1536-1537, Mellin de Saint-Gelais ou l’étoile mystérieuse
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
2020 – 2, n° 40. varia - Auteur : Sicard (Claire)
- Pages : 229 à 248
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
1536-1537, Mellin de Saint-Gelais
ou l’étoile mystérieuse
En 1536-1537, deux événements importants mobilisent les poètes français autour de Clément Marot. Il s’agit d’une part des Blasons anatomiques du corps féminin1 et d’autre part de la querelle opposant le Prince des poètes français à François de Sagon2. Or aucun vers de Mellin de Saint-Gelais ne semble figurer ni dans les recueils des Blasons ni dans les plaquettes qu’échangent partisans et ennemis de Marot durant la querelle. Le poète de cour paraît s’être tenu à l’écart de ces entreprises polygraphiques et collaboratives qui ont contribué à reconfigurer, dans la cohésion ou le conflit, le paysage poétique français de ce milieu des années 1530. Il a pourtant été sollicité pour y participer. Mais nous n’avons pas de traces assurées de la façon dont il a pu répondre à ces invitations, même si l’on a tenté ici ou là d’échafauder des scenarii visant à reconstituer ses réactions. Bien sûr, avec ce poète de cour – comme avec d’autres –, on prend vite l’habitude de travailler en prenant en considération les creux, les blancs, l’incertitude et en soulevant finalement plus d’interrogations que l’on ne peut apporter de réponses. En l’espèce cependant, l’exercice paraît encore plus périlleux et délicat que d’ordinaire et il nous faudra souvent conclure à notre ignorance.
Dans ces conditions, pourquoi évoquer tout de même ici le cas de ce poète ? C’est que, d’abord, Mellin est l’une des figures importantes 230du paysage poétique français de cette époque. Par ailleurs, regarder ainsi le vide en face permet au moins de décaler certaines questions et d’expliciter certains impensés ou non-dits de la méthode qui semble devoir être appliquée à la matière mouvante des œuvres de Saint-Gelais, qui n’a de cesse de se dérober et qu’il faut bien se garder de figer.
Le parti pris ici est donc simple et très modeste : il s’agit d’examiner d’abord ce que pouvait faire et représenter Saint-Gelais dans le paysage poétique du milieu des années 1530 et ensuite de présenter les quelques pièces du dossier « Mellin et les blasons », sans tenter de dissimuler ou de combler les nombreux trous qui font de notre poète une étoile mystérieuse au firmament du ciel poétique du milieu du règne de François ier.
Des particularités de la diffusion
des œuvres de Saint-Gelais
Avant d’entrer dans le vif du sujet – et parce que cela a eu une incidence sur la façon de penser le rôle de Saint-Gelais dans l’entreprise des blasons comme dans la querelle Marot-Sagon –, il n’est sans doute pas inutile de dire un mot de la particularité des modes de diffusion des textes de ce poète en son temps et des biais qui, aujourd’hui encore, filtrent voire faussent notre rapport à son œuvre.
Le biais des recueils tardifs à visée collective
Saint-Gelais, contrairement à Marot et plus tard à Ronsard, par exemple, n’a pas exercé de contrôle sur la diffusion de ses poèmes. Il n’a pas fait clairement le tri quant à ce qu’il avait effectivement écrit et ce qui n’était pas de lui. Il a moins encore ordonnancé une « belle forme de livre3 ». De son vivant, ses pièces circulent surtout par le biais d’anthologies lyriques manuscrites, plus rarement imprimées, où l’anonymat est la règle. Elles sont également connues par le biais de 231la musique imprimée, sans que son nom soit davantage mentionné. Le reste est affaire de renommée et de bouche à oreille plus ou moins bien informé. Le seul livre de poésie publié de son vivant à paraître sous son nom mais vraisemblablement sans son aveu, est imprimé à Lyon en 15474 et le programme d’une édition collective des œuvres de Saint-Gelais annoncé par le titre n’y est pas tenu puisqu’on trouve dans cet ouvrage beaucoup de textes d’autres auteurs. On connaît également un manuscrit, là encore des années 15405, dont une section est intégralement consacrée aux œuvres de Saint-Gelais et dont on sait qu’elle a au moins été portée à la connaissance de notre poète puisqu’il l’a très légèrement annotée. Mais celui qui réclame « Vie pour [lui], et non pour [ses] escriptz6 » n’a jamais bâti le monument de l’œuvre qui devait porter son nom et on n’a d’ailleurs pas manqué de le lui reprocher.
Dans ces conditions, comment sait-on – à peu près tout au moins – ce qui est ou non de ce poète ? Ce sont d’abord des recueils manuscrits copiés soit à la toute fin de la vie de Saint-Gelais7, soit posthumes8 qui 232nous en informent. Ces recueils tâchent de fixer et de figer des œuvres que l’auteur lui-même n’a jamais constituées en tant que telles. C’est sur l’un de ces manuscrits posthumes, le BnF fr. 8789, qu’est fondée la première véritable édition collective imprimée en 157410, laquelle est largement suivie par La Monnoye en 171911 et sert également en partie de base à Blanchemain12 en 1873, comme à Stone13 à la fin du xxe siècle. Aujourd’hui, dans une nouvelle édition en préparation14, nous essayons non seulement d’exploiter toutes les autres sources repérées à ce jour, mais également de dater grâce à elles – chaque fois que c’est possible – des pièces dont la chronologie était jusqu’ici écrasée par le recours principal à ces manuscrits tardifs qui s’étaient employés à réorganiser la matière gelaisienne selon des principes, notamment génériques, qui paraissaient sans doute, aux yeux des copistes, propres à mettre en valeur cette œuvre et à la sauver de la vermine et des souris15, mais qui ne correspondait assurément pas à la façon dont elle avait d’abord été diffusée.
Même sans avoir la naïveté de prendre l’organisation de ces sources pour argent comptant et en essayant d’en faire l’archéologie, on ne peut pas totalement s’affranchir des biais qu’elles engendrent et, en particulier, celui-ci : puisque seules ces sources tardives, telles des parties émergées d’un iceberg englouti, nous indiquent clairement quels textes sont de Saint-Gelais, la démarche du chercheur est nécessairement une démarche à rebours. C’est à partir de ce corpus d’environ six cents poèmes qu’on peut entreprendre de chercher les plus anciennes attestations de ces 233mêmes textes – qui, la plupart du temps, ne sont pas attribués dans les premiers manuscrits connus où ils figurent. En procédant ainsi, il est possible de dater et d’échelonner ces pièces dans le temps. Mais cela n’empêche évidemment pas qu’il y ait des poèmes – et même, peut-être, un très grand nombre de poèmes – qui échappent à nos filets, soit que les copistes des manuscrits posthumes n’en aient pas eu connaissance, soit qu’ils ne les aient pas retenus comme méritant de figurer dans les recueils à visée collective qu’ils composent plusieurs années après la mort de l’auteur, parfois près de quarante ans après la composition de certains textes.
Une entrée en poésie au début des années 1530 ?
De fait, les plus anciens vers de Mellin de Saint-Gelais que nous parvenons à identifier datent de 1530 environ. Une épitaphe de Jean de Selve doit être de peu postérieure à la disparition de ce premier président du parlement de Paris, en 152916. Un poème souhaitant la guérison de Louise de Savoie17 a nécessairement été composé avant son décès, le 22 septembre 1531. L’on dénombre également deux pièces françaises18 et trois latines19 célébrant la reine mère après sa mort. Il convient d’insister sur ce point car, du fait même de l’écrasement chronologique précédemment évoqué, on a tendance à considérer que Saint-Gelais est dans le paysage curial, en tant que poète et même en tant que poète reconnu, tout au long des règnes de François ier et de Henri ii. Or ce n’est pas si sûr que cela, puisque l’on ne trouve aucune trace assurée de ce type d’activité de Saint-Gelais avant 1529 – donc à peine sept ou huit ans avant la période qui retient ici notre attention.
234Si Saint-Gelais est bien né fin 1490 ou début 149120, on peut penser que c’est un peu tard pour une entrée en poésie. Il n’est évidemment pas impossible qu’il ait commencé à écrire des vers à près de quarante ans. On ne peut pas non plus exclure que Pierre Paschal et André Thevet se trompent sur l’âge de Mellin à sa mort, et qu’il ait en réalité été bien plus jeune. Il est également possible que les contemporains n’aient commencé que dans les années 1530 à repérer et à identifier les poèmes de cet auteur parmi la masse indistincte des vers anonymes dans laquelle ses textes antérieurs se seraient fondus jusque-là, peut-être en partie parce que les modes de diffusion de la poésie de cour étaient en train de se transformer et pouvaient être traversés par la question problématique de l’identification et de la distinction de figures auctoriales particulières au sein de la forêt des textes anonymes, peut-être aussi parce qu’une pièce de Saint-Gelais – par exemple « Qu’est-ce qu’amour21 ? », qui a manifestement connu un grand succès – aurait pu attirer l’attention d’un public éclairé sur le talent particulier de cet auteur. Dans cette hypothèse, ce serait en quelque sorte la célébrité de Mellin qui aurait causé un changement de traitement de ses textes. Enfin, on ne peut pas non plus exclure que ce soient les copistes de nos sources tardives qui aient, sciemment ou non, écarté les œuvres de jeunesse de Saint-Gelais de leurs recueils. Quoi qu’il en soit, en l’état de nos connaissances, Mellin n’apparaît pas dans le paysage poétique français avant 1530 environ.
Quel poète de cour est Saint-Gelais dans les années 1530-1540 ?
On observe par ailleurs que, sur le fameux corpus d’environ six-cents poèmes exhumés par les manuscrits tardifs, moins de 15 % sont repérables dans des témoins antérieurs aux années 1540 et au premier 235codex à visée partiellement collective qu’est le ms. Chantilly 523. Cela peut s’interpréter de différentes façons.
Il est d’abord possible de considérer que cette donnée statistique est le reflet d’une réalité et qu’en effet l’activité poétique de Mellin de Saint-Gelais s’intensifie et se concentre dans les quinze dernières années de sa vie, après le milieu des années 1540. En ce cas, dans les années qui nous occupent, Mellin ne serait – malgré sa renommée déjà bien installée – qu’au début de cette carrière. Il pratiquerait la poésie avec une forme de dilettantisme, en marge d’autres activités curiales plus centrales pour lui, ce qui le distinguerait à peine du nombre considérable de hauts personnages de la cour qui composent, à l’occasion, quelques vers plus ou moins bien troussés22. Ce ne serait que plus tard, du fait peut-être de la reconnaissance que lui accordent ses contemporains à partir, précisément, du milieu des années 1530, qu’il aurait donné un autre tour à cette partie de son activité, lui aurait peut-être consacré plus de place et de temps dans sa vie – voire, mais c’est loin d’être assuré, plus d’importance. Ce changement de cap dans son existence aurait pu avoir pour effet d’augmenter considérablement, en termes quantitatifs au moins, sa production poétique à la fin du règne de François ier et surtout sous le règne de Henri ii.
Mais rien n’empêche non plus de penser que, parmi les 85 % d’œuvres pour lesquelles nous n’avons conservé que des témoins tardifs ou posthumes, il y aurait un nombre significatif de textes dont nous n’avons plus trace des premières attestations parce que les témoins en auraient été perdus. La confrontation des différentes versions et leçons de nombreux poèmes de Saint-Gelais dont nous disposons, ainsi que l’étude des modes d’élaboration des recueils – notamment manuscrits – dans lesquels figurent ses textes permettent de repérer quelques-uns de ces chaînons manquants, un peu comme les astronomes parviennent, grâce à l’examen de certains phénomènes célestes et à la triangulation de ces données, à la conclusion de l’existence indubitable d’astres qu’ils ne sont pourtant pas en mesure d’observer directement. Nous savons donc – et pas seulement parce que c’est statistiquement probable mais parce que nous avons des indices concordants pour l’affirmer – que certains témoins ont existé et ne 236nous sont pas parvenus23. Sans eux, et probablement sans d’autres, également perdus mais dont nous n’avons pas même la trace indirecte de l’existence, il est difficile de reconstituer avec l’exactitude voulue la chronologie des vers de Saint-Gelais. Et, surtout, on ne peut pas évaluer si la proportion de textes qui auraient pu voir leur terminus ad quem abaissé par la prise en considération de ces témoins fantômes est considérable ou si elle ne représente au contraire qu’une quantité négligeable, sans incidence sur la perception générale que nous avons aujourd’hui de cette œuvre.
On peut enfin envisager un dernier cas de figure : il n’est pas impossible que, parmi les milliers de pièces poétiques qui restent anonymes dans les recueils des années 1530, il y ait un nombre assez conséquent de poèmes de Saint-Gelais que nous ne pouvons pas identifier parce que les manuscrits tardifs n’attirent pas notre attention sur eux.
Dans ces deux dernières hypothèses – que nous dations imparfaitement certains textes ou que le corpus Saint-Gelais soit incomplet – l’image de la trajectoire du poète peut être significativement réévaluée. Si on considère que la proportion des textes tombant ainsi dans une sorte de trou noir est importante, alors on peut en effet penser que la carrière de Saint-Gelais en tant que poète de cour était bien engagée dès le milieu des années 1530 et que sa renommée, bien établie dès cette période, n’était pas seulement due à une poignée de textes particulièrement remarqués mais à une œuvre déjà étoffée et bien connue des contemporains, même si nous ne sommes pourtant pas en mesure d’en délimiter les véritables contours.
En toute rigueur, il n’est pas possible de trancher entre ces deux images pourtant très contrastées du parcours de Saint-Gelais. Mais ce qui est en revanche certain, c’est qu’il ne va pas du tout de soi qu’il était, dès ces années, un poète de cour complètement installé.
237Mellin et les blasons
Si l’on se concentre à présent sur les années 1536-1537 et sur la façon dont Saint-Gelais a pu se positionner par rapport à l’entreprise des Blasons anatomiques du corps féminin24, la pièce majeure du dossier se réduit à dix vers de Marot dans l’épître intitulée « À ceulx, qui apres l’Epigramme du beau Tetin en feirent d’aultres » :
Ô Sainct Gelais creature gentile,
Dont le sçavoir, dont l’Esprit, dont le stile,
Et dont le tout rend la France honnorée,
À quoy tient il, que ta Plume dorée
N’a faict le sien25 ? ce maulvais vent, qui court,
T’auroit il bien poulsé hors de la Court ?
Ô Roy Francoys, tant qu’il te plaira perds le,
Mais si le perds tu perdras une Perle
(Sans les susdictz Blasonneurs blasonner)
Que l’Orient ne te sçauroit donner26.
Ce texte bien connu est composé au début de 1536, avant le départ de Marot pour Venise en juillet. Dans le passage qui nous intéresse, Saint-Gelais puis le roi sont successivement apostrophés. Ces quelques vers nous apprennent donc que le poète de cour n’a pas donné de blason alors même que Marot aurait manifestement souhaité qu’il participe à l’entreprise. Amabilité et flatterie d’usage mises à part, l’instigateur du projet a l’air de considérer son interlocuteur comme un auteur qui compte, puisque c’est en tout cas le seul dont il déplore la défection, alors même qu’il y en a tout de même plusieurs autres dont les textes ne figurent apparemment pas dans les recueils de blasons : pour n’en citer que quelques-uns, Michel d’Amboise ou Guillaume Bochetel ne seront que tardivement rattachés au projet, puisque leurs blasons ne se 238trouvent que dans l’édition de 154327 – alors même qu’ils sont déjà dans le paysage poétique au milieu des années 1530. Quant à Bertrand de La Borderie, Jacques Colin ou Antoine Macault, dont on trouve pourtant des pièces dans des manuscrits ou des imprimés du temps, ils ne donnent apparemment pas non plus de blasons et Marot ne le signale pourtant pas.
Faudrait-il penser que Saint-Gelais aurait pu promettre un texte qu’il n’a finalement pas rendu, ce qui pourrait expliquer que Marot s’adresse spécifiquement à lui ? Ce n’est pas impossible. On peut également faire tout simplement l’hypothèse que l’absence de Saint-Gelais est plus gênante, et pourrait être plus remarquée que celle d’un autre auteur parce qu’on commence à lire ici ou là, précisément à partir du milieu des années 1530, des textes qui font un éloge appuyé de Saint-Gelais soit en s’adressant à lui, soit en le nommant28. Très souvent, ces louanges passent d’ailleurs par la comparaison avec Marot. Pour n’en donner qu’un exemple, Michel d’Amboise, dans la Déploration sur la mort de François de Valois qu’il publie à Paris entre fin août et, vraisemblablement, fin octobre 1536, parle en des termes très élogieux de Saint-Gelais dont les écrits sont si « nets » qu’ils n’ont pas besoin de « balai29 » et surtout qui brillent si haut au firmament poétique qu’ils pourraient presque rivaliser avec ceux de Marot.
Si nous revenons à présent aux vers de Marot, nous voyons également que le poète s’interroge – ou fait mine de s’interroger – sur les raisons qui pourraient expliquer l’abstention de Saint-Gelais. Avec l’image du « maulvais vent30 » – et même s’il ne formule là qu’une hypothèse, au 239conditionnel et sous la forme d’une interrogative – il a l’air de partir du principe que ce serait quelque chose d’extérieur à Saint-Gelais, le mettant potentiellement en péril, qui a dû l’empêcher de participer au projet. Par là-même, il semble exclure, à tort ou à raison, que notre poète n’ait tout simplement pas souhaité écrire un de ces blasons.
Qu’entend au juste Marot, par cette expression de « maulvais vent » ? Elle est suffisamment vague pour référer à des réalités bien différentes mais c’est l’hypothèse selon laquelle Saint-Gelais aurait pu avoir des sympathies évangéliques qui a été formulée31. Dans ces conditions, s’associer à un Marot à la réputation encore sulfureuse aurait pu déstabiliser sa position à la cour. Cela pourrait expliquer que, prudemment, il ait renoncé à apporter sa pierre à l’édifice marotique. Si tel est bien le cas, on pourrait d’abord s’interroger sur l’opportunité de l’adresse au roi qui suit celle à Saint-Gelais dans cette épître de Marot : l’auteur exilé est-il bien en position de mettre en garde François ier sur ce qu’il risque de perdre en perdant Mellin ? Ne risque-t-il pas lui-même, en « s’érige[ant ainsi] en suzerain débonnaire32 », de nuire à ce Saint-Gelais dont il prétend prendre la défense devant le roi ? En outre l’hypothèse d’un Mellin évangélique en position délicate à l’été 1536, sans pouvoir être totalement écartée, ne nous paraît ni vraiment convaincante, ni propre à expliquer la durable défection du poète.
D’abord, en 1536, Saint-Gelais est précisément à un moment de sa carrière où il ne paraît ni être menacé ni risquer d’être « poulsé hors de la Court ». Tout au contraire, on se rend compte qu’il est toujours dans le sillage de cette cour dont on voit représenté, sur la carte infra, l’itinéraire à partir de l’été 153633.
240Fig. 1.
Si l’on croise ces données avec les rares éléments qui nous permettent tout de même de reconstituer un peu les voyages de Saint-Gelais cette année-là – et qui concernent, il est vrai, plutôt le second semestre 1536, donc une période de quelques mois ultérieure à l’épître de Marot – on voit notre poète aux côtés du roi lors de l’incendie du château de Donzère, près d’Avignon, le 29 septembre34. Si, trop occupé par ses activités auliques, il ne prend pas le temps d’aller saluer Bourbon qui est lui-même établi 241à Lyon depuis fin septembre 153635, il donne vraisemblablement à Dolet au début du mois d’octobre, c’est-à-dire au moment exact du passage de la cour à Lyon, les trois épitaphes36 qui figureront dans le Recueil de vers latins et vulgaires consacré à la célébration de la mémoire du dauphin mort en août, tombeau qui sera publié en novembre 153637. Cela montre d’ailleurs que, dès lors qu’il ne s’agit pas des recueils de Blasons, en cette même période Saint-Gelais ne dédaigne pas de participer à des projets éditoriaux rassemblant divers contributeurs – notamment en l’occurrence, lyonnais et, pour un nombre important d’entre eux, ayant fait, comme Saint-Gelais lui-même, leurs études à Padoue38. Pour souligner cette disposition qui n’écarte nullement Saint-Gelais de toute forme de sociabilité poétique, on peut également mentionner sa participation au recueil d’un nouveau venu, Hugues Salel, qui publie le 23 janvier 1537 son Églogue marine mettant en scène Brodeau et Mellin39. 242Dès la première édition de cet ouvrage, on trouve une pièce d’escorte de Saint-Gelais faisant l’éloge du jeune Salel40. Notre poète a donc eu connaissance du projet avant sa première publication et l’a soutenu par son aimable pièce. Il est d’ailleurs vraisemblable que ce soit Dolet qui ait établi le contact entre les deux hommes puisque, comme Catherine Langlois-Pézeret l’a montré, Salel rencontre Dolet en novembre 1536, et s’inspire pour sa propre églogue des textes de Ducher et de Scève en cours de publication dans le Recueil de vers latins et français41. Or à ce moment-là, Saint-Gelais n’est plus à Lyon et on peut imaginer que c’est Dolet, éditeur de ses textes dans ce même recueil, qui a pu l’informer de l’idée de livre qui venait de germer dans l’esprit de Salel.
Si on revient aux trajets de Saint-Gelais à l’automne 1536, on le retrouve, à la fin du mois d’octobre, du côté de ce qu’on a pu appeler le cénacle de Poitiers, auprès de Jean Bouchet à Saint-Maixent puis d’Ardillon à La-Fontaine-le-Comte42, au moment même où la cour – dans sa remontée de la Provence vers Paris – s’attarde dans les parages de Bourges, Châtellerault et Blois. Enfin, le 8 décembre, une ordonnance de François ier fait de Saint-Gelais un des « gardes de la librairie au château de Blois43 ». Un peu plus tard, le 28 décembre 1537, des lettres officielles préciseront le rôle de Mellin dans le contrôle du dépôt légal. Non seulement tout livre imprimé en France, dans n’importe quelle langue que ce soit, mais aussi tout ouvrage imprimé à l’étranger doit être remis en un exemplaire à Saint-Gelais afin « d’empêcher la propagation des doctrines erronées44 ».
243Passer en quelques mois d’une situation de potentielle disgrâce à un retour de faveur est bien sûr possible, cela s’est déjà vu. Mais se voir précisément confier le rôle d’empêcher la propagation de convictions religieuses pour lesquelles on aurait failli perdre sa position à la cour paraît déjà moins vraisemblable. Faudrait-il penser que Marot pouvait être mal informé de la situation réelle de Saint-Gelais à la cour au moment où il composait son épître ? Ou bien faut-il déceler une forme d’ironie dans ses propos et sa défense apparente de la « perle45 » Saint-Gelais qui aurait fait preuve d’une délicatesse et d’une prudence à la fois excessives et désobligeantes en refusant de se commettre avec Marot et ses amis ? Ce n’est pas impossible, mais cela ne nous explique pas complètement, au fond, ce qui a pu se jouer pour que Mellin passe ainsi son tour dans l’entreprise des blasons, non seulement pour les premières publications mais aussi jusqu’en 1543, alors même que le roi – si c’est bien lui qui compose le « blason du corps46 » figurant dans l’édition Harsy de 1536-1537 – semble s’être lui-même prêté au jeu et où il n’y a donc pas d’apparence qu’un quelconque sentiment de danger ait pu persister.
Serait-ce alors plutôt parce que la muse de Saint-Gelais se serait tarie au moment où il a été sollicité pour donner un poème, ou bien parce que, débutant encore, il aurait éprouvé quelque peine à répondre à une commande ? Un échange avec Salmon Macrin, publié en 153747, pourrait le laisser supposer. Le poète néo-latin complimente Saint-Gelais pour avoir composé des vers apparemment épiques et il se considère moins capable que son ami Mellin d’entonner les « trompettes guerrières » propres à porter le roi « jusqu’aux hauteurs du ciel, [faisant du monarque] une nouvelle étoile, parmi les astres, sur un axe d’or48 ». Dans sa réponse, 244Saint-Gelais fait preuve d’une humilité topique, attribuant à l’amitié cet éloge qui lui paraît irraisonné, car, explique-t-il,
si dire que j’égale les autres poètes de langue française
est signe de candeur, dire que je les dépasse est signe de favoritisme.
Je n’ai pas les sens aveuglés par un brouillard aveuglant
au point de penser que je mérite ces titres de gloire49.
Plus qu’une inspiration épique et glorieuse, il revendique une muse basse, venant « modestement du lac d’Aonie50 » et il précise, au détour d’un vers, que même cette musette « à cause des soucis ou d’un long manque d’habitude […] est devenue plus aride que la soif de Libye51 ». Quels sont ces soucis ? Est-ce là une autre façon d’évoquer le « maulvais vent » pointé par Marot ? Peut-être. Quant au « manque d’habitude », il pourrait corroborer l’impression que l’on a d’un Mellin de Saint-Gelais qui ne serait pas encore, pour le dire prosaïquement, un professionnel du vers à la fin des années 1530. Mais peut-être s’agit-il tout simplement d’une coquetterie puisque, on l’a vu, en 1536 il fait bel et bien son office de poète de cour : en l’espace d’un mois, il compose au moins un dizain de circonstance sur l’incendie de Douzères et écrit trois épitaphes pour le recueil de Dolet sur la mort du dauphin François.
On pourrait également envisager que Mellin n’ait pas participé au concours des blasons parce qu’il n’aurait pas eu de goût ou d’intérêt pour ce genre – voire qu’il en aurait désapprouvé le projet. Mais, objectera-t-on, cela serait sans compter avec l’existence de deux textes de Saint-Gelais qui sont souvent présentés sous les titres de « blason des cheveux52 » et de « blason de l’œil53 ». Sans régler la question de la raison pour laquelle aucune de ces pièces n’a été publiée dans l’un au moins des recueils successifs de Blasons anatomiques du corps féminin, Paul Lacroix, 245rattachant sans autre forme de procès ces deux poèmes aux dix vers de Marot précédemment cités, échafaude le scenario suivant : « Mellin de Saint-Gelais, sensible au reproche de son ami Clément Marot, lui envoya deux blasons, celui des Cheveux coupés et celui de l’Œil54 ». Voyons si cette interprétation résiste à l’examen des textes et de ce que l’on peut reconstituer de leur histoire.
La première difficulté est liée à la datation des pièces : l’épigramme de Marot date de 1536, mais nous n’avons aucune attestation du blason des cheveux de Saint-Gelais avant 1543 et seuls les manuscrits tardifs ou posthumes, c’est-à-dire postérieurs à 1558, donnent le blason de l’œil. Il est donc possible que ces textes aient été écrits longtemps après 1536 ou 1537 et qu’ils ne répondent nullement à la sollicitation de Marot, ou, en tout cas, pas aussi directement que Paul Lacroix veut bien le laisser entendre. Cette hypothèse est confortée par le fait que la plus ancienne attestation du blason des cheveux dont nous disposions se trouve dans l’anthologie poétique du Recueil de vraye Poesie Françoyse, imprimée à Paris, sous les adresses de Janot, Longis et Sertenas en 154355, c’est-à-dire l’année même de l’édition parisienne des Blasons fournie par L’Angelier56, ouvrage de qualité certes médiocre, comme l’a bien montré Michèle Clément57, mais qui offre les textes de quelques blasons dont on ne trouve pas trace dans les imprimés de 1536-153758. Comme l’a indiqué Julien Goeury59, il est vraisemblable que les imprimeurs successifs des recueils aient rassemblé des textes qui circulaient manuscrits – pour certains au moins depuis les premiers moments du concours des blasons. Mais, si le blason des cheveux est quasi contemporain de l’édition L’Angelier voire – pourquoi pas ? – la précède amplement, l’on est en droit de se demander pourquoi le blason d’un auteur que Marot lui-même avait désiré voir participer au concours ne figure pas dans cette publication. 246Serait-ce qu’une fois de plus Saint-Gelais a manqué le train des blasons et qu’il a fini son texte alors que la publication de L’Angelier avait déjà eu lieu ? Cette hypothèse paraît peu vraisemblable car le libraire ne semble pas avoir cherché à compiler de nouveaux blasons. Serait-ce cette publication-même qui aurait pu réactiver chez Saint-Gelais le souvenir ancien d’avoir été autrefois sollicité et l’envie d’écrire enfin un blason même si ce texte n’avait plus sa place dans l’entreprise marotique ? Ou bien faut-il penser que le fait que Saint-Gelais ait écrit des blasons ne l’empêche tout de même pas de rester consciencieusement en 1536, 1537, et au-delà, dans les marges des Blasons anatomiques du corps féminin ?
Pour tenter d’y voir un peu plus clair, examinons ces deux poèmes de plus près et voyons en quoi ils se rattachent ou non au genre tel qu’il s’exprime dans les Blasons anatomiques. Les textes de Saint-Gelais portent bien sur des parties du corps féminin, parties qui ont d’ailleurs été célébrées par d’autres blasonneurs – Héroët et un auteur anonyme pour l’œil60, Vauzelles pour les cheveux61. Saint-Gelais use par ailleurs de la figure structurante de l’anaphore et commence bien ses deux textes par une adresse à la partie du corps concernée : « Œil attrayant, œil arresté » pour le premier, « Cheveulx, seul remede et confort » pour le second. Même si ce n’est pas en soi décisif, on doit toutefois constater, pour ce qui concerne le poème sur l’œil, qu’aucun des cinq témoins dans lesquels la pièce est attestée n’utilise le terme de blason au titre. Lorsqu’il est intitulé, ce poème s’appelle toujours « D’un œil ». Dans le second cas, pour lequel on connaît douze attestations, dont quatre imprimées, le terme de « blason » apparaît bien au titre – mais seulement dans les ouvrages imprimés et dans un manuscrit, la farrago de Thiboust62, où le texte a probablement été copié sur un imprimé. Encore ce dernier témoin apporte-t-il une précision qui a son importance, en indiquant qu’il s’agit non pas seulement d’un blason des cheveux, mais d’un « Blason des cheveulx couppés ». Et, de fait, tous les manuscrits tardifs ou posthumes à vocation collective désignent plutôt le texte sous le titre « D’un bracellet de cheveulx ».
247En effet, ces cheveux-ci sont détachés du corps féminin. L’« outraige » du « ciseau63 », qui n’est rien en comparaison de celui du dard qui point le cœur du poète amoureux, n’est qu’un malheur apparent, car le vieillissement de la blonde chevelure se trouve ainsi interrompu et, par là même, sa glorieuse immortalité assurée. La perspective adoptée contraste donc fortement avec celle de Vauzelles qui considérait dans son blason que, les cheveux, dons divins sans lesquels « la dame/ Ressemblerait une forêt sans rame64 » étaient « sacrés65 » au point d’être « dignes [d’être recolés]/ L’un après l’autre66 » sur le crâne dont ils étaient issus si le peigne venait à les faire tomber. La comparaison des deux textes fait apparaître des motifs communs, certes attendus, mais traités là encore sur le mode d’une variation qui dénote un changement assez radical de perspective, comme si Saint-Gelais, loin d’emboîter le pas de l’entreprise des blasonneurs s’employait plutôt à établir un effet de contraste entre lui et eux. Ainsi, quand Vauzelles fait référence à Méduse, c’est sur le mode d’un simple constat : « Cheveux qui font, tout ainsi que Méduse, / Transformer cil qu’à les veoir trop s’amuse67 ». Si la pétrification ne peut être présentée sous un jour véritablement élogieux, elle est au moins vue comme la manifestation d’une puissance et d’une supériorité certaines d’une dame qui n’est nullement blâmée. Tout au contraire, ce serait plutôt les voyeurs indiscrets, ceux qui regardent « trop » la fascinante chevelure qui pourraient être l’objet de critiques (et qui n’auraient donc, finalement, que ce qu’ils méritent). Chez Saint-Gelais, l’image de Méduse est également employée mais c’est l’occasion d’un reproche assez vif adressé par le poète à la chevelure : « Tellement que je vous accuse/ De l’effect de ceulx de Meduse68 » – car celui qui regarde « trop », ici, c’est le locuteur lui-même. Et loin d’accepter son sort de victime de l’amour, le voici qui se rebelle joliment contre le pouvoir tyrannique – et même monstrueux – de la dame. Même si le ton reste bénin et badin, on ne peut que remarquer que le poète jouit de façon ambiguë du bracelet de cheveux coupés. Bien sûr le plaisir naît de ce que la mèche de cheveux 248est belle et le restera toujours. Mais il vient aussi de ce que ces cheveux-là sont morts – d’une de ces « morts qui donnent au corps son ultime beauté69 » – et donc vaincus, aussi bien que l’a été l’amant lui-même, qui s’en trouve ainsi vengé.
Ainsi, dans les blasons de Saint-Gelais, pourraient bien se dessiner une sorte d’éthique parfaitement contraire à celle imposée par le modèle marotique d’une part, comme par la querelle Marot-Sagon, d’autre part. Dans les blasons, il faut louer le beau ou tout au contraire exhiber, moquer voire critiquer le laid. Dans une querelle, il faut prendre parti. Or Saint-Gelais loue en blâmant et blâme en louant. Il se tient à distance raisonnable – que ce soit question de prudence courtisane ou question de tempérament – de tout ce qui est radical, univoque, de tout ce qui ne peut aisément se retourner en son contraire – non pas successivement, comme dans les Blasons et les Contreblasons mais simultanément. Et de l’éthique on passe alors à l’esthétique, car cette plasticité poétique, cette indécision constitutive, cet entretien de l’entre-deux indécis, dans une forme de tremblé, semblent bien être une marque assez caractéristique de la poésie de Mellin de Saint-Gelais70, comme de sa diffusion.
Claire Sicard
Centre d’Études Supérieures
de la Renaissance (CESR) –
UMR 7323 CNRS
1 Blasons anatomiques du corps féminin, éd. J. Goeury, Paris, GF Flammarion, 2016. Voir également Anatomie d’une anatomie. Nouvelles recherches sur les blasons anatomiques du corps féminin, éd. J. Goeury et T. Hunkeler, Genève, Droz, 2018.
2 Pour les textes échangés à cette occasion, on se reportera à l’ouvrage édité par P. Lacombe et É. Picot sous le titre Querelle de Marot et de Sagon (Rouen, A. Lainé, 1920, Fac-similé Genève, Slatkine, 1969). Pour une analyse de l’épisode, voir N. Mueggler « L’affaire Marot-Sagon : du conflit personnel à la controverse collective », Relief 9 (2), 2015, p. 7-21, DOI : 10.18352/relief.913. J. Bichüe a soutenu en septembre 2020 sa thèse consacrée au sujet: « La querelle Marot-Sagon : stratégies éditoriales et nouvelles sociabilités polémiques (1534-1538) », dir. N. Dauvois et G. Berthon, Université Sorbonne Nouvelle – Université de Toulon.
3 C. Marot, « Clement Marot à Estienne Dolet, salut », L’Adolescence clémentine, Œuvres poétiques, t. I., éd. G. Defaux, Paris, Classiques Garnier, 1990, p. 10.
4 M. de Saint-Gelais, Œuvres de luy tant en composition, que translation, ou allusion aux Auteurs Grecs et Latins, Lyon, P. de Tours, 1547 (USTC 60640 ; Numérisation : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k27825m).
5 Il s’agit du ms. Chantilly 523 : C. Sicard et P. Joubaud, notice de « Chantilly, Bibliothèque du Château (Musée Condé), 0523 (0728) » dans la base Jonas - IRHT/CNRS (permalink : http://jonas.irht.cnrs.fr/manuscrit/14852). Consultation du 01/09/2020. Les références ultérieures aux notices de la base Jonas (fiches œuvres et fiches manuscrits) seront réduites à la seule adresse Internet. Sauf mention contraire, toutes les notices en ligne citées dans cet article ont été consultées le 01/09/2020.
6 « Si j’eusse osé penser qu’en ce temps cy », v. 15 (http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22286 ; M. de Saint-Gelais, Œuvres poétiques françaises, éd. D. Stone Jr., Paris, STFM, 1993, t. I, p. 7). Par commodité pour le lecteur et même si cette édition des œuvres de Saint-Gelais n’est pas totalement satisfaisante, nous prenons ici le parti de mentionner la référence des textes dans l’édition courante de D. Stone Jr. quand ils s’y trouvent. Nous l’associons toutefois systématiquement à celle des notices Jonas de ces mêmes textes car elles fournissent des informations plus précises, notamment sur la datation et les témoins de ces textes, informations qui nous occupent prioritairement ici. Les références ultérieures à l’édition Stone seront réduites au nom de l’éditeur critique suivi du numéro de tome et de la page).
7 Saint-Gelais meurt le 14 octobre 1558. Le ms. Belin 370 semble avoir été copié à la fin de sa vie (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/manuscrit/81131).
8 On dispose de témoins jusque dans le dernier tiers du xvie siècle – par exemple les mss. Vaticane 1493 (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/manuscrit/81098) ; BnF fr. 885 (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/manuscrit/72037) ; BnF fr. 842 (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/manuscrit/72035) –, et même, pour certaines copies secondaires, jusqu’au xviiie siècle : Vienne 10.162 (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/manuscrit/78398).
9 Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/manuscrit/72036.
10 Œuvres poétiques de Mellin de S. Gelais, Lyon, Harsy, 1574 (USTC 1558 ; numérisation : BVH).
11 Œuvres poetiques de Mellin de S. Gelais. Nouvelle édition augmentée d’un très grand nombre de Pieces Latines et Françoises, éd. B. La Monnoye, Paris, s. n., 1719.
12 M. de Saint-Gelais, Œuvres complètes, éd. P. Blanchemain, Paris, Bibliothèque Elzévirienne, 3 tomes, 1873.
13 M. de Saint-Gelais, Œuvres poétiques françaises, éd. D. Stone Jr., 2 vol., Paris, STFM, 1993 et 1995.
14 M. de Saint-Gelais, Œuvres, éd. C. Sicard et P. Joubaud, Paris, Classiques Garnier, à paraître. Il s’agira d’une édition papier complétée par un dispositif multimédia.
15 C’est l’image qu’emploie le copiste du ms. BnF fr. 878, qui signe des initiales P.D.M.P., dans la pièce liminaire qu’il adresse « Au lecteur du livre de Sainct-Gelais ». Il explique dans ces vers que si les textes de Mellin « ont esté cachez en un’ obscurité/ Et avec les Souriz, et Teignes ont esté », il convient, avec le manuscrit à vocation collective qu’il présente, « Qu’ilz sortent maintenant en clarté et lumiere ».
16 « Si tost que mort Jehan de Selve eust vaincu » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/21984 ; Stone, t. II, p. 225).
17 « O heureuse nouvelle, o desiré rapport » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22276 ; Stone, t. II, p. 186).
18 « Elle est icy, ne va poinct plus avant » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22280) ; « Quant ma Dame eut remis la paix en terre » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22281 ; Stone, t. II, p. 216).
19 « Hoc Lodoica loco posita est. Quid plura, viator » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22282) ; « Fortunam quaeris cur vicit Gallia ? Vixi » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22283) ; « Hunc Lodoica tibi Tumuli decernit honorem » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22284).
20 Cette année de naissance se déduit de ce que nous apprend l’épitaphe de Saint-Gelais – le jour de sa mort, le 14 octobre 1558 – et de l’âge qu’il aurait eu au moment de cette mort selon P. Paschal, à savoir 67 ans, 10 mois et 15 jours (l’information est donnée dans un texte latin conservé dans le ms. Dupuy 348, fol. 8-9 qui a également été publié par P. de Nolhac : « Un éloge latin de Mellin de Saint-Gelais », Bibliothèque de l’École pratique des hautes études, fascicule 230, Paris, Champion, 1921, p. 23-27). A. Thevet raccourcit de quatre mois cette durée de vie en indiquant pour sa part 67 ans, 6 mois et 15 jours (Les vrais pourtraits et vies des hommes illustres, livre VI, Paris, Vve Kervert et G. Chaudière, 1584, p. 558). Si on suit ces deux contemporains de Mellin, le poète serait né soit le 29 novembre 1490, soit le 30 mars 1491.
21 Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/20172 ; Stone, t. I, p. 9.
22 On peut par exemple penser au cardinal de Tournon ou à Claude de Bombelles.
23 Il en va par exemple ainsi de ce que l’on nomme le ms. Desportes, non localisé mais mentionné par La Monnoye (voir Blanchemain, t. I, p. 44) et dont le ms. Vienne 10.162 paraît être, sinon une copie directe, tout au moins un témoin tardif issu de la même branche.
24 Dans la notice qu’il consacre au poète à la fin de son édition des Blasons (p. 265), Julien Goeury relève l’étonnante absence de Saint-Gelais des différentes éditions du recueil.
25 Le pronom renvoie au blason.
26 Clément Marot, « A ceulx, qui apres l’epigramme du beau Tetin en feirent d’aultres », La Suite de l’Adolescence Clémentine, épître xxx, Œuvres poétiques, t. I, p. 338, v. 27-36. Voir également Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22461.
27 Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/imprime/82118. Comme nous l’indiquons dans cette notice, « Il existe des rééditions à l’identique en 1550 par Charles L’angelier et en 1554 par Nicolas Chrestien ». J. Goeury indique (p. 24) que cette édition « constitue sans doute le montage de deux recueils […] : un premier de recueil de blasons aujourd’hui disparu et un second de contreblason pour sa part parfaitement identifié [La Huetterie, Protologies francoyses, 1536] ». Il fait l’hypothèse que l’édition de base des blasons suivie ici pourrait être une édition de Lyon, François Juste, 1536 ou 1537 mentionnée dans certaines bibliographies mais aujourd’hui non localisée. Buzon et Kemp précisent que « l’édition L’Angelier de 1543 est la première à proposer une édition séparée des Blasons. Elle lève partiellement l’anonymat des pièces (à la suite de l’édition Lotrian, 1540 non consultable) ». Cette dernière édition est décrite par Tchemerzine.
28 Voir P. Joubaud et C. Sicard, « Sommaire de la sociabilité gelaisienne », Démêler Mellin de Saint-Gelais, Carnet de recherche Hypothèses, 29 août 2011, [En ligne] https://demelermellin.hypotheses.org/596.
29 Michel d’Amboise, Deploration sur la mort de Françoys de Valoys, s.l. [Paris], s.n. [A. Bonnemère], s.d. [1536], fol. Biiijv (USTC 76693).
30 « A ceulx, qui apres l’epigramme du beau Tetin en feirent d’aultres », v. 31.
31 Voir par exemple Abbé H.-J. Molinier, Mellin de Saint-Gelays, Rodez, 1910, p. 118 : « par suite de cette amitié constante et intime, il semble bien que les idées huguenotes de Marot ne tardèrent pas à déteindre singulièrement sur le nonchalant aumonier. Tout en lui d’ailleurs devait le porter à faire bon accueil aux opinions nouvelles ; il n’avait qu’à se laisser entraîner par ses penchants naturels et à suivre bon nombre de ses amis ».
32 Nous empruntons l’expression à G. Berthon, « L’invention du blason : retour sur la genèse d’un genre (Ferrare, 1535) », Anatomie d’une anatomie. Nouvelles recherches sur les blasons anatomiques du corps féminin, éd. J. Goeury et T. Hunkeler, Genève, Droz, 2018, p. 140.
33 Ce parcours est reconstitué à partir des actes de François ier. Nous avons par ailleurs indiqué par une icône représentant Saint-Gelais chacun des lieux où des documents – actes ou échanges épistolaires – placent notre poète à la même période. Nous remercions vivement Alice Loffredo-Nué, de la « cellule édition du CESR », pour son aide précieuse dans la fabrication de cette carte.
34 Saint-Gelais est en effet l’auteur d’un dizain composé à l’occasion de cet incendie auquel assiste la cour au retour de Provence, après la campagne victorieuse contre Charles Quint : « Voyant du ciel Jupiter comme l’aigle » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/23747 ; Stone, t. II, p. 122).
35 Nicolas Bourbon dans le Carmen 67 des Nugae publiées en 1538 adresse à Rabelais ce constat dépité : « Jam raro Lateranus et Mainus/ Cocurrunt mihi Sangelasiusque, / Nempe urgentibus aulicisque rebus/ (Ut sunt tempora) serio occupati ; / At tu, mi Rabelaese, quando abire/ Certum est quo mea me vocat voluntas, / Quo fatum potius vocat trahitque, / Illis nomine dic meo salutem. » (« Désormais, c’est bien rarement que Du Costé, Maine et Saint-Gelais viennent me voir. Assurément, par d’urgentes affaires à la Cour (ainsi le veut notre époque), ils sont bien occupés ; mais toi, mon cher Rabelais, puisqu’il est certain que tu vas là où ma (sic) volonté t’appelle, ou plutôt le destin, et où il t’appelle, dis-leur bonjour pour moi ». Traduction de S. Laigneau). Selon M. de Grève (Études rabelaisiennes. L’interprétation de Rabelais au xvie siècle, vol. 3, Genève, Droz, 1961, p. 28) la pièce a été « très probablement écrite en 1536 ». Or Bourbon n’est rentré en France qu’à l’automne, après un séjour de plus de deux ans en Angleterre. On le trouve encore début septembre à Troyes et il n’arrive à Lyon qu’à la fin du mois. La cour, de son côté, a quitté Lyon début août mais y revient dans la première quinzaine d’octobre. Il est vraisemblable que ce soit à cette période que Bourbon adresse ses vers à Rabelais.
36 Il s’agit de « En ce corps cy (passant) estoit compris » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/23748 ; Stone, t. II, p. 228) ; « Voyant cecy (lecteur) ne pense pas » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/23749 ; Stone, t. II, p. 229) ; « Soubz ce tumbeau gist une sepulture » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/23750 ; Stone, t. II, p. 230). Cette dernière épitaphe, satirique, est consacrée à un capitaine de l’armée de Charles Quint, Antonio de Leyva, qui meurt à Aix sans doute entre le 9 août et le 11 septembre. Responsable de la capture du roi à Pavie en 1525, il était considéré comme le commanditaire du meurtre du dauphin. La cour quittant Lyon le 13 octobre, il est très probable que notre poète a rendu les textes de ses trois épitaphes à Dolet entre la mi-septembre et la mi-octobre 1536.
37 Recueil de vers latins et vulgaires de plusieurs poëtes françoys composés sur le trespas de feu monsieur le daulphin, éd. Étienne Dolet, Lyon, François Juste, 1536 (USTC 37948).
38 Sont par exemple dans ce cas Étienne Dolet lui-même et Guillaume Scève.
39 Églogue marine sur le trespas de feu Monsieur Françoys de valoys, Daulphin de viennoys filz aisné du Roy, Ensemble ung chant royal sur l’entreprinse de l’empereur contre le Roy, et honteuse fuite dudict Empereur. Et autres choses. Le tout composé par Hugues Salel de Quercy, Paris, Olivier Mallard, achevé d’imprimer du 23 janvier 1536, a.s. (USTC 73552). On notera que Salel publie dans ce recueil deux blasons, celui de l’anneau et celui de l’épingle (voir Goeury, p. 223-226 et 266).
40 Il s’agit du huitain intitulé « Merlin de sainct Gelays. À Hugues Salel, jusques à maintenant de luy incongneu » et qui commence « Quant la belle aulbe amene le cler jour » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22177 ; Stone, t. II, p. 62).
41 C. Langlois-Pézeret, « Hugues Salel et Étienne Dolet : imitation / émulation autour de Madeleine de France, reine d’Écosse », Camenae no 8, décembre 2010, np.
42 C. Sicard, « Jean Bouchet raconte comment Mellin de Saint-Gelais a joué pour lui les facteurs (1536-1545) », Démêler Mellin de Saint-Gelais, Carnet de recherche Hypothèses, 5 août 2013 [En ligne] http://demelermellin.hypotheses.org/880. Consultation du 31/08/2019.
43 Recueil chronologique des lettres-patentes, édits, déclarations, arrêts du Conseil, etc., sur la librairie et imprimerie de Paris depuis 1275 jusqu’au 5 juillet 1777, ms. BnF fr. 21816, fol. 21v.
44 C. Sicard, « Mellin de Saint-Gelais, conservateur de la Bibliothèque royale », Démêler Mellin de Saint-Gelais, Carnet de recherche Hypothèses, 26 octobre 2011, mis à jour le 2 mai 2013 [En ligne] http://demelermellin.hypotheses.org/103. Consultation du 31/08/2019.
45 « A ceulx, qui apres l’epigramme du beau Tetin en feirent d’aultres », v. 34. Sur cette image pour désigner Mellin de Saint-Gelais voir également C. Sicard, « Saint-Gelais, cette perle », Démêler Mellin de Saint-Gelais, Carnet de recherche Hypothèses, 30 avril 2013, mis à jour le 4 mai 2013 [En ligne] http://demelermellin.hypotheses.org/558. Consultation du 31/08/2019.
46 Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22457 ; consultation du 31/08/2019. François Ier, Œuvres complètes, éd. J. E. Kane, Genève, Slatkine, p. 334-336 ; Blasons anatomiques du corps féminin, éd. J. Goeury, Paris, GF Flammarion, 2016, p. 130-133 (les références ultérieures à cette édition se réduiront à la mention du nom de l’éditeur critique suivi de la page).
47 Jean Salmon Macrin, Odarum libri Sex, Lyon, Gryphe, achevé d’imprimer du 7 février 1537, derniers feuillets (USTC 157185).
48 « Ad Mellinum Sangelasium horti clausi antistitem », v. 9-12. Nous n’avons pas identifié pour l’instant le texte auquel Salmon Macrin fait ici allusion. Nous remercions S. Laigneau pour cette traduction.
49 « Epigram. Mellinus Sangelasius Salmonio Macrino », v. 3-6 (traduction : S. Laigneau) : « […] me æquare aliis patrio sermone poëtis/ Ut candor, sic est præposuisse favor. / Nec sum adeò obducto cæca caligine sensu, / Illos me titulos ut mervisse putem. »
50 Ibid., v. 16.
51 Ibid., v. 15-18 (traduction : S. Laigneau) : « Sunt mihi (confiteor) tenues ad carmina vires, / Venaque ab Aonio non bene ducta lacu, / Atque ea vel curis, vel desuetudine longa / Aridior Lybica jam mihi facta siti. »
52 « Œil attrayant, œil arresté » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22409 ; Stone, t. I, p. 49 ; Goeury, p. 246).
53 « Cheveulx, seul remede et confort », (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22408 ; ; Stone, t. I, p. 184 ; Goeury, p. 230).
54 P. Lacroix, note sur l’épigramme « A ceulx qui apres l’epigramme du beau tetin en feirent d’autres », Recherches sur des livres rares et curieux des xve, xvie et xviie siècles, 1880, p. 149.
55 Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/imprime/81266 (USTC 83772). Consultation du 31/08/2019.
56 Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/imprime/82118 (USTC 95320). Consultation du 31/08/2019.
57 M. Clément, « Coup d’essai, coup de maître : les blasons de Maurice Scève, émulation lyonnaise et histoire courte du blason anatomique », Anatomie d’une anatomie, p. 173-177.
58 Pour ceux en tout cas qui nous sont parvenus. Sur l’hypothèse de J. Goeury concernant la généalogie du recueil de 1543, voir la note 27 supra.
59 J. Goeury, p. 23-25.
60 « Œil, non pas œil mais un soleil doré » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22411 ; J. Goeury, p. 50-52) ; « Œil beau, œil doux, œil gratieux » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22412 ; J. Goeury, p. 219-222).
61 « La paranymphe Appollo cheveleux » (Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/22413 ; J. Goeury, p. 43-47).
62 Base Jonas : http://jonas.irht.cnrs.fr/manuscrit/72038.
63 Mellin de Saint-Gelais, « Cheveulx, seul remede et confort », v. 41-42 : « Si un Ciseau vous feit outraige/ Un dard m’en feit bien davantaige ».
64 Jean de Vauzelles, « Le paranymphe Appollo cheveleux », J. Goeury, p. 43, v. 10.
65 « Le paranymphe Appollo cheveleux », p. 45, v. 47.
66 Ibid., p. 45, v. 50-51.
67 Ibid., p. 44, v. 29-30.
68 « Cheveulx, seul remede et confort », v. 17-18.
69 Voir l’article d’E. Kammerer dans le présent numéro.
70 Notons toutefois qu’il n’est pas le seul en ce cas : dans les recueils des Blasons, dès 1536, d’autres poètes adoptent une attitude analogue. C’est ce que montre notamment N. Mueggler dans « Les Blasons anatomiques de 1543 : un recueil de sociabilité agonistique », Anatomie d’une anatomie, éd. citée, p. 209-226.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11263-1
- EAN : 9782406112631
- ISSN : 2273-0893
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11263-1.p.0229
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 04/01/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Mellin de Saint-Gelais, blasons, diffusion, sociabilité