Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Expériences mystiques. Énonciations, représentations et réécritures
- Pages: 355 to 360
- Collection: Encounters, n° 462
Résumés
Fanny Arama, Grégory Jouanneau-Damance et Riccardo Raimondo, « Introduction »
L’histoire des expériences mystiques est l’histoire des énonciations singulières qui les ont tour à tour racontées. C’est donc une histoire de reconstructions ; autrement dit, d’énonciation, de représentation, et de réécritures, quelle que soit la période concernée. Mystique et écriture sont des voies parallèles qui ont pour particularité d’interroger non seulement les limites du langage mais encore de tous les domaines prétendant les appréhender.
Lydie Parisse, « Penser l’historicité des discours critiques sur la mystique »
Le terme de « mystique », délimitant à l’origine un corpus constitué par les écrits des grands spirituels de la tradition, a suscité une grande variété d’approches critiques, de la psychologie à l’anthropologie des religions. Quels regards les sciences humaines portent-elles sur cette notion ? Et comment se situer au sein de la riche historiographie des discours sur la mystique ?
Florian Audureau, « Détour tardo-antique sur une catégorie moderne. La mystique comme lieu de vérité ou comme lieu de pouvoir ? »
Moins que sa signification, c’est l’attraction qu’exerce le mot « mystique » qui retient ici l’attention. Comme une formule magique, en énoncer les syllabes a un impact et produit un effet. D’où vient un tel pouvoir ? Quelques réflexions anthropologiques, historiques et herméneutiques peuvent contribuer à lever le voile sur le mystère dont s’entoure cette catégorie et sur ses paradoxes.
356Grégory Jouanneau-Damance, « Lucien Lévy-Bruhl et la mystique. Regards anthropologiques croisés sur les modalités humaines de participation au monde »
La publication des Fonctions mentales, par Lucien Lévy-Bruhl, marque un tournant dans le débat sur la caractérisation de la mentalité primitive, animant les sciences humaines depuis la fin du xixe siècle. La notion de participation mystique, forgée par le philosophe, fait alors couler beaucoup d’encre : née, à l’origine, d’une volonté de dépasser les approches évolutionnistes et psychopathologiques, elle devient, peu à peu, l’instrument d’une relativisation de la pensée rationnelle.
Claire Donnat-Aracil, « Peut-on parler d’une expérience mystique dans les récits religieux vernaculaires du xiiie siècle ? L’exemple des Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci »
Cet article interroge les modalités d’application de la notion d’expérience « mystique » aux Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci. Malgré un lexique pouvant être qualifié de « mystique », certains choix narratifs du conteur montrent que le récit de vision n’est pas à ses yeux le lieu où s’opère invariablement une rencontre personnelle avec Dieu. Si expérience mystique il y a, elle se construit moins dans le cadre de la fiction, que dans celui de l’énonciation, dans l’acte même d’écriture et de lecture.
Élodie Pinel, « Marguerite Porete et l’extase »
Marguerite Porete est une auteure de la fin xiiie siècle connue pour un seul ouvrage, le Miroir des âmes simples. Jugée comme hérétique en son temps, elle est aujourd’hui généralement qualifiée de « mystique » sans que la question qu’occupe la place de l’expérience mystique dans son texte ait été clairement traitée. Dans cette contribution, nous nous mettons en quête de cette expérience pour en étudier tant le récit que les modalités d’énonciation.
Flavia Buzzetta, « Images cabbalistiques et expériences mystiques chez Jean Pic de la Mirandole et Pierre Le Loyer »
Cet article prend en considération les allégories, les symboles et les métaphores adoptés dans la cabbale chrétienne pour « parler » du divin et les 357techniques mises en acte pour atteindre un état de « ravissement extatique ». On y examinera en particulier les images cabbalistiques utilisées par Jean Pic de la Mirandole (1463-1494) et par son lecteur Pierre Le Loyer (1550-1634) pour expliquer le parcours d’ascèse et de purification qui permet à l’homme de rejoindre la solitaria Patris caligo.
Romain Debluë, « La mystique de Bossuet. L’orateur et l’oraison »
Bossuet, par son rôle dans la Querelle du quiétisme, a laissé bien malgré lui dans l’histoire l’image d’un adversaire redoutable de toute mystique. Rien n’est en réalité plus faux. Nous voudrions tenter de montrer ici que la préoccupation principale de Bossuet était celle de la parole adéquate à l’expérience mystique, c’est-à-dire de la médiation dont le mystique authentique, à ses yeux, éprouve la persistance, non seulement après l’expérience elle-même, mais surtout pendant cette dernière.
Rémy Arcemisbéhère, « Comment “reconstruire l’édifice mystique” ? Aspiration mystique et savoirs ésotériques dans l’œuvre de Gérard de Nerval »
Chez Gérard de Nerval, expérience mystique et savoir ésotérique, loin de s’exclure, collaborent. Accordant tout son prestige à la médiation, le récit de l’expérience mystique dans l’œuvre de Gérard de Nerval conserve les traces des textes ésotériques qui ont participé à son élaboration. Ce discours refuse de se donner entièrement et multiplie les références afin de déjouer l’incommunicabilité de l’expérience mystique, choisissant comme objet de la représentation son centre obscur.
Aurélie Leclercq, « Mysticisme et messianisme politique dans l’œuvre plurielle de Fernando Pessoa »
L’année de sa mort, Pessoa écrit : « Je suis un nationaliste mystique, un sébastianniste rationnel ». Cette affirmation interroge les contours de son mysticisme, et sa teneur messianique. Elle laisse entrevoir une pensée qui se fonde sur un art de la contradiction et sur l’héritage de traditions mystiques diverses, informée par le désir d’ « être tout ». Si l’échafaudage hétéronymique permet une objection à la tension mystique de Pessoa, il est aussi à l’image de cette fondamentale pluralité.
358Héloïse Moschetto, « Le dialogue mystique de Salvatore Quasimodo et Giorgio La Pira. Du “mystère de la parole” à la “révélation de l’indicible” »
Giorgio La Pira et Salvatore Quasimodo grandissent en lisant les mêmes livres et en suivant les mêmes guides. Au seuil de l’âge d’homme, le premier embrasse la foi et l’autre la poésie. C’est par ce double prisme que les deux hommes s’engagent dans une même quête intellectuelle et spirituelle. Nous analyserons la façon dont leur correspondance met en évidence la construction d’une poétique commune empreinte de mysticisme – féconde osmose de la piété de l’un et du verbe de l’autre.
Alexis Weinberg, « L’“expérience intérieure” de Georges Bataille, entre mystique et écriture »
La réception bataillienne est traversée de divergences d’interprétation quant à son rapport à la mystique : Sartre faisait ironiquement de Bataille « un nouveau mystique », jugement que dénonçaient un quart de siècle plus tard Derrida et d’autres, tandis que la critique actuelle redouble d’attention aux enjeux plus strictement poétologiques de cette ambivalence. Un tel rappel diachronique doit nous aider à penser la relation complexe, chez Bataille, de détermination réciproque entre l’écriture et la mystique.
Guillaume Surin, « Jacques Derrida et l’écriture en résistance au mystique »
Ce texte souhaite interroger le rapport de Derrida à la mystique, thématisée dans son œuvre philosophique mais également liée à la résistance qu’il oppose à l’écriture autobiographique, dont le spectre revient dans l’évocation fréquente du livre jamais écrit : le Livre d’Élie. L’entreprise herméneutique de Derrida se réclame d’une tradition mystique mais aussi d’une écriture où gît la possibilité de l’illumination, dans un acte de résistance autant que de création.
Ghada El Samrout, « Stations mystiques dans l’œuvre de Salah Stétié »
Trois stations mystiques caractérisent le voyage poétique de Salah Stétié dans son œuvre : d’abord, novice, il se prosterne dans le silence et l’exil, obéissant à un maître intérieur. Puis, il se dépouille par une fragmentation poétique, afin de dépasser le sensible grâce au rappel ou au « dhikr ». Enfin, le poète atteint l’extase d’un logos intérieur, synonyme d’absence-présence, de sortie de l’exil, d’illumination et d’éveil du cœur, et enfin d’annihilation et de pérennisation.
359Asma Rhouati, « Symbolisme et mysticisme dans la pensée de Salah Stétié. Étude sur le Firdaws ou les jardins de l’Islam »
Il s’agira, ici, d’étudier les racines soufies de l’œuvre de Salah Stétié, en insistant plus particulièrement sur son essai Firdaws, consacré au thème du jardin en Islam. Reflet du Jardin céleste, ce dernier est le lieu où l’expérience mystique peut se déployer avec le plus de force. Espace secret, voilé, séparé du monde par de hautes murailles, il invite à la contemplation et surtout à la purification de l’âme, étape qui joue un rôle essentiel dans cette mystique du cœur prônée par Roumî ou Ibn Arabi.
Julia Sei, « Mystique et introspection psychologique dans les œuvres de Marcel Proust et de Simone Weil »
L’œuvre de Marcel Proust et l’œuvre de Simone Weil ont en commun de proposer une réflexion sur les contours et les limites de la subjectivité. Plus précisément, elles témoignent, chacune à leur manière, d’un élan émancipateur où le je s’ouvre et se réconcilie avec tous les autres je. Ce texte se propose d’analyser une telle aspiration, en se fondant, en particulier, sur la notion de « médiation intime », forgée par René Girard.
Giovanni Maria Ruggiero, « états mystiques et sciences psychothérapeutiques »
L’expérience mystique, définie comme une disposition spirituelle personnelle et incommunicable, semble résister à toute analyse psychologique, qui risque de la réduire à une série de symptômes ou de pathologies mentales. Cependant, elle a suscité, depuis le début du xxe siècle, le plus vif intérêt de la part des psychothérapeutes. Il s’agira, ici, de revenir sur la place qui lui est dévolue au sein des cures psychanalytiques et des thérapies cognitivistes.
Helena Cañadas Salvador, « Sublime et numineux conciliés. La Rothko Chapel de Houston »
Cet article présente et étudie la Chapel de Houston, le dernier grand projet du peintre Mark Rothko. Il convoquera, en particulier, les notions de sublime et de numineux, qui semblent se concilier dans cet espace œcuménique, à la croisée de l’esthétique, du sensible et du spirituel. La contribution soulignera les liens que ce lieu tisse avec une expérience mystique renouvelée et sécularisée.
360Grégory Jouanneau-Damance, « Se dépouiller du “vieil homme”. L’art informel à la croisée des traditions mystiques »
Au moment où l’abstraction lyrique occupe une place de plus en plus importante sur la scène artistique parisienne, une vive querelle oppose François Mauriac et Jean Paulhan à propos de la nature spirituelle de la peinture abstraite. Cet article a pour but de montrer en quoi la référence explicite à la mystique constitue le socle des théories du mouvement de l’art informel, inventé par des artistes comme Wols, Hans Arp et Camille Bryen.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-10405-6
- EAN: 9782406104056
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10405-6.p.0355
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-29-2021
- Language: French