Jean de Largentaye et Payot 1938-1942, quatre ans d’échanges entre le traducteur et l’éditeur de la Théorie générale de Keynes
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
2021 – 2, n° 12. varia - Auteur : Largentaye (Hélène de)
- Pages : 57 à 73
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
JEAN DE LARGENTAYE ET PAYOT 1938-1942,
Quatre ans d’échanges entre le traducteur et l’éditeur
de la Théorie générale de Keynes
Hélène de Largentaye
I am anxious that the book should be available in French, and I am, therefore, prepared to be very moderate in my terms.
J.M. Keynes, Lettre à Payot, 21 février 1938.
Après que la France et la Grande-Bretagne eurent déclaré la guerre à l’Allemagne, le 2 septembre 1939, Jean de Largentaye, jeune inspecteur des Finances âgé de 36 ans, terminait la lecture des épreuves de la traduction de The General Theory de J.M. Keynes. Il avait été mobilisé pour la troisième fois en août 1939. En décembre 1939, il se préparait à rejoindre l’Ambassade de France à Madrid, comme adjoint du chef de la mission d’achat d’armement1 à l’Espagne où la guerre civile 1936-1939 venait de prendre fin.
La publication de la traduction était imminente : Payot avait fixé son lancement au 15 septembre 1939 puis reporté cette date à décembre 1939. Toutefois, ce n’est qu’au second semestre 1942 – on ignore le mois précis – que la traduction parut. Comment expliquer cet écart de trois ans ?
58Après un aperçu des traductions en allemand, japonais, espagnol et en italien parues du vivant de Keynes, nous présenterons tour à tour le point de vue de la maison d’édition française Payot puis les différentes étapes qui se succédèrent, du lancement de la traduction en janvier 1938 jusqu’à sa publication fin 1942. Ce délai de quatre ans s’explique par un premier report dû aux difficultés de la traduction en français suivi d’un second imputable au contexte politique et économique des années 1938 à 19422.
Voyons d’abord comment The General Theory fut traduite en allemand, japonais, espagnol et italien.
I. LES Traductions EN allemand, JAPONAIS,
ESPAGNOL ET ITALIEN de THE GENERAL THEORY
Keynes ne voulait pas recommencer l’expérience malheureuse de la publication en 1930 de A Treatise on Money qui s’était mal vendu en Grande-Bretagne ainsi qu’en Allemagne3. En Grande-Bretagne, le prix de vente de The General Theory devait être assez bas pour être accessible à un large lectorat. En accord avec Keynes, la maison d’édition Macmillan & Co., le fixa à 5 shillings4, soit trois fois moins cher que chacun des deux tomes de A Treatise on Money (15 shillings chacun).
Keynes allait se montrer très attentif à la diffusion de son œuvre à l’étranger, et donc aux traductions de celle-ci, en particulier en allemand et en français.
I.1. La traduction en allemand
La traduction allemande, la première, eut lieu dans des circonstances bien différentes de la française. Le traducteur pressenti, le Dr. Rosenbaum, 59bibliothécaire à la London School of Economics5 se mit au travail dès les premiers mois de 1935 alors même que Keynes n’avait pas terminé les vingt-quatre chapitres de The General Theory.
Toutefois, dès mai 1935, au motif que la traduction allait représenter une charge incompatible avec ses nouvelles fonctions de bibliothécaire, Rosenbaum dut interrompre son travail6 et en fit part à Keynes ainsi qu’à la maison d’édition Duncker & Humblot. Dès lors, il fallait que Keynes trouve un autre traducteur. Ce fut Fritz Waeger, Suisse allemand établi en Angleterre et qui s’était fait connaître de Keynes7. À la demande de celui-ci, Rosenbaum accepta de superviser la traduction de Waeger.
La maison Duncker & Humblot, honorée de savoir que Keynes, par l’intermédiaire de Rosenbaum, l’avait choisie pour publier la version allemande de The General Theory, demanda alors quelles étaient les attentes de l’auteur en matière de droits. Dans sa réponse par retour de courrier le 26 juin 1935, Keynes insista sur le prix de vente de la traduction allemande qui devait être le plus bas possible. Pour y parvenir, Keynes était prêt à renoncer à la totalité de ses droits d’auteur pour en faire don au traducteur en guise d’émoluments.
60Il écrivit dans la préface pour l’édition allemande datée du 7 septembre 1936 que les économistes allemands devaient avoir : « faim et soif [de théorie] après en avoir été privés pendant tant d’années. »
Seize mois plus tard, le 7 décembre 1936, Duncker & Humblot annonça à Keynes que le tirage de deux mille exemplaires allait être mis en vente incessamment après deux mois de promotion intense (Propaganda) auprès des journalistes et des media allemands influents. Cependant, par suite de coûts de production élevés, le prix de vente de l’ouvrage n’avait pu être réduit comme le souhaitait Keynes. Mais les modestes exigences de ce dernier en matière de droits d’auteur n’avaient pas été respectées puisque Duncker & Humblot lui versa des honoraires égaux à 10 % des ventes, soit 1 400 Reichsmarks (RM)8 payables après épuisement des 2 000 exemplaires du premier tirage.
En novembre 1938, près de deux ans après la parution de Allgemeine Theorie der Beschäftigung, des Zinses und des Geldes, Duncker & Humblot écrivit à nouveau à Keynes pour lui annoncer la vente de 1 600 exemplaires de son ouvrage en Allemagne et le versement de 1 400 RM (ou 113 £)9 de droits d’auteurs. Le traducteur Fritz Waeger allait percevoir aussi 1 400 RM comme rémunération pour sa traduction.
I.2. La traduction en japonais
La traduction japonaise, la deuxième qui donna lieu à un échange entre Keynes et une maison d’édition étrangère – la société japonaise Toyo Keizai Shinpo Sha10 spécialisée dans les ouvrages économiques – fut encore plus rapide. Les traducteurs, Torajira Takagaki (professeur à l’université privée de Seijo, près de Tokyo, que Keynes connaissait) et son élève Tsukumo Shionoya11 terminèrent leur tâche en mai 1937. Keynes rédigea le 4 décembre 1936 une courte préface reprenant mot à mot la première partie de la préface pour l’édition allemande. Mais ce ne fut que le 15 décembre 1941, soit cinq ans après la fin de la traduction que 61l’édition japonaise de The General Theory fut publiée. Dans sa préface, le traducteur invoqua sa « paresse », seule responsable du retard de cinq ans.
I.3. La traduction en espagnol
La traduction en espagnol fut l’aboutissement d’une longue démarche engagée à l’initiative de l’éditeur Macmillan de The General Theory qui prospectait des éditeurs étrangers pour d’éventuelles traductions.
En réponse à l’envoi d’un spécimen, l’éditeur espagnol Espasa Calpe, établi à Madrid (il comptait aussi des délégations à Barcelone, Buenos Aires et Mexico), écrivit directement à Keynes en juin 1936 pour proposer une traduction en espagnol, moyennant un forfait de 30£ en guise de cession de ses droits. Un contrat en double exemplaire (Memorandum of Agreement) prévoyant un délai pour la publication fixée à fin 1937 fut signé par les deux parties le 8 juillet 1936. La somme de 30£ devait être réglée à Keynes au travers d’un système de clearing anglo-espagnol. Cependant la guerre civile espagnole (18 juillet 1936 – 1er avril 1939) interrompit les relations entre l’Espagne et les pays étrangers de sorte que ce projet avorta. L’éditeur Espasa Calpe ne se manifesta plus et aucun autre éditeur espagnol n’approcha Keynes jusqu’en fin 1942.
Le 5 juillet 1940, Daniel Cosio Villegas, directeur du Fondo de Cultura Económica, maison d’édition mexicaine, écrivit à Keynes une lettre lui faisant part de son vif intérêt pour traduire et publier The General Theory en espagnol. Keynes accepta le 30 juillet 1940 en précisant qu’il n’exigerait aucun droit d’auteur. En retour, Villegas insista pour acquitter un forfait de 100$ pour les deux mille premiers exemplaires puis une redevance de 7 % pour les réimpressions, ce que Keynes finalement accepta par courrier du 14 octobre 1940, cédant de ce fait l’exclusivité des droits de publication en espagnol à l’éditeur mexicain. Toutefois, aucun délai de parution ne fût fixé. Notons que de nombreux républicains espagnols, notamment universitaires, s’étaient réfugiés au Mexique à la fin des années 1930 lors de la guerre civile pour fuir le franquisme.
Deux ans s’écoulèrent sans autre nouvelle de Villegas lorsque, à l’automne 1942, Keynes reçut deux autres propositions concurrentes. La première de la maison Editorial Aguilar adressée à Macmillan par 62l’intermédiaire du British Council à Madrid12. La seconde d’une maison argentine, Editorial Sudamericana par l’intermédiaire de l’agent Curtis Brown de Keynes. Les conditions financières étaient avantageuses (forfait de 40£ pour le premier tirage de 3 000 exemplaires, redevance de 10 % pour les réimpressions) de sorte que, sur instruction de Keynes, Curtis Brown prépara un contrat selon les termes proposés par l’éditeur argentin. Keynes le signa immédiatement le 19 novembre 1942 oubliant son engagement antérieur avec l’éditeur mexicain. Il est vrai que Keynes était pleinement occupé à cette période par les négociations avec les américains pour financer l’effort de guerre du Royaume-Uni et par les préparatifs de la future conférence monétaire internationale.
Trois mois plus tard, le 23 février 1943, Eduardo Hornedo, le traducteur mexicain recruté par le Fondo de Cultura Económica annonça à Keynes qu’il avait terminé la traduction en espagnol de The General Theory. Elle devait paraître quelques mois plus tard, en mai 1943, sous le titre de Teoría general de la ocupación, el interes y el dinero.
Peu de temps après, s’apercevant de l’erreur de son client Keynes, Curtis Brown demanda des explications à celui-ci qui, confus, ne put les lui fournir et plaida coupable en présentant ses excuses. Il proposa de dédommager la maison argentine et d’utiliser à cet effet le forfait 100$ que le Fondo de Cultura Económica venait de lui verser.
Le premier tirage de deux mille exemplaires fut vite épuisé. Villegas, enthousiaste, écrivit à Keynes le 2 septembre 1943 que la traduction en espagnol avait suscité un intérêt considérable au Mexique et dans d’autres parties d’Amérique latine.
Dernier acte de cette traduction rocambolesque : en août 1945, l’éditeur Aguilar écrivit à nouveau à Macmillan pour lui demander le droit de traduire en espagnol The General Theory pour un public limité à l’Espagne, à l’exclusion des autres pays hispanophones. Sur instruction de Keynes, Macmillan répondit négativement puisque ce droit avait été vendu en 1940 au Fondo de Cultura Económica et que la traduction en espagnol était parue en 1943.
En février 1946, la secrétaire de Keynes acta ce fait dans une note pour Richard Kahn, exécuteur testamentaire de Keynes.
63À ce jour, seul cet éditeur mexicain a publié la Theoría general de la ocupación, el interes y el dinero, laquelle a donné lieu à plusieurs impressions. L’empreinte keynésienne chez les économistes mexicains reste forte au xxie siècle. On peut penser que le rôle du Mexique dans la traduction de The General Theory en espagnol y est pour quelque chose.
I.4. La traduction en italien
La traduction italienne, la quatrième, fut publiée pour la première fois en 1947 sous le titre Occupazione, interesse e moneta : teoria generale.
Le 18 mars 1939 la maison d’édition Unione Tipografico Editrice Torinese (UTET) signa le contrat prévoyant le versement immédiat d’un forfait de 1000 lires de droits d’auteur, pour un premier tirage de mille exemplaires, sans redevances. L’édition italienne ne devait pas comporter d’introduction : Keynes qui en avait déjà rédigé pour les éditions allemande, japonaise et française ne voulait pas recommencer pour l’édition italienne.
Piero Sraffa, économiste italien, proche ami de Keynes, était chargé de superviser le travail du professeur Arena, traducteur choisi par l’éditeur. Arena écrivait à Keynes en italien (ce n’était pas le cas des traducteurs allemand, français et japonais qui s’adressaient à Keynes en anglais), laissant supposer qu’il ne maîtrisait pas bien l’anglais. À la demande de Keynes, Sraffa révisa la traduction des deux premiers chapitres de The General Theory et fournit un « glossaire de termes techniques » s’inspirant probablement de celui de la traduction française de Jean de Largentaye qu’il avait presque fini de superviser. Chronologiquement, les deux traductions s’étaient chevauchées, l’italienne démarrant un an après la française.
Sept ans s’écoulèrent sans que Keynes n’eût des nouvelles – il en demanda en janvier 1946 mais ne reçut pas de réponse. La première édition italienne fut publiée en 1947 par le même éditeur (UTET) mais le traducteur avait changé, c’était Alberto Campolongo. Plusieurs éditions suivirent (1971, 1978, 1996, 2006) ; la dernière, celle de 2006, fut révisée par Terenzio Cozzi et comporte une introduction de celui-ci.
En 2019, soit plus de 70 ans après le décès de Keynes (1946), l’exclusivité des droits appartenant à UTET ayant expiré, l’éditeur milanais Mondadori publia une nouvelle édition italienne de The General Theory et en confia la traduction à Giorgio La Malfa.
Revenons à la France.
64II. Payot passe contrat pour la publication
de la ThÉorie gÉnÉrale en mars 1938
The General Theory parut aux États-Unis en même temps qu’en Grande-Bretagne, soit en février 1936. Tout comme les autres éditeurs non anglophones comme on l’a vu, Payot, maison d’édition suisse qui possédait une succursale en France13, en reçut un spécimen en vue d’une éventuelle traduction.
La maison Payot était connue de Keynes bien avant la publication de The General Theory en 1936. Macmillan, l’éditeur de Keynes, l’avait en effet approchée pour publier A Treatise on Probability paru en 1921. Keynes exigeait alors un forfait de 5 000 francs (soit l’équivalent de 5 700 €, valeur 2020) pour la cession des droits de traduction. Quelques années plus tard, en 1927, Payot relança Keynes et tenta de réduire les conditions financières, invoquant les frais élevés de traduction. Keynes accepta et réduisit ses exigences à 25£ (soit environ 3 100 francs, valeur 1927), forfait pour la cession complète des droits de traduction. Mais en définitive, Payot renonça à son projet craignant que les ventes en France, estimées à deux mille exemplaires au maximum, fussent insuffisantes pour couvrir les frais de traduction.
À l’initiative de Macmillan, un deuxième contact s’établit avec Payot neuf ans plus tard, en mai 1936, trois mois après la parution de The General Theory en Grande-Bretagne avec l’envoi d’un exemplaire de celle-ci à la maison Payot.
Dans un premier temps, Payot déclina la proposition au motif que l’ouvrage « présentait un caractère trop spécial » pour intéresser le public français et renvoya l’exemplaire à l’expéditeur. Payot comptait une collection « Bibliothèque politique et économique » comprenant des ouvrages tels : Le circuit économique. Libéralisme ou autarchie de Ferdinand Grünig (1937, traduction et avant-propos de Gaël Fain, préface de Paul Reynaud) ; 65Économie politique et politique économique de J.E. Meade traduction de Gaël Fain, préface de Paul Elbel) ou le Traité de sociologie générale de Vilfredo Pareto (1917-1919, traduction de Pierre Boven). Le directeur de Payot avait sans doute sous-estimé la portée révolutionnaire de The General Theory ainsi que les attentes du lectorat universitaire, administratif, politique, et syndicaliste non-anglophone pour la traduction en français de cet ouvrage. Quelques mois plus tard, Payot se ravisa et écrivit à nouveau à Keynes via son éditeur Macmillan pour lui demander s’il accepterait de supprimer ou du moins de diminuer les parties mathématiques « car son livre est si important que nous voudrions bien pouvoir le présenter aux lecteurs français ». Keynes répondit immédiatement que cela lui paraissait possible et qu’en outre il était prêt à envisager dans les mois suivants une version abrégée de son livre. Il ajouta qu’une traduction française expurgée de la plupart des formules algébriques n’altérerait pas la substance (the bulk) de l’ouvrage.
À son tour, Payot répondit derechef qu’il souhaitait confier cette traduction à Gaël Fain14 « un traducteur très compétent, qui est lui-même un économiste distingué ». Cependant, il préférait attendre quelques mois pour laisser à Keynes le temps de mettre au point la version abrégée de son livre (Payot, 1936).
En février 1937, Keynes fut victime d’une crise cardiaque. Son médecin lui ordonna de diminuer drastiquement son activité.
Les démarches de Payot relatives à la traduction de The General Theory s’interrompirent alors. Elles devaient être reprises avec Jean de 66Largentaye un an plus tard, au début de l’année 1938, lorsque Keynes recommanda à celui-ci, de se rapprocher de l’éditeur Payot, ce qui fut fait immédiatement (voir infra, lettre de Keynes à Largentaye du 7 février 1938).
Parallèlement, Payot écrit à Macmillan pour proposer la publication d’une traduction en français de The General Theory moyennant une rémunération de 20 £15 à titre de droits d’auteur pour un premier tirage de deux mille exemplaires. L’accord fut conclu le 1er mars 1938 et le chèque versé en même temps.
Après plusieurs échanges entre Largentaye et Payot – sans doute par rendez-vous ou par voie téléphonique (aucune trace écrite n’a été retrouvée) – l’affaire fut rapidement conclue entre eux pour un forfait de 5 000 francs16 (voir infra, lettre de Payot à Largentaye du 14 mars 1938). Le manuscrit devait être remis le 15 mai 1938, soit deux mois après la conclusion du contrat – une vraie gageure – et la traduction publiée un mois après la remise du manuscrit, soit en juin 1938.
Largentaye accepta les termes du contrat et se mit tout de suite à l’œuvre comme il l’écrivit à Keynes « dans l’espoir de terminer au plus vite » (voir infra, lettre de Largentaye à Keynes du 4 avril 1938).
La lettre de Payot à Largentaye montre à quel point l’éditeur, mais aussi le traducteur, sous-estimaient la longueur et la difficulté de la tâche s’agissant d’un texte de près de quatre cents pages qui allait introduire de nouveaux concepts dans la terminologie économique et même révolutionner la pensée dominante de l’époque. Ce délai de deux mois paraît d’autant plus irréaliste pour le traducteur que celui-ci exerçait des fonctions au ministère des Finances et devait régulièrement, à partir de 1938, répondre aux ordres militaires de mobilisation.
Voyons maintenant les raisons qui expliquèrent ce retard.
67III. Reports de la publication
dus aux difficultÉs de traduction
Une série de difficultés relatées dans le dialogue long et détaillé entre l’auteur et le traducteur (voir infra) expliquent le délai de vingt mois du processus de traduction alors qu’initialement, celle-ci devait être achevée trois mois après la signature du contrat, en mars 1938.
Comme on l’indique dans l’article relatif au lexique français (voir infra), la traduction prit du retard dès le mois de mai 1938, Keynes n’étant pas satisfait des premières traductions que Largentaye lui soumit. L’échéance du 15 mai 1938 fut dès lors reportée sine die.
À l’automne 1938, le traducteur remit à Keynes une liste de traductions en français de termes techniques validées par deux personnes ayant la confiance de Keynes (Piero Sraffa et Étienne Mantoux) ainsi que la traduction du chapitre 17 « Les propriétés essentielles de l’intérêt et de la monnaie ».
Au tout début de l’année 1939, Largentaye rencontra Sraffa à Paris. Keynes avait demandé à celui-ci d’essayer de voir son traducteur lors de son étape à Paris au retour de son congé de Noël passé sur la Riviera. Selon le témoignage de Largentaye17, Sraffa s’inquiétait de l’entrée en guerre imminente des Alliés avec l’Allemagne nazie et estimait indispensable de terminer la traduction au plus vite. Largentaye accéléra alors son travail malgré sa surcharge d’activités et les mobilisations successives. Il remit en avril 1939 (voir infra, lettre de Largentaye à Keynes du 30 avril 1939), la première traduction de vingt-et-un chapitres, autrement dit de l’ouvrage tout entier à l’exception des trois derniers chapitres du livre VI, « Short Notes Suggested by The General Theory ».
Quelques semaines plus tard, Largentaye demanda à Keynes d’examiner sa traduction de la préface à l’édition de la Théorie générale qu’il venait de terminer ainsi que la « Note du traducteur » que Payot lui avait demandé de rédiger (voir infra, lettre de Largentaye à Keynes du 26 mai 1939). Keynes félicita son traducteur pour ces deux textes et en particulier pour le second (voir infra, lettre de Keynes à Largentaye du 22 juin 1939). Il valida en juin 1939 la traduction de la totalité des vingt-quatre chapitres de The General Theory.
68Largentaye soumit en outre à Payot un court texte promotionnel sans doute destiné à figurer en quatrième de couverture ou dans un journal18. En voici un extrait :
La Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie a eu un retentissement mondial. Il n’est pas exagéré de dire que, par l’exactitude de ses hypothèses, par la force de son argumentation et par l’importance de ses conclusions, elle a transformé la doctrine économique et marqué dans l’évolution de cette doctrine le début d’une ère nouvelle. À une époque où le caractère empirique de la politique économique et financière est en certains pays la source de graves difficultés, le livre de M. KEYNES est de nature à remettre de l’ordre dans les idées et à fournir à la science économique la base solide qui lui est nécessaire pour lui permettre de jouer avec succès le rôle si important qui lui est dévolu dans les communautés modernes.
En juillet 1939, Payot remit à Largentaye une première épreuve pour correction et annonça une publication pour le 15 septembre 1939. La mission du traducteur était donc pour ainsi dire terminée.
Iv. Reports successifs
de la publication de 1939 À 1942
Le délai entre juin 1939, date de la remise du manuscrit du traducteur, et la publication fin 1942 de l’édition française, était imputable à des raisons indépendantes de la traduction.
Au cours de l’été 1939, le 20 août 1939 exactement, Largentaye fut mobilisé dans une batterie d’artillerie puis au ministère de la guerre à Paris. On suppose que sa lecture de la première épreuve des manuscrits était terminée.
Cependant, Payot lui demanda de corriger une seconde épreuve pour novembre 1939, ce qui fut fait.
En janvier 1940, Largentaye, comme on l’a vu, fut affecté à l’Ambassade de France en Espagne, ce qui le conduisit à se déplacer entre Madrid, Lisbonne (où était située la légation de la France au Portugal) et Paris.
69En mai 1940, après une interruption de leur correspondance de près d’un an, Largentaye annonça à Keynes par lettre manuscrite écrite à Hendaye que la traduction était terminée depuis juin 1939 (voir infra, lettre de Largentaye à Keynes du 12 mai 1940). Il lui fait part aussi de l’attitude frileuse de l’éditeur Payot qu’il avait vu à deux reprises et qui ne semblait pas pressé de lancer le livre, invoquant les difficultés pour trouver de la main d’œuvre et du papier. Mais selon le traducteur, la vraie raison était que l’éditeur estimait que la période – la drôle de guerre – n’était pas propice au lancement d’un ouvrage de cette nature. Largentaye suggéra à Keynes d’écrire à Payot s’il était d’un avis contraire afin de faire pression pour la publication du livre.
Keynes répondit immédiatement (voir infra, lettre de Keynes à Largentaye du 19 mai 1940) qu’il regrettait que la traduction n’ait pas été publiée mais qu’il comprenait les réserves de Payot étant donné les circonstances militaires et politiques en France (la bataille de France eu lieu sur le territoire français entre le 10 mai et le 25 juin 1940). Il apprit avec satisfaction que Payot était prêt à lancer la publication sans tarder.
Plus d’un an plus tard, fin juin 1941, depuis la légation de France à Lisbonne, Largentaye écrivit à Keynes qu’il avait vu récemment M. Payot à Paris. Celui-ci, obligé de céder le plomb de ses clichés19 pour les besoins de l’occupant, avait tiré à deux mille exemplaires la traduction française de The General Theory mais avant de lancer la publication, il demanda une préface de M. Piétri (ambassadeur de France en Espagne) ou « d’une personnalité importante de Vichy » (voir infra, lettre de Payot à Largentaye du 26 mai 1941), sans doute par complaisance à l’égard de l’occupant allemand. Largentaye n’était pas prêt à accéder à cette demande qui « ne pourrait que diminuer la valeur de l’ouvrage » ; il craignait que l’appartenance de M. Piétri20 au premier gouvernement de Laval sous Pétain n’entachât l’œuvre à paraître. La date de publication de la Théorie générale fut donc encore reportée.
Keynes était à la fois surpris et heureux d’apprendre que la traduction fut imprimée à deux mille exemplaires. Même s’il pensait comme Largentaye que la publication ne comportait aucun risque politique (rappelons que l’édition allemande de The General Theory avait été publiée en 1936 sous l’Allemagne nazie) il estimait que mieux valait attendre 70une conjoncture plus favorable pour son lancement. Il partageait l’avis de Largentaye quant à l’inutilité d’une préface supplémentaire signée de M. Piétri (voir infra, lettre de Keynes à Largentaye du 13 juillet 1941).
Près d’un an plus tard, le 29 juin 1942, Largentaye écrivit à nouveau à Keynes depuis Lisbonne et lui fit part du nouveau refus de M. Payot de lancer la publication de la Théorie générale dans l’attente d’une autorisation écrite de la censure allemande (voir infra).
Le traducteur s’employa alors à demander officiellement une telle autorisation aux services de la censure allemande et rédigea une note à l’intention des services du ministère des Finances de l’administration de Vichy (voir infra, lettre de Largentaye à Keynes du 4 décembre 1942). Il écrivit dans cette note que l’ouvrage de Keynes avait été publié en Angleterre en 1936 et la traduction allemande la même année. La publication devait paraître le 15 septembre 1939 mais la guerre y fit obstacle. Il précisa qu’il s’agissait d’un livre de pure théorie économique et monétaire ne comportant pas d’aspects politiques. Les seuls ajouts par rapport à l’édition anglaise d’origine étaient une seconde préface de Keynes pour l’édition française, une note du traducteur et un lexique des termes techniques.
V. La traduction paraÎt enfin
dans la seconde moitiÉ de l’annÉe 1942
Le 4 décembre 1942, Largentaye écrivit à Keynes depuis la Légation de la France à Lisbonne pour lui annoncer la publication de la traduction, probablement à l’automne 1942. Payot avait donc pu obtenir l’autorisation nécessaire des autorités allemandes.
Cependant, ni le traducteur ni l’auteur de The General Theory n’avaient reçu d’exemplaires de la part de l’éditeur.
Le tirage de deux mille exemplaires était épuisé, selon Largentaye, et il était difficile d’en trouver dans les librairies. Toutefois, celui-ci avait pu s’en procurer un qu’il envoya à Keynes par le même courrier. Largentaye s’apprêtait à quitter Madrid et Lisbonne sans espoir de rentrer en France. De fait, il allait rejoindre le Comité français de la libération nationale à Alger début mai 1943.
71Keynes lui répondit le 3 mars 1943 (voir infra) qu’il venait de recevoir l’exemplaire par l’intermédiaire de M. Ellis-Rees, l’attaché commercial à l’Ambassade de Grande-Bretagne en Espagne. Il remercia Largentaye et le félicita pour son opiniâtreté.
Il est paradoxal à vrai dire, que sans promotion aucune (contrairement à la publication fin 1936 de la traduction allemande, l’édition eût si vite été épuisée. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Les deux mille exemplaires n’auraient peut-être pas été entièrement distribués si l’éditeur en avait gardé en stock pour des temps meilleurs. Peut-être existait-il en France une forte attente pour la traduction ? Ou enfin, plus simplement, comme l’écrivit Keynes « il y a en France un grand nombre de personnes qui n’ont rien de mieux à faire que de penser au futur plutôt qu’au présent » (voir infra, lettre de Keynes à Largentaye du 3 mars 1943).
Dans sa lettre du 3 mars 1943, Keynes exprima toute sa reconnaissance au traducteur et ajouta en post-scriptum que les introductions spéciales (la préface de Keynes pour l’édition française et la Note du traducteur) étaient d’une lecture facile.
Conclusion
Après l’édition de 1942, il y eut au moins cinq autres rééditions dont celle de la Petite Bibliothèque Payot de 1969, en petit format, comprenant la traduction entièrement révisée par Jean de Largentaye et une deuxième note du traducteur, testament économique de celui-ci, mort en février 1970, peu de mois après la parution du livre.
La dernière réédition par Payot-Rivages date de 2017 et comprend une nouvelle préface écrite par l’autrice de ces lignes.
Depuis sa publication en anglais en 1936 et ses premières traductions en allemand, japonais, français, espagnol et italien, The General Theory a été traduite et publiée en sept autres langues, dont le russe. Mais elle ne l’est pas en mandarin, ni en hindi.
La Théorie générale (édition 1942) est à présent accessible en ligne sur internet.
72RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHiQUES
Ouvrages et articles
Cardoni, Fabien, Carré de Malberg, Nathalie & Margairaz, Michel (dir.) [2012], Dictionnaire historique des inspecteurs des finances 1801-2009. Dictionnaire thématique et biographique, Paris, La Documentation française.
Hagemann, Harald [2014], « The German Edition of Keynes’s General Theory : Controversies on the Preface », Research in the History of Economic Thought and Methodology, vol. 32, p. 159-166.
Keynes, John Maynard [1936], The General Theory of Employment, Interest and Money, 1re éd. Macmillan & Co., Londres, Palgrave-Macmillan, 2007.
Tortajada, Ramón (éd.) [2009], Commentaires de la Théorie générale de Keynes à sa parution, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion.
Tortajada, Ramón [2021], « The General Theory, Keynes et les économistes français, de sa traduction à l’immédiat après-guerre », dans ce numéro.
Documents inédits
Archive Centre, King’s College, Cambridge (England)
Correspondance Keynes / Takagaki
1936 (GTE/3/279-83 ; 289).
Correspondance Keynes / Duncker & Humblot
1935 (GTE/3/166-69) ; 1936 (GTE/3/226-28) ; 1937 (GTE/3/234) ; 1938 (GTE/3/233).
Correspondance Keynes / Waeger
1935 (GTE/3/192-4 ; 196) ; 1936 (GTE/3/221-23).
Correspondance Keynes / Rosenbaum
1935 (GTE/3/11).
Correspondance Keynes / Espasa Calpe
1936 (GTE/3/293-97).
Correspondance Keynes / Fondo de Cultura Económica (D.C. Villegas)
1940 (GTE/3/302-06) ; 1943 (GTE/3/338).
Correspondance Keynes / Macmillan au sujet d’Aguilar
1945 (GTE/3/339-41).
Correspondance Keynes / Curtis Brown au sujet d’Editorial Sudamericana
1943 (GTE/3/320-27 ; 330-33).
Correspondance Keynes / Eduardo Hernando
731943 (GTE/3/315-18).
Note de la secrétaire de Keynes à Richard Kahn au sujet des droits espagnols
1946 (GTE/3/ 346).
Correspondance Keynes / Unione Tipografico Editrice Torinese
1939 (GTE/3/ 253, 256 ; 260-61).
Correspondance Keynes / Sraffa au sujet de la traduction italienne
1938- (GTE/3/ 247-50,254-55) ; 1946 (GTE/3/269-72).
Correspondance Arena / Keynes
1939 (GTE/3/253 ; 257-59 ; 260-61).
Correspondance Keynes / Payot
1923 (TP/1/2/98, 99, 100, 101) ; 1927 (TP/1/2/102-3) ; 1936 (GTE/3/46-48).
Archives privées (famille Largentaye) publiées dans ce numéro
Correspondance Keynes / Largentaye (1938-1943).
Correspondance Payot / Largentaye (1938-1941).
Notes de Jean de Largentaye relatives à la publication de la Théorie générale
1 Henri du Moulin de Labarthète, chef de la mission d’achat d’armement à l’Espagne pour les armées françaises (1er novembre 1939-15 juillet 1940), était sous l’autorité de Philippe Pétain, ambassadeur de France en Espagne de mars 1939 à mai 1940. Labarthète, inspecteur des Finances (1925) dirigea le cabinet du maréchal Pétain à Vichy du 24 septembre 1940 au 13 avril 1942 (Cardoni & al., 2012, p. 644).
2 La correspondance entre Keynes et son traducteur d’une part, entre Payot et Largentaye de l’autre, ainsi que les textes rédigés par le traducteur à la demande de Payot sont en annexe.
3 A Treatise on Money traduit en français par Marc Laudet a été publié par les Classiques Garnier en 2019 seulement.
4 Soit 18,73 francs valeur 1936 (1£ = 74,91 francs) ou un peu plus de 14€ (valeur 2020, source INSEE).
5 Eduard Rosenbaum, né à Hambourg, économiste et bibliothécaire, participa comme expert à la délégation allemande au traité de Versailles en 1919. Il écrivit un livre critique de ce traité. Victime de l’antisémitisme du Troisième Reich, il dut démissionner de son poste de bibliothécaire à la Chambre de commerce de Hambourg et fut mis à la retraite en 1934. Fuyant la persécution, il quitta l’Allemagne en 1935 et s’installa alors avec toute sa famille en Angleterre grâce à l’aide de Keynes, membre fondateur de l’Academic Assistance Council créé en 1933 pour venir en aide aux économistes exilés (Hagemann, 2014). Il fut recruté la même année (1935) comme bibliothécaire à la London School of Economics.
6 « Whilst Dr Rosenbaum cannot, in view of his new duties, undertake the translation himself, as he originally intended, he has kindly promised to look through the work of the translator » (Keynes, GTE/3/167) [Alors que le Dr. Rosenbaum ne peut pas, compte tenu de ses nouvelles fonctions, assurer lui-même la traduction, comme il en avait l’intention à l’origine, il a aimablement promis de revoir le travail du traducteur].
7 Waeger avait présenté un article au The Economic Journal dont Keynes était le rédacteur en chef. Celui-ci avait regretté de n’avoir pu retenir cet article malgré les qualités qu’il lui trouvait et écrivit en 1935 à Rosenbaum : « I am inclined to give him [c’est-à-dire Waeger, HL] the work simply on the basis of stuff he sent me for The Economic Journal… it impressed me with the likelihood of his understanding of my work, which is an even more important qualification in a translator than a good literary style » [J’incline à lui confier le travail simplement sur la base d’éléments qu’il m’a envoyés pour The Economic Journal… cela m’a impressionné car j’ai pensé qu’il y avait de bonnes chances qu’il ait compris mon travail, une compétence encore plus importante pour un traducteur qu’une bonne écriture].
8 Soit 113 £ ou 18 500 francs valeur 1938 (1£ = 163,71 francs).
9 Soit 18 500 francs valeur 1938 (1 RM = 13,22 francs).
10 Cette maison d’édition située à Tokyo existe toujours sous le nom de Toyo Keizai Inc.
11 Tsukumo Shionoya, élève de Torajira Takagaki, devint professeur d’économie à l’université de Nagoya après la guerre. La traduction fut révisée quatre fois par le traducteur entre 1942 et 1955. La dernière traduction, datant de 1983, est le fruit d’une collaboration entre Shionaya et son fils Yuishi (décédé en 2015).
12 Dans sa réponse du 9 novembre 1942 à Macmillan, Keynes indiquait que son traducteur français (Jean de Largentaye), alors attaché financier à l’Ambassade de France à Madrid, avait probablement joué un rôle dans l’initiative d’Aguilar.
13 Fondée en 1875 à Lausanne par Fritz Payot et reprise à la mort de celui-ci par ses fils Samuel et Gustave. Gustave Payot développa la maison d’édition à Paris. Samuel Payot décéda en 1938. Son fils Marc reprit alors l’activité d’édition. À la suite d’une série de cessions, les éditions Payot sortirent de la famille, elles prirent le nom de « Payot & Rivages ». Depuis 2013, elles font partie du groupe Actes Sud.
14 Gaël Fain fut attaché financier près l’Ambassade de France à Berlin, secrétaire général de la Commission de l’assurance-crédit, professeur à l’École nationale d’organisation économique et sociale. Les éditions Payot publièrent nombre de ses traductions tant d’ouvrages allemands qu’anglais. Il n’était donc pas surprenant qu’il fût proposé comme traducteur de The General Theory. L’important, ici, est que les éditions Payot n’insistèrent pas pour l’imposer comme traducteur. Gaël Fain participa au gouvernement de Vichy. Il fut chargé de mission dans le Cabinet d’Yves Bouthillier, ministre des Finances du 23 mars 1941 au 18 avril 1942, puis à compter du 24 avril conseiller technique, à Paris, au ministère de l’agriculture de Jacques Leroy-Ladurie. En 1942, il publia chez Payot, Science économique appliquée aux problèmes contemporains. L’ouvrage contenait, notamment, la présentation d’un système de compensation à l’échelle européenne articulé au plan allemand présenté par Walther Funk en juillet 1940. En juin 1943, il eut l’occasion de retrouver les travaux de Keynes avec « Bancor, Unitas, Europ : Plans récents tendant à normaliser les règlements internationaux. Analyse comparée du plan Keynes, du plan White et du plan 1940 » dans la Revue de l’économie contemporaine (Manas, 2013, ch. 10, « Les projets monétaires européens de Vichy », p. 145-157).
15 Soit 3 071 Fr (valeur 1938).
16 Il s’agit du même chiffre en francs courants que le forfait demandé par Keynes en 1923 pour la publication du Treatise on Probability (cf. ci-dessus), une somme très inférieure à sa valeur en francs constants et équivalente à près de 3 000 € (valeur 2020). Le franc avait perdu les quatre cinquièmes de sa valeur en or d’avant la première guerre mondiale à la suite de la dévaluation Poincaré de 1928. Il avait également été dévalué en septembre 1936, au moment de l’Accord tripartite de Blum, puis une autre fois en juin 1937, avec l’arrivée de Georges Bonnet aux Finances.
17 Témoignage oral rapporté par les fils du traducteur, Bertrand et Armand de Largentaye.
18 On n’a pas retrouvé de trace de ce texte dans la première édition de la traduction (1942) ni dans la presse de l’époque.
19 L’occupant réquisitionnait les métaux pouvant lui servir à produire des armements.
20 François Piétri, inspecteur des Finances, avait été ministre secrétaire d’État aux communications du gouvernement Laval de juillet à septembre 1940 ; proche de Laval, il avait été auparavant deux fois membre du gouvernement de celui-ci, ministre du Budget (1931-1932) puis ministre de la Marine (1935-1936) (Cardoni & al., 2012, p. 870-871).
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- ISBN : 978-2-406-12615-7
- EAN : 9782406126157
- ISSN : 2495-8670
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12615-7.p.0057
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 08/12/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Largentaye, traduction française, Payot, Keynes, Théorie générale