Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Crépuscules du pouvoir. Destitutions et abdications de l’Antiquité au xxe siècle
- Pages: 653 to 659
- Collection: Encounters, n° 540
RÉsumÉs
Albrecht Burkardt, « Crépuscules du pouvoir. Survols d’un terrain de recherche »
Événements rares, exceptions à la règle, destitutions et abdications se sont pourtant produits régulièrement dans l’histoire de l’Occident et au-delà. Cette introduction au volume cherche à dégager les différents versants du sujet et en présente un bilan historiographique.
Jacques Le Brun (†), « Abdication, archéologie et modernité »
En partant de l’exemple de Cincinnatus décrit par Tite Live, l’article réexamine la renonciation au pouvoir, en la considérant comme « acte suprême de souveraineté ». En dialogue avec Carl Schmitt et Max Weber, celle-ci est conçue comme ayant pour essence un pouvoir d’exception, à classer dans le champ de la domination charismatique (l’homme qui en dispose « n’est pas élu, il est “reconnu” »), et dont seul « un autre extraordinaire, […] le refus de tout pouvoir, […] accomplit la visée ».
Alain Blanchard, « Autour du livre de Jacques Le Brun, Le pouvoir d’abdiquer »
Les abdications de souverains sont des phénomènes assez peu étudiés par les historiens. C’est tout l’intérêt de l’ouvrage de Jacques Le Brun de s’y intéresser à partir de quelques exemples. Il essaie ainsi de faire le tour de ce phénomène paradoxal : un souverain tout puissant décide de quitter le pouvoir. Les cas étudiés, apparemment semblables et pourtant bien différents, lui permettent de couvrir diverses facettes de l’abdication que des exemples récents en 2013-2014 ont encore mis en valeur.
654Valerio Gigliotti, « La renonciation du Pape entre théologie et droit. Pouvoir et service »
La question de la renonciation du pape englobe et rappelle deux réflexions. La première se rapporte à l’exercice du « pouvoir » (la potestas) même de façon « négative » ; la deuxième à la nature essentiellement et intimement christologique de cet acte juridique et pastoral. Cet essai retrace les étapes principales du long débat historique et juridique autour de la renonciation du pape, en proposant une lecture « mystique » de cette institution, à côté de la lecture canonique.
Gilles Lecuppre, « Des précédents pour Charles Quint ? Les abdications princières dans les anciens Pays-Bas (xiiie-xve s.) »
Par sa renonciation à la grandeur suprême, Charles Quint a attiré sur lui l’attention des théoriciens du politique et des historiens. Toutefois, les principautés médiévales finalement regroupées sous la domination des ducs Valois de Bourgogne puis des Habsbourg, avaient déjà connu des mises en scène solennelles du dessaisissement. Ainsi, l’abdication de l’empereur prend place dans la continuité subtile de traditions locales et les donne à voir à une société politique soucieuse des formes et des symboles.
Susan Richter, « L’abdication de Charles Quint de son titre d’empereur du Saint-Empire romain germanique. Aperçu juridique et “médiatique” »
Si l’abdication de l’empereur Charles V est acceptée par les représentants du Saint-Empire germanique, elle devient un conflit d’intérêts qui redéfinit la relation entre l’empereur et le collège électoral. Différentes interprétations de l’abdication se sont affrontées, résultant, pour les uns, de la compréhension que Charles lui-même avait du règne, pour les autres, de l’idée d’une nécessaire participation des électeurs aux décisions en jeu. L’interprétation des électeurs a prévalu à long terme.
Gregor Stiebert, « L’abdication de Charles Quint dans l’iconographie »
Pour les contemporains, l’abdication de Charles Quint constitue une profonde rupture politique en raison de l’abandon de la monarchie universelle. Bien qu’elle ait été accompagnée d’un cérémonial détaillé (visant à préserver l’impression d’une continuité du règne), les représentations imagées 655de l’événement sont très rares. À l’aide d’un certain nombre d’élaborations picturales remarquables, l’article examine dans quels contextes divergents l’abdication a été réinterprétée dans les siècles suivants.
Michael Roth, « Un traict de sagesse ? Côme Ier de Médicis et son prétendu retrait du pouvoir »
Côme Ier de Médicis (1519-1574) n’a pas seulement consolidé le jeune pouvoir princier de sa famille sur la Toscane, mais, en renonçant, il a également pris une mesure politique inhabituelle. En 1564, il transmet le pouvoir à son fils François (1541-1587). L’article montre que le duc a stratégiquement instrumentalisé son abdication afin de stabiliser son pouvoir interne et d’étendre son pouvoir externe sur la dynastie, sans pour autant renoncer au pouvoir par la suite.
Cinzia Bearzot, « Destitutions et abdications dans la Grèce antique »
La problématique concernant les destitutions et les abdications dans le monde grec est liée à la question de la légitimité et de l’exercice du pouvoir. La déposition du pouvoir est dans le monde grec un outil de contrôle normal de son exercice, appliqué à des magistrats civils et militaires. L’abdication était en revanche plus rare. Dans tous les cas, destitutions et abdications dérivent d’une conception du pouvoir jugé non pas comme provenant de la divinité, mais des détenteurs de la souveraineté.
Claudia Moatti, « Abdications et destitutions à Rome, à l’époque républicaine »
L’abdication d’un magistrat et la destitution de pro-magistrats sont bien attestées au cours de la République romaine. La première destitution d’un magistrat ne date, elle, que de 133 av. J.-C., lorsque le tribun de la plèbe Octavius fut démis de ses fonctions par un vote du peuple, sur proposition de Tiberius Gracchus. Après cet épisode fameux, les sources rapportent plusieurs destitutions de magistrats, décrites comme des actes politiques, fruits de crises, mais sans que jamais leur légalité soit évoquée.
Virginie Hollard, « Les empereurs romains pouvaient-ils abdiquer ? »
L’abdication des empereurs est un fait méconnu avant celle de l’empereur Dioclétien au début du ive siècle de notre ère. Si le lexique de l’abdication est 656présent dans les textes de la république romaine, cela cesse d’être le cas après l’arrivée au pouvoir du premier princeps. La contribution interroge cette absence. Seront alors étudiées des formes d’abandon du pouvoir impérial pouvant s’apparenter à un acte d’abdication sans que le mot ne soit clairement évoqué.
Corinne Péneau, « “Faire et défaire les rois” en Suède à la fin du Moyen Âge »
En Suède, entre le xiiie et le début du xvie siècle, seuls quatre rois réussirent à rester sur le trône jusqu’à leur mort. Les rois suédois connurent souvent l’exil et parmi les rois qui régnèrent jusqu’à leur mort, seuls deux ne connurent pas l’exil. Loin d’être le fruit de simples circonstances, cette situation politique peut s’expliquer par la loi suédoise elle-même, où fut formulée, dès le xiiie siècle, la capacité des Suédois à élire leur roi, mais aussi à le déposer.
Stefan Ehrenpreis, « Fins de règne anticipées. Abdications et destitutions de princes dans le Saint-Empire romain germanique »
Au sein du Saint-Empire germanique, les déchéances de princes s’étaient déjà produites au Moyen Âge. Les abdications représentent une exception, mais des destitutions imposées par l’empereur se produisaient plus fréquemment. L’article analyse ce dernier phénomène pour l’époque moderne. Si, au xviiie siècle, il y eut plusieurs destitutions incontestées, d’autres cas montrent toutefois que l’empereur savait aussi éviter des destitutions formelles lorsque son intérêt personnel semblait le suggérer.
Natalia Neverova, « Rappel ou destitution ? Les peines appliquées aux ambassadeurs au début du xviie siècle : les approches théoriques et la pratique »
Les traités théoriques dont le nombre augmente tout au long du xvie siècle dressent un modèle idéal de l’ambassadeur. Ses qualités, son comportement, ses actions les plus répréhensibles sont détaillés dans les textes. Il en va de même des sanctions appliquées à celui qui a échoué dans ses missions. Cependant, la pratique du service diplomatique du début du xviie siècle est très éloignée de la théorie, ce que montrent les cas de deux ambassadeurs anglais, Thomas Edmondes et Stephen Lesieur.
657Albrecht Burkardt, « Dégradations, destitutions, abdications, retraites. Fins de carrière au sein de l’Inquisition romaine (fin xvie – début xviiie siècle) »
L’article analyse les formes d’abdications et de destitutions qui s’observent dans la pratique du Saint-Office : elles concernent soit les victimes, en particulier les clercs qui, en cas de punition sévère, devaient faire face au rituel de la dégradation ; soit les collaborateurs du Saint-Office, à commencer par les inquisiteurs. Une partie majeure des déchéances ayant eu pour cause l’âge des agents, il s’agira d’intégrer les cas retrouvés dans une typologie générale des fins de carrière.
Pierre Ragon, « La mise à l’écart du marquis de Gelves, vice-roi de Mexico (1624). Une destitution qui ne dit pas son nom ? »
La révolte populaire qui éclata à Mexico en 1624 est l’épisode le plus spectaculaire de l’histoire politique de la Nouvelle-Espagne. En obligeant le vice-roi à prendre la fuite, les émeutiers défièrent l’autorité de la Couronne, et les juges du tribunal supérieur de justice se saisirent du pouvoir suprême. Si les causes, les mécanismes et les conséquences de cet événement ont été étudiés, on ne s’est guère interrogé sur sa nature juridique et sa portée politique. Tel est l’objet de cette étude.
Gauthier Aubert, « Autour des destitutions symboliques et réelles dans les révoltes françaises du xviie siècle »
En complément d’une historiographie qui cherche à comprendre la mort de Louis XVI en recourant à l’hypothèse d’une « désacralisation » de l’image royale, l’article pose la question de savoir si, entre les destitutions effectives ou symboliques opérées par le « peuple » lors des révoltes du Papier timbré et la mort du slogan « vive le roi sans la gabelle » au moment de la Guerre de Succession d’Espagne, n’a pu s’amorcer un mouvement s’articulant en aval au processus de remise en cause de la personne du roi.
Olivier Andurand, « S’humilier devant Dieu et les hommes. L’abdication de Jean-Charles de Ségur, évêque de Saint-Papoul »
L’abdication de J.-C. de Ségur, en signe d’opposition à la bulle Unigenitus, est un événement marquant de la décennie 1730. Elle souligne dans l’opinion 658la volonté d’un évêque de mettre ses décisions en conformité avec sa conscience, préférant se démettre plutôt que se soumettre. L’étude cherche à comprendre la portée de cette renonciation et la façon dont elle a été perçue par ses confrères, par les théologiens jansénistes et par un public toujours prompt à rire des événements politiques et religieux.
Susan Richter, « “Seul un dragon sait quand il vient à l’existence et s’éteint, sans pourtant jamais perdre sa véritable nature. En vérité, lui seul est le Sage”. La stratégie de l’empereur de Chine Qianlong pour légitimer son abdication en 1796 »
L’abdication de l’empereur chinois Qianlong en 1796 avait peu de précédents dans la tradition chinoise. Néanmoins, elle était en parfaite harmonie avec les conceptions cycliques du temps, avec le concept d’action de « devoir filial ou de soumission » et avec d’autres traditions, philosophiques, mobilisées par l’empereur dans ses poésies. En se référant à ces idées, Qianlong a su construire une stratégie de légitimation pour sa démission et pour un régime partagé avec son fils (dyarchie).
Hélène Becquet, Grégoire Franconie et Gilles Malandain, « Abdiquer après la Révolution. Napoléon, Charles X, Louis-Philippe »
Trois des quatre monarques qui se sont succédé en France entre 1804 et 1848 ont abdiqué avant de finir leur vie en exil. Ces abdications ont marqué la fin des trois régimes – Empire, Restauration, monarchie de Juillet – ayant suivi la Révolution. Le fait est en lui-même remarquable, l’abdication étant un acte politique inédit dans l’histoire de France. On propose ici une analyse politique de ces moments-clé, emblématiques du processus de reformulation des sources de la légitimité monarchique.
Éric Anceau, « Le paradoxe Napoléon III. Abdication virtuelle, chute et déchéance »
Fait inouï, Napoléon III jouit en 1870 d’une triple légitimité : traditionnelle, charismatique et légale-rationnelle. Son pouvoir semble encore conforté par le plébiscite du 8 mai qui est triomphal. Cependant, en quelques semaines seulement, il perd tout en raison d’une débâcle militaire : son régime est renversé à Paris ; sa dynastie est déchue et il est condamné à un exil dans lequel 659il meurt peu après. Ce chapitre examine à nouveaux frais l’engrenage qui explique ce renversement complet.
Jérôme Grévy, «Destitutions républicaines »
Dépassant le lieu commun antiparlementariste enraciné dans la culture française, l’article en propose une relecture. Loin d’avoir été source d’instabilité, le système parlementaire a au contraire permis la démocratisation de la France. En effet, les crises politiques n’étaient plus résolues par des coups d’état ou des révolutions, comme cela s’était produit au long du xixe siècle, mais par la chute des gouvernements, consécutives à des interpellations et des mises en minorité par le Parlement.
Andreas Gipper, « Une parade d’exécution. Alfred Dreyfus et l’imaginaire des cérémonies de dégradation »
La contribution analyse la dégradation du capitaine Dreyfus dans le contexte de l’Affaire Dreyfus en 1895. Dans le sillage des travaux de H. Garfinkel et E. Goffman, on examinera les illustrations imprimées de la cérémonie de dégradation et une série de représentations littéraires particulièrement représentatives, sous l’angle de leur fonction symbolique et commémorative, avant d’en venir à des réflexions juridico-philosophiques sur le problème de « l’indignité nationale » dans la Troisième République.
Wolfgang Kruse, « Parlementarisation, abdication, régence. Concepts et étapes du passage forcé de la monarchie constitutionnelle à la république démocratique dans l’Allemagne de 1918 »
L’article analyse les différents concepts pour une réforme de la monarchie constitutionnelle de l’Empire allemand, ventilés en automne 1918 afin d’éviter sa déchéance : la soumission du gouvernement au parlement, l’abdication de l’empereur au bénéfice d’un successeur, la nomination d’un régent. Contradictoires, et le mouvement révolutionnaire prenant de vitesse, ces projets ont tous échoué ; ils ne sont pourtant pas restés sans influence sur le remodelage politique de la république de Weimar.
- CLIL theme: 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
- ISBN: 978-2-406-12652-2
- EAN: 9782406126522
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-12652-2.p.0653
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-27-2022
- Language: French