Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Pierre Boaistuau ou le génie des formes
- Pages : 459 à 465
- Collection : Études et essais sur la Renaissance, n° 125
- Série : Éthique et poétique des genres, n° 5
Résumés
Nathalie Grande, « Avant-propos. Boaistuau auteur »
Alors que l’histoire littéraire ne conserve le souvenir de Boaistuau qu’à titre de minor, traducteur et compilateur, les articles qui composent cet ouvrage le font enfin apparaître comme un auteur au sens plein du terme, un créateur de formes qui n’a cessé de renouveler son inspiration au fil de ses œuvres. Son pessimisme ontologique l’amène à une conscience politique aiguë, où il puise l’inspiration tragique qui l’amène à séduire un large public.
Marie Barral-Baron, « L’Histoire de Chelidonius Tigurinus de Pierre Boaistuau ou un miroir du prince désenchanté »
C’est en 1556 que Pierre Boaistuau publie l’Histoire de Chelidonius Tigurinus sur l’Institution des princes chrétiens. Ce texte, au nom étrange, appartient au genre du miroir du prince, mais l’auteur n’hésite pas à jouer avec celui-ci, à en modifier subtilement les contours, afin d’offrir à ses contemporains une réflexion singulière et tragique sur l’art de gouverner à la fin des années 1550. En couvrant la nouveauté du manteau de la tradition, Boaistuau offre un miroir inédit, comme désenchanté.
Thibault Catel, « L’Histoire de Chelidonius Tigurinus dans la tradition du miroir du prince »
Cet article propose de replacer L’Histoire du Chelidonius Tigurinus dans la tradition du miroir du prince pour en apprécier l’originalité. L’étude de l’adaptation des sources et la comparaison avec des miroirs ou des institutions du prince connus de Boaistuau montrent que la singularité du Chelidonius réside dans un infléchissement du genre, passant de l’institution politique destinée au prince au miroir moral profitable à tous.
460Tristan Vigliano, « L’histoire de Mahomet par Pierre Boaistuau. Sources et formes d’une digression sur l’islam »
L’intérêt de Boaistuau pour l’islam détermine-t-il dans son œuvre des modes d’écriture particuliers ? Comment ses développements sur le sujet sont-ils eux-mêmes déterminés par son information ? Quels liens peut-on établir entre la forme que prend chez lui le discours sur l’islam et l’image générale que la Renaissance se fait de cette religion ? Répondre à ces questions suppose d’étudier la digression sur Mahomet incluse dans le Chelidonius Tigurinus. Un apparatus fontium en est ici proposé.
Emily E. Thompson, « Déstructurer et reformer un genre. Les Histoires des amans fortunez »
Malgré sa mauvaise réputation, l’édition de l’Heptaméron faite par Pierre Boaistuau révèle les goûts changeants des lecteurs de nouvelles dans la deuxième moitié du xvie siècle. Les manipulations éditoriales de Boaistuau anticipent les histoires tragiques qu’il va introduire moins d’un an plus tard avec beaucoup de succès. Rien qu’en changeant l’ordre des nouvelles il force une nouvelle lecture. En ajoutant une table des histoires, il affranchit de même la lecture de ceux qui suivent.
Jean-Claude Arnould, « Textes, mensonges et Bandello. La mystification comme instrument d’invention générique »
En écho à des pratiques observables dans ses autres œuvres, Boaistuau recourt, pour présenter ses Histoires tragiques, à un ensemble d’affirmations qui entretiennent la confusion dans l’esprit du lecteur, quand il ne s’agit pas de mensonges patents. Ce dispositif de mystification lui permet de dégager un espace d’invention pour cette forme nouvelle en la situant à mi-chemin entre la traduction et l’écriture, entre l’histoire et la fiction et en convertissant la novella en « histoire ».
Hervé-Thomas Campangne, « La rencontre des Histoires prodigieuses et des Histoires tragiques ? Interférences et divergences »
Les Histoires tragiques et les Histoires prodigieuses contiennent des récits « admirables », « véritables », « estranges » et « mémorables », dont les thématiques 461et les messages parénétiques sont proches. Chez les émules de Boaistuau et dans les canards de la fin du xvie et du début du xviie siècle, les deux genres se confondent. Cependant, les deux formes d’Histoires créées par Boaistuau procèdent de conceptions différentes du récit court, dont il faut retracer les enjeux et les modalités.
Bénédicte Boudou, « Problématiques religieuses dans les Histoires tragiques de Pierre Boaistuau »
Dans ses Histoires tragiques, Boaistuau se démarque clairement de Bandello qu’il prétend traduire et dont il fait une lecture augustinienne. Il souligne combien les événements obéissent tantôt à la fortune, tantôt à la Providence, dont les desseins sont insondables. Il réfléchit à la valeur de pratiques contestées, comme le pèlerinage, ou au sacrement de la confession, et n’est pas toujours très loin des positions réformées, si bien qu’on peut parler de son ambiguïté en matière religieuse.
Bérengère Basset, « Boaistuau et le genre de la declamatio (Le Théâtre du monde et le Bref Discours de l’excellence et dignité de l’homme) »
Cet article propose une étude comparée des deux textes de Boaistuau que sont Le Théâtre du monde et le Bref Discours ; il en envisage les contradictions en faisant le pari de lire ces deux textes comme un diptyque qui s’inscrirait dans le genre de la declamatio tel qu’en hérite la Renaissance et tel qu’elle le transforme. Cette perspective nous conduit à envisager ces textes selon une triple approche, rhétorique, théologique et philosophique.
Alice Vintenon, « “D’un stile trop tragique”. Le rôle du paradoxe dans le Théâtre du monde »
La critique a invoqué la veine du paradoxe pour expliquer la publication de deux discours antagonistes, Le Théâtre du monde et le Bref discours de l’excellence et dignité de l’homme. Or, au sein même du Théâtre du monde, des éléments dialogiques autorisent à lire le texte comme un blâme paradoxal, qui exhiberait sa part d’exagération pour montrer que la philosophie chrétienne, par le rôle qu’elle accorde au libre-arbitre et à la Providence, s’oppose aux visions trop pessimistes de la condition humaine.
462Daniel Ménager, « La rhétorique de la miseria hominis dans le Théâtre du monde de Pierre Boaistuau »
Le « mépris du monde » est un thème si ancien qu’un compilateur comme l’auteur du Théâtre du monde n’est jamais, avec lui, à court de citations. Or le thème du théâtre part dans un autre sens. Il invite sans aucun doute à considérer le monde sans aucune illusion, mais aussi à l’« anatomiser » et l’auteur cache mal sa curiosité à l’égard de phénomènes étranges qui n’illustrent pas du tout l’idée de la misère de l’homme. D’où une œuvre intéressante, mais travaillée par les contradictions.
Ullrich Langer, « Condamnation et éloge de l’amour dans le Théâtre du monde et le Bref Discours de Boaistuau »
L’amour occupe une place de choix dans Le Théâtre du monde et le Bref Discours. Il remplace le péché de luxure ; c’est la version pétrarquéenne de l’amour, la passion exclusive pour une seule personne, qui l’emporte et qui pose des problèmes pour l’humanisme civil. La singularité du lien amoureux met en cause la ressemblance naturelle entre les hommes qui fonde le lien social : d’où sa condamnation et sa pathologisation chez Boaistuau et certains parmi les auteurs dont il se sert dans ses compilations.
Frank Lestringant, « Sur les Histoires prodigieuses de Pierre Boaistuau »
Les Histoires prodigieuses de Pierre Boaistuau puisent à des sources traditionnelles comme Pline l’Ancien, et prétendent allier goût du sensationnel et visée morale. Elles sont placées tour à tour sous le signe de Dieu et du diable, celui-ci s’ingéniant à parodier celui-là. Le propos se veut plus scientifique que moral, à condition toutefois que l’explication naturelle n’exclue pas l’explication surnaturelle, et ne détourne pas du respect envers le Créateur.
Marianne Closson, « Pouvoirs de Satan dans l’œuvre de Boaistuau »
Les continuateurs des Histoires prodigieuses font de Satan le maître des prodiges. En revanche, en dépit des illustrations de l’ouvrage, Boaistuau adopte une conception orthodoxe des pouvoirs du démon : il ne saurait modifier l’ordre naturel du monde sans autorisation divine. Aussi Satan est-il avant tout celui qui, en suscitant schismes et hérésies, menace le chrétien. Les Histoires 463prodigieuses sont au service d’un discours apologétique qui ne contredit pas les dogmes de l’Église catholique.
Véronique Duché, « “Fueilleter, et quasi espuiser [les] auteurs grecz et latins”. L’art de la compilation selon Boaistuau »
Publié en 1558, Le Théâtre du Monde de Pierre Boaistuau, vaste encyclopédie de la miseria hominis, connut un vif succès européen. Cet article s’attache tout particulièrement au principe d’organisation géométrique à l’œuvre dans le traité du Nantais, pour montrer comment les figures de la ligne et du cercle permettent au compilateur de transmettre sa vision d’un monde envahi par la violence et le monstrueux.
Bruno Méniel, « L’Histoire des persécutions de Pierre Boaistuau et le genre de l’histoire ecclésiastique »
Comme le montre l’étude de son dispositif, l’Histoire des persécutions participe de l’esprit que le Concile de Trente a insufflé aux artistes et aux écrivains d’obédience catholique : appuyée sur la Cité de Dieu d’Augustin, elle tend à manifester que Dieu n’abandonne pas ses fidèles et qu’obligeant ceux-ci à préciser leur doctrine, le combat contre l’hérésie a une fonction sotériologique. Boaistuau dévoile ainsi l’ingéniosité de Dieu, qui se sert des menées du diable pour fortifier l’Église.
Valerio Cordiner, « “Les couronnes des roys tombent par terre”. L’Église contre les tyrans dans l’Histoire des persécutions de Boaistuau »
Cette étude porte sur l’Histoire des persecutions de l’Eglise chrestienne et catholique et en particulier sur la lutte acharnée qui oppose l’Église primitive aux empereurs romains. Les analogies existant entre le texte de Boaistuau et les traités monarchomaques publiés à la fin du siècle, surtout par des auteurs catholiques, y sont établis et mis en valeur, notamment pour ce qui est du primat accordé au domaine spirituel sur le temporel.
464Nathalie Grande, « Formes et usages de la brièveté chez Boaistuau. Un auteur “grand public” avant l’heure ? »
À rebours d’une certaine tradition rhétorique, Boaistuau n’a pas hésité à faire court par différents moyens (concentration, abrègement, accélération, usage de l’allusion etc.). En frappant l’imagination du lecteur par une dramatisation pathétique, le Nantais visait ainsi à produire un effet sur le public, gage d’une extension du lectorat. La forme brève en recueil ne cherche-t-elle pas aussi par sa modularité à répondre aux attentes et aux usages d’un public élargi ?
Nora Viet, « “Aux vers tragiques faire honte”. L’illustration du récit bref sous la plume de Pierre Boaistuau »
Lorsque Pierre Boaistuau publie coup sur coup les Histoires des amans fortunez (1558), les Histoires tragiques (1559) et les Histoires prodigieuses (1560), il œuvre à l’illustration d’un genre, ou « hypergenre », resté à l’écart du renouveau poétique qui anime la scène littéraire française : le récit bref. L’étude montre comment le péritexte des trois recueils reflète l’ambition de Boaistuau d’inscrire le récit bref français au temple des Muses et par quelles stratégies discursives il y parvient.
Witold Konstanty Pietrzak, « L’exemple dans les Histoires tragiques de Boaistuau face à la tradition du discours exemplaire »
Dans la majorité de ses œuvres, Boaistuau profite de la force de l’exemple, révélateur de ses préoccupations morales. Le cas des Histoires tragiques fait exception à cette règle. Le but de mon article est de montrer que l’auteur y abandonne les critères coercitifs du discours exemplaire pour créer une prose narrative souple, riche en nuances psychologiques, agréable à lire et invitant le lecteur à chercher les significations implicites de ses récits.
Concetta Cavallini, « Pierre Boaistuau et Poggio Bracciolini. Écriture et canon italien »
Le canon italien de Pierre Boaistuau va bien au-delà de l’ascendance directe entre les Histoires tragiques et les Novelle de Bandello. Les préceptes suivis par Bandello (brièveté, choix lexicaux, effets rhétoriques de pointe, de suspens, de 465rappels intérieurs, etc.) s’insèrent dans une tradition en langue vulgaire bien affirmée en Italie, qu’on peut faire remonter aux Facéties du Pogge. Une enquête approfondie sur les sources italiennes des Histoires tragiques serait nécessaire.
Bruno Méniel, « Postface. Boaistuau écrivain maniériste ? »
Adepte de la citation et de la compilation, Boaistuau propose une création de second niveau : il n’innove pas au plan de la matière mais à celui de la manière, de la constitution de recueils et de l’invention de titres. Son art s’apparente à un collectionnisme, qui rassemble des mirabilia pour inviter à l’émerveillement et à la méditation sur la puissance divine, sans dissimuler la misère de l’homme. Son œuvre, comme celle des peintres maniéristes, relève d’un art de cour.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-10924-2
- EAN : 9782406109242
- ISSN : 2114-1096
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10924-2.p.0459
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 05/04/2021
- Langue : Français