Les femmes monumentales d’Yvonne Vera Proposition de lecture écopoétique
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Africana. Figures de femmes et formes de pouvoir
- Author: Garnier (Xavier)
- Pages: 399 to 415
- Collection: Encounters, n° 539
- Series: Francophone communities, n° 2
Les femmes monumentales
d’Yvonne Vera
Proposition de lecture écopoétique
Le texte de présentation de la traduction française des Vierges de pierre, le quatrième roman de l’écrivaine zimbabwéenne Yvonne Vera, suggère une lecture écopoétique qui nous servira de point de départ : « Yvonne Vera immerge les atrocités de la guerre dans son approche sensuelle de l’environnement, la terre, la montagne, la rivière, la végétation, leur conférant ainsi une force terrible1 ». L’extrême violence qui est au cœur de ce roman est d’autant plus insoutenable à lire qu’elle se diffuse dans la trame descriptive elle-même. D’atroces scènes d’assassinats, de viols, d’incestes, d’auto-avortements ou de suicides affleurent dans toute l’œuvre romanesque d’Yvonne Vera sans introduire de nette rupture narrative, comme si elles faisaient pleinement partie d’un tableau général dont elles sont solidaires.
Il ne convient pour autant pas de dire que ces violences n’appartiennent à aucun récit. L’Histoire de la Rhodésie et du Zimbabwe passe par les corps violentés des personnages féminins. Les dates et les lieux sont parties prenantes des violences exercées sur les femmes : la révolte anticoloniale de 1896-1897 (première Chimuranga) dans Nehanda2 ; 1946, au cœur de l’occupation coloniale à Makokoba township dans Papillon brûle3 ; 1977 au pic de la guerre d’indépendance (seconde Chimuranga) dans Une femme sans nom4 ; entre 1981 et 1986, au cours des massacres 400Gukurahundi5 qui ont immédiatement suivi l’indépendance du Zimbabwe, pour Les Vierges de pierre. L’hypothèse que nous voudrions suivre est que le corps des femmes est l’opérateur de cette jonction entre les violences historiques et ses répercussions écopoétiques.
Le corps des femmes est toujours « situé » chez Yvonne Vera, il est pris dans des lieux hantés par une violence latente, et lorsque celle-ci se manifeste explicitement c’est dans une continuité descriptive qui entretient avec les événements historiques des rapports complexes. Ce lien entre les corps féminins et les lieux permet une transmutation de la violence que l’écriture de Simone Vera met au service d’une puissance féminine irrépressible. La violence qui s’exerce sur ces femmes ne les transforme pour autant pas en victimes. Yvonne Vera n’écrit pas pour classer les bourreaux et les victimes, elle consacre son art à dire l’expérience de femmes qu’aucune violence ne saurait réduire au silence ou à l’impuissance. Une telle approche écoféministe de cette œuvre romanesque devrait nous permettre de situer cette violence, de trouver le lieu à partir duquel une contre-offensive poétique pourra être menée.
L’attachement aux lieux traumatiques
Dans Une femme sans nom, le deuxième roman d’Yvonne Vera, Mazvita cherche à échapper au lieu où elle a été violée par un soldat pendant la seconde Chimuranga. Le lien qu’elle établit entre le violeur et le lieu est tellement fort qu’elle éprouve la sensation que la terre s’est immiscée dans son corps à l’occasion de ce viol :
Mazvita sentit la respiration avide de l’homme au-dessus d’elle. Elle détesta cette respiration, détesta encore plus l’avidité dans la respiration. Par-dessus tout, elle détesta le sol qui meurtrissait son dos tandis que l’homme se mouvait impatiemment au-dessus d’elle, en elle, au-delà d’elle. Mazvita chercha le vide dans son corps. Plus tard, elle n’associa pas ce vide à l’homme parce qu’elle ne pensait pas à lui depuis l’intérieur mais depuis l’extérieur. Il n’avait jamais été à l’intérieur. Elle ne l’associait qu’au sol. C’est le sol qui 401était monté vers elle. Il était issu de la terre. Elle le vit monter de la terre, du brouillard, de la rivière. C’est à partir du sol que l’homme avait pu se développer dans son corps.
Mazvita recueillit dans son corps le silence de la terre. (Une femme sans nom, p. 56)
Dans un entretien avec Ranka Primorac datant de 2004, Yvonne Vera évoque les rapports compliqués que les femmes ont avec la terre, sur laquelle elles doivent vivre, mais qu’elles ne peuvent habiter : « The connection to the land for the women is that of the disturbance. Something negative. » (Cousin et als., 2012, p. 379) Loin d’incarner une proximité mythique avec la mère nature, elles sont posées sur le sol, en contact direct avec celui-ci, mais dans une grande vulnérabilité. À l’image de leur propre corps, les précaires maisons qu’elles occupent sont toujours susceptibles d’être pénétrées par des corps hostiles. La nature, ou la terre, est une force pénétrante. Voilà pourquoi l’inflation descriptive dans les romans d’Yvonne Vera n’est jamais aussi forte que lorsqu’il s’agit de rendre compte de scènes traumatiques.
L’intensité traumatique des lieux naît de la façon dont la violence du monde extérieur vient brutalement pénétrer l’intimité du corps. L’insoutenable scène du seizième chapitre de Papillon brûle, consacrée à l’avortement que Phephelaphi s’inflige elle-même à l’aide d’une « épin[e] robust[e] à l’écorce sèche et friable, et de longs doigts fins, fermes, d’un brun de verre fumé » (p. 160), est perçue à la fois de façon chirurgicale au plus près du corps et soudain de loin, dans une prise de champ vertigineuse :
Enfoncer. Elle l’a enfoncée. Aiguë et perçante. Aucune crainte. Aucune émotion. Cela doit être. Une poche d’eau, y entrer, en sortir. Elle reçoit ce mouvement lentement comme s’il allait procurer une délivrance extatique. Sa main est ferme à l’intérieur de son corps. Sa main à elle introduisant une atteinte irréversible. Son bras droit est soutenu par la face interne de sa cuisse prudemment soulevée du sol. Au poignet, sa main est tournée à angle droit, comme cassée. Sa main bouge et frappe en gestes rapides. Elle garde la tête par terre, loin de ses cuisses. Sa jambe gauche est baissée et étendue. Sa main glisse le long de la cuisse gauche. Phephelaphi est tendue à l’extrême. Ses doigts tiennent bon à chaque percée frénétique. Le pays est calme. Vue de loin, elle n’est qu’un point sur la terre. (Papillon brûle, p. 161)
L’éloignement soudain du point de perspective, à la fin de la citation, ne met pas à distance la violence de la scène mais au contraire 402en concentre l’intensité. Ce « point sur la terre » tire son intensité de la description qui précède. Le mouvement d’éloignement du point de vue est un continuum qui ne dilue pas la violence, mais au contraire la contracte. La seconde partie du chapitre raconte les efforts vains de Phephelaphi pour enterrer le fœtus. La couche de terre aride et granuleuse n’est pas suffisamment épaisse, les doigts de Phephelaphi se heurtent au bouclier rocheux qui affleure : « Le sol est de roc et résiste à chacune de ses tentatives de l’ouvrir avec ses mains désespérées » (ibid., p. 172). Il lui faudra donc laisser sur place un « monticule élevé » (ibid., p. 176), qui marque le lieu de sa douleur et qui sera rapidement dispersé par le vent. À propos de Papillon Brûle, Yvonne Vera déclare à Ranka Primorac : « […] I wanted to incorporate into the body of the story the land itself. Elements of it. » (Vera, 2004, p. 161) On ne saurait exprimer plus clairement, à la lumière de cette scène d’auto-avortement, la violence impliquée par ce rapport à la terre.
Le lien entre les violeurs et le sol est clairement explicité dans les chapitres consacrés à Sibaso, le maquisard violeur et criminel de Vierges de pierre. La voix de Sibaso s’est immiscée dans le corps de Nonceba, sa victime, et se déploie dans plusieurs chapitres du roman. Elle dit la proximité intime avec les éléments rocheux, aqueux, végétaux qui font le quotidien de la survie dans le maquis. C’est dans le sanctuaire de Mbelele, une inaccessible anfractuosité rocheuse au cœur des collines de Gulati, que les maquisards se cachent, renouvelant ainsi l’acte ancestral de ceux qui sont venus se réfugier là et ont laissé des fresques sur la roche :
C’est vrai : tout pourrit à Gulati sauf les rochers. Sur les rochers, l’histoire suit son cours, on ne peut la faire pencher ni en avant ni en arrière. Ce n’est pas un refrain. L’histoire se confond avec le chaos des collines, mais ne disparaît pas. À Gulati, je fais des voyages de quatre cents ans, puis de mille ans, puis encore de vingt. Les rochers se fendent largement, le temps se déplace et j’avoue figurer parmi les voyageurs qui volent un abri aux morts. (Vierges de pierre, p. 136-137)
À travers l’horreur de l’acte perpétré, se lit la reconduction de quelque chose de beaucoup plus vaste, qui implique à la fois l’environnement géographique et l’Histoire, dans sa longue durée. Les criminels disparaissent aussitôt des récits d’Yvonne Vera, comme s’ils se dissolvaient dans le sol une fois l’acte perpétré. Voilà pourquoi les lieux prennent tant d’importance : ce sont eux qui violent et qui tuent.
403On peut reprendre à Émilie Hache la définition qu’elle propose du verbe (jusqu’ici non traduit en français) reclaim, pour comprendre la façon dont les personnages restent noués au lieu traumatique : « Si l’on devait choisir un geste, un mot capable d’attraper et nommer ce que font les écoféministes, ce serait reclaim, un terme que les écoféministes empruntent au vocabulaire écologique. Il signifie tout à la fois réhabiliter et se rapproprier quelque chose de détruit, de dévalorisé, et le modifier comme être modifié par cette réappropriation » (Hache, 2016, p. 23). Cette revendication du lieu traumatique est explicite dans un dialogue des Vierges de pierre, entre Nonceba et Cephas Dube, venu de Bulawayo pour l’emmener loin de la violence qui ravage les campagnes :
« Après ce qui s’est passé ici, vous devriez avoir peur. Il serait sage d’avoir peur », répète-t-il avec insistance.
Ici, dit-il ? Ici. Sait-il exactement sur quelle parcelle de terrain elle, Nonceba, a enduré son malheur ? Sait-il où Thenjiwe est morte ? À quel endroit précis elle a été tuée ? Ici, dit-il, comme s’il savait exactement ce qui s’est passé ici. Il ne sait rien de cet ici. La sensation de cet ici. Ce que l’on en voit. L’instant si saturé d’ici. […]
« J’habite ici6. Mes blessures sont là. Je n’ai pas peur. » (Vierges de pierre, p. 197)
S’il y a un attachement au sol chez Yvonne Vera, celui-ci est étroitement lié à une expérience du trauma. L’intensité de la douleur, à la fois morale et physique, est portée par des lieux qui n’inscrivent pas une mémoire, mais viennent saturer le présent. Les lieux traumatiques exercent une attraction irrépressible, qui est un des ressorts narratifs de l’écriture romanesque d’Yvonne Vera.
Le lien étroit que les femmes entretiennent avec les lieux est pleinement posé au quatrième chapitre des Vierges de pierre, consacré au moment de la proclamation d’indépendance totale du Zimbabwe, en 1980. Les femmes accueillent en tant que mères, épouses ou amantes les hommes qui reviennent du maquis, avec l’autorité que leur ont donné des années de solitude. Elles comprennent rapidement que le trauma de ces hommes doit être situé :
404C’est seulement pendant son sommeil, quand ses bras battent l’air, quand sa voix est plus sombre que la nuit et illuminée d’étoiles, que la femme se réveille et le situe7. Elle sait que son voyage avec cet homme est long et agité et qu’elle ne peut continuer à le laisser chaque nuit en proie à ses rêves. Elle est effrayée, stimulée, perdue. Cet homme dort mais il a les yeux grands ouverts. Au matin, ce n’est pas lui qu’elle regarde, mais les collines de Gulati. (Vierges de pierre, p. 76)
Cette aptitude féminine à situer le trauma explique que les femmes qui ont combattu dans le maquis ne semblent pas manifester les mêmes symptômes post-traumatiques que leurs camarades masculins. Les guerrières qui passent le temps sur la véranda du magasin d’alimentation de la gare routière de Kezi, le jour de l’indépendance du Zimbabwe, semblent inaccessibles aux hommes parce qu’elles apportent avec elles des lieux inaccessibles :
Vivantes maintenant, elles regardent par-dessus leur épaule comme si elles étaient invisibles, s’intéressant aux choses lointaines, […] les choses secrètes que seul leur esprit a connues, vivantes ici maintenant, sur cette véranda, aujourd’hui, l’air terrifiant et calme, comme si elles venaient juste de s’absenter dans un endroit agréable, à cueillir des fleurs sauvages dans un doux creux de la terre. Non, leurs doigts ne sont pas conçus pour des gestes délicats de ce genre : elles sont simplement parties quelque part la veille. Un endroit d’une obscurité telle que, lorsqu’elles reviennent, comme c’est le cas, elles apportent cet endroit obscur dans leurs yeux. Elles sont si impénétrables que les hommes de Bulawayo peuvent seulement attendre qu’elles parlent en premier, mais ils rencontrent un silence de mort. (Vierges de pierre, p. 82)
Ces femmes sont « impénétrables » parce que situées dans des lieux obscurs dont elles tirent leur puissance. Ces maquisardes sont des femmes puissantes, que les hommes ne savent comment aborder, tant ils sont habitués à entrer en contact par voie de pénétration. Les guerrières d’Yvonne Vera, qui « apportent cet endroit obscur dans leurs yeux », sont devenues inviolables.
405L’illusion urbaine d’une esquive spatiale
Une telle prise en charge de l’intensité des lieux traumatiques n’est cependant pas toujours soutenable et il y a une issue pour celles qui veulent échapper à la violence pénétrante du sol. Harare (ex-Salisbury) et Bulawayo, les deux grandes villes rivales du Zimbabwe semblent offrir des échappatoires. C’est à Harare8 que Mazvita, l’héroïne d’Une femme sans nom, cherche à se déconnecter du viol et à se sentir « protégée des collines et de la terre » (Une femme sans nom, p. 90). Yvonne Vera retrouve ici des motifs urbains bien connus qui associent la ville à l’anonymat et à l’oubli du passé : « ces silhouettes ne présentaient ni nom, ni mémoire » pour les relier à un type d’agencement spatial particulier qui esquive les lieux (ibid., p. 124).
La ville est décrite comme un espace discontinu où chaque habitant est ceinturé de vide. Pour cette raison, elle est une issue positive pour le corps blessé des femmes. L’architecture urbaine de la ville de Bulawayo est propice aux jeux d’esquive :
La ville gravite autour d’arêtes aiguës, les rues se coupent à angle droit. À midi, les ombres sont nettes et étirées. Les rues sont larges, plus larges aux carrefours. Dans cette ville, le contour d’un bâtiment est un profil, un angle… ekoneni. Le mot est prononcé les lèvres pincées, l’esprit lyrique, les bras vibrent, la mémoire mendie du temps. Ekoneni, disent-ils, mendiant de la tranquillité, de la compréhension.
L’angle d’un bâtiment se tâte avec les doigts : du ciment grossier, ébréché. Vous vous approchez du coin, vous le contournez. Ce mouvement définit le corps, l’informe d’une façon brusque et miraculeuse. Il pourrait y avoir n’importe quoi après le coin. Un tournant, et une lumière nouvelle vous éclaire, rien n’est obscurci. Vous êtes aussi grand que ces immeubles qui jaillissent du sol. (Vierges de pierre, p. 20)
Les corps circulent dans la ville et en suivent les artères. Makokoba Township à Bulawayo où se déroule l’intrigue de Papillon brûle est traversé par une longue rue, Sidojiwe R2, qui « offre à vif toutes sortes 406de blessures » et sert d’axe au roman (Papillon brûle, p. 11). En 1946, date à laquelle se passe l’intrigue de ce roman, les Noirs doivent vivre dans les interstices, leur présence est indispensable au bon fonctionnement de la ville, mais ils doivent rester invisibles : « Le principe, c’est de vivre dans les fissures, ni remarqués, ni remarquables, rendant tous les services mais pourvus de la capacité de disparaître aussitôt la tâche accomplie. » (Papillon brûle, p. 11-12) Aucun véritable lieu ne parvient à exister dans le township, pas même la petite pièce où Fumbatha, un homme d’âge mur, propose d’accueillir la jeune Phephelaphi pour lui offrir un avenir :
Une pièce. Des murs tout en brique. De l’amiante et du ciment.
Phephelaphi et Fumbatha avaient un lit mais il grinçait, fléchissait au milieu et s’affaissait jusqu’au sol. Un poêle à pétrole. Un fil de fer tendu en diagonale à travers la pièce au-dessus du lit […] où ils mettaient leurs vêtements qu’ils laissaient pendre pour cloisonner la pièce. Le lit était partagé en deux, la moitié supérieure d’un bord, l’inférieure de l’autre. […] Deux valises rangées de ce côté, près de la petite fenêtre carrée donnant sur Sidojiwe E2. Puis l’entrée.
Quand la porte s’ouvrait, elle heurtait le cadre métallique du lit. Si le lit était poussé plus loin dans la pièce, la porte battait et tapait sur les valises usées, dont les couvercles sont cassés sur les bords mais restent attachées du côté où la serrure les retient fermement. (Papillon brûle, p. 67-68)
La chambre du couple ne peut faire lieu. Les cloisons sont trop fines pour leur laisser une intimité. L’espace, aussi petit soit-il, est fonctionnellement articulé. Aucun recueillement n’est possible dans une ville tout entière striée de la sorte. Les palissades et les haies fragmentent une urbanité qui n’a pas de véritable centre de gravité.
En ville, les événements traumatiques se situent sur des seuils, dans des embrasures de portes, à des moments discrets d’articulation du récit. Du meurtre de sa mère par un policier, Phephelaphi ne retient que la chute de son bras dans l’embrasure de la porte alors qu’elle est assassinée sur le seuil de la porte de la petite pièce où elle élevait sa fille :
Elle avait vu sa mère debout, le bras appuyé de l’autre côté de l’embrasure. Un écran plus obscur masquant l’obscurité extérieure. Sa mère s’était tenue longtemps ainsi, parlant en murmures à quelqu’un de l’autre côté. Elle ne voyait pas qui c’était, alors elle avait observé sa mère, grande ombre droite, […] la tête touchant le haut du chambranle. Puis elle avait vu le bras tomber lentement. Elle pensait que sa mère allait se retourner et mouvoir la porte, pour la fermer.
407Au lieu de quoi la chute du bras fut suivie par le corps tout entier. Sa mère avait heurté le côté de la porte. C’est le bruit du bois fragile se fendant sous l’impact du corps, suivi de celui des gonds cédant, qu’elle avait entendu avant de se lever du plancher d’où elle regardait le bras tombant maintenant comme un membre cassé. (Papillon brûle, p. 48-49)
Impossible de savoir à quel moment exact l’assassin tire sur la mère de Phephelaphi. La détonation elle-même ne fait pas partie du récit, comme si la petite fille l’avait chassée de sa mémoire. L’événement traumatique urbain est diffracté, il ne saurait trouver son lieu.
En permettant au trauma de se déterritorialiser, la ville, loin d’être un espace refuge, le fait proliférer. Dans une étrange scène du deuxième chapitre d’Une femme sans nom, Mazvita ramasse un champignon au cœur de la forêt et ce geste semble annoncer son départ prochain pour Harare et ce qui en résultera :
Rien n’était aussi agréable qu’arracher ce champignon. Il accepta sa main légère, la suivant dans un lent et long tremblement, la tige montant du sol dans sa paume. Blanc. Le col était lisse, en attente, doux. Elle sentit la douceur s’attarder entre ses doigts, glissante, fragile. La terre se faufila sous ses ongles.
C’est après l’avoir tenu dans sa paume qu’elle vit les taches marron à l’intérieur des lamelles, des taches qui se répandirent jusqu’à la surface lisse du champignon, d’un marron tristement inattendu. (Une femme sans nom, p. 25)
Cette scène bucolique annonce l’épisode urbain qui fera l’objet du roman. Mazvita découvre en Harare une ville-champignon, où elle cherche à échapper à la terre et au passé. Elle y prend un amant, Joel, un homme insouciant qui la ramène chez lui à bicyclette après l’avoir aperçue dans la rue : « Il était expéditif. C’est ainsi que commença leur vie commune. Il n’y eut pas de discussion, pas d’accord, pas d’offre en due forme. Ils s’étaient simplement rencontrés et étaient restés ensemble. » (ibid., p. 83) C’est sans compter sur le viol antérieur, puisqu’une fois installée en ville Mazvita est rattrapée par une grossesse que Joel n’accepte pas. Les taches se répandent sur la surface lisse de la ville-champignon. Mazvita n’aura d’autre choix que d’étrangler le bébé avant de ramener son corps sur les terres dévastées par la guerre, où le drame s’est noué. Ce terrible roman dénonce l’illusion d’une possibilité d’esquive spatiale. Les coordonnées spatiales des romans d’Yvonne Vera n’obéissent pas à une logique abstraite. L’espace est un 408continuum propice à la propagation des expériences, c’est un espace d’intensités connectées. Les violences lointaines, dans le temps comme dans l’espace, gagnent en intensité et en persistance dès lors qu’elles ont été inscrites dans les corps des personnages et l’éloignement du foyer de violence n’est pas une déconnexion.
Entre l’attachement morbide au lieu du trauma et l’esquive impossible dans l’espace urbain, les perspectives ouvertes par Yvonne Vera semblent bien désespérantes. C’est sans compter sur le volontarisme résilient de son écriture. Dans une interview avec Jane Bryce au sujet des Vierges de pierre, il est question de l’écriture chorégraphique comme biais artistique pour faire face à l’horreur :
The last book I’ve written is set in the period of the dissident movement after independence (1980-1985). It’s a very difficult subject, but I have a scene – a photograph – of a woman being decapitated. It happened – they would cut your lips or your nose – but cutting someone’s head off… A man comes into the village and does that : how does he do it ? How do I convey that in a way that interests the reader ?… I don’t want to say, ah it’s so awkward, ugly ; messy, bloody, I’m not going to write it. No, I have to enable it to be read, when it is encountered, as astounding, beautiful, creative experience. So I have to choreograph it9.
« Le dernier livre que j’ai écrit se situe dans la période de dissidence qui a suivi l’Indépendance (1980-1985). C’est un sujet très douloureux, et j’avais l’image – une photographie – d’une femme en train d’être décapitée. Il arrivait qu’ils coupent les lèvres ou le nez – mais couper une tête… Un homme arrive dans le village et fait cela : comment le fait-il ? Comment rendre cela d’une façon qui intéresse lecteur ? … Je ne veux pas dire, ah c’est si déplacé, immonde, sale, sanglant que je ne vais pas le raconter. Non, je devais rendre cela lisible, au moment où cela est arrivé, comme une chose étonnante, belle, une expérience créative. Il fallait donc que j’en fasse une chorégraphie. »
Aussi macabres que soient les violences que les femmes doivent subir, il semble y avoir en elles une part susceptible d’émettre des rais de lumière depuis le cœur même de l’horreur. Dans la scène macabre du meurtre de Thenjiwe, alors que l’assassin semble vouloir esquisser un pas de danse avec le cadavre décapité, celui-ci révèle l’éclat de ses os : « Le corps tombe en avant, il trébuche puis ramène le cadavre 409vers lui ; des éclairs blancs d’os éclatants, clavicule pure, comme un rai de lumière l’os disparaît dans le suintement du sang […] » (Vierges de pierre, p. 101). Les flux de sang couvrent la lumineuse blancheur des os mais ne la réduisent pas. Leur éclat est tapi sous le trauma.
La chorégraphie des ossatures
Les villes d’Yvonne Vera ne tournent pas le dos à la ruralité, elles servent plutôt de caisse de résonance à ce qui s’y passe de façon muette. D’où la place accordée aux cars, qui établissent la jonction entre les bourgades rurales et les centres urbains10. Ces cars rouges qui assurent le lien entre le village et la ville de Harare sont des connecteurs intenses :
Le car était d’un rouge féroce. La peau se violaçait. Telle était la chaleur ce jour-là. Les visages se bousculaient, se hâtaient, entourant le car d’un chatoiement de voix. Les grandes roues noires étaient jaunes de poussière accumulée. De la boue, percée de cailloux, avait séché dans les larges sculptures des pneus. D’épaisses couches de terre brune couvraient les vitres et le reste de la carrosserie, cependant le car conservait l’éclat du rouge. Voilà quel rouge c’était. Un rouge si étourdissant qu’il était vivant. (Une femme sans nom, p. 17)
Notons que si la boue s’incruste dans les sculptures des pneus, si elle couvre les vitres et la carrosserie, elle ne pénètre pas dans le car. Ce détail est important : le car reste rouge vif sous la boue, il est à sa façon impénétrable.
Yvonne Vera excelle à raconter le passage des cars de voyageurs ou les camions de marchandises dans les bourgades du Zimbabwe. Chaque halte est l’occasion d’une mêlée qui révèle l’intensité du lieu. Les arrêts de bus, avec les inévitables magasins qui les jouxtent, sont des lieux très particuliers qui font alterner des moments d’attente et des moments d’effervescence. Le cœur de l’enclave rurale de Kezi est l’arrêt de bus, dont la description 410fait l’objet du deuxième chapitre des Vierges de pierre. Les enfants qui se regroupent autour des véhicules manifestent l’énergie des lieux :
Le camion démarre en soulevant un nuage et les gamins lui courent après, sans aucune raison, juste pour montrer qu’ils ne sont ni calmes ni vaincus, ni humbles ni ignorants, non passifs mais pleins d’énergie et de puissance, pas non plus des enfants mais des présences pourvues de voix et de volonté, dotées de jambes capables de les porter là où ils souhaitent aller, douées d’instinct et d’autorité joyeuse, si bien qu’ils courent à très grandes enjambées, dégringolant la pente jusqu’au pont, regardant le camion descendre et remonter plus vite que leurs sens n’en ont le souvenir, puis prendre une vitesse et une turbulence qui les laissent pantois. Et ils agitent le bras. Et restent immobiles. Interloqués. Et ils font tomber leurs casquettes. Et les ramassent dans la poussière. (Vierges de pierre, p. 32)
L’énergie et la puissance déployées par les gamins de Kezi est une façon de « faire importer11 » les lieux. Accompagner les véhicules en partance en courant derrière, en agitant les bras et en poussant des cris, c’est attirer l’attention des voyageurs sur le lieu qu’ils viennent de traverser et forcer une mémoire de la halte. Les gamins qui accompagnent le camion traduisent leur vitalité par leurs attitudes et leurs postures. Les jambes et les bras sont les parties vives de leur anatomie. La mémoire des lieux traversés tient à leur gestuelle.
Les paysages d’Yvonne Vera ne sont pas peuplés de silhouettes, mais portés par des gestes qui les monumentalisent, d’où l’importance des os qui structurent les portraits féminins : ils renvoient à l’architecture corporelle. L’ossature est monumentale en ce qu’elle permet aux corps de se déployer en toute intimité. L’extraordinaire scène d’amour entre Thenjiwe et Cephas Dube, l’inconnu venu de la ville au début des Vierges de pierre, raconte la façon dont des corps s’encastrent :
Il aime ses os, l’harmonie de ses doigts. C’est l’os qui suit la hanche qu’il préfère. Le silence glissant de chaque mouvement, la dilatation des tendons. Le temps passé pendant qu’elle bouge un pied après l’autre, lentement, nonchalamment. L’os blanc constituant son être intime, sa hanche en mouvement.
Sait-elle que l’os est la matière la plus sèche de l’être, comme toutes les formes matérielles qui donnent la structure, qui soutiennent les éléments 411humides comme la chair, l’eau et le sang ? L’os, seule matière en nous qui se fêle, se fracture, puisse blesser notre être entier, se brise alors que nous sommes encore en vie. Ceci il l’aime, cet os en elle, comme étant enfoui au plus profond, au-delà de la mort, fossile avant de mourir. (Vierges de pierre, p. 54)
L’os, en tant que structure du corps, a ici trois dimensions qui nous intéressent : 1) il est enfoui au plus intime de l’être ; 2) il porte la douleur à sa plus haute intensité ; 3) il inscrit le continuum du temps. La structure osseuse, siège de l’intimité sensible, foyer d’irradiation des vagues de douleur, est ce qui permet aux personnages de tenir debout, d’exprimer leur « vérité vertébrale » (ibid., p. 56). La mémoire douloureuse de la guerre est irrémédiablement inscrite dans le squelette des femmes : « Ce sont les blessures de la guerre, que personne ne peut guérir. Des bandages et des points de suture ne peuvent pas reconstituer un être humain dont la mémoire est intacte et à sa place dans le squelette. » (ibid., p. 124)
Le véritable lieu de la mémoire est le squelette. Parce que les os des femmes retiennent la mémoire, ils lui permettent de trouver place dans le paysage. Sibaso, le guérillero violeur et assassin caché dans les collines, contemple les fresques de vierges sacrifiées à l’occasion de l’enterrement d’un roi. Les femmes peintes sur la roche ont une taille élancée, des cuisses minces, des bras effilés :
Ici la roche est presque nue. Les genoux ont été rongés par le temps, l’encre est effacée. Quelque chose est caché : les jambes sont des touches tremblantes de vrilles illuminées de sang sur le roc. Éloigné de la grâce inquiétante des bras, le visage levé au-dessus des épaules. Vers le bas, en dessous de la taille, la lumière les baigne. Il se peut qu’elles aient été sauvées de l’étreinte de la vie. Pas mortes. Je pose la main sur la taille de la femme élancée, sur deux centimètres d’os, pourtant quarante mille ans s’amassent dans ma mémoire comme un vent violent. (Vierges de pierre, p. 136)
Les vierges de pierre portent leurs os comme des fossiles à l’intérieur de leur corps. Nonceba, qui a été violée et défigurée par Sibaso, sent la présence de son violeur au sein même de ses os : « Je suis prise au piège de mes os. Il est ici. Sibaso. Dans mes os. » (ibid., p. 141)
Lors de son exécution par les Anglais en 1898, au cours de la première Chimuranga12, Nehanda Nyakasikanana, une femme médium inspiratrice de la résistance, s’est exclamée : « Un jour mes os reprendront vie ». La figure 412de Nehanda a été largement utilisée par les mouvements nationalistes, lorsqu’ils lancent la seconde Chimurenga, qui débouchera sur l’indépendance du Zimbabwe en 1980. Yvonne Vera consacre son premier roman à la figure de Nehanda dans une perspective explicitement féministe, susceptible d’infléchir la lecture très patriarcale de la femme sacrifiée véhiculée par le ZANU PF, notamment à l’occasion de la « troisième Chimurenga », la campagne de récupération des terres agricoles lancée en 200013. Il s’agit dans ce roman de désolidariser Nehanda de l’allégorie nationale14 à laquelle elle a donné lieu, pour rendre son identité genrée au personnage.
L’ultime prophétie de Nehanda est reprise par une écriture chorégraphique, qui vise à redonner vie à l’ossature des femmes, à révéler leur monumentalité. Soit la première apparition du personnage, dans le deuxième paragraphe du roman :
Nehanda carries her bag of words in a pouch that lies tied around her waist. She wears some along her waist. Words fall into dreaming, into night. She hears the bones fall in the silence. She is surrounded by a turmoil of echoes which ascends night and sky. In the morning, a horizon of rock, of dry bones, grows into day. (Nehanda, p. 1)
« Nehanda porte son sac de mots dans une pochette nouée autour de la taille. Elle en porte d’autres le long des des hanches. Les mots tombent dans le rêve, dans la nuit. Elle entend les ossements tomber dans le silence. Elle est entourée d’un tumulte d’échos qui s’élève dans la nuit et le ciel. Au matin, un horizon de roches, d’ossements désséchés, grandit en jour. »
Les os, les mots et les roches entrent en résonance à l’orée du roman pour ouvrir l’espace. L’ossature de Nehanda est un point de résonance, c’est de cette mémoire vive que s’élève la voix articulée des femmes.
Un même retournement est opéré dans Les Vierges de pierre : Sibaso, le militant nationaliste qui posait sa main sur la taille élancée des vierges de pierre, les reconnaît, entourées d’étoiles, dans deux grands rochers plats qui se dégagent du chaos rocheux, devenues inaccessibles pour lui :
Un rocher est fixé sur un autre, puis un autre, plus petit, soudain plus grand qu’il n’y paraît, plus loin que les arbres, que le vol égal des oiseaux. Cette 413formation tout entière est en suspens dans le ciel, dessinant une symétrie équilibrée. (Vierges de pierre, p. 129)
La structure intime des corps féminins est une architecture monumentale qui se découpe dans le ciel. Les violeurs peuvent torturer les corps, mais ne sauraient soumettre les squelettes.
On comprend mieux du coup le rôle de l’environnement urbain dans les romans d’Yvonne Vera. Les femmes vont en ville pour y faire renaître leurs os par voie de résonance. Le premier chapitre de Papillon brûle est un saisissant portrait de la ville de Bulawayo au son de la musique Kwela :
La Kwela vous met à nu. Tout ce qui rappelle l’amour propre peut s’oublier dans le vide qu’elle suscite : une revendication abandonnée, un amour perdu. C’est une adresse faite au corps réduit à sa plus petite expression, une pierre jetée. Les genoux fléchis et la matraque s’abat sur le cou et les épaules. La Kwela. Monte. Avance. Tourne-toi ou tord-toi ou… avance. Aucune pause n’est accordée, aucune perspective de grâce. La Kwela. Coupe, tire, ploie. Besoin est de chanter. (Papillon brûle, p. 13-14)
La musique naît de la torsion des corps persécutés par les politiques de ségrégation et résonne dans la ville comme dans une grande cathédrale, aussi abîmée soit-elle. La Kwela est un environnement sonore, articulé à toutes les failles de la ville15, mais susceptible de rendre la parole à celles qu’on aurait voulu muettes.
Zhizha, l’héroïne de Sous la langue, a perdu l’usage de la parole après avoir été violée par son père. Sa langue est devenue une pierre, définitivement figée. Le murmure du père au moment du viol a tout ravagé à l’intérieur de Zhizha et aucun nouveau mythe ne saurait renaître, faute de terre fertile. Zhizha est une architecture de pierre. Le roman raconte le retour de sa voix au cours d’un long entretien avec sa grand-mère. La voix de la grand-mère se déverse dans un intérieur rocailleux, où plus rien ne saurait prendre racine, mais où peut naître la résonance.
414Conclusion
Les corps mutilés des héroïnes d’Yvonne Vera ne restent pas longtemps muets. Les femmes continuent à parler depuis les blessures qui affectent très douloureusement leurs corps. L’extraordinaire huitième chapitre des Vierges de pierre raconte les conditions du retour du langage dans le corps de Nonceba, immobilisée dans son lit d’hôpital :
Elle est muette. Une voix qui se meurt. Incapable de façonner un langage avec des mots, de respirer librement. Il lui faudra trouver en elle les sources du son, un son pur et intemporel. Alors elle ouvrira la bouche et libérera le son. Des paroles couleront, puis le langage. Alors seulement elle découvrira un monde contrastant avec son malheur. Elle rétablira son esprit, le guérissant par segments, dans le son. (Vierges de pierre, p. 118)
L’écriture d’Yvonne Vera est une tentative pour capter le « langage de tous les êtres blessés » (Vierges de pierre, p. 119). Ce langage est d’abord musical, il devra passer par des voies résonantes. Dans la nouvelle « Crossing Boundaries », le sol tremble sous les coups de pilons des femmes qui préparent la farine de maïs, et leurs conversations viennent se mêler aux vibrations de la terre16. Les héroïnes d’Yvonne Vera sont monumentales parce que leurs voix chargées des grandes fractures historiques sortent de l’aphasie pour ouvrir le monde à de nouvelles vibrations.
Xavier Garnier
Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
415Bibliographie
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Graham, James, « “A Country with Land and no Habitat” : Women, Violent Accumulation and Negative-Value in Yvonne Vera’s The Stone Virgins », Journal of Postcolonial Writing, vol. 53, no 3, 2017, p. 355-366.
Hache, Emilie (dir.), Reclaim. Recueil de textes écoféministes, Paris, Éditions Cambourakis, 2016.
Mkwesha-Manyonga, F., « Representing Nehanda : Writing Back to Colonialism’s “Frozen Image” and the Male Nationalist Tradition », Emerging Perspectives on Yvonne Vera, éd. H. Cousins, P. Dodgson-Katiyo, Trenton, Africa World Press, 2012, p. 41-59.
Mutswairo, Solomon, Feso, Cape Town, Oxford University Press / Southern Rhodesian African Literature Bureau, 1956.
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Samuelson, Meg, « Yvonne Vera’s Bulawayo : Modernity, (Im)mobility, Music and Memory », Research in African Literatures, vol. 38, no 2, 2007, p. 22-35.
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Vera, Yvonne, Nehanda, Toronto, TSAR, 1994 [1993].
Vera, Yvonne, Une femme sans nom suivi de Sous la langue, trad. de l’anglais par Geneviève Doze, Paris, Fayard, 2006 [1994 pour Without a Name et 1996 pour Under the Tongue].
Vera, Yvonne, Papillon brûle, trad. de l’anglais par Geneviève Doze, Paris, Fayard, 2002 [1998].
Vera, Yvonne, Les Vierges de pierre, trad. de l’anglais par Geneviève Doze, Paris, Fayard, 2003 [2002].
Vera, Yvonne, « The place of the woman is the place of the imagination : Yvonne Vera interviewed by Ranka Primorac », St. Giles, Journal of Commonwealth Literature, vol. 39, no 3, 2004, p. 157-171.
1 Yvonne Vera, Les Vierges de pierre, trad. de l’anglais par Geneviève Doze, Paris, Fayard, 2003 [2002], quatrième de couverture.
2 Yvonne Vera, Nehanda, Toronto, TSAR, 1994 [1993]. Chimuranga désigne la guerre de résistance shona à la colonisation à la fin du xixe siècle.
3 Yvonne Vera, Papillon brûle, trad. de l’anglais par Geneviève Doze, Paris, Fayard, 2002 [1998].
4 Yvonne Vera, Une femme sans nom suivi de Sous la langue, trad. de l’anglais par Geneviève Doze, Paris, Fayard, 2006 [1994 pour Without a Name et 1996 pour Under the Tongue].
5 Massacres de civils Ndebele dans le Matabeleland et le Midland par l’armée du Zimbabwe entre 1983 et 1987.
6 Le texte en anglais est « I live here », qui aurait pu être traduit par « Je vis ici » pour rendre compte du rapport complexe que les femmes entretiennent avec la terre, et qui rend difficile toute forme d’« habitation », comme en témoigne l’analyse de James Graham dans « “A Country with Land and no Habitat” : Women, Violent Accumulation and Negative-Value in Yvonne Vera’s The Stone Virgins », Journal of Postcolonial Writing, vol. 53, no 3, 2017, p. 355-366.
7 Nous soulignons. Dans le texte anglais : « It is only when he sleeps, his arm flailing about, his voice darker than night and lit with stars, that the woman awakes and pins him down. » (The Stone Virgins, New York, Farar, 2002, p. 55)
8 L’intrigue se déroule en 1977, cinq ans avant que Salisbury soit nommée Harare. C’est pourtant bien sous le nom de Harare que la ville est mentionnée dans ce roman paru en 1994.
9 Cité par Oliver Nyambi, « Silenced Voices, Resuscitated Memory, and the Problematization of State. Historiography in Yvonne Vera’s Novel The Stone Virgins », SAGE Open, no 1-9, 2014, p. 3. Nous traduisons.
10 Le parcours douloureux de Mazvita est mis en perspective depuis un voyage en car. Mazvita prend ce car pour revenir au village avec le bébé mort attaché dans le dos, et le récit de ce voyage morbide est le fil rouge qui vient ponctuer le roman de chapitre en chapitre, révélant l’impitoyable attraction du lieu traumatique où elle a été initialement violée.
11 Nous reprenons l’expression proposée par Didier Debaise et Isabelle Stengers dans leur réflexion sur la notion d’attachement. Voir : D. Debaise et I. Stengers, « L’insistance des possibles. Pour un pragmatisme spéculatif », Multitudes, no 65, 2016, p. 82-89.
12 Voir note 2, p. 399.
13 Pour une lecture féministe de Nehanda, voir : F. Mkwesha-Manyonga (2012) et pour une analyse plus large des reprises postcoloniales de la figure de Nehanda : E. Bertho (2019).
14 La construction de Nehanda comme allégorie nationale est notamment un des enjeux du roman de Solomon Mutswairo, Feso, publié en shona en 1956 (Cape Town, Oxford University Press/Southern Rhodesian African Literature Bureau).
15 Sur la musique et la ville de Bulawayo dans les romans d’Yvonne Vera : Meg Samuelson, « Yvonne Vera’s Bulawayo : Modernity, (Im)mobility, Music and Memory », Research in African Literatures, vol. 38, no 2, 2007, p. 22-35.
16 Y. Vera, Why Don’t You Carve other Animals, Toronto, Mawenzi House, 2018 [1992], p. 4-5.
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- ISBN: 978-2-406-12735-2
- EAN: 9782406127352
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-12735-2.p.0399
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 05-18-2022
- Language: French
- Keyword: Écopoétique, Yvonne Vera, lieux, femmes, corps