Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Transferts culturels entre France et Orient latin (xiie-xiiie siècles)
- Pages: 453 to 458
- Collection: Encounters, n° 509
- Series: History, n° 10
Résumés
Martin Aurell, Marisa Galvez et Estelle Ingrand-Varenne, « Introduction »
La notion de « transferts culturels » qui sert de pierre de touche à la réflexion entre Orient et Occident dans ce colloque est issue des travaux de Michel Espagne et a connu une grande fécondité. Quelle est sa pertinence pour parler des dynamiques d’hybridité et de métissage non pas entre deux cultures, groupes et religions, mais au sein de sociétés multiculturelles, comme celle de l’« Orient latin », expression aussi à discuter ?
Jaroslav Folda, “Crusader Gothic. Artistic Imitation, Interaction, and Transfer”
L’art et l’architecture gothiques croisés en Orient ont été commandés par des personnalités politiques croisées, des membres du clergé de l’Église latine, de l’aristocratie croisée, des soldats, des marchands, des pèlerins etc. Cet art, aux racines occidentales, à commencer par la France, a été stimulé par son interaction avec les traditions artistiques d’Orient (byzantines et chrétiennes locales), ainsi que par une prise en considération lente mais constante de l’art islamique.
Stéphane Boissellier, “Religious elites in Christian and Islamic societies, a possible comparison?”
Les biographies de religieux (gesta et tabaqat) semblent complémentaires de la chronistique, qui est tournée vers les détenteurs laïcs du pouvoir. En Islam, les oulémas structurent la société mais ne sont pas véritablement des décideurs politiques ; en Chrétienté, les évêques exercent une juridiction temporelle dès le déclin de l’Empire romain, puis ils s’insèrent – avec les abbés – dans le jeu politique féodal.
454Estelle Ingrand-Varenne, « Transferts épigraphiques. Les inscriptions de l’abbaye du Val de Josaphat à Jérusalem »
L’abbaye de Josaphat, bâtie sur le tombeau de la Vierge à Jérusalem, fut le centre du culte marial en Outremer. Connu pour son riche dossier diplomatique, ce monastère l’est moins pour sa documentation épigraphique, pourtant ravivée par la découverte en 1999 d’une vaste peinture murale inscrite. La vingtaine de textes peints, gravés ou sur mosaïques montre des transferts graphiques, littéraires et artistiques entre monde latin et byzantin, et les voyages épigraphiques entre Orient et Occident.
Robert Kool, “Finding French Deniers in the Latin Kingdom of Jerusalem. The Archaeological and Cultural Perspective”
Ces dernières années, la vision de l’économie des États croisés, principalement axée sur le commerce avec l’Occident, a été remplacée par une évaluation plus équilibrée de sa fonction au sein de la Méditerranée orientale. Cet article examine le rôle particulier joué par les monnaies occidentales/françaises dans l’Orient latin grâce aux découvertes archéologiques provenant de fouilles contrôlées dans la région et propose des pistes alternatives pour examiner la signification de ces monnaies.
Sébastien Gasc, « Les monnayages méditerranéens des xiie et xiiie siècles. Exemples numismatiques des influences et transferts culturels entre Islam et chrétienté latine »
Suite aux conquêtes territoriales en al-Andalus, en Sicile, puis en Orient, les autorités latines, dont les monnayages reposaient essentiellement sur l’argent, imitèrent les monnaies d’or almoravides et fatimides qui étaient considérées en Méditerranée comme les garantes des patrons métrologiques. Avec les copies de dirhams ayyoubides par les croisés, ces pièces et l’évolution de leurs légendes témoignent des contacts et influences entre Islam et chrétienté latine aux xiie et xiiie siècles.
Laura Minervini, « Les manuscrits français d’Outremer. Un nouveau bilan »
Un bilan provisoire des manuscrits en langue française produits en Orient latin s’impose, eu égard aux éditions et études récentes. Loin d’être négligeable 455ou limitée aux thématiques religieuses, la confection des manuscrits est importante. Un public nanti, souvent laïc et noble, commande surtout des livres sur l’antiquité biblique ou gréco-romaine. Seuls les plus prestigieux manuscrits ont résisté au passage du temps, donnant une vision peut-être déformée de l’activité des scriptoria locaux.
Cyril Aslanov, “Old French and Armenian in Contact in Cilicia. A Short-Lived Episode?”
Les contacts prolongés entre le royaume arménien de Cilicie et les États croisés ont occasionné la traduction vers le moyen arménien de textes juridiques (Assises d’Antioche) ou d’autres textes. Les traducteurs, sentant l’importance de la lettre du texte transposé, ont souvent préservé le terme en ancien français en l’adaptant à la structure morphophonétique de l’arménien. Ces nombreux emprunts n’ont pas survécu à la transition du moyen arménien à l’arménien moderne (à l’exception de baron).
Cinzia Pignatelli, « Deux guides de Terre Sainte dans les Otia imperialia de Gervais de Tilbury et leur traduction par Jean d’Antioche »
Les adaptations de deux guides de pèlerinage en Terre Sainte figurent l’une à la suite de l’autre dans la plupart des manuscrits latins des Otia imperialia, sorte d’encyclopédie composée par Gervais de Tilbury pour distraire l’empereur Othon IV récemment excommunié (1210). Leur texte est ici étudié dans la traduction française qu’en a donnée à la fin du xiiie siècle Jean d’Antioche, dont on a plusieurs raisons de croire qu’il exerça une partie de son activité de traducteur en Terre Sainte.
Catalina Girbea, « Des transferts culturels épiques et romanesques aux xiie-xiiie siècles »
L’article propose d’examiner quelques contextes du transfert culturel entre l’Orient et l’Occident aux xiie-xiiie siècles, comme les alliances militaires, les amitiés, le mercenariat et la conversion.
456Abderrazak Halloumi, « Le Livre de l’Eschiele Mahomet : un exemple d’un double transfert ? Adaptation ou réécriture ? »
Ce texte illustre la complexité des transferts culturels dans le sens où le Livre de l’Eschiele Mahomet fait partie intégrante de l’immense production théologique, littéraire et iconographique du mi’rāj qui a vu le jour dans l’aire islamique au Moyen Âge. Il devient un texte « occidental » grâce au travail des deux traducteurs Abraham et Bonaventure de Sienne. Il est le résultat d’un double transfert, d’une adaptation et certainement une réécriture par rapport à ses sources en langue arabe.
Olivier Hanne, « Adélard de Bath et les Arabes. Le renouvellement des sciences en Syrie du Nord au xiie siècle »
Adélard de Bath fut formé aux arts libéraux en France. Après un séjour à Salerne, il publie des textes où il rejoint les nouvelles perceptions du réel et de l’argumentation logique. Vers 1114-1116, il part pour la Syrie. Les œuvres qu’il publie à son retour montrent une évolution profonde de ses compétences, puisqu’il est désormais capable de traduire des textes arabes complexes, en astrologie, en magie, en philosophie, en géométrie et en arithmétique, et d’en dominer les enjeux scientifiques.
Florian Besson, « Devenir étranger. Des anti-transferts culturels en Orient latin »
Dans les États latins d’Orient, les Latins sont soumis à un processus d’acculturation très lent mais bien réel, qui les amène à adopter au fil des décennies coutumes et pratiques en partie empruntées à leurs voisins islamiques et byzantins. Ces processus les conduit peu à peu à s’éloigner des Occidentaux : le présent article interrogera donc ces dynamiques d’estrangement, anti-transferts culturels qui conditionnent l’invention d’une nouvelle identité spécifique aux Latins d’Orient.
Martin Aurell, « De l’acculturation à l’ethnotype. L’altérité du Latin d’Orient »
Au prisme déformant des témoignages occidentaux et arabes, l’acculturation du Poulain est souvent critiquée, trop poussée pour les uns, non aboutie pour les autres. Ce groupe minoritaire n’en préserve pas moins le rite latin, tandis 457que la religion fonde alors toute identité. Les modes de vie empruntés aux autochtones touchent plusieurs aspects de l’existence de ces Latins orientalisés : pilosité faciale, vêtement, cuisine, habitat, rapport de genre… Ils charpentent un stéréotype ethnique.
Adrian Boas, “The Acclimatisation of the Frankish Population to Life in the Latin East. Some Examples from Daily Life”
Afin de s’adapter aux conditions de l’Orient latin, les Francs ont introduit ce qu’ils pouvaient d’Europe, et se sont s’approprié des éléments et méthodes observés autour d’eux en les adaptant. Dans certains cas, les conditions exigeaient qu’ils inventent des coutumes et des technologies entièrement nouvelles. Dans ces efforts d’acclimatation, ils ont montré un haut degré d’innovation dans l’art, l’administration, la guerre, la construction et la conception de bâtiments et d’autres domaines.
Clément de Vasselot de Régné, « Guy de Lusignan. Pouvoir et récits du règne entre Occident, Orient latin et Chypre »
L’ampleur du désastre d’Hattin a conduit l’historiographie à juger sévèrement le règne de Guy de Lusignan, éclipsant sa trajectoire étonnante, sa tentative de reconquête du royaume de Jérusalem, la conquête de Chypre et l’établissement réussi d’un royaume. Pour imposer sa domination dans l’Orient latin puis dans l’île byzantine, il a dû adapter les principaux canaux de l’image du pouvoir, ses sceaux et ses monnaies. Simultanément, il diffusait une version de ses malheurs qui lui soit favorable.
Steven Isaac, “‘There and Back Again’. Women and Holy War”
Deux phénomènes militaires évoluent de manière concomitante au Moyen Âge : le développement de normes de croisade et les rôles « corrects » des femmes dans la guerre. Transférées en Terre sainte, ces présomptions (et préjugés) se sont heurtées à la nécessité militaire et aux réalités historiques. L’observation de ces phénomènes en Europe (Croisade des Albigeois) montre que les femmes n’ont pas joué un rôle moins important, mais ont plus souffert, de cette activité supposée réservée aux hommes.
458Claudio Galderisi, « Conclusions. De la translatio studii et imperii à la translatio imperii et studii »
« Contact », « médiation » et « interculturation », tels sont les trois mots qui forment le cadre d’opération des transferts culturels entre France et Orient. Alors que la translatio studii opère de l’Est vers l’Ouest, l’Orient latin est marqué par un double mouvement qui produit une hybridation culturelle, résultat d’une resémantisation et d’un processus complexe d’interférences.
- CLIL theme: 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
- ISBN: 978-2-406-11407-9
- EAN: 9782406114079
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-11407-9.p.0453
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-07-2021
- Language: French