Le référendum d’entreprise La démocratie sociale contre les syndicats ?
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Socio-économie du travail
2018 – 2, n° 4. La démocratie au travail : usages et catégories / Democracy at work: uses and categories - Auteurs : Denis (Jean-Michel), Pernot (Jean-Marie)
- Pages : 55 à 80
- Revue : Socio-économie du travail
Le référendum d’entreprise
La démocratie sociale contre les syndicats ?
Jean-Michel Denis
UPEM/LATTS
Jean-Marie Pernot
IRES
La pratique du référendum dans l’entreprise ou l’établissement n’est pas neuve. Longtemps tenue aux marges du système représentatif, cette modalité de consultation directe des salariés semble promise depuis quelques temps à un rôle plus important dans le cadre des relations professionnelles. En effet, deux textes législatifs récents (la loi no 2016-1088 du 8 août 2016 relative à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi El Kohmri », et les ordonnances portant réforme du code du travail du 23 septembre 2017, dites « ordonnances Macron ») l’ont successivement ouverte à de nouveaux usages en lui accordant une place potentiellement plus grande dans les processus de validation des accords d’entreprise. Instrument qui permet à des syndicats minoritaires de tenter de contourner l’opposition de syndicats majoritaires lors de la signature de tels accords dans la loi de 2016, le référendum est officiellement présenté comme un outil visant à combler l’absence syndicale dans les ordonnances de 2017 ; avec, dans les deux cas, le recours à l’opinion des salariés dans les processus de construction des accords collectifs (cf. encadré 1).
Mais le référendum ne constitue pas un dispositif à part. Il s’intègre dans une dynamique amorcée depuis plusieurs décennies : celle du renforcement de la négociation d’entreprise, et de la redéfinition du profil 56des acteurs sociaux dans les situations qui dérogent au modèle traditionnel de la négociation collective, en l’absence de délégués syndicaux (DS)1, et particulièrement dans les petites et moyennes entreprises2. D’où l’émergence de « processus atypiques » de la négociation collective dans l’entreprise, celle-ci étant désormais ouverte aux représentants élus (en cas de carence syndicale) et à validation par la consultation directe des salariés (Naboulet, 2014). Jusqu’à présent, les enquêtes menées sur le sujet ont conclu à la complémentarité entre ces formes atypiques et celles plus institutionnalisées, davantage qu’à leur substitution progressive (Naboulet, 2014). La possibilité récente octroyée par le législateur de pouvoir y recourir plus largement est-elle de nature à changer la donne ? Surtout, quelle conception de la démocratie sociale laisse-t-elle entrevoir ? S’inscrit-elle dans la continuité, pour ne pas dire dans le renforcement, de la loi de 2008 sur la représentativité syndicale qui promouvait une conception élective de la démocratie sociale (Béroud et al., 2012) ? Ou en contrepoint de celle-ci, dans la mesure où la loi de 2008 cherchait à renforcer les accords collectifs par la consolidation des acteurs favorables à la négociation ? Car y compris ces derniers considèrent désormais l’utilisation du référendum dans les petites et moyennes entreprises, promue dans les dernières ordonnances, comme une manière d’imposer « une forme de monologue social3 ». En effet, si le référendum a été dénoncé lors de la loi El Kohmri comme permettant le contournement des syndicats traditionnellement les plus hostiles aux réorganisations managériales, il est plus largement considéré aujourd’hui par l’ensemble des forces syndicales comme un principe antinomique à la négociation collective, un mécanisme de ratification d’un texte élaboré unilatéralement par l’employeur.
Cette actualité du référendum nous donne l’occasion de revenir sur sa place et son rôle dans l’espace des relations professionnelles. Encore faut-il savoir de quoi l’on parle exactement lorsque l’on évoque cette 57notion de référendum. En effet, un brouillage sémantique existe entre ce terme, très peu présent dans la loi, et ceux de consultation et de ratification. L’objet de la première partie de cet article sera d’essayer d’y voir plus clair à son sujet, en lui consacrant un travail de définition et de généalogie. Pratique dont nous nous proposons, en deuxième partie, de mesurer l’étendue et l’intensité. Jusqu’aux deux textes de loi évoqués ci-dessus, celle-ci a été plutôt réduite puisqu’elle a principalement concerné les négociations relatives à l’épargne salariale et l’intéressement et, de façon plus marginale, l’absence de représentation sociale dans les petites entreprises. Nous nous intéresserons aux difficultés liées à son usage, dans un troisième temps, à partir de l’analyse de plusieurs situations empiriques, avant d’aborder enfin la question de son devenir. Car le focus placé aujourd’hui sur le référendum ne signifie pas nécessairement que l’on y aura davantage recours dans le cadre de la négociation collective. Rien ne dit en effet que les acteurs sociaux s’empareront de ce « nouvel » outil et qu’il ne restera pas sur les étagères déjà encombrées des fausses bonnes idées destinées à « débloquer » les relations professionnelles dans une logique de bénéfices mutuels.
I. Le référendum d’entreprise :
généalogie d’une pratique
Inscrite dans la loi, la pratique du référendum s’accompagne singulièrement de la rareté du mot lui-même dans les textes qui y font référence. En effet, on ne le trouve dans le code du travail que depuis l’ordonnance du 20 décembre 2017. Lui étaient préférés jusque-là les termes de consultation ou de ratification4. Cette quasi-absence ne concerne pas uniquement le droit du travail. Technique issue du droit constitutionnel (Duverger, 1996), le référendum, qui existe pourtant depuis la Révolution Française, 58n’apparaît pas réellement dans les constitutions françaises avant 1958 et là encore, l’emploi de termes approchants est systématiquement privilégié5. En droit du travail, il est moins question de référendum que de « pratiques référendaires ».
I.1. La place du référendum dans le droit du travail :
un renforcement institutionnel graduel
Dans une certaine mesure, c’est par une porte dérobée que le référendum fait son entrée dans le cadre des relations professionnelles car il y pénètre par le Code de la Sécurité sociale et non par le Code du travail. En effet, il sera associé à la mise en place de l’adhésion à l’AGIRC (Association Générale des Institutions de Retraite des Cadres) en 1947 et, plus tard, de l’ARRCO (Association pour le Régime Complémentaire des Salariés), qu’il y ait ou non représentation syndicale. Ces nouveaux régimes d’assurance contenant des dispositions qui pouvaient modifier certains termes du contrat de travail, il était ainsi nécessaire, afin de pouvoir les instaurer, de consulter directement les salariés pour obtenir leur aval (Barthélémy, 1993). De la même façon, l’ordonnance du 17 août 1967 sur la participation des travailleurs « aux fruits de l’expansion des entreprises » prévoit le recours au référendum en alternative ou en complément des accords conclus avec les syndicats représentatifs (Le Crom, 2011)6. C’est donc à la périphérie des institutions de la négociation collective que se développera un premier type de référendum.
Alors que les lois Auroux (1982) délaisseront le référendum par peur qu’il « n’anéantisse le monopole syndical » (Gaurieau, 1998, p. 339), ce sont les lois Aubry et singulièrement la loi Aubry II du 19 janvier 2000 qui l’inscriront juridiquement dans le champ des relations professionnelles. Son utilisation sera rendue possible dans trois cas de figure : celui d’un accord paraphé par des organisations minoritaires dans l’entreprise ; en cas d’absence d’organisations syndicales dans l’entreprise et lorsqu’un 59accord est signé par un salarié mandaté ; dans celui enfin des entreprises de moins de 11 salariés paraphant un accord sur le temps de travail (Le Crom, 2011). La loi dite Fillon du 4 mai 2004 et celle du 20 août 2008 accroissent sa part avant qu’elle ne soit amplifiée, une nouvelle fois, par la loi Travail de 2016 (loi El Khomri) et les « ordonnances Macron » de 2017 (cf. encadré 1). Son renforcement juridique doit beaucoup, nous l’avons dit, à la décentralisation de la négociation collective vers l’entreprise. Mais aussi au fait que celle-ci porte de plus en plus sur des éléments clefs du rapport salarial : la durée et l’aménagement du temps de travail, les salaires et l’emploi. Autrement dit, si l’extension de la négociation collective est un vecteur important du recours accru au référendum, il ne s’y réduit pas. Intervient également un autre facteur : la multiplication des accords de type « donnant-donnant » qui ne répondent plus aux seules revendications syndicales mais intègrent, dans l’échange, les revendications patronales (Naboulet, 2014).
Cette tendance était déjà présente dans les années 1990 où le référendum a été mobilisé dans le cadre de la réorganisation du temps de travail, dans le secteur privé (mise en place d’horaires décalés ou des 5X8) ou dans la fonction publique, en dehors de toute codification légale, avec l’implantation des horaires variables. Elle s’est poursuivie avec l’essor des restructurations d’entreprise où se sont multipliés les accords défavorables aux salariés suite à ce que François Hénot a appelé des référendums « abdicatifs7 ». Comme ceux relatifs au passage aux 35h, ces accords ont soulevé le problème de la représentativité des syndicats signataires et, dans de nombreux cas, ont conduit, pour la vérifier, à des consultations directes des travailleurs.
Au-delà de cette dynamique institutionnelle, il est également possible de sérier les référendums, dans le temps ordinaire de la négociation collective, selon leur registre de légitimité8. Ce qui amène à distinguer quatre cas de figure – qui croisent en partie ceux évoqués précédemment : celui où le référendum parachève une négociation avec les délégués syndicaux ou élus du personnel signataires d’un accord collectif ; celui où il valide un texte ou une décision proposé unilatéralement par la 60direction de l’entreprise ; celui où il affermit une représentativité faible du côté des salariés ; celui enfin où les syndicats recherchent l’approbation préalable des salariés compte tenu des conséquences de l’accord sur ces derniers. À ces cas de figure ordinaires, s’opposent les référendums qui sont organisés « en dehors des configurations juridiquement prévues », le plus souvent dans le cadre de restructurations ou de fermeture de site de travail : référendums « passage en force » qui visent à peser sur le rapport de force dans un sens ou dans un autre ; référendums « participatifs » qui confortent la négociation et l’objectif de trouver un accord partagé (Astrées, 2014, p. 56)9.
1. Le référendum : un dispositif renforcé par quatre réformes successives
La loi n o 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (dite Loi Fillon) autorise la négociation et la signature d ’ accords collectifs dans les entreprises, en cas d ’ absence de DS, par des élus du personnel ou un salarié mandaté. Dans de tels cas, l ’ organisation d ’ un référendum vise la sécurisation de l ’ accord négocié puisque la validité de celui-ci est subordonné à l’approbation d’une majorité de salariés par consultation directe.
La loi n o 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail autorise une consultation directe lorsqu’il est impossible d’établir les seuils de 30 % et de 50 % nécessaires à l’approbation ou la contestation d’un accord (en cas de carence syndicale ou d’absence de quorum au premier tour des élections professionnelles par exemple).
La loi n o 2016-1088 du 8 août 2016 relative à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi El Khomri », renforce le principe de l’accord majoritaire en hissant le seuil de cette « majorité » à 50 % contre 30 % antérieurement (loi de 2008)10, donnant alors la possibilité pour des organisations signataires minoritaires (30 % au minimum) de demander l’organisation d’une consultation directe des salariés. Le décret du 20 décembre 2016 « relatif aux modalités d’approbation par consultation des salariés de certains accords d’entreprise » en précise le cadre et les modalités d’application. Ses dispositions concernent exclusivement les accords relatifs à la durée du travail, les repos et les 61congés à l’exception donc de tout autre motif ; et « ses modalités d’organisation […] sont fixées par le protocole conclu avec les organisations syndicales signataires » (art. 1)11, excluant donc les syndicats non-signataires de la dite organisation.
Les ordonnances portant réforme du code du travail du 23 septembre 2017, dites « ordonnances Macron », modifient les mesures précédentes en matière de consultation directe des salariés ; les dispositions concernant le référendum sont édictées dans le Titre II (« Favoriser les conditions de mise en œuvre de la négociation collective ») au chapitre 1 (« Modalités de négociation, de conclusion d’un accord collectif et de recours à la consultation des salariés ») et au chapitre 3, article 10 (modalités d’appréciation du caractère majoritaire des accords). Les dispositions contenues dans le chapitre 1 s’inscrivent dans la philosophie officielle du texte selon laquelle les entreprises doivent pouvoir bénéficier d’accords d’entreprise même en l’absence d’implantation syndicale. C’est le cas de 96 % des petites et moyennes entreprises (PME), ce qui amène les promoteurs de la réforme du code du travail à la présenter comme donnant pour la première fois « la priorité aux TPE [très petites entreprises] et aux PME12 ». De fait, l’élargissement des conditions d’usage du référendum vise principalement ces dernières, selon deux cas possibles. Le premier cas concerne les entreprises de moins de vingt salariés dépourvus d’élus du personnel au sein desquelles les employeurs pourront désormais proposer unilatéralement un projet d’accord aux salariés ; pour être ratifié cet accord devra être approuvé par les deux tiers du personnel. Le second cas vise les entreprises de cinquante salariés ou plus, dépourvus d’élus du Conseil Social et Économique, dans lesquelles la négociation d’un accord collectif pourra être menée par un salarié mandaté ; pour être valide, cet accord devra être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.
Au-delà de l’élargissement de son usage, c’est également l’organisation du référendum qui est modifié dans les TPE puisque celle-ci est désormais définie par l’employeur13. Le chapitre 3 concerne les accords qui n’ont pas reçu l’assentiment des organisations majoritaires mais le soutien d’organisations représentant 30 % au moins des votants. Sauf si l’ensemble des organisations syndicales en rejette le principe, l’employeur peut mettre en œuvre un référendum si les organisations minoritaires (représentant au moins 30 % des votants) n’ont pas elles-mêmes formulé la demande à l’issue d’un délai de deux mois. Dans ce cas, un protocole reste « conclu entre l’employeur et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés14 ».
I.2. Une généalogie qui emprunte
également au mouvement syndical
La pratique référendaire s’inscrit également dans la longue durée des modalités d’action du mouvement syndical. Malgré une méfiance historique vis-à-vis du fait électif, celui-ci n’a pas hésité à l’intégrer dans son répertoire d’action collective. On peut ainsi voir dans le référendum l’émanation de la parole et de la décision ouvrières qui se formalisent, entre autres, dans les figures de la grève, de l’assemblée générale, des comités de grève, du conseil d’usine jusqu’au groupement syndical. Claude Didry (2004) a ainsi montré qu’à son origine, à la fin du xixe siècle, l’organisation de la grève passe non seulement par l’élection de représentants chargés de mener les négociations avec les employeurs mais aussi par la proposition de mettre en place des « référendums ouvriers pour imposer la grève à la minorité de ceux qui, dans l’entreprise, la branche ou la région, ne l’auraient pas votée » (p. 9). On retrouve ce principe de légitimation, issu du vote, à l’œuvre dans le cadre des assemblées générales, autre dispositif de démocratie directe, lors des grèves et, plus largement, des mouvements sociaux. Celles-ci tirent leur pouvoir de décision du vote de leurs participants qui, à l’instar des citoyens, parlent en leur nom propre (Le Mazier, 2013).
Au sein du mouvement syndical, la pratique du référendum renvoie au principe de l’élection en permanente tension avec le principe de la désignation. On le sait, le syndicalisme des origines n’est pas favorable aux formes de la démocratie représentative. Le syndicalisme révolutionnaire est un syndicalisme de minorités, pensé comme tel, qui ne veut pas être freiné par la masse dans son mouvement et il ne fait nulle place au vote des travailleurs. À cet égard, cette position concorde avec le mode de reconnaissance légal des syndicats. La loi de 1884 est essentialiste dans ses principes : le syndicat représente par définition tous les travailleurs et il n’y a nul besoin d’élection pour le confirmer. Les premières expériences électives dans le cadre syndical concernent les délégués ouvriers à partir de la fin du xixe siècle dans quelques entreprises et surtout dans les usines d’armement au cours de la Première Guerre mondiale (Le Crom, 2011). Elles seront imposées aux syndicats, favorables au canal désignatif, comme sera 63également imposé à la CGT en 1936 l’élection des délégués du personnel, dispositif qui sera néanmoins mis à l’arrêt pendant la guerre. Le débat reprend à la Libération, il ne concerne plus l’élection, dont le principe est acquis avec les premières élections d’administrateurs à la toute nouvelle Sécurité sociale au printemps 1947 et la création des Comités d’entreprises (CE) élus – autre manière de marquer la rupture avec les comités sociaux de Vichy. La question se porte alors sur le mode de scrutin, proportionnel ou majoritaire aux élections de CE. La dynamique de l’élection s’amplifie par la suite, notamment aux Conseils des Prud’hommes à partir de 1979, et par son rythme, les délégués du personnel et les comités d’entreprise étant renouvelés tous les deux ans.
Le fait de l’élection est donc acquis dans une logique de désignation de représentants. Mais sur la consultation directe également, les syndicats peuvent utiliser le référendum à l’appui de leur stratégie. Celle-ci peut être offensive comme, par exemple à France Telecom en 1997 où le syndicat SUD-PTT (Solidaires, Unitaires et Démocratiques aux PTT) a organisé un référendum sur l’ouverture du capital de l’entreprise qui a été rejetée par le personnel15. Ou défensive lorsqu’un syndicat appelle au référendum dans le cadre de la construction d’un accord particulièrement difficile, pour sonder l’état d’esprit des salariés et/ou les impliquer. Il peut également y avoir recours dans le cas d’un accord multidimensionnel, qui comporte des garanties mais aussi des renoncements qui rendent l’arbitrage complexe. Un syndicat peut ainsi ressentir le besoin de faire couvrir son acceptation par une consultation, un autre s’en remettra aux salariés plutôt qu’au vote de ses seuls adhérents, un autre encore cherchera à faire du référendum un élément clef du rapport de force. Ainsi, à Continental (Clairoix) en 2006, la CFTC, majoritaire dans l’établissement et opposée à la proposition de la direction du groupe d’augmenter le temps de travail à 40 heures contre une faible compensation salariale, fera avaliser son refus par une majorité du personnel16.
64On le voit, sous ce vocable unique de référendum, la réalité atteste d’une pléiade de pratiques dont aucun acteur n’a le monopole.
II. Le référendum d’entreprise :
effectivité et tendances
Il est imprudent aujourd’hui de présager l’usage que feront les acteurs des nouvelles dispositions contenues dans les textes législatifs de 2016 et 2017. En revanche, il est possible d’observer l’étendue de l’usage des pratiques référendaires dans le cadre des établissements au cours de ces dernières années, pour autant que l’on puisse approcher le phénomène avec toute la précision requise.
II.1. Un usage du référendum
jusqu’à présent plutôt réduit
Pour établir cette mesure, il convient de rappeler les différentes modalités de ratification des accords d’entreprise. La Direction Générale du Travail (DGT) en distingue cinq : la signature des textes par des délégués syndicaux ou des salariés mandatés, la signature des textes par des élus du personnel, les textes qui relèvent d’une décision unilatérale de l’employeur, ceux ratifiés par référendum, et enfin les textes dont le signataire est incertain ou non renseigné. Comme l’indique le tableau 1 ci-dessous, la part du référendum dans l’ensemble des modalités de ratification des accords ne révèle aucune tendance particulière. La seule qui peut éventuellement se dégager est contre-intuitive. Car, à rebours des discours politiques et médiatiques qui laissent plutôt croire à l’affaiblissement du rôle de l’acteur syndical dans le cadre de la négociation collective, celui-ci en reste un acteur central. En atteste le nombre croissant de textes signés par les délégués syndicaux entre 2010 et 2015.
65Tab. 1 – Répartition des accords signés et enregistrés (en %).
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
|
Textes signés par des DS ou des salariés mandatés |
36,4 |
46 |
47,9 |
48,5 |
50,5 |
51,4 |
Textes signés par des élus du personnel |
14,1 |
12,1 |
11,5 |
11,9 |
9,1 |
8,4 |
Décisions unilatérales de l’employeur |
27,8 |
16,6 |
18,9 |
21,8 |
21,7 |
21,6 |
Textes ratifiés par référendum (à la majorité des deux tiers pour l’essentiel) |
21,2 |
25 |
21,2 |
17,4 |
18,7 |
18,5 |
Textes dont le signataire n’est pas renseigné ou présente une incertitude |
0,5 |
0,3 |
0,5 |
0,4 |
0,1 |
/ |
Source : bilans annuels de la négociation collective (compilations)
– Ministère du travail.
En valeur absolue, le référendum évolue fort peu quantitativement depuis une dizaine d’années (cf. tableau 2). Après la période des « 35 heures », l’évolution du référendum est presqu’entièrement due au développement de l’épargne salariale qui constitue le thème de 97 % des référendums enregistrés par la DGT (Desage, Rosankis, 2012).
Tab. 2 – Les référendums d’entreprise sur huit années (en effectifs).
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
|
Référendums |
12 342 |
12 332 |
15 733 |
14 189 |
14 581 |
13 875 |
11 317 |
11 453 |
11 322 |
Source : bilans annuels de la négociation collective (compilations) – Ministère du travail
Selon la DARES, en dehors des accords relatifs à l’épargne salariale, 4 000 référendums environ ont été répertoriés entre 2009 et 2015. La moitié approximativement concerne des entreprises de moins de 50 salariés. La présence d’institutions représentatives du personnel, qu’elles soient désignées ou élues, étant plus faible dans les entreprises de petite taille, on peut faire l’hypothèse qu’une majeure partie de ces référendums ont été organisées pour combler une représentation sociale 66manquante17. En outre, 1 000 autres cas ont été répertoriés dans les entreprises entre 100 et 500 salariés et 350 référendums auraient eu lieu pendant la même période dans des entreprises de plus de 500 salariés – soit soixante grandes entreprises concernées en moyenne par an, ce qui est peu. La base de données dont sont tirés ces chiffres n’a pas pu faire l’objet d’une analyse systématique par les auteurs de ces lignes mais il semble que les cas de référendum évoqués ici renvoient plutôt à des situations exceptionnelles, ne faisant pas de ce dernier un dispositif régulièrement utilisé en matière de dialogue social. De ce fait, on peut raisonnablement faire l’hypothèse qu’il en va des référendums comme des conflits du travail : il existe un effet loupe à partir des cas les plus symboliques et/ou spectaculaires, principalement dû à leur couverture médiatique, à l’instar de Continental (Clairoix, puis Midi Pyrénées), de General Motors à Strasbourg en 2010, ou encore de Smart à Hambach en 2016. Si ces référendums recouvrent des statuts et objectifs divers, le contournement des organisations syndicales majoritaires apparaît néanmoins comme l’un des traits communs de ces consultations « passage en force » (Astrées, 2014) ; ce qu’avaient montré, en leur temps, les référendums d’Air France en 1993, Michelin en 2001, Caterpillar en 2009 et 2011, Continental, Goodyear en 2008, Faurecia, Ascometal, Revima en 2013, etc. Sur la période récente (non encore enregistrée dans la base de la DARES évoquée ci-dessus), on constate une vague de consultations destinées à contourner le blocage syndical sur le travail du dimanche (FNAC, Sephora, Marionnaud…). Pour le reste, les référendums semblent surtout une affaire de PME ; ils leur servent à respecter les obligations légales soumises à pénalités financières.
II.2. Un dispositif à l’avenir incertain
Ce dispositif est-il appelé à connaître un essor significatif après les deux réformes récentes qui ont élargi la possibilité d’y avoir recours ? Ces dernières tendent en effet à en recommander l’usage, non de manière épisodique afin de passer un cap difficile, comme dans le cadre d’une restructuration d’entreprise par exemple, mais comme un outil du quotidien. L’ordonnance du 20 décembre 2017 prévoit en effet sa banalisation 67dans les TPE où le référendum deviendrait un mode ordinaire de la prise de décision (cf. encadré 1). Celle-ci s’inscrit elle-même dans une logique relativement claire puisqu’il s’agit de maximiser les conditions de possibilité de l’accord d’entreprise, y compris au prix du contournement de l’acteur syndical voire de sa substitution18. On voit la trace de cette logique dans la loi El-Khomri qui établit une sorte de droit d’appel contre le rejet d’un projet d’accord par un ou des syndicats majoritaires (cf. encadré 1). Agressive vis-à-vis de la représentation majoritaire du personnel, cette mesure est contradictoire avec la réforme de 2008 qui visait plutôt à conforter les syndicats majoritaires (à travers l’introduction du principe électif comme base de légitimité en lieu et place de la seule accréditation par l’État). Le relèvement du taux de signature nécessaire à la ratification d’un accord (passage de 30 à 50 % de la fraction nécessaire à la validation) était certes exigeant mais prévu à terme par la loi de 2008 et nullement assorti de ce droit d’appel dépourvu de réciprocité.
Au-delà de son incohérence juridique (cf.infra), on peut penser, sans trop prendre de risques, qu’une telle disposition ne peut que renforcer le travers classiquement reproché à la pratique du référendum, à savoir la fabrique mécanique des divisions du corps social. Son déploiement fait clairement courir le risque de créer de nouveaux clivages ou de renforcer des clivages déjà existants : d’une part entre les organisations représentatives et d’autre part entre les salariés. La possibilité de saisine du référendum dépendant de l’accord entre la direction de l’entreprise et le(s) syndicat(s) minoritaire(s) dans le cadre d’un protocole commun, la contestation légale du fait majoritaire prend ainsi corps à partir d’une alliance de fait entre ces deux catégories d’acteurs. Ce type de protocole est nécessairement sous-tendu par un intérêt commun entre la direction de l’entreprise et le ou les syndicat(s) minoritaire(s), celui de triompher des syndicats majoritaires. Il s’agit donc bien là d’une alliance de lutte construite à l’occasion du référendum, alliance qui dresse un camp syndical contre un autre et qui renforce par la même occasion un différend 68de nature agonistique entre deux parties du personnel. Sans compter que cette modalité organisationnelle ne dit rien du caractère extrêmement sensible de la question inscrite dans le référendum, qui camoufle souvent, et plus ou moins subtilement, une menace (un chantage) sur l’emploi.
Cette logique de contournement a été perçue comme telle de la part de plusieurs forces syndicales qui ont déposé une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QCP) devant le Conseil Constitutionnel et un recours en Conseil d’État19. Elles ont obtenu gain de cause devant ces deux institutions qui ont considéré que l’organisation du référendum par l’employeur et les seuls syndicats signataires de l’accord instituait une différence de traitement entre les syndicats, « qui ne repose ni sur une différence de situation ni sur un motif d’intérêt général20 ». Cette disposition spécifique n’a donc pas été reprise dans les ordonnances de 2017. Dans le cas, prévoient-elles, où un employeur constaterait l’existence d’une minorité d’au moins 30 % sur un projet d’accord refusé par des syndicats représentants 50 % au moins des suffrages, il peut de lui-même et sans recours aux syndicats minoritaires déclencher la procédure de consultation (cf. encadré 1). La main est donc désormais clairement donnée à l’employeur21.
Entre la loi de 2016 et les ordonnances de 2017, une seule petite année qui n’aura donc pas permis à ce dispositif de connaître un décollage significatif. Est-ce seulement par manque de temps ? Sans pouvoir totalement répondre sur le fond, constatons que la première initiative de référendum dans le cadre de la loi « El-Khomri » a été un échec pour ses initiateurs. En effet, peu après la parution des décrets de la loi, un référendum a été organisé à la direction de la maintenance RTE (Réseau de Transport d’Électricité), filiale d’EDF. Il a été appelé par la CFDT et la CFTC (34,37 % des voix à elles deux) suite à un accord sur 69le temps de travail rejeté par la CGT (première organisation syndicale dans l’entité avec 58,39 % des suffrages exprimés). Ainsi, 4 258 salariés ont eu à s’exprimer par voie électronique sur l’approbation de cet accord ; avec une participation de 76 %, celui-ci a été rejeté par 70,8 % des salariés contre 29,2 %22.
Le nouveau dispositif enregistrera-t-il plus de succès suite aux ordonnances de 2017 ? Il connaîtra certainement un essor au niveau des TPE puisqu’il prend place dans le vide de la négociation collective23. Pour les autres entreprises, on peut penser qu’il sera plutôt utilisé comme un outil de gestion managériale afin de faire accepter aux collectifs de salariés des réorganisations de leurs conditions d’emploi et de travail. Relevons néanmoins que la partie patronale n’est pas unanime quant à son usage. Certes, la Confédération des petites entreprises (CPE) s’est félicitée de l’orientation favorable aux TPE des ordonnances de 2017 ; le référendum apparaît aux yeux de ses représentants comme un moyen pour mobiliser les salariés dans ces dernières. Elle a été rejointe par le Medef qui, par la voix de son président, a évoqué la possibilité de « déblocage » (sous-entendu, le contournement des organisations syndicales majoritaires) offerte par la nouvelle procédure, tout en ajoutant aussitôt : « L’idée n’est pas de négocier, au jour le jour, à coups de référendum24 ».
Néanmoins, il semble que cette apparente unanimité doive être relativisée, ne serait-ce qu’en raison du faible nombre de référendums organisés dans le quotidien des négociations collectives. Lors de l’adoption de la loi Travail en 2016, l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) a ainsi déclaré ne pas noter d’engouement particulier pour cette modalité de consultation, considérant que les chefs d’entreprise privilégiaient l’accord majoritaire afin d’éviter toute stratégie de la tension contraire à la mobilisation du personnel25. De son côté, suite à un sondage mené auprès de ses adhérents sur la loi Travail en 2016, le Cercle des DRH a également noté que le recours au 70référendum arrivait en avant-dernière position des mesures plébiscitées par ses adhérents26. Les positions reflétées par ces deux organismes représentent-elles l’état moyen des pratiques patronales et managériales aujourd’hui en France ? Nous ne pouvons le dire. Elles sont surtout à prendre en considération pour leur dimension prudentielle, le fait qu’elles pointent implicitement la dangerosité de la pratique référendaire qui peut certes apporter une réponse rapide à une difficulté immédiate mais qui est porteuse de tensions et de déchirements potentiels du collectif salarié à moyen et long terme.
Quoi qu’il en soit, tout se passe au niveau de l’acteur étatique comme si la médiation syndicale, qui est au cœur même de la négociation collective, constituait une gêne et un frein au dynamisme entrepreneurial.
III. Référendum versus syndicalisme ?
La disposition du référendum, à l’occasion de ces deux réformes récentes du Code du travail, est présentée par ses promoteurs comme une extension de la démocratie dans l’entreprise puisqu’elle vise à donner plus de pouvoir aux salariés en les instituant directement acteurs des choix collectifs faits en leur nom. Cette présentation contient deux présupposés : d’une part, que le référendum est par essence démocratique et, d’autre part, que les principes qui régissent la démocratie politique sont transférables dans la sphère des relations professionnelles. Mais est-ce si évident ?
III.1. Le référendum d’entreprise : un dispositif démocratique ?
En premier lieu, rappelons que le caractère direct et démocratique du référendum fait débat dans la sphère politique française. Couramment pratiqué dans d’autres pays (en Suisse par exemple ou dans certains états aux États-Unis), le référendum reste entaché en France par son usage plébiscitaire sous le Second Empire jusqu’au Général de Gaulle27. Sa 71résurrection récente à propos de l’autodétermination de la Nouvelle Calédonie (1988) ou de la réforme de la durée du mandat présidentiel (2000) a été marquée par une abstention massive (respectivement 63 % et 70 %) ; et si les deux consultations relatives à l’intégration européenne (Référendum sur le Traité de Maastricht en 1992, Projet de Traité constitutionnel européen en 2005) ont connu une forte participation, le résultat du second n’a pas réellement été respecté.
Le régime politique de la IIIe République et ses successeurs ont plutôt affirmé une préférence pour la démocratie représentative au détriment de la démocratie participative (Manin, 1995). Pour autant, l’imaginaire référendaire reste mobilisé au nom de la démocratie directe (prendre en compte l’opinion de chacun sur un sujet qui concerne l’ensemble) comme si l’univers de l’entreprise se prêtait à un tel exercice28. L’argument démocratique, régulièrement rappelé pour défendre le recours accru au référendum, tient difficilement dans ce cas précis. D’une part, il convient de rappeler que l’entreprise n’est pas un espace public mais un espace privé et l’individu, même s’il n’est pas débarrassé de l’ensemble de ses droits fondamentaux, ne peut y exercer sa citoyenneté dans toute son étendue et en toute autonomie ; il y reste salarié-citoyen plutôt que citoyen-salarié29. Dans l’espace de l’entreprise, il n’y a pas de peuple souverain, le seul souverain est l’employeur. C’est un cadre marqué juridiquement et effectivement par la subordination. Dès lors, la collectivité de travail « n’est pas maîtresse de son destin », et elle se trouve à s’exprimer sur des décisions « sur lesquelles elle n’a pas de prise » (Lyon-Caen, 2011, p. 5).
D’autre part, si l’on considère que le renforcement du nombre et du rôle des référendums dans les relations sociales est une manière de prendre davantage en compte l’avis des salariés, on peut aussi y voir une manière de ne pas le faire en subvertissant l’accord majoritaire ; car, qu’est-ce qu’un accord majoritaire si ce n’est un accord paraphé par une ou des organisations considérées par une majorité de salariés comme aptes à les représenter face aux déterminants complexes d’une négociation ? Sur ce point, n’y-a-t-il pas une contradiction entre l’insistance mise sur la nécessaire professionnalisation des représentants des salariés afin de 72les aider à mieux saisir la complexité grandissante des enjeux économiques et sociaux auxquels sont aujourd’hui confrontés les entreprises, et cette promotion des référendums qui prennent moins la forme d’une consultation que d’une ratification. Ni une forme réellement délibérative d’ailleurs à la fois parce que les salariés ne sont pas toujours détenteurs de toutes les informations nécessaires leur permettant de juger en toute connaissance de cause – et pour autant que leur employeur leur reconnaisse cette capacité d’expertise – et qu’ils n’ont d’autre choix que d’accepter ou de refuser une décision qui leur est de toute façon imposée.
Si donc le caractère démocratique du référendum d’entreprise fait au minimum débat, la place grandissante qui lui est accordée dans les dernières réformes du droit du travail n’en traduit pas moins une tentative de placage des principes organisateurs de la démocratie politique sur la démocratie sociale30. Non seulement en renforçant la place du vote au sein de celle-ci mais aussi en considérant de plus en plus la communauté des salariés comme une communauté d’électeurs31. Le groupe des salariés est ainsi assimilé à un groupe séparé d’individus et ces derniers sont essentiellement considérés sous l’angle de leur liberté de choix (de voter favorablement ou défavorablement à une question) indépendamment voire même contre toute médiation corporative. Dans une période marquée par l’individualisation du travail, où sa dimension collective (sous ses multiples formes : collectifs de travail, coopération entre les salariés, recomposition des équipes du fait des réorganisations d’entreprises de la filialisation et de l’externalisation) est clairement fragilisée, on ne mettra jamais assez en garde contre le déploiement de dispositifs qui contribuent à renforcer encore davantage l’éclatement des communautés de travail. D’autant que le risque du référendum n’est pas seulement de diviser le corps des salariés mais également de monter les catégories professionnelles les unes contre les autres.
73III.2. Un dispositif qui oppose les catégories professionnelles
L’histoire des référendums en entreprise en fournit différents exemples. Nous en évoquerons deux. Le premier cas concerne un référendum organisé chez Michelin le 20 mars 2001 dans le cadre d’un projet d’accord sur les 35 heures. Cet accord avait été refusé par une alliance syndicale majoritaire dans l’entreprise (CGT, CGT-FO, CFDT, CFTC) ; y compris donc par la CFDT mais à l’encontre de sa fédération de rattachement, la fédération Chimie-Énergie qui, elle, soutenait le projet. Cette fédération a soutenu également le référendum proposé par la direction (Béroud et Mouriaux, 2001). Celui-ci a donc eu lieu le 20 mars, le recours en annulation déposé par la CGT et la CGT-FO au motif que la demande de consultation n’avait pas été formulée par une section syndicale de l’entreprise, ne faisant que le retarder. Il a remporté une victoire franche, les 26 000 salariés de l’entreprise se prononçant à 59,5 % en faveur de l’accord. Par leur vote, les salariés de Michelin ont ainsi entériné le projet de la direction, soit : onze jours de congé annuel supplémentaire (plus quatre au titre de l’ancienneté), les 1 000 embauches sur le plan national, le maintien du pouvoir d’achat jusqu’en 2003, la revalorisation des salaires de 3,5 à 4 % pour 2001, plus 1 % à la signature de l’accord, mais en échange d’un surcroît de flexibilité avec l’acceptation d’une quinzaine de samedi travaillés par an. Le détail du vote montrera que cette contrepartie avait par contre été refusée à 51 % par le collège ouvrier, le plus impacté par ces réorganisations du travail. Suite à ce référendum, la CFDT Michelin implosera, donnant naissance à SUD-Michelin.
Le second cas est plus récent ; il concerne un référendum organisé dans l’entreprise SMART sur son site d’Hambach en Lorraine en 2015. Dans ce cas, la direction de l’entreprise proposait un plan de retour aux 39 heures payées 37 heures en échange du maintien par le groupe (Daimler) de l’activité sur le site jusqu’en 2020 plutôt que son transfert en Slovénie. Comme dans l’exemple précédent, le référendum imposé par la direction a été approuvé par une majorité (56 %) des quelques 800 salariés travaillant sur le site. Mais alors qu’il l’a été par 74 % des cadres et agents de maîtrise (385 salariés), il a été rejeté par 61 % du collège ouvrier (367 salariés). À l’époque, ce référendum ne possédait pas encore le caractère contraignant que lui octroie désormais la loi32 ; la direction 74de l’entreprise a donc dû faire signer individuellement aux salariés des avenants sur leur contrat de travail. Outre là encore, le contournement de la représentation majoritaire, il a résulté de cet épisode une forte « amertume » parmi les ouvriers de s’être fait imposer « par les cadres » un régime de travail refusé par une majorité d’entre eux33.
L’évocation de ces exemples suscite deux questions. La première, la plus évidente, interroge la qualité d’une politique de ressources humaines qui utilise de telles procédures compte tenu des conséquences produites sur le climat social de l’entreprise : « La direction a créé deux clans dans l’usine, il va falloir trouver une solution pour que les salariés de ce site ne s’entredéchirent pas » déclarait ainsi Gilles Hemmerling, président de la CFE-CGC en Lorraine, suite au référendum chez SMART (alors que la CFE-CGC, contrairement à la CGT, CFDT et CFTC, était favorable à l’accord)34. La seconde concerne le périmètre de la consultation. Car, pour reprendre l’exemple de SMART, le changement des régimes de travail a touché non seulement les salariés directement employés par l’entreprise mais également les 900 autres qui travaillaient sur le site pour des entreprises sous-traitantes et qui n’ont pas été consultés dans le cadre de ce référendum.
III.3. Le périmètre de représentation,
une fonction syndicale captée par l’employeur
Qui interroge-t-on et à quelles fins ? La détermination du périmètre de la consultation ne vaut pas seulement en matière référendaire. Elle concerne n’importe quelle modalité de la négociation collective. Lorsqu’une évolution circonscrite à une activité ou un service est à l’ordre du jour, la communauté de travail considérée est-elle constituée de ceux et de celles directement concernés ou doit-elle être entendue dans un sens plus large qui engloberait d’autres composantes de l’entreprise (Denis, 2018) ? La question se complique davantage lorsque l’entreprise est un groupe ou lorsqu’elle est organisée en filières métiers ou par 75fonctions. Et elle l’est encore plus lorsqu’interviennent sur le site de travail concerné des salariés d’entreprises sous-traitantes. À cet égard, le cas de l’ouverture du dimanche des grands magasins parisiens est intéressant. Car les enseignes ont arraché, dans des conditions très diverses, l’ouverture du dimanche par accord ou référendum mais sans que les démonstrateurs payés par les marques ne soient en rien consultés alors qu’ils constituent parfois jusqu’aux deux tiers du personnel concerné par le travail dominical35.
Un exemple tiré de l’actualité sociale récente illustre l’importance de cette question du périmètre. Il est donné par la négociation de l’accord sur les conditions de travail et l’évolution des métiers de facteur à La Poste en février 2017. Signé par quatre organisations syndicales (CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC), il a été rejeté par la CGT et SUD-PTT qui représentaient à eux deux plus de 50 % dans la branche Services-Courrier-Colis. Elles n’ont néanmoins pas pu user de leur droit d’opposition en raison de l’extension par la direction de l’entreprise du champ de l’accord au groupe La Poste tout entier au sein duquel la CGT et SUD-PTT ne pèsent plus que 46,71 %. Dans ce cas précis, un simple changement de périmètre a suffi à changer l’appréciation de majorité des signataires36.
Le même enjeu de détermination du périmètre existe dans le cas du référendum. On le retrouve par exemple dans celui organisé chez Goodyear en 2008 à l’occasion d’une consultation sur le temps de travail qui visait la mise en place d’une organisation des horaires de travail en 4X8. Lors de cette consultation, 73 % des salariés de l’entreprise s’y sont montrés favorables alors que 75 % de ceux directement concernés par ces nouveaux rythmes de travail y étaient opposés37. Le problème posé par le référendum ne se limite donc pas à la question au centre de la consultation. S’y ajoute celui des frontières de la communauté ou du corps électoral interrogé. La loi Travail de 2016 renvoyait la définition du périmètre au protocole conjointement adopté par l’employeur et le 76ou les syndicat(s) minoritaire(s), négociations dont étaient exclus les syndicats majoritaires qui disposaient de huit jours pour saisir le tribunal d’instance. Selon la loi, « le protocole conclu avec les organisations syndicales détermine la liste des salariés couverts par l’accord38 ». Mais si l’on reprend l’exemple du référendum organisé chez RTE évoqué plus haut, quels sont les salariés concernés ? Les 2 000 salariés des équipes chantiers directement affectés par l’accord ? Les 4 258 salariés de la maintenance de RTE dont ils font partie ? Ou tous les salariés de la filiale (8 849 en 2015) ?
En réalité, cette question du périmètre permet de comprendre en quoi le recours au référendum empiète sur la fonction de représentation assurée par le syndicalisme. Dans son mouvement historique, les grandes organisations syndicales ont choisi de dépasser le stade purement corporatif pour se définir comme un acteur social porteur de l’intérêt général des travailleurs. Dans ses pratiques, cet acteur internalise, sans toujours l’expliciter, une fonction d’arbitrage au sein des groupes de travailleurs qu’il entend représenter. À travers le choix de ses revendications, leur hiérarchisation, etc., il définit de fait le périmètre du groupe qu’il représente effectivement. À l’issue d’une négociation par exemple, il apprécie le compromis obtenu en fonction d’un certain nombre de critères qui prennent en compte, par cercles concentriques, les degrés d’engagement des différentes parties du personnel : ceux qui sont principalement concernés, les salariés situés à la périphérie de ce premier groupe et moins directement affectés, et, de proche en proche, la totalité de la collectivité de travail. Il effectue à cette occasion un exercice de pondération qui fait partie intégrante de son travail, plus large, de représentation. Il peut arriver que le syndicat fasse lui-même appel au référendum, soit pour éclairer son choix soit par difficulté d’arbitrage. Mais dans ce cas, la détermination du périmètre de la consultation lui revient. À l’inverse, lorsque le référendum lui est imposé, qu’il est censé trancher à sa place, il le dessaisit de fait d’une partie de ses fonctions en même temps que ce dessaisissement rend possible l’intrusion de l’employeur dans la définition de ses arbitrages. De tels référendums ne sont pas ainsi « abdicatifs » uniquement par leur seul contenu, ils le sont également par leur forme qui conduit le syndicat à abdiquer son propre rôle.
77Conclusion
Il est difficile de porter un regard sur un système institutionnel aussi complexe que la négociation collective sans considérer l’ensemble des interactions qu’il produit en permanence. La modification de l’un de ses facteurs (les conditions de recours au référendum par exemple) bouleverse nécessairement la dynamique globale, la place et le rôle occupés par les autres pièces du dispositif ainsi que la représentation que les uns et les autres ont de leur propre position dans cet ensemble. Il va de soi que ce rôle nouveau promis au référendum peut affecter le cadre traditionnel de la représentation et de la négociation collective. C’est d’ailleurs son objectif. Mais il ne constitue pas une pièce à part. Il prend place dans un ensemble de dispositions, contenu dans les ordonnances de 2017, qui, à ne pas douter, risque de déstabiliser profondément le système de relations professionnelles. À ce titre, on peut voir dans les ordonnances de 2017 relatives au Code du travail, ainsi que dans le recours à l’article 49-3 de la Constitution pour l’adoption de la loi Travail en 2016, une intrusion extrêmement autoritaire des pouvoirs publics dans le façonnement des relations professionnelles39.
« En même temps », on peut s’interroger sur le succès à venir du recours au référendum. Nous l’avons écrit : celui-ci peut combler institutionnellement la faiblesse ou le manque des syndicats dans les PME et TPE et il peut être instrumentalisé pour contourner certaines majorités syndicales. De là à ce qu’il se déploie massivement… D’autant que les effets délétères qu’il peut produire sur le climat social dans une entreprise et sur les relations entre les acteurs rendent difficile son utilisation répétée. Peu d’entreprises ont, à notre connaissance, réitéré une telle expérience. Le référendum d’Air France en mai 2018 fait exception venant quelque 25 ans après celui appelé par le président Christian Blanc en 1993 : bien que victorieux à l’époque, celui-ci avait dû constater son échec et quitter la direction de l’entreprise. Son lointain successeur s’est gardé 78de tirer la leçon : le moins qu’on puisse dire est que l’entreprise n’y a pas gagné grand-chose40.
Le référendum d’entreprise, à nos yeux, ne constitue ni l’instrument qui aidera les entreprises à recouvrer leur dynamisme ni celui qui favorise la démocratie sociale. Nous y voyons plutôt un outil supplémentaire dans la palette déjà très étendue des moyens de pression détenus par les employeurs. Il s’agit surtout d’un défi de taille pour la représentation syndicale qui ne pourra y faire face qu’en retrouvant un minimum d’unité. Un vaste chantier donc.
79Références bibliographiques
Astrées, 2014, La place des représentants élus du personnel, des pratiques référendaires et des formes de médiation dans la négociation collective d’entreprise, document d’étude.
Barth élemy J., 1983, « Le référendum en droit social », Droit social, p. 89-96.
Béroud S., Denis J-M., Gantois M., Guillaume C., Yon K., 2012, Quand la loi entre dans les mœurs. Le nouveau droit de la représentativité syndicale (loi du 20 août 2008) et ses implications dans les entreprises et les branches professionnelles, Rapport de recherche, Triangle, Université Lyon 2.
Béroud S., Mouriaux R., 2001, « La CFDT en quête de refondation sociale », Mouvements, no 14, p. 83-89.
Daniel C., 2017, « La négociation collective en 2015. Stabilité de la part des entreprises qui négocient », DARES Résultats, no 066, octobre 2017.
Dares, 2015, Les institutions représentatives du personnel, [en ligne] http://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/statistiques-de-a-a-z/article/les-institutions-representatives-du-personnel.
Denis J-M., 2018, « Asseoir la représentation sur la communauté de travail. À la recherche de la communauté perdue dans la propreté », Sociologie du Travail, [En ligne], vol. 60, no 1, Janvier-Mars.
Desage G., Rosankis É., 2012, « Négociation collective et grèves dans les entreprises du secteur marchand en 2010 : des négociations sur l’emploi des salariés âgés au conflit sur la réforme des retraites », Dares Analyses, no 53, août.
Didry C., 2004, « La grève, première expérience démocratique du mouvement ouvrier », Les cahiers de l’histoire sociale de la CGT, p. 5-11.
Duverger M., 1996, Le système politique français, Paris, PUF.
Gauriau B., 1998, « Le référendum un préalable nécessaire ? », Droit Social, no 4, p. 338-346.
Gourges G., Sainty J., 2015, « La négociation d’entreprise au piège du référendum. Les enseignements des nouveaux accords d’entreprise des usines italiennes Fiat (2010-2011) », Sociologie du Travail, vol. 57, no 3, juillet-septembre, p. 344-368.
Hénot François, 1996, « Pratiques référendaires et gouvernabilité de l’entreprise » in : CURAPP, La Gouvernabilité, PUF, Paris, p. 129-150.
Le Crom J-P., 2011, « Les élections sociales : essor ou déclin » in : Leclerc O., Lyon-Caen A. (dir.), L’essor du vote dans les relations professionnelles, Paris, Dalloz, p. 27-40.
80Le Mazier J., 2013, « Assemblée générale » in : Casillo Ilaria, Barbier R., Blondiaux L., Chateaureynaud F., Fourniau J-M., Lefebvre R., Neveu C., Salles D. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et participation.
Lyon-Caen A., 2011, « Vote et relations professionnelles » in : Leclerc O., Lyon-Caen A. (dir.), L’essor du vote dans les relations professionnelles, Paris, Dalloz, p. 3-7.
Manin B., 1995, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Calmann-Lévy.
Naboulet A., 2011, Que recouvre la négociation collective d’entreprise en France ? Un panorama des acteurs, des textes et des thématiques entre 2005 et 2008, Document d’études Dares, no 163, août.
Naboulet A., 2014, « Les processus atypiques de négociation en entreprise », La note d’analyse France Stratégie, no 14, août.
Pecaut-Rivolier L., Struillou Y., Waquet P., 2014, Pouvoirs du chef d’entreprise et libertés du salarié. Du salarié-citoyen au citoyen-salarié, Paris, éditions Liaisons.
Pelisse J., 2014, « Les pratiques référendaires », [en ligne https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01311940.
Weber M., 1971, Économie et Société, Paris, Plon.
1 Dans le code du travail, la négociation collective est un rôle qui est juridiquement dévolu aux délégués syndicaux.
2 En 2011, 25 % des entreprises de onze salariés ou plus déclaraient la présence d’au moins un DS. Ce taux augmente de 10 points lorsque l’on restreint l’échantillon aux entreprises de vingt salariés ou plus, ce qui établit une forte corrélation entre la présence des DS et la taille des entreprises (Dares, 2015).
3 La formule est de Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT, cité in : « Réforme du code du travail : la CFDT saisit le Conseil d’État », Le Monde.fr, le 15 novembre 2017.
4 Ces deux termes peuvent eux-mêmes renvoyer à deux types de référendums différents. En effet, à côté du référendum consultatif qui verrait des salariés donner leur avis sur la politique salariale menée par leur entreprise, comme le prévoit et l’autorise la Chambre sociale de la cour de cassation, existent des référendums décisionnels dont le résultat, comme leur nom l’indique, « décide de la solution adoptée en définitive » (Hénot, 1996, p. 135).
5 Sur les causes de cette absence, voir Manin (1995).
6 Ce cas de figure constituera le cadre privilégié du développement des référendums. Naboulet (2011) a ainsi montré que l’augmentation significative du nombre de référendums entre 2006 et 2008 a principalement résulté d’un dispositif permettant le versement d’une prime de 1 000 euros : « Adossé aux règles de négociation collective propres à l’intéressement et à la participation [il a] généré ponctuellement un nombre très élevé d’accords ratifiés par référendum à la majorité des deux tiers des salariés dans les entreprises de moins de 50 salariés (Naboulet, 2011, p. 8).
7 Un référendum abdicatif se définit comme une « consultation de la collectivité de travail quant à l’abandon d’un ou de plusieurs droits » (Hénot, 1996, p. 133).
8 Ordinaire au sens où le registre de légitimité d’une action diffère selon qu’elle s’inscrit dans la quotidienneté de la vie sociale ou au contraire lors de périodes plus troublées de celle-ci (Weber, 1971).
9 La partie du rapport d’Astrées sur les pratiques référendaires a plus particulièrement été écrite par Pélisse (2014).
10 Jusqu’à la loi de 2008, un accord collectif était valide dès lors qu’il était signé par une organisation syndicale représentative quel que soit son poids dans l’établissement (représentativité irréfragable et descendante) et que les syndicats majoritaires ne s’y opposaient pas. Le seuil de 30 % d’audience électorale minimale (pour la validité des accords collectifs) sera introduit dans le cadre de cette loi, qui maintiendra par ailleurs un droit d’opposition fixé à 50 %, afin de renforcer la légitimité des accords.
11 C’est sur la base de cet article 1 que ce dispositif de la loi « El Khomri » a été retoqué par le Conseil Constitutionnel le 7 décembre 2017 (cf.infra).
12 Ministère du Travail, Renforcement du dialogue social. Présentation des ordonnances en application de la loi d’habilitation, Dossier de presse, 31 août 2017.
13 Décret no 2017-1767 du 26 décembre 2017 relatif aux modalités d’approbation des accords dans les très petites entreprises.
14 Art. L2232-12 du code du travail.
15 L’exercice n’est néanmoins pas sans risque. En 2004, la fédération de l’énergie CGT a organisé un référendum pour avaliser le protocole qu’elle avait conclu avec la direction sur une réforme des retraites de l’entreprise ; il a été rejeté par le personnel à 53,4 %.
16 La CFTC signera néanmoins quelques mois plus tard avec la CFE-CGC un accord sur le passage aux 40 heures moyennant une augmentation de 92 euros par mois, l’embauche de 130 salariés mais avec six jours de RTT contre quinze. Cet accord n’empêchera pas la fermeture du site en 2010.
17 En 2011, 63 % des établissements du secteur marchand (hors agriculture) de 11 à 19 salariés et 35 % des établissements de 20 à 49 salariés ne disposaient d’aucune Institution Représentative du Personnel. Source : Dares, Enquête Réponse.
18 Cette logique de contournement n’est pas propre au seul cas français. Dans leur article sur « La négociation d’entreprise au piège du référendum. Les enseignements des nouveaux accords d’entreprise des usines italiennes Fiat (2010-2011) », Guillaume Gourges et Jessica Sainty montrent que la pratique du référendum a été utilisée par la direction de Fiat dans plusieurs de ses établissements en 2009 et 2010 pour contourner l’obstacle syndical alors qu’il existe dans les relations professionnelles italiennes « une forte culture de la négociation et du compromis qui se méfie du principe de majorité » (2015).
19 La QCP sera déposée par la CGT-FO et le recours en Conseil d’État par 38 structures (syndicats et Unions Locales) de la CGT, la CGT-FO et l’Union Syndicale Solidaires.
20 Conseil Constitutionnel, décision no 2017-664 QPC du 20 octobre 2017 et Conseil d’État, contentieux numéro 406760, 4 décembre 2017.
21 À noter que le recours déposé par la CGT en référé suspension contre l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective a été, cette fois-ci, rejeté par le Conseil d’État ; il a écarté « comme non sérieux le moyen dirigé contre cet article, tiré de ce qu’il porterait atteinte à la liberté syndicale et relevé qu’au surplus, l’accord soumis à la consultation des salariés doit lui-même avoir été signé par des organisations syndicales représentatives ayant réuni 30 % des suffrages recueillis par ces organisations », Conseil d’État, Décision contentieuse du 16 novembre 2017.
22 À ce sujet, Véronique Le Billon, « Loi Travail : le référendum de RTE conforte la CGT », Les Echos.fr, le 30 mars 2017.
23 En 2015, seuls 7 % des entreprises de 10 à 49 salariés ont engagé au moins une négociation durant l’année écoulée. Ces entreprises représentent 82,9 % des entreprises (de plus de dix salariés ou plus du secteur non marchand non agricole) et 27 % des salariés du champ de l’enquête ACEMO « Dialogue social en entreprise » (Dares, 2017).
24 À ce sujet, Séverine Cazes, Bérangère Lepetit, Henri Vernet, « Réforme du code de travail : Gattaz appelle Macron à ne rien lâcher » (entretien), Le Parisien, 28 août 2017.
25 Entreprise & carrières no 1302, 13/09/2016.
26 Sur neuf propositions : http://www.lecercledesdrh.com/sondages/resultats-sondage-loi-travail/.
27 En l’occurrence, il est question ici du référendum sur le projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat organisé le 27 avril 1969. Son résultat négatif a conduit à la démission du président de la République, Charles De Gaulle, dès le lendemain.
28 http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/citoyen/participation/voter/référendum/quoi-sert-référendum.html.
29 Pour prendre à rebours le titre de l’ouvrage de Laurence Pécaut-Rivolier, Yves Struillou et Philippe Waquet, Pouvoirs du chef d’entreprise et libertés du salarié. Du salarié-citoyen au citoyen-salarié, Éd. Liaisons, 2014.
30 À ce sujet, voir l’article de Karel Yon dans ce même numéro.
31 L’instauration de cette « démocratie sociale représentative » (Béroud et al., 2012), ainsi que la logique électorale qui en constitue le pivot, est néanmoins très ambivalente. D’un côté, celle-ci est renforcée par l’introduction du principe électif comme support de la légitimité des syndicats et des accords collectifs ; de l’autre, plusieurs consultations ont été supprimées ces dernières années (élections à la Sécurité sociale, élections prud’homales) ou réduites (élections des institutions représentatives du personnel dont le renouvellement passe de deux à quatre ans), ce qui conduit à ne plus réellement savoir si l’on assiste à un essor ou à un déclin des élections sociales (Le Crom, 2011).
32 Il s’agit d’un référendum consultatif, voir supra. note 6.
33 À ce sujet, « À Hambach, l’amertume des ouvriers de Smart », Le Monde Économie, 16/12/2015. Celle-ci sera d’autant plus forte que cet accord n’a pas empêché la suppression d’une centaine d’emplois d’intérimaires faute de vente suffisante du modèle ForTwo produit par le site.
34 http://www.lepoint.fr/economie/smart-56-des-salaries-votent-en-faveur-d-un-retour-aux-39-heures-11-09-2015-1964071_28.php.
35 À ce sujet, Alexia Eychenne, « La longue marche du travail du dimanche », Liaisons sociales Magazine, no 179, 01/02/2017, p. 28-30.
36 L’argument avancé par la direction pour justifier ce changement de périmètre est que dans les TOM et en Corse, les facteurs sont rattachés à la branche réseau et non à celle de la distribution ; d’où le fait qu’à ses yeux l’accord sur les conditions de travail des facteurs déborde cette seule branche.
37 Ce système, extrêmement dur et perturbant pour la santé, consiste à faire tourner par roulement de huit heures consécutives quatre équipes sur un même poste, afin d’assurer un fonctionnement continu sur les 24 heures d’une journée, y compris le week-end.
38 Décret no 2016-1797 du 20 décembre 2016 relatif aux modalités d’approbation par consultation des salariés de certains accords d’entreprise, chapitre 1.
39 La fusion obligatoire des instances de représentation du personnel en constitue le symbole par excellence, ainsi que la réduction drastique des moyens alloués aux représentants du personnel. L’analyse des ordonnances excède de fait largement les limites de cet article.
40 Afin de mettre fin à la grève organisée par dix organisations réunies en intersyndicale et mobilisées pour obtenir une augmentation générale des salaires (5,1 % en 2018), Jean-Marc Janaillac, PDG d’Air-France-KLM s’est adressé directement au personnel au début du mois de mai 2018 pour leur proposer de répondre à la question suivante : « Pour permettre une issue positive au conflit en cours, êtes-vous favorable à l’accord salarial proposé le 16 avril 2018 » (qui prévoyait une augmentation des salaires de 7 % sur 4 ans). Sans base légale, cette consultation se retournera contre son promoteur puisque 55,44 % des 80,33 % des salariés qui participeront au vote la rejetteront, conduisant à la démission du président de la compagnie.
- Thème CLIL : 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
- ISBN : 978-2-406-08857-8
- EAN : 9782406088578
- ISSN : 2555-039X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08857-8.p.0055
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 11/02/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Référendum, consultation, négociation collective, syndicats, démocratie sociale