Lettres et notes
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
2021 – 2, n° 12. varia - Pages : 181 à 269
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
lettres ET Notes
I. Correspondance entre Jean de Largentaye et John Maynard Keynes (1938-1946) 186
II. Lettres des Éditions Payot à Jean de Largentaye (1938-1941) et Notes de Jean de Largentaye relatives à la publication de la Théorie générale (1939 et 1942) 237
III. Correspondance entre Jean de Largentaye et Piero Sraffa (1967) 244
IV. Notes de Jean de Largentaye au ministère des Finances (1937-1938) 248
182INTRODUCTION
Cette dernière partie du dossier « La Théorie générale de J.M. Keynes : une traduction révélatrice » se compose de quatre ensembles.
Le premier concerne les originaux des lettres de Keynes adressées à Jean de Largentaye. Ils proviennent d’un don d’Inés de Largentaye, épouse du traducteur, au fonds Keynes Papers du King’s College à Cambridge (G-B). Les lettres que Largentaye adressa à Keynes et dont les copies-carbone n’ont pas toutes été conservées par leur auteur, sont issues des archives de King’s College. La collection compte 38 lettres au total, écrites entre 1938 et 1946. Deux d’entre elles, cependant, ont dû être reconstituées.
La plupart des échanges sont en anglais, une langue parfaite naturellement s’agissant des lettres de Keynes mais laborieuse en ce qui concerne Largentaye. Une seule lettre de celui-ci à Keynes a été écrite en français.
Sauf indication contraire, la reprise de cette correspondance a été respectée à la lettre en conservant d’éventuelles coquilles ou erreurs. De façon générale, les lettres ont été dactylographiées. Si les auteurs ont porté des mentions manuscrites ou bien lorsque les lettres furent manuscrites, l’italique a été utilisé.
Ces lettres sont presque toutes remises dans leur contexte et commentées en particulier dans le deuxième article, « Jean de Largentaye et Payot, 1938-1942 », et dans le troisième, « Le lexique français de The General Theory de Keynes ». Lorsque des précisions ont semblé nécessaires, elles ont fait l’objet de notes de bas de page.
L’édition de ces lettres nous fait revivre les étapes de l’aventure de la traduction qui dura dix-sept mois, de février 1938 à juin 1939. Lancée le 31 janvier 1938, elle est pleinement achevée en juin 1939. Plusieurs observations découlent de cette correspondance.
Tout d’abord son rythme soutenu. L’écart entre la date d’une lettre et celle de sa réponse est parfois inférieur à quatre jours, autrement dit l’échange avait souvent lieu par retour de courrier si l’on prend en compte le délai d’acheminement postal.
Deux conclusions peuvent en être tirées, la première est que Keynes était impatient de rendre son ouvrage accessible au public français ; la seconde, qu’il suivait au plus près l’avancée du travail de son traducteur, 183veillant jalousement au rendu en français de ses conceptions. Ce ne fut le cas ni de la traduction allemande de Fritz Weiger terminée en décembre 1936, ni de la traduction japonaise, effectuée en 1936 mais pour laquelle on ne connaît pas de correspondance entre le traducteur et Keynes.
Par ailleurs, la lecture des lettres dans leur continuité révèle un changement graduel des rapports entre Keynes et son traducteur. Les premières lettres de Keynes montrent une certaine défiance : Keynes avançait lui-même les termes en français qui lui paraissaient les plus adéquats pour rendre compte de sa pensée, il recourut à l’aide de Piero Sraffa. Au troisième mois de la traduction, en mai 1938, celui-ci porta un jugement sévère sur les capacités de Largentaye dont curieusement il qualifia le français de « dog French ». Keynes demanda alors à Largentaye de recourir aux conseils d’Étienne Mantoux qui avait pourtant éreinté The General Theory dans la Revue d’économie politique, le confondant avec son père, traducteur lors des négociations du traité de Versailles.
Mais de lettre en lettre, le ton changea. Un rapport de confiance s’établit, Keynes reconnut en Largentaye non plus un simple traducteur mais quelqu’un qui avait compris sa pensée et les difficultés à l’exprimer. La bonne qualité de la traduction du chapitre 17, « Les propriétés essentielles de l’intérêt et de la monnaie », le stupéfia (lettre de Keynes du 12 novembre 1938).
La conséquence se manifesta dans les lettres qui suivirent. Keynes prit en considération les demandes d’éclaircissement, il consentit aussi à préciser certains développements et accepta enfin de corriger certaines erreurs qui s’étaient glissées dans le texte anglais. L’exemple le plus net pourrait être l’échange de lettres au printemps 1939. Il écrivait le 3 avril : « Oui, vous avez raison, je me suis embourbé. Mais il n’est pas facile de corriger les choses en quelques mots1. » Au total, Keynes accepta de faire une demi-douzaine de modifications de son texte dans la version française2.
La relation entre eux deux est passée de celle d’un auteur qui se méfie et soupèse son traducteur pendant les huit premiers mois de la traduction à celle d’égal à égal pendant les cinq mois qui suivent et 184enfin à une situation de complicité et de respect de Keynes à l’égard de Largentaye pendant les quatre derniers mois jusqu’en juin 1939. La lettre de Keynes du 22 juin 1939 montre clairement que pour Keynes, comme pour Largentaye, le travail était terminé, y compris pour les deux préfaces (celle de Keynes pour l’édition française et celle du traducteur). The General Theory était traduite en français.
Il restait à la publier. Ce fut une autre histoire. La traduction avait demandé dix-sept mois, la publication demanda trois ans.
Cette histoire, objet de l’article « Jean de Largentaye et Payot, 1938-1942 », s’appuie sur les échanges entre les éditeurs Macmillan & Co. (l’éditeur anglais de Keynes) et Payot d’une part, entre Payot et Largentaye de l’autre. Cette dernière correspondance – soit trois lettres entre mars 1938 à mai 1941 – appartient aux archives de la famille du traducteur. Elle a été reproduite ci-après. Elle porte d’abord sur le contrat proposé en mars 1938 au traducteur – un forfait de 5 000 francs3 – puis à partir de mai 1941, aux retards dus aux conditions imposées par l’occupant allemand. Sont également reproduits, dans ce deuxième ensemble, deux documents rédigés par Jean de Largentaye à la demande de Payot et restés inédits : un court texte datant de 1939 destiné à promouvoir la traduction et une Note pour le ministère des Finances afin de justifier auprès des autorités allemandes la publication de l’édition française de l’œuvre de Keynes.
Le troisième ensemble se compose des lettres échangées entre Piero Sraffa et Jean de Largentaye. Lors de la réédition de la Théorie générale dans une édition de poche en 1969 ce dernier revint sur sa traduction ce qui l’amena à signaler quelques « erreurs » dans l’édition originale et suggérer leur correction.
Deux Notes de Jean de Largentaye, jusqu’ici inédites, composent le quatrième ensemble.
La première Note, du 27 mai 1937, rédigée par Largentaye, est signée par Jacques Rueff, Directeur du Mouvement général des fonds. La Note entendait apporter des arguments au ministre des Finances afin de répondre à une interpellation selon laquelle une « asphyxie monétaire » paralysait l’économie française. Elle conclut qu’une telle « asphyxie monétaire » n’existait pas. La véritable cause de l’atonie de l’activité était l’absence de perspectives de débouchés pour les entreprises. La 185seconde Note, datée du 15 mars 1938, est signée de Jean de Largentaye. Il y explique comment l’Allemagne parvient à financer ses dépenses d’armement considérables sans provoquer d’inflation. Ces deux notes ont un statut différent : la première incita Jean de Largentaye à prendre connaissance de The General Theory puis à écrire à Keynes, le 31 janvier 1938 pour lui proposer de la traduire, la seconde fut rédigée en pleine connaissance de l’ouvrage.
186I.
CORRESPONDANCE ENTRE Jean de Largentaye
ET John Maynard Keynes (1938-1946)
1. Lettre de Largentaye à Keynes du 31 janvier 1938 188
2. Lettre de Keynes à Largentaye du 7 février 1938 189
3. Lettre de Largentaye à Keynes du 4 avril 1938 190
4. Lettre de Keynes à Largentaye du 9 avril 1938 191
5. Lettre de Largentaye à Keynes du 8 mai 1938 192
6. Lettre de Keynes à Largentaye du 2 juin 1938 194
7. Lettre de Largentaye à Keynes du 11 juin 1938 198
8. Lettre de Keynes à Largentaye du 17 juin 1938 200
9. Lettre de Largentaye à Keynes du 26 octobre 1938 201
10. Lettre de Largentaye à Keynes du 7 novembre 1938 203
11. Lettre de Keynes à Largentaye du 12 novembre 1938 203
12. Lettre de Largentaye à Keynes du 14 novembre 1938 205
13. Lettre de Largentaye à Keynes du 23 novembre 1938 205
14. Lettre de Keynes à Largentaye du 22 décembre 1938 208
15. Lettre de Largentaye à Keynes du 4 janvier 1939 210
16. Lettre de Keynes à Largentaye du 21 février 1939 (avec la Préface) 211
17. Lettre de Largentaye à Keynes du 7 mars 1939 211
18. Lettre de Keynes à Largentaye du 13 mars 1939 214
19. Lettre de Largentaye à Keynes du 28 mars 1939 216
20. Lettre de Keynes à Largentaye du 3 avril 1939 218
21. Lettre de Largentaye à Keynes du 30 avril 1939 219
22. Lettre de Keynes à Largentaye du 10 mai 1939 221
23. Lettre de Largentaye à Keynes du 26 mai 1939 222
24. Lettre de Largentaye à Keynes du 19 juin 1939 (reconstituée) 223
25. Lettre de Keynes à Largentaye du 22 juin 1939 224
26. Lettre de Largentaye à Keynes du 12 mai 1940 225
27. Lettre de Keynes à Largentaye du 19 mai 1940 226
28. Lettre de Largentaye à Keynes du 28 juin 1941 227
29. Lettre de Keynes à Largentaye du 13 juillet 1941 228
30. Lettre de Largentaye à Keynes du 27 décembre 1941 229
18731. Lettre de Keynes à Largentaye le 8 janvier 1942 230
32. Lettre de Largentaye à Keynes le 29 juin 1942 231
33. Lettre de Keynes à Largentaye du 10 juillet 1942 232
34. Lettre de Largentaye à Keynes le 4 décembre 1942 232
35. Lettre de Keynes à Largentaye du 3 mars 1943 233
36. Lettre de Largentaye à Keynes le 21 juin 1943 (reconstituée) 234
37. Lettre de Keynes à Largentaye du 1er juillet 1943 235
38. Lettre de Keynes à Largentaye du 5 janvier 1946 236
188Lettre 1. 31 Janvier 1938
Jean de Largentaye
Ingénieur,
Ancien élève de l’École Polytechnique,
Inspecteur des Finances
Paris, 31st January, 1938.
Dear Sir,
For several years past I have been constantly puzzled by the exact nature of “inflation” and the limit beyond which the increase of means of payment must be deemed to constitute a veritable inflation. It was because I could not discover the answer to this fundamental question in monetary studies that I was led to consult your “General Theory of Employment, Interest and Money”.
As soon as I read it for the first time, this work enlightened me considerably on the subject, and now that I have read it again and thought it over ripely, your general theory appears to me in all its pristine clarity and appositeness. In consequence, I cannot do otherwise than deplore the fact that your work should be so little known and so ill understood in France, as is proved by the recent critical analysis by Mr. Mantoux in the “Revue d’Économie Politique” for December 1937. The wide distribution of your work in France, by contributing to dissipate the errors which are so deeply anchored in the public mind, would certainly facilitate a solution of the difficulties in the midst of which our country is at present struggling, and would efficiently serve the interests mentioned by you on pages 380 and 381. It is for this reason that the lack of a translation of your “General Theory” into the French language appears to me particularly regrettable, and this is why I am taking the liberty of suggesting to you that this gap be filled.
I am an engineer ; I graduated from the French Polytechnical School in 1923. Having been forced to change my occupation by reason of the economic crisis, I passed the competitive examination for the position of Inspector General of the Financial Department in 1931. Since that time I have held several government posts, and at the present time am attached to the Treasury Department. I take the liberty of mentioning 189these references solely in order to assure you of my correct apprehension of your ideas and of the true translation and clear expression of the same in French.
I need scarcely add that I should consider it an honor if you would place on me the responsibility of translating your work into French. Should you be willing to consider the matter further, I should be glad to go to England in order to be introduced to you personally.
Believe me, dear Sir, with the expression of my admiration,
Yours very truly,
J. de Largentaye
Mr. J.M. Keynes,
C/o The Secretary,
Royal Economic Society,
4, Portugal Street,
London, W.C.2.
Lettre 2. 7 février 1938
Jean de Largentaye Esq.,
29 Avenue Henri Martin,
Paris, xvi.
Tilton,
Firle, Sussex
February 7, 1938
Dear Sir,
I have to thank you for your letter concerning the possibility of a French translation of my book on the General Theory of Employment. In reply, I have to say that I find it advisable in the case of translations of my books only to discuss the matter with responsible publishers. In this connection, I may mention that Messrs Payot have written to me once or twice mentioning their interest in a French translation, but so far the matter has not proceeded further. The obstacle, I think, lies in the length 190of the book. Messrs Payot would feel happier in producing an abridged-version for French circulation, and that is not so easily accomplished.
Possibly, however, you might think it worth while to get in touch with Messrs Payot.
Yours very truly,
J.M. Keynes
Lettre 3. 4 avril 1938
Mr. J.M. Keynes,
Tilton,
Firle, Sussex.
Paris, 4th April 1938.
Dear Sir,
I have the honor to inform you that the publisher “PAYOT” has asked me to translate into French your work : “The General Theory of employment, interest and money”. I set to work immediately and seeing the extreme urgency of the translation I will try to finish it as soon as possible.
I would be grateful to you if you would, as soon as now, send me your suggestions for the French version of your work. I point out to you that in page 283 I did not grasp the manner in which you transform the next to last equation into the last equation. Perhaps it would be necessary to give a supplementary explanation for the best of the French reader. The rest of the work was quite clear to me. But if I had doubts as to the exact meaning of your thought I would take the permission of seeking advice.
I was told your health was not good on lately. If this information be correct, here are my wishes for your prompt recovery.
Believe me,
Yours very truly.
J. de Largentaye
191Lettre 4. 9 avril 1938
Monsieur Jean de Largentaye
29 Avenue Henri Martin,
Paris, xvi.
Tilton,
Firle, Sussex
April 9th, 1938.
Dear Sir,
I am much interested to hear from you that Messrs Payot have invited you to prepare the French translation of my General Theory. I shall certainly be interested to see the result and to help you so far as I can in any of your problems.
The most important task, I think, is to obtain suitable equivalents for my set of technical terms. My German translator took particular trouble about this and in fact supplied, at the end of the volume, a table of the equivalents between English and German of the terms he had adopted. I think it might be useful if you would let me have a list of your suggestions in this respect.
As regards your difficulty on page 283, I am not quite clear what it relates to. Does it refer to the second footnote at the bottom of the page, or the equation in the text ? If it relates to the footnote, is it the first equation or the transition from the first equation to the second which perplexes you ?
I am still not in good health and unable to undertake much work. But I shall be interested to have reports of your work from time to time and specimens of characteristic passages.
Yours very truly,
J.M. Keynes
192Lettre 5. 8 mai 1938
Paris, 8th May 1938.
Dear Sir,
Let me thank you for your letter of the 9th of April. Here are my wishes for a prompt recovery.
I am sending you with this letter the first draft of my translation of chapter 11, which I have just finished ; and I have also added the list of words which seem the most proper to translate your set of technical terms. Would you be as kind as to let me have your remarks and criticisms as both draft and list.
Page 129, line 16, I do not understand the precise meaning of “the gold mining involves the disutility of labour” ; and I would be grateful if you would send me a brief explanation.
Page 283, end of the second footnote, I did not understand the manner in which you pass from the equation
to the equation
Yours very truly,
J. de Largentaye
Mr. J.M. Keynes
Tilton
Firle, Lewes.
Great-Britain
193Lettre 5 (suite). 8 mai 1938
Projet de Table de correspondance
entre le texte original et la version française
de l’ouvrage de M. KEYNES
“The General theory of employment – Interest and Money”4
-----------------------
Aggregate – collectif ou total
Capital, schedule of marginal efficiency of – barême de l’efficacité marginale du capital
Consume, propensity to – tendance à consommer
Demand effective – demande réelle
Disinvestment – réalisation
Disutility – importunité
Employment – Occupation ou travail ou emploi
Employment, full – occupation complète
primary – occupation primaire
Expectation – prévision
Factor cost – équivalent de travail
Investment – placement ou capital
Inducement to invest – la disposition à placer
Investment multiplier – multiplicateur de placement
Liquidity preference – attrait de la liquidité
Multiplier – multiplicateur
Prime cost – prix de revient
Prime cost, marginal – prix de revient marginal
Proceeds – rapport
« Return over cost rate of » – rapport des recettes aux débours
Short period – momentané
Supplementary cost – charge supplémentaire
Supply – offre
Supply price – prix de l’offre
Unemployment – chômage
Unemployment, frictional – chômage de viscosité
User cost – équivalent d’usure
194Wage goods – Biens de consommation ouvrière
Windfall loss – perte accidentelle
Yield of assets – produits des actifs
-----------------------
Lettre 6. 2 juin 1938
2nd June 1938.
Dear Sir,
I have to thank you for your letter of May 8th sending me a first draft of part of your translation, and I have to apologise for not replying sooner. My ill health and the necessity of making certain enquiries are the explanation.
After I got your letter I was very unhappy about your selection of technical terms, which seems to me to be unsatisfactory or even erroneous in a good many cases. I submitted it therefore to an economist friend who is much better acquainted with French than I am. As you will see from the copy of his letter which I enclose, he confirms my feeling and makes certain suggestions.
These, of course, only cover the points arising in the list you sent me and in the bit of translation. With a view to further precaution in the future I have two suggestions to make : In the first place I think you would do much better where I am using a term of my own to make a rather literal translation even if it is not good French. For example, for “liquidity preference” it is better to say “préférence de liquidité” and so forth. In the second place it would, I believe, be very helpful if you could persuade M. Mantoux (who used to be a friend of mine in old days) to look through your technical terms, since his review of my book showed that he had a very satisfactory understanding of their significance.
At any rate I am clear that this matter needs very careful attention, since I am sure that a good many of the terms you have used would render many passages unintelligible or at least misleading to French readers.
In regard to two supplementary enquiries in your letter by “gold mining involves the disutility of labor” I merely mean that it involves labor and the sacrifice corresponding to that. I suggest that you could use in translation “gold mining involves the sacrifice of the labor involved”.
195As regards the second footnote on page 283 you have every excuse not to understand it. I telescoped the argument, and many readers have failed to follow it. The clue is to be found in the fact that the marginal product of labor is equal to the wage. But there is also a tiresome series of substitutions, and I enclose the argument in a fuller form on the attached sheet.
Yours very truly,
J.M. Keynes
M. de Layendaye (sic),
29 Avenue Henri-Martin,
Paris, XVI
Lettre 6. 2 juin 1938 (Suite)5
Since value of marginal product = wage
196
Lettre 6 (suite) Annexe de Piero Sraffa. 2 juin 1938
Mantoux : La Théorie Générale de Keynes,
Rev. d’Ec. Pol. Nov.-Dec. 1937
P. 1565. |
1.2-3. |
investissement (throughout) |
… ib. |
n.11.2. |
quotes Rist “investissement” |
1566. |
§ 2.1.5. |
“anticipations” (= expectations)6 |
1566. |
1.2 bottom |
“un actif” (= asset) |
1562-3 |
volume complete (sic) de l’emploi (Full employment) |
|
1568 |
propension à consommer |
|
1569. |
§ 2.1.2. |
“désutilité” |
1569. |
§ 2 |
“chômage causé par le frottement” |
1570 |
§ 2.1.3. |
“prévisions” |
1571 |
1.2. |
demande effective |
1573. |
§ 2.1.2. |
fonction globale de l’offre, propension à consommer et volume des investissements |
1576. |
§ 2.1.2. |
emploi complet (= full employment) |
1581. |
§ 2.1.1. |
efficacité marginale du capital (ib. says translator of Lerner’s article uses « rendement limite ») |
1.6. |
taux de rendement par rapport au coût (Fisher) |
|
1.13. |
coût de remplacement |
|
§ 2.1.6. |
barème de l’efficacité marginale du capital – de la demande |
|
bottom |
des investissements – volume des investissements |
|
1581 |
Préférence de liquidité |
The translator knows English well, and I have not noticed misunderstandings in the construction or in the ordinary language (with the exception of p. 139 line 4 from bottom of the typescript where he translates “whilst” with “car”, which means because) : this a really important point in his favour.
But obviously he is not acquainted with the technical terms : he seems to be trying to translate them with the help of a dictionary or by the usage of business. Yet most of these terms can be found in Marshall’s Principles 197in French, Lerner’s article in the I.L.O. Review, and Étienne Mantoux’s Review of the General Theory in Rev. d’Ec. Pol. (Nov.-Dec. 1937). Mantoux, very sensibly, has “franchified” your technical words – and it sounds quite well. I send you a glossary, which I made reading Mantoux (with page and line references to his article), which may be useful to your translator.
Here are some comparisons between the two glossaries :
Aggregate = global (Mantoux : in many cases, though not in all, much better than collectif or total)
Consume, propensity to = propension à consommer (M. : why tendance ?)
Demand, effective = demande effective (M. : why réelle ?)
Disutility |
= |
désutilité (M.) |
Expectation |
= |
anticipation (M. : this word probably cannot be worked in French so hard as “expectation” in English : in some cases, but not always, prévision may be substituted : but in general prevision means forecast, and stands for something too precise) |
Factor cost |
= |
(equivalent de travail is absurd and wrong : I cannot suggest anything definite, but the word facteur is used in the same sense) |
Investment |
= |
placement de capital7. These words have only the Stock Exchange sense of investment : M. (and also Rist) use always « investissement » : why not follow them ? |
and Disinvestment : |
réalisation |
|
Liquidity preference |
= |
préférence de liquidité (M. : much better attrait) |
Prime cost |
= |
(prix de revient). This is a serious misunderstanding, the words mean “cost price”. I cannot think what the French equivalent is, but cost accountants (and the translator of Marshall) no doubt have found one. Besides, throughout this translation “prix de revient” is used also as equivalent of “supply price” (e.g. first page of typescript, lines 8-9.) |
198
Return over cost |
= |
taux de rendement par rapport au coût (M.) |
rate of |
||
Short period : |
“momentané” is certainly wrong. |
Other mistakes in the translation (pages and lines of typescript)
P. 135. Lines 7 & 16. |
prospective yield is not produit à venir : I would Suggest rendement probable (or anticipé) A venir (which is here used frequently) is a misleading rendering of prospective, as it eliminates the subjective element. |
… ib. line 14. |
A serious slip – prix à venir for prospective yield (produit was intended, but see above, subline 7). |
… ib. line 13. |
« prix de remplacement » for replacement cost in many other cases prix is used where coût would be appropriate. |
P. 138. § 3.1.3. |
physical product becomes richesse réelle (real wealth) |
P. 141. Lines 10 & 11. |
output from equipment becomes outillage (i.e. equipment) |
P. 142. 1.4 from bottom |
Pigou becomes Fisher |
P. 142b. Line 8. |
readiness to produce is not tendance à produire, but disposition à produire. |
Lettre 7. 11 juin 1938
Mr. J.M. Keynes,
King’s College,
Cambridge.
Paris, 11th June, 1938.
Dear Sir,
I have duly received your letter of June 2nd and thank you for the many suggestions and explanations you have been good enough to give 199me in connection with the translation of your work. I am sorry that the first selection of technical terms did not meet with your approval.
From the remarks you have made I gather that I have not conceived this work in the spirit you wish. My main preoccupation, indeed, was to make the translation as easy to understand as possible for readers who are not students of political economy. That is why I have as far as possible made use of words belonging to everyday, or to business language. I even submitted several of these terms to a friend of mine who is a banker8, and changed this until the translation appeared to him easy to understand. In the light of your remarks I see that this method has been prejudicial to the accuracy of the ideas expressed and to the logic of the reasoning. I will therefore abandon it and make a more literal translation, as you recommend, in particular when you are using terms of your own.
Furthermore, I will communicate with M. Etienne Mantoux, author of the article published in the Revue d’Economie Politique on “General Theory”, who must be the son of the professor you knew. With him I will make an examination of the French technical terms which are the most apt to express your meaning accurately and clearly.
In this connection, I believe I should point out that certain French words incorrectly used would be difficult to understand. For instance, an economist9 who is a friend of mine told me that in M. Mantoux’s article, the term “preference de liquidité” had been very detrimental to the clarity of the last paragraph of the article, for in French the expression “préférence d’une personne pour une chose” is the only correct manner in which the term “préférence de” can be used. I shall therefore see if it is possible to use the term “préférence pour la liquidité”, which I had thought of in the first place.
Finally, if I am not making too great a demand on your helpfulness, when I have finished a first translation of the book I shall take the liberty of sending you a complete list of the technical terms which I propose 200to use, together with one of the chapters of the translated text, and I shall attach the greatest value to knowing your opinion before I begin work on the revised text.
Yours very truly,
Jean de Largentaye
Lettre 8. 17 juin 1938
(Lettre manuscrite)
17/6/1938.
Téléphone : Ripe 26
Station : Lewes
Tilton, Firle, Sussex
My dear Sir,
I am much obliged for your letter of June 11 and will await the further material which you will be sending me in due course.
The difficulty is that many of my concepts do not exactly correspond to any terms in current use ; and there is great risk of suggesting the wrong nuances if the latter are used. It is important to explain the new terms very clearly. But I do not believe that it assists a clear understanding to use terms which are likely to convey to the reader an old-established association of meaning not quite the same as mine.
If M. Mantoux, who is doubtless the son of the professor Mantoux I used to know, will lend his assistance, it will be very kind of him.
I am only too conscious what a very severe and difficult task has been set you in the translation of this book.
Yours very truly,
J.M. Keynes
201Lettre 9. 26 octobre 1938
Paris, 26th October 1938.
Dear Sir,
Since I was mobilized a fortnight and took short holidays in August, I am somewhat late to send you the elements of the translation of the “General Theory” I announced to you in June. However, I have now completed the first project of translation of the 21 first chapters. At this stage I beg to submit to you :
1o) a new list of technical terms which I intend to use in the whole work. I have made out this list in approaching as much as possible the sense of the notions you utilize. According to your counsel, I took the advice of Mr. Mantoux, who after a thorough examination, told me that these terms seem to him the most appropriate to express your concepts into French. As for certain notions, like “the income-velocity of circulation money” or “the terms of trade” I was obliged to remain somewhat far from the literal translation which probably would have meant nothing for the French reader. Besides I purpose to state precisely by a footnote the accurate meaning of the first expression. The word “expectation” was a very difficult one for me. As a result of long discussions, I believe that the French word “prévision” is the best to suit with your thought. This word was employed also by the translator of Lerneer and by Mantoux. The present tendency is to give it in the singular a much wider meaning than before.
In spite of all these precautions you will have no doubt to make observations on this essay of translation. Therefore I shall wait for your answer before reviewing my work.
2o) I beg to send you an essay of translation of Chapter 17 which seemed to me to be the most difficult. The observations of your friend who was kind enough to read the essay of translation of Chapter 11 were very useful to me. May I again trouble him in asking that he glance once more on the essay of translation of Chapter 17 ?
Finally as I desire that any obscurity vanish from the French text, I must ask you for explanations about four passages I did not quite understand :
202a) Page 208 – line 19 – “For where the risk is due to doubt in the mind of the lender or there is nothing in the mind of the a borrower who does not intend to be dishonest to offset the resultant higher charge.”
b) Page 261 in fine “For if entrepreneurs offer employment on a scale which, if they could sell their output at the expected price, would provide a public with incomes out of which they would save more than the amount of current investment, entrepreneurs are bound to make a loss equal to the difference”. The text would be seem to me clearer if the incident proposition I underlined was suppressed, for the income or at least the money income of the public does not depend on the effective sale price of the products.
c) Page 268 – 4 lines before the end “whereas the method of producing the same result by increasing the quantity of money whilst leaving the wage unit unchanged has the opposite effect”. If I translate whilst by “même si” (even if) the sentence is clear ; on the contrary, if I translate whilst by “aussi longtemps que” (as long as) it becomes obscure, for beyond the said limit, i.e. it means when the method increases the wage unit, its effects are still more reverse.
d) Page 270 – line 19 : “whilst the terms of trade were an important influence on real wages”. A certain obscurity results of the fact that it has been admitted at the beginning of the paragraph that the real wages were fixed through a legal decision. Does that mean that both influences of “foreign investments” and “terms of trade” produce an equilibrium at the level of real wages fixed by law ?
Finally, page 262 – last but one line – does not mean in fact “increase” “improve” ?
I apologize to worry you in asking you for so many explanations. But, as I said to you before, it seems to me so important that the book be well interpreted by French reader, that nothing must be overlooked to obtain a quite clear translation.
I shall be glad to receive better news about your health and I remain, dear Sir,
Yours very respectfully.
J. de Largentaye
Mr. J.M. Keynes
Tilton
Firle (Sussex)
203Lettre 10. 7 novembre 1938
Paris, le 7 novembre 1938.
Dear Sir,
Since I wrote to you last time, I have had several conversations with friends concerning the possible translations of certain technical words contained in your book. I have come to the conclusion that the best thing to do would be to modify the translation of three of the words I submitted to you.
I therefore propose the following translations :
factor cost – coût-facteur au lieu de coût de facteur.
User cost – coût-usage au lieu de coût d’usage.
income velocity of money – vitesse, comptée en revenu, de la monnaie, au lieu de vitesse de distribution de la monnaie.
Yours very truly,
Jean de Largentaye
Monsieur J.M. Keynes.
Tilton. Firle,
Sussex.
(Grande Bretagne)
Lettre 11. 12 novembre 1938
Monsieur Jean de Largentave (sic),
29 Avenue Henri-Martin,
Paris, XVI.
November 12, 1938
Dear Monsieur Largentave, (Is this the right spelling ? Apologies)
I am very glad to get your letter of October 26th and entirely understand the causes of the delay.
204At first sight I like very much better your new list of technical terms, and also the translation of Chapter 17. You have certainly chosen as test the most difficult chapter of all to render. I have a few comments to make, but I have not yet had an opportunity of consulting my friend who previously advised me, and I should like to write you again a little later, both about the technical terms and about chapter 17, after I have talked to him.
Meanwhile, however, I may as well reply at once to the various queries you raise on the second page of your letter.
(a) Page 208 : The point is that the lender has to charge a risk premium against possible default to the honest and dishonest alike. To the honest borrower, however, this is a pure increase of cost, since he has no intention to default. The discrepancy arises out of the fact that the risk in the mind of the lender is different from the risk in the mind of the borrower. Probably you can render this by turning it round a bit.
(b) Page 261 : I have no particular objection to you suppressing the words you underline. Nevertheless I had a definite reason in my mind for inserting them. The point is that the entrepreneurs are themselves part of the public so that the incomes which they receive by selling their output at the expected price or otherwise have to come into the calculation. Your suppression of these words would be entirely justifiable if “the public ‘excluded’ the entrepreneurs”. Perhaps I am trying to say more in a single sentence than can conveniently be got in. What about adopting your suggestion of suppressing the words you italicize and substituting for “the public” – “the public other than the entrepreneurs” ?
(c) Page 268 : What is wanted here, I think, is simply to substitute “and” for “whilst”.
(d) Page 270 : I agree that this is rather muddled. Please substitute for “real wages” – “the price of wage goods”.
(e) Page 262 : Yes, you are right. “Increase” should be “improve”.
I am glad to say that my health, though by no means completely restored, is very much on the up grade, and this term I am back at Cambridge doing a little work. I look forward to the completion of your translation, and am very grateful for the extreme trouble which you are obviously taking about it.
Yours very truly,
J.M. Keynes
205Lettre 12. 14 novembre 1938.
Paris, le 14 novembre 1938.
Dear Sir,
I was very glad to learn by your last letter that your health was improving and I hope that you will have completely recovered in a short time. Let me express my thanks for the explanations you were kind enough to give me : they will allow to render the translation a little more precise.
As you have not finished the examination of the list of technical terms I sent you, I am sending you a new one which should be substituted to the old one. This last one is more complete and contains three modifications which I have marked with a cross. The most important one dwells on the “rate of investment”. The word “rythme” should, in my eyes, be laid aside, for it implies an idea of periodicity. I think it preferable to use the word “flux”, taken from the vocabulary of the electricians.
Truly yours,
Jean de Largentaye.
Monsieur J.M. KEYNES
King’s College.
CAMBRIDGE
(Grande Bretagne)
Lettre 13. 23 novembre 1938
Paris, le 23 novembre 1938.
Dear Sir,
Reading over the first twenty-one chapters of your book, I noticed that the list of technical words I sent to you is incomplete. I am therefore sending you a new list, which I hope will be the last !
I also noticed that the words “fixed capital” and “working capital” were given no definition in the present work. A foot note giving a strict definition to these two words would be useful, it seems.
206I also think that the translation of Chapter 17 needs to be revised needs many improvements ; I shall only proceed to do so when I shall know what remarks you have to make on my translation.
Yours very truly,
Jean de Largentaye.
Lettre 13. 23 novembre 1938 (suite)
Table de correspondance
entre les textes anglais et français de M. Keynes.
full employment |
plein emploi |
holding cash |
avoirs liquides |
prime cost |
coût élémentaire |
supplementary cost |
coût supplémentaire |
current supplementary cost |
coût supplémentaire courant |
basic supplementary cost |
coût supplémentaire fondamental |
(I would prefer : originel) |
|
commodity |
richesse |
asset |
bien, richesse |
capital asset |
actif |
goods |
biens, produits |
demand schedule |
courbe de la demande |
aggregate |
global |
yield |
produit |
income velocity of money |
vitesse de la monnaie dans le revenu Or at your preference : vitesse de rotation de la monnaie dans le revenu (with the algrebric definition in a foot note) |
fixed capital |
capital d’établissement |
working capital |
capital d’exploitation |
liquid capital |
capital liquide |
input |
mise en œuvre, engagement |
capital equipment |
équipement en capital |
roundabout |
indirect |
wage-goods |
biens de consommation ouvrière |
207
liquidity preference |
préférence pour la liquidité |
own rate of interest |
taux propre de l’intérêt |
house rate of money |
taux de l’intérêt monétaire sur les maisons |
return |
rendement |
expectation |
prévision, parfois attente ou expectative |
prospective yield |
produit probable |
factor cost |
coût-facteur |
user cost |
coût-usage |
risk cost |
coût-risque |
interest cost |
coût-intérêt |
propensity to consume |
propension à consommer |
inducement to invest |
incitation à investir |
carrying cost |
coût de conservation |
disutility |
désutilité |
effective demand |
demande effective |
short period |
courte période |
administered prices |
prix taxés |
« Spot » |
comptant |
windfall loss |
perte accidentelle |
marginal efficiency of capital |
efficacité marginale du capital |
terms of trade |
rapport du prix unitaire des exportations à celui des importations |
proceeds |
produit |
sale proceeds |
produit de la vente |
aggregate supply price |
prix de l’offre globale |
desinvestment |
désinvestissement |
bottle necks |
étranglements |
complex of rates |
complexe de taux |
Paris, le 23 novembre 1938.
208Lettre 14. 22 décembre 1938
Monsieur Jean de Largentaye,
29, Avenue Henri-Martin,
Paris, XVI.
Titlon,
Firle, Sussex
December 22, 1938.
Dear Monsieur Largentaye,
After a delay, for which I must apologise, I am now able to return to you your text of Chapter 17, which I have discussed with my friend. I think it will save both of us trouble, if I send you his comments in the form in which they were prepared for me without attempting to rearrange them, though some of his comments are not of interest to you in that they merely support your version as against a criticism which I had tentatively. The meaning of the enclosed comments is as follows :
The pencilled comments on the text of your chapter 17 are those I made myself. The foolscap sheets in pencil, marked A, are my friend’s comments on your text and on my queries. In some cases, he has passed my queries without comments ; sometimes he has confirmed them ; and sometimes rejected them. He has also raised several new points of his own. I think you will have no difficulty in discovering what points have perplexed us and where we have definite criticisms to make.
There remains your table of equivalent terms. Here again the penciled comments in the margin are my own. Pinned on the table are my friend’s comments. And here again the matter explains itself, I think. One other suggestion relating to the technical terms I may pass on. A Belgian economist, Monsieur Moiseef, who reviewed my book, is of the opinion that in the case of “liquidity preference” it is better either to adopt my English term (perhaps in italics) or to replace it in French by a direct definition ; for example – “les hommes préferent conserver leur avoir en argent liquide”. At any rate the latter phrase might be included in the table, which might help the reader.
Generally speaking, our impression is that in this difficult chapter you have been remarkably successful in understanding the meaning 209of the English and of the economic theory. As you will see from our comments, there are practically no definite mistakes, apart from a misunderstanding of the curious English comparison between the moon and green cheese. (English children are told that the moon is made of green cheese, and from that various images can be made !) Whether there is any French equivalent for this I have no idea. I was combining this notion with another English saying, by which to ask for the moon means to ask for an impossible thing. I was combining the ideas that the moon is an impossible thing, that it is made of green cheese, and that green cheese, like paper money, can be manufactured. Better, perhaps, to give up the attempt at a French equivalent and abandon the whole elaborate metaphor ! On the other hand, in a matter where we cannot speak with equal authority we were not so clear that amendments may not prove advisable. It seemed to us that in the effort to obtain the precise meaning of the original, you had run the risk of producing a French version which was insufficiently idiomatic, and so a little bit in the nature of what English school-boys call “dog French” from the analogy of “dog Latin”, if you have a French equivalent for that. Once you were satisfied that the English meaning had been faithfully rendered into a sort of French, it might be helpful to reconsider the text from the more literary or stylistic point of view, getting some French friend, who is not so familiar with the English version as you are, to give you his opinion from that point of view.
My friend, who has advised me about this, Mr Piero Sraffa (Marshall Librarian and Assistant Director of Research in the University of Cambridge), is spending Christmas at Nice and will be in Paris on his way back to England, sometime in January. If you are there yourself, and would care to have a talk with him, he is good enough to say that he could easily manage it. His address in Paris will be at the Hotel Monsigny.
Yours very truly,
J.M. Keynes
210Lettre 15. 4 janvier 1939
Paris, 4th January 1939.
J.M. Keynes, Esq.,
King’s College,
Cambridge.
Dear Sir,
First of all I want to thank you most sincerely for your letter of the 22nd December last and for the many indications contained therein. It is true that my anxiety to follow your thoughts closely in this difficult Chapter 17 led me into adopting a somewhat cramped or reserved style. In the second proof I shall endeavor to give the text a more flowing and literary character.
Acting on your suggestion I have written to Mr. Sraffa and I trust that when he passes through Paris he will be able to grant me a few moments. I am convinced that his advice will save me time and trouble. There still remain two sentences the meaning of which is not quite clear to me. If he cannot explain them I shall take the liberty of submitting them to you.
If I am able to continue the translation under the same conditions as previously I hope it will be finished towards the end of February and that the work may be published during the month of April. I should greatly appreciate your being good enough to write at least a few words as a Preface to the French edition.
I take the opportunity of the New Year to send you all my best wishes for 1939 ; may you find complete satisfaction in all ways, and in particular may your health be such that it will no longer interfere with your work.
Yours very truly,
J. de Largentaye
211Lettre 16. 21 février 1939
Monsieur J. de Largentaye,
29 Avenue Henri-Martin,
Paris, XVI.
King’s College
Cambridge
February 21, 1939
Dear Monsieur Largentaye,
In response to your last letter, I have now prepared a short preface for the French edition10. I hope you will think the enclosed not unsuitable. I should rather like to see a copy of your French version of it in due course.
I expect that this is fully in time, though your letter led me to think that you may now be within sight of the conclusion.
Yours sincerely,
J.M. Keynes
Lettre 17. 7 mars 1939
7th March, 1939.
Dear Sir,
I want to thank you most sincerely for your letter of February 21st and for the Preface enclosed therein. I shall be sending you very shortly a draft translation of this Preface.
As I have had a great deal to do during the last two months I am a few weeks late on my forecast. Within the next few days I shall be completing the translation of the first 21 chapters. I shall then have the three last ones to translate and a revision of the whole work to make. I am sending you herewith a copy of Chapter 11 in its present state. If you find time to glance over it I hope it will please you better than 212the first proof did. I am sending you also a draft glossary which, in my opinion, it would be advisable to insert at the end of the work, for the reader, who will be unable to read the whole book uninterruptedly, will need constantly to refer to the definitions. I trust these definitions, which reproduce almost textually those contained in the book, contain no errors.
As I told you in my last letter, there are five passages in which it seems to me that the original text should be slightly modified. I should be grateful if you would give me your opinion as to the possible changes.
A. – Page 99, line 7 : “this point is not likely to be overlooked”. I do not quite follow your idea. It seems to me that the phenomenon is just as little apparent in this case as in the case considered subsequently. Can this sentence be translated as “cette question n’a pas une grande importance” ?
B. – Page 118 – line 7 from the bottom of the page : “Unfortunately the fluctuations have been sufficient to prevent the nature of the malady from being obvious…”
If the fluctuations had been less marked, the nature of the malady would have been still less obvious. I suggest, if this conforms with your idea : “Unfortunately the fluctuations of employment relatively to investment have been sufficient.…”
C. – Page 208, line 1 : I suggest, “A financial crisis or crisis of liquidation when scarcely anyone could be induced to part with holdings of money or debts on any reasonable terms.”
If the words “or debts” are not added, the reader may believe that what is referred to is the transactions in money against debts which have been considered in the preceding paragraph.
On the third line of the same paragraph, page 207, there is “in one direction or the other”. Perhaps it would be well to indicate what directions are meant. I suppose it is the directions of the axes of the co-ordinates.
D. – Page 236, line 8. – “No further increase in the rate of investment is possible when the greatest amongst the own-rates of own interest of all available assets is equal to the greatest amongst the marginal efficiencies of all assets, measured in terms of the asset whose own-rate of own interest is greatest.” I notice that Professor Pigou (Economica, May 1936, p. 124) used this sentence to criticize the theory set forth in Chapter 17.
213Would it not be useful :
1. To indicate more clearly that the own rates of interest are expressed determined in the same standard of value ?
2. To leave out the restriction “measured in terms of the asset whose own rate of own interest is greatest” ? What is being dealt with is, in fact, the most general form of the proposition. It seems that this would remain valid whatever be the standard of value selected.
The sentence would then read as follows : “No further increase in the rate of investment is possible when the greatest amongst the own-rates of own-interest of all available assets, in terms of any standard of value is equal to the greatest amongst the marginal efficiencies of all assets, in terms of the same standard”
E. – Page 250, line 25. – “(1) The marginal propensity to consume is such that, when the output of a given community increases (or decreases) because more (or less) employment is being applied to its capital equipment the multiplier relating the two is greater than unity but not very large.”
It seems to me that your thought is not correctly expressed. Can this be translated as follows : “The marginal propensity to consume is such that, when the output of a given community increases (or decreases) because the employment in investment industries is increased (or diminished) the multiplier relating the two increments (or decrements) is greater than unity but not very large.” ?
I apologize for worrying you with all these questions. They will, I hope, be the last ones. I trust your health continues to improve and beg to remain,
Yours respectfully,
J. de Largentaye
214Lettre 18. 13 mars 1939
Monsieur L. de Largendaye (sic)
29 Avenue Henri-Martin,
Paris, xvi.
46 Gordon Square
Bloomsbury
March 13th, 1939
Dear Monsieur de Largendaye, (sic)
I have to thank you for your letter of March 7th. First of all, as regards the five passages where you suggest modifications of the text : -
A. – Page 99. Yes.
B. – Page 118. Perhaps my meaning would be clearer here if the word “chronic” was inserted in front of “nature of the malady”.
C. – Page 208. I am not quite sure here whether your addition makes it quite clear. My meaning is that, in the first case no-one would borrow, and in the second case no-one would lend. But if one says “no-one can be induced to part with holdings of debts”, this is ambiguous, and might mean either that they were unwilling to lend or unwilling to borrow. I think your point could be made by writing “when scarcely anyone could be induced to part with holdings of money or to lend on any reasonable terms”.
On page 207, perhaps the meaning would be made clearer if the words were added – “so as to be unsuspeptible (sic) to changes in the rate of interest.”
D. – Page 236. In order to be quite sure what is right here, I should have to work through the whole of this difficult chapter again. At first sight, however, I admit that I do not see any objection to your proposed change. I feel that I probably had some reason for putting it in the way I did at the time, but at the moment I am not able to see what that reason was. I am, therefore, ready to accept your proposed amendment.
E. – Page 250. I have certainly adopted here a very obscure form of wording. Thank you for calling my attention to it. Your correction is a great improvement.
I have been through your text of Chapter 11, and return it herewith, with such comments as have occurred to me. There is really only one important point I have to make, though this occurs frequently 215throughout. “Probable” is not the right translation of “prospective”. I use “probable” in connections where it has a more technical, definite, quantitative meaning. By “prospective” I mean the expected yield, with all the possibilities of doubt and disappointment, and so forth attached to it. I think it will cause confusion to use “probable” there. Surely there is some French equivalent of “prospective”. I have made one or two suggestions, though perhaps not very good ones, in the margin. My other comments will explain themselves, I think.
I also have been through your proposed Lexicon. I have to admit that I am not altogether happy about this. I should have no great objection to it if it is made entirely clear that it is your work and not mine. But, although you say in your letter, that this “reproduces almost textually those contained in the book”, there are quite a few of them that I do not recognise. Where they are a mere collection of definitions given in the book, an exact reference would be desirable. But clearly in the case of definitions it would not be a very good thing if the definitions given in your Lexicon are not exactly identical with the definitions in the text. If you were able to collect together actual definitions form the text, my objection would of course, be met. But I do think it is dangerous to have definitions which are not identical with those to be found in the text.
What I had rather hoped for, though perhaps this might be combined with your Lexicon, is a list of technical terms giving both your French equivalent and my English original. It would help French readers who have some knowledge of English if they knew the actual English terms which you were trying to render.
I am inclined to feel that a dictionary of this kind, giving a fairly full set of the French and the English equivalents, with references to the page of the text where they are introduced and explained, might be more helpful than an independent Lexicon of this kind. Moreover, the actual definitions you give are, of course, only quite a small selection of all those occurring in the book. No doubt, you have chosen them from the point of view of helping the reader as much as possible, but surely they remain rather an arbitrary collection out of the special terms which are used in the course of it.
I should be grateful if you would think over these criticisms.
Yours very truly,
J.M. Keynes
216Lettre 19. 28 mars 1939
J.M. Keynes, Esq.,
Kings College,
Cambridge.
Paris, March 28th, 1939.
Dear Sir,
First of all I want to thank you for your letter of the 13th inst. and for the numerous explanations contained therein.
As regards the translation of the term “prospective” I have replaced the word “probable” by “escompté”. On the other hand, on page 306 line 10, I presume you agree that it is correct to put “and ee.eo = 0” and not “and ee eo = l”.
Finally, I am obliged to revert to the last paragraph of page 207. On March 7th I wrote you : “I suggest, A financial crisis or crisis of liquidation when scarcely anyone could be induced to part with holdings of money or debts on any reasonable terms.”
On March 13th, you replied : “My meaning is that, in the first case no one would borrow, and in the second case no one would lend. But if one says ‘no one can be induced to part with holdings of debts’, this is ambiguous, and might mean either that they were unwilling to lend or unwilling to borrow ? I think your point could be made by writing ‘when scarcely anyone could be induced to part with holdings of money or to lend on any reasonable terms’”. In the light of these explanations I see that in the first place I had given an entirely wrong sense to this proposition. Unfortunately, I must confess that even now it seems still very obscure to me. For in the first case, i.e., the case of flight from the currency, it seems to me that, contrary to what is stated in the above sentence, everybody wishes to borrow for the purpose of buying goods, and that no one is willing to lend. In the second case, i.e., the case of a financial crisis such as occurred in the United States in 1932, nobody will borrow because prices are falling, whereas everybody is prepared to lend provided good security is given. Is it not abstention on the part of borrowers that, in the second case, would make the rate of interest indeterminate ? So that what should be stated is : “Scarcely anyone could be induced to borrow however low the rate of interest” ?
217With regard to the beginning of the paragraph one page 207, you write : “Perhaps the meaning would be made clearer if the words were added, ‘so as to be unsusceptible to changes in the rate of interest’.” But what to me appears ambiguous is not the term “flattening out” which, on the contrary, is very clear, but the expression “in one direction or the other”. Would it not be better to replace this expression by “in case of sharp rise or fall in the prices” ? I apologise for troubling you with these considerations, but this passage is the only one in the entire book that I have not understood.
I will now take up the subject of the proposed glossary. You have been good enough to tell me that it would seem preferable to you to insert, at the end of the translation, a complete dictionary comprising all the technical terms with the corresponding English terms, and a reference to the page of the book where they are defined. I have thought over this question and talked of it with a friend who is engaged in reading the draft translation11. It appears to both of us that this method would not be without certain disadvantages :
1st. – It would subject the reader to a double effort, – first that of referring to the glossary, and then of looking up the definition on the page indicated.
2nd. – For French readers, such a dictionary would be insufficient, it would only include the terms defined in the original text. Now, terms such as “marginal”, such as “terms of trade”, which are not defined in the original text are either little known, or unknown in France.
3rd. – In certain cases, a few comments added to the original definition may be of great assistance to the reader. For instance, it might be advisable to compare the conception of supply price with that of the prix de revient, which is more usual in France. My friend who has studied your thesis in its draft translation told me that the glossary as it now stands had been of substantial help to him.
In order to conciliate these considerations with the scruples you mentioned to me, I have prepared a new form of glossary. It is definitely stated in a note that responsibility for the French text lies with the translator. Literally reproduced translations are placed between inverted commas with a reference to the text. Finally, the French terms 218are accompanied by the corresponding English terms. I trust this new draft will be satisfactory to you.
Sincerely yours,
J. de Largentaye
Lettre 20. 3 avril 1939
Monsieur de Largentaye,
29 Avenue Henri-Martin,
Paris, xvi.
46 Gordon Square
Bloomsbury
April 3rd, 1939
Dear Monsieur Largentaye,
I have your letter of March 28th, and will take your points in turn.
1. As regards page 306 : yes, this is a misprint. I ought to have told you this before.
2. Page 207 : Yes, you are right in thinking that I have got myself here into a muddle. But it is not easy to put it right in a few words. It is due to the confusion between a state of affairs when people are unwilling to borrow money for the purpose of buying assets, and a state of affairs when they are anxious to buy borrow money for the purpose of hoarding and increased liquidity. The trouble is that in U.S.A. in 1932 nobody wanted to borrow to buy assets, but there was a terrific demand to borrow for increased liquidity against possible and contingent commitments. Looking back, I expect that is why I omitted debts in my original text. I suggest that the best way of getting consistent is to return to the original text, on page 208, simply speaking of money, making no reference to debts at all. But perhaps I could meet your point and get the symmetry between the two cases by omitting the words “or of debts” where I am speaking of Russia and Central Europe on page 207. We are then simply dealing with money in both cases, and can avoid going into the question of two possible purposes for borrowing, such as existed in U.S.A. in 1932.
2193. As regards the beginning of the paragraph on page 207, I accept the suggestion you make in your letter.
4. Now, as regards the glossary : I feel very much happier about it in its revised form, with reference to its being the work of the translator, and with the English terms in brackets and page references to the main text of the book. In principle, I accept the lexicon on these lines, and agree with you that it may be very helpful to French readers. The difficulty is that perhaps fifty years have passed since any modern work on economics was actually composed in the French language ; though, from what you tell me, the absence of established technical terms for English phrases, which have not been invented by me but have been established in Anglo-Saxon economics for some decades, goes further than I had realized. As regards the details of the lexicon, you will see that I have made a few suggestions and criticisms on the enclosed text. Most of them relate to two or three points which keep on coming up time after time.
Is this the complete version of the lexicon ? I should have rather expected that there would be a larger number of terms in the complete version.
What a heavy work it has been ! I hope you have not felt overburdened by it. I much appreciate how much trouble you have taken, and the success with which you have tackled an awkward task.
Yours very sincerely,
J.M. Keynes
Lettre 21. 30 avril 1939
J.M. Keynes, Esq.,
King’s College,
Cambridge.
30th April, 1939.
Dear Sir,
First of all let me thank you for your letter of April 3rd which reached me in due time. I have been mobilised once more since Easter and the translation has necessarily been interrupted. Fortunately, it again 220seems likely that matters will be settled and I trust I shall very soon be allowed to return to civilian life.
Reverting to your letter of April 3rd, as regards page 207 I agree with you that it will be preferable to eliminate the word “debts” in the two sentences in question.
With respect to the glossary, when I revise the translation I shall see whether certain words should be added. So far I have only inserted those which seemed to me to be indispensable for facilitating the reading of the French text. Perhaps you can make some suggestions.
As far as the selection of French terms is concerned, I have taken due account of your indications. “Terms of trade” I propose to translate by “taux du troc international”. As to the word “proceeds” I believe it is best to maintain the translation “produit”. There are four terms which could be used, i.e., “rendement, revenu, recette, produit”. The two first must be set aside as I have used them to express “yield” and “return”. “Recette” might be suitable. But it does not join up well with “employ”. I should always be obliged to say “recette provenant de l’emploi” which would make the sentences heavy. “Recette” is the book-keeping term which is the opposite of “dépense”. The word “produit”, on the contrary, connects very well in French with “emploi”. No doubt, it has two acceptations. It means both “produit en nature” and “produit en argent”. But as I have indicated in the glossary that it refers to “produit en argent”, I do not think it will give rise to any ambiguity. The acceptation “produit en argent” is, moreover, quite as usual as the other. It is excellent French to say : “Vivre du produit de sa plume”. In accountancy and fiscal terminology “produit brut” and “produit net” are in current use. However, if you think it preferable, it would not be impossible to use the word “recette”.
Sincerely yours,
J. de Largentaye
221Lettre 22. 10 mai 1939
Monsieur L. de Largentaye,(sic)
29, Avenue Henri-Martin,
Paris, xvi.
May 10th, 1939.
Dear Monsieur Largentaye,
I have your letter of April 30th, and am very sorry to hear that your work has once more been interrupted by mobilisation. I hope you are right in thinking that you will soon be allowed to return to civilian life. The happier state of the news seems to increase the likelihood of this.
Thank you for the various small changes which you are making. The only outstanding matter seems to be the use of “produit” for “proceeds”. To my ignorant ear “produit” had the suggestion of physical yield, whereas in the passages in question “proceeds” was definitively meant to suggest money yield. But as you tell me that “produit” in French readily carries the suggestion of “produit en argent”, I withdraw my criticism and accept “produit” in this sense.
Yours sincerely,
J.M. Keynes
222Lettre 23. 26 mai 1939
inspection générale des finances
Jean de Largentaye
29, Avenue Henri Martin,
Paris.
26rd May, 1939.
Dear Sir,
I beg to hand you herewith :
1. – A draft translation of the Preface which you were good enough to send me ;
2. – A draft of the Translator’s Comment. Mr. PAYOT has urged me to write this Comment and he himself indicated the subject thereof. He considers that such a Comment will be likely to increase the circulation of the book. In this connection it may be of some use.
If you will be good enough to approve these two texts, I shall be in the position to hand the translation to the publisher.
Sincerely yours,
J. de Largentaye
J.M. Keynes, Esq.,
King’s College,
Cambridge. England
223Lettre 24. 19 juin 193912
(Lettre reconstituée)
Jean de Largentaye
29, Avenue Henri Martin,
Paris.
June 19, 1939.
Dear Sir,
I beg to hand you herewith a second draft of the translator’s comment page 91 sent you on the 26rd May. As you will note it, the first draft involved an important mistake and I should be happy to have your agreement on the new sentence.
I also wanted to make a suggestion concerning the last sentence of the first paragraph p. 219 of your book : “Moreover if the minimum level to which it is practicable to bring the rate of interest is appreciably above zero, there is less likelihood of the aggregate desire to accumulate wealth being satiated before the rate of interest has reached its minimum level.”
I think the beginning of the sentence would be clearer if it were modified as follows : “Moreover, if the minimum level beneath which it is practically impossible to bring down the rate of interest is appreciably above zero….”
Would you please tell me if you have any objection to this change ?
Sincerely yours,
J. de Largentaye
224Lettre 25. 22 juin 1939
Monsieur Jean de Largentaye,
29 Avenue Henri Martin, Paris.
Tilton
Firle, Sussex
June 22, 1939
Dear Monsieur de Largentaye,
I am very sorry that heavy work at the end of Cambridge term has prevented me from dealing before now with your letter of May 26th and its enclosures.
First of all, let me thank you sincerely for your comment. This, if I may so, seems to be excellently done, and I have no material criticisms. I thank you for it.
As regards small details, Mr Robertson’s initials are D.H., and not D.A. as in your text. The reference on the first page to previous French translations of my works is not quite accurate. The bibliography is as follow Les Conséquences économiques de la Paix was published by Gallimard for the Nouvelle Revue Française in 1919. This was followed by Nouvelles Considérations sur les Conséquences de la Paix, published by Stock in 1922 ; La Réforme Monétaire was published by Kra in 1924. All these were translated by the late Paul Franck. In 1928 there followed a volume entitled “Réflections (sic, anglicisme de Keynes) sur le Franc et sur quelques autres sujets” translated by René Lelu, and also published by Kra. This is a volume which has not appeared in this form in any other language. It includes at the end one or two short sketches which were reprinted in English, at a later date, in Essays in Biography. I rather think that Kra may have published in 1928 or 1929 another volume entitled Laissez-Faire et Communisme, but I have not been able to put my hand on a copy of this. Finally, in 1933, Gallimard published my Essais de Persuasion, translated by Herbert Jacoby. Thus your reference to the latter as not having appeared in French is definitively wrong.
I am sending you under separate cover a spare copy of Essais de Persuasion, also a French version of a recent paper of mine on Stocks of Raw Materials. And I am returning in the same package the copies you sent me of the Preface and your Comment. If I can put my hand later on spare copy of Réflections (sic) sur le Franc, I will send that on to you also.
225As regards your translation of my preface, I have no criticisms except on page 5, where you represent me as calling Montesquieu “l’égal français” of Adam Smith. I did not mean to go so far as to suggest he was the equal of Adam Smith, at least so far as economics is concerned. (Taken as a whole, I would indeed reckon his work equal). I meant rather that, so far as economics was concerned, he was the equivalent of Adam Smith, that is to say, the comparable figure. How would it do to say “le complément français”, or something like that ?
I have just received your further letter of June 19th, sending me a slightly amended version of your Note. In reply to the second paragraph of this letter, I have no objection to the modification you suggest in the passage on page 219.
Yours very truly,
J.M. Keynes
Lettre 26. 12 mai 1940
(Lettre manuscrite)
inspection générale des finances
Ambassade de France
Madrid
aux soins du Commissaire Spécial
Hendaye, Basses Pyrénées
Madrid, le 12 Mai 1940.
Maître,
Depuis l’été dernier les événements ne m’ont pas laissé une minute pour vous écrire. J’ai été mobilisé le 20 août 1939 dans une batterie d’artillerie où je suis resté pendant la première période de la guerre. Puis j’ai été affecté au Ministère de l’Armement et envoyé en Espagne pour y faire des achats. C’est de là que je vous écris ce petit mot, pensant que vous aimeriez recevoir des nouvelles de la traduction de la « General Theory ». La dite traduction a été terminée en Juin 1939. L’éditeur M. Payot m’a remis pour correction une première épreuve en Juillet. Elle devait paraître le 15 Septembre.
226La guerre a arrêté la publication. M. Payot m’a demandé de corriger une seconde épreuve en Novembre. Depuis lors la publication est prête. Toutefois M. Payot, que j’ai revu à deux reprises, ne semble pas pressé de lancer le livre. Il invoque les difficultés où le placent le manque de main d’œuvre et de papier. Je crois plutôt qu’il estime l’époque peu favorable au lancement d’un ouvrage de cette nature. Si vous jugez au contraire qu’il convient de ne pas différer plus longtemps cette publication, il serait bien que vous lui écriviez.
J’espère que votre santé ne vous donne pas d’ennui et que les circonstances actuelles n’ont pas apporté trop de trouble à vos travaux. Et je vous prie d’agréer, Maître, l’expression de mes sentiments respectueusement dévoués,
J. de Largentaye
Lettre 27. 19 mai 1940
Monsieur J. de Largentaye,
Ambassade de France – Madrid.
aux soins du Commissaire Spécial
Hendaye, Basses Pyrénnées. (sic)
King’s College
Cambridge
May 19th, 1940
Dear Monsieur de Largentaye,
I have received with the greatest happiness and satisfaction your letter of May 12th. I had indeed been wondering how matters now stood and have been assuming that, as a result of your mobilisation, you had found it necessary to put the work entirely on one side.
I am, therefore, most delighted and grateful to hear that this has not been so and that, in spite of your official duties, you have, so far as you personally are concerned, carried the work through to a successful conclusion.
This being so, I am sorry that the publisher, monsieur Payot, has not felt able to publish the results. But I am not surprised and I have sympathy with his difficulties. In all the circumstances I expect that he is taking the wiser and more prudent course. In any case, the material is now all ready and complete for immediate publication as soon as a more favorable moment for such things appears. If it were to be published now, one cannot but feel that it would fall completely flat 227and that no-one would have in present circumstances sufficient interest or concentration of mind to pay any attention to it.
Meanwhile, I have produced another small work, a copy of which I should have sent to you before now if I had been in possession of your address. I am now having a copy sent to you under separate cover. This pamphlet, entitled “How To Pay For The War”, has been translated in the course of the last two or three weeks by Mademoiselle Nogaro under the supervision of her father, Professor Nogaro ; and, unless the violence of present conditions intervenes, it is expected that this should be published in its French dress by Monsieur Gallimard in the very near future.
Until recently my health made very considerable progress and I have been able to do far more work than was possible a year ago. Unfortunately a slight overstrain and the pressure of the news – heavy on all of us, but particularly heavy if one’s health is not perfect – have caused a slight deterioration, which is, however, I hope, only quite temporary.
With my best wishes and thanks,
Yours sincerely,
J.M. Keynes
Lettre 28. 28 juin 1941
Jean de LARGENTAYE
Attaché financier
près la Légation de France
rua Marqués d’Abrantés, Lisbonne
Lisbonne, le 28 Juin 1941
Me. J.M. KEYNES
Cher Maître,
Par M. Etienne BOEGNER, qui vous a vu en Angleterre, j’ai eu le plaisir d’avoir de bonnes nouvelles de vous.
Depuis cette époque vous êtes parti pour les États-Unis. Si à votre retour vous passez par Lisbonne, je vous serais reconnaissant de me prévenir quelque temps à l’avance, pour que je puisse y être lors de votre passage, car je serais très heureux de vous rencontrer.
228Je suis toujours attaché financier à Madrid et Lisbonne et je me déplace fréquemment entre ces deux villes et la France.
J’ai vu récemment M. PAYOT. Ayant été obligé de céder le plomb de ses clichés, il a tiré à 2.000 exemplaires la traduction française de la « Théorie Générale ». Toutefois il hésite à lancer actuellement ce livre. Il craint, dit-il, que les exemplaires soient saisis par les autorités allemandes. En réalité ce risque ne semble pas bien grand, puisque je crois savoir que le livre a été traduit en allemand. Il est plus probable que M. PAYOT croit le moment peu propice au lancement. Il m’a demandé une préface de M. PIETRI ou d’un homme politique. Je lui ai répondu qu’une telle préface ne pourrait que diminuer la valeur de l’ouvrage. Il a déjà la préface primitive et une préface inédite de vous. Il n’est pas nécessaire d’en publier une troisième. Je pense qu’il finira par lancer l’ouvrage mais je ne sais à quelle date.
Je vous prie d’agréer, cher Maître, l’expression de mes sentiments respectueusement dévoués,
J. de Largentaye
Lettre 29. 13 juillet 1941
Monsieur J. de Largentaye,
Legation de France, rua Marques d’Abrantes,
Lisbon.
The Mayflower
Connecticut Ave. and de Sales St
Washington DC
July 13, 1941.
Dear Monsieur Largentaye,
I had news of you from Monsieur Boegner and am delighted to get a letter from you in person. I am much interested and very greatly surprised that Monsieur Payot has actually printed off the copies of the General Theory in French. I agree with you that there are not likely to be political risks in issuing the book at the present time. All the same, it might be wiser to postpone publication to the day when men again have the time and inclination to study such matters. I have far too little knowledge of 229conditions in France to have an opinion worth while on this. But I should have thought one would not have been justified in pressing Monsieur Payot to publish against his judgement. In the matter of the preface I am entirely of your opinion. I see no need for an additional preface and should most certainly wish to see such a contribution before publication, which, in present conditions, might obviously lead to difficulty.
It is just possible I may be returning to England direct, but it is much more likely that I shall be passing through Lisbon, I hope before the end of this month. If so, I shall do my best to get in touch with you, in the hope that I shall hit one of the weeks when you are in Lisbon and not in Madrid. It would be a great pleasure to meet you face to face.
Yours very sincerely,
J.M. Keynes
Lettre 30. 27 décembre 1941
Madrid, the 27th of December 1941
Dear Sir,
On the occasion of the New Year I want to give you all the wishes I make for yourself and your country. I hope this new year will bring you a good health and the accomplishment of all your wishes. I hope too that the foreseens of Mr. Churchill in Washington, as the duration of the war, will be pessimists.
I have known with pleasure your new appointment. Without any doubt, in that important functions, you will serve usefully your country.
Yours faithfully,
J. de Largentaye
Monsieur J.M. KEYNES
King’s College, Cambridge
Great Britain
J. de LARGENTAYE
Attaché Financier
AMBASSADE DE FRANCE MADRID
230Lettre 31. 8 janvier 1942
Monsieur J. de Largentaye,
Attaché Financier,
Ambassade de France,
Madrid.
King’s College
Cambridge
January 8, 194213.
Dear Monsieur de Largentaye,
Many thanks for your letter of December 27th and your greetings. When the Germans collapse, they will probably do so with their usual thoroughness. When, therefore, they see that there can be only one answer in the end, they may be willing to accept it with surprising quickness. I should doubt, however, whether one can expect them to see with quite sufficient clearness this calendar year. But next, surely ?
So, let us hope that the translation will appear with the imprint of 1943.
Yours very truly,
J.M. Keynes
231Lettre 32. 29 juin 1942
LéGATION DE FRANCE
au portugal
_____
l’attaché financier
Lisbonne, le 29 Juin 1942
Sir J.M. KEYNES,
King’s College,
CAMBRIDGE
(Grande Bretagne)
Cher Maître,
C’est avec le plus grand plaisir que j’ai appris votre élévation à la Pairie. Cette distinction n’est pas seulement la juste récompense de vos travaux ; elle vous permettra encore d’agir plus efficacement pour le bien de l’économie britannique et mondiale. À ce double titre, je m’en réjouis.
En ce qui concerne la traduction de la « General Theory of Employment, Interest and Money », M. PAYOT refuse de la lancer tant qu’il n’aura pas une autorisation écrite de la censure allemande. Comme la connaissance de vos idées reste en France aussi nécessaire que jamais, j’ai fait demander la dite autorisation aux Services de la censure allemande.
Agréez, cher Maître, l’assurance de mes sentiments respectueusement dévoués.
J. de Largentaye
232Lettre 33. 10 juillet 1942
Monsieur de Largentaye,
Legation de France au Portugal,
Lisbon, Portugal.
46 Gordon Square
Bloomsbury
July 10, 1942.
My dear Monsieur de Largentaye,
Sincere thanks for your letter of June 29th, sending me your kind congratulations. It is much appreciated and I am very glad that we are still able to correspond.
I am interested to hear what you report about the projected French edition of the General Theory. If Monsieur Payot is not able to manage it, I shall be very far from surprised.
Sincerely yours,
J.M. Keynes
Lettre 34. 4 décembre 1942
LéGATION DE FRANCE
au portugal
_____
l’attaché financier
Lisbonne, December 4, 1942
Lord KEYNES,
King’s College,
CAMBRIDGE
(Great Britain)
Dear Sir,
When last in Paris, I was surprised to see that the French translation of la “Théorie générale” had been published. It is M. Payot who secured the necessary authorisation from the German authorities.
233The edition of 2000 issues seems to be already out of print. It is extremely difficult to find any copy at the booksellers. Herewith please find one.
I still occupy my post in Madrid and Lisbon, but I think that this situation will not last long and that I shall not be able to go back to France.
I hope that, in spite of your various occupations, you are in good health.
Believe me, dear Sir,
Respectfully Yours,
J. de Largentaye
Lettre 35. 3 mars 1943
Monsieur de Largentaye,
Legation de France,
Lisbonne.
46 Gordon Square
Bloomsbury
March 3, 1943
Dear Monsieur de Largentaye,
It is with the greatest interest and pleasure that a copy of the French edition has just reached my hands through Mr Ellis-Rees. It is a wonderful tribute to your pertinacity that, even in these times, the translation has managed to see the light. It is indeed remarkable that the edition should have been so promptly sold out, – though I suppose there are a good many people in France to-day who have nothing better to do than to think about the future rather the present.
I notice that the format is just as usual, the paper rather better and the price not much higher. All this gives an indication of a degree of normality, though I daresay a misleading one, greater than we in this country are apt to think of as prevailing in the Paris of today.
I am not surprised to read what you say about the likelihood of your return to France. I hope that circumstances may arise in which we 234shall be able to make some personal contact. Meanwhile my renewed thanks for what you have done to bring this book to birth. I owe you a great deal for the pains and trouble you have taken over a period of what is now many years.
Yours sincerely,
J.M. Keynes
P.S. The special introductions read very well, I think.
Lettre 36. 21 juin 1943
(Lettre reconstituée)
Jean de Largentaye
Commissariat aux Finances
Alger, Algérie
France
Alger, June 21 1943
Lord KEYNES,
King’s College,
CAMBRIDGE
(Great Britain)
Dear Sir,
I am now in Algiers working for the Treasury department of the Free French government.
My new address where you can write to me is :
Jean de Largentaye,
Inspecteur des Finances,
Commissariat aux Finances,
Algiers, Algérie
France
Yours respectfully,
J. de Largentaye
235Lettre 37. 1er juillet 1943
TREASURY CHAMBERS,
GREAT GEORGE STREET,
LONDON, S.W.1.
July 1, 1943.
Monsieur de Largentaye,
Inspecteur des Finances,
Commissariat aux Finances,
Algiers.
Dear Monsieur de Largentaye,
Your letter of June 21st has reached me quickly, and I have sent on your change of address to the Assistant Secretary. I am, of course, delighted to learn of your change of position. I hope this may mean that no long time will now elapse before we see you in London.
Sincerely yours,
Keynes
236Lettre 38. 5 janvier 1946
Monsieur de Largentaye,
Ambassade de France,
Madrid.
46 Gordon Square
Bloomsbury
January 5, 1946.
My dear Monsieur de Largentaye,
On my return from the United States I found your letter of November 29th awaiting me. My sincere congratulations on the happy news that you send me. I am very happy that I, most indirectly and obliquely, should have been the occasion of bringing the two of you together ! My greetings to your wife.
Sincerely yours,
Keynes
237II
Lettres des éditions Payot
à Jean de Largentaye (1938-1941)
et
Notes de JEAN DE Largentaye relatives
À la publication de la ThÉorie gÉnÉrale (1939 et 1942)
1. Lettre de Payot à Largentaye du 14 mars 1938 238
2. Lettre de Payot à Largentaye du 17 mai 1941 239
3. Lettre de Payot à Largentaye du 26 mai 1941 240
4. Note de Largentaye : Projet de « Prière d’insérer » 241
5. Note de Largentaye sur la publication du livre de John Maynard Keynes, The General Theory of Employment, Interest and Money 243
238Lettre 1. 14 mars 1938
PAYOT. PARIS
SOCIETE ANONYME AU CAPITAL DE 1 500 000 FR
106 BOULEVARD SAINT GERMAIN
Tel. Danton 55-64 et 5565 Téleg. PAYOT-PARIS
R.C. Seine 207 745 E
Paris, le 14 Mars 1938
Monsieur Jean de Largentaye
Inspecteur des Finances
29, Avenue Henri Martin
PARIS - 16e
Monsieur,
Nous vous confirmons notre communication téléphonique de ce jour.
Il est entendu que nous vous chargeons de la traduction française de l’ouvrage de John Maynard Keynes « THE GENERAL THEORY OF EMPLOYMENT, INTEREST AND MONEY », et que vous nous remettrez votre manuscrit d’ici au 15 Mai, de façon que nous puissions faire paraître l’ouvrage au plus tard en Juin.
Nous vous verserons pour ce travail une somme à forfait de 5 000 frs (cinq mille) à la réception du manuscrit.
Veuillez bien nous confirmer votre accord et agréez, Monsieur, l’expression de nos dévoués sentiments.
G. Payot
239Lettre 2. 17 mai 1941
PAYOT. PARIS
SOCIETé ANONYME AU CAPITAL DE 1 500 000 FR
106 BOULEVARD SAINT GERMAIN
Tel. Danton 55-64 et 5565
Téleg. PAYOT-PARIS
R.C. Seine 207 745 E
Paris, le 17 Mai 1941.
Monsieur J. de Largentaye
29, Avenue Henri Martin
PARIS-XVIe
Monsieur,
Nous avons l’honneur de vous informer que nous pensons faire paraître votre traduction de l’ouvrage du professeur Keynes dans le courant du mois prochain. Nous faisons présentement achever le tirage des premières feuilles et nous pensons pouvoir recevoir bientôt le livre broché qui, comme vous le savez, est imprimé en zone libre.
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos distingués sentiments.
Pour M. Payot,
240Lettre 3. 26 mai 1941
PAYOT. PARIS
SOCIETé ANONYME AU CAPITAL DE 1 500 000 FR
106, BOULEVARD SAINT GERMAIN
Tel. Danton 55-64 et 5565 Téleg. PAYOT-PARIS
R.C. Seine 207 745 E
Paris, le 26 Mai 1941
Monsieur J. de Largentaye
29, Avenue Henri Martin
PARIS-XVIe
Cher Monsieur,
Désirant faire paraître, comme notre service de fabrication vous l’a écrit récemment, le volume du Professeur Keynes le plus prochainement possible je vous prie de bien vouloir m’envoyer la préface que vous m’aviez promise de M. Piétri, sinon, une préface d’une personnalité importante de Vichy, qui serait indispensable pour le lancement de l’ouvrage.
Dans cette attente je vous prie d’agréer, cher Monsieur, l’expression de mes distingués sentiments.
Pour M. Payot
2414. Note de Largentaye : Projet de « Prière d’insérer »
La Théorie économique traditionnelle a été mise depuis 1914 à l’épreuve d’événements nouveaux et divers et elle n’est pas sortie de cette épreuve sans avoir subi de sérieux dommages. Les contradictions entre cette théorie et les faits sont apparues de plus en plus nombreuses et profondes. C’est ainsi que la guerre de 1914 s’est prolongée quatre ans alors que des raisons financières étaient censées interdire un conflit de longue durée. Alors que la théorie traditionnelle prêtait au libre échange des avantages presque illimités ce régime a dû être abandonné même par les pays qui y étaient le plus attachés. Alors que la doctrine affirmait l’impossibilité d’une surproduction générale, une telle surproduction est devenue depuis 1929 la moins contestable des réalités.
À moins d’affirmer que les faits ont tort on est contraint d’admettre la nécessité de réviser certaines parties de la théorie traditionnelle. C’est à cette tâche que M. KEYNES avec le réalisme dont il avait déjà fait preuve dans ses Conséquences Économiques de la Paix, s’est consacré depuis une quinzaine d’années. La Théorie générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie contient le résultat de ses travaux. Selon lui l’erreur de la théorie traditionnelle réside dans l’hypothèse de J.B. SAY que l’Offre crée sa propre Demande. Il démontre que cette hypothèse érigée par la théorie traditionnelle en loi et mise par elle à la base de ses développements n’est pas vérifiée dans la pratique. Les applications de la théorie traditionnelle sont donc limitées à un cas particulier qui ne correspond pas au monde réel. Ayant ainsi abandonné la loi de J.B. SAY, ayant écarté également la théorie traditionnelle du taux de l’intérêt dont il établit le mal fondé, M. KEYNES parvient, au moyen d’une simple analyse des notions de revenu et de capital, à reconstruire la théorie économique sur un plan général.
La Théorie générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie a eu un retentissement mondial. Il n’est pas exagéré de dire que, par l’exactitude de ses hypothèses, par la force de son argumentation et par l’importance de ses conclusions, elle a transformé la doctrine économique et marqué dans l’évolution de cette doctrine le début d’une ère nouvelle. À une époque où le caractère empirique de la politique économique et financière est en certains pays la source de graves difficultés, le livre 242de M. KEYNES est de nature à remettre de l’ordre dans les idées et à fournir à la science économique la base solide qui lui est nécessaire pour lui permettre de jouer avec succès le rôle si important qui lui est dévolu dans les communautés modernes.
***
2435. Note de Largentaye sur la publication du livre de John Maynard Keynes, The General Theory of Employment, Interest and Money
Le livre de M. Keynes The General Theory of Employment, Interest and Money a paru en Angleterre en 1936. Une traduction a été faite en Allemagne avant la guerre.
En France une traduction a été préparée par M. de Largentaye, Inspecteur des Finances, en 1938 et 1939. Elle devait paraître le 15 septembre 1939. La guerre a fait obstacle à sa publication.
À l’heure actuelle l’éditeur M. Payot ne consent à publier l’ouvrage dont il s’agit qu’au vu d’une autorisation écrite des Services de la Censure allemande. Eu égard à l’intérêt scientifique du livre de M. Keynes, l’autorisation pourrait être demandée par le Ministère des Finances.
Le livre de M. Keynes est un livre de pure théorie économique et monétaire. Il n’a pas d’aspect politique.
La traduction française est littérale. Elle comporte par rapport à l’édition anglaise les additions suivantes :
– Une seconde préface de M. Keynes
– Une note du traducteur
– Un lexique des termes techniques
Ces textes pourraient être joints à la demande d’autorisation.
244III
Correspondance entre Jean de Largentaye
et Piero Sraffa (1967)
1. Lettre de Largentaye à Sraffa du 17 novembre 1967 245
2. Lettre de Sraffa à Largentaye du 4 décembre 1967 246
3. Lettre de Sraffa à Largentaye du 17 décembre 1967 247
245Lettre 1. 17 novembre 1967
J. de Largentaye
45, quai de Bourbon
Paris IVe
ODE 15-25
ORIG. SENT TO KAHN (mention manuscrite de Sraffa)
Le 17 novembre 1967
Cher Monsieur,
Depuis votre dernière visite à Paris je suis sans nouvelles de vous et je le regrette vivement.
L’éditeur en France de la Théorie générale de Keynes, M. Payot, m’a demandé de revoir la traduction, qui avait été publiée en 1942 sans que j’aie pu corriger les épreuves.
Il veut publier une édition de poche. Je procède maintenant à cette révision et me rappelant l’aide que vous m’aviez apportée en 1939 j’ai encore recours à vous.
Il me semble avoir découvert 3 erreurs nouvelles dans le texte anglais :
Page 126 lignes 13 et 14, mon calcul donne 7 200 000 et 19 % au lieu de 6 900 000 et 29 %.
Page 115 ligne 1 si le symbole – se trouvait au début de la ligne plutôt qu’à la fin, le sens de la phrase serait plus clair et plus plausible. Dans la traduction, j’avais transposé ainsi ledit symbole. Il ne me souvient plus si Keynes avait approuvé ce transfert. J’ai maintenant des scrupules et j’aimerais avoir votre avis.
Page 9 ligne 1 il me semble qu’il faut lire « the supply of labour is not a function of real wages alone, … »
D’autre part la traduction en français de 2 phrases de la page 17 n’est pas claire. Nous n’avons pas de correspondant facilement intelligible de l’expression anglaise « uniquely correlated » (ou « unique correlation »).
Signifie-t-elle « corrélation exclusive » ? ou bien corrélation biunivoque ? (ce qui à mon avis serait faux) ?
246Ou bien encore une seule corrélation par opposition à 2 corrélations lesquelles suffiraient à déterminer complétement le salaire réel et l’emploi !
Je vous prie de croire, cher Monsieur, à mes sentiments amicaux et dévoués,
J. de Largentaye
Lettre 2. 4 décembre 1967
Trinity College
Cambridge
4.12. 67
Dear M. de Largentaye,
It was a great pleasure to receive your letter, and I am delighted to hear that you are preparing a new French edition of Keynes’ General Theory.
I have consulted Lord Kahn (M. R.F. Kahn) and the following are our agreed replies to your queries (Excuse my writing in English, but my french is a little rusty !)
p. 126, lines 13-14. Your correction of the calculation is obviously right.
p. 115, line 1. It is not clear to us that moving the symbol from the end of last l. 114 to the beginning of l. 1, p. 115 would make any difference. I now see that you must have meant « p. 114, last line » : we think that the position of the dash (–) is correctly placed at the end of that line : we have checked on the French edition and it seems to us that Keynes cannot have approved the change, and the arrangement should be restored as in the English edition.
p. 17. We understand that “unique correlation” does mean “correlation biunivoque”. Where the English ed., p. 17, l. 12, reads “are uniquely correlated” you could either retain the French translation as published (“sont liés un à un”) or substitute for it “sont liés par une corrélation biunivoque”.
247In line 19 the English ed. refers to “a unique (inverse) correlation” : the sense of this seems to be correctly rendered in the published French translation by the use of the words “à chaque niveau … un seul volume.”
Please give me my kind regards to Mme de Largentay.
Yours sincerely,
P. Sraffa
P.S. I am returning your letter for reference.
Lettre 3. 17 décembre 1967
Trinity College
Cambridge
17.12.67
Dear Mr de Largentaye,
I am very sorry that I failed to transcribe in my letter the note I had made in reply to your point on Keynes’s page 9. You are quite right the best word on page 8 should be “if” instead of “unless”. Lord Kahn, who is Keynes’ literary executor, asks me to thank you for pointing out this slip, which will be corrected when a new edition is prepared for Keynes’Collected Works.
I shall be flying soon over Paris on my way to Italy, but if on another occasion I can stop I shall take advantage of your kind invitation.
With the season’s good wishes for yourself and family.
Yours very sincerely
P. Sraffa
248IV
Notes DE JEAN DE LARGENTAYE
au ministÈre des Finances (1937-1938)
1. Note pour le Ministre A/S de l’existence prétendue d’une « asphyxie monétaire » du 27 mai 1937 249
2. Note pour le Sous-directeur du Mouvement Général des Fonds A.S. du financement des dépenses publiques extraordinaires en Allemagne 257
249
Ministère des Finances |
Paris, le 27 Mai 1937 |
Direction du Mouvement général
des Fonds.
Bureau
No 427 C.D.
Note pour le ministre
A/S de l’existence
Prétendue d’une
« asphyxie monétaire »
----------------------------
Dans le discours qu’il a prononcé à la Chambre des Députés le 7 Mai 1937, M. BERGERY parlant de la situation monétaire a déclaré :
« C’est un fait incontesté : nous visons une époque d’asphyxie monétaire, c’est-à-dire, d’insuffisance de monnaie ».
Le Ministre ayant demandé que la valeur de cette assertion fût appréciée par la comparaison des principaux postes du bilan de la Banque de France en 1913, en 1929, en 1935 et en 1937. J’ai l’honneur de lui soumettre résumées dans le présent rapport les conclusions de cet examen.
Tout d’abord l’exposé de M. BERGERY vise indifféremment l’asphyxie monétaire et l’insuffisance de monnaie. En réalité les deux termes n’ont pas une signification absolument identique et les deux ordres de phénomènes auxquels ils s’appliquent doivent faire l’objet d’études séparées.
*
* *
Suivant le désir exprimé par le Ministre l’insuffisance prétendue des signes monétaires pour satisfaire aux besoins des échanges sera examinée en premier lieu en comparant l’état de la circulation monétaire au cours des dernières années et en 1913 époque à laquelle on peut considérer que les besoins de monnaie se trouvaient pleinement satisfaits.
1o- La circulation de billets de banques et de monnaies métalliques en 1913, 1929, 1935 et 1937 ressort du tableau ci-après (en milliards de francs).
250TABLEAU -1
Monnaies d’or |
Monnaies d’argent |
Monnaies divisionnaires |
Billets de banque |
Total |
|
1913 moyenne |
5 |
2 |
. |
5,7 |
12,7 |
1929 fin |
- |
- |
1 |
68 |
69 |
1935 mars |
- |
2,5 |
1,1 |
82,7 |
86,3 |
1937 mars |
- |
2,5 |
1,1 |
86,1 |
89,7 |
Pour comparer la circulation aux différentes époques envisagées plusieurs méthodes peuvent être suivies.
2o- Les chiffres ci-dessus peuvent être convertis en francs de 1937 compte-tenu du poids d’or contenu dans l’unité monétaire aux diverses époques.
TABLEAU -2
Époques de référence |
1913 |
1919 |
1935 |
1937 |
Teneur en or de l’unité monétaire |
322,15 |
65,5 |
65,5 |
43 |
Circulation réelle |
12,7 |
69 |
86,3 |
90 |
Coefficients de majoration |
7,5 |
1,54 |
1,54 |
1 |
Circulation fictive |
95 |
106 |
133 |
90 |
3o- La circulation peut être majorée dans les mêmes proportions que l’indice des prix de détail. On obtient ainsi son pouvoir d’achat réel exprimé en biens de consommation sur les bases des prix de mars 1937.
TABLEAU -3
Époques de référence |
1913 |
1919 |
1935 |
1937 |
Indice des prix de détail |
100 |
593 |
420 |
529 |
Circulation réelle |
12,7 |
69 |
86,3 |
89,7 |
Coefficients de majoration |
5,29 |
0,9 |
1,26 |
1 |
Circulation fictive |
67 |
62 |
91 |
90 |
4o- La circulation peut être majorée dans la même proportion que le chiffre d’affaires. Mais comme celui-ci n’est pas connu en 1913 on peut employer à son défaut le montant des salaires payés lequel suivant une hypothèse plausible est en relation constante avec le chiffre d’affaires puisque les salaires sont quasi intégralement affectés à des dépenses de consommation.
TABLEAU -4
Époques de référence |
1913 |
1929 |
1935 |
1937 |
Circulation réelle |
12,7 |
69 |
86,3 |
89,7 |
Salaires payés (d’après Bernonville) |
15,7 |
115,6 |
87 |
|
Coefficients de majoration |
5,5 |
0,75 |
1 |
|
Circulation fictive |
70 |
52 |
87 |
N.B. - Les salaires payés en 1937 ne peuvent être évalués avec une approximation suffisante14.
5o- À défaut du chiffre d’affaires on peut aussi utiliser le montant total des revenus comprenant outre les salaires les bénéfices d’entreprise et les revenus mobiliers. Toutefois il convient d’appliquer les coefficients obtenus non aux chiffres de la circulation déterminée ci-dessus, mais à ces chiffres augmentés de la circulation scripturale, car une partie des revenus mobiliers sert à des règlements effectués par virement ou compensation.
TABLEAU -5
Époques de référence |
1913 |
1929 |
1935 |
1937 |
Monnaies et billets |
12,7 |
69 |
86,3 |
89,7 |
Dépôts dans les six principales banques |
6 |
40 |
33 |
35 |
Total |
18,7 |
109 |
119,3 |
124,7 |
Revenus annuels suivant Bernonville |
33,4 |
233 |
166 |
|
Coefficients de majoration |
5 |
0,71 |
1 |
|
Circulation fictive |
93,5 |
78 |
119 |
L’examen de ces divers tableaux montre qu’en 1937 la circulation représente un poids d’or légèrement inférieur à celui de 1913. En revanche son pouvoir d’achat de biens de consommation est notablement supérieur15. Par rapport aux salaires payés et aux revenus encaissés la circulation était plus abondante en 1935 qu’en 1913 et suivant toute vraisemblance cette conclusion doit encore être vraie à l’heure actuelle.
De ces premières remarques il ne semble pas résulter que l’on se trouve aujourd’hui en présence d’une insuffisance de monnaie, mais le problème doit être examiné de plus près.
La circulation monétaire comprend en France 3 parties bien distinctes :
La première correspond à l’encaisse métallique de l’Institut d’Émission, elle est purement représentative d’une circulation métallique.
La seconde est la contrepartie des avances faites par les Banques à l’État.
La troisième est la contrepartie des avances faites pour les besoins du Commerce et de l’Industrie.
À la différence de la première, les deux dernières parties de la circulation ont un caractère entièrement fiduciaire.
L’émission est faite non seulement par la Banque de France mais aussi par les Banques privées qui mettent des crédits en circulation chaque fois qu’elles font des prêts ou achètent des titres.
Si l’on examine les fluctuations de ces 3 parties de la circulation l’on constate que les deux premières varient sans relation directe avec les besoins monétaires du pays mais que la troisième se règle au contraire sur ces besoins.
a) La partie de la circulation représentative du stock métallique de la Banque de France oscille actuellement beaucoup moins en fonction du solde de la balance des comptes qu’en fonction des facteurs psychologiques qui déterminent entre les différentes places des mouvements de capitaux. L’on conçoit que ceux-ci ne soient pas en rapport direct avec les besoins de monnaie du marché intérieur.
Cette partie de la circulation a pu s’accroître en France de 45 milliards de frs de 65,5 mgr d’or de 1929 à 1932 et diminuer de 28 milliards de 1934 à 1936 sans que pendant ces deux périodes les besoins de monnaie aient fortement changé. En Angleterre et aux États-Unis des mesures ont été prises pour empêcher que les mouvements internationaux de 253capitaux n’affectent le marché monétaire. En France même depuis la création du fonds de stabilisation des changes les mouvements d’or continuent à accroître ou à réduire les ressources du marché monétaire.
b) Les émissions faites en vue de subvenir aux besoins de l’État soit par la Banque de France sous forme d’avance sans intérêt soit par les banques privées sous forme d’achat de Bons du Trésor sont commandées essentiellement par les besoins de la Trésorerie.
Elles ne sont donc pas elles non plus en relation directe avec les besoins monétaires du pays. Depuis Février 1935 les avances de l’Institut d’Émission se sont accrues de 20 milliards et ont à peu près compensé dans l’actif de son bilan les diminutions de l’encaisse métallique.
c) Tout autre est la partie de la circulation émise en contrepartie des avances faites au commerce et à l’industrie. Celle-ci se caractérise par son élasticité, elle se règle spontanément sur les besoins du pays en instruments d’échange. Lorsque ces besoins existent ou se développent, seules deux limites peuvent s’opposer à la création de monnaie, d’une part les règles de liquidité, règles imposées par la loi à la Banque de France et par la coutume aux banques privées qui en certaines circonstances obligent les unes et les autres à restreindre leurs avances, d’autre part l’élévation du taux de l’escompte qui enchérit parfois le loyer de l’argent au point d’obliger les débiteurs à réduire leurs engagements.
À certaines époques et notamment en 1924, 1925 et 1926 les règles de liquidité ont manifestement entravé la multiplication des signes monétaires. Aujourd’hui il n’en est plus de même. La couverture des engagements à vue de l’Institut d’Émission est de 55 % alors que la ratio légale (sic) est de 35 %. Quant aux banques leurs liquidités au moins en ce qui concerne les principales d’entre elles sont importantes. Elles disposent d’un important portefeuille réescomptable grâce auquel elles peuvent se procurer les disponibilités nécessaires au financement des échanges. Toutefois il apparaît qu’à l’heure actuelle les traites réellement commerciales tendent à se raréfier sur le marché monétaire. Cette circonstance oblige les Établissements de crédit à employer en comptes débiteurs une partie de leurs disponibilités et la nécessité de faire face aux retraits éventuels de leurs dépôts les empêchent dans une certaine mesure de développer leurs opérations16.
254Quant à l’élévation du taux de l’escompte, sans doute exerce-t-elle une action modératrice sur l’activité des transactions et surtout sur l’activité des plus utiles d’entre elles, celles qui ont un objet commercial et ne laissent que des bénéfices limités. Mais il semble qu’il ne faille pas s’exagérer cette influence. WITHERS17 observe que le coût de l’argent à court terme n’excède pas 1 % du prix de revient de la plupart des marchandises et que par suite une variation de cet élément si forte soit-elle n’est pas susceptible d’affecter notablement les marges bénéficiaires lorsque celles-ci existent.
En France notamment on ne perçoit pas de corrélation entre les variations du taux de l’escompte et celles des avances faites tant par l’Institut d’Émission que par les Banques privées.
En définitive, ni la règle de liquidité ni l’élévation du taux de l’escompte ne s’opposent à l’heure actuelle à l’accroissement des avances au commerce et à l’industrie et par suite au volume de la monnaie fiduciaire. L’offre de cette monnaie n’est pas limitée et puisqu’une partie de la circulation est susceptible de se développer librement suivant les besoins du pays en instrument d’échange l’on n’est pas fondé à dire que ce pays souffre d’une insuffisance de monnaie.
En réalité ce n’est pas l’offre mais la demande de monnaie qui apparaît insuffisante. Les besoins de monnaie susceptibles d’être satisfaits en conformité des règles légales ou coutumières qui régissent l’émission se maintiennent à un niveau peu élevé. De nombreux indices en témoignent.
Io- Compte tenu de la hausse des prix, le portefeuille commercial de la Banque de France n’est pas sensiblement plus important qu’avant la guerre.
TABLEAU 6
Époque de référence |
1913 |
1929 |
1935 |
1937 |
Portefeuille commercial |
1,8 |
8,5 |
4 |
10,6 |
Indice des prix de détail |
199 |
593 |
420 |
529 |
Coefficient de majoration |
5,29 |
0,9 |
1,26 |
1 |
Portefeuille fictif |
9,5 |
7,6 |
5 |
10,6 |
2o- La loi du 19 août a autorisé la Banque de France à accorder au commerce et à l’industrie des avances à taux réduit dans la limite de 3,5 milliards. Il n’a été fait usage de cette autorisation qu’à concurrence de 1,185 millions.
3o- Les avances à trente jours qui ont été créées en vue de fournir au marché monétaire les disponibilités qui pouvaient lui faire défaut, n’ont jamais pris un très grand développement. Depuis la fin du mois dernier elles n’ont pas cessé de décroître.
Puisque c’est dans la demande de monnaie et non dans l’offre que réside l’obstacle à l’accroissement de la circulation monétaire, peut-on en déduire qu’il n’existe aucun symptôme d’asphyxie monétaire. Une telle conclusion semblerait trop absolue.
*
* *
L’asphyxie peut être due non seulement à une insuffisance d’oxygène mais encore à une affection de l’appareil respiratoire ou des centres nerveux. Suivant une autre image plus couramment employée, le ralentissement ou l’arrêt d’une machine ne résulte pas nécessairement d’un défaut d’huile mais peut aussi provenir d’une insuffisance de force motrice.
Dans ce sens, on peut se demander s’il n’existe pas en France une certaine asphyxie monétaire. Dans un organisme économique où le rendement de la production n’est modifié ni par le progrès technique, ni par un changement dans les conditions d’emploi de la main-d’œuvre, la baisse des prix traduit nécessairement une asphyxie monétaire, que celle-ci provienne d’ailleurs d’une insuffisance de l’offre ou de la demande monnaie.
Or, de telles conditions sont apparues clairement en France depuis le début de 1930 jusqu’au mois de juin 1935. Pendant cette période, en effet, les prix n’ont pas cessé de baisser. Actuellement ils se redressent rapidement sous l’influence de l’accroissement des prix de revient dû aux lois sociales. Mais, lorsque cette cause aura cessé d’agir il n’est pas certain qu’ils ne s’orientent pas de nouveau vers la baisse.
Au surplus, lorsque la capacité de production d’un pays n’est pas entièrement utilisée, lorsqu’il existe une partie de l’outillage et de la main-d’œuvre inemployée, l’on est fondé à dire qu’il existe une asphyxie monétaire, puisqu’il est possible de créer des moyens de paiement sans déterminer une hausse corrélative des prix.
256Il a été exposé précédemment qu’en France l’asphyxie monétaire provenait de l’insuffisance des besoins de monnaie. C’est donc ceux-ci qu’il importe de développer.
Pour atteindre ce but des injections de monnaie fiduciaire même judicieusement conduites constitueraient un moyen aléatoire et dangereux. Il serait à craindre en effet que la monnaie ainsi créée ne fût d’abord thésaurisée et lorsque la confiance dans sa valeur aurait fléchi, brusquement rejetée sur le marché. Il se produirait alors une fuite devant la monnaie analogue à celle qu’a connue l’Allemagne en 1922 et dont les premiers symptômes se sont manifestés en France en juillet 1926.
Suivant les images précédemment employées en cas d’asphyxie, des inhalations d’oxygène ou des procédés de respiration artificielle permettent de traverser des crises aigues mais ne sauraient guérir des lésions pulmonaires ou nerveuses. De même, la meilleure lubréfaction (sic)18 d’une machine ne saurait remédier à l’insuffisance de la force motrice.
Dans un système économique de forme capitaliste fondé sur la liberté de produire et d’acheter, c’est l’espoir de réaliser des bénéfices qui constitue le moteur de l’activité économique. Lorsque cet espoir est affaibli, il importe avant tout de le restaurer. Certaines réformes des institutions juridiques fiscales et même monétaires pourraient y contribuer utilement19./.
Paris, le 27 mai 193720
LE DIRECTEUR
du Mouvement Général des Fonds :
Jacques Rueff
257Note pour le Sous-Directeur
du Mouvement général des fonds
A.S.
du financement des
dépenses publiques
extraordinaires en
Allemagne. –
Depuis son avènement, au début de l’année 1933, le Gouvernement Allemand a effectué un programme de dépenses extraordinaires, qui, pour les cinq années 1933 à 1937, paraît avoir atteint 60 milliards de reichsmarks21, c’est-à-dire au cours officiel de cette monnaie, près de 800 milliards de francs. Parallèlement le chômage a été réduit de 6 millions à 500 mille unités, tandis que la durée moyenne du travail industriel a été portée de 6 heures 91 à 7 heures 68 entre les années 1932 et 1938. La pleine utilisation de la capacité productive du pays était évidemment une condition indispensable pour que le Gouvernement pût réaliser un programme d’une pareille ampleur.
Les moyens financiers au moyen desquels ont été obtenus ces résultats feront l’objet du présent rapport dans lequel seront successivement examinés les procédés de financement de ces dépenses, l’action de ces procédés sur les prix et enfin les observations que suggère la politique financière du Troisième Reich.
*
* *
Pour financer ses programmes de dépenses extraordinaires, le Gouvernement National Socialiste a employé trois catégories de ressources, à savoir : l’émission de traites de travail, le placement d’emprunts et enfin les excédents budgétaires. L’importance relative de ces trois modes de financement ressort du tableau ci-après :
258
Traites de travail |
30 milliards |
Emprunts |
7 milliards |
Excédents budgétaires |
22 milliards |
-A- Traités de travail
Modalités des émissions. - Les traites de travail employées pour payer les fournisseurs de l’État ont la forme et l’apparence des effets de commerce ordinaires. Elles sont tirées par les créanciers, non sur le Reich lui-même mais sur une douzaine d’organismes qui jouissent de la garantie du Reich et qui, pour la plupart, ont été créés à cet effet. Parmi ces organismes citons : l’O.E.F.F.A., Société Allemande de Travaux publics, spécialisée dans les travaux publics et dont l’activité est aujourd’hui ralentie ; la M.E.F.O. Institut pour la Metallforschung spécialisée dans les travaux d’armement, la « Deutsche Bau und Bodenbank » et ses deux instituts satellites : la « Deutsche Rentenbank-Kreditanstalt » et la « Deutsche Siedlungsbank », spécialisées dans les travaux de colonisation et de construction d’immeubles, et enfin les deux « Sociétés de financement des Chemins de Fer » et « des autostrades », spécialisées dans les travaux ferroviaires et routiers.
Bien qu’elles revêtent des aspects différents suivant la nature des travaux qu’elles servent à financer, les traites de travail présentent certains caractères communs. Leur durée initiale varie de 3 à 15 mois et elles sont généralement émises en même temps qu’un certain nombre de traites de renouvellement à trois mois d’échéance. L’échéance finale des dernières traites de renouvellement semble se situer uniformément entre janvier et mars 1939.
Pour l’observation de la règle des trois signatures, les traites de travail sont avalisées par un certain nombre d’organismes spécialisés dans cette fonction et dont certains ne sont que l’émanation des banques qui les acceptent ou des banques qui les escomptent. Quant à l’escompte lui-même, il est assuré non seulement par les établissements de crédit, les sociétés coopératives et les « Banques Particulières » semi-publiques, telles que la Verkehrskreditbank, la Bank der Deutschen arbeiter, la Bau und Bodenbank, etc., mais encore par la Banque d’Émission, par certaines banques publiques et par les Caisses d’Épargne.
259Volume des émissions. - Pour évaluer le montant des effets de commerce et des traites de travail en circulation, on disposait jadis de deux sources de renseignements : en premier lieu, la publication officielle du montant considéré, et en second lieu, le produit mensuel de l’impôt de timbre de 1 millième sur les effets de commerce.
Si l’on suppose que les effets sont à trois mois d’échéance, le montant des traites en circulation à un moment donné est égal au produit de l’impôt multiplié par 1.000 pendant les trois derniers mois. L’influence des effets à plus de trois mois peut être négligée, d’abord parce qu’ils sont relativement peu nombreux et surtout parce qu’ils engendrent deux erreurs de sens contraire. Pour tenir compte des dits effets, l’addition du produit mensuel de l’impôt devrait être faite non seulement pour les trois mois antérieurs, mais pour un nombre de mois plus grand ; en revanche, le montant des produits mensuels de l’impôt devrait être diminué d’une certaine fraction eu égard à la durée supérieure à trois mois de certaines des traites émises pendant la période trimestrielle envisagée. Ces erreurs se compensent exactement lorsqu’on considère la situation moyenne de la circulation des effets sur une période assez longue. Avant 1933, les renseignements provenant de ces deux sources concordaient régulièrement. Depuis cette époque, ils diffèrent de plus en plus. En outre, la publication du montant des traites en circulation a été suspendue. Quant à l’impôt du timbre, il a été modifié en juillet 1935 au moment où l’on commençait à utiliser couramment son produit comme base d’évaluation du montant susvisé.
Les derniers renseignements certains dont on dispose datent donc de juin 1935 et proviennent du produit de l’impôt du timbre pendant les trois mois précédents. Ils paraissent dignes de foi bien que leur valeur ait été parfois contestée. Or, les émissions de traites de travail pendant les mois de mars, d’avril et de mai 1935 ont été respectivement de 9,9 de 8,3 et de 8,6 milliards de reichsmarks. Le montant des traites en circulation était donc à la fin de Mai 1935 de 26,8 milliards. Comme ce même montant n’était en Février 1933 que de 8,5 et que les émissions privées paraissent s’être ralenties dans l’intervalle, on est fondé à conclure qu’entre Février 1933 et Mai 1935 le Reich a émis environ 18 milliards de traites de travail.
Depuis l’été 1935, on ne dispose plus d’aucun renseignement certain et l’on en est réduit aux conjectures. Il est hors de doute que pendant les cinq derniers semestres, l’émission a encore fortement augmenté. Un 260indice de cette tendance peut être trouvé dans les portefeuilles-effets de la Reichsbank et des principales banques qui depuis plusieurs années comprennent presque exclusivement des traites d’État. Entre Juin 1936 et Juin 1937 la comparaison s’établit comme suit :
Portefeuilles effets |
|||
Reichsbank |
Autres banques |
Total |
|
Fin juin 1935 Fin juin 1936 Fin juin 1937 |
4.007 4.797 5.322 |
8.653 9.997 12.614 |
12.660 12.794 17.935 |
L’augmentation entre Juin 1935 et Juin 1937 ressort à 42 %. Si l’on suppose que dans l’intervalle la répartition des traites entre les divers détenteurs n’a pas changé et qu’on applique le pourcentage de 42 % à la circulation existant en Juin1935, soit 26,8 milliards, l’on arrive au chiffre de 38,2 milliards et l’émission nette entre Février 1933 et la fin de 1937 ressort à 38,2 - 8,6 soit approximativement 30 milliards. Il convient de ne pas se dissimuler l’imperfection d’une pareille méthode d’évaluation, méthode qui n’est employée qu’à défaut d’une autre plus précise. Mais eu égard aux efforts déployés pour empêcher les traites d’entrer dans le portefeuille des banques, il semble que le chiffre qu’elle fournit soit plutôt en deçà qu’au-delà de la réalité.
- B – EMPRUNTS
La Statistique Officielle fournit des renseignements sur le montant des emprunts à long terme placés par le Reich. Si l’on néglige un emprunt de 330 millions placé en 1934 qui a servi à rembourser deux emprunts antérieurs au nouveau régime, les chiffres sont les suivants :
1933 et 1934 |
Néant |
1935 |
1,8 |
1936 |
2,3 |
1937 |
2,7 |
Total |
6,8 |
Ainsi, le montant des emprunts émis pendant les cinq dernières années s’élève à 7 milliards environ.
Ces emprunts furent uniformément baptisés emprunts de consolidation, étant en principe destinés à consolider la Dette Flottante. Mais comme celle-ci n’a pas cessé de s’accroître parallèlement à leurs émissions on ne peut soutenir qu’ils aient eu véritablement ce caractère.
On ne peut dire non plus qu’ils aient servi à absorber, à éponger en quelque sorte, les augmentations de la circulation monétaire, car exception faite de certaines périodes de courte durée, cette circulation n’a jamais pu être réduite d’une façon durable. En réalité, les dépenses du Reich ont été couvertes concurremment par ces emprunts et par les traites de travail, ces derniers instruments de crédit ayant par ailleurs jusqu’à concurrence d’un certain montant (cf. infra) servi de support à l’accroissement de la circulation monétaire.
En revanche, il est exact de dire que l’abondance de signes monétaires engendrée par l’émission des traites de travail et leur escompte ultérieur par les banques a contribué au succès des emprunts. La capacité d’absorption du marché allemand en ce qui concerne les emprunts d’État était autrefois considérée comme réduite. Un emprunt de la Défense Nationale d’un milliard avait été péniblement placé avant la guerre. Depuis la guerre aucun emprunt n’avait été placé pour un montant supérieur à 500 millions.
Il est vrai qu’une partie des emprunts nouvellement contractés ont pu être souscrits par les banques. Dans ce cas deux hypothèses sont possibles : ou les émissions ont eu pour contrepartie un accroissement de la circulation monétaire (dépôts et billets) au passif des établissements bancaires ; elles ont alors procuré au Reich des ressources nouvelles ; ou les émissions ont eu pour contrepartie une diminution dans l’actif des banques des traites de travail qui se trouvaient dans le Portefeuille-effet, elles ont alors constitué en apparence une consolidation et n’ont rapporté au Reich aucune disponibilité nouvelle. De prétendues consolidations de cette nature portant sur les titres compris dans l’actif des banques n’ont d’ailleurs pas de conséquence économique et auraient pu être réalisées sans peine sur une échelle beaucoup plus considérable, n’était le souci de ne pas diminuer dans une proportion excessive la liquidité apparente des banques.
262Au surplus, la répartition des émissions du Reich entre les traites de travail et les titres à long terme n’a pour l’objet de la présente étude qu’un intérêt secondaire. Pour déterminer le montant des ressources dont le Reich a pu disposer grâce aux émissions d’emprunt à court et long terme, il faut incontestablement additionner la circulation des traites et le montant des emprunts placés. L’on parvient ainsi au chiffre de 30 + 7, soit 37 milliards22.
- C – EXCÉDENTS BUDGÉTAIRES
Bien que les budgets ne soient pas publiés depuis plusieurs années, la statistique officielle fait connaître les recouvrements mensuels au titre des impôts et des droits de douane. Nous ferons état de ces chiffres sous les réserves habituelles.
Recettes d’impôts |
Plus-values par rapport |
|
1932-1933 |
6,6 |
|
1933-1934 |
6,8 |
0,2 |
1934-1935 |
8,2 |
1,6 |
1935-1936 |
9,6 |
3 |
1936-1937 |
11,2 |
4,9 |
1937-1938 |
13,5 |
6,9 |
Total |
16,6 |
Ainsi, les recettes fiscales ont-elles plus que doublé depuis 1932. Un tel résultat paraît devoir être attribué principalement à l’amélioration économique mais il est dû aussi en partie à la création d’impôts nouveaux et au resserrement des contrôles.
Quant aux dépenses budgétaires ordinaires, sans en connaître le chiffre global, on sait cependant que certaines d’entre elles ont été réduites. C’est le cas en particulier des encours de chômage comme l’indique le tableau ci-dessous :
263
Secours de chômage |
Diminution par rapport aux chiffres |
|
1932-1933 |
3,15 |
0 |
1933-1934 |
2,75 |
-0,4 |
1934-1935 |
2,05 |
-1,1 |
1935-1936 |
1,65 |
-1,5 |
1936-1937 |
1,3 |
-1,85 |
1937-1938 |
0,9 |
-2,25 |
Total |
7,1 |
Comme le budget de 1932 était pratiquement en équilibre (le déficit n’ayant atteint que 140 millions), on est en droit de conclure que du seul fait des plus-values de recettes et des économies sur les secours de chômage, le Reich a pu disposer pendant les cinq années considérées de ressources s’élevant à 16,6 + 7,1, c’est-à-dire de plus de 23 milliards.
*
* *
L’action sur les prix de cette politique de dépenses publiques extraordinaires mérite d’être examinée avec soin. D’après la statistique officielle, le coût de la vie aurait à peine changé depuis 1932, l’indice n’accusant qu’une hausse de 78,3 à 81,8. L’accroissement des prix de gros aurait été plus marqué ; l’indice témoigne d’une hausse de 70,3 à 77,8. Il convient d’ailleurs d’observer que pour certaines denrées comme le blé, la hausse des prix a été réalisée intentionnellement afin de développer la production sur le sol allemand des richesses de première nécessité.
En dépit des statistiques officielles qui, à cet égard, ne méritent pas plus de crédit que dans les autres domaines, il apparaît comme certain que le coût de la vie a monté en Allemagne, mais non dans une proportion importante, d’après le témoignage d’observateurs impartiaux, on peut évaluer à 15 % environ la hausse qui s’est produite depuis 1932. Quant au taux des salaires horaires, il résulte des indications du tableau ci-dessous qu’ils n’auraient guère varié.
264Salaires horaires en pfennigs
Janvier. Ouvriers qualifiés Ouvriers semi-qualifiés Manœuvres Ouvrières qualifiées Ouvrières non-qualifiées |
1934 78,3 68,1 62,1 51,6 43,3 |
1935 78,3 68,3 62,2 51,6 43,4 |
1936 78,3 68,3 62,2 51,6 43,4 |
1937 78,3 68,3 62,2 51,6 43,4 |
En réalité, les revenus de la classe ouvrière ont été assez fortement accrus non seulement par la pratique des heures supplémentaires mais encore par le reclassement des travailleurs dans les catégories les mieux rémunérées, reclassement rendu possible par la pénurie de main d’œuvre qui s’est progressivement développée. D’autre part, le travail quotidien a été porté à 10 heures dans certaines branches d’industries comme le bâtiment, bien que la règle de la journée de huit heures soit toujours en vigueur.
Or, la stabilité relative au niveau des prix au cours des cinq années considérées a pu être maintenue en dépit d’un accroissement marché du volume de la circulation monétaire23. En effet, une proportion importante des traites de travail et une proportion sans doute plus faible des emprunts à long terme sont entrées dans le portefeuille des banques à la suite d’opération d’escomptes ou d’avances et par conséquent ont été converties en monnaie. Et quand un effet entre dans un portefeuille bancaire, quand il est « mobilisé » il perd sa nature de capital productif d’intérêt et acquiert le caractère d’un revenu susceptible d’alimenter une dépense de consommation et par suite d’engendrer une hausse des prix.
Il est vrai que le Reich s’est efforcé d’empêcher que les effets ne fussent convertis en monnaie. Les industriels ont été invités à conserver les traites de travail. Un intérêt substantiel égal à 4 % et parfois supérieur leur a été alloué. En pratique, les entreprises paraissent n’avoir fait escompter 265leurs traites que dans la mesure où elles avaient un besoin pressant de monnaie pour le paiement des salaires. En particulier les bénéfices semblent avoir été en grande partie placés sous forme de traites au lieu d’être dépensés par leurs titulaires. Les autorités financières semblent avoir opposé de tels obstacles à l’escompte des traites du travail que des groupes d’industriels en relations d’affaires ont été conduits à créer des organismes corporatifs destinés à faciliter leurs règlements réciproques. Le mécanisme employé consistait à charger ces organismes de recevoir les traites de travail en échange de crédits inscrits aux comptes des industriels et d’opérer les virements des crédits de compte à compte. Il semble qu’une circulation monétaire s’élevant à près de 2 milliards de Reichmarks se soit greffée de cette manière sur la masse des traites restées en possession des particuliers.
Malgré les obstacles opposés par les autorités financières aux opérations d’escompte de traites et d’avances sur titres la circulation monétaire ne s’est pas moins développée dans une forte proportion. Pour évaluer cette proportion il eût été nécessaire de procéder au passif des établissements bancaires à l’inventaire complet des postes comprenant des moyens de paiement. Il n’a pas été possible d’y parvenir. De nombreuses banques publiques ou semi-publiques en effet se dispensent actuellement de publier leurs bilans ; et lorsque ces documents sont publiés, les doutes peuvent être émis quant à leur sincérité. C’est ainsi qu’en 1935 la Bau und Bodenbank a rectifié des bilans mensuels plusieurs mois après leur publication. À la même époque, il existait des raisons de croire que le chiffre de la circulation indiqué par le bilan de la Reichsbank était inférieur de 1,5 à 2 milliards à la réalité.
Pour évaluer l’accroissement de la circulation on en est donc réduit, connaissant le montant des traites de travail et des emprunts émis à long terme, à calculer la proportion de ces effets qui sont entrés dans le portefeuille des banques. Il est à peine besoin de souligner le caractère approximatif d’une telle méthode. Sa base sera fournie par des renseignements datant de juillet 1935 et relatifs à la répartition des traites de travail et des valeurs du Trésor entre leurs divers détenteurs. Dans la première colonne du tableau ci-après figurent les chiffres publiés par la statistique officielle et dans la seconde colonne les mêmes chiffres corrigés d’après divers éléments connus.
266Traites de travail et valeurs du Trésor en circulation
à la fin de juillet 1935
Statistique officielle |
Chiffres corrigés |
||
Établissements de Crédit Banques particulières |
} |
3,94 |
3,8 |
2,1 |
|||
Banques publiques |
2 |
4,5 |
|
Banques d’émission |
4,24 |
6,4 |
|
Caisses corporatives |
1,5 |
1,5 |
|
11,68 |
18,3 |
||
Caisses d’épargne |
0,8 |
1,9 |
|
Services publics et assurances |
« » |
2,5 |
|
Commerce et Industrie |
3,07 |
7 |
|
Divers |
0,73 |
1,3 |
|
16,30 |
3124 |
Il résulte des chiffres de la première colonne qu’une proportion de 72 % des effets existants en juillet 1935 se serait trouvée dans le portefeuille des Banques. Calculée au moyen des chiffres corrigés de la seconde colonne cette proportion ne s’élèverait qu’à 60 %. Nous adopterons donc ce dernier chiffre, et nous l’appliquerons au montant des traites émises entre 1933 et 1938, montant estimé précédemment à 30 milliards. Le chiffre de 18 milliards ainsi obtenu fournira un chiffre approximatif de l’accroissement de circulation monétaire dû à l’escompte des traites de travail. Quant aux emprunts à long terme émis durant les trois dernières années et figurant actuellement dans l’actif des banques, l’interprétation des statistiques officielles permet d’en fixer le montant à 2 milliards environ. C’est ainsi qu’une estimation – très grossière, on ne saurait trop le répéter – conduit à évaluer à 20 milliards de R.M. l’accroissement de la circulation monétaire totale depuis 1933. À la lumière de ces chiffres, la ventilation précédemment établie devrait être précisée comme suit : 267les dépenses publiques extraordinaires du Reich dont le montant est estimé à 60 milliards, auraient été financées : à concurrence de 20 milliards par des émissions de monnaie, à concurrence de 17 milliards par des emprunts tant à court qu’à long terme, et enfin à concurrence de 23 milliards par des ressources budgétaires ordinaires.
Si l’on considère les conséquences économiques de cette politique de dépenses publiques, on constate que malgré l’effort qu’elle a imposé au pays, il n’en est pas résulté pour l’ensemble de la consommation une diminution notable.
Les interventions de l’État dans le domaine financier sont susceptibles d’agir sur la consommation nationale de façon (sic) diverses.
Les placements d’emprunts entraînent pour les souscripteurs une restriction de leurs consommations qui est en général librement consentie, mais qui en Allemagne n’a pas été entièrement volontaire comme l’atteste le cas ci-dessus examiné des industriels détenteurs de traites de travail.
L’augmentation des charges fiscales oblige certaines catégories d’individus à réduire leur consommation, la répartition des sacrifices prévus par les autorités pouvant d’ailleurs être modifiée dans une certaine mesure par les phénomènes d’incidence.
Enfin, suivant que la circulation est excessive ou insuffisante, la création de monnaie agit sur la consommation de façons opposées. Mais seule la hausse du niveau des prix par rapport aux traitements et salaires s’accompagne d’une restriction générale et obligatoire des dépenses réelles des consommateurs. Or, en Allemagne, s’il a été fait emploi de l’emprunt et de l’impôt pour transférer des particuliers à l’État certaines possibilités de consommation jugées superflues en revanche, il n’y a pas eu une amputation marquée de la consommation résultant d’une hausse des prix. Et si les dépenses publiques extraordinaires n’ont pas été accompagnées d’une réduction parallèle des dépenses de consommation faites par les particuliers, il faut en conclure que c’est dans l’accroissement de la production qu’elles ont trouvé leur origine principale.
*
* *
Il ne sera pas inutile en concluant cette étude d’examiner quelles ont été les conditions d’une politique de dépenses publiques d’une telle ampleur et quelles en seront les limites.
Une des conditions essentielles de cette politique a été constituée par le contrôle des mouvements internationaux de capitaux. C’est grâce à ce contrôle que le Gouvernement a pu régler le volume de la circulation monétaire sans être contrarié dans son action par les déplacements des capitaux liquides à travers les frontières. Lors de son avènement, le régime Hitlérien a eu l’avantage de se trouver en présence d’une circulation monétaire insuffisante pour les besoins des transactions. L’augmentation du volume de cette circulation lui a fourni les moyens de réaliser ses desseins sociaux et militaires tout en ramenant l’activité économique à son niveau optimum.
En dehors de cette condition technique, il était nécessaire que le pays se pliât aux nécessités d’une production accrue. Or, il apparaît que toutes les classes sociales ont fait preuve, spontanément ou non, d’une grande discipline. Les ouvriers ont accompli sans résistance des heures supplémentaires, ont accepté dans plusieurs cas la prolongation de la durée quotidienne du travail, l’âge de la retraite a été reculé dans certaines professions et tous les moyens ont été mis en œuvre pour accroître le rendement du travail. D’autre part, les entreprises ont consenti à produire et même à augmenter leur activité malgré la modicité des bénéfices et les difficultés opposées à leur utilisation. Quant aux établissements bancaires, il n’est pas exagéré de dire qu’ils ont perdu toute indépendance, étant passé entièrement entre les mains ou au moins sous le contrôle étroit du Gouvernement. L’activité économique de l’Allemagne a témoigné dans ces conditions d’une très grande élasticité. L’indice officiel de la production est passé de 53 en 1932 à 120 en 1938 et l’indication qui résulte de ces chiffres est corroborée par de nombreux renseignements. Une telle élasticité de la production était d’ailleurs indispensable pour que les émissions de monnaie ne déterminent pas une hausse des prix sensiblement plus accentuée.
Quelles seront les limites des dépenses publiques extraordinaires du III Reich. (sic) Il ne semble pas qu’elles puissent au cours des années prochaines s’accroître au même rythme qu’au cours des années précédentes. En effet, les moyens financiers utilisés n’ont pas tous un caractère durable. L’accroissement de la circulation monétaire produirait au-delà 269d’une certaine limite tous les maux que l’on attribue communément à « l’inflation ». Traduit dans le domaine économique, cette observation signifie qu’il existe des limites à la capacité de production des pays, quelle que soit l’activité des individus, la division du travail et la perfection des méthodes de production mise en œuvre. Cette limite qui correspond à l’occupation totale des forces de travail ne paraît pas loin d’être atteinte en Allemagne.
En revanche, il n’apparaît pas impossible que le niveau actuel des dépenses publiques puisse être maintenu, si le pays continue à accepter les efforts qui lui sont demandés. Les ressources budgétaires normales de l’État s’accroissent en effet à un rythme rapide et il n’est pas interdit de supposer qu’avant longtemps elles ne le dispensent de recourir aux émissions monétaires. C’est ainsi, semble-t-il, qu’il faut interpréter les paroles du Dr. SCHACHT lorsqu’il a annoncé à la récente Assemblée Générale de la Reichsbank que les émissions de traites spéciales seraient prochainement suspendues.
Paris, le 26 mars 1938
L’Inspecteur des Finances
chargé de mission à la Direction Générale du Mouvement des Fonds
Signé : P. (sic) de LARGENTAYE
1 « Yes, you are right in thinking that I have got myself here into a muddle. But it is not easy to put it right in a few words. »
2 Ces modifications ne seront pas retenues dans les éditions anglaises postérieures de The General Theory.
3 Soit environ 2 700 € en 2020.
4 Ce projet de Table de correspondance accompagne la lettre du 8 mai 1938 de Jean de Largentaye à J.M. Keynes.
5 Keynes a joint ces équations manuscrites à sa lettre du 2 juin 1939. Elles ont été reprises dans la traduction française avec la mention : « Additions suggérées par l’auteur (N. du T.) ». Cependant le lecteur peut constater une modification des symboles, sans doute pour faciliter la lisibilité : le symbole ? a été substitué à ? ; la lettre Q à la lettre O ; la lettre s (salaire) à la lettre w (wage). Dans l’édition de 2017 de la Théorie générale (p. 368), une coquille s’est glissée dans l’écriture de la première équation où la lettre nr a été substituée à la lettre Nr.
6 Sraffa a écrit « expectations » au pluriel par erreur car dans la table de correspondance du traducteur accompagnant sa lettre du 8 mai 1938 (p. 13) ce terme figure au singulier.
7 Sraffa a écrit « placement de capital » au lieu de « placement ou capital » qui est la traduction du terme anglais « investment » proposée par le traducteur dans la table de correspondance accompagnant sa lettre du 8 mai 1938 (cf., p. 13).
8 Selon toute vraisemblance, il s’agirait d’Henry Bizot (1901-1990), inspecteur des Finances (1925), il devient en 1929 Secrétaire général adjoint du Comptoir National d’Escompte de Paris – CNEP (devenu Banque nationale de Paris en 1966).
9 Il s’agit probablement de Gabriel Ardant (1906-1977), inspecteur des Finances (1929) qui a collaboré avec Largentaye pour la traduction française de The General Theory de Keynes ; il est remercié à la fin de la première note du traducteur de la Théorie générale (Largentaye, 2017, p. 33).
10 La Préface à l’édition française (7 pages dactylographiées) était jointe à la lettre.
11 Selon toute vraisemblance, il s’agirait de J. Cheguillaume que Largentaye remercia dans sa Préface d’août 1939.
12 J.M. Keynes dans sa lettre du 22 juin 1939 renvoya explicitement aux deux points mis en avant par le traducteur dans une lettre du 19 juin. Il a semblé important d’en faire état bien qu’elle ne figure ni dans les archives familiales ni dans celles de King’s college. Elle a pu être reconstituée à partir a) d’un brouillon manuscrit daté du 9 juin trouvé dans les archives familiales pour ce qui concerne le premier paragraphe et b) des annotations au crayon de la p. 219 de The General Theory sur laquelle travaillait Largentaye pour le reste du texte.
13 Keynes fait état d’une lettre de vœux de Largentaye du 27 décembre : “Many thanks for your letter of December 27th and your greetings”. La date indiquée sur l’original comme sur le double conservé à King’s College est, “January 8, 1941”. Tout cela fait penser à une confusion quant à l’année. La date de 1942 semble plus plausible.
14 Le Tableau est accompagné d’une note manuscrite en marge de Jacques Rueff, « demander à Bernonville, approximation ». [Leopold Dugé de Bernonville (X-1901), sous-directeur de la Statistique générale de la France, était connu pour ses travaux sur l’évaluation des revenus de La France].
15 Lignes soulignées par Jacques Rueff.
16 Annoté par Rueff d’un point d’exclamation.
17 « WHITERS » il semble, qu’ici, Largentaye renvoyait à Hartley Withers.
18 Sans doute « lubrification » plutôt que « lubréfaction ».
19 Jacques Rueff annota les deux dernière phrases de cette Note : « Lesquelles dans les circonstances présentes ? à l’auteur de la note ? l’espoir fléchit JR ».
20 La date indiquée sur l’original est 27 mai 1936. Il s’agit sans doute aucun d’une faute de frappe. L’interpellation de Bergery était du 7 mai 1937 d’une part et d’autre part la Note fut enregistrée le 27 mai 1937. Nous avons donc repris cette date.
21 Les chiffres dont il est fait état dans ce rapport sont donnés sous les plus expresses réserves, car la publication des statistiques budgétaires ou économiques est aujourd’hui pratiquement suspendue et les chiffres communiqués contiennent de troublantes contradictions. Le degré de certitude des renseignements utilisés sera indiqué au sujet de chacun d’eux.
22 Dans ce calcul, il n’a pas été fait état des Bons du Trésor, des valeurs à court terme et des Bons imputatifs d’impôt qui ont été émis pour un montant de plus de 4 milliards entre 1933 et 1935. Il est vraisemblable d’admettre en effet que cette dette à court terme a pu être remboursée par la suite au moyen des autres ressources du Reich./.
23 On ne s’attardera pas ici à discuter si l’accroissement a porté sur la circulation scripturale ou sur la circulation sigillaire (l’épithète sigillaire – de sigillum – sceau s’applique dans la terminologie moderne au papier monnaie, aux billets de banque, aux jetons métalliques et autres signes monétaires de même nature). Il n’est plus contesté que ces deux formes de circulation aient, d’une part, sur le niveau des prix et, d’autre part, sur le niveau de l’occupation du travail, c’est-à-dire sur les volumes de la production et de la consommation, des effets équivalents.
24 Le chiffre de 31 milliards correspond à celui de 26,8 précédemment calculé augmenté des 4 milliards de dettes à court terme mentionnées dans une note précédente.
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- ISBN : 978-2-406-12615-7
- EAN : 9782406126157
- ISSN : 2495-8670
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12615-7.p.0181
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 08/12/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français