Political Tensions and Theological Understandings German Contributions to the RHPR
- Publication type: Journal article
- Journal: Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses
2020 – 1, 100e année, n° 1. varia - Author: Theissen (Gerd)
- Pages: 137 to 162
- Journal: Journal of Religious History and Philosophy
Tensions politiques
et compréhension théologique
Contributions allemandes dans la RHPR
Gerd Theissen
Université de Heidelberg
Docteur honoris causa
de l’Université de Strasbourg
Dans les contributions d’auteurs allemands à la Revue d’Histoire et Philosophie Religieuses (RHPR) se reflètent les relations changeantes entre théologie et politique allemandes et françaises. Dans la première moitié du xxe siècle, elles ont été entravées par des conflits politiques, mais montrent comment les théologiens se sont néanmoins employés à parvenir à une compréhension mutuelle par-delà toutes les frontières. Ce sont surtout des néotestamentaires qui ont publié dans la RHPR sous la République de Weimar et sous le Troisième Reich : M. Dibelius, R. Bultmann et K. L. Schmidt, les fondateurs de l’histoire de la forme, représentants phares de leur discipline. À partir de 1945, les conditions politiques se sont améliorées et ont favorisé les échanges scientifiques et théologiques avec l’émergence progressive de l’Union européenne. On peut distinguer trois phases pour ce qui est des publications d’auteurs germanophones dans la RHPR après 1945. Durant l’après-guerre et jusqu’en 1970 environ, on a affaire surtout à des contributions relatives à l’histoire de l’Église, ainsi qu’à des travaux d’histoire de l’exégèse néotestamentaire portant sur Albert Schweitzer. Dans cette première phase, presque toutes les contributions ont un lien avec Strasbourg et l’Alsace. Les choses ont changé après 1970. Depuis lors, de nouvelles questions et méthodes se sont imposées en théologie. Cette dernière est devenue plus internationale. Dans un premier temps, cela ne se traduit pas par une augmentation du 138nombre de publications d’auteurs allemands dans la RHPR, mais seulement par deux contributions isolées. Elles sont toutefois particulièrement intéressantes parce qu’elles abordent de nouveaux sujets comme la théologie du process et de nouveaux questionnements comme l’exégèse psychologique. Ce sont à la fois les témoins d’une influence américaine et française sur les théologiens germanophones – un signe que la domination de la théologie germanophone dans le protestantisme avait pris fin. Depuis 2000, la proportion d’articles d’auteurs allemands a considérablement augmenté, notamment grâce aux rencontres régulières entre théologiens français et allemands de Strasbourg, Tübingen et Heidelberg. Ces rencontres ont donné lieu à une série d’articles d’auteurs allemands dans la RHPR. Presque tous les domaines de la théologie sont concernés. Trois points focaux sont reconnaissables : la Bible, la Réforme et une théologie pour notre temps. Dans ce qui suit, nous ne pouvons pas honorer chaque contribution. Nous avons choisi de faire une sélection, en particulier parmi les publications les plus récentes.
L’ÉPOQUE DE LA RÉPUBLIQUE DE WEIMAR
ET DU TROISIÈME REICH :
APPORTS NÉOTESTAMENTAIRES
Lorsque la RHPR a été fondée en 1920, les relations entre la France et l’Allemagne étaient au plus bas. La Première Guerre mondiale avait laissé de profondes blessures. Le traité de paix de Versailles attribuait à l’Allemagne la responsabilité de la guerre, ce qui était dénié en Allemagne. Au sein de l’Église et de la théologie, il y a eu une âpre polémique autour du « mensonge de la responsabilité de guerre ». Aujourd’hui encore, on entend souvent dire que les puissances européennes se sont engagées dans la guerre en 1914 par un tragique enchaînement de circonstances. Ce n’est qu’en 1961 que l’historien Ernst Fischer a démontré dans son livre Griff nach der Weltmacht que les politiciens allemands avaient consciemment pris le risque la guerre en 1914. Pour comprendre la situation psychologique des Allemands après 1918, il faut absolument tenir compte d’une chose : jusque-là, les traités de paix européens s’étaient abstenus d’attribuer des responsabilités afin d’optimiser les chances d’un 139vivre ensemble dans la paix1. L’imputation de la culpabilité par le traité de Versailles a été rejetée avec véhémence par la population allemande. Ce rejet s’est renforcé lorsque les troupes françaises et belges ont occupé la Ruhr en 1923 pour garantir l’obtention de réparations, mais aussi pour se protéger contre une résurgence du militarisme allemand. Que dans ce climat des auteurs allemands aient publié dans la RHPR ne relève aucunement de l’évidence2. Il est donc légitime de se poser les questions suivantes : À qui les rédacteurs français ont-ils donné la possibilité de publier dans leur revue ? Quels auteurs germanophones étaient prêts à le faire ? Avaient-ils quelque chose en commun ? Leurs thèmes et thèses sont-ils en rapport avec la situation historique de l’époque ?
Les publications du temps
de la République de Weimar (1920-1933)
L’une des premières contributions d’un théologien allemand vient d’Ernst Lohmeyer (1890-1946), « L’idée de martyre dans le judaïsme et dans le christianisme primitif » (1927). Elle parut en lien avec son commentaire sur l’Apocalypse de Jean3, un écrit chrétien ancien qui porte la marque du traumatisme de la guerre juive 66-70 ap. J.-C. L’Apocalypse de Jean fut aussi une réaction à la défaite des Juifs rebelles. L’ambivalence de la métaphore de l’Agneau y est révélatrice : d’un côté, l’Agneau est un antagoniste agressif ; de l’autre, c’est un agneau passif voué au sacrifice. Il est difficile de dire si Lohmeyer était conscient, dans son travail, de l’analogie entre la situation historique dans laquelle il vivait et la situation consécutive à la guerre juive. Il avait participé en tant que soldat à la Première Guerre mondiale. Dans son travail, il montre en tout cas que l’origine de l’idée du martyre dans le judaïsme se trouve dans Deutéro-Ésaïe (entre autres en És 43,9-10.12). Selon lui, le martyr est une personne qui entre en scène en paroles et en actes pour la vérité des paroles et des actes de Dieu ; Jésus est le martyr exemplaire ; quiconque le suit comme témoin prêt à verser son sang 140est aussi un martus. Rétrospectivement, la pensée d’E. Lohmeyer sur le martyre fait l’effet d’une prémonition de son propre destin. Après son retour de la Première Guerre mondiale en 1918, Lohmeyer, habilité à Heidelberg, avait été professeur à l’Université de Breslau à partir de 1920. Parce qu’il avait pris la défense de ses collègues juifs à l’époque nazie, notamment dans une lettre adressée à Martin Buber, il fut sanctionné et transféré à l’Université de Greifswald en 1935 pour « attitude et activité anti-national-socialiste ». De 1939 à 1943, il participa à nouveau, comme officier, à la Seconde Guerre mondiale, mais il fut libéré en 1943 pour enseigner à Greifswald. Après que Greifswald se fut rendue à l’Armée rouge, il a repris la fonction de recteur de l’Université le 15 mai 1945. La veille de sa nomination solennelle et de la réouverture de l’Université, dans la nuit du 14 au 15 février 1946, il fut arrêté par la police secrète russe. Il fut exécuté le 19 septembre 1946. On l’a accusé d’être responsable de l’exécution de civils russes pendant la Seconde Guerre mondiale. Sa mort n’a été officiellement confirmée que le 6 décembre 19574. Ce n’est que beaucoup plus tard, le 15 août 1996, que la peine de mort à son encontre a été levée par le Bureau du Procureur militaire de Moscou. Dans le rapport de réhabilitation, il est écrit « qu’Ernst Lohmeyer a été arrêté et condamné sans motif suffisant et exclusivement pour des raisons politiques5 ».
La deuxième contribution mentionnée ici provient de Rudolf Bultmann, « “Aimer son prochain”, commandement de Dieu » (19306). Bultmann (1884-1976) oppose ici une vision générale et une vision biblique de l’éthique. Dans la vision générale, il s’agit soit d’atteindre un but, soit d’observer une règle, soit de réaliser un idéal, alors que, dans le commandement biblique de l’amour du prochain, il s’agit du prochain concret avec lequel on a toujours été historiquement lié ou avec lequel on sera lié par les circonstances. Quand on pratique l’amour du prochain, on ne le fait pas en fonction d’une règle générale. Le voisin deviendrait alors un moyen pour une personne de prouver qu’elle est bonne. L’amour du prochain consiste bien plutôt à faire le bien uniquement pour le bien de son prochain. C’est précisément ainsi que l’on accomplit la volonté de Dieu, qui nous appelle et nous engage à travers notre prochain 141concret. Il est remarquable que Bultmann veuille saisir la spécificité de l’éthique biblique à l’aide de considérations philosophiques existentielles. Philosophiquement, son article est imprégné par la philosophie existentielle de Martin Heidegger, avec qui Bultmann avait tenu des séminaires communs à Marbourg. Bultmann comprend le commandement de l’amour du prochain comme une exigence existentielle qui vient à la rencontre de l’individu dans son « existence » unique. L’article ne contient pas la moindre allusion à la relation entre Allemands et Français. Mais on peut supposer que beaucoup de lecteurs l’ont compris de la manière suivante : à travers ces lignes, quelqu’un s’emploie à rétablir une relation profondément obérée par la guerre. Il promeut un amour capable de restaurer des principes généraux afin d’améliorer les relations concrètes. La contribution de Bultmann correspond à son comportement ultérieur pendant le Troisième Reich. Dans une déclaration collégiale du 2 mai 1933, il a critiqué la diffamation et la discrimination des Juifs dans la société et il a publié plus tard cette déclaration dans la revue Theologischer Blätter éditée par K. L. Schmidt. Il y protestait non seulement contre la discrimination des chrétiens juifs, mais aussi des juifs en général7. Avec son collègue Hans von Soden, il a été le moteur de la protestation contre l’introduction du paragraphe aryen dans l’Église – par une déclaration de la Faculté de Marburg en date du 19 septembre 1933, puis par un texte intitulé « Nouveau Testament et question raciale », daté du 23 septembre 1933 et signé surtout par des néotestamentaires8. Il a fait en sorte que, même à l’étranger, de nombreux théologiens se joignent à cette déclaration. Avec une protestation de l’Église suédoise, ces déclarations ont fait en sorte que le paragraphe aryen n’ait pas été introduit dans l’ensemble de l’Église allemande. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Bultmann s’est exprimé à une occasion sur la relation entre la France et l’Allemagne. Il a publié en effet, avec son essai fondamental sur la démythologisation en 1941, un essai, critiquant la théologie protestante nationale des « chrétiens-allemands » (Deutsche Christen), intitulé « La question de la révélation naturelle ». Il s’y interroge de manière fondamentale sur la théologie de l’histoire des Deutsche Christen. Selon lui, l’histoire est beaucoup trop ambiguë pour que l’on y puisse y reconnaître les 142traces de Dieu. À titre d’exemple, il cite l’évaluation variable de la guerre entre la France et l’Allemagne en 1870-1871 :
Bref, tous les phénomènes de l’histoire sont ambigus, et aucun ne révèle la volonté de Dieu en tant que tel. Et cela d’autant plus que tous les phénomènes historiques du présent sont ambigus. Ce que la victoire de 1870/71 signifiait pour l’Allemagne ne pouvait être déterminé avec certitude au moment où elle a eu lieu, et aujourd’hui nous envisageons différemment la question de savoir si cette victoire fut une bénédiction… La parole de l’histoire est opaque, et vouloir l’écouter est une audace9.
Quand Bultmann a écrit cela, régnait la guerre entre la France et l’Allemagne. Il suppose que la victoire de Sedan en 1870-1871 a été évaluée positivement à l’origine, mais maintenant il en doute. Ici, il prend clairement ses distances avec la guerre. Pendant la Première Guerre mondiale, R. Bultmann sympathisait déjà avec l’USDP, le Parti social-démocrate indépendant d’Allemagne, qui rejetait la guerre à laquelle il ne pouvait participer en raison d’un handicap.
À côté de lui, Martin Dibelius (1883-1947) fut le plus important néotestamentaire en Allemagne. Il était actif dans l’œcuménisme. Adolf Deißmann avait su le gagner à cette cause10. C’est ainsi que M. Dibelius avait des relations plus étroites avec la France et l’Angleterre que la plupart des autres néotestamentaires allemands. En 1930, il donna six conférences à la Faculté de Théologie de Montpellier11, et, en 1933, une conférence, « La signification religieuse des récits évangéliques de la Passion », à Paris, qu’il publia dans la RHPR. Comme son élève E. Lohmeyer, M. Dibelius y a abordé le thème de la souffrance. Ce qu’il décrit correspond d’assez près à sa propre situation pendant le Troisième Reich. Il était membre du parti démocrate allemand libéral de gauche. En tant que Recteur de l’Université de Heidelberg (1927-1928 et 1929), il avait défendu la république et la démocratie. En 1931-1932, il avait manifesté sa solidarité avec le théologien pratique Günther Dehn dans l’« affaire Dehn » (1931-1932). À cette époque, l’Université de Heidelberg avait renoncé à un appel lancé à Dehn, parce qu’il avait été rejeté par le corps étudiant nationaliste en raison du fait qu’il plaidait en faveur de la réconciliation entre les peuples12. Lorsque Dehn a reçu un 143appel à Halle peu de temps après, il a également été boycotté par les étudiants nationalistes et licencié après la prise de pouvoir du régime national-socialiste en 1933. Les nationaux-socialistes ont tenté d’intimider M. Dibelius par de multiples moyens : deux fois sa maison a été fouillée, une fois son passeport confisqué. Bien qu’opposant au national-socialisme, il a, dans une série d’écrits de propagande à l’appui de la guerre, publié un article intitulé « British Christianity and British World Power » (1940) dans lequel il dénonce la conscience d’élection des Anglais comme étant pharisienne. Après la guerre, avec K. Jaspers et un petit groupe de professeurs, il a soutenu qu’un renouvellement fondamental de l’Université, et pas seulement la restauration des anciennes structures, était nécessaire. Il est mort à Heidelberg en 1947.
Les publications à l’époque
de la dictature nazie en Allemagne
Après l’arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes en 1933, ils ont systématiquement rendu plus difficile pour les scientifiques allemands l’établissement de contacts avec des pays étrangers, surtout lorsque des scientifiques rejetaient le national-socialisme. Gerhard Kittel, un néotestamentaire de Tübingen se revendiquant du national-socialisme, fut autorisé à représenter l’Allemagne à la fondation de la Societas Novi Testamenti Studiorum (SNTS) à Birmingham du 14 au 16 septembre 1938. D’autres n’ont pas reçu d’autorisation de voyager à l’étranger. Ce n’est pas un hasard si le seul néotestamentaire allemand qui ait publié à cette époque dans la RHPR était émigré en Suisse. Karl Ludwig Schmidt (1891-1956)13 avait obtenu son doctorat et son habilitation auprès d’Adolf Deißmann à Berlin. Il fut appelé à Giessen en 1921. Il était membre du Parti démocratique allemand (DDP), mais, sous l’influence de Paul Tillich, il s’est rattaché au socialisme religieux et est entré, en 1924, au Parti social-démocrate allemand (SPD). En 1925, il fut appelé à exercer les fonctions de professeur de Nouveau Testament à Iéna puis fut nommé à l’Université de Bonn en 1929. Il s’y présenta pour le compte du SPD après la « prise de pouvoir » 144d’Hitler en mars 1933 et fut également élu au conseil municipal de Bonn. En réaction à cela, il fut, encore en 1933, destitué par les nationaux-socialistes, émigra en Suisse et y travailla comme pasteur. En 1935, il reçut un appel de l’Université de Bâle. Avec R. Bultmann et M. Dibelius, il est l’un des fondateurs de l’école de l’histoire des formes, surtout parce qu’il a reconnu l’aspect rédactionnel du cadre de l’histoire de Jésus et de la séquence des péricopes individuelles qu’elle contient. Dans la RHPR, il a publié un essai sur l’ecclésiologie et le christianisme primitif, dans lequel il poursuit des études antérieures sur la conception de l’Église au sein du christianisme originel14 : « Le ministère et les ministères dans l’Église du Nouveau Testament » (1937) et « Le problème du christianisme primitif » (1938). Un des enjeux de ses études ecclésiologiques consiste à aller au-delà d’une opposition, conçue par Karl Holl, entre la conception charismatique de l’Église de Paul et une conception théocratique juridique de l’Église dans l’Église primitive. Contrairement à Holl, il met l’accent sur la continuité de l’Église depuis les origines. Le terme ekklèsia vient de l’Ancien Testament dans la traduction de la LXX. La communauté chrétienne s’est considérée comme une communauté spécifique au sein d’Israël. Jésus lui-même l’a fondée. La parole relative à la fondation de l’Église en Mt 16,18 serait historique. À vrai dire, pour K. L. Schmidt, cette parole n’était pas le seul argument en faveur de la thèse selon laquelle l’Église aurait été fondée par Jésus lui-même : Jésus avait appelé les douze pour qu’ils conduisent l‘assemblée de Dieu. Une continuité aurait également prévalu pour ce qui est de la postérité du christianisme originel de Paul. Paul a reconnu l’Église primitive et n’a combattu que ses prétentions théocratiques, c’est-à-dire l’importance excessive accordée aux personnes et aux lieux, comme en témoigne l’importance excessive accordée aux apôtres et à la ville de Jérusalem. De cette façon, K. L. Schmidt voulait relativiser le contraste entre Paul et l’Église primitive. Dans l’essai de 1937 sur les ministères, il souligne que les énoncés relatifs aux ministères sont très différents et difficiles à démêler, mais il en tire une affirmation très claire : le ministère qui fonde l’Église n’est autre que le Christ lui-même. Si l’on veut distinguer trop nettement les différents ministères mentionnés, on manque cette pointe christologique, dont tout provient.
145K. L. Schmidt a été très actif dans la politique ecclésiastique en tant qu’éditeur des Theologische Blätter. Il publia non seulement la Déclaration de Bultmann contre la discrimination à l’égard des Juifs, mais aussi, en 1931, une Déclaration des théologiens protestants nationaux Emanuel Hirsch15 et Paul Althaus16, qui fut envoyée à de nombreux organes de publication et dans laquelle ces deux théologiens, hautement respectés à l’époque, voulaient obliger tous les théologiens allemands à n’entrer en dialogue avec des théologiens étrangers que si ils protestaient contre « le mensonge de la responsabilité de la guerre17 ». K. L. Schmidt commente cette démarche dans un ajout éditorial et y considère « la déclaration comme impossible (unmöglich) théologiquement, ecclésialement, politiquement et humainement ». Son contenu était le suivant : « Les théologiens allemands, dès lors qu’ils s’adressent de manière responsable aux théologiens des peuples qui sont nos ennemis, doivent en toutes circonstances et comme condition sine qua non de toute compréhension et collaboration ultérieures dénoncer la politique menée par ces peuples contre l’Allemagne en 1914 ». K. L. Schmidt proteste là contre avec quatre arguments18 :
Cette phrase est théologiquement impossible parce qu’elle donne à la nature la primauté que seule la grâce peut conférer, et néglige donc le fait que nous, qui pensons et parlons de manière responsable en étant disposés à écouter notre prochain, ne devons pas attendre que le prochain nous écoute. Elle est ecclésialement impossible parce qu’elle remet en question l’unité de l’Église à partir du point de vue non ecclésial, et donc non objectif, d’un conflit humain. Elle est politiquement impossible, car si quelque chose du sort de l’Allemagne n’est susceptible de recevoir aucune amélioration, ce sont bien les accusations qu’exige cette déclaration de la part des théologiens allemands. Elle est humainement 146impossible, parce que, en dehors de toute problématique émanant de l’Évangile et de l’Église, il est intolérable de placer, comme le fait cette déclaration, les rapports avec les autres êtres humains sous le signe d’une seule préoccupation, aussi justifiée soit-elle.
La déclaration de K. L. Schmidt a été citée ici parce qu’elle illustre les difficultés auxquelles la collaboration internationale était déjà confrontée avant 1933. Contre des théologiens comme E. Lohmeyer, R. Bultmann, M. Dibelius et K. L. Schmidt, qui étaient en quête de dialogue avec des théologiens français et publiaient dans des revues françaises, des théologiens de renom comme Emanuel Hirsch et Paul Althaus ont donné le ton. Raison de plus pour remercier la RHPR d’avoir publié les articles de ces théologiens qui ont prôné une coopération internationale.
Si l’on considère la période allant de 1920 à 1940, on constate que ce sont les néotestamentaires les plus significatifs qui ont publié dans la RHPR, à savoir les fondateurs de l’histoire des formes, qui a façonné deux générations d’exégètes. M. Dibelius l’avait conçue dans son ouvrage Die urchristliche Überlieferung von Johannes den Täufer (1911). Il s’est placé sur le plan de la construction en intégrant les nombreuses traditions isolées dans une vision globale du christianisme primitif. R. Bultmann s’est situé sur le plan de l’analyse en menant de manière conjointe l’étude de nombreuses péricopes individuelles. K. L. Schmidt a déconstruit, dans son ouvrage Der Rahmen der Geschichte Jesu. Literarkritische Untersuchungen zur ältesten Jesusüberlieferung (1919), le cadre des évangiles. Il les a en outre classés au sein de la littérature populaire. E. Lohmeyer a également laissé des traces dans l’histoire de la forme. Il a reconnu en l’hymne aux Philippiens une tradition reprise par Paul dans son livre Kyrios Jesus. Eine Untersuchung zu Phil. 2,5-11 (1928). L’opposition de tous ces néotestamentaires au national-socialisme est bien attestée. Aux yeux des théologiens protestants nationaux E. Hirsch et P. Althaus, cependant, ils étaient des traîtres à la cause nationale.
147L’APRÈS-GUERRE :
DES CONTRIBUTIONS EN LIEN AVEC LE CONTEXTE LOCAL
ET AYANT UNE PORTÉE PLUS GÉNÉRALE
Ce qui valait avant la guerre s’applique aussi aux théologiens allemands qui ont publié après 1945 dans la RHPR : ils avaient pris leurs distances avec le national-socialisme durant le Troisième Reich ou bien avaient émigré, comme W. G. Kümmel. Ce qui est frappant, c’est un changement de thématique et de sujet. Les thèmes liés à l’histoire et à l’histoire de la recherche dominent aujourd’hui. Ce sont souvent des sujets qui ont un lien avec Strasbourg et l’Alsace. Ce n’est pas un hasard. L’Alsace a été occupée par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale en 1940 et libérée de la puissance occupante allemande par les Alliés à la fin de 1944 et au début de 1945. Les contributions relatives à l’histoire de l’Église et à l’histoire de la recherche publiées dans l’après-guerre, rappellent, à partir de deux personnages historiques, Paul Volz et Albert Schweitzer, les liens positifs entre l’Alsace et l’Allemagne.
W. G. Kümmel (1905-1995)19 avait, auprès de M. Dibelius, développé un travail de séminaire portant sur Romains 7 pour en faire une thèse et avait ainsi obtenu son doctorat en 1928. Après un court séjour en Angleterre, il fut à Marburg, de 1930 à 1932, l’assistant de Hans von Soden qui, avec R. Bultmann, avait rédigé la protestation contre l’introduction du paragraphe aryen dans l’Église en 1933. Kümmel lui-même aurait été visé par ce paragraphe. Il était en effet d’origine juive. Ce fut donc pour lui une chance que d’être appelé en 1932, avant l’arrivée au pouvoir des national-socialistes, à Zurich où il a survécu au Troisième Reich. Après la guerre, il fut nommé d’abord à Mayence en 1951-1952, puis à Marburg en 1952, en tant que successeur de R. Bultmann. Il a publié deux articles sur Albert Schweitzer dans l’histoire de la recherche et de l’interprétation : « “L’eschatologie conséquente” d’Albert Schweitzer jugée par ses contemporains » (1957), et « Albert Schweitzer et l’apôtre Paul » (1976). Ils s’inscrivent tous deux dans le cadre de son travail fondamental sur l’eschatologie de Jésus. Kümmel avait montré dans son livre Verheißung und Erfüllung (1945) que tant les déclarations présentéistes que les déclarations futuristes que contient la tradition 148relative à Jésus remontent à Jésus lui-même. Une « double eschatologie » caractériserait ainsi sa proclamation, une distinction étant établie entre ce qui se réalise « déjà » et ce qui n’est « pas encore » accompli. Kümmel a postulé, déjà chez le Jésus historique, l’attente d’une phase intermédiaire entre sa mort et la venue finale du règne de Dieu. Dans les ébauches de l’histoire du salut telles que l’œuvre double à Théophile, cette phase n’aurait donc pas été introduite nouvellement, mais simplement dilatée. Avec ce concept d’une eschatologie à deux foyers, il se situait en dialogue constructif avec A. Schweitzer, l’un des découvreurs de l’eschatologie rapprochée de Jésus.
En outre, dans l’après-guerre, deux historiens de l’Église ont publié dans la RHPR, qui avaient tous deux été membres de l’Église confessante. Robert Stupperich (1904-2003) était né à Moscou et avait grandi en Russie. Il parlait un russe parfait. En plus de la théologie, il avait également étudié l’histoire et les études slaves et avait obtenu son doctorat dans les deux disciplines en 1930 et 1933. En marge de l’exercice du ministère pastoral, il avait préparé et obtenu en 1940 une habilitation sur l’histoire de l’Europe de l’Est et était devenu maître de conférences en 1942. Pendant la période du national-socialisme, il a été collaborateur de l’évêque de Berlin-Brandebourg Otto Dibelius et membre de l’Église confessante. Ses deux essais publiés dans la RHPR sont des contributions avec un lieu local à Strasbourg et à l’Alsace.
Le premier article, « Calvin und die Konfession des Paul Volz » (1964), traite d’un conflit résolu pacifiquement à Strasbourg à l’époque de la Réformation. L’humaniste et théologien Paul Volz (1480-1544) avait étudié à Tübingen. Il fut d’abord moine à l’abbaye de Schuttern, près d’Offenburg, puis abbé à l’abbaye alsacienne de Honcourt dans le Val de Villé à partir de 1512. Il était très estimé pour son érudition et sa piété. Érasme de Rotterdam lui dédia son Enchiridion militis christiani en 1518. Pendant la guerre des paysans, Volz s’enfuit à Sélestat en 1525, mais retourna à son abbaye, entre temps pillée, à la fin de cette même année, la quitta à nouveau en 1526 et trouva finalement refuge à Strasbourg. Il y trouva protection parce qu’il était soupçonné d’inclinations luthériennes. Après que Strasbourg fut devenue une ville protestante en 1529, le magistrat de Strasbourg le nomma prédicateur en 1530. Le conflit fut provoqué par son refus de signer la Concorde de Wittenberg. Il n’était pas très attaché aux dénominations humaines et était proche de Kaspar Schwenkfeld (1490-1561), le représentant d’un 149spiritualisme qui mettait en jeu la « parole intérieure » contre la « parole extérieure ». En 1537, Paul Volz fut démis de ses fonctions, mais Calvin réussit à le regagner à la cause protestante. En 1539, il fit volontairement pénitence et fut ensuite réintégré dans son ancien poste. Il mourut, réconcilié avec les prédicateurs de Strasbourg, le 6 juillet 1544, et Bucer prononça son oraison funèbre. La seconde contribution de R. Stupperich, « Strassburg und Münster » (1974), traite des relations des anabaptistes avec Strasbourg et Münster.
La série des contributions historiques de cette époque comprend également l’article de Hans von Campenhausen, « Marcion et les origines du canon néotestamentaire » (1966), une étude préliminaire en vue de son grand travail sur l’origine de la Bible chrétienne (Die Entstehung der christlichen Bibel, 1968). Campenhausen y défend la thèse selon laquelle la protestation contre la Bible de Marcion, qui consistait seulement en un évangile, l’Évangile de Luc, et les épîtres de Paul, a donné l’impulsion à la formation du canon. C’est en réaction à Marcion que les quatre évangiles auraient été canonisés et que les lettres de Paul auraient été complétées par les lettres catholiques.
LES DERNIÈRES DÉCENNIES DU XXe SIÈCLE :
DE NOUVELLES APPROCHES
EN THÉOLOGIE ET EN EXÉGÈSE
Si, au cours des deux dernières décennies du xxe siècle, seules deux contributions d’auteurs germanophones ont été publiées dans la RHPR, il ne doit pas en résulter une fausse impression. C’est précisément à cette époque que les échanges entre théologiens allemands et français se sont intensifiés. Les symposiums de Strasbourg – Tübingen – Uppsala, auxquels des théologiens des universités de ces trois villes ont collaboré, en sont la preuve20. C’est également à cette époque que des contributions d’auteurs allemands ont été publiées dans les Études Théologiques et Religieuses21. Les deux contributions 150d’auteurs germanophones dans la RHPR22 sont caractéristiques d’un changement survenu dans la théologie, qui est devenu de plus en plus clair depuis 1970 environ : la théologie s’est ouverte à de nouvelles questions. Les échanges internationaux se sont intensifiés. Les deux contributions le démontrent également. L’article de théologique systématique traite de la théologie américaine du process ; celui qui a trait à l’exégèse biblique est l’une des premières contributions à une exégèse psychologique conduite méthodologiquement.
Michael Welker23 traite, dans « Formes nouvelles de présentation de l’idée de Dieu. La philosophie du processus dans la théologie américaine à la suite de Whitehead » (1982), de la compréhension de Dieu dans la théologie américaine du process24. La réalité est, selon cette théologie, constituée d’événements. Les événements découlent d’autres événements, qui dépendent à leur tour des événements précédents. Deux perspectives sont possibles : on peut partir d’événements isolés et les comprendre comme des synthèses d’événements précédents ; on peut partir de l’environnement et des événements précédents et interpréter les événements à partir d’eux. On constate dès lors que, d’une part, chaque événement est radicalement unique et apporte quelque chose de nouveau dans le monde, et, d’autre part, qu’il participe à des structures générales en ce qu’il relie d’autres événements et en ce qu’il reçoit des impulsions de nombreux événements. Whitehead attribue à Dieu l’interaction entre l’abondance infinie d’événements uniques et la construction d’ordres complexes. Dieu est la puissance qui détermine la masse des événements, d’une part, de sorte qu’elle s’assemble en un événement nouveau et constitue ainsi un événement nouveau. D’autre 151part, Dieu est la force qui, à travers ces événements, introduit des structures ordonnées dans le monde et permet un ajustement entre diversité individuelle et établissement d’ordres.
Petra von Gemünden25 a donné sa conférence inaugurale à l’Université de Genève en 1996 sur le thème « Image de Dieu – Image de l’être humain dans l’Épître aux Romains ». Elle a été publiée en 1997 dans la RHPR et montre comment, dans la Lettre aux Romains, l’image de Dieu et celle de l’homme sont transformées parallèlement l’une par rapport à l’autre. Un Dieu en colère se transforme en un Dieu d’amour, et parallèlement une personne livrée à ses propres affects agressifs se transforme en une personne qui aime son prochain. Les deux se conditionnent l’un l’autre. Par l’événement Jésus-Christ, la colère de Dieu se transforme en affirmation inconditionnelle de l’homme. Parallèlement à cela, l’être humain agressif se transforme en un être social à cause de l’amour de Dieu agissant en le Christ. L’idée de base de cet essai a été élaborée par Petra von Gemünden et Gerd Theißen dans leur livre Der Römerbrief. Rechenschaft eines Reformators, paru en 2016, qui propose une interprétation de l’Épître aux Romains dans son ensemble en combinant les approches historique, métaphorique, sociologique et psychologique. Pour cette combinaison des questions, les deux auteurs se réfèrent à Paul Ricœur :
Notre interprétation se fonde sur la combinaison d’une approche sémantique des images (bildsemantisch), socio-historique et psychologique, que nous voulons rendre féconde pour une exégèse théologique. Nous sommes conscients qu’au début l’exégèse psychologique et l’histoire sociale ont souvent suscité la méfiance en théologie. L’herméneutique religieuse de P. Ricœur montre cependant qu’elles peuvent s’accorder avec une interprétation théologique. L’idée fondamentale de Ricœur est que les symboles et les images religieuses donnent à penser. Ils tirent leur origine des désirs et des exigences de l’homme. Ils portent donc les traces d’une “économie” du pouvoir, de la peur et du désir. C’est là leur archéologie, que l’on peut parfois découvrir en remontant aux facteurs psychologiques et sociaux. En même temps, cependant, ils 152pointent vers l’avant dans leur téléologie. Ils nous incitent à penser plus loin. Ils permettent à une transcendance d’apparaître, qui se révèle en images26, mais ils ne peuvent jamais être pleinement transformés en pensées rationnelles. La finitude et la culpabilité humaines empêchent la transformation des images religieuses en pensées immédiatement évidentes. Ainsi, la « symbolique du mal » de Ricœur revêt-elle un rôle-clé en vue la compréhension des textes religieux27.
Ricœur a plaidé en faveur de la combinaison d’une interprétation psychologique et d’une interprétation théologique. L’exégèse psychologique a été, à vrai dire, rejetée de manière résolue par de nombreux théologiens au siècle dernier, mais, depuis quelque temps, elle est progressivement acceptée. À cet égard, le protestantisme francophone a été plus ouvert que la théologie germanophone28. Cela est dû à l’influence de Ricœur. Pour ce qui est du retournement général qui s’est produit ces dernières années, c’est surtout la recherche historique sur les émotions qui y a contribué. L’essai de Petra von Gemünden dans la RHPR a donné une impulsion à ce développement, avant même que l’approche psychologique ne soit reconnue en exégèse.
LE NOUVEAU SIÈCLE : ORIENTATION NOUVELLE
SUR DES QUESTIONS FONDAMENTALES
Depuis le début du siècle, le nombre de publications d’auteurs germanophones dans la RHPR a considérablement augmenté. Cela reflète l’une des évolutions les plus positives de l’histoire européenne : un échange croissant dans tous les domaines de la science. C’est aussi le résultat de conventions institutionnelles. Les publications émanent de théologiens des facultés de théologie protestantes voisines de la France : Tübingen, Heidelberg et Mayence. À Tübingen et Heidelberg, les contacts sont institutionnellement assurés par des conventions ; à Mayence, par une institution renommée. Depuis 2005, l’historienne de l’Église Irene Dingel y dirige le département 153d’histoire religieuse occidentale de l’Institut Leibniz d’histoire européenne (Leibniz Institut für Europäische Geschichte). Dans ce qui suit, nous nous concentrons sur trois domaines principaux. Le premier est la Bible, conçue comme texte canonique normatif ; le second, l’histoire de la Réformation, envisagée comme phase constitutive du protestantisme ; le troisième, les questions fondamentales d’une christologie et d’une théologie systématique pour notre temps29.
La Bible est le fondement de la théologie chrétienne. On nie souvent que ses textes puissent être présentés dans une histoire littéraire. Le Nouveau Testament est, en tant que littérature originelle (Urliteratur), une création sans analogie du christianisme primitif, en tant que petite littérature (Kleinliteratur), un produit de classes inférieures très éloignées de la littérature, et, en tant que littérature issue de la Koinè (Koineliteratur), partie d’une littérature particulière. Quoi qu’il en soit, on n’est pas parvenu à discerner les phases de sa genèse littéraire. Gerd Theissen, « Les quatre phases de la naissance du Nouveau Testament. Esquisse d’une histoire de la première littérature chrétienne » (2007), propose d’en distinguer quatre : charismatique, pseudépigraphe, fonctionnelle et canonique. Les débuts du Nouveau Testament remontent aux deux charismatiques Jésus et Paul. Les traditions orales relatives à Jésus sont devenues des évangiles par le biais de la mise par écrit ; les lettres de Paul sont devenues « littérature » en tant que collection de lettres. Ces écrits ne constituaient pas une « littérature originelle » au sens où ils constitueraient une création sans analogie. Au contraire, les évangiles en tant que bioi avaient des modèles dans la littérature païenne. Paul a transformé la lettre privée en lettre communautaire. Son épître aux Romains se trouve au seuil des écrits conçus pour un vaste public. Paul et l’évangéliste Marc ont créé les deux formes fondamentales de la littérature chrétienne primitive. Tous deux représentent la phase charismatique de la littérature chrétienne primitive, laquelle a été créée directement et indirectement par deux charismatiques : Paul et Jésus. Dans la phase pseudépigraphique de la deuxième génération du christianisme primitif, des lettres ont été écrites au nom de Paul et des évangiles ont été écrits en recourant à l’autorité de Jésus. À partir de là, les textes écrits dans la première phase ont été imités. Les lettres deutéropauliniennes sont des auto-interprétations fictives 154de Paul ; les évangiles post-synoptiques sont des auto-interprétations fictives de Jésus : Jésus est figuré, dans l’évangile de Jean, comme messager de l’amour de Dieu et, dans l’évangile de Thomas, comme médiateur d’une connaissance supérieure. Dans la phase fonctionnelle, l’autorité des auteurs a été renforcée par le poids propre des genres littéraires : la Lettre aux Hébreux est un discours ; les Actes des Apôtres sont un ouvrage historiographique ; l’Apocalypse est un livre de révélation. Ils ne sont pas entrés dans le canon en raison de leur forme. L’Épître aux Hébreux fut plutôt canonisée dans le sillage des épîtres pauliniennes, les Actes des Apôtres comme suite de l’évangile de Luc, et l’Apocalypse comme partie du corpus johannique. Dans la phase canonique, les fondements du canon ont été posés. Le rejet de Marcion a conforté le consensus chrétien précoce en fonction duquel il y a quatre évangiles au lieu d’un seul et des lettres de plusieurs apôtres au lieu du seul Paul. Par-dessus tout, Marcion a renforcé indirectement le consensus selon lequel l’Ancien Testament a rang canonique au côté du Nouveau Testament. Les quatre phases de l’histoire littéraire reflètent le chemin qui mène des débuts charismatiques à une Église institutionnalisée. Sur ce chemin, les frontières entre charisme et institution, entre classe inférieure et classe supérieure, entre judaïsme et paganisme ont été franchies. Ces écrits étaient la littérature d’une petite sous-culture qui se comprenait comme le germe d’une nouvelle humanité. L’histoire littéraire et formelle du Nouveau Testament manifeste que le Dieu dont témoignent ses différents écrits veut être un Dieu de tous les peuples. On peut considérer les « Saintes Écritures », qui lui rendent témoignage, comme de la littérature. Car la littérature a toujours une valeur spécifique (Eigenwert) qui va au-delà de la valeur pratique (Gebrauchswert) des textes. Considérer le Nouveau Testament du point de vue de l’esthétique est donc théologiquement approprié. La valeur spécifique de cette littérature renvoie au Dieu seul et unique, qui représente une valeur spécifique absolue.
L’anniversaire de la Réformation en 2017 a été l’occasion pour tout le protestantisme de faire un bilan autocritique. Il est incontesté que la Réformation a changé le monde. C’est ce que montre Irene Dingel dans « Un monde en transition. L’influence de la Réforme sur la théologie, la société et la politique » (2017).
Mais en même temps, la Réformation a aussi divisé le monde chrétien, et pas seulement en un monde catholique et protestant. De fait, le monde protestant aussi a vite perdu son unité. Il s’est scindé en 155une aile luthérienne et une aile réformée. La confession la plus importante des réformés est devenue le Catéchisme de Heidelberg. Elle a été écrite par Zacharias Ursinus, un élève de Philipp Melanchthon, qui a également été influencé par l’Église réformée suisse. Il avait rendu visite à Jean Calvin à Genève et était en contact étroit avec Heinrich Bullinger à Zurich. Il élabora l’ébauche du Catéchisme de Heidelberg en 1563. Ce catéchisme était censé unir les différentes ailes du protestantisme, mais il est devenu ensuite une confession des réformés. Christoph Strohm, dans « Le Catéchisme de Heidelberg : sa naissance, son profil théologique et l’histoire de sa recherche » (2013), élabore le profil théologique du Catéchisme de Heidelberg. Le protestantisme français a probablement joué un rôle dans son émergence. À cette époque, le Palatinat avait accueilli des réfugiés des Pays-Bas et de France qui avaient été précédemment rejetés à Francfort parce que les luthériens y rejetaient la doctrine réformée relative à la Cène. Dès lors, l’Électeur palatin leur offrit refuge et leur orateur, Peter Dathenus, est devenu l’un de ses plus importants conseillers théologiques. Dathenus a été récemment soupçonné à nouveau d’avoir introduit dans le catéchisme la question 80 avec la condamnation sévère du sacrifice de la Messe comme « maudite idolâtrie » (vermaledeite Abgötterei). Cela n’est pas sûr. Il y a beaucoup d’arguments en faveur de l’hypothèse traditionnelle selon laquelle c’est Olevianus qui est responsable de cette insertion30. Cela étant, il est certain que la question 80 n’est pas seulement une critique de la messe catholique, mais aussi de la doctrine luthérienne de la présence réelle du Christ dans le pain et le vin. La question 80 confesse, dans sa première partie, que le Christ « se trouve maintenant, avec son vrai corps, au ciel à la droite du Père ». Dans la deuxième partie, elle rejette donc que « le Christ se trouve corporellement sous les espèces du pain et du vin et qu’il doive par conséquent y être adoré31 ». Car son corps est au ciel et ne peut être simultanément sur la terre. Tout cela est également dirigé contre l’enseignement luthérien de la présence réelle dans, avec et sous le pain.
156Comme on le sait, la Réformation avait un côté très sombre. Il se manifeste dans la position de Luther à l’égard du judaïsme. En 1523, à ses débuts, Luther avait écrit un opuscule très positif sur les Juifs : Que Jésus-Christ est né juif. Il y prônait une mission non-violente en direction des Juifs et leur intégration sociale. Ses écrits plus tardifs, par contre, sont emplis de haine contre les Juifs. Même sa toute dernière prédication est anti-juive. Elle fait l’objet de l’article de Matthias Morgenstern, « Le dernier sermon de Luther (14 ou 15 février 1546) et son “admonestation contre les juifs” » (2017).
La contribution de Morgenstern s’inscrit déjà dans le débat contemporain sur le pluralisme religieux. La relation entre le christianisme et le judaïsme a un rôle particulier en son sein. Mais au-delà de cela, ce qui est en jeu, c’est la relation du christianisme avec toutes les religions. Beaucoup doutent que la religion chrétienne, avec sa revendication d’absoluité concentrée sur le Christ, soit capable de développer un véritable pluralisme. C’est pourquoi on a proposé que, pour le dialogue interreligieux, il fallait sacrifier la « haute christologie » et renoncer à la « possession christologique ». Gerd Theissen, « La foi en Jésus-Christ relie-t-elle ou sépare-t-elle les religions ? Réflexions sur la christologie dans le pluralisme religieux » (2016), tente, à l’opposé d’une telle démarche, de justifier le dialogue religieux pluraliste précisément à partir du Christ, centre de la foi chrétienne. La recherche historico-critique moderne a montré que Jésus s’est distingué de Dieu. Au centre de son message se trouve l’annonce du règne de Dieu, c’est-à-dire l’attente que le Dieu seul et unique Dieu prévaudra bientôt. Sa proclamation constitue ainsi un pont en direction des autres religions monothéistes occidentales. Mais le Jésus historique a été transformé par le Vendredi Saint et Pâques en le Christ kérygmatique, qui trône au côté de Dieu. Seul ce Christ élevé a part à l’omniprésence de Dieu et peut être présent partout dans le cœur des hommes. Lui seul rend possible une mystique du Christ. Lui seul peut être présent partout dans le cosmos. De cette manière, le Christ élevé auprès de Dieu ouvre un accès possible aux religions mystiques et cosmiques orientales. Contrairement à une idée répandue, c’est précisément la christologie qui peut ouvrir et faciliter l’accès à d’autres religions pour les chrétiens.
Notre survol se termine par un article important de Michael Welker sur la question suivante : « Qu’est-ce qui constitue la théologie en tant que telle ? » (2016). Il évite consciemment une fixation sur un seul critère, mais plaide pour une « pluralité structurée » des 157principes. Il distingue trois facteurs par lesquels la théologie acquiert un poids normatif : les fondements de la foi, l’Église en tant que cadre social et la personnalité des théologiens individuels. Les fondements indispensables de la théologie sont une conception intégrative de Dieu, le canon biblique et les écrits confessionnels. À ces éléments centraux s’ajoute l’Église en tant que cadre institutionnel. Welker comprend les Églises comme des communautés en quête de vérité et de justice. Elles requièrent du théologien un éthos professionnel et un intérêt pour leur cadre institutionnel. Mais elles exigent aussi plus. En troisième lieu, Welker mentionne comme conditions préalables individuelles indispensables pour le théologien une piété personnelle et une foi vivante qui peut être partagée avec les autres.
Les communications présentées se veulent des exemples d’échanges d’idées entre théologie francophone et théologie germanophone. Il y aurait encore beaucoup plus à dire. Plusieurs ouvrages collectifs ont résulté de rencontres communes, parmi lesquels nous n’en mentionnerons qu’un seul : un dialogue sur l’influence du grand philosophe protestant français Paul Ricœur32, connu en Allemagne, mais reçu unilatéralement. Le conflit herméneutique entre une interprétation de la tradition religieuse qui préserve le sens et une autre qui le détruit constituait pour lui une caractéristique de la situation contemporaine. Dans la théologie germanophone, beaucoup de ses réflexions sur l’herméneutique ont été reprises, mais pas cette idée directrice de sa philosophie. Aucun philosophe de la religion n’est aussi utile pour s’orienter dans le monde spirituel de la modernité que Paul Ricœur.
Un survol de 100 ans de la Revue d’Histoire et Philosophie Religieuse montre ceci : l’échange entre la théologie protestante des deux pays a commencé dans l’entre-deux-guerres, dans des circonstances politiques difficiles. Il devait tenir bon et résister face à l’opposition d’un protestantisme national-socialiste allemand soumis à une idéologie funeste. Aujourd’hui, la situation a radicalement changé. Dans le cadre de l’Union européenne, les échanges scientifiques internationaux sont devenus plus faciles. Strasbourg joue à cet égard un rôle central dans la théologie – non seulement parce que l’Alsace constitue un pont entre les langues et les cultures allemande et française, mais aussi parce que Strasbourg est un centre de la pensée européenne.
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Wolgast, Eike, « Pax Optima Rerum. Theorie und Praxis des Friedensschlusses in der Neuzeit », Jahrbuch der Heidelberger Akademie der Wissenschaften für 2007, Heidelberg, 2008, p. 37–59.
1 Wolgast, 2008.
2 Pour beaucoup d’Allemands, la France était encore « l’ennemi héréditaire ». La plupart des Allemands ne voulaient rien savoir des crimes de guerre des troupes allemandes en Belgique et en France. Herbert, 2014, p. 119 : Il y a eu « des attaques brutales contre des civils belges, qui auraient tué plus de 5000 personnes. À Louvain, l’armée allemande détruisit une grande partie de la ville, dont la célèbre bibliothèque. Ces horreurs de guerre ont compromis le leadership allemand. »
3 Lohmeyer, 1926.
4 Sur sa vie et son œuvre, voir Koehn, 2004.
5 Cf. Wikipedia. Art. « Ernst Lohmeyer », consulté le 28.10.2019.
6 R. Bultmann l’a rapidement publié aussi en langue allemande : Bultmann, 1933a. Sur la vie et l’œuvre de Bultmann, voir Hammann, 2009.
7 Voir le texte de cette déclaration dans : Bultmann, 1933b, reproduit dans : Bultmann, 2002, p. 172-180.
8 Voir le texte dans Greschat – Krumwiede, 1999, p. 103.
9 Bultmann, 2002, p. 194.
10 Au sujet de Dibelius, voir Bringeland, 2013 et 2014.
11 Dibelius, 1930.
12 G. Dehn (1882-1970) est devenu pasteur après sa révocation des fonctions universitaires. À l’époque du national-socialisme, il a été emprisonné deux fois. En tant qu’étudiant, j’ai lu à haute voix pour G. Dehn, qui était à moitié aveugle. Dans Dehn, 1964, p. 247-262, il rend compte lui-même de l’« affaire Dehn ». Voir aussi l’enquête de Bizer, 1957.
13 Un hommage lui est rendu dans Vielhauer, 1968. Il est reproduit et légèrement abrégé dans K. L. Schmidt, 1981, p. 13-36.
14 K. L. Schmidt, 1927.
15 Emanuel Hirsch (1888-1972) était un « chrétien-allemand » (Deutscher Christ) et un partisan actif de l’idéologie et de la politique du national-socialisme. Il adhéra en 1937 au NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei) depuis 1937. Il a combiné une « théologie libérale » moderne avec un positionnement politique autoritaire. Il a été conseiller théologique de l’évêque impérial national-socialiste Ludwig Müller. Sur E. Hirsch, voir Birkner, 1986 ; Herms, 2000 ; sur son activité politique, voir Ericksen, 1985.
16 Paul Althaus (1888-1966) était théologien luthérien en poste à Erlangen. Il a adopté le national-socialisme en raison de son propre positionnement nationaliste allemand et a préconisé l’introduction d’un paragraphe aryen dans l’Église. Voir Graß, 1978 ; Assel, 1998 ; sur son activité politique, voir Ericksen, 1985.
17 Voir la reproduction de cette déclaration et la prise de position éditoriale de K. L. Schmidt à son endroit dans : Vielhauer, 1968, respectivement aux p. 33-35 et 35-36.
18 Selon Vielhauer, 1968, p. 36.
19 Gräßer, 2008.
20 Les symposiums des Facultés de Tübingen, Strasbourg et Uppsala sont illustrés par : Philonenko, 1993 ; Kieffer – Bergman, 1997 ; Hengel, 2000a ; Grappe, 2004 ; Hultgard 2009 ; Tilly – Morgenstern – Drecoll, 2016. Les actes des symposiums entre les Facultés de Heidelberg et de Strabourg sont publiés dans : Lienhard – Grappe, 2010 ; Frey – Grappe – Lehmkühler – Lienhard, 2013 ; Lienhard – Grappe, 2017.
21 Voir Gemünden, 1995 ; Theissen, 2008.
22 Les deux auteurs ont une bonne connaissance du français grâce à leur formation scolaire. M. Welker a fréquenté un lycée français à Berlin ; Petra von Gemünden s’est rendue à plusieurs reprises dans sa famille d’accueil en France dans le cadre d’un échange scolaire.
23 Michael Welker est né à Erlangen en 1947 et a grandi à Berlin et à Grünstadt dans le Palatinat. Il a obtenu son doctorat en théologie systématique à Tübingen, avec Jürgen Moltmann comme directeur de thèse, en 1973 et son doctorat en philosophie, avec Dieter Henrich comme directeur de thèse, à Heidelberg en 1978. En 1980, il a obtenu son habilitation à Tübingen avec une thèse sur A. N. Whitehead. Il a enseigné la théologie systématique à Tübingen (à partir de 1983), puis à Münster (à partir de 1987), et à Heidelberg (à partir de 1993). Depuis 2013, il est Professeur Senior et Directeur du Centre de Recherche Théologie Internationale et Interdisciplinaire (FIIT) à Heidelberg. Ses publications couvrent un large éventail de sujets : pneumatologie, christologie, Création et anthropologie, théologie et sciences naturelles, ecclésiologie, religion et droit, résurrection, repas du Seigneur.
24 Voir sa thèse d’habilitation : Welker, 1981.
25 Petra von Gemünden est née à Nuremberg en 1957. Elle a étudié à Heidelberg, Montpellier et Erlangen et a obtenu son doctorat en 1989 avec une thèse sur La métaphore de la végétation dans le Nouveau Testament, préparée sous la direction de Gerd Theißen à Heidelberg. De 1989 à 1992, elle a été pasteure à Cobourg ; de 1992 à 1994, assistante d’A. Lindemann à la Kirchliche Hochschule de Bethel. Elle a été nommée à l’Université de Genève en 1994, puis à l’Université d’Augsbourg en 2002. Elle a travaillé sur les métaphores, l’iconographie et est l’une des initiatrices d’une exégèse psychologique conduite méthodologiquement. Plusieurs de ses publications sur la psychologie historique sont rassemblées dans : Gemünden, 2009.
26 Sur l’herméneutique de P. Ricœur, voir, en allemand, Luz, 2016, p. 372-381, Ricœur a été reçu en Allemagne de manière très unilatérale dans le champ de l’herméneutique biblique. Voir Theissen, 2013.
27 Theißen – Gemünden, 2016, p. 23.
28 Pour preuve, je me réfère à mon recueil d’articles marqués par des approches sociologiques et psychologiques, paru en français : Theissen, 2008.
29 Pour information, voici, dans leur ordre chronologique, les articles dont nous n’avons pas rendu compte : Hengel, 2000 ; Theissen, 2012 ; Oeming, 2013 ; Dingel, 2014 ; Gertz, 2014 ; M. Morgenstern, 2015.
30 La thèse de Schreiber, soutenue à Heidelberg en 2016, a rassemblé des arguments en faveur du fait qu’Olevianus a non seulement suggéré l’insertion de la question 80 dans le Catéchisme de Heidelberg par l’électeur Friedrich III, mais a également été impliqué dans sa formulation. Il connaissait la traduction néerlandaise de la confession de foi de Théodore de Bèze, dans laquelle la messe est appelée vermalendyde afgoderye. Cela aurait pu être le modèle pour la condamnation de la Messe comme « maudite idolâtrie » dans la question 80 du Catéchisme de Heidelberg.
31 Cette phrase en italique n’a été insérée que dans la 3e édition du Catéchisme de Heidelberg – avec l’ajout à la fin “et une maudite idolâtrie”.
32 Voir Frey – Grappe – Lehmkühler – Lienhard, 2013.
- CLIL theme: 4046 -- RELIGION -- Christianisme -- Théologie
- ISBN: 978-2-406-10372-1
- EAN: 9782406103721
- ISSN: 2269-479X
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10372-1.p.0137
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-01-2020
- Periodicity: Quarterly
- Language: French
- Keyword: Weimar Republic, Third Reich, Europe, Dibelius, Bultmann, Schmidt, Lohmeyer, form history, intercultural theology, international cooperation