Préface
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : TransArea. Une histoire littéraire de la mondialisation
- Pages : 13 à 15
- Collection : Bibliothèques francophones, n° 8
Préface
Ce volume, première traduction française de l’ouvrage TransArea. Eine literarische Globalisierungsgeschichte (2012), présente et illustre le domaine nouveau des études transaréales, initié en Allemagne par Ottmar Ette, professeur de littératures romanes et comparées à l’Université de Potsdam. La romanistique allemande, dont l’auteur est l’un des meilleurs représentants actuels, détermine la perspective : lorsque l’on est chercheur romaniste en Allemagne, on est de facto comparatiste, puisqu’on est spécialiste d’au moins deux aires littéraires en langues romanes, en l’occurrence les domaines francophones et hispanophones. Par ailleurs, la coupure, si nette (et à maints égards regrettable) dans l’université française, entre la littérature française et les littératures francophones n’existe guère dans les universités et centres de recherche allemands, ce qui autorise d’emblée une ouverture internationale, préservée de tout eurocentrisme.
Ottmar Ette revendique cette ouverture puisqu’il considère la romanistique comme une discipline mondiale et transculturelle. C’est dans cette perspective qu’il s’est intéressé à l’œuvre du géographe et explorateur allemand Alexander von Humboldt, qu’il tient pour l’un des premiers théoriciens de la mondialisation (Alexander von Humboldt und die Globalisierung, 2009), puis à la définition des études littéraires comme « Lebenswissenschaft », c’est-à-dire « science de l’existence » ou « étude de la vie » (ÜberLebenswissen. Die Aufgabe der Philologie, 2004) et à la question du vivre-ensemble – plus exactement, de la convivance, pour reprendre le terme qu’il emploie (ZusammenLebensWissen. List, Last und Lust literarischer Konvivenz im globalen Maßstab, 2010). Les études transaréales ne délaissent ni la portée existentielle de la littérature ni la question du vivre-ensemble, mais elles consistent principalement à élaborer une poétique du mouvement visant à aborder les littératures, singulièrement de langues française et espagnole, dans une perspective réellement internationale.
14L’intention et le propos sont présentés dans l’introduction de cet ouvrage, mais il nous paraît nécessaire de souligner en quoi l’essai est important pour les études francophones aujourd’hui. Il se confronte en effet à deux grandes problématiques liées l’une à l’autre : comment penser la mondialisation des littératures ? Comment penser les liens entre littérature et espace, et plus particulièrement entre littérature et déplacement(s) dans l’espace ? À cet égard, l’ouvrage a une quadruple ambition.
1. Il vise d’abord à historiciser les phénomènes de mondialisation. Il s’agit de considérer le présent à partir de son antériorité – à partir d’un « ailleurs chronologique » pourrait-on presque dire – afin d’envisager les processus contemporains de mondialisation dans leur profondeur historique. Ainsi, la mondialisation n’est pas tenue pour un phénomène récent, mais renvoie à un processus au long cours qui recoupe quatre phases et qui relie la première époque moderne de l’historiographie européenne au xxie siècle, en traversant l’ensemble mondial hétérogène des « modernités ».
2. Cette tentative s’accompagne d’une contextualisation des phénomènes de mondialisation. L’étude privilégie des échelles intermédiaires entre le local et le global, pour éviter l’écueil d’un universalisme décontextualisé. L’échelle des Caraïbes ou celle de l’Atlantique apparaissent ainsi comme des contextes appropriés à l’étude transaréale, à condition de ne pas se limiter aux anciens cadres des Area Studies.
3. Une troisième ambition est de renouveler les études littéraires en y intégrant des catégories développées par d’autres disciplines. Outre la perspective historique et géographique impliquée par la problématique de la mondialisation, on trouvera ici nombre de références précises à l’histoire de l’art, à la philosophie ou encore à l’anthropologie.
4. Le dernier objectif, spécifique au travail d’Ottmar Ette, est d’élaborer une poétique du mouvement. Selon Ette, il manque en effet aux études philologiques une terminologie assez différenciée et précise (dont il présente les éléments dès l’introduction avant de les mettre en application par la suite) pour caractériser le mouvement, le dynamisme et la mobilité dans le domaine littéraire et artistique.
15Cette étude engagée est ainsi la proposition d’une pratique nouvelle de la philologie, espérant ouvrir la voie à d’autres recherches internationales sur les lettres francophones, hispanophones et plus généralement vers une histoire littéraire adaptée à notre époque de migrations en tous genres, et pas seulement littéraires. Nous espérons qu’elle donnera aux lecteurs français quelques éléments pour un dialogue renouvelé sur les études littéraires.
Jean-Marc Moura
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-08732-8
- EAN : 9782406087328
- ISSN : 2494-7563
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08732-8.p.0013
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 17/07/2019
- Langue : Français