Les anamorphoses de Bossuet mises en perspective Les précédents d’un motif et son évolution
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue Bossuet
2016, n° 7. varia - Auteur : Libral (Florent)
- Pages : 13 à 35
- Revue : Revue Bossuet
Les anamorphoses de Bossuet
mises en perspective
Les précédents d’un motif et son évolution
Les anamorphoses dissimulent, derrière une image anodine ou illisible, une représentation cachée. Selon une première modalité de ce jeu pictural, fréquente dès le xvie siècle, l’observateur contemple l’image d’un point de vue oblique afin de voir apparaître un dessin caché, comme le crâne dans les Ambassadeurs de Holbein1. Grâce à un second stratagème venu d’Orient vers 1630, le dessin caché apparaît dans un miroir cylindrique ou conique posé directement sur le dessin – c’est ce que nous nommerons « anamorphose catoptrique2 ». Des prédicateurs post-tridentins, dont Bossuet lorsqu’il prêche à Dijon en 1656, ont récupéré, en un sens religieux, ces « perspectives curieuses3 » :
Le monde comparé [sic] à ces tableaux qui sont, comme un jeu de l’optique, dont la figure est assez étrange ; la première vue ne vous montre qu’une peinture qui n’a que des traits informes et un mélange confus de couleurs : mais sitôt que celui qui sait le secret vous le fait considérer par le point de vue ou dans un miroir tourné en cylindre qu’il applique sur cette peinture confuse, aussitôt, les lignes se ramassant, cette confusion se démêle, et vous produit une image bien proportionnée. Il en est ainsi de ce monde : quand je le contemple dans sa propre vue, je n’y aperçois que désordre ; si la foi me le fait regarder par rapport au Jugement dernier et universel, en même temps j’y vois reluire un ordre admirable4.
Dans son Carême du Louvre prêché en 1662, il reprend ce passage :
14Quand je considère en moi-même la disposition des choses humaines, confuse, inégale, irrégulière, je la compare souvent à certains tableaux, que l’on montre assez ordinairement dans les bibliothèques des curieux comme un jeu de la perspective. La première vue ne nous montre que des traits informes et un mélange confus de couleurs, qui semble être ou l’essai de quelque apprenti, ou le jeu de quelque enfant, plutôt que l’ouvrage d’une main savante. Mais aussitôt que celui qui sait le secret vous fait regarder par un certain endroit, aussitôt, toutes les lignes inégales venant à se ramasser d’une certaine façon dans votre vue, toute la confusion se démêle, et vous voyez paraître un visage avec ses linéaments et ses proportions, où il n’y avait auparavant aucune apparence de forme humaine. C’est, ce me semble, Messieurs, une image assez naturelle du monde, de sa confusion apparente et de sa justesse cachée, que nous ne pouvons jamais remarquer qu’en le regardant par un certain point que la foi en Jésus-Christ nous découvre5.
La critique récente a pris la mesure de la profondeur de ces deux passages. Sur le plan intellectuel, le motif est au cœur de la réflexion bossuétiste sur le temps et l’Histoire (A. Régent-Susini). Du point de vue de l’art oratoire, l’anamorphose symbolise une communication indirecte entre le prédicateur et son royal auditoire (C. Cagnat-Debœuf), et s’enracine dans une logique de l’amplification (St. Macé). Dans le domaine spirituel enfin, cette image renvoie tant à une méditation sur l’Incarnation (O. Leplâtre) qu’à une interrogation sur la Providence organisatrice du cosmos (Chr. Belin)6. La présente étude reprend ces précieux résultats en tenant compte du fait que Bossuet n’est pas le premier à traiter le motif dans le siècle. Avant lui, outre le jésuite Joseph Filère en 1636, Jean-Pierre Camus en 1615 et 1621, le dominicain Charles Roussel en 1627 et l’ancien oratorien Charles Hersent en 1644 ont composé des anamorphoses pieuses7. 15Face à cet état de fait, la question se pose de l’originalité des deux sermons sur la Providence : est-elle surfaite, ou bien réelle ? À l’évidence, même si Bossuet axe comme ses devanciers sa peinture à secret sur la foi, il semble le premier à s’interroger sur le temps, alors que les autres orateurs évoquaient la beauté des créatures, la lecture de l’écriture, la foi ou la double nature du Christ. Extrayant ainsi le motif d’une dialectique facile entre apparence et réalité, le prédicateur royal le place au cœur du hiatus entre le fini et l’infini, afin d’inviter ses auditeurs à porter un regard méditatif sur le monde, qui se change en un regard oblique et indirect, pénétrant jusqu’au centre même de l’éternité divine.
Bossuet resitué
dans la longue tradition de l’anamorphose
L’héritage lointain de Nicolas de Cues :
unité et pluralité
À la lumière de la production oratoire des années 1610 à 1640, Bossuet ne semble pas original dans son traitement quelque peu fidéiste du motif anamorphique. Pour s’en assurer, il n’est que de remonter, par-delà ses prédécesseurs immédiats, jusqu’au xve siècle. Avant même l’invention de l’anamorphose proprement dite au siècle suivant8, certaines images à secret inspiraient déjà le Nicolas de Cues du De Icona (1453)9. Le célèbre cardinal y évoque, par exemple, un portrait qui semble regarder dans toutes les directions simultanément ; et cette figuration d’un « omnivoyant10 » est l’occasion d’un exercice spirituel par analogie, qui concilie la pluralité de l’action ou de la connaissance divines (représenté par les regards multiples) avec la simplicité de l’essence divine (incarnée par le portrait unique). Ainsi, deux cents ans environ avant le sermon de Bossuet la Providence divine était déjà représentée grâce à un trucage 16optique11. Au xviie siècle, le jésuite Joseph Filère reprend fidèlement cette dialectique de l’un et du multiple. Après avoir expliqué le processus de création d’une anamorphose catoptrique, il en décrit ensuite l’effet notable : redresser une image cachée sur un plan horizontal.
[…] ainsi, bien que ce qui est representé sur le plan, n’ait point de beauté, ny de proportion, y jettant l’œil directement, mais semble plutôt une confusion de couleurs ; si est-ce que par le rapport, que toutes ces parties ont avec l’œil dans le rencontre de la reflexion du cylindre [i. e. le miroir cylindrique], vient12 à en resulter une image, qui represente parfaitement le dessein du peintre, avec une tres-juste et tres-agreable proportion13.
La logique héritée du Cusain subsiste en investissant une curiosité d’optique plus complexe ; le jésuite oppose en effet la multiplicité des couleurs de l’anamorphose non redressée à leur inscription dans une forme unique que permet le miroir, manière d’indiquer que l’ensemble de la création reflète la beauté et la perfection divines.
Mais l’homme sage les regarde d’un autre biais, et d’un aspet tout different. C’est dans Dieu, comme dans un miroir rond et cylindrique, pour recevoir la reflexion de toutes les lignes du plan de l’Univers, qui aboutissent à luy comme à leur centre ; et c’est aussi dans luy, qu’il en voit resulter une image d’une parfaite beauté, toutes les perfections des choses creées n’étans que les couleurs et les lignes, pour representer en cette reflexion les excellences de la Divinité14.
Les anamorphoses de Bossuet, en 1656 comme en 1662, sont proches de celle-ci, ainsi que le montre le lexique commun. Comme dans l’ouvrage du Lyonnais, au sein des deux sermons sur la Providence, la « confusion » (Filère) ou le « mélange confus » (Bossuet) qui caractérisent l’image naissent d’une abondance de « couleurs », qui par la suite se combinent pour créer un dessin cohérent caractérisé par la « proportion » (Filère) ou « les proportions » (Bossuet), même si la portée de la réflexion varie quelque peu : il s’agit pour Bossuet de montrer comment la pluralité des événements disparates révèle un dessein divin, là où Filère évoque 17plutôt la divinité sensible à travers la beauté de la création. L’un choisirait le temps historique, l’autre l’espace du cosmos.
Outre cette logique duelle, ses prédécesseurs lèguent à Bossuet une forme capable de la mettre en œuvre : la similitude15, comparaison longue qui prend la forme d’un parallèle. L’explication du phénomène d’illusion est d’abord détaillée, sur plusieurs pages, dans le cas de Filère, et bien moins pesamment par Bossuet ; il s’ensuit une moralisation de cette même curiosité optique, dans une structure binaire. Ainsi construite dans une parfaite cohérence de la forme et du fond, la comparaison fondée sur l’anamorphose permet de consolider l’analogie, cruciale pour le christianisme, qui existe entre le créé et le Créateur. Or, N. de Cues, Filère et Bossuet écrivent à des périodes où la pensée analogique est en crise, sous le coup du nominalisme d’Ockham pour le premier, et sous l’influence de celui de la science moderne pour les seconds. Si le prélat allemand propose des outils mathématiques pour atteindre l’infini par la coïncidence des opposés, Filère et Bossuet, en tant qu’orateurs, préfèrent sans doute opposer l’apparence et la vérité, en harmonie avec le contexte intellectuel du xviie siècle. En effet, l’anamorphose est alors un fleuron de la science cartésienne, une preuve de la supériorité de la raison géométrique capable de tromper les sens par un piège sophistiqué, voire de rivaliser de prodiges avec les prétendus magiciens : elle rationalise la merveille et le surnaturel en les démystifiant16. Les prédicateurs soutiennent au contraire opportunément que la raison peut être trompée aussi bien que les sens, si elle n’est éclairée par la révélation. Cette merveille issue du rationalisme moderne est ainsi détournée au profit de la foi, d’où son importance dans la lutte contre les libertins. L’originalité de Bossuet semble donc réduite, tant dans le fond que dans la forme, ou même dans l’intention polémique.
Vers 1630, un tournant fidéiste
Un point important oppose pourtant Filère et Bossuet, et laisse supposer chez ce dernier l’influence d’une autre tradition des métaphores 18anamorphiques. Le jésuite lyonnais, dans Le Miroir sans tache, tente de concilier l’ordre de la nature et celui de la grâce, la philosophie et les mathématiques avec la foi17 ; son anamorphose, tout en opposant la « confusion » des couleurs à la beauté du dessin, porte néanmoins la marque de cet optimisme théologique. Selon lui, le pécheur qui s’arrête à la beauté des créatures
est semblable à celuy, qui sans savoir le dessein du peintre, de representer une image parfaite dans le miroir cylindrique, s’arrêteroit à regarder seulement les couleurs, qu’il a couchées sur le plan, qui ne donnent que peu de contentement à l’œil : parce que la principale piece de la beauté leur manque ; sçavoir est, la proportion, laquelle ne paroît pas, quand on les regarde directement. Toutes les creatures, prises à part, ont châcune leur beauté sur la surface de l’Univers, comme les couleurs ont châcune leur lustre sur ce plan : mais c’est peu de chose ; et celuy, qui les regarde sans sçavoir le dessein de Dieu, n’y voit quasi qu’une confusion dans le mélange de leur diversité18.
De fait, dans l’ekphrase de Filère, les couleurs de l’anamorphose non redressée donnent « peu de contentement », et offrent donc un agrément relatif ; les créatures ont donc une ombre de « beauté », un « lustre » même si cet attrait n’égale nullement l’harmonie parfaite de l’image cachée de la divinité. Bossuet, quant à lui, oppose nettement les deux images : loin d’avoir une quelconque beauté, même imparfaite, l’image vue hors du point de vue n’est que « l’essai de quelque apprenti », car elle est proprement « informe », terme péjoratif totalement absent chez le jésuite19. L’orateur accroît ainsi la distance entre le cosmos vu par le mondain, et celui que révèle la foi. Un Filère coloriste, rubénesque, s’opposerait à un Bossuet poussinien, plus attaché à la netteté du dessin. L’emphase sur la croyance, présente chez ce dernier, n’est pourtant pas originale : plusieurs prédicateurs, dès les années 1620, ont exploité cette capacité de l’anamorphose à opposer foi et raison ordinaire. Par exemple, le dominicain Charles Roussel décrit la vie modeste du Christ comme un « tableau à deux faces » où seul le croyant perçoit le Dieu incarné, là où le regard ne voit d’abord qu’un homme misérable et humilié20 – 19l’appellation ancienne ne doit pas nous leurrer, le mot d’anamorphose n’existant pas encore en 162721. Charles Hersent, qui fut un temps oratorien, écrit en termes proches :
Et comme les Peintres font certains tableaux par les regles de l’Optique, où ils representent dans toute leur estenduë certaines figures confuses et tres-desagreables à la veuë, au milieu desquelles neantmoins, si vous mettés un mirouër d’une figure ronde et longue en forme de Cylindre, vous appercevrés dans cette glace une figure tres-belle, tres-proportionnée par l’assemblage et l’abbregé qui se fait de tous les traits et de toutes les couleurs épanduës confusement dans le carré, qui fait le tableau. Ainsi tout ce qui est de Jesus Christ, je veux dire son incarnation, sa vie, sa mort, sa doctrine, son dessein de racheter le monde, est une chose extravagante et ridicule au sens humain et à la raison humaine, si le mirouer et la divine lumiere de la Foy ne corrige sa foiblesse par une vertu qui n’a rien d’humain, ne luy fasse voir dans ces choses, un aymable et agreable prodige de la bonté, sagesse et puissance du Createur22.
Le contexte permet d’apprécier le ton polémique de ce sermon (1644), qui fit scandale : Hersent le prêche devant le futur cardinal de Retz, qu’il accuse de favoriser les Jésuites en leur permettant d’enseigner le molinisme, contraire selon lui à la vraie théologie de la grâce, telle qu’enseignée par Saint Augustin. Après cet épisode, Hersent est d’ailleurs interdit de prédication et publie son discours sans privilège, ni nom d’éditeur23. Afin de traduire ses intentions en image, le prédicateur expérimenté use d’un parallèle antithétique pour souligner l’opposition de la figure « très désagréable » avant l’application du miroir, et du dessin « très proportionné ». Ainsi veut-il suggérer la totale hétérogénéité entre la foi et la sagesse humaine, que la Compagnie de Jésus voudrait, à tort selon lui, rapprocher. Quoique Hersent et Roussel parlent du Christ, et Bossuet de la marche du monde, la même alternative radicale entre deux vérités opposées se retrouve dans les sermons de 1656 et de 1662. En somme, Bossuet reçoit un double héritage. Comme Filère, il affirme que la créature s’inscrit dans un cosmos harmonieux voulu par le Créateur ; mais, le traitement particulier que l’Aigle de Meaux choisit rappelle la veine des anamorphoses plus fidéistes. Même s’il ne s’agit 20pas pour Bossuet de combattre le molinisme comme le fait Hersent mais plutôt les incroyants à l’instar de Roussel, la subversion propre au christianisme, qui refuse le bon sens ordinaire au profit de la « folie de la croix » et du scandale causé par Jésus-Christ aux yeux du monde24 est bien présente en 1656 comme en 1662.
La radicalisation d’un motif préexistant
Pourtant, il est un domaine où Bossuet innove relativement à ses prédécesseurs immédiats, Filère et Hersent (1636 et 1644) : de même que Jean-Pierre Camus en 1615-162125 et Roussel en 1627, il utilise l’anamorphose à point de vue plutôt que l’anamorphose à miroir, et cela, même dans le sermon de 1656, où se manifeste une hésitation, un repentir, « le point de vue » y côtoyant le « miroir tourné en cylindre ». Même dans la littérature profane, l’exemple du romancier réformé Nicolas Gougenot et celui de Madeleine de Scudéry semblent indiquer que l’anamorphose à miroir, théorisée dès les années 1630 par Jean-Louis de Vaulezard, a les faveurs du public mondain26. En se contentant d’un jeu de perspective moins sophistiqué, Bossuet opère un choix inattendu, mais sans doute fondé sur la sémantique des deux types d’anamorphoses. Dans une anamorphose à miroir, un réflecteur cylindrique (ou conique) est posé sur le plan où se situe l’image à redresser ; l’image cachée apparaît en hauteur, perpendiculairement au plan, dans le miroir. Par conséquent, les deux images, confuse et lisible, peuvent être perçues d’un seul regard par l’observateur, qui n’a pas à se déplacer pour le faire. De ce fait, l’anamorphose catoptrique semble plus propre à concilier des contraires, et convient à l’optimisme jésuite d’un Filère plutôt qu’à l’augustinisme intransigeant d’un Hersent : ce dernier caricature sans doute ses adversaires théologiques dans son sermon de 164427…
L’anamorphose à point de vue, au contraire, opère la métamorphose du visible si l’observateur regarde l’image d’une position oblique : on 21aperçoit ou bien l’image redressée, ou bien l’image confuse, sans perception simultanée des deux. Ainsi, tout en suggérant l’idée que l’illusion et la vérité ne sont pas sans rapport, l’anamorphose à point de vue les oppose de manière ferme : au sens figuré, Bossuet dévalorise la vision du libertin pour exalter celle du croyant ; alors que l’erreur est multiple, il existe une seule vérité, un seul point de vue qui permet de l’atteindre ; la négation exceptive prend ainsi tout son sens : « sa justesse cachée, que nous ne pouvons jamais remarquer qu’en le regardant par un certain point que la foi en Jésus-Christ nous découvre28. » En somme, le passage de la fascination baroque pour le miroir au thème du point de vue divin, qui joue d’ailleurs un rôle central chez Pascal29, représenterait, plutôt que la nécessité baroque de la synthèse des discordances, la recherche plus classique d’une vérité une et claire, qui fonderait l’ordre rationnel.
L’originalité de Bossuet :
le voile du temps
Subjectivité ou objectivité ?
Pourtant, au sein de ses œuvres oratoires, Bossuet n’adopte pas une position purement fidéiste, comparativement à certains de ses contemporains, tel le carme Léon de Saint-Jean, qui dépeint à l’aide d’une esthétique ténébriste et concettiste l’hétérogénéité de la foi et de l’intelligence. Pour Bossuet, la raison reste tout de même « une étincelle de ce feu divin qui éclaire les créatures intelligentes30 ». Bien sûr, il est possible que l’orateur trahisse sa façon habituelle de penser pour adopter stratégiquement, au début des sermons de 1656 et 1662, une position fidéiste contre les libertins qu’il entend combattre ; mais en réalité, le traitement bossuétiste de l’anamorphose transcende les variations un peu convenues sur la foi et la raison en abordant les 22parages de l’éternité. Il existe en effet schématiquement deux manières de poser la problématique de l’illusion et de la vérité, dans le cas précis de l’interprétation spirituelle de l’anamorphose. Ou bien l’illusion est la propriété subjective d’un esprit incapable de saisir le vrai – comme un œil malade –, ou bien elle réside dans les choses extérieures – comme lorsqu’on regarde un miroir trompeur. Tandis que ses prédécesseurs mettent l’accent sur la nature psychique de l’illusion, Bossuet le place sur les causes objectives qui, dans le réel, la produisent. Il en résulte dans le premier cas une analyse de moraliste religieux, et dans le second une réflexion eschatologique.
Cette théorie, loin d’être spéculative, découle d’indices textuels. L’intention de Filère par exemple, dans son traitement de l’anamorphose, apparaît expressément dans le titre du chapitre qui la contient : « La connoissance des creatures en Dieu, comme dans un miroir cylindrique31 ». Par ailleurs, il écrit à la suite du passage où est exposé le jeu de perspective :
[…] Dieu nous-a voulu representer la connoissance, que nous devons acquerir de luy par la reflexion, que toutes les creatures sont à luy, comme au miroir, où il les faut regarder, pour les voir en la beauté qu’elles ont en Dieu, et Dieu en elles, par le resultat entier de toutes leurs perfections32.
Là aussi, la paronymie entre la « réflexion » spéculaire et l’opération intellectuelle qu’elle représente indique que le propos concerne la pensée. Pareillement, Hersent évoque « le sens33 humain », « la raison humaine » ou encore les yeux « de l’esprit » pour montrer la nécessité de la foi34. En dépit de leurs positions théologiques contraires, Hersent et Filère s’accordent donc tous deux à parler de représentations intellectuelles. Le lecteur pourrait objecter que Bossuet place lui aussi l’accent sur la subjectivité ; ainsi, en 1656, il mobilise l’œil de l’esprit : « je le contemple », « ma foi me le fait regarder35 ». En 1662 toutefois, l’orateur identifie explicitement son anamorphose à « une image du monde, de sa confusion apparente et de sa justesse cachée ». En ce sens le sermon de 1656 évoquait déjà le « monde comparé à ces tableaux ». S’il adoptait réellement la même ligne que ses prédécesseurs, Bossuet dirait qu’il crée une image de la connaissance 23ou bien encore qu’il compare la connaissance à un tableau comme le fait Filère. Bien au contraire, il construit une représentation du « monde », dans le contexte d’un réel historique36. Cette spécificité se retrouve dans la signification métaphorique de l’anamorphose. Chez Hersent, le miroir cylindrique qui redresse l’anamorphose est nommément associé à la foi, en laquelle l’œil de l’entendement contemple le monde réordonné par la sagesse divine. En revanche, se révélant plus proche de Filère qui faisait de Dieu un miroir, Bossuet évoque le « point que la foi en Jésus-Christ nous découvre ». Si ce point est révélé par la foi, il ne se confond pas pour autant avec elle ; celle-ci constitue seulement une propédeutique qui permet de le découvrir et de s’y tenir métaphoriquement parlant. Une lecture qui laisserait croire qu’Hersent et Filère avaient épuisé, avant Bossuet, toutes les modulations de l’anamorphose doit être révisée.
À la recherche d’un point :
une évolution visible entre les deux sermons ?
Pour ce faire, il importe de saisir la nature de ce point révélé par la foi. Les deux sermons de 1656 et 1662 sont en cela, d’après nous, à la fois semblables et dissemblables, et trahissent une évolution de la pensée comme de l’écriture. Au début de chacun de ces textes, le lecteur assiste à un phénomène de spatialisation du temps. Les deux images de l’anamorphose, confuse et claire, représentent deux chronologies. Le dessin brouillé est l’histoire humaine, où les méchants sont mêlés avec les bons ; l’image redressée est cette même histoire envisagée simultanément au futur indéterminé du Jugement, où élus et réprouvés seront « rétribués » en fonction de leurs actes. De ce fait, Bossuet oppose deux pans de l’Histoire de l’humanité, l’un myope et profane, l’autre plus large de vue et religieux. Bien qu’il soit facile de déterminer ce que Bossuet entend par ces deux images, il s’avère plus délicat de préciser quel est le point où se placer pour que le théâtre du temps profane soit balayé par la révélation de l’histoire sacrée. Dans le sermon de 1656, ce point de vue représente, sans ambiguïté aucune, le jour du Jugement lui-même, qui marque la rupture avec l’état de confusion et la naissance de l’état de vérité37. Envisager ce fameux point signifierait alors que le 24chrétien se transporte par avance, par le moyen d’exercices spirituels, dans la contemplation de la fin des temps à venir. En 1662 pourtant, Bossuet est beaucoup plus énigmatique par son usage de l’indéfini : « un certain point que la foi en Jésus-Christ nous découvre ». Le propos aurait-il évolué de telle manière que ce point ne serait plus, ou du moins plus seulement identifié au jour du Jugement ?
Pour répondre à cette incertitude du sermon de 1662, il convient d’évoquer la réflexion globale consacrée par le prédicateur au problème du temps. Jacques Lebrun a montré que Bossuet, après l’évêque d’Hippone, voit dans le temps une image mobile, c’est-à-dire déchue, remplie de néant de l’éternité divine38. Du point de vue subjectif ou ontologique, le temps est illusion (Béatrice Guion39). C’est pourquoi le point par lequel s’ordonnent les âges successifs ne pourrait pas exister dans le temps lui-même, puisque le temps est néant : il ne peut s’y manifester, à l’occasion du Jugement, qu’à la fin des temps. Par élimination, ce point ordonnateur ne peut donc se situer, avant le Jugement à venir, que dans le modèle stable des événements, à savoir l’éternité. En ce sens, dans le sermon de 1662, Bossuet utilise, de manière apparemment incidente, une image révélatrice :
Mais Dieu, qui est l’arbitre de tous les temps, qui, du centre de son éternité, développe tout l’ordre des siècles, qui connaît sa toute puissance ; et qui sait que rien ne peut échapper ses mains souveraines, ha ! il ne précipite pas ses conseils40.
Ce « centre de l’éternité41 » désigne le lieu métaphorique où Dieu ordonne toute la suite des temps, avant même l’origine du monde : or, en bonne géométrie, le centre d’une figure est un point, et peut-être même celui que nous cherchons. En effet, Bossuet semble renvoyer en ces lignes à la symbolique du cercle – ou de la sphère – dont le centre est l’éternité divine, tandis que les âges s’ordonnent autour d’elle comme les points de 25la circonférence, qui sont chacun une image du centre reliée à lui par les rayons ; il en découle un dynamisme du rayonnement, de l’expansion, du développement : en somme, la sphæra lucis de l’ancienne métaphysique lumineuse laisserait place à la sphæra Providentiæ qui engloberait en son orbe le temporel et l’éternel, en une image qui n’est pas sans évoquer l’omnivoyant du Cusain, portant en tous lieux des regards infinis. Ainsi, en 1662, alors que le début du premier point du sermon oppose, avec l’anamorphose, confusion et netteté, à la fin du même premier point, la métaphore du cercle – ou de la sphère – dessine la façon dont toutes les époques de l’histoire humaine s’ordonnent harmonieusement, autour d’un dessein transcendant l’origine du monde et du temps : les deux figures s’orchestrent en contrepoint. Cette symbiose de deux images rappelle un sermon de Jean-Pierre Camus (1615), où les deux motifs de l’anamorphose (appelée par lui « double tableau ») et du centre étaient déjà étroitement associés, au sein d’un propos consacré à la connaissance de Dieu. Les créatures
sont autant de doubles tableaux, et de visages de Janus, l’une face nous monstre à l’œil du corps, la nature de la creature, et à celuy de l’entendement, l’infinité du facteur.
Toutes ses œuvres le regardent, et visent à luy comme les lignes au centre, les branches au tronc, les rays au Soleil, les membres au corps, les ruisseaux à leur source42.
Mais ce duo d’images que Camus traite comme en passant, dans sa prose copieuse qui enchaîne les comparaisons sans répit, Bossuet l’amplifie dans le premier point de 1662, précisant l’infini camusien en éternité. En somme, le point du Jugement en cache donc un autre, plus lointain et plus central encore, pivot du cosmos. La question est d’actualité ; chez Bossuet comme chez Pascal, la perspective est un opérateur de centralité ; et, même si, contrairement à N. de Cues ou Pascal, Bossuet et les autres prédicateurs restent conservateurs en physique, ils n’ignorent pas qu’une partie de leurs auditeurs vit déjà dans un univers décentré, c’est-à-dire infini selon Bruno, ou indéfini selon Cues ou Descartes. Pour Hersent et Filère, cette harmonie cosmique perdue se recrée autour d’une certitude subjective : la foi ou la sagesse divine qui donne sens au monde. Selon Bossuet, l’ordre sous-jacent est 26de nature à la fois objective et subjective : il gît dans l’accord de l’esprit humain avec la Providence éternelle, « lumière ordonnatrice extérieure au tableau » qu’est le temps médité par le croyant, et finalement « point perspectif », comme l’indique Christian Belin43. Le point de vue humain est appelé à se décentrer pour coïncider avec la vision divine, ce qui est exprimé dans un autre sermon : « je crois hardiment où je ne vois rien, parce que j’en crois celui qui voit tout44 ». Or, ce point de vue divin est extérieur à la durée humaine avant la fin des temps, car, comme l’écrit Tertullien, le temps est semblable à un voile qui nous sépare de l’éternité, et qui couvre la vérité45 : c’est la foi et la parole divine qui en permettent une approximation.
Deus pictor : le temps comme tableau
Le motif anamorphique perd donc chez Bossuet la dimension d’analyse moraliste privilégiée par ses devanciers, pour articuler l’objectif et le subjectif, la question de la croyance et celle de l’eschatologie. L’athée, loin de n’être qu’un débauché selon les stéréotypes théologiques attachés aux libertins46, apparaît aussi privé de sagesse, insipiens : il se laisse abuser par les apparences du temps présent qui, Bossuet le lui accorde avec Qohélet, apparaît comme le royaume de l’injustice et de l’absurdité. À cette vanité, seule une connaissance surnaturelle peut trouver du sens ; et si l’anamorphose est une imago mundi, une cartographie du temps, l’orateur ne peut que faire miroiter la curiosité optique élaborée par un peintre à nos yeux ébahis, un Deus Pictor qui a caché son dessin, ou plutôt son dessein, derrière une apparente confusion. Si l’anamorphose, du fait de sa technicité optique, est un hapax dans la production oratoire du futur Aigle de Meaux, ce jeu optique touche en revanche au domaine artistique, la perspectiva artificialis, dont les images abondent au contraire sous la plume de Bossuet orateur. L’une d’elles, dès 1654, compare le progrès de la révélation 27divine à une toile ; une accumulation de touches successives donne forme à une œuvre aboutie.
La comparaison est prise de la peinture. Le peintre dessine le portrait du roi. Vous en voyez déjà quelque ressemblance dans les premiers crayons du tableau ; ce sont ses traits, c’est sa taille, c’est son air, c’est l’image du prince que vous y voyez ; mais quand l’ouvrage sera accompli, c’est alors que le roi paraîtra avec sa majesté naturelle. Ainsi la Loi avait Jésus-Christ dans des ombres et dans des figures, et comme dans un crayon imparfait ; mais elle n’avait pas l’image finie. Et de même que la peinture achevée efface les linéaments imparfaits, ainsi la beauté parfaite de l’Évangile efface l’imperfection de la Loi par des couleurs plus vives et plus éclatantes47.
Ailleurs, Dieu, en maître du chiaroscuro, fait servir les plus noirs desseins des comploteurs comme les lumières des vertus à l’achèvement de son œuvre48. La métaphore des temps comme tableau est donc un invariant de la prédication bossuétiste, dont l’anamorphose n’est qu’un avatar circonstancié, dirigé en particulier contre les libertins. C’est ainsi que, passant de la simple peinture en 1654 à l’anamorphose dans ses sermons sur la Providence, le prédicateur accentue à loisir l’opposition entre la toile inachevée, « jeu d’enfant », et le tableau terminé. Adoptant une position fidéiste, il tente de prouver aux libertins qu’ils sont incapables de voir la beauté de cette fresque par eux-mêmes : car, selon un sermon de 1661, le tableau de la révélation, aussi beau soit-il, n’apparaît qu’une fois éclairé par la lumière divine, et son relais, la prédication49. Aussi est-il nécessaire de fournir à l’auditeur une mystagogie optique qui redresse l’œil de l’esprit, aveuglé par les vanités de ce monde.
28L’anamorphose chez Bossuet,
motif anecdotique ou central ?
Marginalité de l’anamorphose
face au symbolisme lumineux ?
À la suite des réflexions précédentes, on ne laisse d’avoir un sentiment ambigu face à l’anamorphose. Quoiqu’éblouissante de maestria rhétorique et spirituelle, et révélant quelque peu le chiffre du cryptogramme du monde, elle laisse à désirer. Le texte reste en effet muet sur la nature de ce sens qui reste à révéler dans un avenir indéterminé. Cette aporie semble condamner le motif à un statut d’hapax, employé dans deux sermons seulement. Pour savoir si l’anamorphose est un motif anecdotique ou bien capital, il faut la replacer, plus généralement, dans le réseau des comparaisons visuelles qui court dans les œuvres oratoires, au sein du cabinet d’optique de Monsieur Bossuet. Ainsi remise en perspective, l’anamorphose est infiniment plus rare que la métaphore récurrente de la clarté. Pour Bossuet, qui reste à sa manière un métaphysicien de la lumière50, l’essence divine, l’Uni-Trinité, est lumineuse en elle-même51, mais encore davantage dans ses manifestations : le bien de Dieu, sa grâce, se communiquent, comme la lumière du soleil, à toutes les créatures52. De cette plénitude lumineuse, on ne trouve guère de trace dans les deux sermons consacrés à la Providence, qui n’évoquent pas Dieu mais le gouvernement du monde. De plus, le point de vue divin reste inaccessible en cette vie, où il n’est approché que par la foi ; l’anamorphose est donc en tension avec une absence, une incertitude. Elle ne saurait révéler pleinement la « lumière éternelle » du Jugement, qui seul mettra en évidence la beauté du dessein divin, comme l’affirmait déjà un sermon de 165353. La rhétorique bossuétiste supplée à cette infériorité visuelle de l’anamorphose face à la puissance 29de la thématique lumineuse, en présentant des évocations du Jugement à venir sous forme d’hypotyposes frappantes, faisant appel à toutes les ressources de la sensibilité : ouïe, vue, etc. Mais n’est-ce pas donner à la sensibilité et à l’imagination des gages de peu de prix pour emporter la conviction des athées ?
En réalité, l’anamorphose dispose d’un avantage stratégique sur le métaphorisme lumineux : là où la lumière manifeste le divin, ce trucage permet de se placer du point de vue de Dieu. Regard de catoblèpe en quelque sorte, qui tombe du ciel sur la terre, c’est là un point de vue absolument inverse à celui de la coupole baroque, di sotto in su. C’est un point de vue proche de celui des Anges54. Or, ce regard de haut en bas évoque un motif de la tradition néoplatonicienne, puis chrétienne : la skopia, en latin specula. Ce terme désigne un état intermédiaire entre l’attachement aux biens matériels et la véritable contemplation : l’âme a déjà délaissé les vanités, et les regarde d’une hauteur (tour de guet, observatoire ou montagne), mais ne voit pas les secrets de Dieu, encore cachés55. L’anamorphose reprend l’idée d’un regard venu d’un autre monde, mais elle annule l’image de la hauteur qui dominait dans la skopia : elle reste rivée à l’horizontalité de l’ici-bas ; elle n’est ascension qu’en pensée et en anticipation, contrairement au regard réellement surplombant des Anges et bienheureux. Ainsi, l’anamorphose ne se rattacherait qu’incidemment à la lumière divine, elle ne serait peut-être qu’une figure du début de la conversion, destinée plutôt aux mondains et aux libertins ; ou alors, elle enseigne la patience même aux chrétiens éprouvés, en retardant à un autre temps la révélation des secrets divins. Par opposition, l’autre vie est le seul lieu où la lumière triomphera ; alors, les corps des élus seront lumineux, la Jérusalem céleste sera éclairée par le Fils lui-même56.
Nécessité de l’anamorphose : d’une mystagogie optique
Pourtant, si l’anamorphose est coupée de la plénitude de la lumière divine, elle est tout de même une forme de vision ; en cela, elle s’oppose au thème de thème de l’aveuglement spirituel indissociable de la condition 30humaine depuis le péché originel, que Bossuet traite avec constance depuis les débuts de sa prédication57. N’étant pas lumineuse, la sagesse humaine n’est pas non plus purement ténébreuse. Or le clair-obscur est pour Bossuet, après Saint Augustin, la condition même de l’homme en cette vie, déchiré entre grâce et péché, par exemple en 1660 :
« de même, dit Saint Augustin, que nous pouvons ne nous plaire pas dans les ténèbres, encore que nous ne puissions pas arrêter la vue sur une lumière très éclatante » : Potest oculus nullis tenebris delectari, quamvis non possit in fulgentissima luce defigi58.
L’être humain est ainsi tragiquement renvoyé des ténèbres du péché à l’aveuglante clarté divine. C’est pourquoi le prédicateur fournit les instruments optiques pour que son public puisse voir cette lumière inaccessible sans s’y brûler les yeux. L’anamorphose, au même titre que le miroir, est l’image de la vision indirecte de la divinité cachée. Dans les œuvres oratoires, l’Incarnation apparaît bien sûr comme le dispositif optique par excellence par lequel Dieu s’est rendu visible en tempérant sa grandeur par la bonté59, mais c’est précisément cet abaissement de la vie du Christ qui constitue pour le mondain orgueilleux un obstacle, car il refuse de voir dans cet être humilié un dieu incarné60. Avant de contempler justement, l’œil de l’âme blessé a donc besoin d’être épuré de l’amour-propre et de la vanité des glorioles humaines. La sagesse divine et son relais la prédication agissent sur lui comme un collyre (1669) :
Laissez traiter vos yeux malades, souffrez qu’on les nettoie, qu’on les fortifie : après, si vous ne pouvez pas encore porter le grand jour, vous jouirez du moins agréablement de la douceur accommodante d’une clarté tempérée61.
Ce thème de l’accommodation à la lumière concerne toute la spiritualité de l’orateur. Sermon comme méditation doivent dévoiler 31graduellement l’aveuglante clarté divine, qui éblouirait sinon une humanité trop imparfaite : l’homme n’est capable que d’une « lumière tamisée ou filtrée62 ». Afin de remplir cet objectif, les figures optiques servent avant tout, chez Bossuet, au discernement entre la vérité et la vanité. Comme l’a montré Stéphane Macé63, l’imaginaire visuel dans la rhétorique chrétienne procède d’un double mouvement d’amplification : diminuer l’erreur et grossir la vérité. De fait, les métaphores et comparaisons d’ordre visuel employées par Bossuet sont toutes réversibles : le miroir symbolise tantôt l’amour-propre en quête de flatteurs64, tantôt l’entendement juste qui ne distord pas les choses65 ; pareillement, la lumière représente la présence divine, ou bien la fausse clarté des gloires mondaines66. L’une des mises en œuvre frappantes de cette dualité figure dans le sermon du Vendredi Saint des Carmélites, où l’éclipse miraculeuse consécutive à la Passion représente la manière dont le Christ met fin à l’éclat trompeur des gloires humaines67. Aussi Bossuet met-il en place de manière cohérente une prédication en chambre noire, qui renverse les fausses lumières en vraies ténèbres, l’erreur en vérité68. Par conséquent, l’anamorphose est une figure capitale de cette conversion des apparences, puisqu’elle combine, à l’instar de l’éclipse du Golgotha, l’antithèse opposant l’illusion à la sagesse, avec le renversement dynamique de l’une en l’autre : pourfendant la vanité pour instaurer la vérité, cette forme de perspective curieuse est un épitomé de la symbolique visuelle de Bossuet et de son temps.
32L’énigme d’un visage caché
L’anamorphose apparaît donc comme l’un de ces tempéraments indispensables entre les ténèbres du péché et la lumière divine, en particulier dans un détail curieux en 1662. Si les prédicateurs évoquent en leurs anamorphoses l’apparition d’une image cachée, le lecteur constate avec surprise que la nature de cette représentation cryptée est laissée floue. Filère mentionne simplement une « image » très belle ; Hersent révèle « une figure tres-belle, tres-proportionnée », autre terme assez anodin. Bossuet, en 1656, met simplement en scène une « image » bien proportionnée. Il faut remonter jusqu’en 1627 pour trouver chez Charles Roussel la mention explicite de portraits révélés par l’anamorphose : le pauvre Irus devient riche Crésus, Héraclite qui pleure devient Démocrite rieur, de même que l’humanité du Christ cache sa divinité69. En lointain écho au dominicain, en 1662, Bossuet précise à son tour ce qui apparaît dans le dessin vu en son point : « un visage avec tous ses linéaments et ses proportions, là où il n’y avait pas apparence de forme humaine », sans toutefois indiquer à qui appartient ce visage anonyme. Ce détail pourrait simplement jouer un rôle pittoresque, ou encore renvoyer aux anamorphoses populaires qui représentaient souvent un portrait : par exemple, celui de Charles Stuart circulait chez les partisans de la monarchie anglaise70. Pourtant, il ne semble guère y avoir de logique à comparer le monde vu sous le regard de Dieu à l’apparition d’un visage : un paysage aurait sans doute mieux convenu à la spatialisation du temps caractéristique des deux sermons. En 1662, la confusion devient visage ; autrement dit, le temps devient le lieu où se révèle cette étrange face.
Un éclairage contextuel est sans doute nécessaire pour comprendre cette bizarrerie. Une tradition oratoire au xviie siècle voyait dans le monde le miroir où Dieu aime à considérer son reflet, ou encore la glace où l’homme découvre le visage de la divinité invisible71. Ainsi, dès 1615, un sermon de Camus associe l’anamorphose au thème de Phidias cachant son portrait sur sa Minerve72, pour montrer que le visage de Dieu apparaît dans les choses. De plus, dans le fragment de 1654 déjà 33cité, Bossuet montrait que la vaste fresque des deux Testaments laissait apparaître le Christ en personne73. Parler de visage, c’est évoquer le corps, « une forme humaine74 » dans le langage du sermon sur la Providence de 1662, donc peut-être l’Incarnation. Plutôt que de visage de Dieu, il conviendrait mieux de parler de la divinité incarnée. En effet, non seulement le syntagme « forme humaine » rappelle la formam servi accipiens75 de l’épître aux Philippiens, mais plusieurs passages du texte de 1662 semblent corroborer cette hypothèse. Outre le fait que le sermon, contrairement à celui de 1656, se trouve dans un cycle de Carême couronné par le spectacle de l’homme de douleur, qui présente sa tête « couronnée d’épines76 », Bossuet n’évoque pas simplement en 1662 la foi, comme ses prédécesseurs, mais la « foi en Jésus-Christ », replaçant ainsi le Messie au centre du dispositif optique. L’identification du visage se justifie également au vu de la multiplication des figures christiques anamorphosées dans l’art pictural, non seulement dans les illustrations des traités de Du Breuil et Niceron, mais encore dans la tabula scalata de Mario Bettini77 : le corps glorieux du Christ ressuscité y apparaît dans un miroir. Si le visage énigmatique du deuxième sermon sur la Providence est bien celui du Christ, il convient de donner raison de sa présence énigmatique. La suite du texte fournit selon nous la clé de l’énigme, car Jésus-Christ y est présent, à travers la figure de la sermocination78, pour exhorter le juste à croire et à persévérer dans la foi :
Ouvrez les yeux, c’est Jésus-Christ qui vous exhorte79.
Il croit toujours entendre le Seigneur Jésus qui lui grave dans le fond du cœur ces belles paroles : « Ne craignez pas, petit troupeau, parce qu’il a plu à votre Père de vous donner un royaume80 ».
34Mais si ce visage peut jeter un regard aimant et compatissant sur le pécheur, la face divine symbolise également le châtiment, en apparaissant bienveillante aux bons, et terrible aux mauvais81. Cette dernière hypothèse est en adéquation avec l’insistance du sermon de 1662 sur le Jugement à venir. En somme, par ce détail, le motif de l’anamorphose a une profonde affinité avec les deux venues du Christ, l’Incarnation comme la Parousie.
L’intérêt du motif de l’anamorphose chez Bossuet est confirmé par une triple mise en perspective critique qui prend en compte ses prédécesseurs, l’évolution entre les deux sermons de 1656 et 1662, ainsi que les autres motifs visuels de l’œuvre oratoire. Même si une telle tâche dépasse de loin les limites de cet article, voici quelques constatations provisoires. Si l’on considère Bossuet en son siècle, ni le motif, ni son traitement ne sont originaux. Bossuet innove pourtant en projetant son regard dans l’éternité, quand ses devanciers restent rivés au temps, qu’il s’agisse du passé de la vie humaine du Christ ou du présent de la réflexion. Par ailleurs, l’évolution du motif est perceptible entre les deux sermons : alors que le texte de 1656 est clair, celui de 1662 est bien plus énigmatique et obscur, du fait de ce « certain point » que Bossuet n’est pas pressé de définir : la Providence éternelle y prend la place du Jugement comme point ordonnateur du monde. De ce fait, le motif, quoique rare, tient une place cruciale dans l’œuvre oratoire par sa logique : l’anamorphose fait partie de ces figures qui ne relèvent ni de la symbolique lumineuse du divin, ni de celle des ténèbres du péché, mais qui ont un rôle intermédiaire, chargées qu’elles sont de dépeindre la vision en clair-obscur de l’homme en cette vie, et l’accommodation progressive de l’œil de l’esprit à la lumière aveuglante du vrai.
L’anamorphose fait donc partie de ces « clartés tempérées82 », de ces lumières incertaines. Elle s’inscrit ainsi dans une mystagogie oratoire, et ce, d’autant plus qu’elle combine en elle la logique sémantique de trois métaphores phares de la rhétorique sacrée de son temps. De la chambre noire, qui inverse les images, elle retient le sème de l’inversion : la vérité est le contraire de la sagesse ordinaire. Du tableau, elle garde le 35dynamisme de la révélation progressive, de l’ordonnancement du théâtre du cosmos autour d’un point qui lui est extérieur, nimbé de transcendance. Au miroir enfin, elle emprunte l’idée d’une vision réflexe du visage du créateur dans le créé. Aussi traite-t-elle de concert la question de la vérité, celle du sens de l’Histoire et de la connaissance de Dieu. C’est une figure monde, justement parce qu’elle est une figure énigme ; ainsi, l’écriture même du sermon de 1662, en augmentant encore la difficulté du décryptage, fait bien de cet exercice oratoire un « œuvre ouverte83 » car, loin de simplement verser dans une veine catéchétique, le texte se construit comme une invitation à lever le voile de l’éternité. Loin de donner toutes les réponses, l’anamorphose incite le mondain à se lancer dans la quête du vrai, et constitue une de ces injonctions à méditer dont le prédicateur est coutumier au sein même de ses sermons. En cela, cette illusion savante semble un motif éminemment spirituel.
Florent Libral
Il Laboratorio (EA 4590 –
Toulouse II)
1 Nous appellerons pour plus de commodité ce dispositif « anamorphoses à point de vue ».
2 Du grec katoptron, miroir.
3 Du titre de l’ouvrage de Jean-François Niceron qui les théorisa (Paris, P. Billaine, 1638).
4 Premier sermon sur la Providence (1656), Œuvres oratoires, éd. Lebarq, revue et aug. par Urbain et Levesque, Paris-Bruges, Desclée de Brouwer, t. II, 1914, p. 158-159. Nous citons les œuvres de Bossuet dans cette édition, dite OO en note : t. I : 1926 (première parution, 1914) ; t. 2 : 1914 ; t. 3 : 1916 ; t. 4 : 1921 ; t. 5 : 1922 ; t. 6 : 1923 ; t. 7 : 1926.
5 Sermon sur la Providence, Le Carême du Louvre, éd. Constance Cagnat-Debœuf, Paris, Gallimard, 2001, p. 114-115. Nous citons ce cycle de sermons dans cette édition, dite CL en note.
6 Anne Régent-Susini, « Perspectives dépravées, perspectives rectifiées : l’Histoire universelle peinte par Bossuet », Littératures classiques, 82 (2013), p. 201-218. C. Cagnat-Debœuf, « Un sermon en anamorphose : Le discours au roi dans le Carême du Louvre », Lectures de Bossuet, Le Carême du Louvre, dir. Guillaume Peureux, Rennes, PUR, 2001, p. 111-128. Stéphane Macé, « L’anamorphose dans le Carême du Louvre de Bossuet (1662) », [in] L’Optique des moralistes de Montaigne à Chamfort, Actes du colloque de Grenoble, éd. Bernard Roukhomovsky, Paris, Champion, 2005, p. 405-418. Olivier Leplâtre, « Spiritualité de l’anamorphose », L’Information littéraire, 4 (2002), p. 38-46. Christian Belin, La Conversation intérieure. La méditation en France au xviie siècle, Paris, Champion, 2002, p. 216.
7 Jean-Pierre Camus, Premieres homelies quadragesimales, Paris, Claude Chappelet, 1615, p. 237 ; Homelies panegyriques de S. Ignace de Loyola, Lyon, Jacques Gaudion, 1623, p. 196-197. Pour les autres références, nous renvoyons la suite de cet article.
8 Jurgis Baltrušaitis, Anamorphoses ou Thaumaturgus opticus, Paris, Flammarion, 1996, p. 25 sq.
9 Diffusé en latin dans les Opera du cardinal, réédité et traduit en français par Gilbert de Golefer sous le titre Traité de la vision de Dieu (Paris, C. Chappelain, 1630). Michel de Certeau, La Fable mystique II, Paris, Gallimard, 2013, chap. i, p. 51.
10 Nicolas de Cues, Le Tableau ou la vision de Dieu, intro. et trad. Agnès Minazzoli, Paris, Cerf, 1986, p. 31-32.
11 Idem, en part. p. 36.
12 Comprendre : « il vient » (omission du pronom).
13 Joseph Filère, Le Miroir sans tache, Lyon, veuve de Claude Rigaud, et Philippe Borde, 1636, p. 515-516.
14 Idem, p. 518.
15 Sur la « similitude », nous renvoyons à notre ouvrage Le Soleil caché, rhétorique sacrée et optique au xviie siècle en France, Paris, Garnier, 2016, p. 39-57, p. 423-436, ainsi qu’à notre article « Entre similitudes et métaphores. Amplification et optique dans la prédication en France (v. 1600-1670) », Sur l’amplification, Exercices de rhétorique, dir. Stéphane Macé, 4 (2014, en ligne), p. 3-4 de la version pdf de l’art.
16 Niceron, La Perspective curieuse, op. cit., p. 5 ; Le Soleil caché, op. cit., p. 206-208.
17 Pour une vision d’ensemble de l’ouvrage de Filère, impossible à donner ici, voir Le Soleil caché, op. cit., p. 342-355.
18 Le Miroir sans tache, op. cit., p. 517-518.
19 CL, p. 114.
20 Charles Roussel, L’Ouverture des sept sceaux faite par les sept cornes de l’Agneau immaculé Jesus, Paris, Denis Moreau, 1627, p. 429.
21 Sur cette expression, voir Le Soleil caché, op. cit., p. 253-254.
22 Charles Hersent, Le Scandale de Jesus Christ dans le Monde. s. l., s. n., 1644, p. 10-11.
23 Peter Bailey, French Pulpit Oratory, 1598-1650 : a Study in Themes and Style, Cambridge, Cambridge University Press, 1980, p. 250.
24 Deuxième dimanche de l’Avent, sermon sur Jésus-Christ comme objet de scandale (Metz, 7/12/53), OO, I, p. 446-476.
25 Homelies Panegyriques, op. cit., p. 237 : « Mais tout ainsi que le Janus des anciens, et ces Tableaux à deux perspectives, ainsi l’escriture comme vous sçavez a deux sens ; l’un litteral et materiel, l’autre Spirituel et mistique, […]. »
26 Le Soleil caché, op. cit., p. 181-182.
27 Nous renvoyons à notre analyse plus détaillée du sermon : Id., p. 360-364.
28 CL, p. 115.
29 Pensées, éd. Philippe Sellier, fr. 55, Paris, Garnier, 2011, p. 175.
30 Sermon de la Pentecôte, « Littera occidit » (Metz, 1657), OO, I, p. 552. Léon de Saint-Jean, La France convertie, Paris, Florentin Lambert, 1661 ; Les Divins Paradoxes de l’Eucharistie, Bruxelles, Jean Mommart, 1663.
31 Le Miroir sans tache, op. cit., p. 513. Nous soulignons (ainsi que dans les citations suivantes).
32 Id., p. 516-517.
33 Au sens ancien de jugement intellectuel.
34 Charles Hersent, Le Scandale […], op. cit., p. 10.
35 OO, II, p. 159.
36 Anne Régent-Susini, « Perspectives dépravées […] », art. cité, p. 213.
37 « […] la foi me le fait regarder par rapport au Jugement dernier et universel […] », OO, II, p. 159.
38 Jacques Le Brun, La spiritualité de Bossuet prédicateur, Paris, Klincksieck, 2002, p. 180-181.
39 Béatrice Guion, « L’illusion dans la spiritualité de Bossuet », Bossuet. Le Verbe et l’histoire. Actes du colloque du 3e centenaire, publ. par Gérard Ferreyrolles, Paris, Champion, 2006, p. 143.
40 Bossuet, Sermon sur la Providence, Carême du Louvre (1662), CL, p. 119.
41 L’expression « centre de l’éternité » figure également après 1662 dans un sermon sur l’endurcissement (Avent de St-Germain, 1/12/1669, OO, t. V, p. 555) ; et dans un autre consacré au Jugement dernier (Avent du Louvre, 29/11/1665, OO, IV, p. 641).
42 Jean-Pierre Camus, Premieres Homelies quadragesimales, op. cit., p. 237.
43 Christian Belin, La Conversation intérieure, op. cit., p. 217.
44 Bossuet, Sermon sur la soumission à la parole de J.-C. (22/2/1660), Carême des Minimes, IIe dimanche, OO, III, p. 251.
45 Bossuet, Sermon sur la Pénitence, Carême des Carmélites, Premier dimanche (6/03/1661), OO, III, p. 610 : « ‘Le temps est comme un grand voile et un grand rideau qui est étendu devant l’éternité, et qui nous la couvre.’ »
46 Louise Godard de Donville, Le Libertin, des origines à 1665, un produit des apologètes, Paris-Seattle-Tubingen, Biblio 17 [51], 1989.
47 Bossuet, Reprise de l’allocution sur les deux Alliances, IIe dimanche après l’épiphanie, 1654, Premier point nouveau, OO, I, p. 483.
48 Bossuet, Sermon pour le Vendredi Saint, Carême de St-Germain (23/4/1666), OO, V, p. 211 : « il ordonne les ténèbres aussi bien que la lumière ».
49 Bossuet, Sermon sur la parole de Dieu, Carême des Carmélites, IIe dimanche (13/03/1661), OO, III, p. 631 : « C’est en vain que l’on nous désigne avec le doigt les peintures de cette église ; en vain que l’on nous remarque la délicatesse des traits et la beauté des couleurs, où notre œil ne distingue rien, si le soleil ne répand sa clarté dessus […]. »
50 Jacques Le Brun, La Spiritualité de Bossuet prédicateur, op. cit., p. 130-134.
51 « […] cette lumière inaccessible nous sera ouverte, et […] la Trinité adorable nous découvrira ses secrets […] » (Bossuet, Sermon sur le Mystère de la Ste Trinité (1655), OO, II, p. 49).
52 Sermon pour l’exaltation de la Ste Croix (Metz, 1653) OO, I, 441.
53 « […] alors [au Jugement] la lumière éternelle venant à se découvrir à nos cœurs, quel ordre, quelle sagesse, quelle beauté ne verrons-nous pas dans ce qui paraissait à nos sens si confus et si mal digéré ! » Bossuet, Sermon sur Jésus-Christ comme objet de scandale, IIe dimanche de l’Avent (Metz, 7/12/1653), OO, I, p. 473).
54 Bossuet, Sermon pour la fête des Anges gardiens (Feuillants, 1659), OO, III, p. 98.
55 Plotin, Ennéades, iv, 4, 5, trad. Bréhier, Paris, Les Belles Lettres, 1927, « CUF », p. 106. Jean Daniélou, Platonisme et théologie mystique. Essai sur la doctrine spirituelle de S. Grégoire de Nysse, Paris, Aubier, 1944, p. 131 sq.
56 Sermon sur le Mystère de la Ste Trinité (1655), OO, II, p. 61.
57 Sermon pour la Fête de tous les Saints (Chapelle de Navarre, 1/11/1646), OO, I, p. 60 – par exemple.
58 Bossuet, Sermon pour le jour de Pâques, Carême des Minimes (1660), OO, III, p. 402.
59 « Que fait ce grand Dieu pour nous attirer ? Il nous cache tout ce qui l’éloigne de nous, et il ne nous montre que ce qui l’approche. » (Bossuet, Sermon de Noël (Metz, 1656), OO, II p. 283-284).
60 Bossuet, Sermon pour le dimanche de la Quinquagésime (Paris, 1667), OO, V, p. 237.
61 Bossuet, Sermon pour la Toussaint (prêché devant le roi en 1669, Avent de St-Germain), OO, V, p. 496. Cf. la première rédaction qui évoque la notion d’accommodation à la lumière (Ibid., n. 5).
62 Christian Belin, La Conversation intérieure, op. cit., p. 218, n. 39.
63 Stéphane Macé, « L’anamorphose […] », art. cité, p. 408.
64 Bossuet, Sur la haine de la vérité, Carême des Carmélites, Dimanche de la Passion (3/4/1661), OO, IV, p. 33-34.
65 Ibid., et aussi le sermon pour le dimanche de la Quinquagésime (Paris, 1667), OO, V, p. 228-229 : « Saint Thomas, voulant nous décrire ce que c’est qu’un bon entendement, et quel est l’homme bien sensé, dit que c’est celui dont l’esprit est disposé comme une glace nette et bien unie, où les choses s’impriment telles qu’elles sont, sans que les couleurs s’altèrent ou les traits se courbent et se défigurent […]. »
66 Bossuet, Sermon pour le Vendredi Saint, Carême des Carmélites (1661), OO, IV, p. 86 : l’honneur est appelé la « partie la plus éclatante » de la vanité, ou encore désigné par la périphrase « ce qui brille ».
67 Ibid.
68 « Entre similitudes et métaphores […] », art. cité, p. 9. Cf. ce que dit Anne Régent-Susini de la camera oscura à propos du Discours sur l’histoire universelle (« Perspectives dépravées […] », art. cité, p. 207).
69 Charles Roussel, L’Ouverture des sept sceaux, op. cit., p. 429.
70 Jurgis Baltrušaitis, Anamorphoses ou Thaumaturgus opticus, op. cit., p. 42-44.
71 Florent Libral, Le Soleil caché, op. cit., p. 44-46.
72 Voir la réf. à la note 42.
73 Bossuet, Reprise de l’allocution sur les deux Alliances, IIe dimanche après l’épiphanie, 1654, Premier point nouveau, OO, I, p. 483.
74 CL, p. 114.
75 Philipp. II, 7 : « sed semet ipsum exinaniuit formam servi accipiens in similitudinem hominum factus ».
76 Bossuet, Sermon sur la Passion de Notre-Seigneur (1662), CL, p. 269.
77 Mario Bettini, Apiaria universæ philosophiæ mathematicæ, Bologne, typis J. B. Ferronii, 1645, part. V, chap. ii, p. 28-29. Jean-Vincent Blanchard, L’Optique du discours au xviie siècle, Laval, Presses de l’Université, 2005, p. 172.
78 Sur cette figure et en part. sur son lien au contexte polémique : Anne Régent-Susini, Bossuet et la rhétorique de l’autorité, Paris, Champion, 2011, p. 476.
79 Bossuet, Sermon sur la Providence, CL, p. 117.
80 Idem, p. 126.
81 Bossuet, Sermon pour le Vendredi Saint, Carême des Carmélites (1661), OO, IV, p. 101 ; René de la Broise, Bossuet et la Bible, Genève, Slatkine Reprints, 1971, p. 57-58.
82 Voir note 61 supra.
83 Constance Cagnat-Debœuf, « Un sermon en anamorphose […] », art. cité, p. 111.
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- ISBN : 978-2-406-06679-8
- EAN : 9782406066798
- ISSN : 2494-5102
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06679-8.p.0013
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 22/12/2016
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