Entre « maladie naturelle de [l’]esprit » et « passion studieuse » curative Polysémie de la « curiosité » dans les Essais
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Éthique, politique, religions
2021 – 2, n° 19. varia - Auteur : Martic (Rebekka)
- Pages : 59 à 77
- Revue : Éthique, politique, religions
Entre « maladie naturelle de [l’]esprit » et « passion studieuse » curative
Polysémie de la « curiosité » dans les Essais
Empreint de la « menace de la démesure1 » que la prolifération de livres imprimés, la circulation croissante de textes anciens, la multiplication de points de vue religieux et l’exploration du Nouveau Monde font planer sur l’écriture, le mouvement antipéristatique2 de la pensée montanienne travaille les multiples facettes contradictoires de la « curiosité ». Sa richesse sémantique et sa réversibilité axiologique ont souvent été escamotées par les critiques qui, à force de priviléger les définitions modernes au détriment des sens rattachés à l’étymon latin cura, diparus à présent, tels que « souci, soin3 », « zèle », « minutie », « attention au détail4 », « recherche5 », « diligence6 », « inquiétude7 », « sollicitude » et « anxieté8 », l’ont traitée comme une catégorie étique9 et en ont 60présupposé la cohérence, voire l’immuabilité conceptuelle10. Afin de voir comment Montaigne problématise les dynamiques ambivalentes de la curiosité, métaphorisée comme maladie ou cure, elle doit donc être étudiée en tant que catégorie émique, propre à la manière dont il la ploie dans toute sa plasticité.
À la fois tourment et plaisir, cupidité et marque de générosité, humeur et complexion, opinion et volonté de savoir, habitus honestus et irrespectueuse pulsion indiscrète11, la curiosité transgresse constamment les limites définitionnelles que l’on voudrait lui fixer. Cette ambiguïté structurelle qu’il convient de lire comme partie intégrante du penchant montanien à procéder « sans definition sans partition sans conclusion trouble12 », a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années13. D’une part, Montaigne se lance dans une critique violente de cette irrésistible pulsion fiévreuse et hubristique, telle qu’elle a été épinglée par la tradition philosophique et patristique, et la blâme aussi bien comme marque de pernicieuses errances d’un esprit tombé dans le piège de l’optimisme gnoséologique que comme source d’instabilités sociales et 61politiques. D’autre part, cet auteur qui étudie tout – ce qu’il lui faut fuir autant que ce qu’il lui faut suivre14 –, ouvre son dernier chapitre, à l’instar de la Métaphysique d’Aristote, avec le constat qu’« [i]l n’est desir plus naturel que le desir de connoissance15 » et semble reconnaître une dignité propre à la « naturelle curiosité16 » qui, de même que les autres dons de Nature, ne mérite d’être ni refusée, ni annulée, ni défigurée17. Estimant que de nos « maladies la plus sauvage18 » est de mépriser notre être, il envisage la curiosité, si on en use à propos, comme une nécessité ontologique face à la « branloire perenne19 » du monde, et un remède efficace contre les maladies les plus calamiteuses de son temps.
Afin d’expliquer le statut paradoxal de la curiosité dans les Essais, Françoise Charpentier a proposé une hypothèse évolutive, selon laquelle le Bordelais partirait des positions traditionnelles qui condamnent la curiositas, pour détourner ensuite les sentences qu’il trouve dans ce matériau doxographique et se les approprier, de manière à passer du réquisitoire contre la curiosité à son apologie20. D’après Nicola Panichi, ce mouvement de la pars destruens à la pars construens lui aurait permis d’affiner la notion d’ignorance, d’écarter le discours sur la curiosité de la controverse religieuse et de l’éloigner de l’enquête savante, au point d’en faire le stimulus de son esprit et le moteur de l’étude de soi21. La critique s’est alors demandée dans quelle mesure Montaigne faisait partie des penseurs dits « modernes » qui ont légitimé le droit à une curiosité intellectuelle dissociée de toute préoccupation du salut22. Selon Philippe Desan, il distingue la sphère publique de la sphère privée, où la curiosité 62est « un mode opératoire pour s’observer […] soi-même23 », solidaire de l’exercice du jugement, et donc essentielle à sa démarche d’« essayiste24 » qui lui fait tempérer sa curiosité par l’indécision et ne chercher des vérités que pour soi. Au-delà du privé, cette passion devient symptôme de la maladie du dogmatisme, lorsqu’il s’agit de se vouloir résoudre, et de généraliser ses découvertes au détriment du statu quo social et politique25. Tandis que cette lecture insiste sur les qualités méritoires de l’irrésolution au point d’en mettre à l’écart les connotations négatives, l’hypothèse de Charpentier présente l’inconvénient d’un présupposé téléologique qui cache que Montaigne adopte simultanément des attitudes radicalement différentes à l’égard de la curiosité, et que son va-et-vient entre l’opinion commune et des positions hétérodoxes introduit des perturbations dans la logique du texte, qui sont, selon Terence Cave, caractéristiques des « troubles épistémologiques26 » au seuil de la Modernité. Cependant, ces deux études critiques ont incité à s’interroger sur l’apport du Bordelais à la réévaluation de la curiosité d’un vice traditionnel en une vertu probable de l’esprit humain, qui a, comme on le sait grâce à Neil Kenny, profondément marqué la culture européenne du xviie siècle27.
La curiosité, soin pestilentiel
et agent causal de la maladie du temps
Encore que Montaigne déclare explicitement ne pas se situer en théologien, il épouse à maintes reprises la tonalité des Pères de l’Église. Ainsi 63il s’appuie sur la distinction augustinienne entre sapientia et scientia, la connaissance de choses divines et de choses humaines28, lorsqu’il appelle la curiosité, conformément au goût de l’époque pour les définitions étymologisantes, un « soing de s’augmenter en sagesse & en science29 ». Se confondant avec l’orgueil, cette cure néfaste, dont il sait que « [l]es Chrestiens ont une particuliere cognoissance, combien elle est un mal naturel & originel en l’homme30 », est la « premiere ruine du genre humain, […] la voye, par où il s’est precipité à la damnation eternelle31 », et, comme dans la doctrine de Clairvaux, qui en a fait le premier des douze degrés de la superbia32, « sa perte & sa corruption33 ». « [P]este de l’homme34 », « premiere tentation qui vint à l’humaine nature de la part du diable35 » et « sa premiere poison36 », l’opinion de savoir, crime de lèse-majesté divine que l’Hippone condamne sous le nom du péché de l’ambitio saeculi37, devient sous la plume de Montaigne le corrélat intime de la curiosité qui traîne, comme la subtilité et le savoir, « la malice à [sa] suite38 ». Tare héréditaire du genre humain et opératrice de morbidité, la curiosité est le symptôme de la présomption malvenue de l’homme sans foi. Si l’auteur peint la curiosité sous forme d’un venin de la malveillance et de cette épidémie délétère qu’est la peste, il puise dans l’imagerie de l’essai « De la curiosité » de Plutarque39, où la curiosité (polypragmosunè) apparaît sous les traits d’un « serpent venimeux [qui] se nourrit & tient tousjours en lieux pestilens40 » pour trouver « ruines d’hommes, pertes de bien [et] corruptions de femmes41 ». Tout en 64empruntant au Chéronéen l’association entre curiosité, perte, ruine et corruption, Montaigne la situe dans le registre augustinien qui tisse des liens indissociables entre curiosité et présomption42. Cette affinité est explorée notamment dans un passage du « Discours à la Royne » de Ronsard, où est évoquée l’image de Jupiter, qui,
[…] faché contre la race
Des hommes qui vouloient par curieuse audace
Envoyer leurs raisons jusqu’au Ciel, pour sçavoir
Les haults secrets divins que l’homme ne doit voir
Un jour estant gaillard choisit pour son amye
Dame Presomption, la voyant endormie
Au pié du mont Olympe, et la baisant soudain
Conçeut l’Opinion, peste du genre humain43.
En plus de recopier ce dernier vers quasiment ad verbum dans l’« Apologie », Montaigne fait sienne la teneur de cette attaque virulente du poète contre la « prétention protestante à la raison indépendante44 », quand il distingue les « esprits simples, moins curieux & moins sçavansinstruits45 » dont se font de « bons Chrestiens46 », des esprits médiocres où « s’engendre l’erreur des opinions47 ». Ni ignorants des lettres ni sages clairvoyants, ces « mestis » sont « dangereus ineptes importuns48 », parce qu’ils ne suivent que « l’apparence du premier sens49 ». Cette allusion à la pratique protestante de suivre le texte sacré ad litteram, fait de la curiosité l’apanage du mauvais chrétien et la sœur germaine de l’orgueil qui nous « fait embrasser les nouvelletez, & aimer mieux estre chef d’une trouppe errante, & desvoyée au sentier de perdition, aymer mieux estre regent & precepteur d’erreur & de mensonge, que d’estre 65disciple en l’eschole de verité, se laissant mener & conduire par la main d’autruy à la voye batuë & droicturiere50 ». La réprobation de la curiosité ressortit d’une méfiance foncière envers toute force innovante dans le domaine politique et religieux, d’autant que sur le plan rhétorique, trois polyptotes (perte/perdition ; désvoyée/voye ; errante/erreur) accentuent de manière efficace le danger posé par les « voyes extravagantes51 ». La curiosité devient donc en tant que signe de la présomption, cette autre « maladie naturelle & originelle52 » de l’homme, l’agent causal de la maladie du temps53.
Et pourtant, l’auteur avoue succomber à sa tentation pour voir de ses propres yeux « ce notable spectacle de nostre mort publique, ses symptomes et sa forme54 ». Le sensationnalisme qui pousse l’homme à assister aux spectacles trahit selon Augustin55 la cruauté morbide de la concupiscentia oculorum qui porte principalement sur les « choses fâcheuses et désagréables56 », comme des cadavres déchiquetés57. Certes, le plaisir que Montaigne éprouve à « esveiller [son] desplesir58 » face à ces pitoyables « jeus tragiques de l’humaine fortune59 », est un exemple parfait de cette « aigre-douce poincte de volupté maligne60 » que l’homme ressent à voir dans la souffrance de l’autre les maux qui l’épargnent61. Mais vu que le spectacle ne satisfait Montaigne que dans la mesure où il l’instruit sur l’agonie du corps social, il finit pourtant par renverser l’éthique augustinienne, où la curiosité du spectacle est définie par opposition à l’édification.
66La curiosité, fléau de notre âme
En revanche, dans « De la Presumption », le curieux est l’érudit ridicule : « Ces gens, qui se […] perchent à chevauchons sur l’epicycle de Mercure62 », et qui ignorent que « la cognoissance de ce que nous avons entre mains, est aussi esloignée de nous, & aussi bien au dessus des nues, que celle des astres63 », amènent l’auteur à corroborer sa critique par un argument d’autorité : « [l]a curiosité de connoistre les choses à esté donnée aux hommes pour fleau, dit la sacrosaincte parole64 ». Nous entraînant « à mettre le nez par tout65 », elle est un châtiment divin, une calamité qui s’abat sur nous afin de nous tourmenter. La transposition d’une sentence de l’Ecclésiaste que Montaigne a fait peindre sur la deuxième poutre à l’entrée de sa bibliothèque, le lui rappelle, comme une mise en garde contre la démesure, chaque fois qu’une « cupidité [l’]espoinçonne66 à l’estude des livres67 » : « Cognoscendi studium homini dedit Deus eius torquendi gratia68 » (« La recherche passionnée du savoir : une torture que Dieu a infligée à l’homme »). Mais torquere signifie aussi bien « torturer » que « mettre à l’épreuve », sens que l’auteur n’a certainement pas ignoré, vu qu’il est compris dans exagium, l’étymon du mot essai. Une analogie céréalière69 du chapitre ii, 12 élucide dans quelle mesure la curiosité constitue une épreuve divine :
Il est advenu aux gens veritablement sçavans ce qui advient aux espics de bled : ils vont s’eslevant & se haussant la teste droite & fiere tant qu’ils sont vuides, mais quand ils sont pleins & grossis de grain en leur maturité, ils commencent à s’humilier & à baisser les cornes. Pareillement les hommes ayant tout essayé & tout sondé, n’ayant trouvé en tout cet amas de science & provision de tant de choses diverses, rien de massif & de ferme, & rien 67que vanité, ils ont renoncé à leur presomption, & reconneu leur condition naturelle70.
Ce passage qui fait écho à une maxime cusanienne71, suggère que la sentence de sa bibliothèque prend un autre sens lorsque la polysémie du mot « fléau » est prise en compte : si les vrais sages reconnaissent leur ignorance congénitale en baissant leurs têtes comme les épis de blé mûrs, et si la curiosité est la flagelle qui bat l’âme humaine comme le blé pour séparer le bon grain de l’ivraie, l’épreuve consisterait à voir si l’homme, dans sa quête de connaissance, se décide pour la présomption ou la voie de l’humilité qui suppose une « forte et genereuse ignorance72 ». Les curieux « mestis » qui continuent à s’« outrecuider » au lieu de guérir de l’ignorance en la confessant73, sont tourmentés, flagellés par leur opinion74 et font, en tant que fruits immatures, partie de l’ivraie. De ce fait, la curiosité n’est pas forcément une punition pénible, mais peut aussi être lue comme une épreuve qui fait appel à la conscience des limites épistémologiques posées par notre condition naturelle.
Et pourtant, cette « complaisance voluptueuse qui nous chatouille par l’opinion de science75 », ne cesse de nous lancer dans d’infinies « inquisitions et contemplations philosophiques76 », qui n’ont, comme l’observe Emmanuel Naya, qu’une « vocation “alimentaire”, vitale pour le régime d’un esprit marqué par la vanité77 », l’incoercible désir d’interpréter78 ou le besoin de « s’amuser79 ». Alors qu’il est à peine « en son pouvoir par sa condition naturelle, de gouter un seul plaisir entier & pur80 », l’homme se met à corrompre par son « attouchement infect81 » les choses belles et bonnes. Indispensable pour former une « teste bien faite82 », et pourtant 68située aux antipodes de ce « dous et mol chevet ⁁et sain » de « l’ignorance et […] incuriosite83 » qui lui sert de repos, la curiosité est un véritable Janus bifrons84. L’incuriosité devient synonyme du comble de la sagesse, car le germe de la naturelle curiosité risque sans cesse de devenir pathogène par contamination avec la gloire, cet autre fléau de notre âme qui, en « nous defan[dant] de rien laisser irresolu & indecis85 », nous fait oublier que nous ne sommes que « nais à quester la vérité86 », et non à la posséder.
Alors même que Montaigne paraît souvent enclin à partager les idéologèmes théologiques sur la curiositas, ses renvois explicites à la perspective « des Chrestiens » ou à la Bible peuvent aussi être lus comme une prise de distance avec la doxa. Jamais pénétré par la dimension sotériologique de la diatribe augustinienne, il se soucie moins de l’honneur de Dieu, que du potentiel de la curiosité de nuire à l’homme qu’il croit « [i]ncapable de moderation87 ».
La misère de l’insatiable caméléon
La curiosité épistémophile pose la question de la mesure, justement parce qu’elle est, comme la curiositas thomasienne, un « immoderatus appetitus sciendi88 » : « Quoy que ce soit qui tombe en nostre connoissance & jouïssance, nous sentons qu’il ne nous satisfaict pas, & allons beant apres les choses advenir & inconnuës89 », car tout ce qui appartient au hic et nunc est saisi « d’une prise malade & desreglée90 » qui nous fait « embrasse[r] plus qu[e nous] ne p[ouvons] estreindre91 » et nous détourne de nous-mêmes : « Regardez dict chacun, les […] branles du ciel, regardez au public, à la querelle de cestttuylà, au pouls d’un tel, 69au testament de cet autre, somme regardez tousjours haut ou bas, ou à costé, ou devant, ou derriere vous92 ». Ce polypragmonein, maladie propre à l’homme qui se décentre de soi, est une agitation spontanée, une insatisfaction avec soi-même, et une distraction sans orientation ni objet spécifique. L’insatisfaction pathologique de cet « estre insatiable, vagabond et versatile93 » qu’est l’esprit, résulte de l’irrésolution de l’appétit humain qui « mesprise & outrepasse ce qui luy est en main, pour courir apres ce qu’il n’a pas94 ». Si « [n]ous ne pensons ce que nous voulons, qu’à l’instant que nous le voulons, & changeons comme cet animal, qui prend la couleur du lieu, où on le couche95 », le caméléon n’exprime pas, comme chez Pic de la Mirandole96, la nature indéfinie de l’homme qui peut, par son libre arbitre, se façonner à sa guise, mais l’infinie passivité de sa condition, car sa volonté même est soumise aux intempérances de son appétit capricieux. L’irrésolution apparaît donc empreinte d’ambiguïté – tantôt positive quand elle est une forme de doute passivement subi par l’homme qui conduit à remettre en question les vérités reçues et à pallier les tendances malsaines de la curiosité, tantôt négative quand elle est une forme de « paralysie de la raison97 » qui vient de l’agitation vaine de l’esprit et devient signe clinique d’une vicieuse curiosité. Cette ambiguïté confronte l’auteur au paradoxe du célèbre précepte de Lucain98 : comment, par rapport à cette curiosité et irrésolution naturelles en nous, faudrait-il concilier l’impératif de régler ses actions et le principe de suivre la nature ?
Or, l’éternel inassouvissement de la curiosité est aussi une maladie de la civilisation moderne : « J’ay peur que nous avons99 les yeux plus grands que le ventre […] et plus de curiosité, que nous n’avons de capacité100 », écrit Montaigne au début du chapitre i, 31, en faisant de l’humanité la synecdoque toto pro pars des explorateurs du Nouveau Monde. L’insatiabilité de notre curiosité, trouvant son corrélat dans l’infinité 70d’un « païs » qui s’offre dorénavant à nos yeux101, l’inquiète, car elle nous fait oublier « combien [est] chetive & racourcie […] la cognoissance des plus curieux102 », et que dans un monde en « continuelle mutation & branle103 », il nous « eschappe cent fois plus, qu’il n[e] vient à nostre science104 ». L’homme qui, de même qu’on le pensait – certes dans un sens moins figuré que littéral – des caméléons, ne se nourrit que de vent105, devrait se modeler sur l’incuriosité des bêtes106 qui « montrent assez combien l’agitation de nostre esprit nous apporte de maladies107 ». Ou bien encore l’« admirable simplicite et ignorance108 » des Tupinambas, dont la vie se passe en toute « tranquillite et serenite109 », lui devrait servir d’exemple. Même si Montaigne les croit curieux par nature110, ils sont « descharge[s] de toute passion111 », d’autant qu’ils ont « receu fort peu de façon, [sic] de l’esprit humain & [sont] encore fort voisin[s] de leur naifveté originelle112 ». En revanche, de « l’impression de l’opinion, & science que nous pensons avoir des choses113 » naissent non seulement « la crainte, l’avarice, l’envie, les desirs immoderez, l’ambition, l’orgueil, la superstition, l’amour de nouvelleté, la rebellion, la desobeissance, l’opiniatreté », mais aussi « la pluspart des maux corporels114 ». Le physique et le psychique se trouvant liés par une « estroite cousture115 », « les excez fievreux de [l’]esprit116 » dogmatiquement curieux s’accompagnent forcément de l’inquiétude corporelle et de la souffrance117.
71Mus in pice
De plus, la curiosité est une menace de folie et de mélancolie. Si l’esprit du Tasse se trouve « en si piteux estat118 » lorsque le Bordelais rencontre le poète autrefois ingénieux et judicieux à Ferrare119, ne le doit-il pas « à la curieuse & laborieuse queste des sciences, qui la [sic] conduit à la bestise120 » ? Partant du rapport constamment réversible entre sagesse et folie, Montaigne fait ressortir la fragilité de nos facultés mentales par l’idée qu’« il n’y a qu’un demy tour de cheville121 » à passer du génie à la frénésie. Bien qu’il n’y ait « [a]ucune eminente & gaillarde vertu […] sans quelque agitation desreglée122 », l’oxymore « vivacité meurtrière123 » illustre pourtant la contiguïté invisible entre « les gaillardes elevations124 » d’un esprit libre et sa soudaine déperdition en pleine élévation, entre vitalité et hébétude, mesure et démesure. La curiosité fait basculer l’excellence de l’esprit en bêtise, sa vertu extraordinaire en vice ordinaire, sa souplesse en lourdeur, son acuité en aveuglement et son agitation et allégresse en trouble et torpeur. « [Q]ui acquiert science », sait Montaigne de l’Ecclésiaste, « s’acquiert du travail & tourment125 » et qui s’élève trop haut, se brûle et entraîne, à l’instar d’Icare, sa propre chute. Là où l’homme quête curieusement et laborieusement, il va, comme le dit une autre sentence de sa bibliothèque, « erre[r] dans les ténèbres, aveugle [parce qu’il] ne peut discerner le vrai126 ». Il en va de même de la jalousie : « La curiosité est vicieuse partous, mais elle est pernicieuse icy127 », car dès que l’homme cherche à s’« esclaircir d’un 72mal, auquel il n’y a pas de medecine128 », il sombrera dans la folie. Toutefois, qui se châtie pour vaincre le vice inhérent à la curiosité agit comme ces médecins qui, en cherchant à « guarir le mal par le mal129 », importunent plus leurs patients par les remèdes que ne fait la maladie. S’opposant au retranchement de nos voluptés naturelles130, l’auteur croit que plus on s’en abstient par art, plus on les cultive, car « [n]ous defendre quelque chose c’est nous en donner envie131 ».
Fort conscient du nombre d’hommes qui se sont « abestis par temerere avidite de sciance132 », Montaigne se prémunit contre une application immodérée à l’étude en laissant libre cours à son esprit « primsautier133 » et compare l’étude à la chasse, où il faut se garder de dépasser les « derniers limites du plaisir […] ou la peine commence à se mesler parmy134 ». Dans un monde perçu comme « escole d’inquisition135 », se conduire mal à la chasse n’est pas « faillir à la prise136 », mais ignorer l’impossibilité de la capture. L’anecdote de Démocrite qui, pour ne pas se priver de son plaisir cynégétique et de sa fébrilité mentale, continue à chercher la cause de la douceur de ses figues quoiqu’on lui en ait déjà révélé le secret, illustre bien que cette « passion studieuse, qui nous amuse à la poursuite des choses137 » est essentielle à la vitalité de l’esprit, car la chasse vaut d’abord pour elle-même, sans qu’elle soit subordonnée au progrès d’une connaissance. Mais la curiosité devient un obstacle au bien-être, lorsque « [l]es hommes mescognoissent la maladie naturelle de leur esprit138 », qui
ne faict que fureter & quester,. &Et va sans cesse, tournoiant, bastissant, & s’empestrant en sa besongne, : comme nos vers de soye, : & s’y estouffe : 73mMus in pice. Il pense remarquer de loing, je ne sçay qu’elle apparence de clarté & verité imaginaire, : mais pendant qu’il y court, tant de difficultez luy traversent la voye, d’empeschemens & de nouvelles questes, qu’elles l’esgarent & l’enyvrent139.
Tant que l’homme se laisse aveugler par la lumière trompeuse de la science, son esprit restera « [u]ne souris dans la poix140 » qui s’enfonce à proportion de ses efforts. Aux prises avec la curiosité épistémophile, l’esprit devient « fureteux », car à l’image des perpétuelles virevoltes des vers à soie, il va ça et là, parcourant divers sens. Mais alors que ceux-ci « produi[sent] un papillon, & de là un autre ver141 », il est ce papillon qui, attiré par la lumière, se précipite dans la flamme142. De cette maladie naturelle de l’esprit à la « maladive curiosité143 » d’Eudoxe qui, pour voir une fois le soleil de près, risque d’être brûlé, il n’y a qu’un pas infime. Aussi consanguines semblent la « vivacité meurtrière » de l’esprit du Tasse et la « volonté meurtrière » de l’astronome. La curiosité débride l’esprit en le lançant dans une fiévreuse course fatale, quitte à en faire un être à part entière, doté de mains (il « basti[t] »), de pieds (il « court ») et même d’une faculté intellectuelle propre (« pense remarquer »). En dépit de cette anthropomorphisation, l’esprit reste « un corps vain […] divers & difforme144 » auquel il est « malaisé d[e] joindre l’ordre & la mesure145 » ou de donner bornes, car « il est curieux & avide, & n’a point occasion de s’arrester plus tost à mille pas qu’a cinquante146 ». Comment l’homme peut-il donc apprendre à se construire ses propres confins, même si sa curiosité le fait « estend[re] l’utilité du sçavoir autant qu’est sa matiere147 » ?
74La curiosité comme cure de soi
Afin d’étouffer le pouvoir pathogène de la curiosité dans l’œuf, le Bordelais suit la proposition de Socrate d’en faire un outil d’introspection. C’est ainsi que le chapitre iii, 9 se clôt sur une formulation remarquable du commandement de Delphes, indispensable pour connaître ses maux et s’en délivrer148 : « Regardez dans vous, reconnoissez vous, tenez vous à vous, : vostre esprit, & vostre volonté qui se consomme ailleurs, ramenez là en soy149 ». S’adressant à nous avec une urgence qui signale le péril d’une irrémédiable perte ontologique, Montaigne, quant à lui, « replie [s]a veue au-dedans150 », « [s]e roulle en [s]oy mesme151 », « [s]e recherche jusques aux entrailles152 », en ayant « les yeux incessamment tendus sur [s]oy153 », et rend « si continuellement, si curieusement154 » compte de soi, que sa curiosité devient, conformément à l’exhortation antique epimele seautou, une véritable cure de soi. Or, l’exploration de soi lui révèle trois paradoxes du gnothi seautou : premièrement, que la découverte de la richesse de formes diverses en lui-même ne lui apprend que combien il lui reste à apprendre ; deuxièmement, que « plus [il s]e hante & [s]e connoi[t]155 », plus il découvre sa monstruosité, et moins il se comprend ; et troisièmement, qu’il ne se trouve pas là où il se cherche, ou, voudrait-on ajouter, par une curiosité nonchalante plutôt que par une curiosité inquisitive156.
Le deuxième garde-fou157 contre la curiosité délétère est de limiter l’étude aux matières « utiles158 ». L’histoire peut certes être le ressort d’une vaine curiosité lorsqu’elle ne consiste qu’à remplir la mémoire, mais 75aussi bien « de fruit inestimable159 » quand on cherche à « converser » avec le passé160, comme Montaigne, qui a « une singuliere curiosité […] de connoistre l’ame & les internesnaïfs jugemens de [s]es autheurs161 ». Soucieux de cerner l’homme derrière l’auteur, il cherche à connaître leurs « humeurs privées162 », notamment pour « mirer [s]a vie dans celle d’autruy163 ». Ce n’est qu’à travers ce regard réflexif que le rapport dialectique entre extrospection curieuse et introspection studieuse peut être assoupli et que l’étude du monde, « [c]e miroüer, où il nous faut regarder, pour nous connoistre de bon biais164 », devient fructueuse. Alors même que voyager témoigne d’inquiétude et d’irrésolution165, parcourir le monde participe à la formation de l’éthique du sujet, si son âme y est continuellement tenue de « remarquer des choses incogneuës & nouvelles166 », et son « corps n’y est ny oisif ny travaillé167 ». Le goût pour le nouveau et l’inconnu n’est plus un symptôme alarmant, car en s’accordant au rythme de la « moderée agitation168 » du corps, l’esprit du pérégrin curieux trouve le juste milieu entre les deux pôles extrêmes du travail et de l’oisiveté, les conditions de possibilité pour que la pernicieuse libido sciendi se développe. De cette inquiétude tempérée, principe vital de la saine curiosité qui laisse l’âme du voyageur goûter la « perpetuelle varieté de formes de nostre nature169 », se tire une « merveilleuse clarté pour le jugement humain170 », si l’homme va « frotter et limer [sa] cervelle contre celle d’autruy171 », c’est-à-dire se laisser « corriger avec soin172 » au contact de l’autre, afin de « reconnoistre son imperfection & sa naturelle foiblesse173 ». L’« honeste curiosité174 », coïncidant avec 76une attitude « enquesteuse non resolutive175 », est sans limite : même « [l]a sottise […] & foiblesse d’autruy176 » servent à former l’esprit. Ce n’est donc plus la matière qui détermine pour Montaigne si une curiosité est futile ou utile, vaine ou saine, mais la manière dont le curieux regarde et appréhende ses objets. La curiosité de celui qui sait se conformer à sa condition naturelle – à savoir d’être homo quaerens plutôt qu’homo sapiens – revêt une fonction thérapeutique et prémunit contre la tendance à avoir « la veuë racourcie à la longueur de nostre nez177 », ou, pire encore, d’avoir l’esprit raccourci :
⁁ C’est signe de racourciment d’esperit quand il se contante : etou de lassete […]. Nul esperit genereus ne s’arrete en soi Il pretand tousjours & va outre ses forces. […] S’il ne s’avance et ne se presse et ne s’accule178 et ne se choque il n’est vif qu’a demi. LSes poursuites […] sont sans terme, & sans forme : sSon aliment, c’est doubte &admiration chasse ambiguité179.
Toujours en chasse et insatisfait, l’esprit généreux a tous les attributs de l’esprit curieux. Et pourtant, le Bordelais renonce à ce mot trop négativement connoté. Si la curiosité est une expression de générosité, qui est dans son éthique la vertu centrale180, l’esprit curieux est noble, justement parce que son dynamisme est inépuisable et sa propension naturelle à franchir ses limites la marque d’un élan tendu vers de nouvelles possibilités. L’extension de l’esprit n’est plus symptôme de morbidité, mais de vitalité, car la qualité de la générosité s’oppose non seulement aux subtilités et aux finesses qui estompent l’âme, mais aussi à l’avidité nocive de la vaine curiosité. L’ardeur des courses de l’esprit généreux l’emporte, conformément au perpetuum mobile de la zététique montanienne, sur les résultats qu’il génère, d’autant que les objets qu’il admire et chasse se présentent comme un mystère toujours équivoque. Enfin, la triade « admiration chasse ambiguïté » rappelle, par son insistance 77sur le mouvement de l’éternel inachèvement des inquisitions de l’esprit généreux, que la curiosité ne déploie sa vertu curative que lorsqu’elle est aussi généreuse que notre ignorance.
Rebekka Martic
Université de Bâle
1 Michel Jeanneret, « Débordements rabelaisiens », Nouvelle Revue de Psychanalyse, vol. 43, 1991, p. 106-132, ici p. 110.
2 L’antipéristase, terme d’origine médicale, désigne dans l’analyse littéraire un mouvement de va-et-vient entre « une idéologie religieuse, un système de censure, un enseignement officiel » d’une part, et de l’autre « une stratégie épistémologique étrange, inquiétante, et qui ne se laisse que difficilement apprivoiser ». Terence Cave, Préhistoires. Textes troublés au seuil de la modernité, Genève, Droz, 1999, p. 49.
3 Walther von Wartburg, « curiositas », Französisches Etymologisches Wörterbuch (FEW), t. II, J.-P. Chauveau (dir.), Basel, Helbing und Lichtenhahn, 1946, p. 1564. Les sens de « coquetterie », et de « délicatesse […] (p. ex. dans le style) » sont moins pertinents pour la présente étude.
4 Gabriel-André Pérouse, En Filigrane des Essais, Paris, Champion, 2008, p. 104.
5 Edmond Huguet, « curiosité », Dictionnaire de la langue française du seizième siècle, t. II, Paris, Didier, 1932, p. 688.
6 Neil Kenny, « “Curiosité” and Philosophical Poetry in the French Renaissance », Renaissance Studies, vol. 5, no 3, 1991, p. 263-276, ici p. 264.
7 Huguet, « curieux », op. cit., p. 687.
8 William Rothwell et al. (dir.), « curios », Anglo-Norman Dictionary, t. I, London, Maney, 2005, p. 136.
9 Marvin Harris, « Emics and Etics Revisited », Emics and Etics : the Insider/Outsider Debate, T. N. Headland et al. (éd.), N.Y., Sage, 1990, p. 48-61, p. 48.
10 Neil Kenny, « Interpreting Concepts After the Linguistic Turn : The Example of Curiosité in Le Bonheur des Sages / Le Malheur des curieux by Du Souhait (1600) », (Ré)interprétations : Études sur le seizième siècle, J. O’Brien (éd.), Ann Arbour, Michigan Romance Studies, 1995, p. 241-270, ici p. 264.
11 Puisqu’elle présente le mérite de respecter les nombreuses indications autographes que l’auteur a apportées au texte de 1588 (biffures, ajouts transcrits en italique), nous avons choisi comme édition de référence l’édition de l’Exemplaire de Bordeaux (Paris, Chez Abel l’Angelier, 1588), telle qu’elle a été établie par Marie-Luce Demonet et Alain Legros (projet porté par le programme “Bibliothèques Virtuelles Humanistes”, CESR de Tour, 2015, notice voir http://xtf.bvh.univ-tours.fr/xtf/view?docId=tei/B330636101_S1238/ B330636101_S1238_tei.xml&doc.view=notice ;) : Essais, II, 4, fo 149ro. Par souci de lisibilité, nous avons ici renoncé aux couleurs et aux caractères exposants utilisés dans la transcription de certains ajouts manuscrits. Chaque renvoi à l’EB sera doublé d’une référence à l’éd. Villey-Saulnier, Paris, PUF, « Quadrige », 1988, p. 364, couche A. Soit : II, 4, 149ro / 364 A.
12 II, 17, 280vo / 637 C.
13 Françoise Charpentier, « Les Essais de Montaigne : curiosité/incuriosité », La Curiosité à la Renaissance, J. Céard (dir.), Paris, CDU et SEDES, 1986, p. 111-121 ; Idem, « Curiosité », Dictionnaire Montaigne [DM], P. Desan (dir.), Paris, Classiques Garnier, 2018, p. 440-443 ; Bénédicte Boudou et Nadia Cernogora, « Montaigne et la curiosité nonchalante », Camenae, no 15, 2013, p. 1-15 ; Daniel Ménager, « Curiosité et erreur religieuse chez Montaigne », BSAM, no 62, 2015, p. 87-99 ; Alexander Roose, La Curiosité de Montaigne. […], Paris, Honoré Champion, 2015 ; Zahi Zalloua, « Montaigne on Curiosity », The Oxford Handbook of Montaigne, P. Desan (dir.), N.Y., Oxford University Press, 2016, p. 663-678 ; Gianni Paganini (dir.), Curiosity and the Passions of Knowledge from Montaigne to Hobbes, Actes du Colloque de Rome, 7-8 octobre 2015, Rome, Bardi Edizione, 2018.
14 III, 13, 484ro / 1076 B.
15 Ibid., 478ro / 1065 B.
16 II, 12, 222ro / 512 A.
17 III, 13, 503ro / 1113 B.
18 Ibid., 501vo / 1110.
19 III, 2, 358vo / 804 B.
20 Art. cité, p. 111, 114 et 121.
21 « Montaigne tra curiositas sciendi e généreuse ignorance », Curiosity and the Passions of Knowledge, op. cit., p. 37-59, ici p. 49.
22 Roose (op. cit.) discute cette question en se fondant sur l’hypothèse de Hans Blumenberg (Die Legitimität der Neuzeit, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1988), selon lequel la légitimation du droit à une « curiosité théorique » libérée des anciennes réserves aurait fondé le sujet moderne. De par sa perspective philosophique sur la curiosité intellectuelle dans le « processus scientifique » (263), l’étude de Blumenberg accuse des limites importantes, dans la mesure où elle exclut largement la dimension morale et sociale de la curiosité, centrale dans les Essais (pour une discussion récente des enjeux liés à ce travail voir Paganini (dir.), op. cit., p. 11, 49, 56 sq., 77-96).
23 Philippe Desan, « “La curiosité, ce fléau de notre âme”, ou l’irrésolution retrouvée de Montaigne », Curiosity and the Passions of Knowledge, op. cit., p. 61-76, ici p. 74.
24 Nous nous limitons ici de signaler que l’idée de considérer Montaigne comme un essayiste avant la lettre est loin de faire l’unanimité dans les études montaignistes. Voir Francis Goyet, « Humilité de l’essai ? (Réflexions sur Montaigne) », L’Essai : Métamorphoses d’un genre, P. Glaudes (éd.), Toulouse, PU du Mirail, 2002, p. 201-215.
25 Desan, art. cité, p. 66.
26 Op. cit., p. 24-50.
27 Curiosity in Early Modern Europe. Word Histories, Wiesbaden, Harrassowitz, 1998, p. 44. Cette réévaluation n’était pourtant ni absolue ni universelle, vu que dans des contextes théologiques et moraux, le terme restait doté d’une connotation négative (ibid., p. 15). Voir aussi id., The Uses of Curiosity in Early Modern France and Germany, Oxford, Oxford University Press, 2004.
28 La Trinité / De Trinitate, Œuvres de Saint Augustin, t. XVI, P. Agaësse (trad.), Paris, Études augustiniennes, 1991, XII, XIV, 22 et XIV, I, 3.
29 II, 12, 216vo / 498 A.
30 Ibid.
31 Ibid.
32 Le schéma est cité dans Thomas d’Aquin, Somme théologique, t. X, F. Lachat (trad., annot.), Paris, L. Vivès, 1858, II, II, q. CLXXII, art. IV.
33 II, 12, 216vo / 498 A.
34 Ibid., 211vo / 488 A.
35 Ibid. B.
36 Ibid.
37 Confessions, A. d’Andilly (trad.), P. Sellier (éd.), Paris, Gallimard, 1993, X, XXXVI, p. 390 sq.
38 II, 12, 216vo / 498 A.
39 Les Œuvres morales et meslees […], Paris, M. de Vascosan, 1562, p. 63-68. Cf. Alexander Roose, « Le remède est dans le mal : Montaigne lecteur de l’essai Sur la curiosité de Plutarque », NBSIAM, Ire série, no 1, 2007, p. 83-96.
40 Plutarque, op. cit., 65A.
41 Ibid.
42 Bien que la curiosité ne soit pas un mal par définition, Augustin ne cesse de la doter d’une série d’attributs dépréciatifs (audax, noxia, periculosa, insana, pestifera, etc.). Gunther Bös, Curiositas. Die Rezeption eines antiken Begriffes durch christliche Autoren bis Thomas von Aquin, Paderborn/Zürich etc., Ferdinand Schöningh, 1995, p. 98 sq.
43 Ronsard, Discours des misères de ce temps, M. Smith (éd.), Genève, Droz, 1979, p. 69, v. 127-135.
44 Jacques Pineaux, « Transformations protestantes d’un thème ronsardien : la naissance d’Opinion, fille de Jupiter et de Présomption », CAIEF, no 10, 1958, p. 30-43, ici p. 31.
45 I, 54, 130ro / 312 B.
46 Ibid.
47 Ibid.
48 Ibid. 130vo / 313 C.
49 Ibid., 130ro / 312 B.
50 II, 12, 216vo / 498 A.
51 Ibid., 241vo / 558 A. « Extravaguer » signifie littéralement « s’écarter de la route » et « de ce qui est bon, juste et légitime ». Huguet, « extravaguer », op. cit., t. III, 1946, p. 796.
52 Ibid., 190ro / 452 A.
53 Cf. Blandine Perona, « “La plus universelle et commune erreur des hommes”. Philautie et/ou présomption dans les Essais », BSAM, no 62, 2015, p. 159-175.
54 III, 12, 471ro / 1046 C.
55 Confessions, op. cit., I, X, 44 ; VI, VIII, p. 198 sqq.
56 Ibid., X, XXXV, p. 387.
57 Idem, De Vera religione, Œuvres de Saint Augustin, 8, J. Pegon (trad., annot.), Paris, Desclée de Brouwer, 1982, XL, XCIV, p. 164 sq. et LI, C, p. 170 sq.
58 III, 12, 471ro / 1046 C.
59 Ibid.
60 III, 1, 352vo / 791 B.
61 Cf. Lucrèce, De rerum natura Libri sex, éd. D. Lambin, Paris et Lyon, G. et P. Rouillé, 1563, v. 5 sq.
62 II, 17, 279ro / 634 A.
63 II, 12, 231vo sq. / 538 A.
64 II, 17, 279vo / 635 A.
65 I, 27, 69ro / 182 A.
66 « Pique, pousse ».
67 III, 12, 468vo / 1039 B.
68 Eccl. 1:13 ; Alain Legros, « Sentences peintes au plafond de la bibliothèque de Montaigne, éd. revue et augmentée », BVH – 20/11/2015, p. 1-24, ici p. 2.
69 Montaigne emprunte cette métaphore à Plutarque (« Comment lon pourra apparcevoir si lon amende […] », op. cit., 116E-117A), mais en modifie profondément le sens.
70 II, 12, 217vo / 500 A.
71 Cognitio ignorantiae humiliat et humiliando exatat et doctum facit. Nicolas de Cuse, « De Genesi », Nicolai Cusae Cardinalis Opera, Aedibus Alceusianis, Paris, 1514, fo 73vo.
72 III, 11, 464ro / 1030 B.
73 Ibid. Acte dont l’auteur sait qu’il est fort douteux en soi.
74 Cf. la captatio benevolentiae du chapitre i, 14, 16ro / 50 A.
75 III, 12, 468vo / 1039 B.
76 Ibid. / 1039 C.
77 « Inquisition sceptique », DM, op. cit., p. 951.
78 I, 31, 85ro / 205 A.
79 I, 11, 13vo / 41 A ; II, 12, 221vo / 511 A ; II, 12, 231vo / 538 A ; III, 11, 462ro / 1026 B.
80 I, 30, 82vo / 200 A.
81 Ibid., 81vo / 197.
82 III, 13, 482vo / 1073 C.
83 Ibid.
84 Panichi, art. cité, p. 43.
85 I, 27, 69ro / 182 A.
86 III, 8, 416ro / 928 B.
87 III, 12, 468ro / 1038 B.
88 « Désir immodéré de savoir ». « Comm. in Lib. II Sententiarum », Opera Omnia, t. VIII, S. é. Fretté, P. Maré (dir.), Paris, L. Vivès, 1873, II, q. I, art. 1, 5, p. 287.
89 I, 53, 129ro / 309 A.
90 Ibid.
91 III, 12, 468ro / 1038 B.
92 III, 9, 450ro / 1000 B sq.
93 III, 13, 500vo / 1106 C.
94 II, 15, 270vo / 613 A.
95 II, 1, 138ro / 333 A.
96 De la Dignité de l’homme, Y. Hersant (trad., annot.), Paris, éditions de l’éclat, 2016, p. 7 sqq.
97 Sylvia Giocanti, « Irrésolution », DM, op. cit., p. 968.
98 Pharsale, II, 381, cité dans II, 12, 467vo / 1037 B.
99 Notons que l’indicatif enlève le doute de la proposition.
100 I, 31, 84ro / 203 A.
101 Ibid. Montaigne fait de nouveau écho au livre IX des Confessions, où la curiosité est située entre le plaisir de la vue et la tentation de l’orgueil (chap. xxxiv-xxxvi).
102 III, 6, 405vo / 908 B.
103 II, 12, 264ro / 601 A.
104 III, 6, 405vo / 908 B.
105 Idée héritée d’Aristote et de Pline. Elle se retrouve encore chez André Thevet (Cosmographie universelle, Paris, G. Chaudiere, 1575, I, fo 116ro), mais sera réfutée par Pierre Belon.
106 Pensons au pourceau de Pyrrhon mentionné dans I, 14, 17vo / 55 A.
107 II, 12, 213vo / 491 A.
108 Ibid. C.
109 Ibid.
110 I, 31, 90ro / 213 A. Il en est de même pour les Aztèques et les Incas (III, 6, 406vo / 910 B).
111 Ibid., 213 C.
112 Ibid., 86ro / 206 A.
113 II, 12, 218vo / 503 A.
114 Ibid.
115 I, 21, 36vo/ 104 A.
116 III, 12, 468vo/ 1039 B.
117 C’est déjà chez Thomas que l’inquietudo corporis est comptée parmi les symptômes principaux de la curiositas (Somme, op. cit., t. VIII, II, II, q. XXXV, art. IV, 3).
118 II, 12, 214ro / 492 A.
119 Pour une discussion brillante de cet épisode sur lequel le Journal de voyage reste curieusement silencieux, voir Jean Balsamo, « Montaigne et le “saut” du Tasse », Rivista di Letterature moderne e comparate, vol. 54, no 4, 2001, p. 389-407.
120 II, 12, 213vo sq./ 492A.
121 Ibid., 213vo.
122 Ibid., 247ro / 567 A.
123 Ibid., 213vo / 492 A.
124 Ibid.
125 Ibid., 215vo / 496 A ; Ecc. I, 18.
126 Sentence attribuée à Michel de l’Hospital : « Nostra vagatur / In tenebris, nec caeca potest mens cernere verum ». Cf. Legros, op. cit., p. 17 (sentence no 51/75).
127 III, 5, 388vo / 869 B.
128 Ibid.
129 III, 13, 489vo / 1086 B.
130 Voir p. ex. II, 12, 261ro / 595 A.
131 II, 15, 270vo / 613 A.
132 I, 26, 60vo / 164 C.
133 II, 10, 169vo / 409 B. Autre mot pour « précipité dans ses actions, présomptueux, prompt, empressé » (Frédéric Godefroy, « primsautier », Dictionnaire de l’ancienne langue française […], t. VI, Paris/Abbeville, Chartres, 1881-1902, 411), « primsautier » se disait plus particulièrement d’un chien de chasse qui se lance « d’un bond, au premier élan » après sa proie. Wartburg, « primus », op. cit., Bonn/Basel, F. Klopp, R. G. Zbinden, 1959, p. 382.
134 I, 39, 102vo / 246 A.
135 III, 8, 416ro / 928 B.
136 Ibid.
137 II, 12, 221vo / 510 A.
138 III, 13, 480ro / 1068 B.
139 Ibid.
140 Proverbe latin emprunté aux Adages (II, III, 68) d’Érasme.
141 II, 12, 224vo / 519 A.
142 Religions de l’antiquité […], F. Creuzer (trad.), t. III, Paris, Cabinet de lecture allemande, 1838, p. 400-404.
143 II, 12, 221vo / 511 B.
144 Ibid., 242ro / 559 A.
145 Ibid., 241vo.
146 Ibid., 242vo / 560 A.
147 III, 12, 468ro / 1039 C.
148 Plutarque, « De la curiosité », op. cit., 64B.
149 III, 9, 450vo / 1001 B. Voir Jean-Yves Pouilloux, « “Connois-toi toi-meme”. Un commandement paradoxe », Lire les Essais de Montaigne, Actes du Colloque de Glasgow 1997, N. Peacock, J. J. Supple (dir.), Paris, Honoré Champion, 2001, p. 91-106.
150 II, 17, 290vo / 657 A.
151 Ibid., 658 A.
152 III, 5, 378ro / 847.
153 II, 12, 246ro / 565 A.
154 II, 18, 293vo / 665 C.
155 III, 11, 463vo / 1029 B.
156 I, 10, 13vo / 40C.
157 Montaigne s’appuie ici sur Plutarque, « De la curiosité », op. cit., 66H.
158 I, 26, 59ro /159 C.
159 Ibid., 57vo / 156 A.
160 Ibid.
161 II, 10, 172ro / 414 A sq.
162 Ibid., 172vo / 414 A.
163 III, 13, 484ro / 1076 B.
164 I, 26, 58vo / 157 A.
165 III, 9, 444vo / 988 B.
166 Ibid., 437ro / 973 B.
167 Ibid., 974 B.
168 Ibid.
169 Ibid.
170 I, 26, 58ro / 157 A.
171 Ibid., 56vo / 153 A.
172 Sens du verbe « limer ». Wartburg, « limare », op. cit., t. V, p. 338.
173 I, 26, 58vo / 158 A.
174 Ibid., 57vo / 156 A.
175 III, 11, 464ro / 1030 C.
176 I, 26, 57vo / 156 A.
177 Ibid., 58ro / 157 A.
178 Se disait notamment d’un « cheval qui, maniant sur ses voltes, n’[allait] pas assez en avant, de sorte que sa croupe s’approch[ait] du centre de la volte ». Wartburg, « culus », op. cit., t. II, 1512. L’auteur recourt donc de nouveau à une métaphore hippique pour peindre le mouvement de l’esprit curieux.
179 III, 13, 480ro /1068 C, B.
180 Bernard Sève, Montaigne. Des règles pour l’esprit, Paris, PUF, 2007, p. 58 et 323.
- Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN : 978-2-406-12623-2
- EAN : 9782406126232
- ISSN : 2271-7234
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12623-2.p.0059
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 15/12/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : curiosité, polysémie, cure, antipéristase, passion, hybris, irrésolution