De Rome à Amsterdam Religion et raison chez le jeune Montesquieu
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Éthique, politique, religions
2016 – 1, n° 8. La religion philosophique des Lumières - Auteur : Volpilhac-Auger (Catherine)
- Pages : 85 à 106
- Revue : Éthique, politique, religions
De Rome à Amsterdam
Religion et raison
chez le jeune Montesquieu
Montesquieu semble être l’auteur le plus capable de faire marcher de concert raison et religion ou de dénoncer toute religion qui s’écarterait de la raison, et cela bien avant que L’Esprit des lois ne l’incite à envisager les relations entre religion et société qui constituent l’essentiel des livres XXIV et XXV de cet ouvrage. Dès les Lettres persanes, le lien entre les deux est évident : déraison européenne contre folie orientale, absurdité de l’islam contre stupidité catholique, l’opposition n’est que de forme et renvoie toutes les religions au même enfer. Mais l’homme est-il fait pour et par la raison ? Usbek avoue que parfois, « il vaut bien mieux enlever l’esprit hors de ses réflexions et traiter l’homme comme sensible au lieu de le traiter comme raisonnable » : ni la philosophie ni la religion ne peuvent adoucir son sort quand il souffre1. La raison, pour ainsi dire, ne lui est pas naturelle, comme le prouve sa croyance dans les amulettes et les talismans : « Les hommes sont bien malheureux : ils flottent sans cesse entre de fausses espérances et des craintes ridicules, et au lieu de s’appuyer sur la raison, ils se font des monstres qui les intimident ou des fantômes qui les séduisent2 ». Car la raison est moins séduisante que les mille et une ruses de son esprit, qui se plaît à la lecture des romanciers ou encore des poètes, ces « grotesque[s] du genre humain », « dont le métier est de mettre des entraves au bon sens et d’accabler la raison sous les agréments3 ».
Est-il donc bien raisonnable de faire aller la religion au pas de la raison ? L’homme n’est-il pas trop faible pour les suivre ? La raison pourrait bien gagner à se faire oublier, ou du moins à passer par quelque détour si elle veut s’imposer : ne faut-il pas justement écrire les Lettres persanes pour se faire entendre du public parisien et lui offrir quelques persaneries (comme il y eut des turqueries) pour retenir son attention ? Ce serait négliger une différence importante : si parfois la raison est impuissante, puisqu’elle ne sait pas consoler, l’imagination n’est que trop puissante, parce qu’elle redouble les malheurs de la condition humaine en lui faisant voir la main de Dieu là où celle-ci n’est pas et en lui donnant l’illusion qu’il a quelque pouvoir. La faiblesse humaine ne saurait donc autoriser, sous prétexte qu’il faut lui parler son langage, le recours à une religion qui fait de l’homme une dupe et renforce cette même faiblesse.
Cicéron comme guide
Si la position de Montesquieu, par la voix de ses personnages, paraît en 1721 extrêmement claire, en a-t-il toujours été ainsi ? Ses œuvres dites « de jeunesse », ou du moins antérieures aux Lettres persanes, montrent en lui un fervent lecteur de Cicéron, qui pouvait trouver dans ses œuvres, du De divinatione au De natura deorum, une école de critique. Dans un Discours sur Cicéron qui a pu être daté approximativement de 1717, il voit en lui un Descartes avant l’heure, puisque Cicéron fait parler la philosophie en langue vulgaire et la rend ainsi « commune à tous les hommes comme la raison4 ». Car il a, comme l’Usbek des Lettres persanes, le souci des hommes et de leur bonheur :
Avec quelle satisfaction ne le voit-on pas dans son livre De la divination affranchir l’esprit des Romains du joug ridicule des haruspices et des règles de cet art qui était l’opprobre de la théologie païenne, qui fut établi dans le commencement par la politique des magistrats chez des peuples grossiers et affaibli par la même politique lorsqu’ils devinrent plus éclairés5 !
C’est un autre Cicéron, cette fois moraliste, qui est ainsi vanté : « Il ne donne point de préceptes, mais il les fait sentir6. Il n’excite pas à la vertu, mais il y attire7 ». N’est-ce pas cependant toujours le même personnage qui apparaît sous ses diverses facettes, soucieux de se faire entendre pour mieux libérer les hommes, en tenant compte de leurs faiblesses, ou simplement de la nature humaine, mais en les sachant capables de raison ? L’enthousiasme de Montesquieu, qui reconnaît lui-même plus tard que son discours a des allures de panégyrique, révèle l’importance de cette figure de philosophe, au-delà du personnage historique. Ce Cicéron qui, dans le De natura deorum, fait se battre les uns contre les autres les différentes « sectes » philosophiques8, n’a qu’un défaut : il a tout détruit, et rien construit.
Il faut avouer qu’il laissa un vide affreux dans la philosophie ; il détruisit tout ce qui avait été imaginé jusqu’alors ; il fallut recommencer et imaginer de nouveau ; le genre humain rentra pour ainsi dire dans l’enfance, et il fut remis aux premiers principes.
Tabula rasa, mais sans Discours de la méthode. Ce modèle de rationalisme capable de parler au cœur des hommes, Montesquieu l’a lu en détail, comme en attestent des notes récemment découvertes dans le fonds de
La Brède9 ; Pierre Rétat, qui en est l’éditeur, fait apparaître comment Montesquieu, autour de 1715, relit Cicéron dans le droit fil du Dictionnaire historique et critique et des Pensées diverses (et de leur Continuation)10. Ce travail approfondi d’édition incite à revenir sur ce qu’on ne qualifiera pas d’influence de Cicéron : il s’agit plutôt d’examiner le rôle que Montesquieu lui fait jouer dans sa propre démarche, et la manière dont le philosophe latin le conduit sur des voies où il marche ensuite tout seul, ou à la suite de Bayle ; on est ainsi amené à revenir sur la première œuvre véritable de Montesquieu11, la Dissertation sur la politique des Romains dans la religion présentée en 1716 à l’académie de Bordeaux par le tout nouveau président au parlement de Guyenne12, car c’est là que s’affirme pour la première fois son admiration pour le contempteur des absurdités du culte païen.
Dans cette perspective, il est tentant de recourir également aux Pensées13, où ont été recueillis entre 1732 et 1755 des fragments d’œuvres abandonnées largement antérieures et des réflexions nouvelles. Dans ces centaines de pages, on trouve maint passage qui alimente sa réflexion sur le paganisme ; mais la démarche serait démesurée, et la difficulté à dater les quelque deux mille articles des Pensées la rend difficile à mener systématiquement14 ; je me contenterai donc de références ponctuelles, ne serait-ce que pour suggérer de nouvelles pistes de recherches, en évoquant d’abord l’un des nombreux articles qui traitent de la fin du paganisme
et de la naissance du christianisme. Celui qui permet d’articuler l’une à l’autre, c’est justement Cicéron :
Cicéron qui, le premier, mit dans sa langue les dogmes de la philosophie des Grecs, porta un coup mortel à la religion de Rome. Elle commença à souffrir une espèce de guerre civile. On vit, dans l’Empire, la secte de Pyrrhon douter de la religion et celle d’Épicure la tourner en ridicule. Celles de Platon, de Socrate et d’Aristote éclairèrent l’esprit, et celle de Zénon corrigea les mœurs15.
L’image du combat entre les philosophes, ou les philosophies, présente dans le Discours sur Cicéron comme dans les Notes sur Cicéron16, se retrouve intacte avec celle de la « guerre civile ». Mais ce retour ne doit pas cacher une différence majeure : est-ce la religion ou la philosophie que détruit Cicéron ? À l’inverse de ce que disent les travaux de jeunesse, les « sectes » de philosophes (le terme n’a pas alors de valeur péjorative) contribuent chacune pour leur part à tirer les Romains de l’état infantile où les maintenait le paganisme ; et c’est le christianisme qui profite de cette disparition de la religion, alors même qu’il présente toutes les caractéristiques du paganisme, à commencer par l’extravagance. Autrement dit, les hommes n’ont rien retenu des leçons de la philosophie ; mais il est permis d’y voir la preuve de la vérité de la religion chrétienne, qui n’aurait jamais pu s’imposer sans cela17. Si ce n’est pas là une pirouette, on est tenté d’y voir une nouvelle preuve de cette faiblesse humaine : le christianisme répondait à un besoin que la raison seule ne pouvait combler18.
Des Pensées on retiendra aussi que Montesquieu manifeste constamment un anticléricalisme virulent, qu’il faut bien se garder de réserver aux Lettres persanes sous prétexte qu’il relèverait seulement du caractère satirique de l’ouvrage19. Montesquieu n’a pas non plus de mots assez durs pour envisager la dévotion, toujours définie comme une forme de
faiblesse20 exploitée par les religieux : les enfants, les femmes, les peuples, les princes mêmes (faibles parce qu’ils sont entourés de flatteurs, donc seuls) sont menés par la dévotion qui réduit la religion au seul culte, et le culte à des cérémonies, voire à des gesticulations puériles21. La religion doit donc être envisagée sous un angle critique. Mais on prendra garde que « les hommes sont plus aisément dupes qu’imposteurs22 » : la liquéfaction du sang de saint Janvier, que Montesquieu a pu observer à Naples en 1729, l’incite à penser que les prêtres peuvent être « de bonne foi » et croire eux aussi à ce « miracle » que la physique a tant de manières d’expliquer. On se gardera donc d’envisager chez lui une partition manichéenne entre les exploiteurs et les exploités, les dupes et les imposteurs, les forts et les faibles – ce que propose justement la Dissertation de 1716. Mais il s’agit de voir si cette Dissertation constitue une étape particulière dans la pensée de Montesquieu au point d’entrer parfois en contradiction avec le reste de son œuvre, ou si elle s’insère dans une pensée complexe et a quelque chose à nous apprendre.
Un couple indissoluble :
raison et superstition
D’une inspiration que l’on a dite profondément machiavélienne, la Dissertation fait la part belle au pragmatisme des Romains, qui mettent la religion au service de visées purement sociales ou civiques23 et politiques, ou plus exactement la créent exclusivement à cet effet : « Ce ne fut ni la crainte ni la piété qui établit la religion chez les Romains, mais la nécessité où sont toutes les sociétés d’en avoir une24 ». Cette formule illustre ce dont témoigneront en 1734 les Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, la parfaite maîtrise qu’ont les Romains de tous les moyens d’asseoir leur grandeur. Les premiers rois
fondent un principe que respecteront les successeurs et même la république : la religion, surtout quand elle se fait superstition, est pour les gouvernants le meilleur moyen de faire obéir le peuple, voire de « l[e] conduire à leur fantaisie25 ». De la nécessité sociale exprimée dans l’incipit on est passé à la convenance politique, relevant même du caprice, à tout le moins de la volonté individuelle, soumise il est vrai à l’intérêt général.
Et de fait c’est des signes et des augures (et en particulier des haruspices) que traite le plus longuement la Dissertation. Les cérémonies sacrées sont uniformément évoquées comme autant de mises en scène et de moyens habilement mis à profit par des généraux ou des consuls dont l’histoire a fait des héros. Aucune condamnation morale cependant : comme dans les Considérations sur les Romains, la mauvaise foi ou les conséquences catastrophiques de l’extension territoriale de l’empire ne sont pas envisagées que comme les pièces d’un mécanisme : le jeu du pouvoir et de la religion constitue un mécanisme parfait qui permet d’éviter les décisions irréfléchies de la multitude et porte Rome vers ce pour quoi elle est faite, la grandeur.
L’opuscule révèle que Montesquieu se refuse de se laisser prendre au piège des critiques traditionnelles qui font des particularités, voire des aberrations, d’une religion païenne la marque invincible de sa faiblesse, ce qui absoudrait de toute critique la seule vraie religion, ou supposée telle. L’argument est systématiquement retourné : « plus une chose était contraire à la raison humaine, plus elle paraissait divine26 ». En ces quelques pages, le mot « ridicule » revient quatre fois, « extravagant » deux ; mais chaque fois, Montesquieu trouve là une nouvelle preuve de la supériorité des Romains (entendons de leurs gouvernants), qui entretiennent soigneusement cette superstition pour accroître leur emprise et qui trouvent dans la crédulité humaine leur meilleur allié. Leur arme ? La crainte des dieux27 – l’idée, nous l’avons vu, est classique depuis l’Antiquité ; sans doute faut-il se garder d’anticiper sur ce qui apparaîtra seulement dans
L’Esprit des lois (1748) comme le fondement même du despotisme, son « ressort » ou « principe », une crainte généralisée qui asservit chacun au despote ; mais le rapprochement mérite au moins d’être noté. Retenons surtout l’attitude intellectuelle qui consiste à penser que les hommes ne sont pas seulement conduits par leurs fantaisies, pour paraphraser la Préface de L’Esprit des lois ; on verra alors Montesquieu soucieux de voir dans les détails jugés incompréhensibles les preuves d’une rationalité qui échappe à l’observateur superficiel : c’est le dessein même de L’Esprit des lois d’en chercher le sens. Dans la Dissertation, ce qui semble irrationnel est en fait le meilleur des indices : il incite à chercher à qui profitent de pareilles inventions ; en l’occurrence, « ce qui paraît ridicule aux sages est nécessaire pour les sots28 ».
La superstition est pour ainsi dire maîtrisée, car les Romains se servent de « religionum auctoritate », pour parler comme Cicéron, que Montesquieu cite régulièrement, et ici plus longuement : « bien loin de se servir de la superstition pour opprimer la république, ils l’emploient utilement à la soutenir ». On aura bien sûr noté que là où l’auteur antique parlait de l’autorité des religions, Montesquieu traduit par superstition29, terme qu’il utilise trois fois, sans doute sous l’influence de Polybe, qu’il cite et dont le traducteur employait ce terme même tout à la gloire des Romains30. Certes la superstition a ses racines dans l’esprit humain : aux Romains il fallait des « sujets d’admiration », des « signes de la divinité », et donc des « cérémonies » pour « entretenir la superstition des uns et la politique des autres » ; mais il faut retenir
surtout l’habileté du moyen employé : on « mettait les arrêts du Ciel dans la bouche des principaux sénateurs31 ».
Le lien indissoluble entre déraison et religion est ainsi clairement mis en valeur : « Si ce culte avait été plus raisonnable, les gens d’esprit en auraient été la dupe aussi bien que le peuple, et par-là aurait perdu tout l’avantage qu’on en pourrait attendre ». La religion doit donc être absurde pour être crue et ne pas l’être, afin de mieux asseoir la domination des « gens d’esprit » : « ce ne fut que par de bonnes raisons qu’ils péchèrent contre la raison même32 ».
La Dissertation peut donc être lue comme une défense de la religion romaine, comme l’éclaircissement du mystère que constitue l’écart entre la sagesse des Romains et l’absurdité de leur culte et de toutes les pratiques où la conduite des affaires interfère avec la religion33.
La religion comme moyen de domination
Mais ce mystère en lui-même intéresse moins Montesquieu que les raisons qui l’ont institué, la nécessité d’instaurer une domination sur le peuple ; autrement dit, la question anthropologique ou psychologique importe moins que la raison politique, qui est seule désignée et étudiée dans la Dissertation – sans qu’il en envisage ici les conséquences néfastes, comme il le fera plus tard quand il s’intéressera aux Mexicains, vaincus par leur superstition plus que par les Espagnols34. Ainsi, le premier sujet qui retienne Montesquieu et dont on ait conservé la trace relève sans ambiguïté aucune du politique, et porte sur la manière dont s’instaure et fonctionne une véritable manipulation du peuple par des hommes « éclairés35 ».
Signalons d’abord un autre glissement révélateur qui s’opère dans la traduction ; quand Cicéron évoque le pouvoir du Sénat et du peuple sur les devins36, cela devient : « leur art était absolument subordonné à la volonté du Sénat » – alors même que Montesquieu cite le texte latin cum senatus populusque adsciuerit, « quand le sénat et le peuple les manderont », ce qui implique qu’il ne s’agit pas d’une négligence due à un souvenir approximatif. Le détournement est donc avéré, pour renforcer la thèse d’une domination absolue du peuple par le sénat37.
Ce peuple mérite-t-il autre chose, lui que « des fanatiques et des séditieux38 » ? L’écart est ainsi creusé entre le peuple ou la religion « populaire » et l’élite sénatoriale, composée de « gens éclairés et qui connaissaient également le ridicule et l’utilité des divinations39 ». Se manifestent ainsi une méfiance profonde envers le peuple et un mépris complet pour sa crédulité « qui est toujours au-dessus du ridicule et de l’extravagant40 » ; les Romains dans leur immense majorité apparaissent ainsi doublement inaccessibles à la raison, celle qui pousse à l’intérêt général (et qui relève donc du politique) et celle qui incite à se défier du merveilleux. Quant aux « gens éclairés », ils se définissent ainsi parce que, loin de vouloir corriger ces faiblesses ou même de se contenter de les contourner, ils en prennent la mesure, les utilisent et les renforcent.
Cette vision duale ne se retrouve guère ultérieurement chez Montesquieu ; dans les Considérations sur les Romains comme dans L’Esprit des lois, Montesquieu envisagera plutôt le peuple comme détenteur d’une partie du pouvoir, même si celui-ci est canalisé et habilement orienté41 ; quant à ses croyances et à ses mœurs, elles doivent être respectées42. Les Considérations insistent constamment pour leur part sur l’unité du
peuple romain, y compris lorsqu’elles évoquent les divisions sociales qui garantissent sa liberté43 ; toutes les forces sont rassemblées vers un même but, celui-là même que se proposent les seuls magistrats « éclairés » dans la Dissertation. Il s’agit donc d’une interprétation que Montesquieu abandonnera, mais qui constitue sans aucun doute le point le plus fort de sa démonstration de 1716.
Cette vision politique, on l’a dit, paraît relativement peu nouvelle, dans la mesure où elle s’inscrit dans le droit fil de Machiavel, et plus particulièrement des Discours politiques sur la première décade de Tite-Live : « Numa voyant donc un peuple féroce et voulant le réduire à se soumettre aux lois de l’État et à savoir vivre en paix, il se tourna du côté de la religion44 ». Mais des différences apparaissent, car Numa, auquel l’histoire attribue traditionnellement l’institution de la religion romaine, et que Machiavel opposait pour cela fortement à Romulus45, est loin de jouer un tel rôle chez Montesquieu : la Dissertation ne dissocie pas le fondateur, Romulus, le roi sabin qui partagea quelque temps le pouvoir avec lui, Titus Tatius, et Numa, le deuxième roi de Rome, qui n’apparaît qu’en troisième position parmi les « législateurs romains46 ». Ce n’est pas un détail négligeable : Tite-Live et Plutarque avaient fait de Numa l’instigateur des bonnes mœurs et de la justice, lui conférant ainsi la réputation de roi religieux capable de donner lui-même l’exemple d’une conduite vertueuse47 ; par un nouveau glissement, Montesquieu n’en fait qu’un continuateur, ce qui dissout sa spécificité et son exemplarité48 et modifie quelque peu la thèse de Machiavel.
En effet, contre toute la tradition historique, ce qui dans la religion romaine pouvait renvoyer à la vertu et à une sage maîtrise des énergies, notamment le quadrillage des occupations humaines par des collèges
de pontifes créés par Numa, est occulté par la Dissertation, qui la réduit à un ensemble de cérémonies auxquelles on ne doit rien changer sous peine d’ébranler les fondements de la religion49. La notion de superstition trouve ainsi implicitement sa pleine justification. Selon Montesquieu, les successeurs de Numa n’osent rien ajouter à ce qu’il avait prescrit et se refusent ainsi à introduire « des principes et des règles de morale » : c’est aux lois, donc à des « institutions humaines », qu’il revient de régler les conduites, car « les [institutions] divines doivent être immuables comme les dieux mêmes50 ». C’est donc un élément essentiel du rôle joué par le roi religieux par excellence qui s’effondre ainsi, et un des aspects les plus remarquables de la thèse de Montesquieu, qui refuse à la religion romaine toute valeur morale.
Autre écart, ou plutôt nuance, par rapport à la thèse de Machiavel : Montesquieu trouve dans les Discours l’idée que les auspices sont souvent utilisés pour dissuader le peuple d’entreprendre des actions dangereuses ou pour l’entraîner au combat51, ce dont Tite-Live et Cicéron étaient de parfaits témoins. Montesquieu en fait une véritable règle, suivant la règle de proportionnalité que l’on a déjà vue52 et le principe selon lequel « ce qui était avantageux à la république se faisait sous de bons auspices53 ». Les auspices ne sont pas seulement détournés ou utilisés par des généraux habiles, ils sont créés pour être utilisés en ce sens. Sans doute est-ce là un des traits caractéristiques de la Dissertation de Montesquieu : elle vaut souvent moins par l’originalité de ses idées que par leur caractère radical, voire brutal – trait dont il se dépouillera bientôt, tant son écriture
semble se caractériser par la modalisation et sa pensée par le sens de la nuance –, fondé sur la généralisation d’exemples bien connus et sur la systématisation d’une interprétation univoque54.
La position de Montesquieu
De Romulus au triomphe du christianisme se déploie donc un même projet subtil et cynique, fondé sur la superstition soigneusement entretenue. La religion romaine ne saurait être dépeinte sous un jour plus noir. Néanmoins, on peut opposer à cela deux arguments de poids : d’une part, la tolérance, qui constitue une qualité générale du paganisme et qui donne à Rome un « esprit […] de douceur », les guerres de religion et les persécutions y étant inconnues55 ; or on sait l’importance de cette notion chez Montesquieu56 – en tout état de cause, il est remarquable qu’elle apparaisse chez lui aussi tôt et reste aussi constante ; d’autre part, la réussite d’un projet sorti tout armé de la tête des premiers rois de Rome : pendant plus de huit siècles, cette religion s’est maintenue et surtout a permis à Rome de devenir cet empire sans égal, réalisant parfaitement le dessein initial de ses « premiers législateurs » et montrant par là même qu’il était à la fois bien conçu et efficace – c’est une de ces conclusions pragmatiques qu’affectionne Montesquieu. La religion romaine ne le retient que dans la mesure où elle constitue un moyen d’expliquer le développement et les succès de Rome ; c’est pour lui un fait, dont il n’envisage pas les retentissements sur l’individu, sauf justement quand il en évoque la « douceur », par opposition aux troubles civils causés par une religion qu’il n’y a même pas besoin de nommer. Ainsi, le paganisme retrouve un lien que l’on ne soupçonnait pas avec la raison, puisque Montesquieu lui oppose le christianisme, si nuisible
à Rome57, l’intolérance devant être regardée comme « une éclipse entière de la raison humaine58 ».
On est ainsi incité à se demander ce que cette Dissertation révèle de la position même de Montesquieu : à travers une religion particulière mais surtout très spécifique, qu’apprend-on de l’idée qu’il se fait de la fondation des religions ? Revenons à l’origine même de la religion romaine, telle que l’évoque le début de la Dissertation. Là où Machiavel, suivant toute l’historiographie antique, voyait l’utilisation d’une religion diffuse et surtout première, Montesquieu semble voir une véritable invention : loin d’apparaître comme un besoin de l’esprit humain ou comme fondation immémoriale (ce qui permettrait de lui assigner comme origine quelque intervention divine ou de la supposer innée chez les créatures), la religion est désignée d’entrée comme de création délibérée, non comme une évidence procédant de l’existence même de Dieu59. On est alors loin de Machiavel, pour qui « les temps d’alors étaient remplis de dévotion », ce qui permettait à Numa de faire admettre au peuple « toutes les nouveautés qu’il lui plaisait60 ». Une telle argumentation semblerait placer Montesquieu dans le camp des athées61, ce qui pourrait faire donner un autre sens à cette phrase : « ce peuple qui se met si facilement en colère a besoin d’être arrêté par une puissance invisible62 ». Ce dernier terme, qui généralement désigne la Providence ou quelque divinité63, pourrait
ici renvoyer à la force de la superstition, ou même à la mainmise des politiques, d’autant plus invisible qu’elle se doit d’être dissimulée pour être efficace. Mais comment est-il possible de concilier cela avec ce que l’on sait de l’horreur profonde que Montesquieu a souvent montrée pour l’athéisme64 ? S’agit-il d’un moment transitoire de sa réflexion ? Ou d’une formulation abrupte qui durcirait en apparence sa position pour mieux la distinguer de celle de ses prédécesseurs ? C’est sans doute cette seconde hypothèse qui paraît la plus convaincante : ce ne sont pas les dieux qu’ont créés les premiers rois, mais le culte – c’est sans doute ce qu’il faut entendre par « religion ».
Regardons de plus près l’argument selon lequel les plus sages n’étaient pas dupes – et en premier lieu Cicéron, qui a dénoncé les artifices des devins, comme on l’a vu avec le Discours sur Cicéron. Mais a-t-on affaire à l’idée traditionnelle qui préserve les hommes éclairés des superstitions du paganisme ? En fait Montesquieu s’en distingue, car c’est une chose de dissocier le vulgaire et le sage, qui par prudence garde pour lui ses opinions et les réserve à des écrits destinés à ses semblables, c’en est une autre de supposer que le second exploite, voire entretient, la superstition si souvent dénoncée comme le fléau des véritables philosophes, car elle risque de se retourner d’abord contre lui65. Quand les « gens éclairés » sont identifiés avec les hommes au pouvoir, ne doivent-ils pas être distingués des véritables philosophes ? Placer le vulgaire « sous le joug » de la crainte, est-ce une position digne du sage ? Et surtout, peut-on être religieux et instrumentaliser la religion ? Montesquieu ne se prononce pas sur ce point, mais il se garde bien de faire des magistrats des athées pour l’unique raison qu’ils « ne donn[ent] point dans la religion du peuple66 ». Le seul moderne qu’il cite dans la Dissertation est le néoplatonicien de Cambridge Ralph Cudworth, qui « a fort bien prouvé que ceux qui étaient éclairés parmi les païens adoraient une divinité suprême, dont les divinités du peuple n’étaient qu’une participation. […] Il était indifférent d’adorer la divinité même ou les manifestations de la divinité », car « le dogme de l’âme
du monde était presque universellement reçu67 ». Montesquieu ne peut dire plus clairement qu’il récuse l’athéisme. Autre conséquence : le fossé qui s’était creusé entre le vulgaire et les magistrats n’est plus si grand, puisqu’ils croient tous, sous des formes différentes, à la même divinité. Montesquieu admet en tout cas explicitement une forme de religion naturelle qui permet de concilier les superstitions les plus grossières et une religion épurée, celle que défendent les stoïciens68 ; les formules catégoriques qui semblaient faire de la religion une pure et simple invention humaine doivent donc être relues à la lumière de cette affirmation, longuement développée par des exemples et des citations – encore une fois Cicéron, par la bouche du stoïcien Balbus. La raison doit donc maintenir et guider la superstition, pour la plus grande gloire des Romains.
Un parcours intellectuel
Mais comment Montesquieu connaît-il Cudworth ? Les recherches en cours sur la bibliothèque et la culture de Montesquieu69 montrent sans guère de doute que Montesquieu ne lit pas l’anglais avant son séjour en Angleterre (1729-1731) – s’y serait-il essayé auparavant et saurait-il des bribes de cette langue sans vraiment la maîtriser qu’il n’aurait pu retenir grand chose d’un ouvrage aussi touffu que The True Intellectual System of the Universe70. Il existe nécessairement un intermédiaire. Est-ce Bayle, qui s’oppose vivement à Cudworth et est obligé pour cela d’exposer les thèses de l’adversaire ? Pierre Rétat a montré comment les pages que Montesquieu a gardées de « quelques fragments faits dans [s]a jeunesse », dans des « réflexions contre le paradoxe de
Bayle71 », témoignent d’une lecture approfondie de ses divers ouvrages ; or elles évoquent Cudworth, car elles reprennent la critique baylienne des « natures plastiques », notion développée par le philosophe anglais. Mais il a aussi montré qu’il faut remettre en cause l’idée selon laquelle Montesquieu serait imprégné de la lecture de Bayle à l’époque de la Dissertation et qu’il se contenterait d’y appliquer ce qu’il a lu chez lui ; la mention de Cudworth est en l’occurrence décisive, car Bayle rejette violemment et constamment l’unité de la divinité fondée sur le dogme de l’âme du monde72, où il ne voit qu’un « composé bizarre et monstrueux73 », les thèses de Cudworth lui paraissant elles-mêmes relever d’efforts désespérés pour ramener toutes les formes d’athéisme ou de polythéisme à un monothéisme – une remarque elliptique des Notes sur Cicéron semble bien témoigner que Montesquieu retient sa remarque. Il faut donc trouver un autre cheminement.
Il est patent qu’il faut continuer à prendre Bayle pour point de départ obligé : n’est contestable que l’idée que Montesquieu lui doit tout ; mais son influence est certaine, et l’association avec le nom de Cudworth montre quel rôle il a pu jouer. Cela m’amène à revenir à la phrase de Polybe sur les avantages que la « superstition » donne aux Romains, car cette citation se trouvait chez Bayle, au cœur d’une réflexion d’ensemble sur la justification politique des religions païennes74 ; on a là manifestement le germe de la démarche de Montesquieu, car si d’une citation de Cicéron et d’une référence à saint Augustin, auteurs canoniques et inévitables sur le sujet, on ne saurait inférer que Montesquieu les emprunte à Bayle, la mention de Polybe a beaucoup plus de sens : ce n’est pas un auteur que Montesquieu connaît bien, on n’en a pas chez lui de traces de lectures, et les références à son œuvre sont très peu nombreuses ; il est donc très
probable qu’il ne connaît qu’indirectement le texte de l’auteur grec75, et que c’est bien de Bayle qu’il faut partir. Et si la thèse de la Dissertation peut entretenir une parenté avec celle de Machiavel, elle doit beaucoup à l’auteur protestant.
La lecture de Bayle, qui fournit de nombreuses citations de Cicéron, un des païens éclairés qui montre le mieux la déraison de la religion populaire, ne peut qu’inciter Montesquieu à revenir à cet auteur, plus précisément au De divinatione et au De natura deorum, dont il fait une relecture attentive, comme l’attestent les nombreuses notes en marge de son édition – relecture postérieure à celle de Bayle et fortement marquée par lui, comme on l’a dit. On supposera sans grand risque d’erreur qu’un lecteur aussi attentif a aussi le désir d’aller chercher à propos de Cudworth une information plus proche de l’original, qui lui est interdit tant qu’il ne pratique pas l’anglais, et de ne pas s’en tenir au seul Bayle. Celui-ci, qui se plaint de ne pas savoir l’anglais76, est lui-même obligé de s’en remettre à Jean Le Clerc, dont la Bibliothèque choisie s’était longuement, et plusieurs années de suite, étendue sur l’ouvrage de Cudworth77 : c’est en fait contre Le Clerc qu’il bataille quand il attaque les « natures plastiques » du philosophe anglais et qu’il critique sa manière de réfuter les différentes formes d’athéisme. Cette discussion polémique doit conduire assez naturellement un bon lecteur de Bayle à la Bibliothèque choisie. C’est là qu’il trouve exposée la doctrine de « l’Être unique qui gouverne le monde », dont les « différentes manifestations », « images sensibles d’un Dieu invisible », devaient faire l’objet d’un culte78, non sans critiques de la part de Le Clerc, qui proposait une autre méthode pour reconstituer l’histoire du paganisme. Cette lecture bienveillante, voire admirative, mais capable de critique, avait donc tout pour l’intéresser.
Un détail vient confirmer cela. Montesquieu, après avoir cité le Balbus de Cicéron, mentionne un auteur peu connu : « Nous en saurions davantage si nous avions le livre qu’Asclépiade composa, intitulé L’Harmonie de toutes les théologies79 ». Quelle est la probabilité que Montesquieu, qui aurait dû pour cela pousser fort loin l’étude de la théologie antique, ait connu Asclépiade de Phlionte et le titre de son ouvrage ? Elle est encore plus faible que celle d’avoir lu Polybe. Un passage de Bayle signalait cet auteur, mais dans une note marginale80, sans mentionner de titre et seulement parce que Le Clerc, qu’il citait, critiquait l’usage qu’en faisait Cudworth ; mais Le Clerc fournissait et le nom et le titre81. Le parcours est donc avéré, et l’intermédiaire ne saurait être plus clairement désigné. La route de Rome à Rotterdam menait jusqu’à Amsterdam, sans passer par Cambridge, sinon en pensée ; elle avait en tout cas surtout conduit Montesquieu en terre protestante, et en des domaines qu’il découvrait.
Mais on peut suivre Montesquieu encore un peu plus loin sur cette voie : on sait qu’en août 1717, il achète en bloc vingt-deux des vingt-sept volumes de la Bibliothèque choisie82. N’est-ce pas parce qu’il en a découvert les mérites l’année précédente, à l’occasion de la rédaction de la Dissertation ? Bayle lui aura donc fait découvrir beaucoup plus que les longs extraits de Cudworth : un périodique ouvert aux idées anglaises, sensible à la liberté de penser et soucieux de traiter au mieux des questions religieuses83, et qui l’intéressera au point qu’il en tirera un extrait84. Quant à l’ouvrage de Cudworth, Montesquieu finira par l’acquérir, puisqu’il entrera dans le catalogue de la bibliothèque de La Brède, mais seulement entre 1734 et 173985 : l’intérêt suscité par la religion des Romains n’aura donc pas été un feu de paille.
Prolongements
Mais il est d’autres passages de la Dissertation qui sont loin d’être négligeables. Est-il indifférent que la confusion entre les religions égyptienne, juive et chrétienne soit longuement évoquée ? Certes c’est une manière de signaler l’ignorance des Romains à leur égard ; mais Montesquieu n’en use pas, ainsi qu’on le fera si souvent au xviiie siècle, comme d’un moyen de tourner en dérision les prétentions d’une religion qui mit plusieurs siècles à triompher ; cela lui permet surtout de suggérer, sans en dire un seul mot, un rapprochement évident entre le clergé égyptien86 et un clergé plus moderne et plus proche, et de souligner l’avantage qu’avaient les Romains, dont les prêtres étaient magistrats et pleinement liés à la vie civile87 – Montesquieu prend soin pour cela de s’appuyer encore sur Cicéron. Les Égyptiens entretiennent « aux dépens du public » un corps aux intérêts « violemment séparés de ceux de l’État » – en un mot, un « monstre88 ». Il se garde bien ici d’indiquer la moindre source ; aurait-il lu Plutarque89, Diodore de Sicile ou Hérodote, il n’y aurait trouvé qu’une évocation élogieuse ou neutre de ce corps fort respecté en Égypte. L’idée, suffisamment claire une fois qu’est énoncée la distinction entre l’Égypte et Rome, se développe donc pour elle-même, et les Égyptiens n’en sont que le prétexte. Montesquieu pousse le raisonnement plus loin : pourquoi les Romains se sont-ils ainsi acharnés contre la religion égyptienne (donc contre celles avec lesquelles ils la confondaient) ? Parce « qu’elle était intolérante, qu’elle voulait régner seule », en s’opposant à cet « esprit de douceur et de paix qui régnait chez les Romains90 ». Nul besoin d’en dire plus.
On est ainsi tenté de rapprocher la Dissertation d’un « ouvrage sur les prêtres dans le paganisme » qu’il avait « jeté au feu », selon
son propre témoignage dans les Pensées91. Depuis Louis Desgraves, on répète que cet ouvrage avait été écrit en 1711, quand il avait vingt-deux ans – il serait donc largement antérieur à la Dissertation. Mais la source de cette information indique tout autre chose : « Il fit à l’âge de vingt-deux ans92 un ouvrage, en forme de lettres, dont le but était de prouver que l’idolâtrie de la plupart des païens ne paraissait pas mériter une damnation éternelle93 ». Ce dernier ne peut constituer qu’une critique franche, mais mesurée (« ne paraissait pas mériter ») du christianisme, sur un point central du dogme94, alors que l’ouvrage sur les prêtres païens a certainement une autre fin : on a toute chance d’y retrouver le même anticléricalisme virulent appuyé sur l’idée, tout aussi constante chez Montesquieu, qu’il est dangereux de constituer les religieux en un corps particulier. Les prêtres païens pourraient bien avoir été des prête-noms, d’autant que ce qu’il reste de cet ouvrage dans les Pensées renvoie clairement au clergé français. La Dissertation n’aurait-elle pas été le point de départ de cet ouvrage qui risquait fort de devenir dangereux ?
L’Académie de Bordeaux était-elle le cadre idéal pour accueillir pareil discours ? Nouvellement créée par des lettres patentes du roi (1712), elle est alors restreinte à un cénacle de propriétaires terriens et de parlementaires, certes avides de nouveauté, mais surtout portés aux travaux scientifiques et sans doute peu désireux d’entamer des discussions touchant de près ou de loin à la religion, et en tout cas à l’histoire. Toujours est-il que Montesquieu n’a pas lu à l’Académie le Discours sur Cicéron, et qu’il a gardé dans l’intimité de son cabinet les notes qu’il avait inscrites dans les marges des Opera de Cicéron. La Dissertation, si éloignée de ce qu’il pensera plus tard de la superstition, montre déjà combien il est favorable à la tolérance, et combien la réflexion sur le paganisme l’oriente vers la compréhension (et la critique) du christianisme. Sur ce chemin, il trouve des modernes, Cudworth, Le Clerc, Bayle. Mais son véritable guide restera toujours
Cicéron, bien longtemps après qu’il aura inscrit en tête de ses œuvres une profession de foi et de raison :
Je n’ai pu m’empêcher en lisant ces merveilleux ouvrages de charger mes [marges] de quelques réflexions, et je les ai faites dans la liberté de la philosophie. J’ai souvent fait abstraction d’une religion que je révère, et comme il est impossible d’être philosophe et théologien tout ensemble, parce que ce qui es[t] selon l’ordre de la nature n’a point de rapport à ce qui est selon l’or[dre] de la grâce, je me suis souvent mis à la place du païen dont je lis[ais] les ouvrages, bien résolu de rentrer aussitôt dans le devoir et de quitt[er] en sortant ces sentiments à la porte de mon cabinet95.
Catherine Volpilhac-Auger
IHRIM (UMR 5037), CNRS – ENS Lyon
Institut Universitaire de France
1 Lettre 31, dans Montesquieu, Œuvres complètes, t. I, Oxford, Voltaire Foundation, t. I, 2004 (la numérotation des lettres est celle de cette édition, conforme à celle de l’édition originale de 1721). L’orthographe de toutes les citations a été modernisée.
2 Lettre 137.
3 Lettre 131.
4 Discours sur Cicéron, Pierre Rétat éd., dans Montesquieu, Œuvres complètes, t. VIII, Oxford, Voltaire Foundation, 2003, p. 126.
5 Ibid., p. 127.
6 Cf. Lettres persanes, Lettre 11, à propos de l’apologue des Troglodytes : « il y a de certaines vérités qu’il ne suffit pas de persuader, mais qu’il faut encore faire sentir : telles sont les vérités de morale ; peut-être que ce morceau d’histoire te touchera plus qu’une philosophie subtile » [nous soulignons]. Loin de reprendre l’opposition topique entre convaincre et persuader, qui assigne généralement au premier le raisonnement, la démonstration purement rationnelle, et au second l’adhésion plus spontanée, peut-être irréfléchie, fondée sur des émotions ou des sentiments, Montesquieu désigne, avec faire sentir, un degré supérieur de conviction ou d’adhésion. On notera que dans les deux cas, il s’agit de morale.
7 Discours sur Cicéron, p. 128. Cela permet aussi à Montesquieu de critiquer, à travers Sénèque, les stoïciens « rigides ». Voir Catherine Larrère, « Le stoïcisme dans les œuvres de jeunesse de Montesquieu », dans Montesquieu, les années de formation (1689-1720), C. Volpilhac-Auger dir., Naples, Liguori, 1999, « Cahiers Montesquieu », no 5, p. 163-183. Je renvoie aussi au Traité des devoirs, dont on n’a conservé qu’une trace indirecte, mais où l’influence de Cicéron est nécessairement prépondérante : voir l’édition qu’en a procurée Sheila Mason, Œuvres complètes, t. VIII, p. 429-439.
8 « Quel plaisir de le voir dans son livre De la nature des dieux faire passer en revue toutes les sectes, confondre tous les philosophes et marquer chaque préjugé de quelque flétrissure ! Tantôt il combat contre ces monstres, tantôt il se joue de la philosophie ; les champions qu’il introduit se détruisent eux-mêmes ; celui-là est confondu par celui-ci, qui se trouve battu à son tour ; tous ces systèmes s’évanouissent les uns devant les autres, et il ne reste dans l’esprit du lecteur que du mépris pour les philosophes et de l’admiration pour le critique » (Discours sur Cicéron, p. 127).
9 Voir mon article dans Asterion, no 13 (2013) [http://asterion.revues.org/2444]. Ce fonds, conservé au château de La Brède jusqu’en 1994, a fait l’objet d’une dation et d’une donation par la comtesse de Chabannes. Voir Louis Desgraves, Inventaire des documents manuscrits des fonds Montesquieu de la bibliothèque de Bordeaux, Genève, Droz, 1998. La publication des Notes sur Cicéron doit intervenir en 2016 au tome XVII des Œuvres complètes de Montesquieu (Lyon-Paris, ENS Éditions et Classiques Garnier).
10 Montesquieu possédait la quatrième édition, 1704-1705, des Pensées diverses écrites à un docteur de Sorbonne à l’occasion de la comète qui parut au mois de décembre 1680 (Rotterdam, Reiner Leers, 4 vol. avec la Continuation des Pensées) : voir C. Volpilhac-Auger, Bibliothèque virtuelle Montesquieu [désormais BVM], ENS de Lyon, montesquieu.huma-num.fr, no 1521.
11 Il faut mettre à part le Mémoire sur les dettes de l’État (1715), qui répond à un appel du Régent et relève d’un autre type d’écrit, ainsi que son bref et rhétorique discours de réception dans cette académie (voir Œuvres complètes, t. VIII). J’envisage plus loin un ouvrage perdu, signalé par les Pensées. Voir l’édition de la Dissertation donnée par Lorenzo Bianchi, Œuvres complètes, t. VIII, p. 75-98.
12 Il hérite en 1716 de la charge de président à mortier que lui avait transmise son oncle.
13 Montesquieu, Pensées. Le Spicilège, Louis Desgraves éd., Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1991.
14 S’il est facile de dater la transcription, il est beaucoup plus complexe de connaître la période à laquelle remonte la version initiale de chaque article.
15 Pensées, no 969.
16 Voir la page préliminaire, qui témoigne des hésitations de rédaction de Montesquieu.
17 Pensées, no 969.
18 Voir aussi Pensées, no 825 : « Ce qui me prouve la nécessité d’une révélation, c’est l’insuffisance de la religion naturelle, vu la crainte et la superstition des hommes ; car, si vous aviez mis aujourd’hui les hommes dans le pur état de la religion naturelle, demain ils tomberaient dans quelque superstition grossière ». Cet article est recopié il est vrai beaucoup plus tard (après 1734).
19 Voir par exemple d’Édith Flamarion l’article « Jésuites » dans le Dictionnaire Montesquieu, C. Volpilhac-Auger dir., ENS de Lyon, (2008) 2013 [dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr].
20 « J’appelle la dévotion une maladie du corps, qui donne à l’âme une folie dont le caractère est d’être la plus incurable de toutes » (Pensées, no 1405).
21 Voir Pensées, no 231, 1931 etc.
22 Pensées, no 836.
23 C. Larrère, « Le stoïcisme dans les œuvres de jeunesse de Montesquieu », p. 170.
24 Ibid., p. 83 (incipit de la Dissertation).
25 Le mot revient un peu plus loin : « Les magistrats y jugeaient à leur fantaisie de la bonté des auspices » (respectivement p. 83 et p. 87).
26 Dissertation, p. 86.
27 La « vue générale » des législateurs romains « était d’inspirer à un peuple qui ne craignait rien la crainte des dieux, et [de] se servir de cette crainte pour les conduire à leur fantaisie » (Dissertation, p. 83). Le thème de la crainte des dieux est celui que retient au premier chef Tite-Live (Histoire romaine, I, 19) ; chez Plutarque, Vie de Numa, ce n’est qu’un des aspects du rôle de ce roi.
28 Dissertation, p. 85. Voir aussi un peu plus loin : « Les augures et les haruspices étaient proprement les grotesques du paganisme ; mais on ne les trouvera point ridicules si l’on fait réflexion que dans une religion toute populaire comme celle-là, il n’y avait rien d’extravagant ; la crédulité du peuple réparait tout chez les Romains » (p. 85-86).
29 De divinatione, I, 40, cité p. 95. La citation est erronée (elle porte rempublicam vexerunt, « ils ont tourmenté l’État », au lieu de rempublicam rexerunt, « ils ont gouverné l’État ») ; mais le copiste qui œuvre dans ce manuscrit, tiré des archives de l’Académie de Bordeaux, commet aussi plusieurs barbarismes manifestant qu’il connaît mal le latin. On ne saurait donc rien inférer de cette erreur, d’autant que Montesquieu traduit par « ont gouverné ». Quant aux guillemets, ils sont mal placés par le même copiste : ils ne devraient pas inclure ce qui constitue en fait le commentaire de Montesquieu, précédant la citation de Cicéron.
30 Voir Dissertation, p. 85, et Polybe, VI, 56, traduit par Du Ryer, Paris, Augustin Courbé, 1655, p. 409 : « Et je crois que ce qui est imputé à vice parmi les autres nations est ce qui conserve la république romaine, je veux dire la superstition ». Je reviens plus loin sur ce passage.
31 Dissertation, p. 86.
32 Ibid.
33 C’est en ce sens que l’interprète Sarrau de Boynet, chargé par l’Académie de Bordeaux de présenter la « résomption » de la Dissertation (p. 99).
34 Dissertation sur les motifs qui doivent nous encourager aux sciences, 1725 (OC, t. VIII, p. 489-502), et Pensées, no 1265.
35 Pour la bibliographie suscitée par cette question, voir L. Bianchi, « Nécessité de la religion et de la tolérance chez Montesquieu. La Dissertation sur la politique des Romains dans la religion », dans Lectures de Montesquieu, Edgar Mass dir., Naples, Liguori, « Cahiers Montesquieu », no 1, 1993, p. 25-39, note 5.
36 De legibus, II, 20-21, p. 85.
37 On relèvera comme moins marquée la traduction de « comitiorum enim nom habendorum causas esse voluerunt » (De divinatione, II, 35) : « pour fournir un prétexte aux magistrats de rompre les assemblées du peuple » ; l’idée de prétexte n’est pas formellement exprimée, mais elle est patente.
38 De legibus, II, 20-21, p. 85.
39 Ibid., p. 86.
40 Ibid., p. 98 (dernière phrase de la Dissertation).
41 L’Esprit des lois, XI, 12-18. Voir Patrick Andrivet, « Rome : Peuple, plèbe », Dictionnaire Montesquieu, C. Volpilhac-Auger dir., ENS de Lyon (2008), 2013 [dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr].
42 Bien qu’elles procèdent d’une forme d’irrationalité, comme sa faculté de s’émouvoir devant des « spectacles », que nous appellerions aujourd’hui « images » : le corps sanglant de Lucrèce, la vue de Virginie, la robe sanglante de César (L’Esprit des lois, XI, 15).
43 Chapitre viii.
44 Discours politiques, I, 11 ; traduction d’Amelot de La Houssaye, Amsterdam, Henri Desbordes, 1692, p. 98, BVM, no 2400 (cité par L. Bianchi, p. 84 ; il s’agit de la traduction possédée par Montesquieu). L. Bianchi (« Nécessité de la religion et de la tolérance chez Montesquieu », note 28, p. 34) a fort justement tempéré l’idée, émise par Ettore Levi-Malvano (Montesquieu e Machiavelli, Paris, 1912) d’une pure et simple reprise de cet ouvrage.
45 « […] s’il s’agissait de déterminer auquel des deux princes Rome est le plus obligée […], il faudrait donner le premier rang à Numa, parce que là où la religion se trouve, l’on y peut bien introduire de la vertu militaire ; mais là où il n’y aura que de la vertu militaire sans la religion, on aura bien de la peine à l’y faire recevoir » (p. 101).
46 Dissertation, p. 83.
47 Histoire romaine, I, 19.
48 Dissertation, p. 84-85.
49 Ibid.
50 Dissertation, p. 84. Il est question plus loin (p. 96) du « plus sage prince dont l’histoire profane ait jamais parlé », un « grand homme [qui] ne chercha dans tout son règne qu’à faire fleurir la justice et l’équité », à propos de l’instauration des féciaux. Or les auteurs anciens divergent sur ce point : ont-ils été créés par Numa, Ancus Martius, Tullus Hostilius ? Les expressions citées plus haut semblent ne pouvoir s’appliquer qu’à Numa ; mais ce personnage exceptionnel n’est pas pour autant désigné comme fondateur d’une religion visant à épurer les mœurs : sous couvert de rite de déclaration de guerre, les féciaux relèvent d’une forme de diplomatie et nullement de ce qui prouverait ce goût de la justice entre citoyens.
51 Discours, I, xiii-xiv.
52 « Plus une chose était contraire à la raison humaine, plus elle paraissait divine » (Dissertation, p. 86).
53 Ibid. On observe le même procédé quand il est question des livres sibyllins, qui ne sont ouverts que sur ordre exprès du Sénat et ne servent qu’à « consoler les peuples » ; de plus, « toutes les interprétations étaient défendues ». Ils étaient évoqués dans les Discours, I, xiii ; mais Montesquieu érige en règle générale ce qui est présenté par Machiavel comme un exemple.
54 On pourrait y ajouter qu’à partir des Considérations sur les Romains, Montesquieu sera beaucoup plus sensible à l’évolution des esprits et aux changements historiques ; ici, de Romulus à César, on ne relève aucune différence notable. Il est vrai que cela fait partie de sa démonstration même : la religion romaine est définie comme une et intangible.
55 Dissertation, p. 92.
56 Voir en particulier L’Esprit des lois, XXV, et la Défense de L’Esprit des lois (Œuvres complètes, t. VII, Lyon-Paris, ENS Éditions-Classiques Garnier, 2010).
57 Voir Pensées, no 543 : « La religion chrétienne affaiblit l’Empire, d’abord comme non tolérée, et ensuite comme non tolérante ».
58 Lettres persanes, Lettre 83.
59 « Les législateurs romains […] firent la religion pour l’État et les autres l’État pour la religion » (p. 83).
60 Discours, I, xi, p. 103.
61 « La religion est si nécessaire pour le soutien de la société humaine qu’il est impossible, comme les païens aussi bien que les chrétiens le reconnaissent, qu’elle subsiste si l’on n’admet une puissance invisible qui gouverne les affaires du genre humain. […] Les athées même n’osent le nier, et c’est pourquoi ils supposent que la religion n’est qu’une invention des politiques pour tenir plus facilement la société en règle ». Jean Le Clerc présente ici l’introduction de l’audacieux ouvrage anonyme de Matthew Tindal The Rights of the Christian Church (1702), dans la Bibliothèque choisie (t. X, 1706, p. 322-323).
62 Dissertation, p. 85. Ce texte est souvent cité sous la forme « puissance invincible » ; mais il ne s’agit que d’une coquille des Œuvres complètes dans l’édition de la Pléiade (éd. Roger Caillois, t. I, 1949, p. 82) ; dès les premières éditions de l’ouvrage (Montesquieu, Œuvres, Paris, Plassan, Bernard et Grégoire, 1796 [1797], t. IV ; Œuvres posthumes, 1798, t. III, p. 15) était fournie une leçon conforme à celle du manuscrit.
63 Cf. Bayle, Continuation des Pensées diverses sur la comète, Rotterdam, Reinier Leers, 1705, p. 657 : les païens ne pouvaient espérer qu’« ils recevraient du secours d’une puissance invisible ».
64 Voir notamment Pensées, no 1266 : copie d’un passage du Traité des devoirs, rédigé vers 1725. Voir à ce sujet Denis de Casabianca, « Des objections sans réponse ? À propos de la tentation matérialiste de Montesquieu dans les Pensées », Revue Montesquieu, no 7, 2004, p. 135-156, qui conclut plutôt à une tentation « physicienne » de Montesquieu.
65 Voir Pensées, no 969.
66 Dissertation, p. 91.
67 Dissertation, p. 91-92. Sur l’« invention » de la distinction entre polythéisme vulgaire et monothéisme éclairé, qui remonte à Selden (De diis Syris, 1617) et sur son développement à partir de Cudworth, voir Jan Assmann, Religio duplex. Comment les Lumières ont réinventé la religion des Égyptiens, trad. fr. Jean-Marc Tétaz, Paris, Aubier, Collection historique, 2013, notamment chapitres i-iii.
68 C. Larrère, « Le stoïcisme dans les œuvres de jeunesse de Montesquieu », p. 170-173.
69 Voir C. Volpilhac-Auger, BVM, « Présentation », « Le Catalogue de La Brède », « La bibliothèque », « Annexe documentaire ».
70 Cet ouvrage, publié en 1678, n’est pas traduit (en latin) avant 1733, à Iéna.
71 Pensées, no 1946.
72 P. Rétat (Le Dictionnaire de Bayle et la lutte philosophique au xviiie siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1972, p. 280-281) a réfuté de manière parfaitement convaincante cette interprétation, qui était celle de Robert Shackleton (« Bayle and Montesquieu », dans Pierre Bayle, le philosophe de Rotterdam, P. Dibon dir., Paris, Vrin, 1959, p. 142-149). R. Shackleton s’appuyait surtout sur deux rapprochements ponctuels (une référence et une citation identiques : Cicéron et saint Augustin) avec la Dissertation. P. Rétat a fait valoir que les idées développées dans les passages cités des Pensées diverses et de la Continuation des Pensées diverses sont notablement différentes de celles que l’on trouve dans la Dissertation.
73 Continuation des Pensées diverses, § 26, « Si l’on peut dire que quelques païens ont connu l’unité de Dieu », p. 121.
74 Ibid., § 71, p. 356-357 ; voir aussi Pensées diverses, § 108.
75 On peut y ajouter un argument à manier avec prudence, car il ne peut être qu’indicatif : il ne possède pas la traduction de Du Ryer évoquée ci-dessus ; le seul texte de Polybe qui apparaît dans le catalogue de sa bibliothèque, Les cinq premiers livres des Histoires de Polybe traduits par Maigret, Lyon, Jean de Tournes, 1558 (BVM, no 2635), ne présente pas ce passage (VI, 54).
76 Continuation des Pensées diverses, § 66, p. 332.
77 Dans les tomes I-II (1703), III (1704), V (1705), VII-IX (1705-1706), de ce périodique dont Jean Le Clerc, protestant qui vit alors à Amsterdam, est l’unique auteur.
78 Bibliothèque choisie, t. III, 1704, p. 49-50. Le titre même de l’article I « Que les païens les plus éclairés ont cru qu’il n’y a qu’un Dieu suprême » est proche de la formulation retenue par Montesquieu (« ceux qui étaient éclairés parmi les païens adoraient une divinité suprême »). On relèvera aussi le terme « manifestations », présent dans les deux textes.
79 Dissertation, p. 92.
80 Continuation des Pensées diverses, § 68, p. 343.
81 Bibliothèque choisie, t. III, p. 80. Dans l’ouvrage de Cudworth, il apparaît sous le titre Symphony of all the Pagan Theologies (chap. iv, p. 461).
82 BVM, no 2570.
83 Voir la notice que lui consacre Robert Granderoute dans le Dictionnaire des journaux (Jean Sgard dir., 1991) : http://dictionnaire-journaux.gazettes18e.fr/journal/0150-bibliotheque-choisie (UMR LIRE, no 5611 et ISH, USR 3385) : la Bibliothèque choisie permet de faire connaître aux lecteurs français des ouvrages anglais ou en anglais (parmi lesquels la Cosmologia Sacra, 1701, de Nehemiah Grew), ainsi que de grands érudits, et bien sûr un certain nombre de querelles dans lesquelles Le Clerc lui-même est engagé.
84 Spicilège, no 118.
85 BVM, no 1470.
86 Les prêtres étaient « brouillons, inquiets, entreprenants, et ces qualités les rendaient extrêmement dangereux » ; « gagés pour ne rien faire », ils languissaient dans l’oisiveté (Dissertation, p. 95).
87 Comme le fait remarquer l’annotation de L. Bianchi, l’idée sera pleinement reprise dans les Romains (voir notamment xxii).
88 Dissertation, p. 95.
89 Isis et Osiris.
90 Dissertation, p. 92.
91 Pensées, no 2004.
92 Ou peut-être « vingt-quatre », le manuscrit n’étant pas clair.
93 « Mémoire pour servir à l’histoire de M. de Montesquieu par M. de Secondat, son fils », dans C. Volpilhac-Auger, Montesquieu, Paris, PUPS, « Mémoire de la critique », 2003, p. 250.
94 Montesquieu s’y intéresse dans le Spicilège, à propos d’Origène (no 535).
95 Notes sur Cicéron, fin de la remarque initiale (les passages entre crochets ont été restitués).
- Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN : 978-2-406-06300-1
- EAN : 9782406063001
- ISSN : 2271-7234
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06300-1.p.0085
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 13/09/2016
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Lumières, Montesquieu, rationalité, Cicéron, presse périodique