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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Italie-France : littératures croisées
  • Auteur : Vignest (Romain)
  • Pages : 9 à 10
  • Collection : Rencontres, n° 496
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406112167
  • ISBN : 978-2-406-11216-7
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11216-7.p.0009
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 23/06/2021
  • Langue : Français
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Avant-propos

Nos amis italiens ignorent peut-être à quel point leur pays est, à lécole française, objet dadmiration presque idolâtre, au point quil a pu sembler parfois, à plus dun collégien, à plus dun lycéen, que rien de beau ni dintelligent naurait pu voir le jour sous le ciel de France sans lexemple italien, que, si navaient été Charles viii, Louis xii et François ier, si Colbert navait fondé lAcadémie française de Rome pour former nos artistes, si, comme dit Musset, lItalie ne nous avait enseigné lharmonie, cette langue « qui lui vint des cieux1 », son pays serait demeuré en friche, son peuple fruste et, pour tout dire, barbare.

Mais, si nous lui offrons dapprofondir la question et de rectifier une optique nécessairement trompeuse puisquelle regarde lItalie depuis la France, ce collégien, ce lycéen, cet étudiant découvrira que la réalité est infiniment plus belle et que la relation franco-italienne et italo-française est pétrie de constante réciprocité, quun écrivain italien de la Belle Époque ne pouvait pas davantage se dispenser dun séjour à Paris que du voyage à Rome un artiste du Grand Siècle, que, si lArioste chantait Roland, Nerval pleurait « le Pausilippe et la mer dItalie » ; et, si cet étudiant est avec nous en Sorbonne, il ne sera pour lui que de traverser la rue des Écoles pour, devant la réplique de la Louve capitoline, qui scelle de bronze leur amitié, songer que solo Parigi è degna di Roma, solo Roma è degna di Parigi et méditer sur le jumelage de deux capitales qui est aussi celui de deux nations. Il comprendra – ce pourrait être la basse continue de notre colloque – que la relation liant la France à lItalie, lItalie à la France a ceci déminemment singulier en Europe et peut-être dans le monde dêtre consubstantielle à la personnalité même de lun et de lautre de nos deux pays.

Cest dire également si lamitié des deux peuples nest pas dabord affaire dintérêts diplomatiques ou commerciaux, mais bien plus intimement dart, de science et de littérature. LItalie et la France ont connu Gênes 10pilonnée, la Tunisie disputée, la « victoire mutilée », la Provence occupée, mais sil y eut Francesco Crispi, il y eut lÉcole française de Rome, sil y eut la Triple alliance, il y eut lagrégation ditalien : jamais la fraternité des penseurs na laissé de transcender les vicissitudes stratégiques, jamais nont cessé les artistes, les poètes et les savants danimer ce que le recteur Pécout a appelé la « résilience culturelle, académique, intellectuelle de lamitié franco-italienne2 », de sorte quon peut, avec Victor Hugo, affirmer que « le plus beau signe dalliance qui puisse rassurer les peuples, cest la fraternité de la France et de lItalie3 ».

Cest précisément cette relation insigne et féconde quont voulu manifester et maintenir vive la Saison académique franco-italienne des arts et de la culture de lacadémie de Paris, commencée à Amboise et à Chambord sous les auspices de Léonard de Vinci, et le colloque organisé par lAssociation des Professeurs de Lettres et accueilli en Sorbonne et à lInstitut culturel italien les 16 et 17 janvier 2020, sous le haut patronage du ministère de lEurope et des affaires étrangères. Puisse le présent volume qui leur est dédié contribuer à faire résonner, comme dit Apollinaire, « lharmonie des beaux airs de France et dItalie4 ».

Romain Vignest

Président de lAPLettres

Nous remercions Monsieur Gilles Pécout, recteur de lacadémie et chancelier des universités de Paris, et Monsieur Fabio Gambaro, directeur de lInstitut culturel italien, Messieurs les Professeurs Sylvain Menant et Luc Fraisse, Madame Laure Michel et Monsieur Jean-Noël Laurenti, Madame Geneviève Winter et Monsieur Philippe-Georges Richard, Madame Sylvie Nourry-Namur et Monsieur Sébastien Lantrade.

1 Alfred de Musset, Poésies diverses, « Lucie ».

2 Gilles Pécout, « Le regard de lhistorien sur la nation italienne », in Situation de lItalie, réalité et perspectives, colloque de la Fondation Res Publica (5 décembre 2018) : https://www.fondation-res-publica.org/Le-regard-de-l-historien-sur-la-nation-italienne_a1190.html.

3 Victor Hugo, Lettre au général Bordone du 5 février 1878.

4 Guillaume Apollinaire, Le Guetteur mélancolique, « Et je joue quelquefois… ».