Les vers figurés (xvie-xviie siècle) et les limites de la poésie
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Lettres à l’œuvre. Pratiques lettristes dans la poésie en français (de l’extrême contemporain au Moyen Âge)
- Author: Peureux (Guillaume)
- Pages: 219 to 230
- Collection: Encounters, n° 587
- Series: Convergences in literature, n° 7
LES VERS FIGURÉS (XVI e -XVII e SIÈCLE)
ET LES LIMITES DE LA POÉSIE
Les poèmes que l’on désigne comme des « vers figurés », des « calligrammes » sous la plume d’Apollinaire, semblent rares dans la vaste production poétique en français de la seconde moitié du xvie siècle et du premier xviie siècle. Il faut dire qu’ils ont mauvaise presse. Il n’est que de se souvenir de ces quelques mots de Montaigne qui fustige
ces subtilitez frivoles et vaines, par le moyen desquelles les hommes cherchent quelquesfois de la recommandation : comme les poëtes qui font des ouvrages entiers de vers […] en manière qu’ils viennent à représenter telle ou telle figure1.
La méfiance de Montaigne résonne avec celle de Tabourot qui, dans les Bigarrures (1572), mentionne
la gentille invention de Theocrite Poete Grec, qui a faict & fabriqué des vers si ingenieusement, que par la figure ils representent un Arc, une aelle, & autres figures comme aussi il me souviēt d’avoir leu l’œuf, d’un poete Grec estant jeune escholier à Paris 1564. j’ay faict la Couppe Poetique, la marmite & autres2.
Tabourot fait référence à une pratique scolaire répandue, si l’on se rapporte aux articles employés (« la » coupe, « la » marmite) ou à la locution finale (« et autres »). L’appartenance de ces jeux de lettres au répertoire des exercices scolaires, où peuvent régner le brio et la frivolité dans ce qui ne serait qu’un exercice, contribua peut-être à disqualifier les vers figurés aux yeux de certains.
Il faudrait pourtant pouvoir faire l’état des lieux exhaustif de la production (imprimée et manuscrite) et des discours sur la production 220de toutes les formes d’écriture jouant de leur visualité pour en saisir précisément les usages et les enjeux à cette époque. En incluant dans cette enquête les jeux avec la matière sonore – anagrammes, rimes léonines, rimes équivoques, etc. – c’est-à-dire des marques stylistiques de surdétermination et de multiplication du sens d’un énoncé, rejetées, par Du Bellay ou Deimier par exemple, comme relevant de pratiques pré-marotiques, on pourrait esquisser une poétique et une stylistique historiques des pratiques lettristes entre, disons, 1550 (après la traduction française de l’Hypnerotomachia Poliphili par Jean Martin en 1546, qui fut un sommet d’accomplissement typographique3) et le milieu du xviie siècle (avant la mode de la poésie galante qui fit sa signature des jeux avec la matérialité du discours poétique et mais aussi des jongleries avec les contraintes d’écriture4), soit ce qui semble être une période creuse de l’histoire de ce type de dispositifs scripturaux.
J’ai pu identifier trois exemples, tous imprimés, de vers figurés. Les auteurs concernés ne sont pas des inconnus mais sont toutefois restés des perdants des palmarès de notre histoire littéraire. Il s’agit de Jean ou Jean-Aimé de Chevigny (1533 ?-1604 ?), de Jean Grisel (1567-1622) et de Robert Angot de l’Éperonnière (1581-1646). On verra, d’une part, que le recours qu’ils font aux vers figurés répond toujours à un projet d’hommage aux destinataires des poèmes, et que, d’autre part, cette forme d’écriture révèle sans doute leur positionnement marginal dans le champ de l’écriture poétique du temps.
221Jean(-Aimé) de Chevigny/Chavigny
En 1579, parmi les poèmes de dédicace adressés à Claude de Pontoux (1530-1579) dans ses Œuvres5, se trouve un « Tombeau pyramidal de Claude de Pontoux, par Jean de Chevigny Beaunois » :
Je
veux
Neveux,
à mon doux
de pontoux
dresser vrayment
un monument :
que le temps vieillard,
l’eau, le feupillard
ne pourront mettre bas,
affranchi du trespas :
plus beau, superbe & hautain
Que n’est l’orgueil Memphitain :
detriplecouronnel’ornant :
l’unedesesayeulsprenant :
l’autre Galen, & le Prince Hippocras
digneloyer,luybaillerentils pas ?
delatiercePhebusApollonl’honora
quand d’unrarepinceausonIdee il dora.
Visamebien heureuse entre les bien heureux
esprits, qui sont làhautenrepos plantureux :
&amy, prenàgrécetriste&pieteux son,
que triste j ete vouë àl’antique façon.
Jean ou Jean-Aimé (à partir de 1581) de Chevigny puis de Chavigny, médecin, fut secrétaire de Michel de Nostredame et exégète de ses écrits, et connu pour avoir suivi les cours de Jean Dorat6. C’était un érudit, 222traducteur du latin et astrologue. Sa production versifiée se résume à des textes de dédicaces. Il finit sa vie à Lyon, où travaillait Benoît Rigaud, l’imprimeur du livre de Pontoux (lui aussi traducteur). Tous deux sont bourguignons. Apparemment7, la pyramide de Chevigny est le seul poème qu’il ait composé de la sorte. Elle surmonte la devise grecque de Pontoux et signifie la douce tranquillité. Le recours aux vers figurés participe de l’hommage rendu à Claude de Pontoux : la pyramide est un symbole d’éternité. Elle est aussi par sa forme la garante de la réputation éternelle du destinataire – « un monument : / que le temps vieillard, / l’eau, le feu pillard / ne pourront metre bas ».
Les vers s’y échelonnent de deux à douze syllabes et sont tous masculins. Le poème se décline en distiques isométriques dont la longueur est croissante. Sa mise en forme graphique a imposé à son auteur de renoncer à la régularité métrique : si les mètres et les structures strophiques sont reconnaissables, le texte tel qu’il est composé est irrégulier (puisque non périodique). Les exigences de la forme visuelle l’emportent sur celles de la régularité métrique : d’un point de vue poéticien, nous avons à faire à une composition qui relève d’un italianisme avant la lettre8, très longtemps avant les vers libres de la période galante, et qui, pour le moment où cela paraît, est une anomalie formelle exigée par le projet graphique du poète. On peut penser que ce type de vers était difficile à lire, que leur périodicité contrariée et le mélange des mètres constituaient des ensembles métriques inhabituels et troublants pour les lecteurs, difficilement perceptibles comme poésie. Le programme graphique s’impose au programme poétique.
223Jean Grisel
Grisel dédie au roi en 1599 ses Premieres Œuvres poetiques9. Il y affirme que le roi a bien accueilli ses vers lorsqu’il a séjourné à Rouen et qu’il a donc voulu « mettre par ordre quelques autres » de ses textes qui représentent, dit-il au roi, « vostre vigilance & diligence, surpassant la creance humaine, & en vos victoires vostre bonté & clemence infinie10. » Le programme poétique et épidictique semble clair : il s’agit de faire de la poésie le miroir des grandeurs royales. Grisel cherche à se faire (re)connaître comme auteur, passant de la performance orale à une publication imprimée. Il promet même une suite dans l’avertissement « Au lecteur », à la dernière page du recueil : « Cet eschantillon ne sera que pour prendre langue de l’opinion que tu auras de moy ». Il déploie donc dans le recueil des efforts considérables pour mettre en relief chacune de ses trouvaille – il élabore notamment un « Acrostiche figuré » avec le nom du roi (« henridebourbonprincedefrance ») où des lettres majuscules forment une fleur de lys (« Des Bourbons la vaillance / Maintient ma fleur en France »). Grisel choisit la prouesse, la complexité (jusqu’à une forme d’obscurité). Il ne fait guère de doute qu’il a conçu son recueil comme le répertoire de ses compétences et de sa virtuosité, alors que se met progressivement en place en France une nouvelle poétique dominante fondée sur un idéal de simplicité formelle et linguistique. Ce champion des Palinods de Rouen s’affranchit, peut-être parce qu’il ne les maîtrise pas, des codes de la poésie du temps, à moins que l’hommage rendu réside précisément dans cet affranchissement. Il n’est donc pas surprenant d’y trouver également une série de vers figurés qui relèvent en partie de ce brio qui caractérise le recueil. On trouve en effet une hache (p. 29), des ailes d’amour (p. 96) et des œufs de Pâques (p. 120-121), qui scandent le recueil. Grisel élabore ainsi une mise en forme exceptionnelle qui le qualifie autant qu’elle rend hommage. On lit ainsi, un peu difficilement, dans l’un des deux œufs :
224François
Doux-courtois
Et du monde
Race plus ronde,
Fidelle nation,
Par une immitation
Ces œufs sont vos œufs de Pasques :
Ils ne sont pas de ces oiseaux
Qui pour un font cent coquedaques :
Pourtant vous les trouverrez beaux,
Si vous aimez la douce gentillesse
Et d’Ipocrene, & du flot de Permesse.
En ces lieux je les ay trouvez,
Contentez-vous donc de ma peine,
Et qu’ils soyent par vous approuvez.
Qui pres ceste fontaine,
Et beau fleuve n’ira
De tels n’en aura
Car personne
n’en donne.
Il faut souligner aussi que par ce choix de vers figurés, Grisel se place à la suite d’une lignée savante qui mène de Théocrite à Henri Estienne. Dans les Poetae graeci principes heroici carminis et alii nonnulli de 1566, ce dernier avait introduit une nouvelle police grecque, la numérotation des vers de 5 en 5 et, parmi les poètes grecs qu’il présentait, se trouvait Théocrite dont il reprenait les vers figurés : des ailes, une hache, une tour, un œuf. Grisel reprend les motifs des ailes, de l’œuf et de la hache, soit trois des quatre motifs figurés de Théocrite/Estienne.
On peut identifier plusieurs opérations dans le processus de publication et dans le choix des vers figurés : se faire connaître et reconnaître, pour le poète et pour l’imprimeur, tous deux investissant de l’argent et du temps pour une prouesse qui les qualifie, en matière de maîtrise technique et en matière de savoir, de réactivation d’un savoir noble (qui semble alors dégagé de toute allusion aux pratiques scolaires). L’hommage de Grisel à Henri IV repose précisément sur cette exhibition de divers talents mis au service de la figure royale et par laquelle celle-ci se devait d’être, pour ainsi dire, à la hauteur du défi herméneutique posé par la multiplication des jeux lettristes. 225Mais il n’est pas impossible que Grisel ait fait fausse route : une telle érudition ainsi mise en avant pouvait sembler un peu vaine au lectorat du temps, a fortiori avec la lisibilité altérée de ce genre de textes. Car ce qu’ils gagnent en visibilité se perd en matière de poéticité : comme chez Chevigny, ce qui est dessiné importe au moins autant que les lettres qui élaborent la forme de la figure. On parle d’ailleurs de vers figurés et non de poèmes figurés.
Angot de l’Éperonnière
Enfin Le Chef-d’œuvre poétique, ou Première partie du concert des muses françoises de l’avocat Robert Angot de l’Éperonnière parut à Caen en 163411. Il semble que ce soit la seule collaboration attestée des deux imprimeurs12. Ce recueil contient lui aussi cinq différents motifs figurés en vers. Angot a 53 ans au moment de cette parution, il a déjà fait publier notamment des satires (mais Les Exercices de ce temps semblent n’avoir été attribués avec certitude à Angot que par Frédéric Lachèvre13) et semble s’être cantonné à une production de circonstance et dans des tirages limités – ce qui est le cas du Chef d’œuvre qui fut vraisemblablement coûteux. Ce recueil est dédié « à Messieurs de la Cour du Parlement de Normandie ». Il s’agit pour l’avocat caennais de les remercier pour des causes qu’ils ont gagnées en sa faveur.
Le recueil contient cinq sonnets, deux poèmes en distiques d’alexandrins et un dernier texte, composé de quatrains ; y apparaissent des figures locales telles que le gouverneur du bailliage de Caen, du Cotentin et d’Alençon ou bien des nobles de la région comme le comte de Thorigny 226et le baron de Renty. Les vers figurés représentent un luth (n. p.), une croix (p. 10), trois feuilles de laurier (p. 12), deux œufs de Pâques (p. 16) et deux bouteilles (p. 20). Ces compositions sont toutes accompagnées d’un quatrain en latin. Non seulement l’élément figuratif s’impose au texte qu’il contient ou qui le compose, mais le poème figuré lui-même disparaît plus ou moins au bénéfice du commentaire latin et semble de ce fait perdre au moins provisoirement son statut textuel : la perception visuelle prend le pas sur la perception acoustique des textes disposés sur la page.
Le dispositif mis en place par Angot vise à signifier sa gratitude : il honore ses destinataires par l’effort qu’il a fait ou la richesse ou la complexité du dispositif créé, en proposant en premier lieu un objet textuel magnifiquement présenté, hors de la mise en page traditionnelle. On peut penser aussi que les vers figurés en français, le quatrain de commentaire en latin et la représentation graphique sur une seule page invitent à toutes formes de lectures, à tous ordres de lecture, et à tous les choix ou sélections de lecture. Les vers figurés confirment cette tendance à rendre la lecture difficile, en raison de la disposition du texte et de ce que la mise en forme graphique impose à ce dernier – à quoi l’on pourrait ajouter le fait que les usages dominants de la versification ne sont pas respectés, ce qui trouble également la lecture des passages versifiés. D’une certaine façon, la complexité du dispositif qualifie et le poète et ses destinataires : l’embarras que nous ressentons (et qu’ont dû ressentir les Normands auxquels s’adressait Angot) est un appel à hausser notre niveau de lecture, à nous montrer à la hauteur de ce qu’a élaboré l’auteur14.
Mais il est aussi à craindre que le trouble soit plus grand que l’expression de la gratitude. Prenons les exemples du luth et des bouteilles (fig. 1 et 2). Le luth ne contient pas moins de cinq textes : celui contenu dans la colonne à gauche, les deux poèmes (quatrains d’alexandrins puis d’octosyllabes (avec des organisations en abababab et ababccdd qui sont plutôt inhabituelles) séparés par un médaillon qui contient lui-même une inscription, et enfin l’entour du luth lui-même. Les deux bouteilles se caractérisent quant à elles par une polymétrie non périodique (selon une pratique inhabituelle pour 227l’époque, a fortiori en contexte non italianisant) qui semble contrainte par la forme à donner aux textes. Ainsi, plus encore peut-être que chez les prédécesseurs d’Angot, le poème principal est pour ainsi dire noyé dans un ensemble d’énoncés, sans doute mis en concurrence, ce qui suggère que l’ordre de lecture de la page était aussi déroutant, puisqu’indéterminé, qu’il était secondaire au regard de la perception des objets représentés.
Fig. 1 – Robert Angot de l’Éperonnière, Le Chef-d’œuvre poétique,
ou Première partie du concert des muses françoises, Caen, 1634, Luth.
© Guillaume Peureux.
Fig. 2 – Robert Angot de l’Éperonnière, Le Chef-d’œuvre poétique, ou Première partie du concert des muses françoises, Caen, 1634, Bouteilles. © Guillaume Peureux.
229Or, des ouvrages comme ceux composés par des professeurs, tel Nicolas Mercier (15..-1657), qui enseignait au Collège de Navarre, ou Bernard Colon (? ?-1709)15, qui enseignait les humanités au Collège de la Marche, nous révèlent l’origine et les causes de l’homogénéité ou du peu de variété des compositions proposées par nos trois poètes. Dans le De conscribendo epigrammate, Opus curiosu fin duas partes divisum. Quarum prior continet artificium et praecepta in epigrammatum compositione usurpanda, posterior vero delectum venustissimorum et acutissimorum quorumque epigrammatum16 du premier et dans le Traité des vers latins […] avec toutes les gentillesses qui s’y peuvent pratiquer avec une methode nette, facile, & accommodée à l’usage de l’Escole17 du second, on trouve des recensements ou inventaires des modèles de vers figurés existant dans la poésie latine. Ils correspondent à ceux proposés par nos auteurs, qui semblent s’appuyer tous deux sur les compétences d’un imprimeur particulièrement doué, Claude Thibout : Mercier présente un œuf, un obélisque et une coupe ; Colon présente un œuf, une coupe, une hache, un orgue, un obélisque et une croix. Ainsi, en dépit des efforts manifestes de Chevigny, Grisel, Angot et de leurs imprimeurs, leurs productions appartiennent à un répertoire identifié, celui d’une poésie antique relayée par les exercices des manuels de rhétorique et de poésie. Seuls, le luth et les feuilles qui se trouvent dans l’ouvrage d’Angot semblent être de véritables innovations. Si les prouesses conjuguées des imprimeurs et des auteurs sont indéniables, ce choix de mise en forme pourrait pourtant avoir été une faute de jugement, un recours maladroit à des procédés qui évoquaient inexorablement des exercices scolaires ou pédants.
Les poètes dont il a été question sont pour ainsi dire des perdants de l’histoire littéraire. Leur marginalité n’est pas seulement le produit de notre historiographie : Chevigny, Grisel et Angot sont des provinciaux ; on ne les connaît guère comme poètes et seul Angot a sans doute fait une petite carrière d’auteur, mais il n’est par exemple pas du tout inséré dans les réseaux de publications collectives qui ont notamment pour vocation de rendre compte de l’actualité poétique du temps. On peut 230faire l’hypothèse que leurs choix formels sont ceux d’auteurs qui, pour ainsi dire, en ont fait trop – que ce soit la cause ou la conséquence de leur statut marginal de poètes.
Il semble s’agir de briller par l’appropriation d’un motif bien connu, celui des technopaegnia. Le brio de l’entreprise honore celui à qui elle est destinée et sans doute les auteurs espèrent-ils que la dimension graphique de leurs vers figurés garantira la mémoire de leur nom, assure pour le lecteur la mémorisation de l’auteur lui-même, celle de l’hommage lui-même et celle de celui à qui ils sont destinés18. Mais ces dispositifs ont deux défauts majeurs. D’une part, l’excès de mise en forme est scolaire et pédant, ces vers figurés sont la rémanence évidente dans le livre d’une pratique scolaire qui réactive des modèles antiques ; et, d’autre part, un tel procédé fragilise la croyance ou la confiance en l’écrit poétique, ce qui n’était sans doute alors pas du goût de tout le monde. Ces dispositifs proposent un contexte sémiotique complexe qui fait encourir à la page et aux vers le risque de l’opacité et de la dilution du sens. Il n’est pas tout à fait invraisemblable que le large processus dont la réforme malherbienne serait l’emblème – simplification, clarté, etc. – n’ait pu s’accorder avec la complexité des vers figurés, les contraintes qu’ils imposaient au discours, la mise en jeu du sens. Rappelons enfin que les vers figurés posent un certain nombre de difficulté en matière de métrique : non périodiques, ils ne peuvent qu’être vus et beaucoup plus difficilement entendus : d’une part, parce que, c’est évident, on perd la mise en forme graphique si on ne voit pas la page ; mais, surtout, d’autre part, parce qu’ils ne peuvent que très difficilement être perçus comme poèmes (après tout, les effets sonores des rimes se rencontrent aussi dans la prose). Avec ces vers figurés, on se trouve en fait à la limite, franchie, entre poésie et autre chose qui n’en est plus au moment qui nous concerne.
Guillaume Peureux
Université Paris Nanterre
1 Essais, I, 54, éd. P. Villey, Paris, PUF, « Quadrige », p. 311.
2 Chapitre xx, « Des autres sortes de vers folastrement & ingenieusement praticquez » (Paris, J. Richer, 1583, f. 183v-184r).
3 Voir Tran, Trung, « L’art typographique au xvie siècle, entre esthétique du livre et poétique des textes : le cas du Songe de Poliphile (1546) », Calligraphie/Typographie, dir. J. Dürrenmatt, Paris, L’Improviste, 2009, p 35-51.
4 Le mémoire Apollon Tisserand : la poésie figurée en France à l’époque moderne de Sylvain Bazin, Pierre Gandil, Thierry Guslevic et Jérôme Villemin (ENSSIB, 2003), propose un premier état des lieux.
5 Œuvres de Claude de Pontoux, Lyon, Benoît Rigaud, 1579.
6 Pour les questions portant sur l’identité de ce personnage, voir Chevignard, Bernard : « L’énigme Chevigny/Chavigny : les pièces du dossier », BHR, t. 67, no 2, 2005, p. 353-371 et surtout : « Jean-Aimé de Chavigny : esquisse bio-bibliographique », Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, t. 135, 1995-1996, p. 171-200. Voir aussi ce qu’en dit Jean Dupèbe dans Nostradamus : Lettres inédites, Genève, Droz, 1983, p. 21-24.
7 http://cura.free.fr/dico4ti/2003chavigny.html, consulté le 22/06/2023.
8 Voir par exemple la Sylvanire (1627) d’Honoré d’Urfé.
9 Les Premieres Œuvres poetiques de Jehan Grisel rouennois, dédiées au très chrestien roy de France et de Navarre Henry IV , Rouen, R. du Petit Val.
10 Ibid., ã ij.
11 Chez J. Brenouzet et J. Le Boulanger. Ce volume fait notamment suite au Prélude poétique, Paris, G. Robinot, 1603. Les deuxième et troisième parties du volume, le Bouquet de fleurs d’épines tirez du jardin de Parnasse et Roberti Angotiu Cadomensis, deo votum, in futuram justissimae litis victoriam epigramma,ne contiennent pas de vers figurés.
12 Les deux imprimeurs se sont-ils associés pour répondre aux demandes d’Angot ? Ou bien chacun a-t-il composé une partie du livre ? Cette deuxième hypothèse pourrait être soutenue par le fait que les deux premières parties de ce recueil in-4 (paginées 1-20 avec collation A1-E4, 1-8 sans indication de collation) et la troisième (paginée 1-8 avec collation A1-B4) ne sont pas composées dans la même casse.
13 Les Exercices de ce temps, éd. Fr. Lachèvre, Paris, STFM, 1924.
14 Sur cette question, voir Higgins, Dick, Pattern Poetry. Guide to an unknown Literature, State of New-York University Press, 1987.
15 Voir Noguès, Boris, « Répertoire des professeurs et principaux de la faculté des arts de Paris aux xviie et xviiie siècles », novembre 2008 [en ligne] http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/?q=pfap-record/4747, consulté le 22/06/2023.
16 Paris, J. de La Caille et Cl. Thibout, 1653.
17 Paris, Cl. Thibout, 1664.
18 Voir Tran, art. cité, p. 50.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-14954-5
- EAN: 9782406149545
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14954-5.p.0219
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 08-23-2023
- Language: French
- Keyword: Calligramme, prouesse, érudition, dédicace, hommage, limites de la poésie