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Classiques Garnier

Tensions politiques et compréhension théologique Contributions allemandes dans la RHPR

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses
    2020 – 1, 100e année, n° 1
    . varia
  • Auteur : Theissen (Gerd)
  • Résumé : Quatre phases peuvent être identifiées dans les contributions des auteurs allemands à la RHPR. Elles traduisent une évolution qui reflète elle-même l’histoire de l’Europe avec le passage de travaux pionniers de néotestamentaires qui ont su tracer avec courage, au temps où sévissait le national-socialisme, de nouveaux horizons à des coopérations à la fois encouragées et assumées. Cette évolution reflète à sa manière l’histoire de l’Europe.
  • Pages : 137 à 162
  • Revue : Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses
  • Thème CLIL : 4046 -- RELIGION -- Christianisme -- Théologie
  • EAN : 9782406103721
  • ISBN : 978-2-406-10372-1
  • ISSN : 2269-479X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10372-1.p.0137
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 01/04/2020
  • Périodicité : Trimestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : République de Weimar, Troisième Reich, Europe, Dibelius, Bultmann, Schmidt, Lohmeyer, histoire de la forme, théologie interculturelle, coopération internationale
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Tensions politiques
et compréhension théologique

Contributions allemandes dans la RHPR

Gerd Theissen

Université de Heidelberg

Docteur honoris causa
de lUniversité de Strasbourg

Dans les contributions dauteurs allemands à la Revue dHistoire et Philosophie Religieuses (RHPR) se reflètent les relations changeantes entre théologie et politique allemandes et françaises. Dans la première moitié du xxe siècle, elles ont été entravées par des conflits politiques, mais montrent comment les théologiens se sont néanmoins employés à parvenir à une compréhension mutuelle par-delà toutes les frontières. Ce sont surtout des néotestamentaires qui ont publié dans la RHPR sous la République de Weimar et sous le Troisième Reich : M. Dibelius, R. Bultmann et K. L. Schmidt, les fondateurs de lhistoire de la forme, représentants phares de leur discipline. À partir de 1945, les conditions politiques se sont améliorées et ont favorisé les échanges scientifiques et théologiques avec lémergence progressive de lUnion européenne. On peut distinguer trois phases pour ce qui est des publications dauteurs germanophones dans la RHPR après 1945. Durant laprès-guerre et jusquen 1970 environ, on a affaire surtout à des contributions relatives à lhistoire de lÉglise, ainsi quà des travaux dhistoire de lexégèse néotestamentaire portant sur Albert Schweitzer. Dans cette première phase, presque toutes les contributions ont un lien avec Strasbourg et lAlsace. Les choses ont changé après 1970. Depuis lors, de nouvelles questions et méthodes se sont imposées en théologie. Cette dernière est devenue plus internationale. Dans un premier temps, cela ne se traduit pas par une augmentation du 138nombre de publications dauteurs allemands dans la RHPR, mais seulement par deux contributions isolées. Elles sont toutefois particulièrement intéressantes parce quelles abordent de nouveaux sujets comme la théologie du process et de nouveaux questionnements comme lexégèse psychologique. Ce sont à la fois les témoins dune influence américaine et française sur les théologiens germanophones – un signe que la domination de la théologie germanophone dans le protestantisme avait pris fin. Depuis 2000, la proportion darticles dauteurs allemands a considérablement augmenté, notamment grâce aux rencontres régulières entre théologiens français et allemands de Strasbourg, Tübingen et Heidelberg. Ces rencontres ont donné lieu à une série darticles dauteurs allemands dans la RHPR. Presque tous les domaines de la théologie sont concernés. Trois points focaux sont reconnaissables : la Bible, la Réforme et une théologie pour notre temps. Dans ce qui suit, nous ne pouvons pas honorer chaque contribution. Nous avons choisi de faire une sélection, en particulier parmi les publications les plus récentes.

LÉPOQUE DE LA RÉPUBLIQUE DE WEIMAR
ET DU TROISIÈME REICH :
APPORTS NÉOTESTAMENTAIRES

Lorsque la RHPR a été fondée en 1920, les relations entre la France et lAllemagne étaient au plus bas. La Première Guerre mondiale avait laissé de profondes blessures. Le traité de paix de Versailles attribuait à lAllemagne la responsabilité de la guerre, ce qui était dénié en Allemagne. Au sein de lÉglise et de la théologie, il y a eu une âpre polémique autour du « mensonge de la responsabilité de guerre ». Aujourdhui encore, on entend souvent dire que les puissances européennes se sont engagées dans la guerre en 1914 par un tragique enchaînement de circonstances. Ce nest quen 1961 que lhistorien Ernst Fischer a démontré dans son livre Griff nach der Weltmacht que les politiciens allemands avaient consciemment pris le risque la guerre en 1914. Pour comprendre la situation psychologique des Allemands après 1918, il faut absolument tenir compte dune chose : jusque-là, les traités de paix européens sétaient abstenus dattribuer des responsabilités afin doptimiser les chances dun 139vivre ensemble dans la paix1. Limputation de la culpabilité par le traité de Versailles a été rejetée avec véhémence par la population allemande. Ce rejet sest renforcé lorsque les troupes françaises et belges ont occupé la Ruhr en 1923 pour garantir lobtention de réparations, mais aussi pour se protéger contre une résurgence du militarisme allemand. Que dans ce climat des auteurs allemands aient publié dans la RHPR ne relève aucunement de lévidence2. Il est donc légitime de se poser les questions suivantes : À qui les rédacteurs français ont-ils donné la possibilité de publier dans leur revue ? Quels auteurs germanophones étaient prêts à le faire ? Avaient-ils quelque chose en commun ? Leurs thèmes et thèses sont-ils en rapport avec la situation historique de lépoque ?

Les publications du temps
de la République de Weimar (1920-1933)

Lune des premières contributions dun théologien allemand vient dErnst Lohmeyer (1890-1946), « Lidée de martyre dans le judaïsme et dans le christianisme primitif » (1927). Elle parut en lien avec son commentaire sur lApocalypse de Jean3, un écrit chrétien ancien qui porte la marque du traumatisme de la guerre juive 66-70 ap. J.-C. LApocalypse de Jean fut aussi une réaction à la défaite des Juifs rebelles. Lambivalence de la métaphore de lAgneau y est révélatrice : dun côté, lAgneau est un antagoniste agressif ; de lautre, cest un agneau passif voué au sacrifice. Il est difficile de dire si Lohmeyer était conscient, dans son travail, de lanalogie entre la situation historique dans laquelle il vivait et la situation consécutive à la guerre juive. Il avait participé en tant que soldat à la Première Guerre mondiale. Dans son travail, il montre en tout cas que lorigine de lidée du martyre dans le judaïsme se trouve dans Deutéro-Ésaïe (entre autres en És 43,9-10.12). Selon lui, le martyr est une personne qui entre en scène en paroles et en actes pour la vérité des paroles et des actes de Dieu ; Jésus est le martyr exemplaire ; quiconque le suit comme témoin prêt à verser son sang 140est aussi un martus. Rétrospectivement, la pensée dE. Lohmeyer sur le martyre fait leffet dune prémonition de son propre destin. Après son retour de la Première Guerre mondiale en 1918, Lohmeyer, habilité à Heidelberg, avait été professeur à lUniversité de Breslau à partir de 1920. Parce quil avait pris la défense de ses collègues juifs à lépoque nazie, notamment dans une lettre adressée à Martin Buber, il fut sanctionné et transféré à lUniversité de Greifswald en 1935 pour « attitude et activité anti-national-socialiste ». De 1939 à 1943, il participa à nouveau, comme officier, à la Seconde Guerre mondiale, mais il fut libéré en 1943 pour enseigner à Greifswald. Après que Greifswald se fut rendue à lArmée rouge, il a repris la fonction de recteur de lUniversité le 15 mai 1945. La veille de sa nomination solennelle et de la réouverture de lUniversité, dans la nuit du 14 au 15 février 1946, il fut arrêté par la police secrète russe. Il fut exécuté le 19 septembre 1946. On la accusé dêtre responsable de lexécution de civils russes pendant la Seconde Guerre mondiale. Sa mort na été officiellement confirmée que le 6 décembre 19574. Ce nest que beaucoup plus tard, le 15 août 1996, que la peine de mort à son encontre a été levée par le Bureau du Procureur militaire de Moscou. Dans le rapport de réhabilitation, il est écrit « quErnst Lohmeyer a été arrêté et condamné sans motif suffisant et exclusivement pour des raisons politiques5 ».

La deuxième contribution mentionnée ici provient de Rudolf Bultmann, « “Aimer son prochain”, commandement de Dieu » (19306). Bultmann (1884-1976) oppose ici une vision générale et une vision biblique de léthique. Dans la vision générale, il sagit soit datteindre un but, soit dobserver une règle, soit de réaliser un idéal, alors que, dans le commandement biblique de lamour du prochain, il sagit du prochain concret avec lequel on a toujours été historiquement lié ou avec lequel on sera lié par les circonstances. Quand on pratique lamour du prochain, on ne le fait pas en fonction dune règle générale. Le voisin deviendrait alors un moyen pour une personne de prouver quelle est bonne. Lamour du prochain consiste bien plutôt à faire le bien uniquement pour le bien de son prochain. Cest précisément ainsi que lon accomplit la volonté de Dieu, qui nous appelle et nous engage à travers notre prochain 141concret. Il est remarquable que Bultmann veuille saisir la spécificité de léthique biblique à laide de considérations philosophiques existentielles. Philosophiquement, son article est imprégné par la philosophie existentielle de Martin Heidegger, avec qui Bultmann avait tenu des séminaires communs à Marbourg. Bultmann comprend le commandement de lamour du prochain comme une exigence existentielle qui vient à la rencontre de lindividu dans son « existence » unique. Larticle ne contient pas la moindre allusion à la relation entre Allemands et Français. Mais on peut supposer que beaucoup de lecteurs lont compris de la manière suivante : à travers ces lignes, quelquun semploie à rétablir une relation profondément obérée par la guerre. Il promeut un amour capable de restaurer des principes généraux afin daméliorer les relations concrètes. La contribution de Bultmann correspond à son comportement ultérieur pendant le Troisième Reich. Dans une déclaration collégiale du 2 mai 1933, il a critiqué la diffamation et la discrimination des Juifs dans la société et il a publié plus tard cette déclaration dans la revue Theologischer Blätter éditée par K. L. Schmidt. Il y protestait non seulement contre la discrimination des chrétiens juifs, mais aussi des juifs en général7. Avec son collègue Hans von Soden, il a été le moteur de la protestation contre lintroduction du paragraphe aryen dans lÉglise – par une déclaration de la Faculté de Marburg en date du 19 septembre 1933, puis par un texte intitulé « Nouveau Testament et question raciale », daté du 23 septembre 1933 et signé surtout par des néotestamentaires8. Il a fait en sorte que, même à létranger, de nombreux théologiens se joignent à cette déclaration. Avec une protestation de lÉglise suédoise, ces déclarations ont fait en sorte que le paragraphe aryen nait pas été introduit dans lensemble de lÉglise allemande. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Bultmann sest exprimé à une occasion sur la relation entre la France et lAllemagne. Il a publié en effet, avec son essai fondamental sur la démythologisation en 1941, un essai, critiquant la théologie protestante nationale des « chrétiens-allemands » (Deutsche Christen), intitulé « La question de la révélation naturelle ». Il sy interroge de manière fondamentale sur la théologie de lhistoire des Deutsche Christen. Selon lui, lhistoire est beaucoup trop ambiguë pour que lon y puisse y reconnaître les 142traces de Dieu. À titre dexemple, il cite lévaluation variable de la guerre entre la France et lAllemagne en 1870-1871 :

Bref, tous les phénomènes de lhistoire sont ambigus, et aucun ne révèle la volonté de Dieu en tant que tel. Et cela dautant plus que tous les phénomènes historiques du présent sont ambigus. Ce que la victoire de 1870/71 signifiait pour lAllemagne ne pouvait être déterminé avec certitude au moment où elle a eu lieu, et aujourdhui nous envisageons différemment la question de savoir si cette victoire fut une bénédiction… La parole de lhistoire est opaque, et vouloir lécouter est une audace9.

Quand Bultmann a écrit cela, régnait la guerre entre la France et lAllemagne. Il suppose que la victoire de Sedan en 1870-1871 a été évaluée positivement à lorigine, mais maintenant il en doute. Ici, il prend clairement ses distances avec la guerre. Pendant la Première Guerre mondiale, R. Bultmann sympathisait déjà avec lUSDP, le Parti social-démocrate indépendant dAllemagne, qui rejetait la guerre à laquelle il ne pouvait participer en raison dun handicap.

À côté de lui, Martin Dibelius (1883-1947) fut le plus important néotestamentaire en Allemagne. Il était actif dans lœcuménisme. Adolf Deißmann avait su le gagner à cette cause10. Cest ainsi que M. Dibelius avait des relations plus étroites avec la France et lAngleterre que la plupart des autres néotestamentaires allemands. En 1930, il donna six conférences à la Faculté de Théologie de Montpellier11, et, en 1933, une conférence, « La signification religieuse des récits évangéliques de la Passion », à Paris, quil publia dans la RHPR. Comme son élève E. Lohmeyer, M. Dibelius y a abordé le thème de la souffrance. Ce quil décrit correspond dassez près à sa propre situation pendant le Troisième Reich. Il était membre du parti démocrate allemand libéral de gauche. En tant que Recteur de lUniversité de Heidelberg (1927-1928 et 1929), il avait défendu la république et la démocratie. En 1931-1932, il avait manifesté sa solidarité avec le théologien pratique Günther Dehn dans l« affaire Dehn » (1931-1932). À cette époque, lUniversité de Heidelberg avait renoncé à un appel lancé à Dehn, parce quil avait été rejeté par le corps étudiant nationaliste en raison du fait quil plaidait en faveur de la réconciliation entre les peuples12. Lorsque Dehn a reçu un 143appel à Halle peu de temps après, il a également été boycotté par les étudiants nationalistes et licencié après la prise de pouvoir du régime national-socialiste en 1933. Les nationaux-socialistes ont tenté dintimider M. Dibelius par de multiples moyens : deux fois sa maison a été fouillée, une fois son passeport confisqué. Bien quopposant au national-socialisme, il a, dans une série décrits de propagande à lappui de la guerre, publié un article intitulé « British Christianity and British World Power » (1940) dans lequel il dénonce la conscience délection des Anglais comme étant pharisienne. Après la guerre, avec K. Jaspers et un petit groupe de professeurs, il a soutenu quun renouvellement fondamental de lUniversité, et pas seulement la restauration des anciennes structures, était nécessaire. Il est mort à Heidelberg en 1947.

Les publications à lépoque
de la dictature nazie en Allemagne

Après larrivée au pouvoir des nationaux-socialistes en 1933, ils ont systématiquement rendu plus difficile pour les scientifiques allemands létablissement de contacts avec des pays étrangers, surtout lorsque des scientifiques rejetaient le national-socialisme. Gerhard Kittel, un néotestamentaire de Tübingen se revendiquant du national-socialisme, fut autorisé à représenter lAllemagne à la fondation de la Societas Novi Testamenti Studiorum (SNTS) à Birmingham du 14 au 16 septembre 1938. Dautres nont pas reçu dautorisation de voyager à létranger. Ce nest pas un hasard si le seul néotestamentaire allemand qui ait publié à cette époque dans la RHPR était émigré en Suisse. Karl Ludwig Schmidt (1891-1956)13 avait obtenu son doctorat et son habilitation auprès dAdolf Deißmann à Berlin. Il fut appelé à Giessen en 1921. Il était membre du Parti démocratique allemand (DDP), mais, sous linfluence de Paul Tillich, il sest rattaché au socialisme religieux et est entré, en 1924, au Parti social-démocrate allemand (SPD). En 1925, il fut appelé à exercer les fonctions de professeur de Nouveau Testament à Iéna puis fut nommé à lUniversité de Bonn en 1929. Il sy présenta pour le compte du SPD après la « prise de pouvoir » 144dHitler en mars 1933 et fut également élu au conseil municipal de Bonn. En réaction à cela, il fut, encore en 1933, destitué par les nationaux-socialistes, émigra en Suisse et y travailla comme pasteur. En 1935, il reçut un appel de lUniversité de Bâle. Avec R. Bultmann et M. Dibelius, il est lun des fondateurs de lécole de lhistoire des formes, surtout parce quil a reconnu laspect rédactionnel du cadre de lhistoire de Jésus et de la séquence des péricopes individuelles quelle contient. Dans la RHPR, il a publié un essai sur lecclésiologie et le christianisme primitif, dans lequel il poursuit des études antérieures sur la conception de lÉglise au sein du christianisme originel14 : « Le ministère et les ministères dans lÉglise du Nouveau Testament » (1937) et « Le problème du christianisme primitif » (1938). Un des enjeux de ses études ecclésiologiques consiste à aller au-delà dune opposition, conçue par Karl Holl, entre la conception charismatique de lÉglise de Paul et une conception théocratique juridique de lÉglise dans lÉglise primitive. Contrairement à Holl, il met laccent sur la continuité de lÉglise depuis les origines. Le terme ekklèsia vient de lAncien Testament dans la traduction de la LXX. La communauté chrétienne sest considérée comme une communauté spécifique au sein dIsraël. Jésus lui-même la fondée. La parole relative à la fondation de lÉglise en Mt 16,18 serait historique. À vrai dire, pour K. L. Schmidt, cette parole nétait pas le seul argument en faveur de la thèse selon laquelle lÉglise aurait été fondée par Jésus lui-même : Jésus avait appelé les douze pour quils conduisent lassemblée de Dieu. Une continuité aurait également prévalu pour ce qui est de la postérité du christianisme originel de Paul. Paul a reconnu lÉglise primitive et na combattu que ses prétentions théocratiques, cest-à-dire limportance excessive accordée aux personnes et aux lieux, comme en témoigne limportance excessive accordée aux apôtres et à la ville de Jérusalem. De cette façon, K. L. Schmidt voulait relativiser le contraste entre Paul et lÉglise primitive. Dans lessai de 1937 sur les ministères, il souligne que les énoncés relatifs aux ministères sont très différents et difficiles à démêler, mais il en tire une affirmation très claire : le ministère qui fonde lÉglise nest autre que le Christ lui-même. Si lon veut distinguer trop nettement les différents ministères mentionnés, on manque cette pointe christologique, dont tout provient.

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K. L. Schmidt a été très actif dans la politique ecclésiastique en tant quéditeur des Theologische Blätter. Il publia non seulement la Déclaration de Bultmann contre la discrimination à légard des Juifs, mais aussi, en 1931, une Déclaration des théologiens protestants nationaux Emanuel Hirsch15 et Paul Althaus16, qui fut envoyée à de nombreux organes de publication et dans laquelle ces deux théologiens, hautement respectés à lépoque, voulaient obliger tous les théologiens allemands à nentrer en dialogue avec des théologiens étrangers que si ils protestaient contre « le mensonge de la responsabilité de la guerre17 ». K. L. Schmidt commente cette démarche dans un ajout éditorial et y considère « la déclaration comme impossible (unmöglich) théologiquement, ecclésialement, politiquement et humainement ». Son contenu était le suivant : « Les théologiens allemands, dès lors quils sadressent de manière responsable aux théologiens des peuples qui sont nos ennemis, doivent en toutes circonstances et comme condition sine qua non de toute compréhension et collaboration ultérieures dénoncer la politique menée par ces peuples contre lAllemagne en 1914 ». K. L. Schmidt proteste là contre avec quatre arguments18 :

Cette phrase est théologiquement impossible parce quelle donne à la nature la primauté que seule la grâce peut conférer, et néglige donc le fait que nous, qui pensons et parlons de manière responsable en étant disposés à écouter notre prochain, ne devons pas attendre que le prochain nous écoute. Elle est ecclésialement impossible parce quelle remet en question lunité de lÉglise à partir du point de vue non ecclésial, et donc non objectif, dun conflit humain. Elle est politiquement impossible, car si quelque chose du sort de lAllemagne nest susceptible de recevoir aucune amélioration, ce sont bien les accusations quexige cette déclaration de la part des théologiens allemands. Elle est humainement 146impossible, parce que, en dehors de toute problématique émanant de lÉvangile et de lÉglise, il est intolérable de placer, comme le fait cette déclaration, les rapports avec les autres êtres humains sous le signe dune seule préoccupation, aussi justifiée soit-elle.

La déclaration de K. L. Schmidt a été citée ici parce quelle illustre les difficultés auxquelles la collaboration internationale était déjà confrontée avant 1933. Contre des théologiens comme E. Lohmeyer, R. Bultmann, M. Dibelius et K. L. Schmidt, qui étaient en quête de dialogue avec des théologiens français et publiaient dans des revues françaises, des théologiens de renom comme Emanuel Hirsch et Paul Althaus ont donné le ton. Raison de plus pour remercier la RHPR davoir publié les articles de ces théologiens qui ont prôné une coopération internationale.

Si lon considère la période allant de 1920 à 1940, on constate que ce sont les néotestamentaires les plus significatifs qui ont publié dans la RHPR, à savoir les fondateurs de lhistoire des formes, qui a façonné deux générations dexégètes. M. Dibelius lavait conçue dans son ouvrage Die urchristliche Überlieferung von Johannes den Täufer (1911). Il sest placé sur le plan de la construction en intégrant les nombreuses traditions isolées dans une vision globale du christianisme primitif. R. Bultmann sest situé sur le plan de lanalyse en menant de manière conjointe létude de nombreuses péricopes individuelles. K. L. Schmidt a déconstruit, dans son ouvrage Der Rahmen der Geschichte Jesu. Literarkritische Untersuchungen zur ältesten Jesusüberlieferung (1919), le cadre des évangiles. Il les a en outre classés au sein de la littérature populaire. E. Lohmeyer a également laissé des traces dans lhistoire de la forme. Il a reconnu en lhymne aux Philippiens une tradition reprise par Paul dans son livre Kyrios Jesus. Eine Untersuchung zu Phil. 2,5-11 (1928). Lopposition de tous ces néotestamentaires au national-socialisme est bien attestée. Aux yeux des théologiens protestants nationaux E. Hirsch et P. Althaus, cependant, ils étaient des traîtres à la cause nationale.

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LAPRÈS-GUERRE :
DES CONTRIBUTIONS EN LIEN AVEC LE CONTEXTE LOCAL
ET AYANT UNE PORTÉE PLUS GÉNÉRALE

Ce qui valait avant la guerre sapplique aussi aux théologiens allemands qui ont publié après 1945 dans la RHPR : ils avaient pris leurs distances avec le national-socialisme durant le Troisième Reich ou bien avaient émigré, comme W. G. Kümmel. Ce qui est frappant, cest un changement de thématique et de sujet. Les thèmes liés à lhistoire et à lhistoire de la recherche dominent aujourdhui. Ce sont souvent des sujets qui ont un lien avec Strasbourg et lAlsace. Ce nest pas un hasard. LAlsace a été occupée par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale en 1940 et libérée de la puissance occupante allemande par les Alliés à la fin de 1944 et au début de 1945. Les contributions relatives à lhistoire de lÉglise et à lhistoire de la recherche publiées dans laprès-guerre, rappellent, à partir de deux personnages historiques, Paul Volz et Albert Schweitzer, les liens positifs entre lAlsace et lAllemagne.

W. G. Kümmel (1905-1995)19 avait, auprès de M. Dibelius, développé un travail de séminaire portant sur Romains 7 pour en faire une thèse et avait ainsi obtenu son doctorat en 1928. Après un court séjour en Angleterre, il fut à Marburg, de 1930 à 1932, lassistant de Hans von Soden qui, avec R. Bultmann, avait rédigé la protestation contre lintroduction du paragraphe aryen dans lÉglise en 1933. Kümmel lui-même aurait été visé par ce paragraphe. Il était en effet dorigine juive. Ce fut donc pour lui une chance que dêtre appelé en 1932, avant larrivée au pouvoir des national-socialistes, à Zurich où il a survécu au Troisième Reich. Après la guerre, il fut nommé dabord à Mayence en 1951-1952, puis à Marburg en 1952, en tant que successeur de R. Bultmann. Il a publié deux articles sur Albert Schweitzer dans lhistoire de la recherche et de linterprétation : « “Leschatologie conséquente” dAlbert Schweitzer jugée par ses contemporains » (1957), et « Albert Schweitzer et lapôtre Paul » (1976). Ils sinscrivent tous deux dans le cadre de son travail fondamental sur leschatologie de Jésus. Kümmel avait montré dans son livre Verheißung und Erfüllung (1945) que tant les déclarations présentéistes que les déclarations futuristes que contient la tradition 148relative à Jésus remontent à Jésus lui-même. Une « double eschatologie » caractériserait ainsi sa proclamation, une distinction étant établie entre ce qui se réalise « déjà » et ce qui nest « pas encore » accompli. Kümmel a postulé, déjà chez le Jésus historique, lattente dune phase intermédiaire entre sa mort et la venue finale du règne de Dieu. Dans les ébauches de lhistoire du salut telles que lœuvre double à Théophile, cette phase naurait donc pas été introduite nouvellement, mais simplement dilatée. Avec ce concept dune eschatologie à deux foyers, il se situait en dialogue constructif avec A. Schweitzer, lun des découvreurs de leschatologie rapprochée de Jésus.

En outre, dans laprès-guerre, deux historiens de lÉglise ont publié dans la RHPR, qui avaient tous deux été membres de lÉglise confessante. Robert Stupperich (1904-2003) était né à Moscou et avait grandi en Russie. Il parlait un russe parfait. En plus de la théologie, il avait également étudié lhistoire et les études slaves et avait obtenu son doctorat dans les deux disciplines en 1930 et 1933. En marge de lexercice du ministère pastoral, il avait préparé et obtenu en 1940 une habilitation sur lhistoire de lEurope de lEst et était devenu maître de conférences en 1942. Pendant la période du national-socialisme, il a été collaborateur de lévêque de Berlin-Brandebourg Otto Dibelius et membre de lÉglise confessante. Ses deux essais publiés dans la RHPR sont des contributions avec un lieu local à Strasbourg et à lAlsace.

Le premier article, « Calvin und die Konfession des Paul Volz » (1964), traite dun conflit résolu pacifiquement à Strasbourg à lépoque de la Réformation. Lhumaniste et théologien Paul Volz (1480-1544) avait étudié à Tübingen. Il fut dabord moine à labbaye de Schuttern, près dOffenburg, puis abbé à labbaye alsacienne de Honcourt dans le Val de Villé à partir de 1512. Il était très estimé pour son érudition et sa piété. Érasme de Rotterdam lui dédia son Enchiridion militis christiani en 1518. Pendant la guerre des paysans, Volz senfuit à Sélestat en 1525, mais retourna à son abbaye, entre temps pillée, à la fin de cette même année, la quitta à nouveau en 1526 et trouva finalement refuge à Strasbourg. Il y trouva protection parce quil était soupçonné dinclinations luthériennes. Après que Strasbourg fut devenue une ville protestante en 1529, le magistrat de Strasbourg le nomma prédicateur en 1530. Le conflit fut provoqué par son refus de signer la Concorde de Wittenberg. Il nétait pas très attaché aux dénominations humaines et était proche de Kaspar Schwenkfeld (1490-1561), le représentant dun 149spiritualisme qui mettait en jeu la « parole intérieure » contre la « parole extérieure ». En 1537, Paul Volz fut démis de ses fonctions, mais Calvin réussit à le regagner à la cause protestante. En 1539, il fit volontairement pénitence et fut ensuite réintégré dans son ancien poste. Il mourut, réconcilié avec les prédicateurs de Strasbourg, le 6 juillet 1544, et Bucer prononça son oraison funèbre. La seconde contribution de R. Stupperich, « Strassburg und Münster » (1974), traite des relations des anabaptistes avec Strasbourg et Münster.

La série des contributions historiques de cette époque comprend également larticle de Hans von Campenhausen, « Marcion et les origines du canon néotestamentaire » (1966), une étude préliminaire en vue de son grand travail sur lorigine de la Bible chrétienne (Die Entstehung der christlichen Bibel, 1968). Campenhausen y défend la thèse selon laquelle la protestation contre la Bible de Marcion, qui consistait seulement en un évangile, lÉvangile de Luc, et les épîtres de Paul, a donné limpulsion à la formation du canon. Cest en réaction à Marcion que les quatre évangiles auraient été canonisés et que les lettres de Paul auraient été complétées par les lettres catholiques.

LES DERNIÈRES DÉCENNIES DU XXe SIÈCLE :
DE NOUVELLES APPROCHES
EN THÉOLOGIE ET EN EXÉGÈSE

Si, au cours des deux dernières décennies du xxe siècle, seules deux contributions dauteurs germanophones ont été publiées dans la RHPR, il ne doit pas en résulter une fausse impression. Cest précisément à cette époque que les échanges entre théologiens allemands et français se sont intensifiés. Les symposiums de Strasbourg – Tübingen – Uppsala, auxquels des théologiens des universités de ces trois villes ont collaboré, en sont la preuve20. Cest également à cette époque que des contributions dauteurs allemands ont été publiées dans les Études Théologiques et Religieuses21. Les deux contributions 150dauteurs germanophones dans la RHPR22 sont caractéristiques dun changement survenu dans la théologie, qui est devenu de plus en plus clair depuis 1970 environ : la théologie sest ouverte à de nouvelles questions. Les échanges internationaux se sont intensifiés. Les deux contributions le démontrent également. Larticle de théologique systématique traite de la théologie américaine du process ; celui qui a trait à lexégèse biblique est lune des premières contributions à une exégèse psychologique conduite méthodologiquement.

Michael Welker23 traite, dans « Formes nouvelles de présentation de lidée de Dieu. La philosophie du processus dans la théologie américaine à la suite de Whitehead » (1982), de la compréhension de Dieu dans la théologie américaine du process24. La réalité est, selon cette théologie, constituée dévénements. Les événements découlent dautres événements, qui dépendent à leur tour des événements précédents. Deux perspectives sont possibles : on peut partir dévénements isolés et les comprendre comme des synthèses dévénements précédents ; on peut partir de lenvironnement et des événements précédents et interpréter les événements à partir deux. On constate dès lors que, dune part, chaque événement est radicalement unique et apporte quelque chose de nouveau dans le monde, et, dautre part, quil participe à des structures générales en ce quil relie dautres événements et en ce quil reçoit des impulsions de nombreux événements. Whitehead attribue à Dieu linteraction entre labondance infinie dévénements uniques et la construction dordres complexes. Dieu est la puissance qui détermine la masse des événements, dune part, de sorte quelle sassemble en un événement nouveau et constitue ainsi un événement nouveau. Dautre 151part, Dieu est la force qui, à travers ces événements, introduit des structures ordonnées dans le monde et permet un ajustement entre diversité individuelle et établissement dordres.

Petra von Gemünden25 a donné sa conférence inaugurale à lUniversité de Genève en 1996 sur le thème « Image de Dieu – Image de lêtre humain dans lÉpître aux Romains ». Elle a été publiée en 1997 dans la RHPR et montre comment, dans la Lettre aux Romains, limage de Dieu et celle de lhomme sont transformées parallèlement lune par rapport à lautre. Un Dieu en colère se transforme en un Dieu damour, et parallèlement une personne livrée à ses propres affects agressifs se transforme en une personne qui aime son prochain. Les deux se conditionnent lun lautre. Par lévénement Jésus-Christ, la colère de Dieu se transforme en affirmation inconditionnelle de lhomme. Parallèlement à cela, lêtre humain agressif se transforme en un être social à cause de lamour de Dieu agissant en le Christ. Lidée de base de cet essai a été élaborée par Petra von Gemünden et Gerd Theißen dans leur livre Der Römerbrief. Rechenschaft eines Reformators, paru en 2016, qui propose une interprétation de lÉpître aux Romains dans son ensemble en combinant les approches historique, métaphorique, sociologique et psychologique. Pour cette combinaison des questions, les deux auteurs se réfèrent à Paul Ricœur :

Notre interprétation se fonde sur la combinaison dune approche sémantique des images (bildsemantisch), socio-historique et psychologique, que nous voulons rendre féconde pour une exégèse théologique. Nous sommes conscients quau début lexégèse psychologique et lhistoire sociale ont souvent suscité la méfiance en théologie. Lherméneutique religieuse de P. Ricœur montre cependant quelles peuvent saccorder avec une interprétation théologique. Lidée fondamentale de Ricœur est que les symboles et les images religieuses donnent à penser. Ils tirent leur origine des désirs et des exigences de lhomme. Ils portent donc les traces dune “économie” du pouvoir, de la peur et du désir. Cest là leur archéologie, que lon peut parfois découvrir en remontant aux facteurs psychologiques et sociaux. En même temps, cependant, ils 152pointent vers lavant dans leur téléologie. Ils nous incitent à penser plus loin. Ils permettent à une transcendance dapparaître, qui se révèle en images26, mais ils ne peuvent jamais être pleinement transformés en pensées rationnelles. La finitude et la culpabilité humaines empêchent la transformation des images religieuses en pensées immédiatement évidentes. Ainsi, la « symbolique du mal » de Ricœur revêt-elle un rôle-clé en vue la compréhension des textes religieux27.

Ricœur a plaidé en faveur de la combinaison dune interprétation psychologique et dune interprétation théologique. Lexégèse psychologique a été, à vrai dire, rejetée de manière résolue par de nombreux théologiens au siècle dernier, mais, depuis quelque temps, elle est progressivement acceptée. À cet égard, le protestantisme francophone a été plus ouvert que la théologie germanophone28. Cela est dû à linfluence de Ricœur. Pour ce qui est du retournement général qui sest produit ces dernières années, cest surtout la recherche historique sur les émotions qui y a contribué. Lessai de Petra von Gemünden dans la RHPR a donné une impulsion à ce développement, avant même que lapproche psychologique ne soit reconnue en exégèse.

LE NOUVEAU SIÈCLE : ORIENTATION NOUVELLE
SUR DES QUESTIONS FONDAMENTALES

Depuis le début du siècle, le nombre de publications dauteurs germanophones dans la RHPR a considérablement augmenté. Cela reflète lune des évolutions les plus positives de lhistoire européenne : un échange croissant dans tous les domaines de la science. Cest aussi le résultat de conventions institutionnelles. Les publications émanent de théologiens des facultés de théologie protestantes voisines de la France : Tübingen, Heidelberg et Mayence. À Tübingen et Heidelberg, les contacts sont institutionnellement assurés par des conventions ; à Mayence, par une institution renommée. Depuis 2005, lhistorienne de lÉglise Irene Dingel y dirige le département 153dhistoire religieuse occidentale de lInstitut Leibniz dhistoire européenne (Leibniz Institut für Europäische Geschichte). Dans ce qui suit, nous nous concentrons sur trois domaines principaux. Le premier est la Bible, conçue comme texte canonique normatif ; le second, lhistoire de la Réformation, envisagée comme phase constitutive du protestantisme ; le troisième, les questions fondamentales dune christologie et dune théologie systématique pour notre temps29.

La Bible est le fondement de la théologie chrétienne. On nie souvent que ses textes puissent être présentés dans une histoire littéraire. Le Nouveau Testament est, en tant que littérature originelle (Urliteratur), une création sans analogie du christianisme primitif, en tant que petite littérature (Kleinliteratur), un produit de classes inférieures très éloignées de la littérature, et, en tant que littérature issue de la Koinè (Koineliteratur), partie dune littérature particulière. Quoi quil en soit, on nest pas parvenu à discerner les phases de sa genèse littéraire. Gerd Theissen, « Les quatre phases de la naissance du Nouveau Testament. Esquisse dune histoire de la première littérature chrétienne » (2007), propose den distinguer quatre : charismatique, pseudépigraphe, fonctionnelle et canonique. Les débuts du Nouveau Testament remontent aux deux charismatiques Jésus et Paul. Les traditions orales relatives à Jésus sont devenues des évangiles par le biais de la mise par écrit ; les lettres de Paul sont devenues « littérature » en tant que collection de lettres. Ces écrits ne constituaient pas une « littérature originelle » au sens où ils constitueraient une création sans analogie. Au contraire, les évangiles en tant que bioi avaient des modèles dans la littérature païenne. Paul a transformé la lettre privée en lettre communautaire. Son épître aux Romains se trouve au seuil des écrits conçus pour un vaste public. Paul et lévangéliste Marc ont créé les deux formes fondamentales de la littérature chrétienne primitive. Tous deux représentent la phase charismatique de la littérature chrétienne primitive, laquelle a été créée directement et indirectement par deux charismatiques : Paul et Jésus. Dans la phase pseudépigraphique de la deuxième génération du christianisme primitif, des lettres ont été écrites au nom de Paul et des évangiles ont été écrits en recourant à lautorité de Jésus. À partir de là, les textes écrits dans la première phase ont été imités. Les lettres deutéropauliniennes sont des auto-interprétations fictives 154de Paul ; les évangiles post-synoptiques sont des auto-interprétations fictives de Jésus : Jésus est figuré, dans lévangile de Jean, comme messager de lamour de Dieu et, dans lévangile de Thomas, comme médiateur dune connaissance supérieure. Dans la phase fonctionnelle, lautorité des auteurs a été renforcée par le poids propre des genres littéraires : la Lettre aux Hébreux est un discours ; les Actes des Apôtres sont un ouvrage historiographique ; lApocalypse est un livre de révélation. Ils ne sont pas entrés dans le canon en raison de leur forme. LÉpître aux Hébreux fut plutôt canonisée dans le sillage des épîtres pauliniennes, les Actes des Apôtres comme suite de lévangile de Luc, et lApocalypse comme partie du corpus johannique. Dans la phase canonique, les fondements du canon ont été posés. Le rejet de Marcion a conforté le consensus chrétien précoce en fonction duquel il y a quatre évangiles au lieu dun seul et des lettres de plusieurs apôtres au lieu du seul Paul. Par-dessus tout, Marcion a renforcé indirectement le consensus selon lequel lAncien Testament a rang canonique au côté du Nouveau Testament. Les quatre phases de lhistoire littéraire reflètent le chemin qui mène des débuts charismatiques à une Église institutionnalisée. Sur ce chemin, les frontières entre charisme et institution, entre classe inférieure et classe supérieure, entre judaïsme et paganisme ont été franchies. Ces écrits étaient la littérature dune petite sous-culture qui se comprenait comme le germe dune nouvelle humanité. Lhistoire littéraire et formelle du Nouveau Testament manifeste que le Dieu dont témoignent ses différents écrits veut être un Dieu de tous les peuples. On peut considérer les « Saintes Écritures », qui lui rendent témoignage, comme de la littérature. Car la littérature a toujours une valeur spécifique (Eigenwert) qui va au-delà de la valeur pratique (Gebrauchswert) des textes. Considérer le Nouveau Testament du point de vue de lesthétique est donc théologiquement approprié. La valeur spécifique de cette littérature renvoie au Dieu seul et unique, qui représente une valeur spécifique absolue.

Lanniversaire de la Réformation en 2017 a été loccasion pour tout le protestantisme de faire un bilan autocritique. Il est incontesté que la Réformation a changé le monde. Cest ce que montre Irene Dingel dans « Un monde en transition. Linfluence de la Réforme sur la théologie, la société et la politique » (2017).

Mais en même temps, la Réformation a aussi divisé le monde chrétien, et pas seulement en un monde catholique et protestant. De fait, le monde protestant aussi a vite perdu son unité. Il sest scindé en 155une aile luthérienne et une aile réformée. La confession la plus importante des réformés est devenue le Catéchisme de Heidelberg. Elle a été écrite par Zacharias Ursinus, un élève de Philipp Melanchthon, qui a également été influencé par lÉglise réformée suisse. Il avait rendu visite à Jean Calvin à Genève et était en contact étroit avec Heinrich Bullinger à Zurich. Il élabora lébauche du Catéchisme de Heidelberg en 1563. Ce catéchisme était censé unir les différentes ailes du protestantisme, mais il est devenu ensuite une confession des réformés. Christoph Strohm, dans « Le Catéchisme de Heidelberg : sa naissance, son profil théologique et lhistoire de sa recherche » (2013), élabore le profil théologique du Catéchisme de Heidelberg. Le protestantisme français a probablement joué un rôle dans son émergence. À cette époque, le Palatinat avait accueilli des réfugiés des Pays-Bas et de France qui avaient été précédemment rejetés à Francfort parce que les luthériens y rejetaient la doctrine réformée relative à la Cène. Dès lors, lÉlecteur palatin leur offrit refuge et leur orateur, Peter Dathenus, est devenu lun de ses plus importants conseillers théologiques. Dathenus a été récemment soupçonné à nouveau davoir introduit dans le catéchisme la question 80 avec la condamnation sévère du sacrifice de la Messe comme « maudite idolâtrie » (vermaledeite Abgötterei). Cela nest pas sûr. Il y a beaucoup darguments en faveur de lhypothèse traditionnelle selon laquelle cest Olevianus qui est responsable de cette insertion30. Cela étant, il est certain que la question 80 nest pas seulement une critique de la messe catholique, mais aussi de la doctrine luthérienne de la présence réelle du Christ dans le pain et le vin. La question 80 confesse, dans sa première partie, que le Christ « se trouve maintenant, avec son vrai corps, au ciel à la droite du Père ». Dans la deuxième partie, elle rejette donc que « le Christ se trouve corporellement sous les espèces du pain et du vin et quil doive par conséquent y être adoré31 ». Car son corps est au ciel et ne peut être simultanément sur la terre. Tout cela est également dirigé contre lenseignement luthérien de la présence réelle dans, avec et sous le pain.

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Comme on le sait, la Réformation avait un côté très sombre. Il se manifeste dans la position de Luther à légard du judaïsme. En 1523, à ses débuts, Luther avait écrit un opuscule très positif sur les Juifs : Que Jésus-Christ est né juif. Il y prônait une mission non-violente en direction des Juifs et leur intégration sociale. Ses écrits plus tardifs, par contre, sont emplis de haine contre les Juifs. Même sa toute dernière prédication est anti-juive. Elle fait lobjet de larticle de Matthias Morgenstern, « Le dernier sermon de Luther (14 ou 15 février 1546) et son “admonestation contre les juifs” » (2017).

La contribution de Morgenstern sinscrit déjà dans le débat contemporain sur le pluralisme religieux. La relation entre le christianisme et le judaïsme a un rôle particulier en son sein. Mais au-delà de cela, ce qui est en jeu, cest la relation du christianisme avec toutes les religions. Beaucoup doutent que la religion chrétienne, avec sa revendication dabsoluité concentrée sur le Christ, soit capable de développer un véritable pluralisme. Cest pourquoi on a proposé que, pour le dialogue interreligieux, il fallait sacrifier la « haute christologie » et renoncer à la « possession christologique ». Gerd Theissen, « La foi en Jésus-Christ relie-t-elle ou sépare-t-elle les religions ? Réflexions sur la christologie dans le pluralisme religieux » (2016), tente, à lopposé dune telle démarche, de justifier le dialogue religieux pluraliste précisément à partir du Christ, centre de la foi chrétienne. La recherche historico-critique moderne a montré que Jésus sest distingué de Dieu. Au centre de son message se trouve lannonce du règne de Dieu, cest-à-dire lattente que le Dieu seul et unique Dieu prévaudra bientôt. Sa proclamation constitue ainsi un pont en direction des autres religions monothéistes occidentales. Mais le Jésus historique a été transformé par le Vendredi Saint et Pâques en le Christ kérygmatique, qui trône au côté de Dieu. Seul ce Christ élevé a part à lomniprésence de Dieu et peut être présent partout dans le cœur des hommes. Lui seul rend possible une mystique du Christ. Lui seul peut être présent partout dans le cosmos. De cette manière, le Christ élevé auprès de Dieu ouvre un accès possible aux religions mystiques et cosmiques orientales. Contrairement à une idée répandue, cest précisément la christologie qui peut ouvrir et faciliter laccès à dautres religions pour les chrétiens.

Notre survol se termine par un article important de Michael Welker sur la question suivante : « Quest-ce qui constitue la théologie en tant que telle ? » (2016). Il évite consciemment une fixation sur un seul critère, mais plaide pour une « pluralité structurée » des 157principes. Il distingue trois facteurs par lesquels la théologie acquiert un poids normatif : les fondements de la foi, lÉglise en tant que cadre social et la personnalité des théologiens individuels. Les fondements indispensables de la théologie sont une conception intégrative de Dieu, le canon biblique et les écrits confessionnels. À ces éléments centraux sajoute lÉglise en tant que cadre institutionnel. Welker comprend les Églises comme des communautés en quête de vérité et de justice. Elles requièrent du théologien un éthos professionnel et un intérêt pour leur cadre institutionnel. Mais elles exigent aussi plus. En troisième lieu, Welker mentionne comme conditions préalables individuelles indispensables pour le théologien une piété personnelle et une foi vivante qui peut être partagée avec les autres.

Les communications présentées se veulent des exemples déchanges didées entre théologie francophone et théologie germanophone. Il y aurait encore beaucoup plus à dire. Plusieurs ouvrages collectifs ont résulté de rencontres communes, parmi lesquels nous nen mentionnerons quun seul : un dialogue sur linfluence du grand philosophe protestant français Paul Ricœur32, connu en Allemagne, mais reçu unilatéralement. Le conflit herméneutique entre une interprétation de la tradition religieuse qui préserve le sens et une autre qui le détruit constituait pour lui une caractéristique de la situation contemporaine. Dans la théologie germanophone, beaucoup de ses réflexions sur lherméneutique ont été reprises, mais pas cette idée directrice de sa philosophie. Aucun philosophe de la religion nest aussi utile pour sorienter dans le monde spirituel de la modernité que Paul Ricœur.

Un survol de 100 ans de la Revue dHistoire et Philosophie Religieuse montre ceci : léchange entre la théologie protestante des deux pays a commencé dans lentre-deux-guerres, dans des circonstances politiques difficiles. Il devait tenir bon et résister face à lopposition dun protestantisme national-socialiste allemand soumis à une idéologie funeste. Aujourdhui, la situation a radicalement changé. Dans le cadre de lUnion européenne, les échanges scientifiques internationaux sont devenus plus faciles. Strasbourg joue à cet égard un rôle central dans la théologie – non seulement parce que lAlsace constitue un pont entre les langues et les cultures allemande et française, mais aussi parce que Strasbourg est un centre de la pensée européenne.

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Welker, Michael, « Formes nouvelles de présentation de lidée de Dieu. La philosophie du processus dans la théologie américaine à la suite de Whitehead », RHPR 62, 1982/1, p. 23-47.

Welker, Michael, « Quest-ce qui constitue la théologie en tant que telle ? », RHPR 96, 2016/4, p. 423-437.

Wolgast, Eike, « Pax Optima Rerum. Theorie und Praxis des Friedensschlusses in der Neuzeit », Jahrbuch der Heidelberger Akademie der Wissenschaften für 2007, Heidelberg, 2008, p. 37–59.

1 Wolgast, 2008.

2 Pour beaucoup dAllemands, la France était encore « lennemi héréditaire ». La plupart des Allemands ne voulaient rien savoir des crimes de guerre des troupes allemandes en Belgique et en France. Herbert, 2014, p. 119 : Il y a eu « des attaques brutales contre des civils belges, qui auraient tué plus de 5000 personnes. À Louvain, larmée allemande détruisit une grande partie de la ville, dont la célèbre bibliothèque. Ces horreurs de guerre ont compromis le leadership allemand. »

3 Lohmeyer, 1926.

4 Sur sa vie et son œuvre, voir Koehn, 2004.

5 Cf. Wikipedia. Art. « Ernst Lohmeyer », consulté le 28.10.2019.

6 R. Bultmann la rapidement publié aussi en langue allemande : Bultmann, 1933a. Sur la vie et lœuvre de Bultmann, voir Hammann, 2009.

7 Voir le texte de cette déclaration dans : Bultmann, 1933b, reproduit dans : Bultmann, 2002, p. 172-180.

8 Voir le texte dans Greschat – Krumwiede, 1999, p. 103.

9 Bultmann, 2002, p. 194.

10 Au sujet de Dibelius, voir Bringeland, 2013 et 2014.

11 Dibelius, 1930.

12 G. Dehn (1882-1970) est devenu pasteur après sa révocation des fonctions universitaires. À lépoque du national-socialisme, il a été emprisonné deux fois. En tant quétudiant, jai lu à haute voix pour G. Dehn, qui était à moitié aveugle. Dans Dehn, 1964, p. 247-262, il rend compte lui-même de l« affaire Dehn ». Voir aussi lenquête de Bizer, 1957.

13 Un hommage lui est rendu dans Vielhauer, 1968. Il est reproduit et légèrement abrégé dans K. L. Schmidt, 1981, p. 13-36.

14 K. L. Schmidt, 1927.

15 Emanuel Hirsch (1888-1972) était un « chrétien-allemand » (Deutscher Christ) et un partisan actif de lidéologie et de la politique du national-socialisme. Il adhéra en 1937 au NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei) depuis 1937. Il a combiné une « théologie libérale » moderne avec un positionnement politique autoritaire. Il a été conseiller théologique de lévêque impérial national-socialiste Ludwig Müller. Sur E. Hirsch, voir Birkner, 1986 ; Herms, 2000 ; sur son activité politique, voir Ericksen, 1985.

16 Paul Althaus (1888-1966) était théologien luthérien en poste à Erlangen. Il a adopté le national-socialisme en raison de son propre positionnement nationaliste allemand et a préconisé lintroduction dun paragraphe aryen dans lÉglise. Voir Graß, 1978 ; Assel, 1998 ; sur son activité politique, voir Ericksen, 1985.

17 Voir la reproduction de cette déclaration et la prise de position éditoriale de K. L. Schmidt à son endroit dans : Vielhauer, 1968, respectivement aux p. 33-35 et 35-36.

18 Selon Vielhauer, 1968, p. 36.

19 Gräßer, 2008.

20 Les symposiums des Facultés de Tübingen, Strasbourg et Uppsala sont illustrés par : Philonenko, 1993 ; Kieffer – Bergman, 1997 ; Hengel, 2000a ; Grappe, 2004 ; Hultgard 2009 ; Tilly – Morgenstern – Drecoll, 2016. Les actes des symposiums entre les Facultés de Heidelberg et de Strabourg sont publiés dans : Lienhard – Grappe, 2010 ; Frey – Grappe – Lehmkühler – Lienhard, 2013 ; Lienhard – Grappe, 2017.

21 Voir Gemünden, 1995 ; Theissen, 2008.

22 Les deux auteurs ont une bonne connaissance du français grâce à leur formation scolaire. M. Welker a fréquenté un lycée français à Berlin ; Petra von Gemünden sest rendue à plusieurs reprises dans sa famille daccueil en France dans le cadre dun échange scolaire.

23 Michael Welker est né à Erlangen en 1947 et a grandi à Berlin et à Grünstadt dans le Palatinat. Il a obtenu son doctorat en théologie systématique à Tübingen, avec Jürgen Moltmann comme directeur de thèse, en 1973 et son doctorat en philosophie, avec Dieter Henrich comme directeur de thèse, à Heidelberg en 1978. En 1980, il a obtenu son habilitation à Tübingen avec une thèse sur A. N. Whitehead. Il a enseigné la théologie systématique à Tübingen (à partir de 1983), puis à Münster (à partir de 1987), et à Heidelberg (à partir de 1993). Depuis 2013, il est Professeur Senior et Directeur du Centre de Recherche Théologie Internationale et Interdisciplinaire (FIIT) à Heidelberg. Ses publications couvrent un large éventail de sujets : pneumatologie, christologie, Création et anthropologie, théologie et sciences naturelles, ecclésiologie, religion et droit, résurrection, repas du Seigneur.

24 Voir sa thèse dhabilitation : Welker, 1981.

25 Petra von Gemünden est née à Nuremberg en 1957. Elle a étudié à Heidelberg, Montpellier et Erlangen et a obtenu son doctorat en 1989 avec une thèse sur La métaphore de la végétation dans le Nouveau Testament, préparée sous la direction de Gerd Theißen à Heidelberg. De 1989 à 1992, elle a été pasteure à Cobourg ; de 1992 à 1994, assistante dA. Lindemann à la Kirchliche Hochschule de Bethel. Elle a été nommée à lUniversité de Genève en 1994, puis à lUniversité dAugsbourg en 2002. Elle a travaillé sur les métaphores, liconographie et est lune des initiatrices dune exégèse psychologique conduite méthodologiquement. Plusieurs de ses publications sur la psychologie historique sont rassemblées dans : Gemünden, 2009.

26 Sur lherméneutique de P. Ricœur, voir, en allemand, Luz, 2016, p. 372-381, Ricœur a été reçu en Allemagne de manière très unilatérale dans le champ de lherméneutique biblique. Voir Theissen, 2013.

27 Theißen – Gemünden, 2016, p. 23.

28 Pour preuve, je me réfère à mon recueil darticles marqués par des approches sociologiques et psychologiques, paru en français : Theissen, 2008.

29 Pour information, voici, dans leur ordre chronologique, les articles dont nous navons pas rendu compte : Hengel, 2000 ; Theissen, 2012 ; Oeming, 2013 ; Dingel, 2014 ; Gertz, 2014 ; M. Morgenstern, 2015.

30 La thèse de Schreiber, soutenue à Heidelberg en 2016, a rassemblé des arguments en faveur du fait quOlevianus a non seulement suggéré linsertion de la question 80 dans le Catéchisme de Heidelberg par lélecteur Friedrich III, mais a également été impliqué dans sa formulation. Il connaissait la traduction néerlandaise de la confession de foi de Théodore de Bèze, dans laquelle la messe est appelée vermalendyde afgoderye. Cela aurait pu être le modèle pour la condamnation de la Messe comme « maudite idolâtrie » dans la question 80 du Catéchisme de Heidelberg.

31 Cette phrase en italique na été insérée que dans la 3e édition du Catéchisme de Heidelberg – avec lajout à la fin “et une maudite idolâtrie”.

32 Voir Frey – Grappe – Lehmkühler – Lienhard, 2013.