Éditorial Nova et vetera…
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue Bossuet
2016, n° 7. varia - Auteur : Belin (Christian)
- Pages : 9 à 11
- Revue : Revue Bossuet
ÉDITORIAL
Nova et vetera…
L’an dernier, la Revue Bossuet faisait peau neuve aux éditions Classiques Garnier. Gérard Ferreyrolles y voyait à juste titre un signe d’ouverture vers un public toujours plus large. Depuis son élection comme directeur, en 2004, Gérard Ferreyrolles a été le maître-artisan d’une transformation bénéfique de la Revue. En devenant précisément, en 2010, une revue bien ancrée dans le paysage des études universitaires, le bulletin des Amis de Bossuet restait fidèle à sa tradition de lieu de mémoire sans s’interdire la découverte de nouveaux horizons. La Revue ne cesse de porter un regard bienveillant et critique sur la personne et l’œuvre de Bossuet ; elle se veut toujours le reflet des études bossuétistes dont elle enregistre les progrès et les acquis, mais elle accompagne également le renouveau actuel des recherches consacrées à l’éloquence, à la prédication, à la rhétorique sacrée, à l’immense corpus méconnu des sermons prononcés par les professionnels de la chaire.
Les renouveaux ne sont pas nécessairement spectaculaires ou tonitruants ; ils n’en sont pas moins réels et profonds lorsqu’ils engagent tout un état d’esprit. Nous ne dirions peut-être pas, comme Bossuet : « il n’y a plus rien ici de l’ancienne forme, tout est changé au dehors », mais nous reprendrions volontiers la suite de ses propos : « ce qui se fait au dedans est encore plus nouveau ». Tous les amis de Bossuet remercient Gérard Ferreyrolles pour l’élan décisif qu’il a su donner à leur Association et à leur Revue avec un dévouement sans relâche. Depuis une vingtaine d’années les recherches sur Bossuet ont largement bénéficié de ses compétences scientifiques, et elles ont ainsi contribué à la redécouverte d’un écrivain dont l’image s’était quelque peu figée. Naïvement panthéonisé autrefois, et naguère au contraire stupidement ostracisé, l’évêque de Meaux sollicitait et sollicite toujours une attention exigeante. Son œuvre mérite les plus grands efforts de lucidité ou de 10pertinence. Nullement dévolu à la répétition stérile du dogme, Bossuet fut un authentique penseur du catholicisme, mais aussi un incomparable « maître du langage », comme disait Paul Valéry, mais encore un intrépide iconographe du mystère chrétien. La richesse et la complexité de son œuvre, souvent ignorées, réservent maintes surprises.
La journée d’études qui s’est tenue à la Sorbonne le 1er octobre 2016 en apporte une fois de plus le témoignage convaincant. Elle était consacrée à la réception de Bossuet au xviiie siècle. Après l’enquête portant sur les lectures de Bossuet au xixe siècle, l’investigation s’est donc poursuivie en amont. Anne Régent-Susini orchestre depuis deux ans, avec beaucoup de maestria, ces travaux sur les réceptions contrastées de Bossuet. Au siècle des Lumières, Bossuet entrait déjà pleinement dans la légende, pour le meilleur et pour le pire. Statue du commandeur pour les uns, en défenseur de l’absolutisme ou en apôtre du gallicanisme, souvent perçu comme le porte-parole d’une religion exécrée ou « infâme », il jouit pour les autres d’une autorité que l’on réservait habituellement aux Pères de l’Église. Mais quel que soit le cas de figure, il demeure pour tous une voix d’outre-tombe étrangement persuasive qui ne cesse de résonner et d’interpeller.
On trouvera dans ce numéro une bibliographie qui recense, comme à l’accoutumé, les travaux actuels portant sur Bossuet et la rhétorique oratoire ; elle donne également un aperçu des publications qui touchent aux différentes formes d’expression de la foi chrétienne. Le lecteur en appréciera la variété et l’abondance. Ce numéro offre précisément un florilège d’articles très divers par leur thématique, parfois écrits par de jeunes chercheurs : Florent Libral, par exemple, analyse la rhétorique des anamorphoses, tandis que Julien Gominet évoque la perception théologique de la musique chez Mersenne. Cet éclectisme correspond aux nouvelles perspectives que la Revue se plaît à envisager.
La dynamique enclenchée par Gérard Ferreyrolles porte ses fruits. Comme le scribe avisé qui puise en son fonds du « neuf et du vieux », la Revue Bossuet entend réserver un accueil chaleureux aux études axées sur les sciences religieuses, d’un point de vue théologique, spirituel et littéraire. Les espaces de ce genre ne sont pas fort nombreux dans le paysage scientifique français, alors même que l’on devine un incontestable regain d’intérêt pour les « sources chrétiennes », enfouies ou résurgentes. Un réel besoin d’information et un désir sincère de connaissance se manifestent, 11bien que subsistent çà et là, parfois même au sein des universités, des crispations regrettables à l’égard d’un patrimoine qu’il faudrait cacher parce qu’on ne saurait plus ni le voir ni même le concevoir.
La chronique artistique nous fournira les mots de conclusion. Le Louvre abrite en ce moment une exposition consacrée à Edme Bouchardon, l’un des sculpteurs les plus créatifs de ce xviiie siècle qui s’est retrouvé au centre de notre journée d’études1. L’une des œuvres exposées, Moïse présentant les tables de la Loi, appartient à l’Association des Amis de Bossuet qui, en 1977, la confia au musée de Meaux2. Nous nous réjouissons d’avoir participé, très modestement certes, à cette magnifique exposition, mais nous y voyons aussi un beau symbole. Depuis Meaux jusqu’à Paris, et ensuite de Paris jusqu’à Los Angeles, ce Moïse portant les tables de la Loi portera également jusqu’aux rives du Pacifique, en ambassade spirituelle, le nom de notre Association et celui de son illustre inspirateur. La Revue Bossuet ne craint pas l’aventure !
Christian Belin
1 « Edme Bouchardon (1698-1762). Une idée du beau », exposition présentée à Paris, au musée du Louvre, du 14 septembre au 3 décembre 2016. La même exposition se déroulera ensuite à Los Angeles, au J. Paul Getty Museum, du 10 janvier au 2 avril 2017, intitulée « Bouchardon : Royal Artist of the Enlightenment ».
2 La statue fut acquise en 1905 par Louis Cahen d’Anvers. Le catalogue de l’exposition précise qu’il s’agit là d’« une des plus belles terres cuites de Bouchardon », Edme Bouchardon. Une idée du beau, par Anne-Lise Desmas, Edouard Kopp, Guilhem Scherf et Juliette Trey, Louvre éditions, Somogy Éditions d’Art, 2016, p. 332.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-06679-8
- EAN : 9782406066798
- ISSN : 2494-5102
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06679-8.p.0009
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 22/12/2016
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français