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Classiques Garnier

Nouvelles entreprises, progrès ou statut quo ? Approche juridique comparée

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Entreprise & Société
    2019 – 1, n° 5
    . varia
  • Auteurs : Morteo (Margaux), Tchotourian (Ivan)
  • Résumé : Le droit de la gouvernance d’entreprise connait de bouleversements sous l’influence de l’émergence de la finance sociale. À l’heure actuelle, les législateurs repensent les modèles d’affaires construits sur le dogme de la maximisation des profits. Certaines législations ont récemment mis en place un cadre permettant aux entreprises lucratives d’inclure dans leurs statuts une mission sociale. Saluée par certains et promue par d’autres, cette innovation soulève des questionnements.
  • Pages : 85 à 111
  • Revue : Entreprise & Société
  • Thème CLIL : 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
  • EAN : 9782406101789
  • ISBN : 978-2-406-10178-9
  • ISSN : 2554-9626
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10178-9.p.0085
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/04/2020
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Gouvernance d’entreprise, entreprise lucrative, mission sociale, législation nord-américaine, questionnements
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Nouvelles1 entreprises,
Progrès ou statut quo2 ?

Approche juridique comparée

Margaux Morteo

Université Laval Québec,
Faculté de droit
Centre détudes en droit économique (CÉDÉ)

Ivan Tchotourian

Université Laval Québec,
Faculté de droit, Centre détudes en droit économique (CÉDÉ), Chercheur régulier de lInstitut EDS, Membre-fondateur
du Laboratoire Interdisciplinaire
sur la Responsabilité Sociale
des Entreprises (LIRSE)

Sil fallait décrire les évolutions actuelles du marché en un mot, ce dernier serait celui du changement. Au même titre que plusieurs 86concepts économiques, la gouvernance dentreprise a subi et, vit encore, des bouleversements qui sont la suite dun élan qui remet en cause les fondements du capitalisme. Pour comprendre les enjeux qui occupent aujourdhui la doctrine, « ([o]n ne peut [] étudier lévolution du gouvernement dentreprise sans rappeler les phases du capitalisme financier, ses avancées et ses dérives » (Ben Barka et Marco, 2017, p. 39).

La gouvernance dentreprise (ou corporate governance) est définie comme « [] le système par lequel les compagnies sont dirigées et contrôlées » (Cadburry, 1992, par. 2.5). Elle puise ses origines dans une riche littérature qui a élaboré différentes théories dont les objectifs divergent radicalement (MacLeod Heminway, 2012). Au cours du xviiie siècle, Adam Smith a construit la théorie de la « main invisible » des marchés selon laquelle léconomie génère spontanément un équilibre, sans que le droit nintervienne (Smith, 1989 [1776], p. 256). Au milieu du xxe siècle, Adolf Berle et Gardiner Means ont analysé lentreprise et ont tiré de leurs observations que les propriétaires (les actionnaires) et les décisionnaires de lentreprise (les dirigeants) étaient dissociés (Berle et Means, 1932). Ils ont observé quune séparation des pouvoirs sest opérée entre les actionnaires, la direction et le conseil dadministration. La gouvernance de lentreprise sest alors organisée sur des modèles développés habituellement dans les sciences politiques, financière et de gestion. La théorie de lagence a alors pris forme. Au sein de lentreprise, ses acteurs ont des intérêts différents, ce qui conduit à une relation qualifiée de contractualiste entre un principal (les actionnaires) qui délègue un travail à un agent (le dirigeant) chargé de leffectuer (Tchotourian, 2011, p. 66 ; Hansmann et Kraakman, 2004 ; Eisenhardt, 1989, p. 58 ; Jensen et Meckling, 1976 ; Alchian et Demsetz, 1972). Aujourdhui, cette relation à deux est nuancée (Eisenhardt, 1989, p. 58 ; Perrow, 1986, p. 224), voire perçue pour certains comme un mythe et non une réalité (Tchotourian et al., 2017, p. 8 et suiv.). En ce sens, Merrick Dodd avait déjà défendu dans les années 30 le fait que les intérêts des parties prenantes devaient être considérés « [] in tandem with those of other corporate constituences and those of society at large » (Springer, 1999, p. 87 ; et aussi : Dodd, 1932). Mais, la gouvernance dentreprise na pas entendu et a pris un nouveau tournant avec la position soutenue par Milton Friedman. Selon lui, lentreprise a pour seule vocation la maximisation des profits pour les actionnaires (Friedman (1970), soit le shareholder model of business (Bratton, 872002, p. 8), et de ce fait, aucune autre responsabilité ne doit peser sur les administrateurs et les dirigeants, qui ne doivent sassurer que du seul retour financier pour les actionnaires (Wartick et Cochran, 1985, p. 759 et aussi : Klein et Coffee, 2006). Consacrée par la jurisprudence américaine dans larrêt Dodge v. Ford, cette position a été réaffirmée dans plusieurs décisions subséquentes (Dodge v. Ford Motor Co., 1919 ; Katz v. Oak Indus., Inc. 1986 ; Gans v. MDR Liquidating Corp., 1998 ; Pittelman v. Pearce, 1992 ; Bank & Trust Co. v. Hunt Intl Res. Corp., 1987). La loi sest alignée sur ces considérations puisque « nombre de réformes législatives [] ont été inspirées par lidée que lactionnaire mérite, en tant quassocié, une attention particulière et une protection renforcée par les méthodes du droit des sociétés et du droit des marchés financiers » (Tchotourian et Bernier, 2014, p. 27-28). En réponse, la théorie des parties prenantes (« stakeholder theory ») a vu le jour notamment grâce à Edward R. Freeman qui a considéré que lentreprise devait prendre en compte les intérêts non-financiers (Freeman, 1984). Au début des années 90, lengouement pour la stakeholder theory a pris de lampleur dans la doctrine, concomitamment avec lintérêt des entreprises à cet égard (Aggieri et Aquier, 2005). Archie B. Carroll a élaboré une « pyramid of social responsability » en 1991 qui catégorise la prise en compte de cette théorie par les entreprises (Carroll, 1991 ; Rodic, 2007, p. 20). Cette évolution a conduit à renforcer la responsabilité sociale des entreprises (ci-après « RSE »), concept devenue par la suite incontournable du droit des affaires et de la gouvernance dentreprise (Malecki, 2009, p. 9).

Dix ans après la crise financière de 2007-2008 (Vasudev et Watson, 2012 ; Sun et al. 2011 ; Magnier, 2010), des scandales liés à la gouvernance des entreprises continuent dêtre révélés au grand jour (McGee, 2017 ; Rosen, 2003 ; Blair, 2003). Si le droit sest pendant un temps délaissé des problématiques économiques, il sest avéré nécessaire pour le législateur de limiter ces dérives. Mais, bien avant que le droit nintervienne, la RSE proposait des solutions séduisantes pour les acteurs économiques frileux des règles strictes véhiculées par le droit dur (Cuzacq, 2012). Ces engagements volontaires ont su montrer une certaine efficacité, malgré les pratiques de greenwashing qui ont entaché la réputation des grandes entreprises. Dans la même veine, la finance sociale apparue depuis quelques temps propose une alternative au monde économique en faveur de la promotion dune meilleure gouvernance et dune démarche 88RSE « proactive » (Bakshi, 2012, p. 4). MaRS Centre for Impact Investing a publié un rapport en 2014 sur la question et a considéré que :

Linvestissement dimpact (ou la finance sociale) suscite un intérêt grandissant aussi bien au Canada que sur la scène internationale. Ce type dinvestissement, qui consiste à injecter des capitaux privés dans des projets et des entreprises qui visent à entrainer des retombées sociales mesurables, peut stimuler linnovation dans le secteur social. Linvestissement dimpact permet de concevoir et de mettre à lessai des idées nouvelles susceptibles daider à remédier aux problèmes sociaux et dappliquer à plus grande échelle les idées qui ont fait leurs preuves. Linvestissement dimpact peut encourager la collaboration entre le secteur sans but lucratif, le secteur privé et le secteur public, afin daider les personnes et les communautés à obtenir des résultats sociaux et économiques supérieurs. (MaRS Centre for Impact Investing, 2014, p. 4).

La finance sociale sest considérablement développée en assimilant bien-être économique et bien-être social comme réponse à une économie source de dysfonctionnements (Borello et al., 2012, p. 179). Dans ce contexte, les acteurs économiques ont mené leur bataille avec loutil dont ils disposaient : lautorégulation. Lentreprise hybride (Segrestin et al., 2015 ; Segrestin et al., 2014 ; Jäger et Schröer, 2013) sest progressivement installée dans les modèles daffaires qui noffraient quun choix entre secteur lucratif et secteur non lucratif. Avec cette entreprise, les entrepreneurs ont la possibilité de poursuivre une mission sociale tout en générant des bénéfices distribuables, mais limités (Defourny et Nyssens, 2013, p. 12-15). Elle intègre des notions auparavant écartées des affaires, comme la limitation de la lucrativité et la systématisation de la vision à long terme de lactivité (Borello et al., 2012, p. 179). Alors que la certification privée B Corp est en constante progression dans le monde (Chen et Kelly, 2015, p. 102), les législations ont elles-mêmes évolué et reconnaissent désormais de plus en plus lentreprise hybride. Cette innovation juridique ne peut être sans conséquence. Quen est-il de la gouvernance dentreprise de ces nouvelles entreprises ? Le contenu du devoir des administrateurs est-il modifié ? Quelles sont les conséquences dune violation des statuts relatifs de la mission sociale de lentreprise ? Ces questions soulèvent de nouveaux défis que les juristes vont devoir appréhender dans lavenir, car une nouvelle ère souvre pour la gouvernance dentreprise. Dans cet article, nous verrons que la gouvernance dentreprise a été transformée sous leffet dune ouverture de lentreprise 89à des préoccupations extrafinancières (1.). Pour autant, lanalyse de ces apports doit être nuancée au regard de lincertitude entourant les recours dont sont dotés les parties prenantes et des évolutions juridiques qui occupent lactualité européenne (2.).

1. Une gouvernance guidÉe
par lÉvolution de lentreprise

Lentreprise est étudiée par grand nombre dauteurs issus de domaines variés tels que le droit, léconomie, ou encore la sociologie (Baars, 2017). La signification de lintérêt social occupe encore aujourdhui le cœur de la réflexion dune partie de cette doctrine. Face aux exigences nouvelles des entrepreneurs soucieux de comportements responsables, lintérêt social est repensé (1.1.). Les débats sur lintérêt social doivent être situés dans les contextes historique et social qui caractérisent les États-Unis au milieu des années 80. Aux États-Unis, les constituency statutes ont été une première innovation du droit (1.2.). Ils ont eu pour but de faire une place aux intérêts des parties prenantes de lentreprise qui étaient traditionnellement écartées des décisions daffaires en raison de la conception du capitalisme qui a longtemps prévalu. Lentreprise hybride est lambassadrice de ces changements. Elle a une place de plus en plus reconnue dans la sphère économique, financière et juridique. Pourtant, lAmérique du Nord est grandement divisée sur la question de lintervention du droit (sous forme de législations propres aux entreprises hybrides) (1.3.).

1.1. Un autre intÉrÊt pour lentreprise capitaliste ?

Lémergence des entreprises hybrides replonge la doctrine dans le débat ancien de lintérêt social. Lentreprise hybride, en tant quentité lucrative, amène à envisager la vision traditionnelle de lentreprise sous un nouvel angle et à donner aux organes décisionnels une autre vocation. Avec la finance sociale, lessence de lentreprise change et lintérêt social évolue dans un paysage juridique qui nest pas toujours adapté. 90Pourtant, lintérêt social est fondamental pour guider lentreprise dans ses missions, il est une « boussole » (Cozian et al., 2003, p. 194). La définition restrictive de lintérêt social lassimilant à la maximisation de la valeur actionnariale (Bratton et Watcher, 2008, p. 101) sur la base de la théorie de lagence (Charreaux, 2000 ; Charreaux, 1998) est de plus en plus critiquée au profit dune vision élargie (Lizée, 1989). Pour certains, lintérêt social de lentreprise serait « [] lintérêt supérieur de lentreprise dépassant les intérêts catégoriels de tous ses membres » (Daigre, 1996, remise en cause. Dabord nées en Europe, ces entreprises se répandent à grande vitesse en Amérique du Nord. Elles possèdent toutes des caractéristiques similaires, dont la principale est une inscription statutaire de sa mission sociétale. Au Canada, sur le plan fédéral, aucune disposition ne prévoit cette possibilité, bien que certaines provinces aient déjà fait évoluer leur droit des sociétés vers un nouveau modèle daffaires (Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse).

En Amérique du Nord, la jurisprudence a adopté une vision large de lintérêt social qui ne se limite pas au seul intérêt des actionnaires. Alors que larrêt dit « Revlon » du Delaware consacre la primauté actionnariale dans sa lecture de lintérêt social, le Canada privilégie la maximisation de la valeur de la société en tant quentreprise socialement responsable (Revlon, Inc. v MacAndrews & Forbes Holdings, Inc., 1986 ; Magasins à rayons Peoples Inc. [Syndic de] c. Wise, 2004, par. 42 ; BCE Inc. c. Détenteurs de débentures, 2008, par. 81-83). La jurisprudence canadienne a parallèlement élargi le contenu des devoirs généraux des administrateurs (Loi canadienne sur les sociétés par actions, art. 122(1) ; Loi sur les sociétés par actions, art. 199, al. 2 ; Martel, 2016, par. 23 et 47 ; Martel, 1993, p. 334) et a entériné implicitement la théorie des parties prenantes (Symposium, 1991). Létude de la professeure Stéphanie Ben-Ishai a même établit que la vision contractualiste nest plus pertinente : « This article suggests that the response to Peoples and the Canadian corporate governance debate, as currently engaged, is operating on the false assumption that the principle-agent, shareholder primacy model accurately describes Canadian corporate laws treatment of public corporations » (Ben-Ishai, 2006, p. 302). Lentreprise hybride envisage lobjet social avec une vision bien plus extensive que ce que le droit des sociétés ne permet jusqualors. Dans cette structure sociétale, la « [] mission particulière ouvre une voie originale pour sortir du paradoxe des parties prenantes en alignant les obligations des 91dirigeants à légard des associés sur la prise en compte de lintérêt des autres parties » (Segrestin et al., 2014, p. 9). En France, la définition de lintérêt social a, par le passé, posé des difficultés pour la qualification pénale de labus de biens sociaux. Alors que la loi est silencieuse à ce sujet, lintérêt des actionnaires a été remis en cause par le droit qui, afin de protéger les parties prenantes a considéré que « [] lintérêt (était) plus transversal ». Il a été précis que lintérêt social relève que « [] lexistence même de lentreprise et (de) la prise en compte de tous les acteurs qui contribuent à son fonctionnement », puisque le mandat qui est donné aux dirigeants « [] engage lentreprise prise dans son ensemble [] à travers sa qualité de personne morale » (Pereira, 2013, p. 20). Source dincertitudes cultivées tant par le législateur que par la doctrine et la jurisprudence (Rousseau et Tchotourian, 2009, p. 742-744), la notion dintérêt social touche la finalité même des entreprises (Forget, 2015, p. 559) et amène à minimiser les promesses vendues par la RSE.

1.2. Les constituency statutes : une premiÈre innovation

Le droit américain des sociétés a posé une première pierre à lédifice dune entreprise responsable avec les constituency statutes (statuts protecteurs des parties prenantes). À lépoque de leur adoption, le débat sur la prise en compte des parties prenantes avait refait surface dans un contexte où le droit se transformait de manière significative (Bainbridge, 1992 ; p. 973). Dans les années 80, le législateur a opéré un choix diamétralement opposé aux considérations doctrinales passées et a consacré les constituency statutes (Orts, 1992 ; Mitchell, 1992 ; Hanks, 1991). Avec ces derniers, les administrateurs se sont vus reconnaître la possibilité dintégrer les effets dune décision sur les parties prenantes (Bainbridge, 1992, p. 973). Bien que louables, ces statuts protecteurs ne sont généralement que permissifs. À lheure actuelle, plus de 30 États ont adopté ces statuts, dont seulement quelques-uns leur ont conféré un caractère obligatoire (Hill, 2014, p. 31). Le modèle américain souvre donc à une prise en compte des intérêts autres que ceux des actionnaires, même sil ne saurait être qualifié de « stakeholder-oriented model » (Tchotourian et Bernier, 2014, p. 136 ; Roe, 2001 ; Bainbridge, 1993 ; Smith, 1998). Cette conception des devoirs des administrateurs ouvre une voie à la théorie des parties prenantes dans la gouvernance 92de lentreprise contemporaine (Springer, 1999) en leur garantissant une certaine protection (Mitchell, 1992, p. 642). À ce sujet, Yahav Lichner en conclut que : « [T]he legislation (constituency statutes) [] reflects a profound ideological and legal recognition of the need to consider non-shareholder interests in managerial decision making. The significance of this is that the legitimacy of shareholder primacy has been undermined » (Lichner, 2009, p. 905). La conséquence pour les États américains ayant adopté des constitutency statutes est que les entreprises qui y sont enregistrées peuvent prétendre à la certification B Corp (Lichner, 2009, p. 905). Le législateur sest rapidement emparé de cette certification privée pour bâtir un cadre juridique tourné vers de nouvelles préoccupations attachées à la RSE.

1.3. Une AmÉrique du Nord divisÉe

Face à lessor des entreprises hybrides, les États-Unis et le Canada nont pas adopté une approche législative similaire. Alors que le premier a choisi dadapter son droit (1.3.1.), le second préfère ne pas intervenir sur le plan législatif soulignant lefficacité du régime existant (1.3.2.).

1.3.1. Les États-Unis : le choix de ladaptation législative

Sous la pression de lONG B lab et de sa certification B Corp, le droit a mis en place le régime dune véritable structure sociétaire. Avec la modification du Maryland Corporations and Associations Code, la benefit corporation a été pour la première fois consacrée juridiquement sur le continent nord-américain (Maryland Corporations and Association Code § 5-6C-01 ; Deskins, 2011). Cette forme dentreprise a été soumise à une obligation de poursuivre un intérêt public, afin davoir un effet positif sur la communauté (Cummings, 2012, p. 580). Ce bénéfice est défini par la loi comme étant : « [] a material, positive impact on society and the environment, as measured by a third-party standard, through activities that promote a combination of specific public benefits » (Maryland Corporations and Association Code § 5-6C-01 [c]). Les dispositions juridiques ont eu des conséquences majeures sur les devoirs des administrateurs. Ces derniers ont ainsi pour obligation de « [] considérer les intérêts des parties prenantes ainsi que de tout autre facteur pertinent lorsquils déterminent lintérêt de la société » (Maryland Corporations and Association Code § 5-6C-07(a) (1) ; Tchotourian et Bernier, 2014, p. 197-198).

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Quelques années après le Maryland, lÉtat du Delaware a amendé sa Delaware General Corporation Law pour consacrer la benefit corporation (Del. Code tit. 8, §§ 361-368, 2013). Toujours fondée sur linscription statutaire de la mission sociale, la benefit corporation impose aux administrateurs de considérer les intérêts des parties prenantes « [] in addition to maximization of shareholder value » (Burke et Bragg, 2014, p. 75). Avec cette orientation, lentreprise hybride élargit certes les devoirs des administrateurs, mais ne réduit pas pour autant les obligations fiduciaires que les administrateurs ont envers les actionnaires. Janine Hiller note à cet égard que les administrateurs ont « [] an obligation to consider the benefit purpose in decision making. An essential word is “must”. [] The model provisions explicitly provide that consideration of these stakeholders is in the best interest of the BC (benefit corporation), thereby broadening the traditional concept of directors legal duties beyond shareholders of the corporation » (Hiller, 2013, p. 293).

La benefit corporation ne jouit pas dun monopole sur le sol américain. La Californie a choisi délaborer un modèle moins contraignant avec la flexible purpose corporation, aujourdhui nommée social purpose corporation (ci-après « SPC »). La SPC a été instituée en 2011 par amendement du California Corporation Code (Cal. Corp. Code § 2302[b][2], 2011) qui offre un corpus juridique particulièrement dense sur le sujet (Tchotourian et Bernier, 2014, p. 191). Cela est une première différence avec la benefit corporation. Une autre différence tient dans les devoirs des administrateurs. En effet, la SPC a pour particularité doffrir plus de flexibilité. Contrairement à lobligation de poursuite de lobjectif dintérêt public de la benefit corporation, le cadre juridique de la SPC nimpose pas cette exigence au conseil dadministration, mais lui permet simplement de « prendre une décision favorisant lobjectif particulier de la société au détriment de sa rentabilité à condition quun standard de raisonnabilité soit respecté » (Ibid., p. 192). Lintérêt social est alors essentiel pour définir la responsabilité des administrateurs, car la shareholder primacy peut être écartée si la décision est conforme à ces dispositions statutaires (Kimball, 2014, p. 950-951 ; Reiser, 2011, p. 71). Par conséquent, leur responsabilité ne sera pas engagée pour avoir privilégié une décision conforme au but spécifique de lentreprise, dans le respect des obligations légales de bonne foi et de diligence qui simposent à tout administrateur de société (Bonnett, 2012, p. 608).

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1.3.2. Le Canada : une efficacité supposée du cadre juridique existant

Le Canada na pas pris dinitiatives sur la question de la reconnaissance de lentreprise hybride. Mais, deux provinces nont pas hésité à se prononcer sur la question. Cest le cas de la Colombie-Britannique, qui a institué la community contribution company (« ci-après C3 ») par modification du Business Corporations Act (Business Corporations Act, SBC 2002, c 57). Ce modèle sinspire à plusieurs égards de la community interest company du Royaume-Uni. Les administrateurs de la C3 sont tenus dagir « [] with a view to community purposes of the company ». Cependant, les activités de la C3 peuvent être commerciales et lucratives (sans restriction particulière) tant que la distribution des bénéfices est limitée et que le community purpose répond aux exigences légales. La Nouvelle-Écosse sest également inscrite dans ce mouvement. En 2012, le projet de loi 153 a fait une première proposition visant à instituer la community interest company (Bill 153, An Act Respecting Community Interest Companies, 2012). Cest en 2016 que la loi a été finalement promulguée (Community Interest Companies Act, SNS 2012, c 41, s. 9[1]). Concernant le community purpose imposé aux community interest company, la loi de la Nouvelle-Écosse reprend les mêmes termes du Business Corporations Act (Business Corporations Act, SBC 2002, c 57, s. 51.91). Ainsi,

[l]a plus grande différence qui existe entre le régime des C3 de la Colombie-Britannique et celui des community interest companies de la Nouvelle-Écosse est la nomination dun organisme de réglementation gouvernemental en Nouvelle-Écosse. Le Registrar of Community Interest Comapnies a le pouvoir de déterminer si une société est admissible à la désignation de community interest company au moment de sa constitution et de surveiller le respect permanent des obligations incombant aux community interest companies. Dans léventualité où le Registrar of Community Interest Companies détermine quune community interest company nest pas admissible à la désignation de community interest company, il peut ordonner que celle-ci soit dissoute (sous réserve du droit de la community interest company de porter cette ordonnance en appel). (Drost et al., 2017, p. 198).

Une autre distinction tient au fait que la législation de la Nouvelle-Écosse oblige les dirigeants à agir en conformité avec le community purpose, alors que la Colombie-Britannique ne prévoit pas de restriction dactivités (Tchotourian, 2018a et b ; Tchotourian et Bernier, 2014, p. 2014 ; Lederman, 2011, p. 14). De plus, le Registrar of Community Interest 95Company de Nouvelle-Écosse est chargé de contrôler si les conditions de la community interest company au moment de lenregistrement et durant la vie de lentreprise sont respectées (condition de lattribution et du maintien de son statut) et de recevoir les rapports annuels de lentreprise (Drost et al., 2017, p. 198 ; OConnor, 2014, p. 31).

À lheure actuelle, le droit fédéral nenvisage pas de créer une structure hybride, bien que des discussions aient lieu sur ce sujet. En 2013, Industrie Canada a ainsi proposé une réforme de la Loi canadienne sur les sociétés par actions pour sadapter aux préoccupations sociales des entreprises, tandis que le Barreau canadien a indiqué au gouvernement que la situation actuelle en droit des sociétés canadien nécessitait dadopter une benefit corporation (Gouvernement du Québec, 2016 ; Tobin, 2014 ; MaRS Centre for Impact Investing, 2014 ; Industrie Canada, 2013).

2. Un pas en avant À nuancer ?

Bien que lentreprise soit de plus en plus reconnue comme institution sociale (Howard, 1972, p. 32 ; Touraine, 2003 ; Touraine, 1969 ; Gendron et Girard, 2013, p. 135 ; Tool, 1985 ; Jacobs, 1994), cette évolution est à nuancer. La mise en jeu de la règle de lappréciation commerciale (« business judgement rule ») confère une immunité aux administrateurs qui peuvent échapper à leur responsabilité en cas de violation des statuts de lentreprise (2.1.). Si des règles spécifiques sont parfois prévues dans la législation de certains pays, les parties prenantes ne bénéficient pas de recours supplémentaires contre les administrateurs ou les dirigeants en cas de non-respect des statuts (2.2.). La révolution juridique de lentreprise vit un paradoxe. À la fin de lannée 2017, la France sest lancée dans un projet de réforme du Code civil qui promet des changements denvergure (2.3.), mais la Belgique fait marche arrière de son côté en remettant en question un droit (pourtant précurseur en Europe) qui ne semble plus répondre aux besoins des entrepreneurs (2.4.).

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2.1. La rÊgle de lapprÉciation commerciale :
une immunitÉ conférÉe aux administrateurs

Les différents modèles dentreprises hybrides imposent linscription statutaire de leur vocation dobtenir un retour positif au profit de la communauté. Cependant, sagit-il dune obligation ? Existe-t-il une sanction en cas de non-respect ? Les parties prenantes disposent-elles dun recours effectif en cas de défaut des administrateurs ?

La prise en compte de lintérêt des parties prenantes dans la prise de décision est nuancée par la règle de lappréciation commerciale. Doctrine élaborée par la jurisprudence elle-même, il sagit dun « standard de révision judiciaire appliqué par (les) tribunaux eu égard à lexercice des devoirs généraux des administrateurs à la légalité de leur décision daffaires » (Desalliers, 2010, par. 10). Cette règle a été originellement consacrée dans la jurisprudence américaine (Percy v. Millaudon, 1829 ; Brock Built, LLC v. Blake, 2009 ; Malloy, 2017) et est aujourdhui appliquée par les juges canadiens (Magasins à rayons Peoples Inc. [Syndic de] c. Wise, 2004, par. 64-65 ; Rousseau, 2004). Lévolution de la règle dappréciation commerciale conduit à la considérer comme une politique de non-ingérence dans les affaires (Desalliers, 2010, par. 12 ; Bainbridge, 1993, p. 1432 ; Leslie v. Lorillard, 1888), un véritable principe, parfois même vu comme un authentique régime dirresponsabilité. Elle constitue une protection « [] qui sapplique lorsquun administrateur, lors du processus décisionnel mené de bonne foi, appuie sa décision sur une base informationnelle raisonnable en croyant honnêtement quelle sert les intérêts supérieurs de la société » (notre traduction, Aronson v. Lewis, 1984 ; et aussi : Gantler v. Stephens, 2009 ; In re Walt Disney Derivative Litigation, 2006 ; Tchotourian et Bernier, 2014, p. 97). Cette présomption, Corporation Waskahegen c. Corporation des maîtres électriciens du Québec, 2010 ; Carlson Family Trust c. MPL Communications Inc., 2009 ; Deer Creek Energy Ltd. c. Paulson & Co. Inc., 2008 ; Corporacion Americana de Equipamientos Urbanos S.L. c. Olifas Marketing Group Inc., 2003 ; Forget c. Société financière Desjardins-Laurentienne Inc., 1999 ; et la décision fondamentale : Aronson c. Lewis, 1984) profite aux administrateurs et aux dirigeants ayant pris une décision dans le respect de leurs devoirs de prudence et de diligence, de bonne foi et de loyauté (Desalliers, 2010, par. 12). Pour que cette présomption soit écartée, le plaignant sestimant 97lésé doit fournir la preuve que ladministrateur na pas agi dans le respect de ses obligations. Par conséquent, le conseil dadministrateur garde une indépendance et est protégé dune immixtion judiciaire dans lexercice de ses pouvoirs. Cette règle a pour conséquence de rendre laccès au recours des parties prenantes plus difficile, bien que la jurisprudence canadienne ait reconnu que la maximisation des profits ne prévaut pas sur la valorisation de lentreprise en tant quentreprise socialement responsable (Magasins à rayons Peoples Inc. [Syndic de] c. Wise, 2004 ; BCE Inc. c. Détenteurs de débentures, 2008).

2.2. Des recours judiciaires limitÉs pour les parties prenantes

Lentreprise hybride, plus particulièrement la benefit corporation, fait naître de nouvelles obligations pour les administrateurs. Reste à savoir si les parties prenantes profitent dun recours judiciaire plus efficace que dans le cas dune entreprise commerciale traditionnelle. En raison de linscription statutaire de la mission sociale, toute décision entrainant un bénéfice public est légalement considérée comme étant conforme au meilleur intérêt de lentreprise (Maryland Corporations and Association Code § 5-6C-06 [c]). Dans le cas contraire, que pourrait faire les parties prenantes ?

La loi na pas prévu de recours spécifique pour les parties prenantes. Ils ne peuvent intenter de recours directs contre une décision du conseil dadministration. Lentreprise reste responsable seulement envers les actionnaires et ses créanciers (Maryland Corporations and Association Code § 5-6C-02 et § 2-405.1 ; Esposito, 2013, p. 705). Les administrateurs ne sont exposés à des recours judiciaires que de leur propre initiative ou de celle des actionnaires (y compris ceux de la société mère) en vertu du « benefit enforcement procedding » (Tchotourian et Bernier, 2014, p. 201). Bien que lactivité de lentreprise hybride influe sur les intérêts des parties prenantes, seuls les actionnaires se voient attribuer des recours judiciaires. Les administrateurs dune entreprise hybride bénéficient en plus de la même immunité de principe que les administrateurs de toute société (Ibid., p. 92). En définitive, le non-respect des statuts par les administrateurs ou les dirigeants dune benefit corporation nest pas nécessairement sanctionné. La législation du Delaware prévoit même quune clause statutaire permette aux administrateurs déchapper à leurs 98devoirs de loyauté et de bonne foi (Del. Code tit. 8, § 365), alors que ces obligations sont considérées au Canada comme étant dordre public (Gravino c. Enerchem Transport Inc., 2008 ; Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1., art. 120). Sans même avoir consacré les entreprises hybrides, la législation canadienne offre une protection intéressante aux parties prenantes avec les recours en inobservation ou en dissolution (Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1., art. 460 ; Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC 1985, c C-44, article 213[1]). « Autrement dit, les moyens juridiques de prendre en compte le non-respect par la société dengagements de RSE existent dores et déjà, sans quil soit besoin de faire valoir lintégration statutaire, au titre de lobjet social, de tels engagements » (Nurit-Pontier, 2013, par. 23). Il existe dautres recours possibles (recours oblique et recours en oppression), mais la mise en œuvre de ces recours (Crête et Rousseau, 2011, p. 609-631) offerts aux parties prenantes se heurte à certains obstacles comme la notion dattente raisonnable (dont le contenu est variable) ou la distinction entre « lintérêt » dun plaignant et le « droit » dont ils disposent pour agir (voir le commentaire de Martel, 2015). Finalement, la mise en œuvre de la responsabilité des administrateurs ou des dirigeants pour une violation statutaire savère difficile à mettre en œuvre.

Linscription de la mission sociale de lentreprise dans les statuts opère une véritable révolution de la conception capitaliste de lentreprise. La gouvernance dentreprise se transforme pour répondre à ces nouvelles orientations du monde économique. Le contenu du devoir des administrateurs sélargi (sur les discussions dont ces devoirs sont lobjet depuis la crise de 2007-2008 : Paolini, 2014). Néanmoins, les parties prenantes ne se voient pas doter de nouveaux recours. Avec ces mutations (aussi imparfaites soient-elles), la RSE est intégrée dans lADN de lentreprise et simpose dans la gouvernance des entreprises. En Europe, les positions sur la question diffèrent, voire sopposent. Alors que la France entame une réforme majeure du droit des sociétés, la Belgique recule vis-à-vis de lentreprise hybride quelle a consacrée à la fin du xxe siècle.

2.3. Une réforme du Code civil français :
un projet denvergure AU-DELÀ DU CODE

En 2017, la France a emboité le pas concernant les entreprises hybrides. Déjà en 2001, une première pierre avait été posée à lédifice de ce qui 99deviendra plus tard léconomie sociale et solidaire. Par une réforme du droit des coopératives, le droit français avait créé la société coopérative dintérêt collectif (Loi no 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions dordre social, éducatif et culturel, art. 36 ; Loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération). Elle est définie par la loi comme étant une société constituée sous la forme dune société anonyme ou dune société à responsabilité limitée ayant « pour objet la production ou la fourniture de biens et de services dintérêt collectif, qui présentent un caractère dutilité sociale » (Loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, art. 19 quinquies). Le cadre juridique a évolué en 2014 lorsque la loi sur léconomie sociale et solidaire (ci-après « ESS ») a été promulguée. Avec cette loi, les entreprises reconnues comme des entités de lESS répondent à des principes juridiques non exclusivement lucratifs qui encadrent leur gouvernance (Loi no 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à léconomie sociale et solidaire, art. 1er). Les sociétés commerciales entrent dans le champ dapplication de cette loi si leurs règles respectent ces énoncés. Mais, une évolution majeure a eu lieu ces deux dernières années. En effet, le gouvernement français a proposé un plan daction pour la croissance et la transformation des entreprises (Ministère du travail, 2018) qui, après une longue période de discussion et des allers-retours entre les deux assemblées parlementaires, a été définitivement adoptée le 11 avril 2019 (Loi no 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises). Cette refonte majeure modifie les articles 1833 et 1835 du Code civil qui imposent une responsabilité sociale à toutes les entreprises commerciales (Lecourt et al., 2018 ; Urbain-Parleani et al., 2018). Selon le plan daction, la modernisation du droit des sociétés permet dintégrer, aux côtés de la recherche du profit, dautres objectifs afin que le droit français fasse une place aux entreprises hybrides sur le même modèle que ceux retrouvés à létranger (Potier, 2018, p. 10-12).

Au-delà de la simple inscription statutaire de la RSE, le droit français donne un nouveau statut à lentreprise dans son ensemble en intégrant la notion de « projet dentreprise », et ce, dans le but de régler les problématiques liées à la prise en compte des parties prenantes (Badré et al., 2016). Cette loi repense lintérêt social de lentreprise et non plus uniquement la vocation de ses activités. La réforme française crée aussi un statut spécifique d« entreprise à mission » (Léon et al., 2018). Elle 100recouvre trois caractéristiques : la définition dune mission dordre social, scientifique, humain ou environnemental non réductible au profit ; un dispositif de contrôle spécifique de la stratégie de lentreprise à légard de sa mission ; et un engagement vis-à-vis de cette mission inscrite dans le contrat de société (Potier, 2018, p. 70). Un organe de contrôle est désormais prévu à larticle L. 210-10 du code de commerce et se nomme « comité de mission ». Comme toute réforme, les avis étaient partagés sur la question. Pour certains, le législateur aurait dû adopter une entreprise similaire à la benefit corporation sans modifier les articles 1832 et 1833 (Bellan, 2018). Ce projet de réécriture de ces articles fondamentaux du droit des sociétés français symbolise de nouvelles perspectives pour la société (Couret, 2017, p. 222-223) et sa gouvernance. Bâti selon lidée dune modernisation des entreprises, le but de ce projet a été opposé à celui actuellement en cours en Belgique, visant lui aussi une modernisation du droit des sociétés.

2.4. La position contradictoire de la Belgique

En 2017, la Belgique a décidé dentreprendre une réforme de modernisation de son droit des sociétés (Conseil central de léconomie, 2017). Alors quelle a été le premier pays européen à légiférer sur lentreprise hybride, les résultats se sont révélés faibles. Cest en 1995 que la société à finalité sociale (ci-après « SFS ») a été introduite dans le code des sociétés. Ce modèle daffaire reposant sur les principes de lentreprise hybride a su séduire la doctrine, mais na pas obtenu le même accueil dans la pratique. Un peu plus de vingt ans après cette promulgation, 95 % des SFS sont enregistrées sous la forme de la coopérative à responsabilité limitée (Centre belge du droit des sociétés, 2015). Pour cette raison, le projet de loi introduisant le Code des sociétés et des associations adopté le 28 février 2019 par la Chambre des représentants supprime la SFS de son droit des sociétés, et prévoit en son article 42 que les SFS existantes devront se transformer en coopératives (Projet de loi introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions diverses, 2019, art. 42). Les raisons qui justifient ce choix concernent un droit des affaires jugé complexe et peu adapté aux réalités économiques. Cest donc dans une perspective de compétitivité économique que la SFS séteint. Si la loi belge na su répondre à la réalité économique qui est la sienne, le reste 101du monde entretient lengouement pour la finance sociale et continue davancer vers une nouvelle gouvernance dentreprise.

Conclusion :
lentreprise hybride est là pour rester

Le capitalisme est arrivé à lheure des changements. Le droit américain sest rapidement adapté à de nouveaux besoins (Tchotourian et Turcotte, 2018). Les entreprises hybrides existent sous des dénominations différentes à travers le monde, mais répondent à des caractéristiques communes. Linscription statutaire offre une alternative aux modèles daffaires qui ont montré leurs limites (malgré une pratique de plus en plus respectueuse des engagements de RSE). Pourtant, le droit des affaires ne semble pas encore prêt à accueillir une responsabilité des administrateurs et des dirigeants pleine et entière envers les parties prenantes. Ces dernières ne disposent que de peu de recours et ne sont considérées quindirectement affectées. De plus, imposer le respect dune mission de nature sociétale dans lobjet social nest pas sans rappeler la doctrine de lultra vires développée au xixe siècle. Or, cette doctrine a été progressivement abandonnée en droit américain (American Bar Association, 2016, art. 3.02 ; Bainbridge, 2002, p. 59) et canadien (Loi canadienne sur les sociétés par actions, art. 15 [1] ; Code civil du Québec, art. 301 et suiv. ; Buckley et al., 1995, p. 177 ; Martel, 2016, par. 9-65). Le chemin choisi suppose de revenir sur cette position bien arrêtée du droit des sociétés (Bainbridge, 2002, p. 59) ; de repenser les règles de protection des tiers de bonne foi ; et de réintroduire un instrument de contrôle du comportement des entreprises qui a montré ses limites (Buckley et al., 1995, p. 175) : un contrôle à travers la procédure denregistrement.

Lentreprise hybride sinstitutionnalise (Hiez, 2015) et la RSE se judiciarise (Tchotourian et Morteo, 2019a ; Heraud, 2015 ; Ost et Van de Kerchove, 2002, p. 113). En effet, « [] le droit est un produit social, un phénomène » qui exprime le vouloir-vivre de la société qui sécrète spontanément les règles de droit qui lui conviennent le mieux (Carbonnier, 1988, p. 74), ce que le législateur doit envisager pour 102finalement déterminer le besoin social des lois (Carbonnier, 1988, p. 58 ; Ost et Van de Kerchove, 2002, p. 78). Linstitutionnalisation répond à un besoin auquel lÉtat apporte une solution dans la mesure où il permet une diffusion des apports de linnovation dans la société (Bouchard, 2011, p. 7). Le droit, en tant que révélateur des mutations (Commaille, 2015, p. 25), sadapte aux besoins de la société. Pour autant, les entreprises hybrides montrent des limites telles que linexistence de recours spécifiques à lencontre des administrateurs qui nauraient pas respecté leurs obligations statutaires. Mais, le mouvement est lancé. Le droit des sociétés ouvre la voie à des considérations éthiques. Avec les récents projets européens et un intérêt grandissant de la part des institutions de lUnion européenne pour ces nouvelles structures sociétaires (Résolution du Parlement européen du 5 juillet 2018 contenant des recommandations à la Commission relatives à un statut pour les entreprises de léconomie sociale et solidaire, 2018), il est possible de se demander si le Canada est dans la bonne voie en restant dans un silence législatif. Bien que la Belgique fasse marche arrière, lavenir des entreprises hybrides reste prometteur. Le nouveau visage de la gouvernance dentreprise propose une alternative aux grands enjeux du xxie siècle et offre des outils innovants à un monde économique en quête didentité nouvelle.

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Table de la législation

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Del. Code tit. 8.

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Loi no 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions dordre social, éducatif et culturel.

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Maryland Corporations and Association Code.

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111

Table de la jurisprudence

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Besner c. J.A. Besner & Sons (Canada) Ltd., (1993) R.J.Q. 1759 (C.S.).

Brock Built, LLC v. Blake, 300 Ga App 816, 686 SE 2d 425 (2009).

Carlson Family Trust c. MPL Communications Inc., (2009) A.J. No. 148 (Q.B.).

Continental Bank Leasing Corporation c. Canada, (1998) 2 RCS 298.

Contl Ill. Natl Bank & Trust Co. v. Hunt Intl Res. Corp., Nos. 7888, 7844, 1987 WL 55826 (Del. Ch. Feb. 27, 1987).

Corporacion Americana de Equipamientos Urbanos S.L. c. Olifas Marketing Group Inc., (2003) O.J. No. 3368 (S.C.).

Corporation Waskahegen c. Corporation des maîtres électriciens du Québec, 2010 QCCA 2130, (2010) J.Q. no 12043.

Deer Creek Energy Ltd. c. Paulson & Co. Inc., (2008) A.J. No. 643 (Q.B.).

Diligenti v. RWMD Operations Kelowna Ltd., (1976) B.C.J. (Quicklaw) no 38 (S.C.).

Dodge v. Ford Motor Co., 170 N.W. 668 (Mich. 1919).

Forget c. Société financière Desjardins-Laurentienne Inc., (1999) J.Q. no 91, (C.S.).

Gans v. MDR Liquidating Corp., No. 9630, 1998 WL 294006 (Del. Ch. May 22, 1998).

Gantler v. Stephens, 965 A2d 695 (Del. 2009).

Gravino c. Enerchem Transport Inc., 2008 QCCA 1820 (CanLII).

In re Walt Disney Derivative Litigation, 906 A2d 27 (Del. 2006).

Katz v. Oak Indus., Inc., 508 A-2d 873 (Del. Ch. 1986).

Leslie v. Lorillard, 18 N.E. 363 (N.Y. 1888).

Magasins à rayons Peoples Inc. (Syndic de) c. Wise (2004 CSC 68).

Pittelman v. Pearce, 8 Cal. Rptr. 2d 359 (Cal. Ct. App. 1992).

Percy v. Millaudon, 8 Mart. (n.s.) 68 (La. 1829).

Revlon, Inc v. MacAndrews & Forbes Holdings, Inc., 506 A.2d 173 (Del. 1986).

Westfair Foods Ltd. v. Watt, (1991) 79 D.L.R. (4th) 48 (Alta C.A.).

820099 Ontario Inc. v. Harold E. Balalrd Ltd., (1991) O.J. (Quicklaw) no 266 (Gen. Div.), conf. par (1991) O.J. (Quicklaw) no 1082 (Gen. Div.).

1 Ce terme fait référence à ceux utilisés dans la proposition de loi Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances déposées à lAssemblée nationale le 6 décembre 2017 par O. Faure, D. Potier et B. Vallaud, en ligne : http://www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/15/propositions/pion0476/(index)/propositions-loi (consulté le 14 février 2018).

2 Cet article a été réalisé grâce au soutien financier de la Chaire Marcelle-Mallet sur la culture philanthropique de lUniversité Laval qui a permis la réalisation du projet de recherche intitulé « Société à objet social étendu : léconomique aurait-il enfin loutil pour se soucier dautrui ? » (2016-2017). Le texte a été mis à jour au 1er juin 2019. Tout commentaire peut être envoyé à ladresse suivante : ivan.tchotourian@fd.ulaval.ca.