Socio-economic divides around unemployment insurance reforms An analysis of French poll data
- Publication type: Journal article
- Journal: Socio-économie du travail
2018 – 1, n° 3. Discontinuités de l’emploi et indemnisation du chômage / Discontinuity in employment and unemployment insurance - Authors: Françon (Baptiste), Zemmour (Michaël)
- Pages: 165 to 198
- Journal: Social Economy of Labor
Clivages socio-économiques autour
des réformes de l’assurance chômage
Une analyse de données d’opinions françaises
Baptiste Françon
Université de Lorraine, BETA UMR 7522,
Centre d’études de l’emploi et du travail
Michaël Zemmour
Univ. Lille, CLERSE UMR 8019,
Sciences Po (LIEPP)
Introduction : la théorie insider/outsider
à l’épreuve des réformes de l’assurance chômage
Depuis les années 1990, les nombreuses réformes de l’assurance chômage menées en France ou en Europe ont partagé le principe de limiter la générosité des allocations lors de l’allongement de l’épisode de chômage et de durcir les modalités d’éligibilité à ces allocations (Clegg, 2007, Françon et Zemmour, 2013). La baisse de générosité de l’indemnisation de longue durée est passée par une limitation des durées d’indemnisation de l’assurance chômage (par exemple en Allemagne en 2005), ainsi que par la disparition de dispositifs à destination des chômeurs en fin de droits, qui maintenaient le caractère assurantiel et notamment le lien avec l’ancien salaire (par exemple en France en 1992). Les chômeurs de longue durée sont ainsi de plus en plus souvent reversés vers des minimas sociaux (RSA en France). Concernant l’éligibilité, le lien entre 166durée de cotisation et durée maximale d’indemnisation a été renforcé, une tendance particulièrement visible en France où la convention Unedic de 2009 a introduit le principe d’une égalité entre durée d’affiliation et d’indemnisation en dessous de 24 mois. Dans le même temps, le taux de remplacement initial par rapport au salaire de référence n’a pas été affecté entre 2000 et 2016 (la référence demeurant 57 % du salaire brut).
Cet article propose d’éclairer les attentes individuelles par rapport à ces deux dimensions de l’assurance chômage : le montant des prestations d’une part, son inclusivité d’autre part, c’est-à-dire l’ensemble des paramètres susceptibles d’affecter le taux de couverture, soit les critères d’éligibilité et la durée d’indemnisation. Il se situe dans une perspective d’économie politique, selon laquelle le design des réformes peut s’expliquer par les stratégies d’acteurs politiques (partis, syndicats) cherchant à concilier les préférences hétérogènes des groupes socio-politiques constitutifs de leur base, tout du moins à les mécontenter le moins possible (Amable et Palombarini, 2008). Le projet du présent article est ainsi de rechercher, dans le cas de la France, quelle base sociale est susceptible d’avoir soutenu les réformes récentes de l’assurance chômage. Il s’agit potentiellement d’identifier parmi les salariés les groupes les plus favorables au maintien du taux de remplacement, au prix d’une baisse de l’inclusivité de l’assurance chômage.
La grille de lecture insider/outsider est couramment mobilisée en économie politique pour rendre compte d’un possible clivage pour ou contre l’assurance chômage au sein du salariat (Saint-Paul, 1996, 2000, Rueda, 2005, 2007). Cette littérature s’appuie généralement sur le constat d’une dualisation du marché du travail liée au statut d’emploi, avec d’un côté les salariés en emploi standard (Contrat à Durée Indéterminée (CDI) à temps plein) et de l’autre les salariés relégués dans l’emploi atypique (Contrat à Durée Déterminée (CDD), intérim ou emploi à temps partiel) et les chômeurs. Le bloc dominant des insiders privilégierait une baisse de générosité des allocations chômage, la forte protection de l’emploi associée à leur statut les prémunissant contre le risque de chômage. À l’inverse, les outsiders seraient favorables au maintien de prestations d’assurance généreuses, puisque c’est sur eux que se concentre le risque de chômage.
Cette grille d’analyse présente cependant un ensemble de faiblesses. Tout d’abord, elle présuppose une homogénéité relative du risque de chômage au sein de chaque catégorie : l’accession ou non à l’emploi 167standard serait la variable clé, qui déterminerait ensuite les attentes politiques vis-à-vis de l’assurance chômage. Cette homogénéité est discutable. En effet, le CDI ne protège pas équitablement les salariés contre le risque de licenciement économique. Ce risque varie en fait grandement selon la profession exercée, il est donc raisonnable d’attendre des préférences différenciées au sein du groupe des insiders (Rehm, 2011). Une remarque similaire s’applique au groupe des outsiders, qui regroupe des classes d’actifs hétérogènes. Il n’est par exemple pas évident que les salariés en emploi discontinu d’une part ou à temps partiel d’autre part aient les mêmes perspectives de stabilité de l’emploi : ces différences se traduiraient là aussi par des divergences politiques en termes d’attentes vis-à-vis de l’assurance chômage.
Plus généralement, une insuffisance de cette approche est d’identifier la générosité de l’assurance chômage aux montants moyens des allocations ou au taux de remplacement, sans considérer des voies de réformes portant sur d’autres paramètres du système, alors même qu’ils ont également des effets distributifs différenciés. En lien avec cette critique, un courant de littérature s’appuyant sur l’analyse des relations industrielles propose une réinterprétation de la grammaire insider/outsider qui met en avant une dualisation de l’assurance chômage (et plus généralement de la protection sociale, Emmenegger et al., 2012). En s’appuyant sur l’étude des réformes récentes de celle-ci en France et en Allemagne, Palier et Thelen (2010) soulignent ainsi que ce clivage politique a porté dans les faits non sur le taux de remplacement, mais sur son degré d’inclusivité. Ils avancent par ailleurs que ce processus traduit avant tout une prédominance politique de certaines professions au sein des insiders, en particulier celles des ouvriers de l’industrie, en lien avec leur poids syndical dans les instances paritaires de gestion de l’assurance chômage. La pression croissante sur ses coûts les aurait amenés à défendre prioritairement le maintien du taux de remplacement – qui leur offre une sécurité en cas de licenciement économique – au prix de l’exclusion progressive des outsiders du système d’indemnisation, via des règles renforçant le lien entre contributions et allocations.
Conformément à cette dernière hypothèse, cet article cherche à établir si les attentes politiques concernant l’inclusivité de l’assurance chômage reflètent effectivement ce dualisme insiders/outsiders. Nous exploitons pour cela les données du Baromètre d’opinion Drees unifié, qui mettent en 168lien différentes caractéristiques socio-professionnelles des interviewés, notamment leur catégorie professionnelle et leur statut dans l’emploi, et leurs opinions sur le système d’assurance chômage : niveau des prestations, mais aussi degré d’inclusivité, à savoir limitation ou non des allocations dans le temps et modalités d’éligibilité. Les outsiders, qu’ils soient dans l’emploi discontinu ou à temps partiel, ont en effet en commun une capacité moindre à cotiser à l’assurance chômage : ils sont de ce fait plus directement concernés par des réformes limitant l’éligibilité de ceux ayant des durées ou des montants de cotisation trop faibles et sont plus susceptibles d’y être défavorables que les insiders. Par ailleurs, les salariés en emploi discontinu sont également plus touchés par une limitation dans le temps du versement des allocations, leur durée de cotisations étant par nature plus faibles et on peut s’attendre là aussi à une divergence d’opinion avec les insiders.
En ce qui concerne le montant des prestations finalement, ce dualisme apparaît cependant moins pertinent, puisque les insiders ne sont pas à l’abri de perdre leur emploi : si le statut dans l’emploi est un déterminant de ce risque, nous attendons également une différenciation des attentes en fonction de la catégorie socioprofessionnelle, la CSP étant un prédicteur important du risque de chômage (Häusermann et Schwander, 2013).
Dans la suite de cet article, nous revenons dans un premier temps sur la littérature traitant des déterminants du soutien politique pour l’assurance chômage et du rôle central qu’y joue la théorie insider/outsider, en tout cas sa transposition dans le champ politique. Pour les partisans de cette théorie, celle-ci est susceptible de rendre compte des réformes de l’assurance chômage. Comme exposé plus haut, nous mobilisons le Baromètre Drees afin de confirmer ou d’infirmer certaines de ses hypothèses sous-jacentes : la section suivante présente les questions qui rendent compte des attentes vis-à-vis de l’assurance chômage dans cette enquête et détaille la stratégie empirique retenue. L’objectif de celle-ci est de faire le lien entre ces attentes et les caractéristiques socio-économiques des interviewés. Les résultats détaillés de notre analyse sont présentés dans la section 3 et permettent d’établir un lien entre les préférences pour différents types de réforme et le statut d’emploi ainsi que la catégorie socio-professionnelle. La cohérence de ces résultats avec les hypothèses formulées dans cette introduction est discutée en conclusion, en particulier l’apparition de lignes de clivages socio-économiques distinctes selon la dimension de générosité étudiée.
169I. Les déterminants du soutien politique
pour l’assurance chômage dans la littérature
Il existe une littérature abondante dédiée aux déterminants politiques du soutien aux politiques économiques (Meltzer et Richard, 1981, Persson et Tabellini, 2000, Saint-Paul, 2000). Dans le domaine de la protection sociale, cette littérature s’appuie sur l’hypothèse que sa générosité reflète au moins en partie les préférences politiques des citoyens, même quand ceux-ci ne votent pas directement sur ces questions. Surtout, leurs préférences sont supposées découler des effets distributifs qu’ils anticipent, ceux-ci variant avec la position socio-économique. Dans un modèle théorique précurseur, Wright (1986) introduit ainsi une distinction importante entre la redistribution verticale et horizontale opérées par un système public d’assurance chômage. Il analyse ce système comme un mécanisme assurantiel de mutualisation du risque, favorisant une redistribution horizontale de groupes à faible risque de chômage vers des groupes à fort risque. Étant donné son caractère contributif qui lie cotisations et prestations, l’assurance chômage n’opère par contre que peu de redistribution verticale des hauts vers les bas revenus dans son analyse.
Le risque de chômage apparaît dans cette perspective comme une caractéristique structurante des préférences politiques en matière d’assurance chômage. Cependant, différentes caractéristiques socio-économiques sont susceptibles d’affecter celui-ci. Saint-Paul (1996) met ainsi l’accent sur la protection de l’emploi associée au contrat de travail. En s’appuyant sur le constat d’une dualisation du marché du travail à l’œuvre en Europe continentale depuis les années 1980, il propose une actualisation du modèle insider/outsider sur la base d’une opposition entre salariés en CDI d’une part, salariés en emploi discontinu et chômeurs d’autre part1. La diffusion de contrats courts caractérise ainsi l’émergence d’un marché du travail secondaire, où les salariés ne bénéficient que d’une protection 170de l’emploi dégradée qui les expose davantage aux cycles économiques, avec de faibles transitions vers l’emploi standard. Ce dualisme se reflète dans les préférences politiques des différents groupes d’actifs concernant l’assurance chômage : les insiders, s’estimant couverts par une forte protection de l’emploi, ne souhaitent pas étendre la générosité de l’assurance chômage, d’autant qu’ils contribuent de manière disproportionnée à son financement. À l’inverse, les outsiders sont favorables à une assurance chômage généreuse, en rapport avec leur risque élevé de chômage.
Rueda (2005, 2007) prolonge cette analyse en opposant pour sa part salariés dans l’emploi standard (CDI à plein temps) d’une part, chômeurs et salariés dans l’emploi atypique (contrats courts, mais également emploi à temps partiel) d’autre part2. Son analyse met en avant la position dominante acquise par les insiders dans l’espace politique des pays industrialisés, grâce aux liens historiques qui les unissent aux partis sociaux-démocrates. Dans un contexte de pression budgétaire sur les finances publiques et de compétition internationale des pays émergents, les insiders sont ainsi en mesure de préserver la forte protection de l’emploi associée à leur statut en faisant supporter le poids des ajustements du marché du travail sur les outsiders3, c’est-à-dire en privilégiant des réformes réduisant la générosité de l’assurance chômage.
L’émergence d’un conflit insider/outsider dans le champ politique est cependant contestable, notamment parce qu’il tend à reléguer au second plan les clivages socio-politiques traditionnels structurés autour de l’appartenance au groupe socio-professionnel (Amossé, 2012). L’importance de la divergence insider/outsider relativement aux préférences de l’assurance chômage est d’ailleurs remise en cause par des travaux empiriques4. En s’appuyant sur l’enquête d’opinion internationale ISSP, Rehm (2011) trouve ainsi qu’au côté du revenu, la catégorie professionnelle, plus que 171le statut d’emploi, tend à structurer les attentes vis-à-vis de sa générosité en termes de dépenses totales. Il montre également que le soutien politique pour l’assurance chômage tend à s’accroître dans les professions où le risque moyen de chômage est le plus élevé. Ses résultats renvoient à d’autres travaux qui traitent de la question plus large des préférences pour la redistribution, et qui mettent eux aussi en avant l’importance de la catégorie professionnelle dans leur détermination (Iversen et Soskice, 2001, Cusack et al., 2006, Rehm, 2009).
En analysant les trajectoires sur le marché du travail à partir du panel européen SILC (Survey on Income and Living Conditions), Häusermann et Schwander (2013) remarquent pour leur part que le statut dans l’emploi (type de contrat de travail) n’est pas nécessairement un bon prédicteur du risque de chômage. Elles mettent en avant que les transitions entre emploi atypique et emploi standard sont plus fréquentes que ce qui est habituellement supposé par la littérature théorique ; les contrats à durée déterminée sont susceptibles de servir de tremplin à l’entrée dans l’emploi standard ; à l’inverse, la protection de l’emploi associé à ce dernier ne préserve que relativement du risque de perte d’emploi. Malgré le développement de l’emploi atypique, la catégorie professionnelle reste selon leur analyse la variable déterminante des trajectoires sur le marché du travail, et notamment du risque de chômage.
Contestant également l’analyse de Rueda (2007), Palier et Thelen (2010) remarquent que les divergences politiques entre insiders et outsiders sont plus susceptibles de s’exprimer sur d’autres paramètres de l’assurance chômage que le montant des allocations. Dans le cas de l’Allemagne et de la France, leur analyse met en avant le rôle des syndicats dans la gestion des instances de protection sociale. La défense des intérêts des salariés au cœur du modèle productif traditionnel de ces pays, notamment les ouvriers de l’industrie, auraient ainsi conduit à une forme de dualisation de l’assurance chômage au gré des réformes. Dans un contexte de pression budgétaire, les syndicats auraient ainsi privilégié des réformes renforçant le lien entre contributions et prestations pour garantir le maintien du montant des prestations. Ce processus aurait par ailleurs conduit à une exclusion croissante des salariés dans l’emploi atypique du système d’indemnisation, de par leur capacité plus restreinte à cotiser : cotisations trop faibles (emploi à temps partiel) ou trop irrégulières (emploi discontinu).
172En lien avec cette littérature, notre article tente d’apporter un éclairage empirique sur les déterminants du soutien à l’assurance chômage pour le cas français, en distinguant entre différents paramètres possibles de réformes : montant des prestations, mais également plus ou moins grande inclusivité, selon la durée d’indemnisation et les conditions d’éligibilité5. L’ambition de cet article est tout d’abord de contribuer au débat sur l’importance relative de la catégorie professionnelle et du statut dans l’emploi dans la structuration des attentes vis-à-vis de la générosité de l’assurance chômage. Nous cherchons en particulier à établir que les lignes de clivage ne sont pas identiques selon les paramètres de générosité considérés, c’est-à-dire que catégorie professionnelle et statut dans l’emploi ne prédisent pas de manière univoque des attentes favorables ou défavorables aux réformes pour chaque paramètre.
II. Le baromètre Drees :
un outil pour analyser les préférences
sur l’assurance chômage
II.1. Le Baromètre Drees et les variables d’intérêt
Nous utilisons dans notre analyse les vagues 2004 à 2013 du Baromètre d’opinion Drees unifié6. Cette base de données fournit des informations sur les caractéristiques socio-économiques des interviewés ainsi que leurs opinions sur la protection sociale et les inégalités. Nous portons notre analyse sur trois questions ayant trait à la générosité de l’assurance chômage. La première question concerne la désirabilité pour l’interviewé d’une baisse des cotisations. Cette question est formulée de la façon suivante :
173Personnellement, compte-tenu de votre niveau de ressources, êtes-vous prêt à accepter une baisse de prestations de l’assurance chômage avec en contrepartie une réduction de vos cotisations ou de vos impôts ?
1 Oui, tout à fait.
2 Oui, plutôt.
3 Non, plutôt pas.
4 Non, pas du tout.
L’interviewé peut donc choisir parmi quatre modalités, selon son degré d’opposition croissant à une telle baisse. La formulation de cette question présente l’intérêt de mettre explicitement en balance le coût mais également le bénéfice que l’interviewé serait en droit d’attendre d’une telle baisse.
Notre analyse des attentes concernant la limitation de la durée d’indemnisation dans le temps repose sur la question suivante :
Pour vous, les allocations chômage doivent-elles être un droit limité dans le temps, que l’on trouve ou non un emploi ?
1 Oui.
2 Non.
Il est à noter que cette question ne porte pas sur un allongement possible de la durée maximale d’indemnisation, mais propose un choix plus tranché entre limitation ou non de cette durée. Dans la suite de notre interprétation, nous faisons l’hypothèse que cette question reflète également de manière satisfaisante des préférences, respectivement, pour des durées courtes ou longues d’indemnisation.
Finalement, nous mesurons les attentes concernant les conditions d’éligibilité par la question suivante :
À votre avis, les allocations chômage devraient-elles bénéficier… ?
1 Uniquement à ceux qui cotisent.
2 Uniquement à ceux qui ne peuvent pas ou n’ont pas les moyens de s’en sortir seuls.
3 À tous sans distinction de catégories sociales et de statut professionnel (chômeurs, salariés du secteur privé, fonctionnaires, agriculteurs, commerçants, etc.).
Les différentes modalités de réponse à cette question sont intéressantes, car elles traduisent trois visions concurrentes de la protection sociale : une logique bismarckienne (ou assurantielle), une logique résiduelle et une logique universaliste.
174II.2. Stratégie empirique
Notre stratégie empirique consiste à régresser ces différentes variables d’intérêt sur un ensemble de variables explicatives décrivant le statut socio-économique des interviewés. En lien avec notre questionnement théorique, nous nous concentrons sur le sous-échantillon des actifs salariés, ce qui correspond à environ 2000 individus par vague. Nous excluons ainsi les inactifs et les indépendants du champ de notre analyse, puisqu’ils ne sont pas directement concernés par les bénéfices ou le financement de l’assurance chômage, et pas non plus par sa gouvernance. Le cas des salariés du public qui n’auraient pas le statut de fonctionnaire est plus ambigu, puisque sauf délégation ils ne relèvent pas du régime général pour les cotisations, mais restent quand même soumis aux mêmes règles d’indemnisation. Pour prendre en compte cette ambiguïté, nous proposons alternativement des estimations sur des échantillons où les salariés du public sont inclus ou ne le sont pas.
Nos variables explicatives comprennent tout d’abord la catégorie socio-professionnelle de l’interviewé (CSP) selon quatre modalités : profession libérale ou cadre supérieur, profession intermédiaire, employé et ouvrier7. Le statut en emploi est également renseigné, selon quatre modalités : travail à temps plein, travail à temps partiel, travail de façon discontinue ou à la recherche d’un emploi. Pour les catégories « travail discontinu » et « à la recherche d’un emploi », l’aspect déclaratif est intéressant car il permet de mieux prendre en compte le ressenti de l’interviewé par rapport à sa situation d’emploi que des catégories administratives, telles que le CDD ou le CDI. Certains salariés peuvent ainsi juger leur emploi stable alors même qu’ils sont en CDD, si ceux-ci sont de longue durée et couramment renouvelés8. 175À l’inverse, certains emplois en CDI (par exemple le CDI intérimaire) ne garantissent pas cette stabilité. Du point de vue des chômeurs, l’aspect déclaratif permet de potentiellement capter une partie du « halo » du chômage parmi les inactifs tels que les chômeurs découragés, puisque l’appartenance à cette catégorie n’est pas subordonnée à des démarches de recherche d’emploi.
Nous contrôlons également dans certaines de nos régressions par le revenu du ménage. Cette variable est supposée capturer deux types d’effets. Tout d’abord, le fait que les ménages plus riches s’attendent probablement à contribuer plus largement au système d’assurance chômage, d’une part parce que les prestations des très hauts salaires sont plafonnées, d’autre part parce que revenus et risque de chômage sont positivement corrélés. Cet effet peut être mitigé par l’existence d’une aversion relative au risque constante, qui accroît le motif assurantiel pour les ménages les plus riches (Moene et Wallerstein, 2001). Il n’y a par contre que peu d’informations sur le secteur économique dans lequel l’emploi est exercé, hors de la distinction public/privé, alors que cette information serait également pertinente du point de vue du risque anticipé de chômage (Kim, 2007).
Par ailleurs, des contrôles sociodémographiques classiques sont introduits dans l’ensemble des régressions : l’âge, le genre, la situation maritale ainsi que son interaction avec le genre, le nombre d’enfants. Enfin, nous incluons systématiquement des indicatrices années, la dimension temporelle étant susceptible de jouer sur les attentes vis-à-vis de la générosité de l’assurance chômage, en particulier les variations du taux de chômage9.
Les modalités particulières des réponses proposées pour nos trois variables d’intérêt nous conduisent à estimer différents types de modèles économétriques pour chacune d’elles. Tout d’abord, nous estimons un modèle logit ordonné généralisé pour la première variable sur 176les attentes en matière de baisse des prestations. Cette spécification permet de prendre en compte l’aspect hiérarchisé des modalités de réponse. Elle offre par ailleurs plus de flexibilité qu’un logit ordonné simple, qui présuppose que l’hypothèse de rapports de chance proportionnels (parallel line assumption) est vérifiée. Or, un test de Brant rejette cette hypothèse : autrement dit, le coefficient de certaines variables explicatives n’est pas invariant d’une modalité à l’autre, par exemple parce qu’elles affectent plus particulièrement la probabilité de se situer sur une modalité extrême (« Oui, tout à fait » ou « Non, pas du tout »). Le modèle logit ordonné généralisé permet de tester en amont quelles variables vérifient ou non l’hypothèse de proportionnalité, puis d’estimer des coefficients différents d’une modalité à l’autre, pour rendre compte le cas échéant de cette non-proportionnalité. Nous estimons par ailleurs un modèle logit simple pour la deuxième variable d’intérêt portant sur la limitation dans le temps des allocations en deux modalités. Pour la troisième variable d’intérêt, nous avons recours à un logit multinomial pour prendre en compte l’existence de trois modalités non ordonnées.
II.3. Deux axes d’analyse :
le statut d’emploi et la CSP
Les tableaux 1 et 2 présentent des statistiques descriptives sur la fréquence des réponses aux trois questions d’intérêt du questionnaire, ventilées respectivement par statut dans l’emploi (tableau 1) et CSP (tableau 2). Ces tableaux donnent une première indication de l’ampleur de la variation des opinions des interviewés selon ces caractéristiques.
II.3.1. Les outsiders plus favorables
à une assurance chômage inclusive
Au sein de l’échantillon, les interviewés sont généralement défavorables à une baisse des prestations (à plus de 70 %). Le tableau 1 montre que ces différences sont marquées si l’on considère l’écart entre salariés à temps plein et chômeurs : les premiers sont opposés à 67,2 % à la mesure, contre 71,4 % parmi les seconds. Surtout, l’écart s’élève à près de 9 points dans le groupe des personnes très opposées à la mesure. En comparaison, les différences d’opinions entre salariés à temps plein et à 177temps partiel sont plus faibles, et elles sont marginales avec les salariés en emploi discontinu (en contradiction avec l’hypothèse d’un conflit insider/outsider prépondérant sur cette dimension).
Les résultats sont plus contrastés pour la dimension de durée de l’indemnisation présentés dans la seconde section du tableau 1. Alors que les travailleurs à temps plein et à temps partiel présentent des préférences similaires, l’expérience de l’emploi discontinu est associée à une baisse d’environ 10 points du taux d’approbation à une limitation des prestations dans le temps, pour un taux équivalent mais légèrement inférieur à celui des chômeurs. La dernière section du tableau 1 renseigne sur l’opinion concernant le caractère contributif, universaliste ou résiduel des prestations. Ce sont surtout les salariés en emploi standard qui défendent un modèle fondé sur des cotisations à l’opposé des chômeurs, les salariés à temps partiels ou en emploi discontinu étant dans une position intermédiaire.
Selon cette dimension de statut d’emploi, c’est donc l’opposition sur les mesures d’inclusivité qui est la plus marquée entre salariés en emploi atypique et salariés à temps plein, tandis que le clivage est peu apparent concernant le niveau des prestations, qui oppose l’ensemble des salariés en emploi (y compris discontinu) aux chômeurs.
Statut d’emploi |
Temps plein |
Temps partiel |
Emploi discontinu |
Chômage |
Seriez-vous prêt à accepter une baisse de prestations en contrepartie d’une réduction de cotisations ou d’impôts ? |
||||
Oui, tout à fait |
8,5 % |
6,1 % |
10,0 % |
7,8 % |
Oui, plutôt |
24,3 % |
22,3 % |
21,7 % |
20,8 % |
Non, plutôt pas |
31,0 % |
31,3 % |
30,3 % |
24,3 % |
Non, pas du tout |
36,2 % |
40,2 % |
38,0 % |
47,1 % |
Les allocations chômage doivent-elles être limitées dans le temps ? |
||||
Oui |
60,5 % |
59,1 % |
50,8 % |
53,3 % |
Non |
39,5 % |
40,9 % |
49,2 % |
46,7 % |
178
Les allocations devraient-elles bénéficier à ceux… ? |
||||
Qui cotisent |
34,0 % |
29,1 % |
30,4 % |
26,7 % |
Qui n’ont pas les moyens |
11,7 % |
13,6 % |
12,8 % |
12,9 % |
Tous |
54,2 % |
57,3 % |
56,9 % |
60,4 % |
Tab. 1 – Opinions sur l’assurance chômage selon le statut d’emploi.
Champ : Baromètre Drees unifié (2004-2013), actifs hors indépendants.
II.3.2. Les ouvriers plus opposés à la baisse des prestations,
mais plus favorables à leur limitation dans le temps
Le tableau 2 rend compte de la distribution des opinions par CSP. Concernant l’opinion vis-à-vis du niveau des prestations et des prélèvements, les seules différences substantielles concernent les modalités extrêmes de réponses. Ainsi les cadres, sont 10,1 % à être très favorables à une baisse des prestations, contre 7 à 8 % dans les catégories des ouvriers, employés et professions intermédiaires. De même les cadres sont seulement 35,5 % à être très opposés à cette mesure, contre 39,5 % chez les ouvriers.
On lit dans la seconde section du tableau 2 que l’opinion sur la limitation dans le temps des prestations distingue nettement deux groupes même si l’écart reste modeste : les ouvriers et employés sont plus favorables à la limitation dans le temps (60 %) que les cadres et professions intermédiaires (autour de 57 %). Enfin, ce sont les employés et professions intermédiaires qui se montrent le plus favorable à un système universel (respectivement 59,3 % et 57,4 %) tandis que les cadres (56 %) et surtout les ouvriers (52,9 %) s’y montrent nettement moins favorables.
Pour cette dimension profession, on observe donc une relative polarisation sur les pistes d’économie envisageables, les professions intermédiaires et en partie les cadres étant relativement plus favorables à une baisse des prestations, mais à des prestations plus inclusives, tandis que les ouvriers se montrent davantage attachés au niveau des prestations, et relativement moins attachés à des prestations universelles ou sans limitation de durée.
179
CSP |
Cadres ou professionnels |
Professions intermédiaires |
Employés |
Ouvriers |
Seriez-vous prêt à accepter une baisse de prestations |
||||
Oui, tout à fait |
10,1 % |
7,0 % |
7,2 % |
7,9 % |
Oui, plutôt |
22,2 % |
23,5 % |
23,3 % |
23,2 % |
Non, plutôt pas |
32,2 % |
32,5 % |
31,0 % |
29,5 % |
Non, pas du tout |
35,5 % |
36,9 % |
38,5 % |
39,5 % |
Les allocations chômage doivent-elles être limitées dans le temps ? |
||||
Oui |
57,6 % |
56,4 % |
59,6 % |
60,0 % |
Non |
42,4 % |
43,7 % |
40,4 % |
40,0 % |
Les allocations devraient-elles bénéficier à ceux… ? |
||||
Qui cotisent |
32,4 % |
29,0 % |
29,4 % |
34,7 % |
Qui n’ont pas les moyens |
11,7 % |
11,7 % |
13,1 % |
12,4 % |
Tous |
56,0 % |
59,3 % |
57,4 % |
52,9 % |
Tab. 2 – Opinions sur l’assurance chômage selon la CSP.
Champ : Baromètre Drees unifié (2004-2013), actifs hors indépendants.
En résumé, la confrontation des dimensions, statut d’emploi et occupation en statistique descriptive permet de tirer deux enseignements : d’une part, comme nous en faisions l’hypothèse, les lignes de clivages sur les deux dimensions (niveau et inclusivité) de l’assurance chômage, n’apparaissent pas clairement superposables. D’autre part, alors que le statut de chômeur est systématiquement associé à une demande plus forte de protection sur les deux dimensions, on assiste à des priorités croisées en fonction des CSP : le groupe des ouvriers et des employés priorisent le niveau des prestations, et sont les plus favorables à une limitation dans le temps, tandis que les professions intermédiaires sont les plus favorables à l’inclusivité de l’assurance chômage.
180III. Les deux dimensions du clivage
concernant l’assurance chômage
Dans cette section, nous analysons les résultats de nos estimations pour les trois variables d’intérêt. Pour simplifier la présentation, nous ne présentons que les coefficients pour les caractéristiques socio-économiques (statut dans l’emploi, CSP et revenu), alors que des contrôles démographiques classiques ainsi que des indicatrices années sont inclus dans chacun de nos modèles10. L’enjeu de ces estimations est en effet de tester les hypothèses de cet article, à savoir que les différences de statut dans l’emploi sont associées à des attentes différenciées en matière d’inclusivité de l’assurance chômage (limitation dans le temps, universalité), tandis que c’est la CSP qui jouerait pour les attentes concernant le niveau de prestation. Il s’agit également de confirmer ou d’infirmer que les différences constatées dans les statistiques descriptives précédentes sont significatives et substantielles, et ne sont par ailleurs pas explicables par d’autres déterminants.
Nous proposons trois spécifications similaires pour chaque variable dépendante. Nous analysons tout d’abord les attentes vis-à-vis de l’assurance chômage pour un échantillon incluant l’ensemble des actifs salariés, publics et privés, tout en contrôlant de l’appartenance au secteur public. Cette spécification est notre modèle principal, notamment parce qu’il est basé sur l’échantillon d’enquêtés le plus large. Pour la seconde spécification, nous restreignons l’échantillon aux chômeurs et salariés du privé, pour nous concentrer sur les travailleurs directement concernés par la gouvernance de l’assurance chômage (contrairement aux fonctionnaires), même si cela nous amène de fait à écarter une partie des salariés du public également soumis à ces règles. Finalement, la troisième spécification introduit le revenu net du ménage comme variable de contrôle. La comparaison de ces résultats avec la spécification précédente permet à la fois de vérifier si le revenu domine éventuellement les différences constatées pour la CSP ou le statut d’emploi, tout en écartant le risque de voir ses résultats induits par un phénomène de régression fallacieuse (Châtelain et Ralf, 2012) causés par la forte colinéarité entre cette variable et ces caractéristiques socio-économiques.
181III.1. La CSP et le statut d’emploi affectent
l’attachement au niveau des prestations
Les tableaux 3, 4 et 5 présentent les résultats des estimations pour notre première variable d’intérêt, à savoir les préférences pour une baisse de prestations en contrepartie d’une réduction des contributions. Les résultats sont présentés sous la forme de rapport de chances (odd ratios), c’est-à-dire qu’une valeur supérieure à 1 indique que la caractéristique sociale est associée à une plus forte opposition à une baisse des prestations, relativement à la catégorie de référence (et réciproquement pour des valeurs inférieures à 1). Étant donné les quatre modalités ordonnées de la variable dépendante ici, cette opposition relative peut cependant prendre différentes formes : moindre propension à être tout à fait d’accord avec une baisse de prestations, moindre propension à être plutôt ou tout à fait d’accord avec une baisse de prestations (et donc plus forte propension à être plutôt ou complètement opposé à celle-ci) et enfin plus forte propension à être complètement opposé à une baisse de prestations.
Seriez-vous prêt à accepter une baisse de prestations |
||||||
Plutôt oui à non pas du tout |
Plutôt non à non pas du tout |
Non pas du tout |
||||
Statut d’emploi (Réf : Temps plein) |
||||||
Temps partiel |
1.141** |
[0.046] |
1.141** |
[0.046] |
1.141** |
[0.046] |
Emploi discontinu |
1.034 |
[0.086] |
1.034 |
[0.086] |
1.034 |
[0.086] |
Chômage |
1.080 |
[0.087] |
1.271*** |
[0.067] |
1.645*** |
[0.082] |
CSP (Réf : Professions intermédiaires) |
||||||
Profession libérale ou cadre supérieur |
0.770** |
[0.065] |
0.969 |
[0.055] |
0.899+ |
[0.050] |
Employé |
0.996 |
[0.040] |
0.996 |
[0.040] |
0.996 |
[0.040] |
Ouvrier |
1.149** |
[0.050] |
1.149** |
[0.050] |
1.149** |
[0.050] |
Secteur public |
1.141*** |
[0.039] |
1.141*** |
[0.039] |
1.141*** |
[0.039] |
Contrôles démographiques |
Oui |
Oui |
Oui |
|||
182
Indicatrices années |
Oui |
Oui |
Oui |
|||
Constante |
8.667*** |
[0.750] |
1.801*** |
[0.123] |
0.555*** |
[0.037] |
N |
18774 |
Tab. 3 – Analyse des préférences pour le niveau de prestations,
champ des actifs (hors indépendants).
Seuil de significativité : + 0.10, * 0.05, ** 0.01, *** 0.001. Écart-types robustes indiqués entre crochets.
Seriez-vous prêt à accepter une baisse de prestations |
||||||
Plutôt oui à non pas du tout |
Plutôt non à non pas du tout |
Non pas du tout |
||||
Statut d’emploi (Réf : Temps plein) |
||||||
Temps partiel |
1.151** |
[0.055] |
1.151** |
[0.055] |
1.151** |
[0.055] |
Emploi discontinu |
1.039 |
[0.090] |
1.039 |
[0.090] |
1.039 |
[0.090] |
Chômage |
1.095 |
[0.092] |
1.285*** |
[0.073] |
1.655*** |
[0.089] |
CSP (Réf : Professions intermédiaires) |
||||||
Profession libérale ou cadre supérieur |
0.687*** |
[0.069] |
0.878+ |
[0.062] |
0.821** |
[0.059] |
Employé |
1.047 |
[0.053] |
1.047 |
[0.053] |
1.047 |
[0.053] |
Ouvrier |
1.161** |
[0.057] |
1.161** |
[0.057] |
1.161** |
[0.057] |
Contrôles démographiques |
Oui |
Oui |
Oui |
|||
Indicatrices années |
Oui |
Oui |
Oui |
|||
Constante |
8.320*** |
[0.812] |
1.760*** |
[0.136] |
0.575*** |
[0.044] |
N |
14367 |
Tab. 4 – Analyse des préférences pour le niveau de prestations,
champ des actifs du secteur privé (hors indépendants).
Seuil de significativité : + 0.10, * 0.05, ** 0.01, *** 0.001. Écart-types robustes indiqués entre crochets.
183
Seriez-vous prêt à accepter une baisse de prestations en contrepartie |
||||||
Plutôt oui à non pas du tout |
Plutôt non à non pas du tout |
Non pas du tout |
||||
Statut d’emploi (Réf : Temps plein) |
||||||
Temps partiel |
1.062 |
[0.052] |
1.062 |
[0.052] |
1.062 |
[0.052] |
Emploi discontinu |
0.947 |
[0.083] |
0.947 |
[0.083] |
0.947 |
[0.083] |
Chômage |
0.975 |
[0.087] |
1.069 |
[0.065] |
1.335*** |
[0.078] |
CSP (Réf : Professions intermédiaires) |
||||||
Profession libérale ou cadre supérieur |
0.722** |
[0.074] |
0.938 |
[0.067] |
0.902 |
[0.066] |
Employé |
0.976 |
[0.050] |
0.976 |
[0.050] |
0.976 |
[0.050] |
Ouvrier |
1.062 |
[0.054] |
1.062 |
[0.054] |
1.062 |
[0.054] |
Revenu net avant impôts du ménage en euros (Réf : De 1400 à 1900) |
||||||
Moins de 1000 |
0.956 |
[0.109] |
1.306*** |
[0.098] |
1.497*** |
[0.102] |
De 1000 à 1400 |
0.946 |
[0.091] |
0.992 |
[0.061] |
1.134* |
[0.067] |
De 1900 à 2400 |
0.892* |
[0.048] |
0.892* |
[0.048] |
0.892* |
[0.048] |
De 2400 à 3800 |
0.761*** |
[0.040] |
0.761*** |
[0.040] |
0.761*** |
[0.040] |
De 3800 à 5300 |
0.704*** |
[0.052] |
0.704*** |
[0.052] |
0.704*** |
[0.052] |
Plus de 5300 |
0.609*** |
[0.073] |
0.609*** |
[0.073] |
0.609*** |
[0.073] |
Contrôles démographiques |
Oui |
Oui |
Oui |
|||
Indicatrices années |
Oui |
Oui |
Oui |
|||
Constante |
9.222*** |
[0.987] |
1.831*** |
[0.156] |
0.560*** |
[0.047] |
N |
14367 |
Tab. 5 – Analyse des préférences pour le niveau de prestations, champ des actifs du secteur privé (hors indépendants), avec inclusion du revenu.
Seuil de significativité : + 0.10, * 0.05, ** 0.01, *** 0.001. Écart-types robustes indiqués entre crochets.
Concernant le statut d’emploi, la catégorie de référence est ici l’emploi à temps plein. Pour toutes les modalités de réponse, les salariés à temps 184partiel ont un rapport de chance de 14 % supérieur de choisir une modalité de préférence moins favorable (ou plus opposée) à la baisse, que celle retenue par la catégorie de référence. Les chômeurs ont un rapport de chance de 27 % supérieur d’être opposés ou très opposés à cette baisse, et de 64 % supérieur d’y être très opposés. En revanche, on n’observe pas de différence significative concernant le niveau des prestations entre salariés en emploi discontinu et salariés à temps plein (tableau 3). La prise en compte du niveau de revenu estompe fortement ces différences (tableau 5) : pour tous les statuts d’emplois, les préférences ne se distinguent plus de la catégorie de référence, à l’exception de chômeurs qui conservent une probabilité 34 % supérieure d’être très opposé à la baisse.
En ce qui concerne la CSP, la catégorie de référence est la profession intermédiaire. Les cadres et professions libérales ont une probabilité plus grande (de l’ordre de 23 %) d’être « très favorables » à une baisse des prestations ; quelle que soit la modalité de réponse formulée par le groupe de référence, les ouvriers ont une probabilité supérieure de 15 % de choisir une réponse moins favorable (ou plus opposée) à la baisse des prestations ; en revanche il n’y a pas de différence significative enregistrée entre les préférences exprimées par les employés et le groupe de référence. Ces résultats sont stables (même plus marqués dans le cas des cadres) sur le seul champ des salariés du privé (tableau 4). Cependant, ce résultat semble avant tout tiré par des différences de revenu entre ces CSP : en effet une fois contrôlé du revenu (tableau 5), on constate toujours une probabilité plus forte pour les cadres de se dire « très favorable » à la baisse des prestations, mais pour les ouvriers et employés, les préférences ne se distinguent plus significativement de celle du groupe de référence.
De manière générale, les résultats sur la dimension du montant (tableaux 3, 4, 5) valident globalement nos hypothèses : les préférences ne sont réductibles ni au statut d’emploi (contrairement à la prédiction de la théorie insider/outsider), ni à la seule CSP. En revanche, ces deux dimensions, reflètent largement une distribution des préférences en fonction du niveau de revenu (tableau 5).
185III.2. Les salariés en emplois discontinus fortement
opposés à la limitation dans le temps
Le tableau 6 présente les résultats des estimations des préférences pour la limitation dans le temps des allocations, pour l’ensemble des actifs salariés (première colonne), le sous-échantillon des actifs du secteur privé (deuxième colonne) puis en incluant le revenu (troisième colonne).
En accord avec nos hypothèses, on constate tout d’abord que le statut dans l’emploi est un déterminant important de ces préférences. L’effet est particulièrement substantiel pour l’emploi discontinu, avec un rapport de chances supérieur d’environ 33 % par rapport à la catégorie de référence (temps plein) d’être opposé à une limitation dans le temps. Les chômeurs ont également une probabilité de 24 % supérieure de s’y opposer. En revanche, les salariés à temps partiel se distinguent peu (10 %) ou pas (non significatif dans la seconde colonne), de l’opinion des salariés à temps plein. Cet effet du statut d’emploi est robuste aux deux spécifications alternatives (colonnes 2 et 3), et est même renforcé pour les salariés en emploi discontinu par la prise en compte du revenu (colonne 3).
Par ailleurs, on observe que certaines CSP expriment des attentes légèrement plus favorables à une limitation des durées d’indemnisation, même si cet effet n’est pas stable selon les spécifications. Sur l’ensemble de l’échantillon, les employés et les ouvriers sont ainsi plus susceptibles de la soutenir, relativement aux professions intermédiaires, même si l’effet substantiel est faible (des rapports de chances inférieurs de respectivement 14 % et 10 % à la référence). Si l’on exclue les salariés du public (qui comme dans le cas du montant des prestations sont favorables à une plus grande générosité), ces effets ne sont plus significatifs au seuil conventionnel de 5 %, mais le redeviennent si l’on contrôle du revenu. Si l’effet n’est pas aussi robuste ou substantiel que pour les catégories de statut dans l’emploi, ce résultat reste intéressant à interpréter puisqu’il suggère qu’employés et ouvriers seraient effectivement plus favorables à une forme d’exclusivité de l’assurance chômage, alors même que ces CSP sont plus exposées au chômage : il va dans le sens de l’interprétation de Palier et Thelen (2010), selon laquelle certaines catégories d’insiders, en particulier les plus syndiqués, ont été plus susceptibles de privilégier ce type de réformes (limitation des durées d’indemnisation) dans un contexte de pression politique sur les dépenses.
186
Les allocations chômage doivent-elles être limitées dans le temps ? (référence : « oui ») |
||||||
Actifs (hors indépendants) |
Actifs du secteur privé (hors indépendants) |
Actifs du secteur privé (hors indépendants) |
||||
Statut d’emploi (Réf : Temps plein) |
||||||
Temps partiel |
1.100* |
[0.048] |
1.083 |
[0.056] |
1.041 |
[0.055] |
Emploi discontinu |
1.325** |
[0.116] |
1.475*** |
[0.136] |
1.412*** |
[0.131] |
Chômage |
1.241*** |
[0.063] |
1.269*** |
[0.070] |
1.152* |
[0.069] |
CSP (Réf : Professions intermédiaires) |
||||||
Profession libérale ou cadre supérieur |
0.959 |
[0.051] |
0.876+ |
[0.061] |
0.915 |
[0.065] |
Employé |
0.863*** |
[0.037] |
0.906+ |
[0.050] |
0.877* |
[0.049] |
Ouvrier |
0.902* |
[0.043] |
0.924 |
[0.050] |
0.889* |
[0.049] |
Revenu net avant impôts du ménage en euros (Réf : De 1400 à 1900) |
||||||
Moins de 1000 |
1.156* |
[0.078] |
||||
De 1000 à 1400 |
0.984 |
[0.058] |
||||
De 1900 à 2400 |
0.870* |
[0.051] |
||||
De 2400 à 3800 |
0.869* |
[0.050] |
||||
De 3800 à 5300 |
0.881 |
[0.072] |
||||
Plus de 5300 |
0.665** |
[0.089] |
||||
Secteur public |
1.133*** |
[0.041] |
||||
Contrôles démographiques |
Oui |
Oui |
Oui |
|||
187
Indicatrices années |
Oui |
Oui |
Oui |
|||
Constante |
0.930 |
[0.064] |
0.905 |
[0.072] |
0.937 |
[0.082] |
N |
19954 |
15160 |
15160 |
Tab. 6 – Analyse des préférences
pour la limitation de la durée d’indemnisation.
Degré de significativité : + 0.10, * 0.05, ** 0.01, *** 0.001. Écart-types robustes indiqués entre crochets.
Enfin, on observe que le revenu conserve un pouvoir explicatif pour cette dimension, même si moins structurant que pour la générosité des montants : les bas revenus sont moins susceptibles de soutenir une limitation que les plus élevés. L’effet est particulièrement substantiel pour les très hauts revenus (au-delà de 5300 €), le rapport de chance de s’opposer à la limitation étant inférieur de 36 % à celui de la catégorie de référence.
III.3. Les ouvriers attachés
à des prestations contributives
Les tableaux 7, 8 et 9 rendent compte des résultats concernant les conditions d’éligibilité. Trois modèles d’éligibilité sont proposés alternativement aux enquêtés : modèle contributif via des cotisations (la référence dans l’estimation), modèle universaliste (ouvert à tous) et modèle résiduel (réservé aux nécessiteux).
À nouveau, les attentes des chômeurs diffèrent significativement de celles des salariés à temps plein, puisque les premiers sont relativement moins attachés au modèle contributif. L’effet substantiel est large, avec un rapport de chance de soutenir un modèle universaliste supérieur d’environ 27 % (tableau 7). La largeur de cet effet n’est plus que de 18 % si l’on contrôle du revenu, mais reste significatif (tableau 9). Il est à noter que les chômeurs sont également plus enclins à soutenir un système résiduel, mais ce coefficient n’est pas significatif une fois qu’on contrôle du revenu, probablement parce qu’ils anticipent une éligibilité à ce type de prestations. Quel que soit l’échantillon considéré, les salariés en temps partiel paraissent également moins attachés au modèle 188contributif que leurs homologues à temps complet, potentiellement parce qu’un faible nombre d’heures travaillées ne garantit pas toujours des prestations sensiblement plus hautes que celles du revenu d’assistance. Les effets substantiels sont plus forts pour les attentes vis-à-vis d’un système résiduel, probablement là aussi parce qu’ils anticipent une éligibilité à ce type de prestations. Cette interprétation est cohérente avec l’affaiblissement de son soutien une fois que l’on contrôle du revenu.
Nous constatons que l’expérience de l’emploi discontinu n’est significative pour aucune spécification. Les attentes des salariés en emploi discontinu ne divergent donc pas de celles des salariés à temps plein en matière d’éligibilité, alors que c’était le cas pour l’autre forme d’inclusivité considérée plus haut. Une interprétation possible est que la France se caractérise par un déclenchement des droits après une période de cotisations relativement courte, qui rend le problème de l’éligibilité moins sensible pour les travailleurs en emploi discontinu.
Finalement, la CSP joue un rôle dans la structuration des attentes vis-à-vis de l’éligibilité aux allocations. Ce sont en particulier les ouvriers qui sont relativement attachés au modèle contributif en comparaison d’un modèle universaliste : ils sont significativement moins susceptibles de soutenir ce dernier que les professions intermédiaires dans toutes les spécifications, avec un effet substantiel relativement large correspondant à un rapport de chance inférieur de 17 % une fois que l’on contrôle du revenu. Cet attachement relatif au modèle contributif peut éventuellement s’expliquer par la forte représentation des ouvriers dans les syndicats et de la présence de ces derniers dans les instances de gouvernance de l’assurance chômage : soutenir un système contributif exprime ainsi la volonté de maintenir un mode de gouvernance où les ouvriers peuvent faire entendre leurs voix. Les cadres et les professions libérales ainsi que les employés présentent par ailleurs aussi un soutien moins prononcé que les professions intermédiaires à un modèle universaliste si l’on considère l’échantillon total, mais cet effet n’est pas robuste à travers les spécifications, notamment une fois qu’on contrôle du revenu.
189
Les allocations chômage devraient-elles bénéficier à … ? (Référence : à ceux qui cotisent) |
||||
À tous |
À ceux qui n’en ont pas |
|||
Statut d’emploi (Réf : Temps plein) |
||||
Temps partiel |
1.110* |
[0.054] |
1.245** |
[0.088] |
Emploi discontinu |
1.139 |
[0.113] |
1.021 |
[0.151] |
Chômage |
1.266*** |
[0.072] |
1.268** |
[0.108] |
CSP (Réf : Professions intermédiaires) |
||||
Profession libérale ou cadre supérieur |
0.888* |
[0.053] |
0.961 |
[0.087] |
Employé |
0.886* |
[0.043] |
1.031 |
[0.075] |
Ouvrier |
0.845** |
[0.044] |
0.960 |
[0.075] |
Secteur public |
1.326*** |
[0.054] |
1.381*** |
[0.083] |
Contrôles démographiques |
Oui |
Oui |
||
Indicatrices années |
Oui |
Oui |
||
Constante |
2.312*** |
[0.181] |
0.381*** |
[0.045] |
N |
20335 |
Tab. 7 – Analyse des préférences pour des modalités d’éligibilité
à l’assurance chômage champ des actifs (hors indépendants).
Degré de significativité : + 0.10, * 0.05, ** 0.01, *** 0.001. Écart-types robustes indiqués entre crochets.
Les allocations chômage devraient-elles bénéficier à … ? |
||||
À tous |
À ceux qui n’en ont pas |
|||
Statut d’emploi (Réf : Temps plein) |
||||
190
Temps partiel |
1.129* |
[0.065] |
1.266** |
[0.106] |
Emploi discontinu |
1.135 |
[0.118] |
1.074 |
[0.164] |
Chômage |
1.297*** |
[0.080] |
1.320** |
[0.124] |
CSP (Réf : Professions intermédiaires) |
||||
Profession libérale ou cadre supérieur |
0.856* |
[0.064] |
1.104 |
[0.125] |
Employé |
0.925 |
[0.056] |
1.038 |
[0.096] |
Ouvrier |
0.869* |
[0.051] |
1.003 |
[0.091] |
Contrôles démographiques |
Oui |
Oui |
||
Indicatrices années |
Oui |
Oui |
||
Constante |
2.259*** |
[0.201] |
0.410*** |
[0.055] |
N |
15443 |
Tab. 8 – Analyse des préférences pour des modalités d’éligibilité
à l’assurance chômage, champ des actifs du secteur privé (hors indépendants).
Degré de significativité : + 0.10, * 0.05, ** 0.01, *** 0.001. Écart-types robustes indiqués entre crochets.
191
Les allocations chômage devraient-elles bénéficier à … ? |
||||
À tous |
À ceux qui n’en ont pas les moyens |
|||
Statut d’emploi (Réf : Temps plein) |
||||
Temps partiel |
1.091 |
[0.064] |
1.201* |
[0.102] |
Emploi discontinu |
1.089 |
[0.113] |
1.011 |
[0.156] |
Chômage |
1.179* |
[0.078] |
1.150 |
[0.116] |
CSP (Réf : Professions intermédiaires) |
||||
Profession libérale ou cadre supérieur |
0.889 |
[0.068] |
1.181 |
[0.137] |
Employé |
0.893+ |
[0.055] |
0.989 |
[0.092] |
Ouvrier |
0.832** |
[0.050] |
0.943 |
[0.087] |
Revenu net avant impôts du ménage en euros (Réf : De 1400 à 1900) |
||||
Moins de 1000 |
1.199* |
[0.093] |
1.315* |
[0.144] |
De 1000 à 1400 |
1.080 |
[0.071] |
1.066 |
[0.103] |
De 1900 à 2400 |
0.935 |
[0.060] |
0.910 |
[0.088] |
De 2400 à 3800 |
0.917 |
[0.057] |
0.889 |
[0.083] |
De 3800 à 5300 |
0.878 |
[0.077] |
0.868 |
[0.117] |
Plus de 5300 |
0.792+ |
[0.108] |
0.577* |
[0.132] |
Contrôles démographiques |
Oui |
Oui |
||
Indicatrices années |
Oui |
Oui |
||
Constante |
2.245*** |
[0.219] |
0.416*** |
[0.061] |
N |
15443 |
Tab. 9 – Analyse des préférences pour des modalités d’éligibilité
à l’assurance chômage, champ des actifs du secteur privé hors indépendants,
avec inclusion du revenu.
Degré de significativité : + 0.10, * 0.05, ** 0.01, *** 0.001. Écart-types robustes indiqués entre crochets.
192Conclusion
Les résultats des analyses économétriques confirment en partie les hypothèses posées en introduction. Tout d’abord, nous trouvons que la CSP structure de manière substantielle les attentes vis-à-vis du montant des prestations au sein des salariés : les ouvriers sont plus susceptibles d’être très défavorables à une baisse de ce montant, tandis que les cadres et les professions libérales sont plus susceptibles d’y être très favorables, ces divergences reflétant essentiellement un effet du revenu sur les préférences. Ce résultat amène toutefois à nuancer les prédictions du modèle insider/outsider traditionnel, selon lequel le statut dans l’emploi serait devenu le déterminant principal de ces préférences. L’expérience du chômage est (sans surprise) associée à des attentes de maintien du niveau des prestations, tout comme l’exercice d’un emploi à temps partiel. Mais on n’observe pas d’attentes équivalentes pour les salariés en emploi discontinu, ce qui contredit l’idée d’une homogénéité des outsiders pour cette dimension. Ces résultats – notamment le rôle important du revenu – suggèrent que le système d’assurance chômage est avant tout envisagé comme un mécanisme de redistribution verticale par les interviewés. On ne peut cependant pas exclure que ce résultat tient aussi au caractère très agrégé de la catégorisation professionnelle mobilisée dans cet article, qui ne permet pas de mesurer le risque professionnel de chômage à un degré très fin. La disponibilité de telles données permettrait de ce point de vue un prolongement utile à cette étude.
Par ailleurs, nos résultats confirment l’hypothèse selon laquelle le statut dans l’emploi, et en particulier l’exercice d’un emploi discontinu, affecte sensiblement les préférences sur la durée d’indemnisation. L’expérience de l’emploi discontinu conduisant plus rapidement à l’épuisement des droits, ce groupe de salariés est particulièrement favorable (plus encore que les chômeurs) à un maintien sans limitation de durée de l’indemnisation chômage. Ce résultat n’est cependant pas confirmé pour l’autre paramètre d’inclusivité que nous considérons, à savoir le mode d’éligibilité, puisque les salariés en emploi discontinu ne sont pas moins attachés au modèle contributif que les salariés à temps plein. Le statut d’emploi joue un rôle cependant ici aussi, les chômeurs et dans 193une moindre mesure les salariés à temps partiel étant moins enclins à défendre un système contributif : la relative faiblesse du revenu de ces derniers, et donc la difficulté du système contributif à leur garantir un niveau de prestations suffisant, semble sous-tendre ce résultat.
Un dernier résultat notable concerne le groupe des ouvriers, qui se distingue par des préférences pour un système plus exclusif, en se prononçant plus fréquemment pour une limitation des durées d’indemnisation et pour une éligibilité en rapport avec les cotisations antérieures. En ce sens et à la suite la littérature sur la dualisation de la protection sociale (en particulier Palier et Thelen, 2010), on peut effectivement interpréter les compromis passés entre les gestionnaires majoritaires de l’assurance chômage au cours des années 2000, comme le choix de s’appuyer sur leur base sociale traditionnelle (ouvriers, en emploi continu) en préservant de manière privilégiée les éléments de l’assurance chômage jugés les plus importants par ce segment du salariat. Dans le cas des limitations de durée, de telles réformes font bien apparaître un clivage politique avec les catégories d’outsiders, chômeurs et salariés en emploi discontinu.
194Bibliographie
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196Annexes
Nous présentons ici la suite des tables d’économétrie incluant les contrôles qui n’apparaissent pas dans le corps du texte. Pour limiter la taille des annexes, nous ne présentons ici que la dernière spécification, qui concerne les salariés du privé et qui contrôle pour le revenu.
Seriez-vous prêt à accepter une baisse de prestations en contrepartie |
||||||
Plutôt oui à non pas du tout |
Plutôt non à non pas du tout |
Non pas du tout |
||||
Tranche d’âge (Réf : 35 à 49 ans) |
||||||
18 à 24 ans |
0.935 |
[0.095] |
0.776*** |
[0.048] |
0.709*** |
[0.043] |
25 à 34 ans |
0.99 |
[0.071] |
0.873** |
[0.039] |
0.814*** |
[0.035] |
50 à 64 ans |
1.170*** |
[0.052] |
1.170*** |
[0.052] |
1.170*** |
[0.052] |
65 ans et + |
1.197 |
[0.222] |
1.197 |
[0.222] |
1.197 |
[0.222] |
Genre (Réf : Homme) |
||||||
Femme |
1.453*** |
[0.147] |
1.325*** |
[0.081] |
1.051 |
[0.060] |
Vie en couple : (Réf :Non) |
||||||
En couple |
1.174+ |
[0.104] |
1.101+ |
[0.062] |
0.97 |
[0.054] |
Genre * Vie en couple : (Réf : Femme célibataire) |
||||||
Femme en couple |
0.823 |
[0.107] |
0.848* |
[0.066] |
1.067 |
[0.078] |
Nombre d’enfant dans le ménage : (Réf :aucun) |
||||||
1 enfant |
1.123** |
[0.050] |
1.123** |
[0.050] |
1.123** |
[0.050] |
2 enfants |
1.152** |
[0.050] |
1.152** |
[0.050] |
1.152** |
[0.050] |
3 enfants |
1.173* |
[0.074] |
1.173* |
[0.074] |
1.173* |
[0.074] |
4 enfants ou + |
1.227** |
[0.088] |
1.227** |
[0.088] |
1.227** |
[0.088] |
Indicatrice année |
Oui |
Oui |
Oui |
|||
Constante |
9.222*** |
[0.987] |
1.831*** |
[0.156] |
0.560*** |
[0.047] |
N |
14367 |
Tab. 10 (suite du Tableau 5) – Champ des actifs du privé
(hors indépendants) tous contrôles.
Degré de significativité : + 0.10, * 0.05, ** 0.01, *** 0.001. Écart-types robustes indiqués entre crochets.
Les allocations doivent-elles être limitées dans le temps ? |
||
Actifs hors indépendants |
||
Tranche d’âge (Réf : 35 à 49 ans) |
||
18 à 24 ans |
0.807*** |
[0.047] |
25 à 34 ans |
0.947 |
[0.040] |
50 à 64 ans |
1.043 |
[0.050] |
65 ans et + |
1.007 |
[0.195] |
Genre (Réf : Homme) |
||
Femme |
0.998 |
[0.055] |
Vie en couple : (Réf :Non) |
||
En couple |
0.961 |
[0.052] |
Genre * Vie en couple : (Réf : Femme célibataire) |
||
Femme en couple |
0.996 |
[0.070] |
Nombre d’enfant dans le ménage : (Réf :aucun) |
||
1 enfant |
1.058 |
[0.050] |
2 enfants |
1.059 |
[0.050] |
3 enfants |
0.981 |
[0.066] |
4 enfants ou + |
1.133 |
[0.088] |
Indicatrice année |
Oui |
|
Constante |
0.937 |
[0.082] |
N |
15160 |
Tab. 11 (suite du Tableau 6, colonne 3) – Champ des actifs du privé
(hors indépendants) tous contrôles.
Degré de significativité : + 0.10, * 0.05, ** 0.01, *** 0.001. Écart-types robustes indiqués entre crochets.
198
Les allocations chômage devraient-elles bénéficier à … ? (Référence : à ceux qui cotisent) |
||||
À tous |
À ceux qui n’en ont pas les moyens |
|||
Tranche d’âge (Réf : 35 à 49 ans) |
||||
18 à 24 ans |
0.962 |
[0.062] |
1.695*** |
[0.151] |
25 à 34 ans |
0.96 |
[0.044] |
1.266*** |
[0.088] |
50 à 64 ans |
1.004 |
[0.052] |
0.977 |
[0.081] |
65 ans et + |
0.879 |
[0.186] |
1.336 |
[0.391] |
Genre (Réf : Homme) |
||||
Femme |
1.264*** |
[0.079] |
1.025 |
[0.093] |
Vie en couple : (Réf :Non) |
||||
En couple |
0.983 |
[0.058] |
0.902 |
[0.077] |
Genre * Vie en couple : (Réf : Femme célibataire) |
||||
Femme en couple |
1.011 |
[0.079] |
1.235+ |
[0.143] |
Nombre d’enfant dans le ménage : (Réf :aucun) |
||||
1 enfant |
1.003 |
[0.053] |
0.896 |
[0.071] |
2 enfants |
0.986 |
[0.051] |
0.854* |
[0.067] |
3 enfants |
1.058 |
[0.079] |
0.898 |
[0.103] |
4 enfants ou + |
0.97 |
[0.081] |
0.86 |
[0.110] |
Indicatrice année |
Oui |
Oui |
||
Constante |
2.245*** |
[0.219] |
0.416*** |
[0.061] |
N |
15443 |
Tab. 12 (suite du Tableau 9) – Champ des actifs du privé, tous contrôles.
Degré de significativité : + 0.10, * 0.05, ** 0.01, *** 0.001. Écart-types robustes indiqués entre crochets.
1 À l’origine (Lindbeck et Snower, 1989), le modèle insider/outsider ne distingue pas les salariés selon leur contrat de travail, mais selon le fait qu’ils soient ou non en emploi. Dans ce modèle, les salariés en emploi captent une rente de situation liée aux coûts de licenciement et de réembauche d’un éventuel remplaçant pour la firme. Cette rente serait la cause d’une déviation du salaire réel de sa valeur d’équilibre et donc susceptible d’accroître le chômage et le nombre d’outsiders.
2 C’est cette dernière classification, plus large, que nous utilisons dans cet article.
3 Remarquons que le soutien à une réforme n’est pas équivalent à une adhésion. En pratique, face à une pression pour maîtriser les dépenses – du fait de l’augmentation du taux de chômage et du gel des cotisations imposées par le patronat qui cogère l’assurance chômage –, la réforme vise prioritairement les intérêts des groupes les moins bien défendus. Sur la défensive, les organisations de salariés protègent prioritairement les paramètres essentiels pour le cœur de leur base syndicale, tandis que les paramètres qui leur apparaissent subalternes (parce qu’ils concernent davantage un segment secondaire du salariat) sont plus facilement réformés.
4 La pertinence du conflit insider/outsider pour le soutien politique à la protection de l’emploi est remise en cause par Amable (2014) pour le cas français.
5 En cela, ce travail complète Françon et Zemmour (2013), où nous proposions un modèle de choix social portant sur les préférences pour deux types de paramètres de l’assurance chômage : sa générosité globale mais aussi la dégressivité des allocations avec l’allongement de la durée de chômage.
6 Nous n’avons pas inclus les années 2000 à 2002 (l’année 2003 n’étant pour sa part pas disponible) dans notre analyse car la catégorisation des professions n’est pas comparable pour ces années. L’ensemble des données que nous analysons ont donc été collectées par le même prestataire (BVA), alors qu’il s’agissait d’un autre prestataire avant 2003.
7 Ces catégories correspondent à la nomenclature PCS de l’INSEE en 8 postes, dont sont exclus les inactifs dans notre analyse. Deux modalités supplémentaires existent : artisan/commerçant et agriculteur. Pour faciliter la lecture, les coefficients pour ces catégories ne sont pas présentés, car leurs effectifs sont logiquement marginaux parmi les salariés. Ils ne sont significatifs que pour la dimension de limitation temporelle de l’indemnisation, la catégorie artisan/commerçant y étant plus favorable.
8 Les effectifs en emploi discontinu de notre échantillon sont de ce fait plus faibles que la part de CDD dans le salariat. Environ 3 % de notre échantillon se rattache à cette catégorie (pour un peu plus de 500 individus), cette proportion montant à environ 5 % lorsque l’on ne considère que les actifs du privé.
9 Ces indicatrices permettent de capter deux types d’effets sur le caractère inclusif de l’assurance chômage. Tout d’abord, la crise de 2008 s’est accompagnée d’attentes plus favorables à une non-limitation des allocations dans le temps, ainsi qu’à leur généralisation dans une logique universaliste. À l’inverse, la persistance d’un taux de chômage élevé après 2010 semble avoir progressivement affaibli le soutien initial à une plus forte inclusivité de l’assurance chômage (voir aussi Drees, 2013). La dimension temporelle n’est par contre que peu significative dans le cas des attentes par rapport au niveau des prestations.
10 Les contrôles sont présentés en annexe pour la troisième spécification de chaque modèle.
- CLIL theme: 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
- ISBN: 978-2-406-08264-4
- EAN: 9782406082644
- ISSN: 2555-039X
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-08264-4.p.0165
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-10-2018
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Unemployment insurance, political economy, social protection preferences, employment discontinuity, labour market dualism, risk heterogeneity