Nouvelles entreprises, progrès ou statut quo ? Approche juridique comparée
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Entreprise & Société
2019 – 1, n° 5. varia - Auteurs : Morteo (Margaux), Tchotourian (Ivan)
- Pages : 85 à 111
- Revue : Entreprise & Société
Nouvelles1 entreprises,
Progrès ou statut quo2 ?
Approche juridique comparée
Margaux Morteo
Université Laval Québec,
Faculté de droit
Centre d’études en droit économique (CÉDÉ)
Ivan Tchotourian
Université Laval Québec,
Faculté de droit, Centre d’études en droit économique (CÉDÉ), Chercheur régulier de l’Institut EDS, Membre-fondateur
du Laboratoire Interdisciplinaire
sur la Responsabilité Sociale
des Entreprises (LIRSE)
S’il fallait décrire les évolutions actuelles du marché en un mot, ce dernier serait celui du changement. Au même titre que plusieurs 86concepts économiques, la gouvernance d’entreprise a subi et, vit encore, des bouleversements qui sont la suite d’un élan qui remet en cause les fondements du capitalisme. Pour comprendre les enjeux qui occupent aujourd’hui la doctrine, « ([o]n ne peut […] étudier l’évolution du gouvernement d’entreprise sans rappeler les phases du capitalisme financier, ses avancées et ses dérives » (Ben Barka et Marco, 2017, p. 39).
La gouvernance d’entreprise (ou corporate governance) est définie comme « […] le système par lequel les compagnies sont dirigées et contrôlées » (Cadburry, 1992, par. 2.5). Elle puise ses origines dans une riche littérature qui a élaboré différentes théories dont les objectifs divergent radicalement (MacLeod Heminway, 2012). Au cours du xviiie siècle, Adam Smith a construit la théorie de la « main invisible » des marchés selon laquelle l’économie génère spontanément un équilibre, sans que le droit n’intervienne (Smith, 1989 [1776], p. 256). Au milieu du xxe siècle, Adolf Berle et Gardiner Means ont analysé l’entreprise et ont tiré de leurs observations que les propriétaires (les actionnaires) et les décisionnaires de l’entreprise (les dirigeants) étaient dissociés (Berle et Means, 1932). Ils ont observé qu’une séparation des pouvoirs s’est opérée entre les actionnaires, la direction et le conseil d’administration. La gouvernance de l’entreprise s’est alors organisée sur des modèles développés habituellement dans les sciences politiques, financière et de gestion. La théorie de l’agence a alors pris forme. Au sein de l’entreprise, ses acteurs ont des intérêts différents, ce qui conduit à une relation qualifiée de contractualiste entre un principal (les actionnaires) qui délègue un travail à un agent (le dirigeant) chargé de l’effectuer (Tchotourian, 2011, p. 66 ; Hansmann et Kraakman, 2004 ; Eisenhardt, 1989, p. 58 ; Jensen et Meckling, 1976 ; Alchian et Demsetz, 1972). Aujourd’hui, cette relation à deux est nuancée (Eisenhardt, 1989, p. 58 ; Perrow, 1986, p. 224), voire perçue pour certains comme un mythe et non une réalité (Tchotourian et al., 2017, p. 8 et suiv.). En ce sens, Merrick Dodd avait déjà défendu dans les années 30 le fait que les intérêts des parties prenantes devaient être considérés « […] in tandem with those of other corporate constituences and those of society at large » (Springer, 1999, p. 87 ; et aussi : Dodd, 1932). Mais, la gouvernance d’entreprise n’a pas entendu et a pris un nouveau tournant avec la position soutenue par Milton Friedman. Selon lui, l’entreprise a pour seule vocation la maximisation des profits pour les actionnaires (Friedman (1970), soit le shareholder model of business (Bratton, 872002, p. 8), et de ce fait, aucune autre responsabilité ne doit peser sur les administrateurs et les dirigeants, qui ne doivent s’assurer que du seul retour financier pour les actionnaires (Wartick et Cochran, 1985, p. 759 et aussi : Klein et Coffee, 2006). Consacrée par la jurisprudence américaine dans l’arrêt Dodge v. Ford, cette position a été réaffirmée dans plusieurs décisions subséquentes (Dodge v. Ford Motor Co., 1919 ; Katz v. Oak Indus., Inc. 1986 ; Gans v. MDR Liquidating Corp., 1998 ; Pittelman v. Pearce, 1992 ; Bank & Trust Co. v. Hunt Int’l Res. Corp., 1987). La loi s’est alignée sur ces considérations puisque « nombre de réformes législatives […] ont été inspirées par l’idée que l’actionnaire mérite, en tant qu’associé, une attention particulière et une protection renforcée par les méthodes du droit des sociétés et du droit des marchés financiers » (Tchotourian et Bernier, 2014, p. 27-28). En réponse, la théorie des parties prenantes (« stakeholder theory ») a vu le jour notamment grâce à Edward R. Freeman qui a considéré que l’entreprise devait prendre en compte les intérêts non-financiers (Freeman, 1984). Au début des années 90, l’engouement pour la stakeholder theory a pris de l’ampleur dans la doctrine, concomitamment avec l’intérêt des entreprises à cet égard (Aggieri et Aquier, 2005). Archie B. Carroll a élaboré une « pyramid of social responsability » en 1991 qui catégorise la prise en compte de cette théorie par les entreprises (Carroll, 1991 ; Rodic, 2007, p. 20). Cette évolution a conduit à renforcer la responsabilité sociale des entreprises (ci-après « RSE »), concept devenue par la suite incontournable du droit des affaires et de la gouvernance d’entreprise (Malecki, 2009, p. 9).
Dix ans après la crise financière de 2007-2008 (Vasudev et Watson, 2012 ; Sun et al. 2011 ; Magnier, 2010), des scandales liés à la gouvernance des entreprises continuent d’être révélés au grand jour (McGee, 2017 ; Rosen, 2003 ; Blair, 2003). Si le droit s’est pendant un temps délaissé des problématiques économiques, il s’est avéré nécessaire pour le législateur de limiter ces dérives. Mais, bien avant que le droit n’intervienne, la RSE proposait des solutions séduisantes pour les acteurs économiques frileux des règles strictes véhiculées par le droit dur (Cuzacq, 2012). Ces engagements volontaires ont su montrer une certaine efficacité, malgré les pratiques de greenwashing qui ont entaché la réputation des grandes entreprises. Dans la même veine, la finance sociale apparue depuis quelques temps propose une alternative au monde économique en faveur de la promotion d’une meilleure gouvernance et d’une démarche 88RSE « proactive » (Bakshi, 2012, p. 4). MaRS Centre for Impact Investing a publié un rapport en 2014 sur la question et a considéré que :
L’investissement d’impact (ou la finance sociale) suscite un intérêt grandissant aussi bien au Canada que sur la scène internationale. Ce type d’investissement, qui consiste à injecter des capitaux privés dans des projets et des entreprises qui visent à entrainer des retombées sociales mesurables, peut stimuler l’innovation dans le secteur social. L’investissement d’impact permet de concevoir et de mettre à l’essai des idées nouvelles susceptibles d’aider à remédier aux problèmes sociaux et d’appliquer à plus grande échelle les idées qui ont fait leurs preuves. L’investissement d’impact peut encourager la collaboration entre le secteur sans but lucratif, le secteur privé et le secteur public, afin d’aider les personnes et les communautés à obtenir des résultats sociaux et économiques supérieurs. (MaRS Centre for Impact Investing, 2014, p. 4).
La finance sociale s’est considérablement développée en assimilant bien-être économique et bien-être social comme réponse à une économie source de dysfonctionnements (Borello et al., 2012, p. 179). Dans ce contexte, les acteurs économiques ont mené leur bataille avec l’outil dont ils disposaient : l’autorégulation. L’entreprise hybride (Segrestin et al., 2015 ; Segrestin et al., 2014 ; Jäger et Schröer, 2013) s’est progressivement installée dans les modèles d’affaires qui n’offraient qu’un choix entre secteur lucratif et secteur non lucratif. Avec cette entreprise, les entrepreneurs ont la possibilité de poursuivre une mission sociale tout en générant des bénéfices distribuables, mais limités (Defourny et Nyssens, 2013, p. 12-15). Elle intègre des notions auparavant écartées des affaires, comme la limitation de la lucrativité et la systématisation de la vision à long terme de l’activité (Borello et al., 2012, p. 179). Alors que la certification privée B Corp est en constante progression dans le monde (Chen et Kelly, 2015, p. 102), les législations ont elles-mêmes évolué et reconnaissent désormais de plus en plus l’entreprise hybride. Cette innovation juridique ne peut être sans conséquence. Qu’en est-il de la gouvernance d’entreprise de ces nouvelles entreprises ? Le contenu du devoir des administrateurs est-il modifié ? Quelles sont les conséquences d’une violation des statuts relatifs de la mission sociale de l’entreprise ? Ces questions soulèvent de nouveaux défis que les juristes vont devoir appréhender dans l’avenir, car une nouvelle ère s’ouvre pour la gouvernance d’entreprise. Dans cet article, nous verrons que la gouvernance d’entreprise a été transformée sous l’effet d’une ouverture de l’entreprise 89à des préoccupations extrafinancières (1.). Pour autant, l’analyse de ces apports doit être nuancée au regard de l’incertitude entourant les recours dont sont dotés les parties prenantes et des évolutions juridiques qui occupent l’actualité européenne (2.).
1. Une gouvernance guidÉe
par l’Évolution de l’entreprise
L’entreprise est étudiée par grand nombre d’auteurs issus de domaines variés tels que le droit, l’économie, ou encore la sociologie (Baars, 2017). La signification de l’intérêt social occupe encore aujourd’hui le cœur de la réflexion d’une partie de cette doctrine. Face aux exigences nouvelles des entrepreneurs soucieux de comportements responsables, l’intérêt social est repensé (1.1.). Les débats sur l’intérêt social doivent être situés dans les contextes historique et social qui caractérisent les États-Unis au milieu des années 80. Aux États-Unis, les constituency statutes ont été une première innovation du droit (1.2.). Ils ont eu pour but de faire une place aux intérêts des parties prenantes de l’entreprise qui étaient traditionnellement écartées des décisions d’affaires en raison de la conception du capitalisme qui a longtemps prévalu. L’entreprise hybride est l’ambassadrice de ces changements. Elle a une place de plus en plus reconnue dans la sphère économique, financière et juridique. Pourtant, l’Amérique du Nord est grandement divisée sur la question de l’intervention du droit (sous forme de législations propres aux entreprises hybrides) (1.3.).
1.1. Un autre intÉrÊt pour l’entreprise capitaliste ?
L’émergence des entreprises hybrides replonge la doctrine dans le débat ancien de l’intérêt social. L’entreprise hybride, en tant qu’entité lucrative, amène à envisager la vision traditionnelle de l’entreprise sous un nouvel angle et à donner aux organes décisionnels une autre vocation. Avec la finance sociale, l’essence de l’entreprise change et l’intérêt social évolue dans un paysage juridique qui n’est pas toujours adapté. 90Pourtant, l’intérêt social est fondamental pour guider l’entreprise dans ses missions, il est une « boussole » (Cozian et al., 2003, p. 194). La définition restrictive de l’intérêt social l’assimilant à la maximisation de la valeur actionnariale (Bratton et Watcher, 2008, p. 101) sur la base de la théorie de l’agence (Charreaux, 2000 ; Charreaux, 1998) est de plus en plus critiquée au profit d’une vision élargie (Lizée, 1989). Pour certains, l’intérêt social de l’entreprise serait « […] l’intérêt supérieur de l’entreprise dépassant les intérêts catégoriels de tous ses membres » (Daigre, 1996, remise en cause. D’abord nées en Europe, ces entreprises se répandent à grande vitesse en Amérique du Nord. Elles possèdent toutes des caractéristiques similaires, dont la principale est une inscription statutaire de sa mission sociétale. Au Canada, sur le plan fédéral, aucune disposition ne prévoit cette possibilité, bien que certaines provinces aient déjà fait évoluer leur droit des sociétés vers un nouveau modèle d’affaires (Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse).
En Amérique du Nord, la jurisprudence a adopté une vision large de l’intérêt social qui ne se limite pas au seul intérêt des actionnaires. Alors que l’arrêt dit « Revlon » du Delaware consacre la primauté actionnariale dans sa lecture de l’intérêt social, le Canada privilégie la maximisation de la valeur de la société en tant qu’entreprise socialement responsable (Revlon, Inc. v MacAndrews & Forbes Holdings, Inc., 1986 ; Magasins à rayons Peoples Inc. [Syndic de] c. Wise, 2004, par. 42 ; BCE Inc. c. Détenteurs de débentures, 2008, par. 81-83). La jurisprudence canadienne a parallèlement élargi le contenu des devoirs généraux des administrateurs (Loi canadienne sur les sociétés par actions, art. 122(1) ; Loi sur les sociétés par actions, art. 199, al. 2 ; Martel, 2016, par. 23 et 47 ; Martel, 1993, p. 334) et a entériné implicitement la théorie des parties prenantes (Symposium, 1991). L’étude de la professeure Stéphanie Ben-Ishai a même établit que la vision contractualiste n’est plus pertinente : « This article suggests that the response to Peoples and the Canadian corporate governance debate, as currently engaged, is operating on the false assumption that the principle-agent, shareholder primacy model accurately describes Canadian corporate law’s treatment of public corporations » (Ben-Ishai, 2006, p. 302). L’entreprise hybride envisage l’objet social avec une vision bien plus extensive que ce que le droit des sociétés ne permet jusqu’alors. Dans cette structure sociétale, la « […] mission particulière ouvre une voie originale pour sortir du paradoxe des parties prenantes en alignant les obligations des 91dirigeants à l’égard des associés sur la prise en compte de l’intérêt des autres parties » (Segrestin et al., 2014, p. 9). En France, la définition de l’intérêt social a, par le passé, posé des difficultés pour la qualification pénale de l’abus de biens sociaux. Alors que la loi est silencieuse à ce sujet, l’intérêt des actionnaires a été remis en cause par le droit qui, afin de protéger les parties prenantes a considéré que « […] l’intérêt (était) plus transversal ». Il a été précis que l’intérêt social relève que « […] l’existence même de l’entreprise et (de) la prise en compte de tous les acteurs qui contribuent à son fonctionnement », puisque le mandat qui est donné aux dirigeants « […] engage l’entreprise prise dans son ensemble […] à travers sa qualité de personne morale » (Pereira, 2013, p. 20). Source d’incertitudes cultivées tant par le législateur que par la doctrine et la jurisprudence (Rousseau et Tchotourian, 2009, p. 742-744), la notion d’intérêt social touche la finalité même des entreprises (Forget, 2015, p. 559) et amène à minimiser les promesses vendues par la RSE.
1.2. Les constituency statutes : une premiÈre innovation
Le droit américain des sociétés a posé une première pierre à l’édifice d’une entreprise responsable avec les constituency statutes (statuts protecteurs des parties prenantes). À l’époque de leur adoption, le débat sur la prise en compte des parties prenantes avait refait surface dans un contexte où le droit se transformait de manière significative (Bainbridge, 1992 ; p. 973). Dans les années 80, le législateur a opéré un choix diamétralement opposé aux considérations doctrinales passées et a consacré les constituency statutes (Orts, 1992 ; Mitchell, 1992 ; Hanks, 1991). Avec ces derniers, les administrateurs se sont vus reconnaître la possibilité d’intégrer les effets d’une décision sur les parties prenantes (Bainbridge, 1992, p. 973). Bien que louables, ces statuts protecteurs ne sont généralement que permissifs. À l’heure actuelle, plus de 30 États ont adopté ces statuts, dont seulement quelques-uns leur ont conféré un caractère obligatoire (Hill, 2014, p. 31). Le modèle américain s’ouvre donc à une prise en compte des intérêts autres que ceux des actionnaires, même s’il ne saurait être qualifié de « stakeholder-oriented model » (Tchotourian et Bernier, 2014, p. 136 ; Roe, 2001 ; Bainbridge, 1993 ; Smith, 1998). Cette conception des devoirs des administrateurs ouvre une voie à la théorie des parties prenantes dans la gouvernance 92de l’entreprise contemporaine (Springer, 1999) en leur garantissant une certaine protection (Mitchell, 1992, p. 642). À ce sujet, Yahav Lichner en conclut que : « [T]he legislation (constituency statutes) […] reflects a profound ideological and legal recognition of the need to consider non-shareholder interests in managerial decision making. The significance of this is that the legitimacy of shareholder primacy has been undermined » (Lichner, 2009, p. 905). La conséquence pour les États américains ayant adopté des constitutency statutes est que les entreprises qui y sont enregistrées peuvent prétendre à la certification B Corp (Lichner, 2009, p. 905). Le législateur s’est rapidement emparé de cette certification privée pour bâtir un cadre juridique tourné vers de nouvelles préoccupations attachées à la RSE.
1.3. Une AmÉrique du Nord divisÉe
Face à l’essor des entreprises hybrides, les États-Unis et le Canada n’ont pas adopté une approche législative similaire. Alors que le premier a choisi d’adapter son droit (1.3.1.), le second préfère ne pas intervenir sur le plan législatif soulignant l’efficacité du régime existant (1.3.2.).
1.3.1. Les États-Unis : le choix de l’adaptation législative
Sous la pression de l’ONG B lab et de sa certification B Corp, le droit a mis en place le régime d’une véritable structure sociétaire. Avec la modification du Maryland Corporations and Associations Code, la benefit corporation a été pour la première fois consacrée juridiquement sur le continent nord-américain (Maryland Corporations and Association Code § 5-6C-01 ; Deskins, 2011). Cette forme d’entreprise a été soumise à une obligation de poursuivre un intérêt public, afin d’avoir un effet positif sur la communauté (Cummings, 2012, p. 580). Ce bénéfice est défini par la loi comme étant : « […] a material, positive impact on society and the environment, as measured by a third-party standard, through activities that promote a combination of specific public benefits » (Maryland Corporations and Association Code § 5-6C-01 [c]). Les dispositions juridiques ont eu des conséquences majeures sur les devoirs des administrateurs. Ces derniers ont ainsi pour obligation de « […] considérer les intérêts des parties prenantes ainsi que de tout autre facteur pertinent lorsqu’ils déterminent l’intérêt de la société » (Maryland Corporations and Association Code § 5-6C-07(a) (1) ; Tchotourian et Bernier, 2014, p. 197-198).
93Quelques années après le Maryland, l’État du Delaware a amendé sa Delaware General Corporation Law pour consacrer la benefit corporation (Del. Code tit. 8, §§ 361-368, 2013). Toujours fondée sur l’inscription statutaire de la mission sociale, la benefit corporation impose aux administrateurs de considérer les intérêts des parties prenantes « […] in addition to maximization of shareholder value » (Burke et Bragg, 2014, p. 75). Avec cette orientation, l’entreprise hybride élargit certes les devoirs des administrateurs, mais ne réduit pas pour autant les obligations fiduciaires que les administrateurs ont envers les actionnaires. Janine Hiller note à cet égard que les administrateurs ont « […] an obligation to consider the benefit purpose in decision making. An essential word is “must”. […] The model provisions explicitly provide that consideration of these stakeholders is in the best interest of the BC (benefit corporation), thereby broadening the traditional concept of director’s legal duties beyond shareholders of the corporation » (Hiller, 2013, p. 293).
La benefit corporation ne jouit pas d’un monopole sur le sol américain. La Californie a choisi d’élaborer un modèle moins contraignant avec la flexible purpose corporation, aujourd’hui nommée social purpose corporation (ci-après « SPC »). La SPC a été instituée en 2011 par amendement du California Corporation Code (Cal. Corp. Code § 2302[b][2], 2011) qui offre un corpus juridique particulièrement dense sur le sujet (Tchotourian et Bernier, 2014, p. 191). Cela est une première différence avec la benefit corporation. Une autre différence tient dans les devoirs des administrateurs. En effet, la SPC a pour particularité d’offrir plus de flexibilité. Contrairement à l’obligation de poursuite de l’objectif d’intérêt public de la benefit corporation, le cadre juridique de la SPC n’impose pas cette exigence au conseil d’administration, mais lui permet simplement de « prendre une décision favorisant l’objectif particulier de la société au détriment de sa rentabilité à condition qu’un standard de raisonnabilité soit respecté » (Ibid., p. 192). L’intérêt social est alors essentiel pour définir la responsabilité des administrateurs, car la shareholder primacy peut être écartée si la décision est conforme à ces dispositions statutaires (Kimball, 2014, p. 950-951 ; Reiser, 2011, p. 71). Par conséquent, leur responsabilité ne sera pas engagée pour avoir privilégié une décision conforme au but spécifique de l’entreprise, dans le respect des obligations légales de bonne foi et de diligence qui s’imposent à tout administrateur de société (Bonnett, 2012, p. 608).
941.3.2. Le Canada : une efficacité supposée du cadre juridique existant
Le Canada n’a pas pris d’initiatives sur la question de la reconnaissance de l’entreprise hybride. Mais, deux provinces n’ont pas hésité à se prononcer sur la question. C’est le cas de la Colombie-Britannique, qui a institué la community contribution company (« ci-après C3 ») par modification du Business Corporations Act (Business Corporations Act, SBC 2002, c 57). Ce modèle s’inspire à plusieurs égards de la community interest company du Royaume-Uni. Les administrateurs de la C3 sont tenus d’agir « […] with a view to community purposes of the company ». Cependant, les activités de la C3 peuvent être commerciales et lucratives (sans restriction particulière) tant que la distribution des bénéfices est limitée et que le community purpose répond aux exigences légales. La Nouvelle-Écosse s’est également inscrite dans ce mouvement. En 2012, le projet de loi 153 a fait une première proposition visant à instituer la community interest company (Bill 153, An Act Respecting Community Interest Companies, 2012). C’est en 2016 que la loi a été finalement promulguée (Community Interest Companies Act, SNS 2012, c 41, s. 9[1]). Concernant le community purpose imposé aux community interest company, la loi de la Nouvelle-Écosse reprend les mêmes termes du Business Corporations Act (Business Corporations Act, SBC 2002, c 57, s. 51.91). Ainsi,
[l]a plus grande différence qui existe entre le régime des C3 de la Colombie-Britannique et celui des community interest companies de la Nouvelle-Écosse est la nomination d’un organisme de réglementation gouvernemental en Nouvelle-Écosse. Le Registrar of Community Interest Comapnies a le pouvoir de déterminer si une société est admissible à la désignation de community interest company au moment de sa constitution et de surveiller le respect permanent des obligations incombant aux community interest companies. Dans l’éventualité où le Registrar of Community Interest Companies détermine qu’une community interest company n’est pas admissible à la désignation de community interest company, il peut ordonner que celle-ci soit dissoute (sous réserve du droit de la community interest company de porter cette ordonnance en appel). (Drost et al., 2017, p. 198).
Une autre distinction tient au fait que la législation de la Nouvelle-Écosse oblige les dirigeants à agir en conformité avec le community purpose, alors que la Colombie-Britannique ne prévoit pas de restriction d’activités (Tchotourian, 2018a et b ; Tchotourian et Bernier, 2014, p. 2014 ; Lederman, 2011, p. 14). De plus, le Registrar of Community Interest 95Company de Nouvelle-Écosse est chargé de contrôler si les conditions de la community interest company au moment de l’enregistrement et durant la vie de l’entreprise sont respectées (condition de l’attribution et du maintien de son statut) et de recevoir les rapports annuels de l’entreprise (Drost et al., 2017, p. 198 ; O’Connor, 2014, p. 31).
À l’heure actuelle, le droit fédéral n’envisage pas de créer une structure hybride, bien que des discussions aient lieu sur ce sujet. En 2013, Industrie Canada a ainsi proposé une réforme de la Loi canadienne sur les sociétés par actions pour s’adapter aux préoccupations sociales des entreprises, tandis que le Barreau canadien a indiqué au gouvernement que la situation actuelle en droit des sociétés canadien nécessitait d’adopter une benefit corporation (Gouvernement du Québec, 2016 ; Tobin, 2014 ; MaRS Centre for Impact Investing, 2014 ; Industrie Canada, 2013).
2. Un pas en avant À nuancer ?
Bien que l’entreprise soit de plus en plus reconnue comme institution sociale (Howard, 1972, p. 32 ; Touraine, 2003 ; Touraine, 1969 ; Gendron et Girard, 2013, p. 135 ; Tool, 1985 ; Jacobs, 1994), cette évolution est à nuancer. La mise en jeu de la règle de l’appréciation commerciale (« business judgement rule ») confère une immunité aux administrateurs qui peuvent échapper à leur responsabilité en cas de violation des statuts de l’entreprise (2.1.). Si des règles spécifiques sont parfois prévues dans la législation de certains pays, les parties prenantes ne bénéficient pas de recours supplémentaires contre les administrateurs ou les dirigeants en cas de non-respect des statuts (2.2.). La révolution juridique de l’entreprise vit un paradoxe. À la fin de l’année 2017, la France s’est lancée dans un projet de réforme du Code civil qui promet des changements d’envergure (2.3.), mais la Belgique fait marche arrière de son côté en remettant en question un droit (pourtant précurseur en Europe) qui ne semble plus répondre aux besoins des entrepreneurs (2.4.).
962.1. La rÊgle de l’apprÉciation commerciale :
une immunitÉ conférÉe aux administrateurs
Les différents modèles d’entreprises hybrides imposent l’inscription statutaire de leur vocation d’obtenir un retour positif au profit de la communauté. Cependant, s’agit-il d’une obligation ? Existe-t-il une sanction en cas de non-respect ? Les parties prenantes disposent-elles d’un recours effectif en cas de défaut des administrateurs ?
La prise en compte de l’intérêt des parties prenantes dans la prise de décision est nuancée par la règle de l’appréciation commerciale. Doctrine élaborée par la jurisprudence elle-même, il s’agit d’un « standard de révision judiciaire appliqué par (les) tribunaux eu égard à l’exercice des devoirs généraux des administrateurs à la légalité de leur décision d’affaires » (Desalliers, 2010, par. 10). Cette règle a été originellement consacrée dans la jurisprudence américaine (Percy v. Millaudon, 1829 ; Brock Built, LLC v. Blake, 2009 ; Malloy, 2017) et est aujourd’hui appliquée par les juges canadiens (Magasins à rayons Peoples Inc. [Syndic de] c. Wise, 2004, par. 64-65 ; Rousseau, 2004). L’évolution de la règle d’appréciation commerciale conduit à la considérer comme une politique de non-ingérence dans les affaires (Desalliers, 2010, par. 12 ; Bainbridge, 1993, p. 1432 ; Leslie v. Lorillard, 1888), un véritable principe, parfois même vu comme un authentique régime d’irresponsabilité. Elle constitue une protection « […] qui s’applique lorsqu’un administrateur, lors du processus décisionnel mené de bonne foi, appuie sa décision sur une base informationnelle raisonnable en croyant honnêtement qu’elle sert les intérêts supérieurs de la société » (notre traduction, Aronson v. Lewis, 1984 ; et aussi : Gantler v. Stephens, 2009 ; In re Walt Disney Derivative Litigation, 2006 ; Tchotourian et Bernier, 2014, p. 97). Cette présomption, Corporation Waskahegen c. Corporation des maîtres électriciens du Québec, 2010 ; Carlson Family Trust c. MPL Communications Inc., 2009 ; Deer Creek Energy Ltd. c. Paulson & Co. Inc., 2008 ; Corporacion Americana de Equipamientos Urbanos S.L. c. Olifas Marketing Group Inc., 2003 ; Forget c. Société financière Desjardins-Laurentienne Inc., 1999 ; et la décision fondamentale : Aronson c. Lewis, 1984) profite aux administrateurs et aux dirigeants ayant pris une décision dans le respect de leurs devoirs de prudence et de diligence, de bonne foi et de loyauté (Desalliers, 2010, par. 12). Pour que cette présomption soit écartée, le plaignant s’estimant 97lésé doit fournir la preuve que l’administrateur n’a pas agi dans le respect de ses obligations. Par conséquent, le conseil d’administrateur garde une indépendance et est protégé d’une immixtion judiciaire dans l’exercice de ses pouvoirs. Cette règle a pour conséquence de rendre l’accès au recours des parties prenantes plus difficile, bien que la jurisprudence canadienne ait reconnu que la maximisation des profits ne prévaut pas sur la valorisation de l’entreprise en tant qu’entreprise socialement responsable (Magasins à rayons Peoples Inc. [Syndic de] c. Wise, 2004 ; BCE Inc. c. Détenteurs de débentures, 2008).
2.2. Des recours judiciaires limitÉs pour les parties prenantes
L’entreprise hybride, plus particulièrement la benefit corporation, fait naître de nouvelles obligations pour les administrateurs. Reste à savoir si les parties prenantes profitent d’un recours judiciaire plus efficace que dans le cas d’une entreprise commerciale traditionnelle. En raison de l’inscription statutaire de la mission sociale, toute décision entrainant un bénéfice public est légalement considérée comme étant conforme au meilleur intérêt de l’entreprise (Maryland Corporations and Association Code § 5-6C-06 [c]). Dans le cas contraire, que pourrait faire les parties prenantes ?
La loi n’a pas prévu de recours spécifique pour les parties prenantes. Ils ne peuvent intenter de recours directs contre une décision du conseil d’administration. L’entreprise reste responsable seulement envers les actionnaires et ses créanciers (Maryland Corporations and Association Code § 5-6C-02 et § 2-405.1 ; Esposito, 2013, p. 705). Les administrateurs ne sont exposés à des recours judiciaires que de leur propre initiative ou de celle des actionnaires (y compris ceux de la société mère) en vertu du « benefit enforcement procedding » (Tchotourian et Bernier, 2014, p. 201). Bien que l’activité de l’entreprise hybride influe sur les intérêts des parties prenantes, seuls les actionnaires se voient attribuer des recours judiciaires. Les administrateurs d’une entreprise hybride bénéficient en plus de la même immunité de principe que les administrateurs de toute société (Ibid., p. 92). En définitive, le non-respect des statuts par les administrateurs ou les dirigeants d’une benefit corporation n’est pas nécessairement sanctionné. La législation du Delaware prévoit même qu’une clause statutaire permette aux administrateurs d’échapper à leurs 98devoirs de loyauté et de bonne foi (Del. Code tit. 8, § 365), alors que ces obligations sont considérées au Canada comme étant d’ordre public (Gravino c. Enerchem Transport Inc., 2008 ; Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1., art. 120). Sans même avoir consacré les entreprises hybrides, la législation canadienne offre une protection intéressante aux parties prenantes avec les recours en inobservation ou en dissolution (Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1., art. 460 ; Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC 1985, c C-44, article 213[1]). « Autrement dit, les moyens juridiques de prendre en compte le non-respect par la société d’engagements de RSE existent d’ores et déjà, sans qu’il soit besoin de faire valoir l’intégration statutaire, au titre de l’objet social, de tels engagements » (Nurit-Pontier, 2013, par. 23). Il existe d’autres recours possibles (recours oblique et recours en oppression), mais la mise en œuvre de ces recours (Crête et Rousseau, 2011, p. 609-631) offerts aux parties prenantes se heurte à certains obstacles comme la notion d’attente raisonnable (dont le contenu est variable) ou la distinction entre « l’intérêt » d’un plaignant et le « droit » dont ils disposent pour agir (voir le commentaire de Martel, 2015). Finalement, la mise en œuvre de la responsabilité des administrateurs ou des dirigeants pour une violation statutaire s’avère difficile à mettre en œuvre.
L’inscription de la mission sociale de l’entreprise dans les statuts opère une véritable révolution de la conception capitaliste de l’entreprise. La gouvernance d’entreprise se transforme pour répondre à ces nouvelles orientations du monde économique. Le contenu du devoir des administrateurs s’élargi (sur les discussions dont ces devoirs sont l’objet depuis la crise de 2007-2008 : Paolini, 2014). Néanmoins, les parties prenantes ne se voient pas doter de nouveaux recours. Avec ces mutations (aussi imparfaites soient-elles), la RSE est intégrée dans l’ADN de l’entreprise et s’impose dans la gouvernance des entreprises. En Europe, les positions sur la question diffèrent, voire s’opposent. Alors que la France entame une réforme majeure du droit des sociétés, la Belgique recule vis-à-vis de l’entreprise hybride qu’elle a consacrée à la fin du xxe siècle.
2.3. Une réforme du Code civil français :
un projet d’envergure AU-DELÀ DU CODE
En 2017, la France a emboité le pas concernant les entreprises hybrides. Déjà en 2001, une première pierre avait été posée à l’édifice de ce qui 99deviendra plus tard l’économie sociale et solidaire. Par une réforme du droit des coopératives, le droit français avait créé la société coopérative d’intérêt collectif (Loi no 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel, art. 36 ; Loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération). Elle est définie par la loi comme étant une société constituée sous la forme d’une société anonyme ou d’une société à responsabilité limitée ayant « pour objet la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif, qui présentent un caractère d’utilité sociale » (Loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, art. 19 quinquies). Le cadre juridique a évolué en 2014 lorsque la loi sur l’économie sociale et solidaire (ci-après « ESS ») a été promulguée. Avec cette loi, les entreprises reconnues comme des entités de l’ESS répondent à des principes juridiques non exclusivement lucratifs qui encadrent leur gouvernance (Loi no 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, art. 1er). Les sociétés commerciales entrent dans le champ d’application de cette loi si leurs règles respectent ces énoncés. Mais, une évolution majeure a eu lieu ces deux dernières années. En effet, le gouvernement français a proposé un plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Ministère du travail, 2018) qui, après une longue période de discussion et des allers-retours entre les deux assemblées parlementaires, a été définitivement adoptée le 11 avril 2019 (Loi no 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises). Cette refonte majeure modifie les articles 1833 et 1835 du Code civil qui imposent une responsabilité sociale à toutes les entreprises commerciales (Lecourt et al., 2018 ; Urbain-Parleani et al., 2018). Selon le plan d’action, la modernisation du droit des sociétés permet d’intégrer, aux côtés de la recherche du profit, d’autres objectifs afin que le droit français fasse une place aux entreprises hybrides sur le même modèle que ceux retrouvés à l’étranger (Potier, 2018, p. 10-12).
Au-delà de la simple inscription statutaire de la RSE, le droit français donne un nouveau statut à l’entreprise dans son ensemble en intégrant la notion de « projet d’entreprise », et ce, dans le but de régler les problématiques liées à la prise en compte des parties prenantes (Badré et al., 2016). Cette loi repense l’intérêt social de l’entreprise et non plus uniquement la vocation de ses activités. La réforme française crée aussi un statut spécifique d’« entreprise à mission » (Léon et al., 2018). Elle 100recouvre trois caractéristiques : la définition d’une mission d’ordre social, scientifique, humain ou environnemental non réductible au profit ; un dispositif de contrôle spécifique de la stratégie de l’entreprise à l’égard de sa mission ; et un engagement vis-à-vis de cette mission inscrite dans le contrat de société (Potier, 2018, p. 70). Un organe de contrôle est désormais prévu à l’article L. 210-10 du code de commerce et se nomme « comité de mission ». Comme toute réforme, les avis étaient partagés sur la question. Pour certains, le législateur aurait dû adopter une entreprise similaire à la benefit corporation sans modifier les articles 1832 et 1833 (Bellan, 2018). Ce projet de réécriture de ces articles fondamentaux du droit des sociétés français symbolise de nouvelles perspectives pour la société (Couret, 2017, p. 222-223) et sa gouvernance. Bâti selon l’idée d’une modernisation des entreprises, le but de ce projet a été opposé à celui actuellement en cours en Belgique, visant lui aussi une modernisation du droit des sociétés.
2.4. La position contradictoire de la Belgique
En 2017, la Belgique a décidé d’entreprendre une réforme de modernisation de son droit des sociétés (Conseil central de l’économie, 2017). Alors qu’elle a été le premier pays européen à légiférer sur l’entreprise hybride, les résultats se sont révélés faibles. C’est en 1995 que la société à finalité sociale (ci-après « SFS ») a été introduite dans le code des sociétés. Ce modèle d’affaire reposant sur les principes de l’entreprise hybride a su séduire la doctrine, mais n’a pas obtenu le même accueil dans la pratique. Un peu plus de vingt ans après cette promulgation, 95 % des SFS sont enregistrées sous la forme de la coopérative à responsabilité limitée (Centre belge du droit des sociétés, 2015). Pour cette raison, le projet de loi introduisant le Code des sociétés et des associations adopté le 28 février 2019 par la Chambre des représentants supprime la SFS de son droit des sociétés, et prévoit en son article 42 que les SFS existantes devront se transformer en coopératives (Projet de loi introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions diverses, 2019, art. 42). Les raisons qui justifient ce choix concernent un droit des affaires jugé complexe et peu adapté aux réalités économiques. C’est donc dans une perspective de compétitivité économique que la SFS s’éteint. Si la loi belge n’a su répondre à la réalité économique qui est la sienne, le reste 101du monde entretient l’engouement pour la finance sociale et continue d’avancer vers une nouvelle gouvernance d’entreprise.
Conclusion :
l’entreprise hybride est là pour rester
Le capitalisme est arrivé à l’heure des changements. Le droit américain s’est rapidement adapté à de nouveaux besoins (Tchotourian et Turcotte, 2018). Les entreprises hybrides existent sous des dénominations différentes à travers le monde, mais répondent à des caractéristiques communes. L’inscription statutaire offre une alternative aux modèles d’affaires qui ont montré leurs limites (malgré une pratique de plus en plus respectueuse des engagements de RSE). Pourtant, le droit des affaires ne semble pas encore prêt à accueillir une responsabilité des administrateurs et des dirigeants pleine et entière envers les parties prenantes. Ces dernières ne disposent que de peu de recours et ne sont considérées qu’indirectement affectées. De plus, imposer le respect d’une mission de nature sociétale dans l’objet social n’est pas sans rappeler la doctrine de l’ultra vires développée au xixe siècle. Or, cette doctrine a été progressivement abandonnée en droit américain (American Bar Association, 2016, art. 3.02 ; Bainbridge, 2002, p. 59) et canadien (Loi canadienne sur les sociétés par actions, art. 15 [1] ; Code civil du Québec, art. 301 et suiv. ; Buckley et al., 1995, p. 177 ; Martel, 2016, par. 9-65). Le chemin choisi suppose de revenir sur cette position bien arrêtée du droit des sociétés (Bainbridge, 2002, p. 59) ; de repenser les règles de protection des tiers de bonne foi ; et de réintroduire un instrument de contrôle du comportement des entreprises qui a montré ses limites (Buckley et al., 1995, p. 175) : un contrôle à travers la procédure d’enregistrement.
L’entreprise hybride s’institutionnalise (Hiez, 2015) et la RSE se judiciarise (Tchotourian et Morteo, 2019a ; Heraud, 2015 ; Ost et Van de Kerchove, 2002, p. 113). En effet, « […] le droit est un produit social, un phénomène » qui exprime le vouloir-vivre de la société qui sécrète spontanément les règles de droit qui lui conviennent le mieux (Carbonnier, 1988, p. 74), ce que le législateur doit envisager pour 102finalement déterminer le besoin social des lois (Carbonnier, 1988, p. 58 ; Ost et Van de Kerchove, 2002, p. 78). L’institutionnalisation répond à un besoin auquel l’État apporte une solution dans la mesure où il permet une diffusion des apports de l’innovation dans la société (Bouchard, 2011, p. 7). Le droit, en tant que révélateur des mutations (Commaille, 2015, p. 25), s’adapte aux besoins de la société. Pour autant, les entreprises hybrides montrent des limites telles que l’inexistence de recours spécifiques à l’encontre des administrateurs qui n’auraient pas respecté leurs obligations statutaires. Mais, le mouvement est lancé. Le droit des sociétés ouvre la voie à des considérations éthiques. Avec les récents projets européens et un intérêt grandissant de la part des institutions de l’Union européenne pour ces nouvelles structures sociétaires (Résolution du Parlement européen du 5 juillet 2018 contenant des recommandations à la Commission relatives à un statut pour les entreprises de l’économie sociale et solidaire, 2018), il est possible de se demander si le Canada est dans la bonne voie en restant dans un silence législatif. Bien que la Belgique fasse marche arrière, l’avenir des entreprises hybrides reste prometteur. Le nouveau visage de la gouvernance d’entreprise propose une alternative aux grands enjeux du xxie siècle et offre des outils innovants à un monde économique en quête d’identité nouvelle.
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111Table de la jurisprudence
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Brock Built, LLC v. Blake, 300 Ga App 816, 686 SE 2d 425 (2009).
Carlson Family Trust c. MPL Communications Inc., (2009) A.J. No. 148 (Q.B.).
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Deer Creek Energy Ltd. c. Paulson & Co. Inc., (2008) A.J. No. 643 (Q.B.).
Diligenti v. RWMD Operations Kelowna Ltd., (1976) B.C.J. (Quicklaw) no 38 (S.C.).
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Forget c. Société financière Desjardins-Laurentienne Inc., (1999) J.Q. no 91, (C.S.).
Gans v. MDR Liquidating Corp., No. 9630, 1998 WL 294006 (Del. Ch. May 22, 1998).
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In re Walt Disney Derivative Litigation, 906 A2d 27 (Del. 2006).
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Leslie v. Lorillard, 18 N.E. 363 (N.Y. 1888).
Magasins à rayons Peoples Inc. (Syndic de) c. Wise (2004 CSC 68).
Pittelman v. Pearce, 8 Cal. Rptr. 2d 359 (Cal. Ct. App. 1992).
Percy v. Millaudon, 8 Mart. (n.s.) 68 (La. 1829).
Revlon, Inc v. MacAndrews & Forbes Holdings, Inc., 506 A.2d 173 (Del. 1986).
Westfair Foods Ltd. v. Watt, (1991) 79 D.L.R. (4th) 48 (Alta C.A.).
820099 Ontario Inc. v. Harold E. Balalrd Ltd., (1991) O.J. (Quicklaw) no 266 (Gen. Div.), conf. par (1991) O.J. (Quicklaw) no 1082 (Gen. Div.).
1 Ce terme fait référence à ceux utilisés dans la proposition de loi Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances déposées à l’Assemblée nationale le 6 décembre 2017 par O. Faure, D. Potier et B. Vallaud, en ligne : http://www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/15/propositions/pion0476/(index)/propositions-loi (consulté le 14 février 2018).
2 Cet article a été réalisé grâce au soutien financier de la Chaire Marcelle-Mallet sur la culture philanthropique de l’Université Laval qui a permis la réalisation du projet de recherche intitulé « Société à objet social étendu : l’économique aurait-il enfin l’outil pour se soucier d’autrui ? » (2016-2017). Le texte a été mis à jour au 1er juin 2019. Tout commentaire peut être envoyé à l’adresse suivante : ivan.tchotourian@fd.ulaval.ca.
- Thème CLIL : 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
- ISBN : 978-2-406-10178-9
- EAN : 9782406101789
- ISSN : 2554-9626
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10178-9.p.0085
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 29/04/2020
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Gouvernance d’entreprise, entreprise lucrative, mission sociale, législation nord-américaine, questionnements