Aller au contenu

Classiques Garnier

Résumés

653

RÉsumÉs

Albrecht Burkardt, « Crépuscules du pouvoir. Survols dun terrain de recherche »

Événements rares, exceptions à la règle, destitutions et abdications se sont pourtant produits régulièrement dans lhistoire de lOccident et au-delà. Cette introduction au volume cherche à dégager les différents versants du sujet et en présente un bilan historiographique.

Jacques Le Brun (†), « Abdication, archéologie et modernité »

En partant de lexemple de Cincinnatus décrit par Tite Live, larticle réexamine la renonciation au pouvoir, en la considérant comme « acte suprême de souveraineté ». En dialogue avec Carl Schmitt et Max Weber, celle-ci est conçue comme ayant pour essence un pouvoir dexception, à classer dans le champ de la domination charismatique (lhomme qui en dispose « nest pas élu, il est “reconnu” »), et dont seul « un autre extraordinaire, [] le refus de tout pouvoir, [] accomplit la visée ».

Alain Blanchard, « Autour du livre de Jacques Le Brun, Le pouvoir dabdiquer »

Les abdications de souverains sont des phénomènes assez peu étudiés par les historiens. Cest tout lintérêt de louvrage de Jacques Le Brun de sy intéresser à partir de quelques exemples. Il essaie ainsi de faire le tour de ce phénomène paradoxal : un souverain tout puissant décide de quitter le pouvoir. Les cas étudiés, apparemment semblables et pourtant bien différents, lui permettent de couvrir diverses facettes de labdication que des exemples récents en 2013-2014 ont encore mis en valeur.

654

Valerio Gigliotti, « La renonciation du Pape entre théologie et droit. Pouvoir et service »

La question de la renonciation du pape englobe et rappelle deux réflexions. La première se rapporte à lexercice du « pouvoir » (la potestas) même de façon « négative » ; la deuxième à la nature essentiellement et intimement christologique de cet acte juridique et pastoral. Cet essai retrace les étapes principales du long débat historique et juridique autour de la renonciation du pape, en proposant une lecture « mystique » de cette institution, à côté de la lecture canonique.

Gilles Lecuppre, « Des précédents pour Charles Quint ? Les abdications princières dans les anciens Pays-Bas (xiiie-xve s.) »

Par sa renonciation à la grandeur suprême, Charles Quint a attiré sur lui lattention des théoriciens du politique et des historiens. Toutefois, les principautés médiévales finalement regroupées sous la domination des ducs Valois de Bourgogne puis des Habsbourg, avaient déjà connu des mises en scène solennelles du dessaisissement. Ainsi, labdication de lempereur prend place dans la continuité subtile de traditions locales et les donne à voir à une société politique soucieuse des formes et des symboles.

Susan Richter, « Labdication de Charles Quint de son titre dempereur du Saint-Empire romain germanique. Aperçu juridique et “médiatique” »

Si labdication de lempereur Charles V est acceptée par les représentants du Saint-Empire germanique, elle devient un conflit dintérêts qui redéfinit la relation entre lempereur et le collège électoral. Différentes interprétations de labdication se sont affrontées, résultant, pour les uns, de la compréhension que Charles lui-même avait du règne, pour les autres, de lidée dune nécessaire participation des électeurs aux décisions en jeu. Linterprétation des électeurs a prévalu à long terme.

Gregor Stiebert, « Labdication de Charles Quint dans liconographie »

Pour les contemporains, labdication de Charles Quint constitue une profonde rupture politique en raison de labandon de la monarchie universelle. Bien quelle ait été accompagnée dun cérémonial détaillé (visant à préserver limpression dune continuité du règne), les représentations imagées 655de lévénement sont très rares. À laide dun certain nombre délaborations picturales remarquables, larticle examine dans quels contextes divergents labdication a été réinterprétée dans les siècles suivants.

Michael Roth, « Un traict de sagesse ? Côme Ier de Médicis et son prétendu retrait du pouvoir »

Côme Ier de Médicis (1519-1574) na pas seulement consolidé le jeune pouvoir princier de sa famille sur la Toscane, mais, en renonçant, il a également pris une mesure politique inhabituelle. En 1564, il transmet le pouvoir à son fils François (1541-1587). Larticle montre que le duc a stratégiquement instrumentalisé son abdication afin de stabiliser son pouvoir interne et détendre son pouvoir externe sur la dynastie, sans pour autant renoncer au pouvoir par la suite.

Cinzia Bearzot, « Destitutions et abdications dans la Grèce antique »

La problématique concernant les destitutions et les abdications dans le monde grec est liée à la question de la légitimité et de lexercice du pouvoir. La déposition du pouvoir est dans le monde grec un outil de contrôle normal de son exercice, appliqué à des magistrats civils et militaires. Labdication était en revanche plus rare. Dans tous les cas, destitutions et abdications dérivent dune conception du pouvoir jugé non pas comme provenant de la divinité, mais des détenteurs de la souveraineté.

Claudia Moatti, « Abdications et destitutions à Rome, à lépoque républicaine »

Labdication dun magistrat et la destitution de pro-magistrats sont bien attestées au cours de la République romaine. La première destitution dun magistrat ne date, elle, que de 133 av. J.-C., lorsque le tribun de la plèbe Octavius fut démis de ses fonctions par un vote du peuple, sur proposition de Tiberius Gracchus. Après cet épisode fameux, les sources rapportent plusieurs destitutions de magistrats, décrites comme des actes politiques, fruits de crises, mais sans que jamais leur légalité soit évoquée.

Virginie Hollard, « Les empereurs romains pouvaient-ils abdiquer ? »

Labdication des empereurs est un fait méconnu avant celle de lempereur Dioclétien au début du ive siècle de notre ère. Si le lexique de labdication est 656présent dans les textes de la république romaine, cela cesse dêtre le cas après larrivée au pouvoir du premier princeps. La contribution interroge cette absence. Seront alors étudiées des formes dabandon du pouvoir impérial pouvant sapparenter à un acte dabdication sans que le mot ne soit clairement évoqué.

Corinne Péneau, « “Faire et défaire les rois” en Suède à la fin du Moyen Âge »

En Suède, entre le xiiie et le début du xvie siècle, seuls quatre rois réussirent à rester sur le trône jusquà leur mort. Les rois suédois connurent souvent lexil et parmi les rois qui régnèrent jusquà leur mort, seuls deux ne connurent pas lexil. Loin dêtre le fruit de simples circonstances, cette situation politique peut sexpliquer par la loi suédoise elle-même, où fut formulée, dès le xiiie siècle, la capacité des Suédois à élire leur roi, mais aussi à le déposer.

Stefan Ehrenpreis, « Fins de règne anticipées. Abdications et destitutions de princes dans le Saint-Empire romain germanique »

Au sein du Saint-Empire germanique, les déchéances de princes sétaient déjà produites au Moyen Âge. Les abdications représentent une exception, mais des destitutions imposées par lempereur se produisaient plus fréquemment. Larticle analyse ce dernier phénomène pour lépoque moderne. Si, au xviiie siècle, il y eut plusieurs destitutions incontestées, dautres cas montrent toutefois que lempereur savait aussi éviter des destitutions formelles lorsque son intérêt personnel semblait le suggérer.

Natalia Neverova, « Rappel ou destitution ? Les peines appliquées aux ambassadeurs au début du xviie siècle : les approches théoriques et la pratique »

Les traités théoriques dont le nombre augmente tout au long du xvie siècle dressent un modèle idéal de lambassadeur. Ses qualités, son comportement, ses actions les plus répréhensibles sont détaillés dans les textes. Il en va de même des sanctions appliquées à celui qui a échoué dans ses missions. Cependant, la pratique du service diplomatique du début du xviie siècle est très éloignée de la théorie, ce que montrent les cas de deux ambassadeurs anglais, Thomas Edmondes et Stephen Lesieur.

657

Albrecht Burkardt, « Dégradations, destitutions, abdications, retraites. Fins de carrière au sein de lInquisition romaine (fin xvie – début xviiie siècle) »

Larticle analyse les formes dabdications et de destitutions qui sobservent dans la pratique du Saint-Office : elles concernent soit les victimes, en particulier les clercs qui, en cas de punition sévère, devaient faire face au rituel de la dégradation ; soit les collaborateurs du Saint-Office, à commencer par les inquisiteurs. Une partie majeure des déchéances ayant eu pour cause lâge des agents, il sagira dintégrer les cas retrouvés dans une typologie générale des fins de carrière.

Pierre Ragon, « La mise à lécart du marquis de Gelves, vice-roi de Mexico (1624). Une destitution qui ne dit pas son nom ? »

La révolte populaire qui éclata à Mexico en 1624 est lépisode le plus spectaculaire de lhistoire politique de la Nouvelle-Espagne. En obligeant le vice-roi à prendre la fuite, les émeutiers défièrent lautorité de la Couronne, et les juges du tribunal supérieur de justice se saisirent du pouvoir suprême. Si les causes, les mécanismes et les conséquences de cet événement ont été étudiés, on ne sest guère interrogé sur sa nature juridique et sa portée politique. Tel est lobjet de cette étude.

Gauthier Aubert, « Autour des destitutions symboliques et réelles dans les révoltes françaises du xviie siècle »

En complément dune historiographie qui cherche à comprendre la mort de Louis XVI en recourant à lhypothèse dune « désacralisation » de limage royale, larticle pose la question de savoir si, entre les destitutions effectives ou symboliques opérées par le « peuple » lors des révoltes du Papier timbré et la mort du slogan « vive le roi sans la gabelle » au moment de la Guerre de Succession dEspagne, na pu samorcer un mouvement sarticulant en aval au processus de remise en cause de la personne du roi.

Olivier Andurand, « Shumilier devant Dieu et les hommes. Labdication de Jean-Charles de Ségur, évêque de Saint-Papoul »

Labdication de J.-C. de Ségur, en signe dopposition à la bulle Unigenitus, est un événement marquant de la décennie 1730. Elle souligne dans lopinion 658la volonté dun évêque de mettre ses décisions en conformité avec sa conscience, préférant se démettre plutôt que se soumettre. Létude cherche à comprendre la portée de cette renonciation et la façon dont elle a été perçue par ses confrères, par les théologiens jansénistes et par un public toujours prompt à rire des événements politiques et religieux.

Susan Richter, « “Seul un dragon sait quand il vient à lexistence et séteint, sans pourtant jamais perdre sa véritable nature. En vérité, lui seul est le Sage”. La stratégie de lempereur de Chine Qianlong pour légitimer son abdication en 1796 »

Labdication de lempereur chinois Qianlong en 1796 avait peu de précédents dans la tradition chinoise. Néanmoins, elle était en parfaite harmonie avec les conceptions cycliques du temps, avec le concept daction de « devoir filial ou de soumission » et avec dautres traditions, philosophiques, mobilisées par lempereur dans ses poésies. En se référant à ces idées, Qianlong a su construire une stratégie de légitimation pour sa démission et pour un régime partagé avec son fils (dyarchie).

Hélène Becquet, Grégoire Franconie et Gilles Malandain, « Abdiquer après la Révolution. Napoléon, Charles X, Louis-Philippe »

Trois des quatre monarques qui se sont succédé en France entre 1804 et 1848 ont abdiqué avant de finir leur vie en exil. Ces abdications ont marqué la fin des trois régimes – Empire, Restauration, monarchie de Juillet – ayant suivi la Révolution. Le fait est en lui-même remarquable, labdication étant un acte politique inédit dans lhistoire de France. On propose ici une analyse politique de ces moments-clé, emblématiques du processus de reformulation des sources de la légitimité monarchique.

Éric Anceau, « Le paradoxe Napoléon III. Abdication virtuelle, chute et déchéance »

Fait inouï, Napoléon III jouit en 1870 dune triple légitimité : traditionnelle, charismatique et légale-rationnelle. Son pouvoir semble encore conforté par le plébiscite du 8 mai qui est triomphal. Cependant, en quelques semaines seulement, il perd tout en raison dune débâcle militaire : son régime est renversé à Paris ; sa dynastie est déchue et il est condamné à un exil dans lequel 659il meurt peu après. Ce chapitre examine à nouveaux frais lengrenage qui explique ce renversement complet.

Jérôme Grévy, «Destitutions républicaines »

Dépassant le lieu commun antiparlementariste enraciné dans la culture française, larticle en propose une relecture. Loin davoir été source dinstabilité, le système parlementaire a au contraire permis la démocratisation de la France. En effet, les crises politiques nétaient plus résolues par des coups détat ou des révolutions, comme cela sétait produit au long du xixe siècle, mais par la chute des gouvernements, consécutives à des interpellations et des mises en minorité par le Parlement.

Andreas Gipper, « Une parade dexécution. Alfred Dreyfus et limaginaire des cérémonies de dégradation »

La contribution analyse la dégradation du capitaine Dreyfus dans le contexte de lAffaire Dreyfus en 1895. Dans le sillage des travaux de H. Garfinkel et E. Goffman, on examinera les illustrations imprimées de la cérémonie de dégradation et une série de représentations littéraires particulièrement représentatives, sous langle de leur fonction symbolique et commémorative, avant den venir à des réflexions juridico-philosophiques sur le problème de « lindignité nationale » dans la Troisième République.

Wolfgang Kruse, « Parlementarisation, abdication, régence. Concepts et étapes du passage forcé de la monarchie constitutionnelle à la république démocratique dans lAllemagne de 1918 »

Larticle analyse les différents concepts pour une réforme de la monarchie constitutionnelle de lEmpire allemand, ventilés en automne 1918 afin déviter sa déchéance : la soumission du gouvernement au parlement, labdication de lempereur au bénéfice dun successeur, la nomination dun régent. Contradictoires, et le mouvement révolutionnaire prenant de vitesse, ces projets ont tous échoué ; ils ne sont pourtant pas restés sans influence sur le remodelage politique de la république de Weimar.