ; c’est l’une ou l’autre des langues qui est demandée et non potentiellement les deux. Enfin, à noter que parmi les 1 529 offres d’emploi recueillies, rares sont les exigences de certification ; seules trois annonces d’emploi mentionnent le TOEIC (Test of English for International Communication allant de 750 à 850 points). Par ailleurs, le niveau d’acquisition des langues a été codé en fonction des termes relevées dans les annonces en quatre catégories : « notions », « maîtrise, bon niveau », « excellent, très bon, courant », « bilingue ». À titre d’illustrations se référer à l’encadré 3.
Une première analyse descriptive des deux fichiers confirme la forte spécificité des deux sites Internet retenus : 52 % des annonces concernent des emplois de cadres et d’ingénieurs dans le fichier Exhaustif et 65 % dans le fichier Langue. Inversement, les employés-ouvriers représentent un peu plus du tiers des offres dans le premier fichier pour 14 % dans le second. La plupart des annonces proviennent d’entreprises privées et près du tiers viennent des agences d’intérim, de cabinets ou de services d’externalisation de recrutement quel que soit le fichier. Ceci souligne l’intervention croissante des professionnels du recrutement sur le marché du travail7. Ce constat est intéressant car au cours d’une précédente étude concernant les tensions sur le marché du travail, les responsables d’agences d’intérim transféraient les offres non pourvues à l’agence locale pour l’emploi seulement lorsqu’ils rencontraient des difficultés de recrutement (Guégnard et Perret, 2002). Il est possible que les agences intérimaires ou les cabinets de recrutement déposent actuellement leurs annonces sur ces sites pour les mêmes raisons, au vu de leurs offres un peu plus soutenues de cadres notamment (63 % pour le fichier Exhaustif et 69 % pour le fichier Langue).
97Globalement, la nécessité d’une langue étrangère (très majoritairement l’anglais) apparaît dans 25 % des annonces du fichier Exhaustif (tableau 1). L’exigence d’une langue augmente avec l’élévation de la qualification de l’emploi proposé, le nombre d’années d’expérience sur le marché du travail, l’élévation du niveau de diplôme ; la quasi-totalité de ces annonces requièrent un diplôme de l’enseignement supérieur8. Le critère d’une langue étrangère augmente aussi avec la taille des entreprises. Ainsi, les grandes entreprises de plus de 500 salariés, les agences d’intérim et cabinets de recrutement se distinguent par une demande plus élevée, en lien avec des postes plus qualifiés. Les contrats à durée indéterminée sont plus nombreux dans les offres mentionnant cette compétence linguistique. Si tous les secteurs d’activité utilisent les langues étrangères9, notamment les entreprises industrielles, les services se démarquent néanmoins avec une exigence linguistique plus élevée. Une compétence linguistique est peu requise (6 %) pour les débutants qui concernent pourtant près d’une annonce sur cinq.
Ces principaux constats se retrouvent dans le fichier Langue. La nécessité de maîtriser au moins deux langues étrangères (surtout l’anglais et l’espagnol) est citée dans 41 % des offres (tableau 1). Cette double compétence linguistique, en plus de la langue française, est souvent sollicitée par les entreprises de plus de 500 salariés, les agences d’intérim et cabinets de recrutement. Il est aussi possible de repérer le type de langues exigées ainsi que le nombre de langues et le niveau d’acquisition de compétences. Les annonces concernant trois langues étrangères sont modestes (23 offres et 2 seulement citant cinq langues) et le terme trilingue ne se retrouve que dans le titre de huit annonces. Dans l’ensemble, le niveau de connaissance dès la première langue est élevé. La moitié des annonces expriment un niveau excellent, très bon ou courant, 17 % exigent du candidat d’être bilingue. Parmi les 297 offres d’emploi qui spécifient au moins deux langues étrangères, le tiers insistent sur un niveau de maîtrise dans les deux langues et 20 % précisent de les parler couramment.
98En d’autres termes, les offres d’emploi référencées via Internet viennent de segments protégés du marché du travail au regard des professions qualifiées, de la stabilité des contrats de travail, de grandes entreprises, mais sont aussi exigeantes en matière de capital linguistique. Il reste à savoir si ces exigences se répercutent en termes de rémunérations proposées par les entreprises.
Tab. 1 – Caractéristiques des annonces
citant une ou deux langues étrangères (en %).
Fichier Exhaustif |
Fichier Langue |
|||
Critères répertoriés |
Pas de langue |
1 langue au moins |
1 langue |
2 langues au moins |
Manœuvre ou ouvrier spécialisé |
10 |
- |
- |
- |
Ouvrier qualifié |
7 |
1 |
- |
1 |
Employé |
26 |
7 |
18 |
8 |
Profession intermédiaire |
15 |
10 |
23 |
18 |
Cadre, ingénieur |
42 |
83 |
58 |
75 |
CAP, BEP |
7 |
- |
- |
- |
Baccalauréat |
5 |
2 |
6 |
2 |
Bac+2, BTS, DUT |
17 |
14 |
30 |
22 |
Bac+3, Licence, Bac+4, Master |
12 |
9 |
28 |
16 |
Bac+5, école d’ingénieur |
12 |
42 |
23 |
40 |
Du BTS au bac+5, Formation sup. |
4 |
12 |
5 |
10 |
Débutant accepté |
22 |
4 |
18 |
7 |
Tous niveaux d’expérience hors débutant |
11 |
21 |
9 |
21 |
Expérimenté |
67 |
74 |
73 |
74 |
Contrat à durée indéterminée |
61 |
81 |
56 |
82 |
Contrat à durée déterminée |
39 |
19 |
44 |
18 |
Entreprise de moins de 50 salariés |
53 |
35 |
33 |
20 |
99
De 50 à 499 salariés |
16 |
15 |
16 |
16 |
500 salariés et plus |
24 |
39 |
23 |
26 |
Intérim, cabinet de recrutement |
13 |
24 |
23 |
30 |
Secteur d’activité Agriculture |
1 |
- |
- |
- |
Industrie |
7 |
24 |
15 |
18 |
Construction |
4 |
3 |
1 |
2 |
Commerce |
24 |
17 |
12 |
17 |
Services |
64 |
56 |
71 |
63 |
Total Effectif |
100 600 |
100 201 |
100 431 |
100 297 |
Source : bases de données offres d’emploi 2014 (fichier Exhaustif 801, fichier Langue 728).
Lecture : dans le fichier Exhaustif, la part des professions intermédiaires est de 15 % pour les annonces sans exigence de langue étrangère et de 10 % pour celles mentionnant au moins une langue étrangère. Toutes les statistiques présentées sont significatives (test de chi² au seuil de 1 %) à l’exception des secteurs d’activité dans le fichier Langue.
III. Une prime liée aux langues étrangères ?
Il est possible de repérer dans la majorité des offres d’emploi la rémunération brute. Le salaire peut varier lors du recrutement en fonction du profil du candidat mais il révèle le montant minimal que l’employeur est prêt à payer en fonction des critères proposés dans l’annonce.
III.1. Des offres souvent mieux rémunérées
Compte tenu des données manquantes sur les salaires10 (cf. encadré 1) et parfois le nombre de salariés dans les entreprises (cf. note 12), l’analyse 100portera sur 398 annonces du fichier Exhaustif et 380 annonces du fichier Langue pour des durées de travail de trente-cinq heures et plus (hors contrats en alternance ou à temps partiel11). La comparaison de ces offres renseignées avec les autres ne montre pas de différence significative quant aux variables concernant l’expérience des candidats, la mobilité géographique, le contrat de travail. Toutefois la différence principale vient du défaut de transparence des entreprises passant par l’Apec, qui se traduit par une présence moindre d’offres de cadres, d’entreprises de grande taille et de l’industrie pour les deux fichiers et, par davantage d’entreprises du commerce pour le premier fichier. Cela « rééquilibre » en quelque sorte la structure des observations : par exemple, les offres de non-cadres représentent 64 % du fichier Exhaustif (au lieu de 48 % initialement) et 44 % du fichier Langue (au lieu de 35 %) et permet ainsi de mieux se rendre compte de l’importance du critère linguistique dans la diversité des postes vacants.
En moyenne, le salaire mensuel brut proposé est de 2 397 € pour le fichier Exhaustif et de 2 606 € pour le fichier Langue avec des variations selon la catégorie socioprofessionnelle et l’exigence d’une langue étrangère (tableau 2).
Tab. 2 – Salaire moyen mensuel brut selon l’emploi.
Fichier Exhaustif |
Fichier Langue |
|||||
Salaire |
Écart-type |
Observations |
Salaire |
Écart-type |
Observations |
|
Manœuvre |
1 582 € |
233 |
34 |
|||
Ouvrier qualifié |
1 670 € |
183 |
39 |
1 778 € |
271 |
3 |
Employé |
1 769 € |
610 |
111 |
1 890 € |
486 |
77 |
Prof intermédiaire |
2 182 € |
585 |
71 |
2 274 € |
596 |
86 |
Cadre, ingénieur |
3 383 € |
1 254 |
143 |
3 008 € |
975 |
214 |
101
Ensemble |
2 397 € |
1 145 |
398 |
2 606 € |
972 |
380 |
Sans langue étrangère |
2 228 € |
967 |
321 |
|||
Au moins 1 langue |
3 103 € |
1 511 |
77 |
2 461 € |
781 |
228 |
Au moins 2 langues |
2 823 € |
942 |
152 |
Source : bases de données offres d’emploi 2014 pour des durées de travail de 35 heures et plus (hors contrats en alternance), fichier Exhaustif (398 offres renseignées) & fichier Langue (380 offres renseignées).
Lecture : pour un poste de profession intermédiaire du fichier Exhaustif, le salaire brut mensuel offert est de 2 182 € (avec un écart-type de 585 et un intervalle de confiance à 95 %) et concerne 71 observations.
III.2. Une première analyse
toutes choses égales par ailleurs
Afin de mieux comprendre les déterminants salariaux, une analyse toutes choses égales par ailleurs a été réalisée. Il s’agit, via la méthode des Moindres Carrés Ordinaires (MCO), d’identifier conjointement l’ensemble des caractéristiques d’une offre d’emploi qui font que le salaire proposé est plus élevé. L’intérêt est d’essayer d’obtenir un effet net de la langue, en tenant compte des différents critères de sélection comme le niveau de formation, la spécialité, l’expérience qui peuvent aussi influencer le niveau de rémunération proposée.
Dans ces premiers modèles descriptifs, les variables explicatives se décomposent en trois blocs : les caractéristiques concernant le profil du candidat (diplôme, spécialité de formation, expérience professionnelle), les informations sur le poste (profession, contrat de travail), les données sur l’entreprise (nombre de salariés, secteur d’activité)12. À ces variables, s’ajoutent l’exigence d’une langue étrangère pour le fichier Exhaustif, et l’exigence de deux langues étrangères au moins pour le second fichier ainsi que le type de langue étrangère mentionnée dans l’annonce.
102Les résultats sur les offres d’emploi du fichier Exhaustif montrent que le niveau de rémunération (tableau 3) est effectivement lié à des critères contenus dans les annonces (profession, expérience professionnelle), ainsi qu’aux contraintes du poste proposé (contrat de travail). L’avantage salarial lié à la pratique d’une langue étrangère serait de 200 € par mois, significatif au seuil de 10 %. S’il est proche de celui lié à l’expérience professionnelle, il est en revanche inférieur au bonus salarial d’un contrat stable. Mettre en avant les professions intermédiaires est intéressant à double titre même si derrière ce terme réunificateur se cache une diversité des métiers13. Leur position hiérarchique dans les entreprises se situe à la frontière entre les cadres et la direction d’un côté, et les employés ou les ouvriers, de l’autre, que ce soit dans le secteur des services ou dans l’industrie. De plus, ils représentent près de 20 % des annonces renseignées14 avec la possibilité d’une présence ou absence de compétence linguistique. À caractéristiques équivalentes relevées dans les offres, un désavantage salarial apparaît en leur défaveur (de l’ordre de 1 000 €) par rapport aux postes de cadres. Il en est de même pour la rémunération des employés et des ouvriers avec un désavantage salarial plus élevé. La taille15 et le secteur de l’entreprise sont assez peu significatifs. On observe cependant des salaires significativement plus élevés dans les entreprises de l’industrie et plus faibles dans les petites entreprises du commerce.
La régression peut être répétée sur le fichier Langue afin de connaître la plus-value salariale cette fois, de deux langues étrangères au moins. L’atout d’une double compétence linguistique, en plus du français, entraînerait une plus-value d’environ 300 € par mois (colonne 2, tableau 3). Comparativement aux offres d’emplois qui mentionnent l’anglais, celles indiquant l’allemand ou d’autres langues16 (en dehors de l’espagnol) sont en général associées à des salaires légèrement inférieurs. Aucune différence 103significative n’apparaît dans le choix de l’anglais ou de l’espagnol. Le niveau de compétences (très bon, excellent, maîtrise de la langue) n’est en revanche pas significatif. Cela peut s’expliquer par la forte hétérogénéité et l’imprécision des formulations17 (cf. encadré 3) ainsi que par l’absence de demande de certification. De plus, la plupart des annonces ne renseignent pas sur le degré d’exigence des employeurs et des compétences utiles pour le poste considéré. Il est probable que ce degré de connaissances soit examiné lors des prochaines étapes du recrutement et notamment lors d’un entretien pour vérifier le niveau du candidat. À caractéristiques équivalentes recensées dans les offres, l’avantage salarial subsiste pour les postes de cadre. L’expérience professionnelle continue d’être valorisée. Concernant les variables d’entreprise, seule la publication de l’offre par une agence d’intérim ou un cabinet de recrutement a un effet positif. Ce résultat peut suggérer la présence d’un créneau spécifique pour ces derniers concernant les offres linguistiques spécialisées, qui seraient associées à des rémunérations plus élevées.
Tab. 3 – Effet de la langue sur les rémunérations proposées dans les offres.
Fichier Exhaustif |
Fichier Langue |
|||||||
Coeff. |
Écart type |
Sign. |
Coeff. |
Écart Type |
Sign. |
|||
Diplôme (réf. pas de diplôme du supérieur) |
||||||||
Diplôme du supérieur |
27 |
140 |
Ns |
-63 |
112 |
Ns |
||
Spécialité du diplôme (réf. domaine de la production) |
||||||||
Domaine des services |
63 |
98 |
Ns |
47 |
86 |
Ns |
||
Expérience professionnelle (réf. tous niveaux et débutant) |
||||||||
Salarié expérimenté |
286 |
94 |
*** |
383 |
95 |
*** |
||
Poste à pourvoir (réf. autres postes) |
||||||||
Profession intermédiaire |
-1103 |
136 |
*** |
-693 |
101 |
*** |
||
Employé |
-1327 |
160 |
*** |
-980 |
112 |
*** |
||
Ouvrier |
-1433 |
187 |
*** |
-751 |
451 |
* |
||
104
Contrat de travail (réf. autres contrats) |
||||||||
Contrat à durée indéterminée |
371 |
97 |
*** |
415 |
90 |
*** |
||
Secteur d’activité de l’entreprise (réf. Secteur de l ’ industrie) |
||||||||
Secteur du commerce (moins de 50 sal.) |
-308 |
172 |
* |
-297 |
212 |
Ns |
||
Secteur du commerce (plus de 50 sal.) |
-244 |
193 |
Ns |
13 |
219 |
Ns |
||
Secteur des services (moins de 50 sal.) |
-172 |
171 |
Ns |
-126 |
141 |
Ns |
||
Secteur des services (plus de 50 sal.) |
-257 |
166 |
Ns |
-151 |
144 |
|||
Intérim, cabinet de recrutement (toute taille) |
-69 |
146 |
Ns |
228 |
137 |
* |
||
Langue étrangère |
||||||||
Au moins une langue étrangère (réf. aucune) |
209 |
115 |
* |
|||||
Au moins deux langues étrangères (réf. une seule) |
308 |
114 |
*** |
|||||
Langue mentionnée Allemand |
-211 |
109 |
* |
|||||
Espagnol |
-153 |
122 |
Ns |
|||||
Autres langues |
-230 |
122 |
* |
|||||
Constante |
2869 |
227 |
*** |
2472 |
192 |
*** |
||
R2 |
0.491 |
0.384 |
||||||
Nombre d’observations |
398 |
380 |
Source : bases de données offres d’emploi 2014 (398 offres de salaire du fichier Exhaustif et 380 du fichier Langue, pour des durées de travail de 35 heures et plus, hors contrats en alternance).
Lecture : pour le fichier Exhaustif, la plus-value salariale liée à la présence d’une langue étrangère est de 209 euros par rapport à une offre d’emploi sans critère de langue, toutes choses égales par ailleurs.
*** indique un effet statistique significatif au seuil de 1 %, ** de 5 %, * de 10 %.
105III.3. Une analyse par la méthode des appariements
L’une des limites de l’analyse précédente concerne la difficulté de comparer des offres d’emploi pour des entreprises et des secteurs très différents. Outre la non-prise en compte de certaines variables (comme l’ancienneté de l’entreprise qui peut investir depuis plus longtemps à l’étranger, le fait d’être un établissement d’un grand groupe international…), on ne peut exclure que les exigences en langues soient présentes dans certains secteurs ou des établissements qui ont des politiques de rémunérations plus élevées sans qu’il existe vraiment une causalité entre l’exigence d’une langue et le salaire proposé. Ce potentiel biais pourrait ainsi révéler un effet propre aux compétences linguistiques alors qu’il n’en existe pas ou, au contraire, minimiser leur impact réel (Wood et al., 2008). De ce fait, nous proposons de recourir à la méthode par appariement (cf. encadré 2). Il s’agit d’associer à chaque offre d’emploi exprimant un besoin en compétence linguistique (annonce dite « traitée ») une offre d’emploi présentant les mêmes caractéristiques mais ne mentionnant aucune compétence linguistique particulière (annonce dite « non-traitée » ou encore « de contrôle ») (Brodaty et al., 2007). Pour le fichier Exhaustif, on considère que le traitement concerne la mention d’au moins une langue étrangère parmi les critères de recrutement. Pour le second fichier, il concernera la mention d’au moins deux langues.
2. Méthode d’appariement sur le score de propension
L’appariement est effectué sur la base du score de propension qui vise à réduire les biais qu’ils soient de construction ou d’exploitation. Ce score estime, pour chaque annonce, la probabilité conditionnelle de mentionner un besoin en compétence linguistique, étant donné les caractéristiques initiales de l’emploi proposé. Ce score s’appuie sur deux hypothèses fondamentales : l’hypothèse d’indépendance conditionnelle aux caractéristiques observables (Conditional Independance Assumption) et l’hypothèse de la condition de support commun (common support ou overlap). Selon la première, la variable d’intérêt doit être indépendante au fait d’être traitée, contrôlée par les caractéristiques observables X de l’emploi. En d’autres termes, l’appariement sur score de propension n’est possible que si ces caractéristiques servant à calculer le score de propension prédisent bien la probabilité qu’une annonce soit traitée (avec langue étrangère). Or, afin de rendre compte de l’hétérogénéité des offres d’emploi, il faut un nombre assez important de variables décrivant les 106emplois offerts. Mais comme il est d’autant plus difficile de trouver deux offres d’emploi (avec ou sans compétence linguistique) similaires à mesure que le nombre de caractéristiques observables s’élève, Rosenbaum et Rubin (1983) proposent de ramener le nombre de variables décrivant l’emploi à une seule et unique variable. Constituant une synthèse de l’ensemble des caractéristiques observables, cette variable correspond précisément au score de propension. La seconde hypothèse, impose, quant à elle, que l’on dispose pour chaque annonce traitée, d’une annonce non-traitée dont le score est proche de celui de l’offre d’emploi traitée (Brodaty et al., 2007).
L’appariement consiste dans un premier temps à estimer le score de propension. Pour cela, un modèle logit est utilisé puisque la variable de traitement s’assimile au fait de mentionner ou non des compétences linguistiques parmi les critères de recrutement ou de mentionner une versus deux ou plus compétences linguistiques. Sur la base du score de propension, l’appariement est ensuite effectué. Il est alors possible de déterminer l’effet moyen du traitement dans les annonces traitées (ATT18), c’est-à-dire l’avantage en termes de rémunération sur les offres d’emploi appariées. Différentes méthodes d’estimation sont possibles. Pour notre part, trois d’entre elles seront mobilisées19 : la méthode des plus proches voisins avec deux variantes (3 et 5 plus proches voisins) et la méthode des noyaux20. Le nombre d’annonces retenues pour cette analyse est identique à celles mentionnées dans le tableau 3 (soit 398 et 380 observations).
Le modèle portant sur la probabilité qu’une annonce mentionne un critère de langue regroupe à la fois des variables de poste (diplôme et spécialité requis, profession et contrat de travail proposés) mais aussi des variables d’entreprises (nombre de salariés, secteur d’activité). En effet, comme nous l’avons vu précédemment, les entreprises d’une certaine taille 107ou d’un certain secteur ont une probabilité plus élevée d’être tournées à l’international et, par conséquent, d’exiger la maîtrise d’au moins une langue pour leurs futures recrues. De même, certains établissements sont davantage ouverts aux marchés étrangers que d’autres et sont donc susceptibles de mentionner un critère de langue dans leurs annonces. Outre des variables de contrôle propres à l’emploi, il est donc apparu pertinent d’intégrer ces caractéristiques d’entreprises même si d’autres variables, qui peuvent jouer à la fois sur l’exigence d’une langue et sur le salaire, ne sont pas prises en compte car elles ne sont pas explicitement présentes dans les annonces. Le rattachement à un groupe international, la coopération avec des entreprises ou des clients d’autres pays et/ou la nécessité de faire des déplacements à l’étranger peuvent expliquer des salaires plus élevés.
Concernant les résultats du fichier Exhaustif, la présence d’un critère de langue dans une annonce est significativement corrélée au type d’emploi et au niveau de qualification des emplois (tableau 4). Elle est également corrélée au secteur et à la taille de l’entreprise puisque les coefficients sont significatifs et négatifs par rapport à l’ensemble de l’industrie où la référence à la langue est plus fréquente. La même estimation peut être faite sur le second fichier Langue pour différencier les annonces qui portent sur une seule langue ou plusieurs. Les résultats, non présentés ici, sont peu significatifs. Le nombre de langues est plus élevé lorsque l’expérience l’est aussi et que le contrat de travail est à durée indéterminée. De même, les langues en dehors de l’anglais sont plus souvent demandées.
Tab. 4 – Probabilité qu’une offre du fichier Exhaustif indique une langue.
Coefficient |
Écart type |
Sign. |
||
Diplôme (réf. pas de diplôme du supérieur) |
||||
Diplôme du supérieur |
0,66 |
0,52 |
Ns |
|
Spécialité du diplôme ( réf. services ) |
||||
Domaine de la production |
-0,40 |
0,30 |
Ns |
|
Expérience professionnelle (réf. peu ou pas) |
||||
Salarié expérimenté |
0,33 |
0,33 |
Ns |
|
108
Contrat de travail ( réf. CDD ) |
||||
Contrat à durée indéterminée |
0,24 |
0,36 |
Ns |
|
Poste à pourvoir ( réf. autres postes ) |
||||
Profession intermédiaire |
-1,14 |
0,43 |
*** |
|
Employé |
-1,296 |
0,56 |
** |
|
Ouvrier |
-3,71 |
1,15 |
*** |
|
Secteur et taille de l ’ entreprise recruteuse ( réf. Secteur de l ’ industrie ) |
||||
Secteur du commerce |
-0,40 |
0,61 |
Ns |
|
Secteur du commerce |
-1,16 |
0,61 |
Ns |
|
Secteur des services |
-1,04 |
0,53 |
** |
|
Secteur des services |
-1,34 |
0,50 |
*** |
|
Intérim, cabinet de recrutement (toute taille) |
-1,71 |
0,47 |
*** |
|
Constante |
-0,20 |
0,75 |
Ns |
|
Pseudo R2 |
0,19 |
|||
Nombre d ’ observations |
398 |
Source : fichier Exhaustif 2014, 398 offres mentionnant un salaire mensuel pour un temps plein de 35 heures et plus, hors contrats aidés, hors secteur agricole.
Lecture : la probabilité de mentionner un critère de langue est moins forte lorsque l’annonce concerne une entreprise de services, toutes choses égales par ailleurs.
*** indique un effet statistique significatif au seuil de 1 %, ** de 5 %, * de 10 %.
La deuxième étape de la méthode consiste à apparier les traités et les non-traités (Rosenbaum et Rubin, 1983). Après appariement, les différences en termes de caractéristiques des offres d’emploi deviennent non significatives.
Ensuite, l’avantage de l’estimation en fonction de chaque méthode d’appariement a été testé (tableau 5). Un gain salarial lié aux langues 109est toujours observé, même si sa significativité est plus faible et incite à une certaine prudence pour le fichier Exhaustif. Les trois méthodes proposées conduisent à une élévation de cette prime par rapport à l’estimation des MCO, bien qu’elle soit nettement inférieure à l’estimateur naïf. La plus-value salariale associée aux offres d’emploi demandant des compétences linguistiques serait de plus de 400 € mensuel par la méthode des plus proches voisins et plus de 300 € par la méthode avec fonction noyau (Kernel) concernant les 390 offres comprises dans le support commun, avec néanmoins un seuil de significatif de 10 %. Autrement dit, pour des offres « comparables », le critère linguistique correspondrait à une exigence de l’employeur qui serait valorisée en termes de rémunération, même si la connaissance d’une langue peut aussi être parallèlement un critère de sélection parmi une offre abondante de diplômés. Quant au fichier Langue, l’avantage salarial d’une deuxième langue étrangère serait entre 300 € et 400 € selon les méthodes de calcul (tableau 6).
Tab. 5 – Résultats de la méthode par appariement
(1 langue au moins versus aucune langue).
Fichier Exhaustif |
Plus proches voisins avec remise (n=3) |
Plus proches voisins avec remise (n=5) |
Kernel |
||
Ensemble des offres d’emploi |
Estimateur naïf |
875*** |
|||
MCO |
209* |
||||
ATT |
461* |
368* |
343** |
||
Effectif du support commun |
398 |
398 |
398 |
Source : fichier Exhaustif, offres mentionnant un salaire mensuel pour un temps plein, hors contrats aidés, soit 398 offres comparables.
Note : l’écart-type des estimations est obtenu par bootstrap (100 réplications).
Lecture : l’avantage salarial d’une langue étrangère est de 461 € via la méthode des plus proches voisins avec remise (n=3).
*** indique un effet statistique significatif au seuil de 1 %, ** de 5 %, * de 10 %.
110Tab. 6 – Résultats de la méthode par appariement
(2 langues exigées au moins versus 1 seule).
Fichier Langue |
Plus proches voisins avec remise (n=3) |
Plus proches voisins avec remise (n=5) |
Kernel |
||
Ensemble des offres d’emploi |
Estimateur naïf |
362*** |
|||
MCO |
308*** |
||||
ATT |
370** |
396*** |
404*** |
||
Effectif du support commun |
377 |
377 |
377 |
Source : fichier Langue, offres mentionnant un salaire mensuel pour un temps plein, hors contrats aidés, soit 380 offres comparables dont 377 dans le support commun).
Note : l’écart-type des estimations est obtenu par bootstrap (100 réplications).
Lecture : l’avantage salarial d’une deuxième langue étrangère est de 370 € via la méthode des plus proches voisins avec remise (n=3).
*** indique un effet statistique significatif au seuil de 1 %, ** de 5 %, * de 10 %.
Conclusion
L’enjeu de notre travail est d’identifier les exigences en matière de compétences linguistiques mentionnées dans les offres d’emploi afin d’appréhender la place des langues étrangères sur le recrutement en France. Plus particulièrement, il s’agit de savoir si les critères linguistiques sont valorisés dans les annonces Internet déposées sur les sites de Pôle Emploi et de l’Apec. Selon Bergeat et Rémy (2017), la généralisation d’Internet est susceptible d’augmenter la transparence du marché du travail et de diminuer la diffusion des emplois via les réseaux personnels, constat effectué aussi par l’Apec : la part des cas où le recruteur mobilise uniquement son réseau de relations, les associations d’anciens élèves ou les cabinets de recrutement dans les recrutements de cadres est passée de plus de la moitié à moins de 10 % entre 1996 et 2013 dans les établissements de plus de cinquante salariés.
111À partir des données utilisées, nos résultats paraissent indiquer une plus-value salariale liée à la présence de critères linguistiques dans les annonces. Ces résultats suggèrent au moins sur notre champ d’observation une certaine rentabilité des langues. Ce constat reste néanmoins dépendant des données utilisées. D’abord, l’offre d’emploi ne correspond qu’à une première étape du processus de recrutement, il peut y avoir par la suite, une négociation salariale ajustée au profil du salarié et aux contraintes de l’employeur. Ensuite, les intermédiaires du placement comme les agences de Pôle Emploi et de l’Apec (Bessy et Larquier, 2010) ont traduit et uniformisé la plupart des annonces à diffuser sur Internet. Les canaux de recrutement ont généralement tendance à structurer les frontières du recrutement. Les offres d’emploi sur Internet concernent un segment du marché de l’emploi où le recruteur cherche, dans un premier temps, par des critères explicites à exclure une partie des candidats à l’embauche. On peut penser que le niveau de compétence linguistique soit dans un second temps, testé par des entretiens21. Il est aussi possible que les langues soient moins valorisées dans d’autres canaux de recrutement ou qu’au contraire, la recherche de candidat maîtrisant certaines langues plus rares passe par d’autres modes, des réseaux ou des relations avec des écoles. Enfin, les informations contenues dans les offres d’emploi ne permettent pas de savoir si d’autres variables relatives à l’offre d’emploi ou à l’entreprise ne pourraient pas expliquer une rémunération plus élevée. On peut par exemple faire l’hypothèse que certains emplois nécessitant une langue impliquent également des déplacements professionnels plus importants, dont la proposition de rémunération tiendrait compte. D’un point de vue méthodologique, des informations plus précises auraient pu permettre de tester l’endogénéité de la langue par le biais d’autres méthodes comme la méthode des variables instrumentales (Chiswick et Miller, 1995).
Nos résultats contribuent néanmoins à souligner l’importance que peuvent avoir les langues étrangères sur le marché du travail. Les compétences linguistiques représentent un atout, notamment dans une période de chômage élevé, pour les futurs employés et employeurs, 112et semblent valorisées dans les rémunérations. Elles constituent donc plus qu’un simple critère supplémentaire de recrutement parmi une offre abondante de diplômés. En effet, nos résultats montrent que les employeurs sont prêts à payer lorsqu’ils mentionnent ce critère dans les offres. Cette compétence linguistique est valorisée parce qu’elle joue aussi un rôle de signal pour l’employeur. De plus, on peut penser, que même en l’absence de mention dans les offres d’emploi, la maîtrise de ces langues soit parfois exigée ou permette par la suite d’accéder à des postes plus qualifiés. En effet, de nombreuses formations, notamment supérieures, intègrent la connaissance de langues étrangères dans leur cursus.
Les implications en termes de politiques éducatives sont évidentes d’autant plus qu’elles doivent être mises en relation avec les fortes inégalités sociales qui structurent l’apprentissage des langues (Nogueira et Aguiar, 2008). Les possibilités de mobilité durant les études, l’accès à des cours privés de langues ou les stages étrangers restent très inégalitaires parmi les étudiants. Si la connaissance de plusieurs langues étrangères n’est certainement pas un facteur suffisant pour s’insérer dans le monde du travail, on peut supposer que le critère linguistique risque d’exclure de plus en plus de candidats. Si la certification n’est pas exigée dans ces annonces, le fait de citer une ou plusieurs langues peut être une barrière pour inciter à une auto-sélection des candidats.
113Annexe
3. Exemples d’annonces
Chef de projet formation
CDD de 6 mois, Cadre du secteur privé, Expérimenté, Salaire à définir
Profil :
Issu(e) d’une formation supérieure de type Bac +4/+5, type École Supérieure de Gestion, vous présentez au moins 3 ans d’expérience réussie dans les relations commerciales grands comptes dans le secteur de la formation ou du conseil aux entreprises.
Vous possédez une bonne maîtrise de l’ingénierie de formation, une bonne expérience de l’analyse des cahiers des charges et de la réponse aux appels d’offre. Vous comprenez les fonctionnements d’entreprises et leurs problématiques et mettez la satisfaction du client ainsi que le développement du chiffre d’affaires au cœur de vos actions.
Un niveau d’anglais courant à l’écrit et à l’oral est requis.
La maîtrise d’une troisième langue européenne serait un plus.
Assistant/Assistante de communication
Vous êtes Assistant(e) Marketing Communication avec une expérience réussie dans un domaine comparable pour assurer progressivement auprès du dirigeant la prise en charge de l’ensemble des facettes de la communication multi-canaux au niveau international : 1) événementiel : salons …, 2) relations presse/publiques (obtention de rédactionnels), 3) print (brochures, catalogues) et PLV, 4) on-line (animation des réseaux sociaux, mise à jour des sites Internet …), 5) media (campagnes de communication), 6) quelques missions commerciales ou administratives ponctuellement. Bilingue anglais. Troisième langue (dont allemand) appréciée. Bonnes connaissances informatiques ; Photoshop, suite créative Adobe
Type de contrat : Contrat à durée indéterminée
Expérience : Expérience exigée de 2 An(s)
Formation : Niveau : Bac+3, Bac+4 ou équivalent Souhaité
Domaine : Commerce
Diplôme demandé : école de commerce/communication
Qualification : Employé qualifié
Langues : Anglais Courant Exigé, Allemand Très bon Souhaité
Salaire indicatif : Annuel de 20000 Euros à 25000 Euros
Durée hebdomadaire de travail : 39H Horaires normaux
Déplacements : Ponctuels International
114Juriste
Titulaire d’une formation en Droit (type Master II), vous justifiez d’une première expérience ou d’un ou plusieurs stage(s) significatif(s) au sein d’un cabinet d’avocat, idéalement en droit des sociétés.
Qualités rédactionnelles, pragmatisme, polyvalence, capacité d’adaptation, autonomie sont indispensables ainsi qu’une bonne aisance
Type de contrat / Contrat à durée indéterminée
Expérience : Débutant accepté
Formation : Niveau : Bac+3, Bac+4 ou équivalent Exigé Domaine : Droit
Langues : Chinois (Mandarin) Courant Exigé
Anglais Très bon Souhaité
Qualification : Employé qualifié
Salaire indicatif : Annuel de 25000.00 Euros à 28000.00 Euros
Durée hebdomadaire de travail : 35H Horaires normaux
Hôte/Hôtesse d ’ accueil standardiste bilingue
Type de contrat : Contrat à durée indéterminée
Nature d’offre : Contrat travail
Expérience : Expérience exigée de 6 Mois
Formation : Niveau : Bac ou équivalent Exigé Domaine : Secrétariat assistanat
Langues : Anglais Courant Exigé
Qualification : Employé non qualifié
Salaire indicatif : Horaire de 9.53 Euros à 9.54 Euros
Durée hebdomadaire de travail : temps partiel Horaires normaux
Taille de l’entreprise : 100 à 199 salariés
Secteur d’activité : Autres activités de soutien aux entreprises
Références bibliographiques
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1 Nous tenons à exprimer nos remerciements aux relecteurs de la revue pour leurs remarques et suggestions constructives. Nous remercions également Aline Branche-Seigeot pour sa contribution à cette étude des offres d’emploi et Mohamed Ali Elmi pour son implication dans la collecte des données.
2 Si l’on se limite à l’anglais, la pratique et l’utilisation de la langue va être très différente au sein des différents pays non-anglophones. Par exemple L’English Proficiency Index, un indice réalisé par une société privée sur un million d’adultes à partir de tests standardisés, donne un éclairage sur le niveau de compétences en anglais dans le monde, en distinguant notamment 5 niveaux de maîtrise pour les pays non-anglophones. La France serait classée au 32e rang sur 82 pays non-anglophones testés et au 22e rang sur 27 en Europe, contrairement aux Pays-Bas et aux pays scandinaves qui dominent ce classement et se caractérisent par une très bonne maîtrise de la langue anglaise.
3 L’intérêt est ainsi de s’affranchir au moins partiellement des différentes variables liées aux caractéristiques des individus, de leurs parcours individuels ou professionnels qui peuvent être étroitement corrélés à la pratique d’une langue.
4 En effet, les annonces peuvent être publiées gratuitement ou sponsorisées, c’est-à-dire payantes pour bénéficier d’un emplacement privilégié en haut de page dans les résultats de recherche (cf. sites Indeed, Monster…).
5 La différence du nombre d’annonces entre ces deux fichiers vient en partie du fait que les entreprises ou recruteurs ont posté nettement moins d’offres durant ce mois de mai 2014, en lien avec les trois ponts (jours fériés tombant les jeudis) et les vacances scolaires. De plus, pour le second fichier, les annonces ont été recueillies jusqu’au 4 juillet 2014.
6 Cadres et professions intellectuelles supérieures (cadres, ingénieurs, professeurs, informaticiens…) référencés selon la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles de l’INSEE. Dans la suite du texte, ces professions seront nommées cadres, ingénieurs. Le genre masculin est utilisé de façon générique à seule fin d’alléger le texte, même si les annonces sont toutes déclinées au masculin et féminin.
7 Un intermédiaire intervient dans plus de la moitié des recrutements de 2016, les parts respectives des intermédiaires publics comme Pôle Emploi et des autres (écoles, cabinets de recrutement, intérim) étant proches (un peu plus du tiers) (Bergeat et Rémy, 2017).
8 Dans de nombreux cas, le niveau exact du diplôme du supérieur n’est pas spécifié. Seulement 2 % des annonces formulent des exigences inférieures au niveau du baccalauréat (49 annonces (dont 1 de l’Apec) représentent 14 % des offres sur le site de Pôle Emploi).
9 À l’exception de l’agriculture qui porte sur 7 annonces du fichier Exhaustif.
10 36 % des annonces ne donnent aucune rémunération (cf. encadré 1). Les salaires peuvent être affichés soit en heure, mois, année, soit en tranche pour le tiers des offres. Cette variable a été calculée pour les annonces de 35 heures et plus, à partir du salaire mensuel moyen brut. Le salaire annuel moyen brut a été divisé par 12 pour avoir le salaire moyen mensuel brut. Un salaire moyen a été calculé pour les offres exprimées en tranche (à titre d’illustration, un salaire exprimé « entre 25 000-28 000 € brut/an » a été transformé en un salaire annuel moyen de 26 500 €, puis divisé par 12 pour un salaire moyen mensuel de 2 208,33 €).
11 Les contrats aidés, notamment l’apprentissage et contrats de professionnalisation, concernent 2 % des offres et les contrats à temps partiel près de 10 % quel que soit le fichier.
12 Une variable croisée secteur/taille a été créée de façon à identifier pour chaque secteur les différences de taille, sauf pour les agences d’intérim et cabinets de recrutement où l’information n’était pas toujours présente. Quelques annonces ont dû être enlevées du fait des données manquantes sur les effectifs des entreprises. Au final, les modélisations ont été effectuées sur 398 annonces du fichier Exhaustif et 380 pour le fichier Langue.
13 Des administratifs, commerciaux, techniciens, contremaîtres, agents de maîtrise…
14 Selon les données nationales de l’INSEE, le quart des salariés occupent un emploi de niveau intermédiaire dans les entreprises privées.
15 Les entreprises de moins de 50 salariés représentent près de la moitié des observations renseignées du fichier Exhaustif et le tiers du fichier Langue.
16 Pour des questions d’effectifs, nous avons été contraints d’agréger toutes les autres langues. Cependant, quelques estimations plus exploratoires (non présentées dans le texte car portant sur des effectifs faibles), ne semblent pas indiquer la présence d’effets significatifs d’une langue rare comme le chinois ou le mandarin. Leur nombre reste peu élevé (une dizaine pour la première langue).
17 Cf. encadré 1.
18 Average Treatment effect on the Treated.
19 Selon la littérature, il n’existe aucun consensus sur la meilleure technique à utiliser.
20 La méthode des plus proches voisins consiste à retenir pour chaque offre d’emploi traitée (avec exigence linguistique), plusieurs offres non-traitées (sans exigence linguistique) ayant un score de propension proche de celui de l’offre traitée. Toutefois, cette méthode peut effectuer un mauvais appariement, notamment entre deux offres dont les scores de propension sont assez éloignés. Pour éviter ce problème, qui diminue la qualité de l’appariement, une distance maximale entre les scores de propension sera imposée. La méthode par noyaux quant à elle, retient pour l’appariement de chaque offre d’emploi traitée (avec exigence linguistique), toutes les offres d’emploi non-traitées (sans exigence linguistique), mais en les affectant d’un poids inversement proportionnel à leur distance avec l’offre d’emploi traitée.
21 En effet, 88 % des recrutements ont impliqué la réalisation d’entretiens individuels (durant lesquels la capacité de s’exprimer dans une langue étrangère peut être vérifiée rapidement) et 6 % des tests de langues étrangères selon l’enquête OFER de 2016 (Bergeat et Rémy, op. cit.).
- Thème CLIL : 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
- ISBN : 978-2-406-08857-8
- EAN : 9782406088578
- ISSN : 2555-039X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08857-8.p.0083
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 11/02/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Compétences linguistiques, offres d'emploi, postes, salaire, Internet, recrutement