Préface
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Les Livres de la famille d’Alberti. Sources, sens et influence
- Author: Choay (Françoise)
- Pages: 13 to 15
- Collection: Encounters, n° 250
- Series: Symposiums, seminars, and conferences on the European Renaissance, n° 77
Préface
J’aimerais dire ici, hélas trop brièvement, pourquoi les dialogues du De familia me paraissent un ouvrage important et combien je suis heureuse de voir paraître les actes du colloque « Le De familia d’Alberti : humanisme ou capitalisme ? » organisé par Michel Paoli et le laboratoire Trame (E. A. 4284), à l’université de Picardie – Jules-Verne (Amiens), en novembre 2009 avec l’aide de Francesca Belviso.
En guise de schéma récapitulatif, mais selon une approche lexicographique rigoureuse, il me paraît souhaitable de situer cet ouvragedans une double perspective : d’une part, dans sa relation avec le De re ædificatoria,qui demeure aujourd’hui un des textes phares de la culture européenne, d’autre part, au regard des problématiques actuelles posées par la globalisation1des sociétés de notre planète.
Le meilleur moyen pour évaluer l’importance du lien entre les deux traités consiste à inventorier les renvois au De familia et à sa thématique, qui – parfois sous forme de citations textuelles – émaillent le De re ædificatoria2. À cette fin, je prendrai comme éditions de référence ma traduction française du De re ædificatoria parue sous le titre L’art d’édifier3 et la 14nouvelle édition du De familia de Ruggiero Romano et Alberto Tenenti, parue en 1994.
Dans le Prologue du De re ædificatoria4, en liaison directe avec l’opérateur du texte que j’appelle « schéma métamythique », Alberti, prenant l’exemple de sa propre famille, évoque le rôle de la maison individuelle au service de l’institution familiale.
Au Livre i du De re ædificatoria, chap. 9, Alberti utilise une formule capitale qu’il reprendra textuellement dans un de ses autres grands dialogues familiaux, le De iciarchia5, et selon laquelle « si la cité est une grande maison, la maison elle-même est une petite ville ».
Au Livre v, chap. 6, le développement sur la demeure familiale est identique à celui du De familia6.
Au Livre v, chap. 14, on trouve une reprise du développement sur la différence de la demeure familiale à la campagne et à la ville7.
Le De familia ne rappelle pas seulement, comme plus tard le De re ædificatoria, le fait que l’homme est un vivant qui, comme les autres vivants, appartient à la nature. Il découvre dans l’édification un propre de l’homme (autrement dit l’indissociabilité de la nature et de la culture) que menace aujourd’hui le procès de globalisation, à travers la virtualité des relations humaines. Ce que dénoncent désormais les anthropologues à la suite de Claude Lévi-Strauss. Mais le De familia va plus loin encore. Il fait de la famille le premier stade et la première échelle de l’institutionnalisation des sociétés. Et l’on comprend ainsi l’enthousiasme avec lequel le théoricien du droit qu’est Pierre Legendre a pu évoquer l’œuvre d’Alberti8. Davantage encore, Alberti revient in fine sur le propre de l’homme comme inscription dans la durée et dans l’espace concret.
Tous ces éléments m’incitent à joindre ma voix à celle de ceux, nombreux, qui se réjouissent de voir enfin paraître, sous peu, la traduction 15française du De familia réalisée il y a maintenant de nombreuses années par Maxime Castro9.
Françoise Choay
Université Paris VIII Vincennes – Saint-Denis
1 J’emploie à dessein le terme forgé par Marshall McLuhan (The Medium is the Massage) pour désigner les effets culturels et sociétaux d’une révolution technique qu’il qualifie d’« électronique », et moi-même, pour plus de précision, d’« électro-télématique ». L’important, au demeurant, étant de dissiper les confusions entretenues aujourd’hui par l’usage des termes « technologie » et « techno-science » qui amalgament les deux concepts contradictoires de science et de technique. La France est le seul pays à utiliser, comme synonyme, le terme « mondialisation » reconnu seulement depuis 2002 par le Dictionnaire de l’Académie française. Le vocable a été utilisé jusqu’à cette date au sens de « marqué par la culture occidentale », avec une dénotation économique.
2 Dans sa contribution au présent volume, Alberto. G. Cassani dresse une liste exhaustive de ces renvois.
3 Le titre plus fidèle, refusé par l’éditeur, est « Sur la question de l’édifier ». Cf. L’art d’édifier, p. 20.
4 Ibid., p. 48.
5 Cf. ibid., p. 79, et le De iciarchia, in o. v. ii, p. 266 : « Battista :[…] pare a me che la città com’è constituita da molte famiglie, così ella in sé sia quasi come una ben grande famiglia ; e, contro, la famiglia sia quasi una piccola città. »
6 Cf. L’art d’édifier, p. 234 et le De familia, p. 209-211.
7 Cf. L’art d’édifier, p. 254 et le De familia, p. 234-235.
8 P. Legendre, L’autre bible de l’occident : le monument romano-canonique. Étude sur l’architecture dogmatique des sociétés, Paris, Fayard, 2009, p. 56 sqq.
9 Parution annoncée fin avril 2013, aux Belles-Lettres, collection « La roue à livres ».
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-8124-0913-4
- EAN: 9782812409134
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-0913-4.p.0013
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 05-15-2013
- Language: French