![Italie-France : littératures croisées - Avant-propos](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/RvtMS04b.png)
Avant-propos
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Italie-France : littératures croisées
- Author: Vignest (Romain)
- Pages: 9 to 10
- Collection: Encounters, n° 496
Avant-propos
Nos amis italiens ignorent peut-être à quel point leur pays est, à l’école française, objet d’admiration presque idolâtre, au point qu’il a pu sembler parfois, à plus d’un collégien, à plus d’un lycéen, que rien de beau ni d’intelligent n’aurait pu voir le jour sous le ciel de France sans l’exemple italien, que, si n’avaient été Charles viii, Louis xii et François ier, si Colbert n’avait fondé l’Académie française de Rome pour former nos artistes, si, comme dit Musset, l’Italie ne nous avait enseigné l’harmonie, cette langue « qui lui vint des cieux1 », son pays serait demeuré en friche, son peuple fruste et, pour tout dire, barbare.
Mais, si nous lui offrons d’approfondir la question et de rectifier une optique nécessairement trompeuse puisqu’elle regarde l’Italie depuis la France, ce collégien, ce lycéen, cet étudiant découvrira que la réalité est infiniment plus belle et que la relation franco-italienne et italo-française est pétrie de constante réciprocité, qu’un écrivain italien de la Belle Époque ne pouvait pas davantage se dispenser d’un séjour à Paris que du voyage à Rome un artiste du Grand Siècle, que, si l’Arioste chantait Roland, Nerval pleurait « le Pausilippe et la mer d’Italie » ; et, si cet étudiant est avec nous en Sorbonne, il ne sera pour lui que de traverser la rue des Écoles pour, devant la réplique de la Louve capitoline, qui scelle de bronze leur amitié, songer que solo Parigi è degna di Roma, solo Roma è degna di Parigi et méditer sur le jumelage de deux capitales qui est aussi celui de deux nations. Il comprendra – ce pourrait être la basse continue de notre colloque – que la relation liant la France à l’Italie, l’Italie à la France a ceci d’éminemment singulier en Europe et peut-être dans le monde d’être consubstantielle à la personnalité même de l’un et de l’autre de nos deux pays.
C’est dire également si l’amitié des deux peuples n’est pas d’abord affaire d’intérêts diplomatiques ou commerciaux, mais bien plus intimement d’art, de science et de littérature. L’Italie et la France ont connu Gênes 10pilonnée, la Tunisie disputée, la « victoire mutilée », la Provence occupée, mais s’il y eut Francesco Crispi, il y eut l’École française de Rome, s’il y eut la Triple alliance, il y eut l’agrégation d’italien : jamais la fraternité des penseurs n’a laissé de transcender les vicissitudes stratégiques, jamais n’ont cessé les artistes, les poètes et les savants d’animer ce que le recteur Pécout a appelé la « résilience culturelle, académique, intellectuelle de l’amitié franco-italienne2 », de sorte qu’on peut, avec Victor Hugo, affirmer que « le plus beau signe d’alliance qui puisse rassurer les peuples, c’est la fraternité de la France et de l’Italie3 ».
C’est précisément cette relation insigne et féconde qu’ont voulu manifester et maintenir vive la Saison académique franco-italienne des arts et de la culture de l’académie de Paris, commencée à Amboise et à Chambord sous les auspices de Léonard de Vinci, et le colloque organisé par l’Association des Professeurs de Lettres et accueilli en Sorbonne et à l’Institut culturel italien les 16 et 17 janvier 2020, sous le haut patronage du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Puisse le présent volume qui leur est dédié contribuer à faire résonner, comme dit Apollinaire, « l’harmonie des beaux airs de France et d’Italie4 ».
Romain Vignest
Président de l’APLettres
Nous remercions Monsieur Gilles Pécout, recteur de l’académie et chancelier des universités de Paris, et Monsieur Fabio Gambaro, directeur de l’Institut culturel italien, Messieurs les Professeurs Sylvain Menant et Luc Fraisse, Madame Laure Michel et Monsieur Jean-Noël Laurenti, Madame Geneviève Winter et Monsieur Philippe-Georges Richard, Madame Sylvie Nourry-Namur et Monsieur Sébastien Lantrade.
1 Alfred de Musset, Poésies diverses, « Lucie ».
2 Gilles Pécout, « Le regard de l’historien sur la nation italienne », in Situation de l’Italie, réalité et perspectives, colloque de la Fondation Res Publica (5 décembre 2018) : https://www.fondation-res-publica.org/Le-regard-de-l-historien-sur-la-nation-italienne_a1190.html.
3 Victor Hugo, Lettre au général Bordone du 5 février 1878.
4 Guillaume Apollinaire, Le Guetteur mélancolique, « Et je joue quelquefois… ».
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-11216-7
- EAN: 9782406112167
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-11216-7.p.0009
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 06-23-2021
- Language: French