Les artilleurs au service de la Monarchie hispanique Profils, carrières et circulation
- Auteur lauréat du Prix Turriano 2017 de l’International Committee for the History of Technology et du Prix d’histoire militaire 2017 du ministère des Armées
- Publication type: Book chapter
- Book: Les Artilleurs et la Monarchie hispanique (1560-1610). Guerre, savoirs techniques, État
- Pages: 197 to 285
- Collection: History of Technology, n° 21
Les artilleurs au service
de la Monarchie hispanique
Profils, carrières et circulation
Las partes, Señor, que a formar un perfecto artillero se requieren, algunas de ellas consisten en la interior virtud del hombre, y dotes de la natura, y otras en las aparencias de defuera. Las que de virtud natural proceden son estas que por quanto el arte del artillería es artificiosa y de grande ingenio, conviene que él que la ha de usar sea hombre agudo y de juizio delicado, para saber prevenir a qualesquiera inconvenientes que se offresceran en aquel officio […] conviene que los artilleros sean hombres animosos, intrépidos, acostumbrados a estimar en poco qualesquiera peligros […] conviene que el artillero sea hombre sobrio y templado en el comer y beber y en el dormir y en las más cosas tocantes al vicio humano […] y que por quanto el arte del artillería en sí es trabajosa y de gran fatiga, conviene que a las plazas de artilleros serán admitidos hombres sanos y robustos y de cuerpo bien formados […] y por quanto el arte en sí es de muchas otras artes menesterosa, conviene que hombres de muchas artes y oficios se hallen a exercitarla como son herreros, canteros, carpinteros, carreteros, arcabuzeros, albañiles, marineros, polvoristas y refinadores de salitre […] y no conviene que haya artilleros estranjeros en ninguna manera1.
Luis Collado, ingénieur du roi en Lombardie, 1592.
198Introduction
Dans ce long paragraphe issu de l’un des plus célèbres traités d’artillerie du xvie siècle, l’ingénieur militaire Luis Collado entreprit de dépeindre le parfait artilleur sous les traits d’un homme à l’esprit vif et intelligent, courageux, sans vices, robuste, espagnol et disposant d’une expérience d’artisan, de marin ou de soldat. La question des exigences à avoir quant aux qualités des artilleurs revêtait, pour les agents du roi, une importance grandissante à cette époque où se construisaient des structures de contrôle de l’artillerie. Le choix des individus au service de l’artillerie intégrait des enjeux essentiels tels que la fiabilité, la loyauté, l’efficacité d’usage du matériel. Cependant, à ces contraintes qualitatives s’opposait l’énorme pression quantitative mise en évidence dans le premier chapitre. Par conséquent, les artilleurs qui servirent la Monarchie hispanique constituèrent une sorte de compromis quelque part à l’intersection de ces deux forces contraires. C’est précisément ce compromis que je propose de saisir dans ce chapitre. Qui furent, dans les faits, les artilleurs au service des Habsbourg ? Quels étaient leurs profils, quelles furent leurs trajectoires professionnelles ? Ce troisième chapitre propose donc d’offrir une analyse sociologique des artilleurs afin de compléter les deux chapitres précédents en donnant à l’artillerie un visage humain.
Cette sociologie des artilleurs au service de la Monarchie hispanique se justifie par l’absence totale de publications à ce sujet. Comme cela a déjà été dit en introduction des chapitres précédents, les seules études publiées au sujet des artilleurs portent sur le tournant des xve et xvie siècles2. Plus généralement, il faut remarquer que peu d’historiens 199se sont intéressés aux profils des soldats engagés par la Monarchie hispanique. Parmi les rares exceptions se trouve l’étude de Thompson portant sur un échantillon de 3 500 soldats recrutés en Espagne pour l’armée de Flandre3. Or, comme l’auteur le remarque, la plupart des publications analysant des profils de soldats restent circonscrites à des espaces et des époques très limitées4. Pourtant, les sources pour étudier en détail les individus au service de l’appareil militaire des Habsbourg ne manquent pas.
L’analyse sociologique des artilleurs est en effet rendue possible, entre autres choses, par une pratique administrative fort répandue parmi les comptables militaires de la Monarchie hispanique : la rédaction codifiée de listes de personnel. Il en va ainsi, par exemple, d’un document comptable réalisé en 1602 pour le galion capitaine de l’armada del mar Océano de Lisbonne5. En présence du veedor (inspecteur) de l’armada, l’auteur de ce document établit la liste des hommes d’équipage du galion présents au début de l’année 1602. Cette liste était ensuite utilisée lors de montres régulières (tous les trente à cinquante jours dans le cas présent), à l’occasion desquelles les hommes devaient se présenter devant le veedor et le comptable afin de montrer qu’ils continuaient leur service. Dans ce document, les individus présents recevaient une lettre correspondant à la date de la montre (« A » pour la première, « B » pour la seconde, etc.) et il était possible de cette manière de vérifier qui s’absentait ou abandonnait le service. La liste était régulièrement mise à jour, on notait les nouvelles recrues avec leur date d’engagement ainsi que les éventuels transferts des 200anciennes recrues à d’autres navires. Enfin, au moment du paiement des salaires (ici en août 1602), le montant des gages dus à chacun était calculé en fonction du temps de service en tenant compte de la date d’engagement et de la présence aux montres. Ceux de la liste qui recevaient leur salaire étaient notés de la lettre « P » pour pagado (« payé ») tandis que les absents pouvaient réclamer leur salaire plus tard, la liste d’équipage conservant trace du fait qu’ils n’avaient pas encore touché leur solde.
Pour éviter les fraudes et, en particulier, la présentation aux montres de faux soldats et marins, ces listes déployaient tout un arsenal d’identification6. Chaque individu y faisait l’objet d’une description sous une forme quasi-standardisée. La liste faisait apparaître le nom de la personne, sa fonction au service du roi, le nom de son père, parfois le nom de sa mère. La plupart du temps, ces listes faisaient également figurer le lieu de naissance de la personne en utilisant l’expression natural de ou bien parfois (très rarement) le lieu de résidence, introduit par l’expression vezino de. Dans son analyse, Thompson met en garde contre la fiabilité de ces informations, la naturalidad étant confondue dans certains documents avec la vezindad, c’est-à-dire le lieu de résidence officiel7. Toutefois, dans tous les cas, le lieu indiqué dans ces listes était un lieu d’attache important de l’individu concerné. En acceptant une certaine marge d’erreur, il est par conséquent possible de connaître de manière sérielle ce paramètre, autrement inaccessible, qu’était l’origine géographique des artilleurs. En outre, dans la grande majorité des cas la description de l’individu incluait aussi son âge, bien que cette information ne fût sans doute pas très précise. Ainsi, comme dans le cas des soldats analysés par Thompson, les artilleurs répertoriés dans mon étude avaient trois fois plus de chances de donner au scribe un âge pair plutôt qu’un âge impair8. De même, les dizaines (30, 40, 50 ans) tendaient à concentrer des effectifs au détriment des âges voisins9. 201Non seulement un certain nombre d’individus ne connaissaient probablement pas précisément leur âge mais encore la plupart de ceux âgés de 29 ou 31 ans choisissaient de toute façon de donner la valeur approximative de 30 ans. Du point de vue des officiers comptables, ces approximations à un ou deux ans près revêtaient sans doute peu d’importance : l’âge était un indicateur physique parmi d’autres, permettant de reconnaître et d’identifier l’artilleur lors des montres et du paiement des salaires.
La description physique de l’individu incluait un ensemble d’éléments distinctifs permettant son identification sans trop d’équivoque. Dans 95 % des cas, le comptable notait la stature de l’homme au moyen des expressions bajo/pequeño/mediano/buen/alto de cuerpo. Bien entendu, la mesure était subjective et dépendait en partie de l’observateur ainsi que des normes physiques locales. Or, si l’adjectif mediano correspondait à une sorte de taille moyenne des Ibériques de l’époque, force est de constater que les artilleurs engagés par la Monarchie avaient un physique hors norme. Deux artilleurs sur trois étaient en effet décrits par les adjectifs alto ou de buen cuerpo renvoyant à des tailles supérieures à la moyenne. De ce point de vue, le portrait réel de l’artilleur coïncidait avec la description idéale de Collado préconisant des individus robustes capables de faire manœuvrer des pièces souvent très lourdes10.
Stature |
Alto de cuerpo |
De buen cuerpo |
Mediano de cuerpo |
Pequeño/bajo de cuerpo |
Gordo/abultado |
Pourcentage d’occurrences |
16,8 % |
48,6 % |
26,1 % |
8,5 % |
0,6 % |
Fig. 19 – Stature des artilleurs d’après un échantillon de 919 individus. Réalisation à partir de la base de données de l’auteur.
À la stature de l’homme venait s’ajouter un ensemble de détails physiques et particularités annotés selon leur caractère distinctif et reconnaissable. Ainsi par exemple, on notait l’emplacement des grains de beauté sur le visage. La couleur des yeux n’apparaissait que lorsque ceux-ci étaient bleus, signe que ces descriptions visaient 202véritablement à saisir les caractéristiques particulières d’un individu par rapport à une norme physique locale (en l’occurrence ibérique). Selon cette même logique, la couleur de peau apparaissait lorsqu’elle revêtait un caractère exceptionnel. Sur près de 1 000 descriptions, la couleur blanco ou moreno du visage – c’est-à-dire particulièrement blanc ou brun – fut notée dans une centaine de cas seulement, auxquels il faut rajouter trois hommes couleur mulato (mulâtre) et un artilleur – libre, précise la description – « de couleur noire ». Notée dans la moitié des descriptions, la couleur des cheveux et de la barbe présentait incontestablement un caractère plus disparate, avec une majorité de cheveux bruns (45 %) voir noirs (22 %) mais aussi une proportion non négligeable de blonds (15 %), de châtains (8 %) ou de roux (5 %). Signe de l’âge un peu plus avancé de certains individus, un artilleur sur dix était grisonnant et une vingtaine d’entre eux étaient notés comme chauves. Une quarantaine d’individus, seulement, avaient perdu au moins une dent visible et une trentaine portaient les cicatrices de la variole. Certains parvenaient à être engagés en tant qu’artilleurs malgré des défauts physiques qui auraient pu sembler rédhibitoires : on trouve ainsi au sein de l’échantillon six individus atteints de strabisme et quatre borgnes. Par ailleurs, ces techniques d’identification se montraient friandes de cicatrices. Dans près de deux cas sur trois, on prenait la peine de noter des traces d’anciennes blessures visibles sur le visage ou sur les mains. La plupart de ces cicatrices étaient tout à fait ordinaires – petite coupure sur un doigt, entaille sur le front ou l’arcade sourcilière – mais certaines d’entre elles révélaient les dangers du métier : traces de brûlures, blessures par balle ou par épée, doigts ou mains amputés, une soixantaine d’individus (sur un millier) portaient ostensiblement les marques de leur expérience du combat.
L’usage de ces listes était relativement répandu au sein de la Monarchie hispanique dès lors que des comptables espagnols étaient impliqués. Mes recherches parmi les comptes royaux, loin d’être exhaustives, ont révélé un recours régulier à ce type de listes lors de l’organisation des flottes de guerre atlantiques, que ce soit la petite escadre de zabras de Juan Martínez de Recalde en 157611, l’escadron de Castille de la Grande 203Armada de 158812, l’escadre portugaise de l’armada del mar Océano de 160213, ou encore l’escadre andalouse de 160314. De telles listes durent également exister pour les escadrons de galères méditerranéennes, comme en témoigne un document écrit en castillan et listant l’équipage des galères du génois Marcelo Doria en 1573-157415. Aux Pays-Bas, le comptable Diego de Peralta dressa, en 1597, le même type de listes pour une partie des équipages de l’armada de Dunkerque16. Bien que ces listes soient plus difficiles à trouver dans le cas des garnisons royales, elles y étaient incontestablement utilisées, comme le démontrent les documents comptables des forteresses de Perpignan et Collioure datant des années 155017. Tous ces documents utilisent une technique similaire, retiennent le même type d’informations et emploient un vocabulaire identique, ce qui prouve qu’il s’agissait d’une habitude administrative presque standardisée dont seules quelques traces sont parvenues jusqu’à notre époque. Par conséquent, la mise en série de ces informations permet d’approximer le profil des artilleurs à partir d’une analyse quantitative de type prosopographique18.
Par ailleurs, il faut noter que la plus volumineuse source de données pour cette analyse provient des navires de guerre escortant la carrera de Indias. En effet, l’archivo general de Indias contient des listes d’équipage par séries entières au sein des sous-sections cuentas de maestres et papeles de armada19. J’ai ainsi trouvé des listes d’identification d’artilleurs dans près d’une liasse consultée sur deux, bien que cette proportion décroisse inexplicablement au début du xviie siècle20. Ces informations directes sur la composition des équipages de la carrera de Indias ont été parfois 204complétées par une autre série importante de données issues des comptes rendus d’examens d’artilleurs21. En effet, à Séville, les candidats obtenant le titre d’artilleurs étaient enregistrés par les officiers de la casa de la contratación selon une procédure d’identification tout à fait identique à celle qui vient d’être décrite mais incluant aussi souvent la profession de l’individu. De ce fait, cette analyse prosopographique pose un regard statistique quelque peu biaisé par cette prépondérance de la carrera de Indias au sein de l’échantillon.
Afin de contourner ce biais et de compléter l’analyse sociologique, il convient également d’y intégrer des sources et des informations plus qualitatives. Dans cette perspective, la correspondance du conseil de guerre et les problèmes soulevés par les différents lieutenants d’artillerie et capitaines permettent de prendre conscience d’un certain nombre de phénomènes d’envergure concernant l’identité, les trajectoires professionnelles et la circulation des artilleurs. Autre source intéressante, les nombreux memoriales envoyés par les artilleurs ou leurs proches au conseil de guerre pour solliciter des grâces et des requêtes décrivent de nombreux parcours et situations d’individus au service de l’artillerie de la Monarchie.
En combinant données quantitatives et informations qualitatives, ce chapitre entreprend de cerner les trajectoires professionnelles des artilleurs, leur statut économique et social, ainsi que leur importante circulation à l’échelle de l’Europe. Il s’agira de situer et de replacer le service de l’artillerie dans le parcours professionnel d’un individu afin de saisir quels étaient les voies d’accès et les débouchés potentiels de cette activité. Il est également essentiel de s’intéresser au statut des artilleurs, bénéficiaires de nombreux privilèges et avantages, afin de comprendre les dynamiques d’engagement dans cette carrière. Enfin, l’étude sociologique mettra en évidence le caractère profondément transnational de la profession, les importants besoins en artilleurs de la Monarchie ne pouvant être comblés que par le recours massif à des individus originaires d’Europe du nord et d’Italie. Ce sera l’occasion non seulement de montrer comment cette circulation fut orchestrée par les agents de la Monarchie mais aussi de mettre en évidence les 205nombreuses inquiétudes soulevées par ce recours à des personnes dont la loyauté était parfois remise question par les officiers castillans. Il faut rappeler, à ce titre, que Luis Collado acheva son portrait de l’artilleur idéal en exhortant à ne pas engager « d’étrangers » à ces postes clés de l’appareil politico-militaire de la Monarchie hispanique22.
Une multitude
de trajectoires professionnelles
L’activité d’artilleur s’inscrivait dans une trajectoire professionnelle qui avait, pour chaque individu, un avant et, parfois, un après. Or, quelques grands traits ressortent de l’analyse des multiples parcours professionnels des hommes servant l’artillerie de la Monarchie hispanique. D’abord, il faut mettre en évidence le fossé infranchissable qui séparait, d’une part, le monde du commandement, des capitaines généraux et de leurs lieutenants et, d’autre part, celui des artilleurs. Les commandants étaient pour l’essentiel des capitaines d’infanterie aguerris tandis que les artilleurs avaient une origine sociale relativement humble, étant issus principalement des professions de marins, de soldats et d’artisans. Devenus artilleurs, ces hommes suivaient des parcours d’une grande diversité, certains oscillaient entre cette profession et d’autres activités, d’autres s’accrochaient au service du roi et parvenaient parfois à prospérer tandis que les plus malchanceux trouvaient la mort. C’est donc cette multitude de trajectoires que je propose d’analyser dans les pages qui suivent.
Un monde inaccessible : les lieutenants
et capitaines généraux de l’artillerie
Le commandement de l’artillerie, composé du capitaine général de l’artillerie et de son réseau de lieutenants, constituait le maillon essentiel entre le gouvernement madrilène et le personnel de l’artillerie. Le système de sélection de ses membres faisait la part belle à l’expérience 206et aux compétences, revêtant un caractère méritocratique incontestable. Toutefois, il opérait complètement en dehors des possibilités d’ascension professionnelle des artilleurs. Il existait, en ce sens, une sorte de cloisonnement social et administratif entre les carrières de ceux qui commandaient et de ceux qui exécutaient leurs ordres, car le commandement de l’artillerie était un univers réservé aux capitaines vétérans de l’infanterie espagnole.
Le cloisonnement social était particulièrement visible au niveau du commandement suprême. Personnage politique de premier plan, le capitaine général de l’artillerie d’Espagne était choisi, comme le chapitre précédent l’a mis en évidence, parmi la haute aristocratie espagnole23. En revanche, parmi la trentaine d’individus qui exercèrent l’office de lieutenant d’artillerie dans la seconde moitié du xvie siècle24, on trouve seulement trois hommes auxquels le conseil de guerre accordait la particule don25 et un seul porteur de titre seigneurial, Andrés de Biure, seigneur de San Jorge26. Cependant, l’abondance de noms de famille tels que Rodríguez de Santísteban, de León Peralta, de Espinosa Calderón permet de soupçonner une forte présence de hidalgos parmi les rangs de ces lieutenants. Ainsi par exemple, le capitaine Pedro Fernández de la Carrera, lieutenant d’artillerie en Flandre puis en Navarre, était le fils de l’une des dames de compagnie d’Isabelle de Portugal, épouse de Charles Quint et fut reçu dans l’ordre de Santiago en 159927. Ce fossé social entre commandants et artilleurs rejaillit avec vigueur dans les mots du vieux lieutenant Francisco de Molina qui, en conflit d’autorité avec le maître artilleur de Séville Muñoz le Bueno, mit en avant sa supériorité naturelle de noble :
207Si vos Altesses laissaient participer le dit Muñoz, ce serait rendre égal le sujet à son supérieur ou bien encore un homme humble de peu de mérites et de services à un noble qui tant en a28.
Cette prépondérance nobiliaire ne signifiait pas pour autant que les offices de commandants étaient acquis par faveur. L’analyse de leurs profils professionnels montre que l’expérience militaire primait avant tout. Les capitaines généraux de l’artillerie et leurs lieutenants étaient tous des hommes de guerre éprouvés par de longues années de service29. Ainsi, lorsqu’il obtint son office de lieutenant d’artillerie à Pampelune en 1583, le capitaine Pedro de Icaguirre Vergara avait à son actif 30 années de service en Flandre, à Naples, en Lombardie et au Portugal30. Une génération plus tard, Diego de Obregón devint lieutenant d’artillerie du Portugal après 37 années de service durant lesquelles il avait pris part aux batailles navales de Lépante (1571) et de Navarino (1572) ainsi qu’à la prise de Tunis (1573) avant d’enchaîner les postes de commandement dans différents territoires de la Monarchie, depuis la Sicile et le Pays Basque jusqu’aux Açores et à Madère31. Tous les lieutenants d’artillerie possédaient le titre de « capitaine », à l’exception de deux individus placés dans des lieutenances périphériques (Majorque et Açores), qui n’étaient qu’alférez, c’est-à-dire second au sein d’une compagnie d’infanterie32. Pour six d’entre eux, les sources précisaient qu’ils avaient gravis un à un les échelons de l’infanterie, passant de simple soldat à alférez puis à capitaine, et pour deux d’entre eux, à sargento mayor33. La carrière de ces individus s’inscrivait donc dans ce système promoteur de compétences qu’étaient les tercios d’infanterie 208espagnole34. Alternant pendant des années les situations de combat, en particulier en Flandre, et les situations de repos, généralement en garnison en Italie, les meilleurs vétérans, devenus capitaines d’une compagnie, obtenaient du roi un poste de commandement en récompense de leurs services.
Autrement dit, les lieutenants d’artillerie étaient choisis parmi les vétérans de l’infanterie espagnole plutôt que parmi ceux de l’artillerie. Les comptes rendus de certaines sessions du conseil de guerre permettent de comprendre le processus de sélection à l’œuvre35. Lorsqu’un poste de lieutenant s’ouvrait, un certain nombre de candidatures parvenaient spontanément au conseil. Quelques candidats supplémentaires étaient souvent recommandés par le capitaine général de l’artillerie, ou bien parfois par l’un des conseillers. Le curriculum et les qualités de chaque candidat étaient ensuite discutés en session, ce qui produisait une consulta faite de recommandations. Ce document parvenait alors au roi qui se réservait le dernier mot quant au choix de l’heureux élu. Force est de constater que la grande majorité des candidats étaient des capitaines d’infanterie et qu’un tiers d’entre eux jouissaient de l’usage de la particule don, indice d’une certaine prééminence sociale. Il existait donc une sorte d’accord tacite sur le profil général attendu d’un lieutenant d’artillerie. Le capitaine général de l’artillerie Acuña Vela justifiait cette situation de la manière suivante :
Au service de Votre Majesté, il est particulièrement convenable que celui qui soit nommé lieutenant du capitaine général de l’artillerie soit une personne très honorable, qui s’attache à l’être et qu’elle ait été capitaine d’infanterie, ayant servi avec grande satisfaction, qu’on la tienne pour très bon soldat, qu’elle soit expérimentée dans le fait de la guerre […] parce que, si cette personne possède les qualités appropriées, en ayant à sa charge l’artillerie, elle peut apprendre en moins d’une année tout ce qui est nécessaire à son maniement, tandis que si elle est experte en artillerie mais que les autres choses lui font défaut, elle ne pourra pas les apprendre et ne saura ni commander, ni se faire obéir, ni gagner l’estime de ses hommes36.
209En d’autres termes, l’expérience d’un capitaine et l’aura de prestige que dégageait la réputation de vétéran étaient des garanties essentielles quant à l’aptitude de commandement d’un lieutenant d’artillerie. Selon Acuña Vela, le manque de compétences en matière de canons pouvait être facilement résolu tandis qu’un défaut d’autorité était absolument irrémédiable37. C’est exactement ce principe qu’il appliquait dans les faits lors des procédures de sélection. Ainsi, en 1592, Alvaro Paz de Villalobos sollicita un poste de lieutenant d’artillerie38. Dans sa lettre au roi, il détaillait ses 23 années de services, dont 16 ans qu’il avait passés en Flandre en tant que soldat, sergent et gentilhomme d’artillerie, ayant eu à sa charge, disait-il, de détruire de nombreuses fois les murailles de places fortes et châteaux39. Dans l’infanterie, il avait atteint le grade d’alférez en s’engageant dans la Grande Armada en 1588 puis avait même obtenu la lieutenance d’une compagnie de chevau-légers au Portugal. En dépit de cet impressionnant parcours et malgré une lettre de recommandation du célèbre général Alexandre Farnèse en personne, l’absence d’un véritable titre de capitaine d’infanterie engendra un verdict rédhibitoire de la part de Juan de Acuña Vela, comme le notait la consulta du conseil de guerre :
Il lui manque les éléments les plus essentiels qui sont d’avoir été capitaine d’infanterie, d’avoir servi avec satisfaction et réputation de savoir commander et être estimé des hommes40.
Néanmoins, les compétences en matière d’artillerie étaient indéniablement appréciées au moment de la sélection des lieutenants. Ainsi, en 1593, le capitaine Pedro Fernández de la Carrera fut préféré aux autres capitaines d’infanterie candidats à la lieutenance de Pampelune car il avait démontré ses aptitudes en matière d’artillerie en Flandre et à la fonderie 210de Malaga41. Avant de devenir lieutenant d’artillerie à Carthagène, le capitaine Juan Venegas Quijada avait été chargé par le conseil de guerre d’inspecter les fortifications d’Afrique du nord en 1581 puis avait servi temporairement de lieutenant d’artillerie dans l’armée qui s’empara de la Terceira en 158342. Le capitaine d’infanterie don Alonso Alfaro de Narváez avait quant à lui remplacé à Lisbonne le lieutenant d’artillerie Acosta pendant que ce dernier fut envoyé réprimer le soulèvement aragonais en 1591-159243. Lorsque Acosta décéda en 1595, Narváez fut naturellement privilégié pour le remplacer44.
D’ailleurs, juge ultime dans le choix des lieutenants, le roi Philippe II était lui-même sensible à l’expertise en matière d’artillerie. À propos de la lieutenance de Burgos en 1593, il annota la consulta afin de demander à ses conseillers si les candidats proposés étaient bien compétents en artillerie45. Cet intérêt du roi pour l’expertise technique est également visible dans le choix qu’il fit, en 1592, du lieutenant Diego de Prado contre l’avis du conseil de guerre46. Comme à son habitude, le conseil dénonçait le manque d’expérience de commandement du candidat, même si le capitaine général Acuña Vela louait ses connaissances exceptionnelles en matière d’artillerie47. Or, Acuña Vela était bien placé pour connaître l’expertise de Diego de Prado puisqu’ils avaient travaillé ensemble à Lisbonne à la préparation de la Grande Armada puis à la fonderie de Malaga en 159048. Diego de Prado avait même rédigé un copieux manuscrit d’artillerie qu’il avait dédié au capitaine général de l’artillerie49. Malgré la concurrence de nombreux capitaines d’infanterie de grande renommée, ce fut le nom de Diego de Prado que Philippe II 211inscrivit au bas de la consulta. Pour une fois, la compétence technique avait été privilégiée sur l’expérience de commandement.
Par ailleurs, l’origine géographique constituait un autre critère de sélection des lieutenants d’artillerie. On évitait surtout d’attribuer une lieutenance à un individu natif du lieu. Ainsi, lorsqu’il fallut pourvoir la Catalogne d’un lieutenant d’artillerie en 1592, quatre noms furent écartés par le capitaine général de l’artillerie pour la raison suivante :
Comme ces quatre hommes qui postulent à la place de lieutenant de Catalogne sont tous catalans, don Juan de Acuña dit qu’il ne convient pas qu’ils servent là-bas dans la mesure où ils pourraient tirer avantage du fait que les artilleurs y sont aussi tous catalans et d’autres choses qui pourraient engendrer des inconvénients pour le service et les finances de Votre Majesté50.
Comme le chapitre précédent l’a mis en évidence, l’un des rôles des lieutenants d’artillerie consistait à limiter les abus des différentes autorités militaires locales. Dans cette perspective, le conseil de guerre ne faisait pas confiance aux natifs car ils étaient bien plus susceptibles d’avoir des intérêts personnels et des réseaux de clientèle locaux allant à l’encontre des intérêts de la Monarchie. Pour cette même raison, des candidats furent écartés des lieutenances de Malaga et de Séville par exemple51. Cependant, le discours changeait radicalement lorsqu’il s’agissait de pourvoir la lieutenance de Burgos, en plein cœur de la Vieille Castille : le problème du conflit d’intérêt disparaissait alors et le conseil de guerre n’hésitait pas, dans ce cas, à proposer des candidats originaires de Burgos ou y ayant leur patrimoine52. Il y avait, en ce sens, une différence de traitement entre les différents sujets de cette monarchie composite, à l’avantage des Castillans.
Ce déséquilibre était particulièrement visible dans les États italiens de la Monarchie hispanique, où le commandement de l’artillerie revint presque toujours à des vétérans castillans53. Les parcours des capitaines 212généraux de l’artillerie de Palerme, Milan et Naples différaient de leurs homologues espagnols dans la mesure où leur office revêtait un statut inférieur, subordonné au vice-roi et, en quelque sorte, plus proche des lieutenants d’artillerie de la péninsule ibérique54. Ainsi, seule la moitié d’entre eux bénéficiaient de l’usage de la particule don55, et seul l’un d’entre eux, don Jorge Manrique de Lara, était titré56. Tous étaient des vétérans mais, en Italie, l’infanterie n’était pas l’unique filière de recrutement. Par exemple, lorsqu’il obtint la charge de l’artillerie sicilienne, don Bernardino de Velasco cumulait près de 40 ans de services et officiait alors en tant que capitaine de galères à Naples57. Le capitaine Carrillo de Quesada servit la Monarchie durant 57 ans, d’abord dans l’infanterie jusqu’au rang de maestre de campo, c’est-à-dire commandant de tercio, puis en tant que commandant de la forteresse de la Goulette en Afrique du nord, et enfin en tant que général de l’artillerie napolitaine58. À Milan, don Jorge Manrique de Lara était capitaine d’une compagnie de cavalerie avant de commander l’artillerie59. Enfin, la palme de l’originalité revient sans doute à Gabrio Serbelloni, ingénieur militaire milanais qui, malgré son origine italienne et l’absence de titre de « capitaine », fut nommé capitaine général de l’artillerie de la Sainte Ligue lors de la campagne de Lépante en 157160. Cependant, cet office ne fut que temporaire et dura le temps des opérations de don Juan d’Autriche en Méditerranée, qui se clôturèrent en 1573 par la prise de Tunis où cet ingénieur-capitaine général fut chargé de construire une forteresse dont on lui confia le commandement61.
Qu’elle fût en Italie ou dans la péninsule ibérique, une charge parmi le commandement de l’artillerie constituait pour beaucoup 213l’apogée et la fin d’une carrière militaire. Le fait est clair dans le cas des capitaines généraux de l’artillerie, puisque, dans la seconde moitié du xvie siècle, tous assumèrent cet office jusqu’à leur mort ou leur retraite62. Sur une vingtaine de lieutenants d’artillerie dont j’ai pu retracer le devenir, seuls six obtinrent un nouveau poste avant de décéder ou de prendre leur retraite63. Pour ces quelques individus, la lieutenance d’artillerie constitua généralement une passerelle vers d’autres offices de commandement militaire. Ainsi, un lieutenant de Navarre fut promu châtelain de la citadelle de Pampelune64, tandis que deux lieutenants du Portugal obtinrent le commandement du fort d’Othon à Setubal65. Un lieutenant de Catalogne fut nommé par le roi comme son capitaine et représentant à Marbella et Ronda66 et un lieutenant de Navarre reprit du service dans l’infanterie à la tête des compagnies de Fontarrabie et Saint-Sébastien67. Il faut également remarquer que les offices de lieutenants étaient à l’évidence moins stables que celui de capitaine général. La plupart des lieutenants n’exerçaient dans une région donnée que quelques années, voire exceptionnellement jusqu’à quinze ans. Cette situation était en partie le résultat des critères de sélection des lieutenants, souvent choisis pour leur longue expérience militaire et, par conséquent, d’un âge avancé pour l’époque. Peut-être s’agissait-il aussi, dans certains cas, d’une mesure préventive du gouvernement central afin d’éviter les risques de fraudes qui augmentaient lorsque ces serviteurs développaient des liens et des intérêts locaux. Par exemple, en 1574, le lieutenant d’artillerie de Malaga Francisco de Molina fut impliqué dans une affaire de détournement d’argent avec d’autres officiers locaux68. Bien qu’il fût finalement acquitté, le conseil de guerre décida de muter ce lieutenant à Burgos, afin de le couper de tous les liens qu’il avait tissés à Malaga69.
214Les artilleurs, des soldats, artisans et marins
L’analyse sociologique et prosopographique des artilleurs révèle un monde bien distinct de celui des commandants d’artillerie. Parmi les deux milliers de noms d’artilleurs que j’ai pu relever, ce sont les García, Rodríguez et autres González qui dominent70. Il est bien entendu difficile de connaître l’origine sociale de ces individus uniquement à travers leurs noms mais il faut tout de même remarquer que seulement deux de ces 2 000 artilleurs portaient le don71, proportion extrêmement faible si on la compare à celle du recrutement des soldats des tercios espagnols qui, parmi un nombre équivalent d’individus, intégraient près d’une quinzaine de don72. Contrairement à l’infanterie qui exerçait, encore à cette époque, un certain attrait auprès de la noblesse espagnole, la carrière d’artilleur était avant tout l’apanage d’individus d’origine sociale modeste ou de petits hidalgos. C’est d’ailleurs peut-être l’une des raisons pour lesquelles il existait cette sorte de barrière professionnelle infranchissable entre ceux qui utilisaient l’artillerie et ceux qui les commandaient.
On devenait généralement artilleur après au moins quelques années d’exercice d’une autre profession et certains individus le restaient toute leur vie durant. C’est du moins ce qui transparaît de la répartition des âges des artilleurs engagés par la Monarchie hispanique. Sur un échantillon de plus de 500 individus, pour la plupart en service sur les armadas atlantiques, la moyenne d’âge se situait légèrement au-dessus de 32 ans73. Le large spectre de distribution des âges, de 20 à 65 ans, cachait de grandes disparités dans la répartition par classe d’âges puisque près des trois-quarts des artilleurs avaient entre 25 et 40 ans. À une époque où l’espérance de vie était relativement faible, et plus encore sur les navires où les conditions de vie étaient particulièrement rudes, les vieux artilleurs de plus de 50 ans se faisaient rares. Les très jeunes artilleurs étaient tout aussi peu fréquents, seulement 215deux individus avaient 20 ans lorsqu’ils furent engagés, et un peu plus de 10 % avaient moins de 25 ans. Les 25-29 ans étaient par contre bien plus nombreux, mais le pic de recrutement n’était véritablement atteint qu’à partir 30 ans, ce qui signifie que la plupart des artilleurs comptaient au moins autour d’une dizaine d’années d’expérience dans une autre profession.
Fig. 20 – Répartition de 570 artilleurs par classe d’âge.
Réalisé à partir de la base de données de l’auteur.
Rares sont les sources permettant une approche quantitative sur l’origine professionnelle des artilleurs. La seule véritable série de données est constituée de près de 400 individus reçus à l’examen d’artilleur de la casa de la contratación à Séville, pour lesquels la profession a été enregistrée74. Or, les antécédents professionnels de ces artilleurs destinés à servir au sein des flottes transatlantiques se répartissaient en trois grandes catégories. La plus nombreuse était celle des marins et des sous-officiers de marine dont la plupart avaient déjà effectué plusieurs voyages aux Indes. Devenir artilleur faisait, pour ces 216hommes, partie d’un plan de carrière à bord des navires de la carrera de Indias. On trouvait également une proportion plus faible de soldats dont la plupart avaient servi quelque temps dans ces mêmes navires transatlantiques tandis qu’un petit nombre d’entre eux (une dizaine) affichaient une expérience à bord d’autres navires de guerre, principalement les galères d’Espagne. Enfin, réunissant plus d’un quart de l’échantillon, la dernière catégorie se composait d’artisans, principalement des charpentiers, des maçons ou encore des forgerons désireux de prendre part à l’aventure transocéanique. Un petit nombre de ces artilleurs réunissaient deux des trois catégories (on trouve notamment plusieurs marins-soldats et artisans-soldats) tandis que dans 20 % des cas, les sources ne spécifiaient pas précisément la profession de l’individu, se contentant de noter son expérience d’un ou plusieurs voyages aux Indes. Ces trois grandes catégories professionnelles des marins, artisans et soldats composant les équipages de la carrera de Indias constituaient, dans des proportions variables, les antécédents professionnels de l’écrasante majorité des artilleurs au service de la Monarchie hispanique.
Fig. 21 – Antécédents professionnels de 394 artilleurs de la carrera de Indias. Réalisé à partir de la base de données de l’auteur.
217Cependant, si le service de l’artillerie sur mer était dominé par les marins, l’artillerie des garnisons revenait quant à elle préférentiellement aux soldats d’infanterie. Ainsi, au milieu du xvie siècle, sur six places d’artilleurs des châteaux de Roussillon, cinq étaient échues à des arquebusiers et une à un charpentier75. Lorsqu’une forteresse fut construite à Jaca en Aragon à la fin du xvie siècle, les nouveaux postes d’artilleurs furent tous pourvus à partir de soldats de la garnison76. Cette pratique de promouvoir des soldats de garnison en artilleurs était assez commune en Espagne si l’on en croit l’instruction donnée au capitaine d’artillerie Andrés de Biedma avant son départ pour une expédition au détroit de Magellan :
Que, pour les postes d’artilleurs qui viendraient à être vacants, les soldats en garnison dans les forteresses qui souhaiteraient pourvoir ces offices puissent quitter l’infanterie, et que le gouverneur ou les capitaines de ces garnisons ne les en empêchent pas, car c’est ainsi que l’on a l’habitude de procéder dans les forteresses d’Espagne77.
Il existait manifestement un certain engouement des soldats de garnison à devenir artilleurs. Toutefois, ces mouvements depuis l’infanterie vers l’artillerie déplaisaient fortement à certains commandants qui voyaient leurs compagnies de soldats se réduire au profit des troupes du capitaine général de l’artillerie et de ses lieutenants. Régulièrement, le conseil de guerre dut écrire à ces gouverneurs de forteresses, qu’ils fussent en Navarre78, en Galice79, ou encore en Catalogne80, afin de les exhorter à ne pas empêcher leurs soldats de devenir artilleurs, profession nécessaire et trop rare.
Cette propension des soldats à devenir artilleurs est également perceptible à travers les parcours personnels décrits par de nombreux artilleurs dans leurs requêtes au conseil de guerre. Ainsi, par exemple, Juan Fernández de Vergara, artilleur d’Ibiza, avait servi huit ans dans cette garnison en 218tant que soldat avant de devenir artilleur81. Au Portugal, Francisco de Orozco avait servi 15 ans comme soldat avant de passer artilleur82 tandis que sur l’île de Madère le soldat Miguel Delgado avait obtenu une promotion d’artilleur après seulement six années de service83. Par ailleurs, le passage de soldat à artilleur ne s’inscrivait pas systématiquement dans une logique de promotion mais pouvait aussi parfois résulter de circonstances particulières non désirées de la part des individus qui en subissaient les conséquences. Ainsi, Diego Rodríguez fut soldat puis cabo de escuadra (caporal d’un petit contingent de soldats84) à Almuñecar avant de s’engager en 1588 dans la Grande Armada contre l’Angleterre. Malheureusement pour lui, il eut à son retour la désagréable surprise de trouver sa place de caporal occupée par quelqu’un d’autre et, obligé de trouver une autre occupation, il s’engagea comme artilleur dans les galères d’Espagne85. Enfin, il faut également noter que certaines garnisons disposaient de places intermédiaires d’ayudante, des assistants-artilleurs, assurant la transition entre les offices de soldat et d’artilleur : au fort San Felipe de Mahon à Minorque, Sébastian Soler avait ainsi servi cinq ans en tant que soldat et quinze ans en tant qu’ayudante avant de devenir artilleur86.
Sur les navires, des marins et soldats servaient régulièrement d’ayudantes afin d’aider les artilleurs à manœuvrer les pièces. D’après une source de l’époque, au départ de chaque navire, le capitaine devait choisir parmi les arquebusiers deux hommes pour chaque pièce d’artillerie qui assisteraient les artilleurs dans toutes leurs actions87. Selon Pedro de Zubiaur, général de l’escadron basque de l’armada del mar Océano, ces ayudantes étaient choisis parmi les marins tout autant que parmi les soldats88. Comme ils acquéraient une expérience de l’artillerie, ces marins et soldats jouissaient d’une position privilégiée pour succéder aux artilleurs qui décédaient ou abandonnaient le service89. Cette situation 219explique sans aucun doute la forte présence de marins et de soldats parmi les artilleurs reçus au sein de la carrera de Indias.
Cependant, les voies de recrutement étaient multiples et il ne faudrait pas dresser ici une cloison artificielle entre artilleurs de terre et artilleurs de mer. En 1572, le roi ordonnait ainsi au nouveau capitaine général Francés de Álava de mettre fin aux fréquentes absences que certains artilleurs de Burgos avaient pris l’habitude de faire en s’engageant sur des navires :
Parce que nous avons été informés que certains des artilleurs résidant à Burgos ont l’habitude de faire de longues absences […], nous ordonnons qu’ils soient avertis que celui qui ne reviendrait pas chaque année pour servir son temps dans la dite Burgos, comme il y est obligé, sans une juste raison de maladie ou autre chose urgente dont il y aurait suffisamment de témoignages, celui-ci sera renvoyé, en particulier s’il s’est mis à servir en mer comme marin sans notre ordre, comme il paraît que certains l’ont fait90.
Dans ce cas précis, la situation déplaisait fort au gouvernement madrilène car l’engagement des artilleurs se faisait sans autorisation royale mais, fréquemment, des artilleurs de garnisons furent envoyés par ordre du roi servir sur des navires de guerre. Par exemple, une vingtaine d’artilleurs de Burgos furent intégrés aux équipages de la Grande Armada de 1588 et, un an plus tard, un contingent d’artilleurs de Pampelune rejoignit l’émergente armada del mar Océano91.
Néanmoins, selon certains avis de l’époque, les meilleurs artilleurs sur mer étaient les marins d’expérience. Les marchands de la carrera de Indias réclamaient ainsi que les artilleurs reçus par la casa de la contratación fussent aussi marins92. Selon le lieutenant d’artillerie de Lisbonne Hernando de Acosta, les artilleurs qu’il était nécessaire de 220recruter pour les équipages de l’armada del mar Océano devaient « être des marins sans quoi ils ne seront d’aucun bénéfice93 ». Partageant cette opinion, le capitaine Marcos de Aramburu, vétéran de la Grande Armada contre l’Angleterre94, se montrait néanmoins plus réaliste quant aux difficultés à trouver des marins-artilleurs en nombre suffisant. Face aux besoins importants des flottes de guerre après 1588, il prônait le recours aux artilleurs de garnison afin de former des marins :
Que de Malaga, Carthagène, Alicante et toutes ces côtes, l’on réquisitionne tous les artilleurs de terre que l’on peut, car bien qu’ils ne soient pas les plus experts dans l’usage de leur office sur mer, ils transmettront la doctrine de l’artillerie aux marins qui sauront quant à eux bien l’utiliser, puisqu’il est nécessaire de connaître la navigation pour utiliser l’artillerie en mer95.
L’autre groupe socioprofessionnel présent à la fois au sein des forteresses et à bord des navires était celui des artisans. Les chiffres de la carrera de Indias (figure 21) révèlent plus d’un quart d’artisans-artilleurs, dont une majorité de charpentiers et de maçons. Les parcours personnels de certains artilleurs laissent supposer une situation semblable au sein des garnisons. Citons l’exemple de l’artilleur-armurier de Mexico Cristóbal Gudiel96, ou bien encore ceux d’Antonio Forner et de Juan Rodríguez, tous deux forgerons, serruriers et artilleurs, le premier au château de Mahon à Minorque97 et le second dans la forteresse de São Julião près de Lisbonne98. Parmi ces artisans-artilleurs se trouvaient également un certain nombre de fabricants de poudre habitués à travailler avec des matières explosives : aux quatre artilleros-polvoristas de l’échantillon concernant la carrera de Indias, on peut ajouter Juan Ruiz de Riela à Pampelune99, ainsi que Juan Sánchez Quijano qui, pendant 40 ans, circula entre les différents centres de fabrications de poudre à Burgos, Malaga, Carthagène et en Navarre100.
221Ces artisans convertis en artilleurs présentaient certains avantages pour le service de l’artillerie. Dans sa description du parfait artilleur, Luis Collado expliquait que ces individus devaient être favorisés car ils étaient habitués à manier les outils nécessaires à l’artilleur tels que la règle, l’équerre et le compas101. Il faisait également remarquer que les compétences de certains artisans étaient directement utiles au service de l’artillerie102. Le fait était évident dans le cas des fabricants de poudre de par leur expertise en explosifs, mais il se vérifiait aussi pour les charpentiers et forgerons dont les compétences pouvaient être utilisées à la fabrication ou à la réparation des affûts supportant l’artillerie. Comme le rappelait le capitaine général de l’artillerie Francés de Álava, les maçons, charpentiers et forgerons disposaient de compétences utiles à n’importe quelle armée ou forteresse103 – et sur n’importe quel navire. Lorsqu’à la suite de l’annexion du Portugal, il fallut doter d’une garnison le château São Jorge de Lisbonne, les recommandations du duc d’Albe spécifièrent :
Il paraît à son Excellence que, pour le service de l’artillerie et munitions qu’il y a dans le dit château, il faut un cabo avec vingt artilleurs parmi lesquels un forgeron, un maître de hache, un charpentier, un maître charron et quelques autres artisans, avec un salaire adéquat104.
Ainsi, en engageant des artilleurs par ailleurs maçons, charpentiers et forgerons, la Monarchie faisait l’acquisition de doubles compétences en économisant un salaire.
Les marins et soldats devenant artilleurs constituaient eux aussi des combinaisons techniques intéressantes et économiques pour la Monarchie. Parmi les équipages des galions atlantiques, se trouvait une certaine proportion d’individus engagés non pas en tant que artillero mais en tant que marinero y artillero (« marin et artilleur »)105. Payés la plupart du temps au même salaire qu’un artilleur, ces individus constituaient sans aucun doute des ressources humaines précieuses et bon marché, même si leur 222double statut rendait leur rôle confus en cas de combat naval, comme le faisait remarquer Francés de Álava106. De même, l’expérience de soldat de certains artilleurs était parfois utilisée au bénéfice de la Monarchie. Un certain Domingo del Rivero avait par exemple pris part à l’armée d’invasion du Portugal puis à celle de conquête des Açores avant d’être envoyé, en tant qu’artilleur de Burgos, au port de Laredo où, en plus de son office d’artilleur, il entraînait au maniement des armes les gens de la milice locale et servait d’assistant à leur commandant107. Ces divers exemples montrent toute la complexité des trajectoires professionnelles de ces artilleurs aux multiples compétences.
Faire carrière d’artilleur
Une fois engagés comme artilleurs, une importante proportion de ces marins, soldats et artisans poursuivait une carrière au service de la Monarchie. C’est en tout cas l’impression qui se dégage à la lecture des requêtes d’artilleurs traitées en conseil de guerre. Sollicitant des augmentations, des changements de postes, des retraites, ou bien encore le paiement d’arriérés de soldes, les artilleurs y détaillaient souvent leurs parcours afin de s’attirer les bonnes grâces des ministres du roi. On pourrait argumenter que ces courtes narrations autobiographiques sont peu dignes de foi car teintées de touches hagiographiques. Aussi convient-il de rappeler que les états de service relatés par les solliciteurs s’accompagnaient souvent de lettres de recommandations de leurs capitaines ainsi que d’attestations de service fournies par les comptables militaires108. Le biais induit par ces sources se situe donc plutôt au niveau de la représentativité de ces parcours : les artilleurs demandant des faveurs étaient systématiquement des vétérans ayant servi la Monarchie durant de longues années et, par conséquent, la lecture de ces documents ne permet d’apercevoir que les carrières des plus fidèles serviteurs.
Ces memoriales d’artilleurs vétérans montrent que certains individus construisaient toute une carrière au service du roi. Après avoir consulté 223une cinquantaine de parcours, il apparaît que ces artilleurs sollicitant une faveur avaient à leur actif au moins six ans de service, parfois jusqu’à plus de 50 ans, pour une moyenne autour de 25109. La plupart étaient encore actifs tandis que trois veuves sollicitaient des faveurs en considération des services rendus par leur mari en l’espace de quarante ans110. Le service semble avoir été particulièrement stable et durable pour les artilleurs en poste en garnison. À ce titre, on peut citer les exemples de Jayme Managuerra en poste à Barcelone et Perpignan pendant 45 ans111, Antonio Camaron à Ibiza pendant 38 ans112, ou encore Joachim de Padilla y del Águila à Manfredonia en Italie pendant 23 ans113. Les carrières au sein des galères ou des galions étaient significativement plus courtes : en moyenne, les artilleurs servant au sein des armadas et demandant des grâces au conseil affichaient dix ans de service de moins que ceux en garnison114. Le service de l’artillerie en mer était sans nul doute plus éprouvant et l’obtention d’une place en garnison constituait une sorte de récompense pour certains vétérans des armadas. On peut citer à titre d’exemples les cas de Francisco Hidalgo qui obtint une place dans la garnison de Lisbonne après 28 ans de services en mer115, et d’Alonso Ordonez, envoyé à la garnison du Ferrol après 12 ans de services dans les armadas116. De même, les artilleurs d’armada estropiés qui ne pouvaient plus servir sur un navire obtenaient parfois des postes de garnison117.
224Il faut par ailleurs souligner la mobilité de certains individus durant leur longue carrière au service de la Monarchie. Par exemple, en 40 années de service, Rodrigo de Saavedra fut tour à tour artilleur à Oran, puis dans les galères d’Espagne et enfin à Cadix118. Un autre Saavedra, Diego de son prénom, avait servi en Flandre, en Espagne et sur l’île de Terceira pendant une vingtaine d’années119. Le chef artilleur Pedro de la Sierra avait quant à lui participé à la guerre de Grenade contre le soulèvement des moriscos, puis aux campagnes de don Juan d’Autriche à Lépante et à Tunis, puis à l’annexion du Portugal et, au début des années 1590, il servait dans l’escadron de galères de Bretagne stationné dans le port de Blavet – aujourd’hui Port-Louis120. Même les artilleurs jouissant d’une place stable en garnison se voyaient parfois contraints au mouvement à l’occasion d’une grande campagne militaire. Ainsi, Pedro de Veynca, artilleur de la garnison de Saint-Sébastien, abandonna temporairement son poste pour participer aux batailles de São Miguel et la Terceira en 1582-1583, puis plus tard encore à l’occasion de la Grande Armada contre l’Angleterre121. Le phénomène semble avoir été assez généralisé puisqu’un tiers des cinquante parcours consultés mentionnent au moins une participation à une grande opération militaire telle que Grenade (1568), Lépante (1571), Navarino (1572), Tunis (1573), l’annexion du Portugal (1580), la bataille de São Miguel (1582), de la Terceira (1583), la Grande Armada (1588). En sus de ces parcours précis, il faut ajouter les nombreuses requêtes d’artilleurs se contentant d’indiquer de manière floue leur participation à « de nombreuses batailles ». Il paraît donc raisonnable d’affirmer que la majorité de ces artilleurs vétérans, qu’ils fussent en garnison ou en armada, prirent part à une grande bataille au moins une fois au court de leur carrière.
La présentation de quelques trajectoires singulières rendra compte de ce que pouvaient espérer les plus chanceux et les plus doués de ces artilleurs faisant carrière au service du roi. Le parcours de Juan Zorrilla 225fournit à cet égard une idée de l’expérience de vie d’un artilleur de garnison. Ce dernier s’engagea au service de la Monarchie en 1572, devenant artilleur ordinaire de Burgos122. Cette ville constituait, comme le chapitre précédent l’a montré, le principal centre d’artillerie de Castille et ses nombreux artilleurs étaient régulièrement appelés à prendre les armes pour quelque grande opération. Ainsi, Juan Zorrilla fut de ceux qui prirent part à l’invasion du Portugal en 1580, puis à la campagne de récupération des Açores en 1582-1583123. Devenu cabo de artilleros (chef artilleur) à son retour à Burgos, il fut convoqué de nouveau en 1588 pour participer à l’Armada contre l’Angleterre en tant que chef des artilleurs du galion Nuestra Señora del Rosario, l’un des navires les plus lourdement armés de toute la flotte124. Malheureusement, l’un des mâts du galion rompit lors de la première escarmouche avec les Anglais près de Plymouth et, abandonné par le reste de l’armada, il fut capturé par le Revenge de Francis Drake125. Prisonnier en Angleterre pendant huit mois, Zorrilla dut s’engager à payer une rançon de 320 écus (l’équivalent de plusieurs années de salaire) pour se libérer126. Comble d’infortune, sur le trajet de retour en Espagne, il reçut un tir d’arquebuse dans l’épaule lors d’un affrontement avec un navire anglais127. Il put cependant récupérer sa place de chef artilleur de Burgos, bénéficia d’une aide pour le paiement de sa rançon128 et, peu après, il obtint une certaine compensation de ses malheurs puisqu’il fut promu capitaine des régiments de sapeurs de l’armée royale levée pour réprimer le soulèvement aragonais de 1591129. Sa trace se perd en 1594, date à laquelle il ne faisait plus partie des artilleurs de Burgos130.
226Le cas de Diego García Copete offre le pendant naval de l’expérience de Juan Zorrila. Né vers 1550, García Copete commença sa carrière en tant que soldat lors de la Guerre de Grenade en 1568, puis devint cabo de escuadra, c’est-à-dire chef d’un petit groupe d’une douzaine d’hommes au sein d’une compagnie d’infanterie131. Après plusieurs années de service dans l’infanterie, il décida de s’engager comme artilleur dans la carrera de Indias et y fit carrière, combattant de nombreuses fois et recevant de multiples blessures selon ses propres propos132. En 1599, on le retrouve à bord d’un navire envoyé aux Açores pour escorter la flotte à son retour des Indes ; âgé d’une cinquantaine d’années, il tenait alors le rôle de condestable, c’est à dire de commandant des artilleurs du navire et se faisait accompagner de son fils de 22 ans, artilleur lui aussi133. L’année suivante, il demanda au conseil des Indes à être engagé en tant que chef des artilleurs de l’armada de guarda de la carrera de Indias commandée par Marcos de Aramburu134. En 1604-1605, il fut même nommé capitaine d’artillerie de la flotte de Nouvelle-Espagne du général Juan Gutiérrez de Garibay135. Souhaitant capitaliser ce nouveau statut, il sollicita, dès son retour, un poste de capitaine d’artillerie au port de Veracruz136, qu’il dut obtenir puisqu’en 1621, usé par 53 années de service, il touchait encore ce salaire sans être en état d’assurer ses fonctions137. Il faut noter que l’obtention d’un titre de « capitaine » représentait une consécration absolue pour cet artilleur vétéran qui se faisait un point d’honneur à voir figurer son précieux statut sur tout document le concernant :
227Il supplie Votre Majesté de bien vouloir l’honorer du titre de capitaine, comme il l’a obtenu par la cédule royale que voici […] et que Votre Majesté ordonne que, dans les cédules et courriers qui lui sont adressés, on n’omette pas le dit titre138.
La trajectoire de Francisco Sánchez de Moya fut encore plus originale. En 1575, à l’âge de dix-huit ans, il s’engagea comme soldat d’infanterie à Naples où il servit jusqu’en 1579, après quoi il passa en Navarre139. Au début des années 1580, il obtint une place d’artilleur au sein de la garnison de Pampelune140 puis il gravit rapidement les échelons puisque, en 1587, les sources s’y référaient en tant que caporal des artilleurs de la ville, principale autorité en matière d’artillerie en-dessous du lieutenant d’artillerie de Navarre141. À cette même date, un poste de contador de l’artillerie du Portugal s’ouvrit et, grâce à l’appui du capitaine général de l’artillerie Acuña Vela, cet artilleur de Pampelune devint comptable à Lisbonne en décembre 1589142. Une telle promotion était tout à fait exceptionnelle et il est important de noter que ce cas d’un artilleur devenant comptable militaire est le seul et unique que j’ai pu relever. Ce transfert fut sans doute le résultat d’une relation particulière de confiance entre Juan de Acuña Vela et cet individu qu’un autre artilleur de Pampelune affirmait être criado del general143 (« serviteur du général »). Il ne s’agissait toutefois pas que de favoritisme car Francisco Sánchez de Moya semble avoir réellement possédé de solides compétences. Avant d’obtenir officiellement le poste de contador, il fut appelé par le capitaine général de l’artillerie à Lisbonne afin de l’assister lors de la préparation de la Grande Armada contre l’Angleterre144. Plus tard, le capitaine général de l’artillerie raconta comment lui-même, deux ingénieurs italiens et Sánchez de Moya s’étaient réunis de nombreuses fois autour d’une table 228à Pampelune afin de discuter des problèmes de fabrication de boulets de canon145. Une fois en poste à la comptabilité de l’artillerie portugaise, Sánchez de Moya devint l’un des principaux acteurs du développement de l’artillerie à Lisbonne à cette période cruciale de mise en place de l’armada del mar Océano, et il demanda à plusieurs reprises des augmentations146 finissant par obtenir une nouvelle promotion : en mai 1597, il fut nommé capitaine d’artillerie et envoyé à Cuba à la tête d’un groupe de fondeurs, forgerons et charpentiers – pour la plupart portugais, des connaissances faites à Lisbonne – afin d’y démarrer la production de canons147. Il fit installer une fonderie d’artillerie à la Havanne, développa les mines de cuivre non loin du port de Santiago de Cuba, fit édifier tout un village d’artisans et d’esclaves bientôt formés aux techniques de minage et de forge et il devint l’un des principaux notables de la région, s’en faisant même remettre le gouvernement par intérim suite au décès soudain du gouverneur Juan de Villaverde en 1612148. À sa mort en 1620, ses revenus étaient supérieurs au salaire du capitaine général de l’artillerie d’Espagne149.
Il faut cependant souligner que ces trois artilleurs devenus « capitaines » eurent des carrières particulièrement réussies. À l’exception des lieutenances d’artillerie – inaccessibles aux artilleurs – rares étaient les postes de capitaines au sein de l’administration de l’artillerie. Les titres de capitán de artillería étaient la plupart du temps liés à des armées temporaires, à des escadrons de navires ou à certaines régions des Indes, c’est-à-dire en marge des structures ordinaires d’administration de l’artillerie150. Il était donc très peu probable pour un artilleur de devenir un jour capitaine. Fait tout aussi rare, Luis Collado, l’auteur du portrait 229du parfait artilleur en introduction de ce chapitre, parvint à se hisser du statut d’artilleur à celui d’ingénieur militaire de Lombardie151. Autre exception, à Milan, un certain Jacopo de la Cruz, noble de naissance, entra dans la cavalerie lourde après avoir été artilleur du château152. Or, le schéma de réussite le plus fréquent au service de la Monarchie consistait à devenir chef d’un petit groupe d’artilleurs en tant que cabo de artilleros au sein d’une garnison, ou bien condestable à bord d’un navire. Ces sous-officiers n’avaient pas tous des décennies d’expérience dans l’artillerie. D’après mon échantillon d’artilleurs des armadas atlantiques, les condestables étaient en moyenne seulement cinq ans plus âgés que les artilleurs. La répartition par classe d’âge tend à révéler que la plupart des condestables atteignaient ce poste à partir de 30 à 40 ans, et les très vieux condestables étaient presqu’aussi rares que les très vieux artilleurs. En d’autres termes l’ancienneté entrait en ligne de compte dans la promotion des individus, mais elle n’était pas l’unique facteur d’avancement, et ce type de postes constituait une perspective de carrière à la portée de tout artilleur ayant quelques années d’expérience.
Fig. 22 – Comparaison de l’âge des artilleurs et des condestables (respectivement 570 et 39 individus). Réalisé à partir de la base de données de l’auteur.
230À côté de ce noyau de professionnels assidus au service de la Monarchie et faisant réellement carrière d’artilleur, il faut souligner la présence d’une nébuleuse d’individus ayant eu des intérêts plus ponctuels. C’est ainsi sans doute qu’il faut considérer tout un groupe d’artisans ayant gravité autour d’Andrés Muñoz el Bueno, maître artilleur de la casa de la contratación à Séville153. Charpentier à l’origine, ce dernier s’était engagé dans l’artillerie en 1579 à l’occasion de l’invasion du Portugal, en compagnie d’un collègue, Cristóbal Martín, qui était depuis retourné à son métier d’ébéniste154. À l’occasion de la conquête des Açores en 1582 et 1583, Muñoz el Bueno s’entoura cette fois de tout un petit groupe d’amis artisans de Séville : Juan Ruiz de Baltodano (menuisier), Bartolomé Muñoz (maçon), Alonso Cortés Malaver (serrurier) et le même Cristóbal Martín (ébéniste), tous retournés à leur travail d’artisan après 1584, à l’exception du serrurier, qui avait poursuivi le service au roi en tant qu’artilleur et soldat155. Ainsi, le service de l’artillerie pouvait, en quelque sorte, être occasionnel, au gré des opportunités qui se présentaient. Il pouvait être aussi temporairement forcé, soit par un statut particulier comme dans le cas de cet artilleur esclave engagé dans la Grande Armada156, soit par les circonstances, comme ces officiers de marine (contramaestre et despensero) qui passèrent au poste d’artilleur après que leur navire eût coulé dans le port de Laredo157. Malheureusement, il est extrêmement difficile de saisir les trajectoires de ces individus, sans doute nombreux, qui joignaient occasionnellement le service de la Monarchie.
Par ailleurs, le choix de s’engager en tant qu’artilleur revêtait un certain risque et de nombreuses carrières s’arrêtèrent plus ou moins prématurément et de manière brutale. En cas de combat, les artilleurs constituaient souvent des cibles privilégiées : par exemple, lorsque les Ottomans assiégèrent la forteresse de La Goulette en Afrique du nord, leurs tirs prirent particulièrement pour cibles les artilleurs de la garnison espagnole et, après seulement deux semaines de siège, il ne 231restait plus que neuf des vingt-trois artilleurs initialement présents158. En 1589, lorsqu’un navire marchand de la carrera de Indias fut attaqué par des corsaires anglais à son retour de Nouvelle-Espagne, les deux navires ennemis visèrent les gens d’artillerie, tuant le condestable et un artilleur, si bien que le capitaine fut contraint de servir lui-même comme artilleur159. Éliminer les artilleurs de l’adversaire était semble-t-il une tactique courante permettant d’estropier et de paralyser l’artillerie adverse. Lorsqu’ils ne mouraient pas sur le coup, les individus victimes de ces attaques étaient souvent grièvement blessés et parfois amputés, ce qui contraignait certains à arrêter leur carrière160. Les situations de combat étaient en ce sens particulièrement dangereuses pour les artilleurs, même si elles étaient loin de représenter leur quotidien.
En revanche, il y avait un risque au quotidien à manipuler de la poudre noire et les explosions n’étaient pas rares. Le capitaine général Juan de Acuña Vela racontait ainsi un de ces accidents survenus lors des préparatifs de la Grande Armada de 1588 à Lisbonne :
À deux heures aujourd’hui, nous avons testé quelques pièces d’artillerie nouvellement fabriquées et il est survenu un grand malheur. Certains artilleurs qui chargeaient une de ces pièces, après l’avoir fait tirer une fois, mirent une cuillère de poudre qui prit feu à l’intérieur du canon et la flamme atteignit une autre cuillère de poudre que l’on mettait dans une autre pièce et, les deux cuillères ensemble provoquèrent une explosion telle qu’elle projeta à vingt pas trois artilleurs, lesquels furent gravement blessés. Deux d’entre eux ont succombé à leurs blessures tandis que le dernier a perdu un bras. […] Les dégâts sont importants, mais ils auraient pu l’être bien plus car deux gentilshommes d’artillerie tombèrent sans se blesser et nous marchions tous non loin du drame161.
232Sans être extrêmement fréquentes, de telles explosions accidentelles se produisaient cependant régulièrement lors des tests de nouvelles pièces ou au sein de l’espace confiné d’un navire ou bien parfois même en plein combat162. Autre risque quotidien, la pratique régulière du tir au canon pouvait à long terme engendrer une cécité partielle ou totale et un certain nombre de vétérans finissaient par perdre la vue163.
La mortalité de la profession devait être relativement élevée car, en plus de ces risques liés à l’usage des pièces d’artillerie, les conditions de service mettaient souvent les corps à rude épreuve. En 1580, trente artilleurs de Burgos se joignirent à l’armée d’invasion du Portugal et, malgré une campagne militaire sans combat, ou presque, une douzaine de ces individus décéda ou tomba malade164. La vie à bord des galions était également difficile. Pour un voyage aller-retour aux Indes, Perez Mallaína estime que la mort, principalement due aux épidémies et aux naufrages, frappait autour de 12 % de l’équipage, ce qui était trois fois plus élevé que le taux de mortalité annuel des habitants de la péninsule ibérique165. D’après l’étude de Delphine Tempère sur les galions du xviie siècle, la probabilité de décéder de maladie ou d’un naufrage était, chez les artilleurs comme chez les autres acteurs de la carrera de Indias, bien plus élevée que celle de mourir au combat166. En d’autres termes, s’engager en tant qu’artilleur était un pari relativement risqué qui s’effectuait dans l’espoir de tirer certains profits. Aussi convient-il maintenant d’analyser les bénéfices que pouvaient obtenir ces marins, soldats et artisans qui faisaient le choix de servir l’artillerie de la Monarchie hispanique.
233Statut socio-économique
des artilleurs
Essentielles pour comprendre les dynamiques d’engagement, les récompenses que la Monarchie hispanique offrait pour le service de son artillerie revêtaient différentes formes. Ainsi, comme l’écrivait le capitaine général de l’artillerie Acuña Vela en 1604 :
Dans toutes les forteresses d’Espagne il y a des artilleurs, dans certaines avec un salaire modéré, dans d’autres avec un salaire faible, dans d’autres avec presque rien et dans d’autres sans aucun salaire, car ils servent seulement pour les privilèges167.
Ces quelques mots montrent que la forme la plus évidente de rémunération des artilleurs, leur salaire, était toujours modeste voire faible bien que variable d’un lieu de service à un autre. Cependant, le service de l’artillerie offrait d’autres types de rétributions. Comme l’affirmait Juan de Acuña Vela, certains individus s’engageaient en tant qu’artilleurs sans salaire, uniquement pour jouir des privilèges. Par conséquent, il s’agit maintenant de cerner l’ensemble des bénéfices économiques et sociaux attachés au statut d’artilleur de la Monarchie hispanique.
Un salaire modeste
Le niveau de salaire des artilleurs de la fin du xvie siècle était un héritage des premières structures d’administration de l’artillerie de l’époque d’Isabelle et Ferdinand. Ainsi dans les premières années du xvie siècle, il existait trois niveaux de salaire pour les artilleurs de Castille, à 50, 60 et 70 maravédis par jour168. À la fin du siècle, on retrouvait précisément les mêmes niveaux de salaire parmi les artilleurs 234ordinaires de Burgos, qui étaient en quelque sorte les héritiers les plus proches du noyau administratif développé au temps des Rois Catholiques169. Ces trois niveaux constituaient différents paliers d’avancement permettant de promouvoir les vétérans. Équivalent à des sommes de 4 à 5,6 ducats par mois170, ces salaires représentaient en 1500 le triple de ce que pouvait espérer gagner un manouvrier en Castille171. Néanmoins, l’afflux massif de métaux précieux américains engendra, en particulier à partir des années 1550, une inflation dont l’importance et la persistance lui a valu de la part des spécialistes de l’histoire économique l’expression de « révolution des prix172 ». La stagnation du salaire des artilleurs de Burgos durant tout le xvie siècle se traduisit donc en réalité par une baisse relative de leurs revenus par rapport au niveau des prix.
Les salaires des artilleurs dans le reste des garnisons espagnoles tendirent à s’aligner sur la norme de Burgos. Très tôt, dans les grandes garnisons frontières qu’étaient Perpignan et Pampelune, les salaires avoisinèrent ceux des artilleurs de Burgos173. Toutefois à Saint-Sébastien, Fontarrabie ou encore Gibraltar, les artilleurs ne touchaient, dans les 235années 1570, que la moitié de cette somme174. Néanmoins, les informations sur les salaires circulaient entre les différentes places fortes espagnoles et, en 1584, les artilleurs de Fontarrabie dénoncèrent une situation qu’ils jugeaient injuste puisqu’ils réalisaient exactement le même travail que leurs collègues de Pampelune et Burgos175. La Monarchie fut contrainte d’augmenter leur salaire si bien qu’à la fin du xvie siècle, les artilleurs de Fontarrabie et Saint-Sébastien touchaient un peu plus de trois ducats par mois176. En 1604, ils se plaignirent de nouveau afin d’obtenir une égalité complète de traitement avec les artilleurs de Burgos177. En conséquence de ces ajustements, les salaires des artilleurs en garnison en Espagne eurent tendance à converger autour de quatre à cinq ducats par mois : les nouveaux artilleurs envoyés en renfort de la défense de Cadix en 1594 furent engagés à quatre ducats par mois et ceux nommés en 1595 à la nouvelle citadelle de Jaca en Aragon recevaient des gages mensuels de six ducats178.
Les salaires d’artilleur étaient sensiblement plus élevés dans les territoires adjacents aux royaumes de Castille et d’Aragon. Un artilleur touchait autour de sept ducats par mois sur les îles de São Miguel et Madère179, autour de six ducats à Angra do Heroismo, à Ibiza ou encore dans la forteresse de La Goulette en Afrique du nord180. Les îles semblent avoir été particulièrement peu attractives pour les natifs de la péninsule. Ainsi, en 1599, le lieutenant d’artillerie de Majorque expliquait au conseil de guerre que
236le Roi Notre Seigneur qui est à présent au ciel ordonna jadis à Francés de Álava, alors capitaine général de l’artillerie, d’envoyer au dit royaume [de Majorque] 16 artilleurs avec un caporal pour qu’ils servent chacun avec quatre ducats par mois, mais seulement deux personnes consentirent à y aller181.
Les places d’artilleur de Majorque à quatre ducats n’intéressaient que les individus locaux. Aussi, le conseil de guerre proposa-t-il d’engager dix Majorquins à ce salaire tandis que six salaires furent augmentés à six ducats par mois afin d’attirer des Espagnols du continent182. Non seulement l’attractivité du lieu mais aussi le coût de la vie influençaient grandement le niveau des salaires. À Lisbonne, ville la plus chère de la péninsule ibérique selon certains témoignages de l’époque183, les salaires des artilleurs passèrent de cinq ducats dans les années 1580 à près de neuf ducats par mois en 1601184.
Ces sommes, généralement autour de quatre à six ducats par mois, constituaient le salaire d’une place ordinaire d’artilleur de garnison mais certains individus touchaient un salaire plus élevé. Un certain nombre d’artilleurs jouissaient d’une ventaja, un avantage qui venait s’ajouter au salaire ordinaire. Cette ventaja récompensait parfois la loyauté et l’ancienneté, comme dans le cas de Rodrigo de Saavedra qui bénéficiait de trois ducats supplémentaires pour ses 40 années de service185. Souvent, lorsqu’un individu assumait une double fonction d’artisan-artilleur, il jouissait de deux ou trois ducats supplémentaires186. Certains individus au talent exceptionnel pouvaient également obtenir ce type d’avantages : ainsi, selon le conseil régent de Portugal, l’artilleur Juan Garlon, du château de Sagres, méritait amplement ses quatre ducats de ventaja car en quelques mois à peine, il était parvenu 237à couler deux navires ennemis et à en endommager bien d’autres187. Le conseil était tant satisfait de ses services qu’il proposait de le promouvoir caporal des artilleurs de Sagres, avec un salaire total d’une quinzaine de ducats188. Ces postes de caporal, parfois aussi appelés cabo de artilleros dans les sources, constituaient pour beaucoup l’aboutissement d’une carrière d’artilleur. Dans l’ancien système encore en vigueur à Burgos, la différence de salaire entre caporal et artilleur était minime189, mais là où de nouveaux postes de caporal étaient créés, les salaires étaient souvent de l’ordre de dix à douze ducats par mois, soit le double de ce que gagnait un artilleur de garnison190.
En Italie et en Flandre, les artilleurs de la Monarchie hispanique touchaient des gages légèrement plus faibles. Ainsi, au château de Milan, les places d’élite avec ventaja atteignaient à peine cinq à six ducats par mois191. En Sardaigne, les artilleurs recevaient trois à quatre ducats et les caporaux cinq192. En Sicile, le salaire des cabos allait de quatre à sept ducats, ce qui laisse supposer que la solde des artilleurs était inférieure193. Dans la garnison de Luxembourg, les artilleurs touchaient, en 1601, autour de trois ducats par mois, et leur caporal (le gentilhomme d’artillerie) en percevait un peu plus de six194. Ce salaire pouvait néanmoins être doublé en cas de participation à une opération militaire : lors du siège de Mons en 1572, les canonniers accompagnant l’armée de Flandre étaient tous 238payés plus de six ducats par mois195. Cette différence de salaire entre les artilleurs d’Espagne et ceux de Flandre ou d’Italie matérialisait les écarts de coût de la vie entre ces différentes régions d’Europe, la péninsule ibérique ayant certainement le niveau de prix le plus élevé de l’époque196. Ainsi, quelque soit le territoire, le salaire ordinaire d’un artilleur demeurait fort modeste, comme le faisait remarquer le vice-roi de Sardaigne en 1578197.
Les garnisons des Indes étaient sans doute les moins attractives aux yeux des artilleurs de l’époque. Ainsi, en 1582, les agents du roi rencontrèrent de grandes difficultés pour trouver, en Andalousie, six artilleurs désireux de servir à Cuba et Porto Rico et, lorsque finalement ils y parvinrent, les volontaires désertèrent avant le départ de la flotte198. L’artilleur de Porto Rico Bartolomé Merced expliquait l’année suivante que le salaire ordinaire d’artilleur de quatre ducats était tellement insuffisant que deux artilleurs avaient choisi d’abandonner la garnison199. D’après le comptable de la place forte, Bartolomé Merced était resté fidèle à son poste pour la simple raison qu’il avait été augmenté à plus de neuf ducats par mois200. Ce manque d’attractivité des places fortes du Nouveau Monde, principalement dû au coût élevé de la vie et à la pénibilité du travail en sous-effectif, demandait à être compensé par des niveaux de salaire deux à trois fois plus élevés que ceux de la péninsule ibérique. Dans les années 1590, la ville de Panama versait à ses frais une quinzaine de ducats par mois à chacun de ses deux artilleurs201. Lorsqu’en 1602, il fallut doter la nouvelle forteresse de Portobelo d’un 239caporal d’artillerie, le gouverneur déclara qu’il fallait offrir un salaire minimum de 20 ducats par mois, car la région était extrêmement chère et les maladies fréquentes202.
À l’exception des galères, au sein desquelles les salaires des artilleurs oscillait entre deux et trois ducats203, le service de l’artillerie sur mer était légèrement mieux rémunéré que celui en garnison. Dès les années 1570, le salaire d’un artilleur à bord d’un galion d’escorte de la carrera de Indias était de cinq ducats, et celui d’un caporal (appelé condestable) de six ducats204. Au sein de la Grande Armada de 1588, les artilleurs touchaient également cinq ducats par mois et la paie de certains caporaux atteignait 12 voire même 20 ducats205. Mise en place dans les années 1590, l’armada del mar Océano offrait environ six ducats par mois pour le service de l’artillerie, et huit à dix ducats pour les caporaux206. Il faut noter une fois de plus les importants écarts entre les différents territoires de la Monarchie hispanique : les paies au sein des navires de guerre d’Anvers et de Dunkerque étaient significativement plus faibles, autour de trois ducats pour un artilleur et cinq ducats pour un caporal207.
240
Lieu |
Date |
Salaire en ducats / mois |
Sources |
|
Artilleur |
Caporal |
|||
Espagne |
1550-1570 |
2-5 |
4,8-5,6 |
– |
Burgos |
xvie siècle |
4-4,8 |
5,6 |
AGS CMC 2a época leg. 414 |
Pampelune |
1570-1600 |
4 |
5,6 |
AGS CMC 2a época leg. 414 |
Saint-Sebastien |
1570 |
2 |
4,8-5,6 |
AGS CMC 2a época leg. 414 |
Gibraltar |
1570 |
2 |
4,8 |
AGS CMC 2a época leg. 414 |
Perpignan |
1560-70 |
4,4-5 |
5 |
AGS CSU 2a época leg. 91 |
Espagne |
1570-1600 |
3,3-6 |
5,6-12 |
– |
Burgos |
xvie siècle |
4-4,8 |
5,6 |
AGS CMC 2a época leg. 414 |
Pampelune |
1570-1600 |
4 |
5,6 |
AGS CMC 2a época leg. 414 |
Saint-Sebastien |
1594 |
3,3 |
– |
AGS GYM lib. 70 fol. 38r |
Cadix |
1594 |
4 |
– |
AGS GYM lib. 63 fol. 268v-269r |
Carthagène |
1589 |
– |
12 |
AGS GYM leg. 254/221 |
Jaca |
1594 |
6 |
– |
AGS GYM lib. 70, fol. 135v |
Îles Méditer-ranéennes |
1570-1600 |
4-6 |
10 |
– |
Majorque |
1599 |
4-6 |
– |
AGS GYM leg. 552/11 |
Ibiza |
1593 |
6 |
– |
AGS GYM leg. 389/795 |
La Goulette (Afrique) |
1573 |
6 |
10 |
AGS GYM leg. 77/206 |
Portugal |
1580-1600 |
5-9 |
10 |
– |
Lisbonne |
1581 |
5 |
10 |
AGS GYM leg, 115/269 |
Lisbonne |
1601 |
9 |
AGS GYM leg. 3143 |
|
Madère |
1583 |
7,5 |
– |
AGS GYM leg. 149/338 |
Açores |
1596 |
6,8 |
– |
AGS GYM lib. 77, fol. 28r |
Italie |
1580-1600 |
3-4 |
4-7 |
– |
Milan |
1583 |
– |
5-6 |
AGS EST leg. 1260/126 |
Sardaigne |
1578 |
3-4 |
5 |
AGS GYM leg. 88/43 |
Sicile |
1591 |
– |
4-7 |
AGS EST leg. 1157/103 |
Pays-Bas |
1570-1600 |
3-6 |
6 |
– |
Luxembourg |
1601 |
3 |
6 |
AGR CP no 621 |
Mons (siège) |
1572 |
6 |
– |
AGR CC no 26170 |
241
Amérique |
1580-1600 |
4-15 |
20 |
– |
Porto Rico |
1583 |
4-9 |
– |
AGI SANTO DOMINGO leg. 14/14 |
Panama |
1592 |
15 |
– |
AGI PANAMA leg. 14 R.8 N. 44 |
Portobelo |
1602 |
– |
20 |
AGI PANAMA leg. 1/165 |
Galères |
1570-1600 |
2,5-4 |
– |
– |
Galères d’Espagne |
1571 |
2,5 |
– |
AGS GYM leg. 175/4 |
Galères d’Espagne |
1584 |
3 |
– |
AGS GYM leg. 175/169 |
Galères de Naples |
1574 |
2,5 |
– |
AGS EST leg. 1065/25 |
Galères de Gênes |
1600 |
3-4 |
– |
AGS VG leg. 77 |
Armada |
1570-1600 |
3-6 |
5-20 |
– |
Carrera de Indias |
1570-1600 |
5 |
6 |
AGI CT leg. 3915 et 3956 |
Grande Armada |
1588 |
5 |
12-20 |
AGI CT leg. 2934 |
Armada del mar Océano |
1590-1600 |
6 |
8 |
ANTT CRC NA 679 AGS GYM leg. 397/96 AGS GYM leg. 378/85 |
Armada de Dunkerque |
1600 |
3 |
5 |
AGR CA no 79 |
Fig. 23 – Comparaison des salaires d’artilleurs dans divers territoires
de la Monarchie hispanique.
En dépit de leur variabilité, il est possible d’affirmer que ces sommes d’argent signifiaient un statut économique relativement modeste des artilleurs. À titre de comparaison, les lieutenants d’artillerie jouissaient de 25 ducats par mois, soit environ cinq fois le salaire ordinaire d’un artilleur208. Le contraste avec d’autres techniciens au service de la Monarchie est particulièrement frappant : les ingénieurs militaires bénéficiaient de salaires incommensurablement plus élevés, de la trentaine à la centaine de ducats par mois209. Les maîtres fondeurs 242travaillant pour le roi recevaient entre 25 et 50 ducats par mois210. Selon Perez-Mallaína, un pilote de la carrera de Indias gagnait quant à lui entre 300 et 400 ducats par voyage211. Cependant, la Monarchie hispanique requérait ces professions techniques onéreuses en faibles quantités, de l’ordre de quelques dizaines d’individus au mieux. En revanche, il lui était certainement impossible de maintenir des niveaux de salaires comparables pour des artilleurs qu’elle devait recruter par centaines voire par milliers Le salaire offert aux artilleurs les rapprochait en réalité des sous-officiers. Généralement supérieur de 25 à 50 % à celui des soldats et des marins, il équivalait approximativement à celui d’un cabo (caporal) ou tambor (en charge du tambour) de l’infanterie ou bien à celui d’un guardian (responsable de l’ordre) ou d’un alguacil del agua (responsable des rations d’eau) sur un navire212. La paie des artilleurs les situait au niveau du personnel qualifié d’un galion composé des charpentiers, chirurgiens-barbiers et scribes213.
À la fin du xvie siècle toutefois, compte tenu de la montée des prix, le salaire ordinaire d’un artilleur rendait cet office assez peu attractif pour un ouvrier qualifié. Ainsi, un artilleur du fort de Luxembourg gagnait neuf florins par mois contre une douzaine de florins en moyenne pour un maçon à Anvers et environ sept florins pour un journalier214. À Séville, un charpentier ou un maçon pouvait espérer acquérir une dizaine de ducats par mois, soit le double du salaire d’un artilleur de la carrera de Indias, qui empochait en fait à peine plus qu’un journalier 243en Castille215. Cependant, plus que le service de l’artillerie, c’était le service du roi, en général, qui était mal rémunéré. L’attractivité était si faible que la Monarchie devait parfois recourir à la violence pour recruter ses marins216. Lors de ces campagnes de recrutement forcé, les places d’artilleurs, mieux payées, étaient offertes aux individus les plus enthousiastes et les plus influents afin qu’ils motivent et encouragent les autres marins à joindre l’armada217. Il faut par conséquent considérer l’artilleur comme un individu privilégié parmi l’énorme masse de serviteurs de la Monarchie. Les inventaires après décès des artilleurs morts à bord des galions de la carrera de Indias tendent à le confirmer. La plupart d’entre eux voyageaient avec plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de ducats de possessions : capes, vêtements, épées et autres armes, outils d’artilleur ou d’artisan, argent comptant, bijoux et parfois même barres d’or et perles sont autant de preuves que bon nombre d’artilleurs parvenaient à s’enrichir sur les navires de la Monarchie218. Il est également nécessaire de rappeler que l’on trouvait parmi les rangs des artilleurs de nombreux artisans qualifiés – charpentiers, maçons, forgerons – pour lesquels le service de l’artillerie du roi demeurait attractif malgré la faiblesse des salaires. En réalité, accéder au statut d’artilleur s’accompagnait de la jouissance de nombreux privilèges et avantages économiques et sociaux qu’il convient de présenter.
Avantages économiques et sociaux
du service de l’artillerie
Le salaire n’était que le plus visible des bénéfices économiques qu’un individu pouvait tirer du service au roi. La Monarchie offrait par exemple une forme de sécurité sociale aux artilleurs qui l’avaient 244servie au moins quelques années. Les individus estropiés, malades ou trop vieux pour servir jouissaient parfois de plazas muertas, touchant un salaire dans une garnison sans obligation de service219. Les veuves d’artilleurs vétérans pouvaient obtenir des pensions versées au nom d’un de leur fils ou bien, lorsqu’elles n’en avaient pas, elles étaient invitées à se remarier avec un soldat qui jouirait de la sorte d’une ventaja220. Servir la Monarchie permettait également de faciliter l’embauche de certains proches et les duos d’artilleurs frères, père-fils ou oncle-neveu étaient relativement fréquents221. Quelquefois, l’ascension sociale au service de la Monarchie se faisait en deux étapes, comme dans le cas de Manuel de Abreo, fils d’un artilleur de Porto Rico, qui devint pilote de la carrera de Indias222. L’exemple le plus manifeste de ces stratégies familiales de service dans l’artillerie fut sans doute celui des Ballesteros : neuf Ballesteros furent artilleurs de Burgos dans les 1570-1590, deux d’entre eux parvinrent au grade de caporal223 et deux individus de la génération suivante (Francisco et Hernando) firent de brillantes carrières 245en tant que fondeurs d’artillerie dans les premières années du xviie siècle à Lisbonne, Cuba et Séville224.
Par ailleurs, au sein des garnisons, l’office d’artilleur occupait rarement les individus à plein temps. Les artilleurs de Burgos avaient ainsi une obligation de résidence de seulement quatre mois sur douze, ce qui signifie qu’ils étaient libres de cumuler ce salaire avec celui d’une autre activité durant huit mois de l’année225. Le service de l’artillerie dans la plupart des autres garnisons requérait une présence permanente, mais cette présence pouvait être compatible avec une seconde activité. Ainsi, au château de Milan, l’artilleur Alberto Saeta fabriquait des armes qu’il vendait sur l’une des places principales de la ville226. D’autres artilleurs produisaient de la poudre noire chez eux avec l’assistance de leur femme227. Dans certaines garnisons, développer une activité annexe était probablement une question essentielle de subsistance dans la mesure où les artilleurs ne touchaient parfois aucun salaire pendant plusieurs années228. Dans d’autres lieux, l’office d’artilleur n’était d’ailleurs pas envisagé comme l’activité principale d’un individu : ainsi, à Malaga et à Carthagène, les artilleurs servaient sans solde, uniquement pour la jouissance des privilèges229. La même logique d’activité semi-professionnelle s’appliquait certainement aux places de ayudantes (assistants artilleurs) de Perpignan et de Sardaigne payées un ducat par mois, ou bien à celles de Majorque, non-payée230.
246En outre, pour comptabiliser les revenus d’un artilleur de l’époque, il faut également inclure les avantages perçus en nature. Les artilleurs de l’île de Madère par exemple recevaient chaque année deux barriques de vin231. De même, tous les hommes d’équipage des navires de guerre du roi avaient droit à des rations quotidiennes de pain, de vin et de nourriture. Il faut noter que, contrairement au salaire comptant qui perdit de la valeur du fait de l’inflation, ce paiement en nourriture suivit le phénomène d’augmentation des prix. Aussi, la valeur de ces victuailles pouvait-elle presque doubler le salaire d’un artilleur à la fin du xvie siècle232. Certains n’hésitaient pas à économiser leurs rations lors des traversées puis à les revendre lors des escales ou à les ramener à leur foyer233. Dans certains escadrons et, notamment, à bord des galères, les artilleurs jouissaient d’un traitement de faveur et recevaient même des rations supplémentaires qui pouvaient sans aucun doute servir à la revente ou bien à la consommation familiale234. Ces avantages en nature permettaient certainement de contrebalancer le manque d’attractivité du salaire très faible des galères.
Par ailleurs, les navires d’escorte de la carrera de Indias présentaient un immense avantage économique puisqu’ils offraient un accès au commerce entre l’Europe et l’Amérique. Chaque membre d’équipage avait en effet droit à un volume de fret, appelé quintanada, que certains louaient à des marchands tandis que d’autres l’utilisaient à leur propre profit235. Les inventaires des artilleurs décédés en cours de voyage vers les Indes révèlent souvent des malles remplies de bibelots de toutes sortes : des vêtements et du textile, des couteaux et des épées, des miroirs et des peignes, des colliers et des chapelets en verre coloré ou en faux corail236. En 1589, lorsque les officiers de la casa de la contratación firent ouvrir la 247caisse de l’artilleur napolitain Juan Fernández Rojo, assassiné près de Séville avant le départ de la flotte, ils eurent la surprise de découvrir des centaines de marchandises hétéroclites que cinq particuliers – dont la fiancée du défunt – avaient remis à cet artilleur pour qu’il les vendît de l’autre côté de l’Atlantique237. À leur retour des Indes, certains artilleurs voyageaient avec de véritables petites fortunes en or et en argent provenant des ventes de leur cargaison238. C’est la raison pour laquelle, d’après le duc de Medina Sidonia, il était impossible à l’armada del mar Océano de rivaliser avec l’attractivité de la carrera de Indias malgré des salaires ordinaires supérieurs :
Il n’y a pas homme qui, flairant quelque chose des Indes, n’accourt pas à ce service parce qu’ils y gagnent, prospèrent et y font leur petit commerce, et il en résulte qu’ils quittent les armadas de Votre Majesté239.
De plus, pour certains individus, s’engager dans les équipages de la carrera de Indias était une manière de gagner l’Amérique sans demander d’autorisation à la casa de la contratación. Delphine Tempère a ainsi identifié plusieurs de ces passagers clandestins auxquels les capitaines de navire vendaient des places d’artilleurs puis les laissaient s’enfuir dans quelque port américain240.
À côté de ces multiples bénéfices économiques, les artilleurs jouissaient de privilèges judiciaires qui contribuaient indéniablement à l’attractivité de la profession autant qu’ils en façonnaient le statut241. Ils jouissaient ainsi de la liberté de porter des armes tant défensives qu’offensives et pouvaient donc arborer fièrement leur casque, armure, épée, dague et arquebuse marquant leur statut d’hommes de guerre242. 248Ils étaient non seulement exemptés de nombreuses corvées – tours de garde, accueil des soldats dans leurs maisons – mais ils bénéficiaient aussi d’une sorte d’immunité judiciaire qui ne les rendait justiciables que par le capitaine général de l’artillerie. Le chapitre précédent a montré combien ce fuero artilleur fut important dans le processus de consolidation du pouvoir central mais, sur le plan de la relation entre l’artilleur et la société, il contribuait à construire l’image d’un homme au-dessus des lois, jouissant en quelque sorte d’une forme de noblesse acquise par le service à la Monarchie. Il n’y a par conséquent rien d’étonnant à ce que ces privilèges aient généré un certain engouement pour la carrière d’artilleur. À Malaga et à Carthagène, près d’une centaine d’individus servaient gratuitement le roi contre le seul bénéfice de ces avantages243. Partout où des écoles d’artilleurs émergèrent, la jouissance des privilèges joua un rôle clé dans la motivation de centaines d’apprentis244. Ces avantages économiques et juridiques offerts par le pouvoir royal participaient indéniablement à la construction d’une forte identité socioprofessionnelle des artilleurs au sein de l’univers social de leur temps.
Les artilleurs et la religion
La relation qu’entretenaient les artilleurs avec la religion apparaît de manière sporadique dans les sources de l’appareil d’État espagnol. D’abord, certains documents démontrent une forme de tolérance envers la religion des artilleurs au service de la Monarchie hispanique. Comme la partie suivante le met en évidence, une importante proportion d’artilleurs était recrutée dans des territoires à majorité protestante. Le gouvernement madrilène donnait pour consigne de n’engager que des individus catholiques, mais les agents chargés du recrutement se confrontaient à une réalité de terrain bien distincte et demandaient parfois un peu de souplesse en la matière. Ainsi, en 1589, le conseil d’État avait confié au duc de Terranova, alors gouverneur de Milan, le recrutement de deux cents artilleurs allemands pour compenser les pertes de l’Invincible Armada245. Trouver autant d’experts de l’artillerie allemands de religion catholique s’avéra une tâche impossible, comme Terranova l’expliqua au roi :
249Le secrétaire Calmona, qui est parti au Tyrol pour trouver les 200 artilleurs comme j’en ai précédemment informé Votre Majesté, m’a écrit qu’il ne sera pas possible d’en trouver autant de catholiques, ni même d’hérétiques, sans beaucoup de temps et de travail ni sans aller les chercher en Saxe et dans les cités maritimes de la Hanse. […] Je supplie Votre Majesté de m’informer si Elle accepterait que l’on en recrute de la nouvelle religion, car autrement, il ne faut pas songer trouver 200 artilleurs compétents dans cet art. En outre, j’ai appris que, lorsque le comte Jérome de Lodrone s’en fut au Portugal avec son régiment, il fournit 100 artilleurs sans se préoccuper de leur religion, car, comme il l’affirme, ces individus sont des mercenaires qui servent convenablement du moment qu’on les paie246.
Le comte de Lodrone, qui était l’un des principaux capitaines de mercenaires allemands au service de Philippe II247, avait manifestement fourni à la Monarchie hispanique des contingents d’artilleurs luthériens. Le type de négociations engagées dans le cas présent entre le pouvoir central et les autorités militaires chargées localement du recrutement des artilleurs révèle l’existence d’une certaine marge de flexibilité quant à la religion des individus entrant au service du Roi Catholique.
Cet exemple invite à formuler l’hypothèse d’un régime d’exception religieuse qui se serait appliqué aux artilleurs. Ces techniciens étaient devenus tellement vitaux pour les ambitions géopolitiques de la Monarchie hispanique qu’ils semblent avoir obtenu une forme de protection vis à vis des autorités ecclésiastiques, en dépit de l’énorme poids politique et social de l’Inquisition et de la Contre-Réforme au sein de la péninsule ibérique248. À ce sujet, il faut une fois de plus rappeler que les artilleurs 250bénéficiaient de privilèges qui ne les rendaient justiciables que par le capitaine général de l’artillerie et le conseil de guerre, ce qui constituait certainement un frein aux potentielles menées des autorités ecclésiastiques. Néanmoins, la validation de cette hypothèse nécessiterait de mener des recherches approfondies dans des fonds archivistiques qui n’ont pas été consultés pour cette étude car trop éloignés de son thème central, mais qui permettraient peut-être de repérer les traces d’artilleurs ayant eu des déboires avec l’Inquisition249.
Cependant, même si la profession d’artilleur au service de la Monarchie offrit ponctuellement une protection à quelques individus non-catholiques, la religion catholique demeurait omniprésente en son sein, notamment à travers le patronage de Sainte Barbe – Santa Bárbara. On trouve des traces du culte de cette sainte par des artilleurs dès le début du xvie siècle : le 4 décembre 1521, sa fête fut célébrée par les artilleurs de l’expédition de Fernand de Magellan aux Moluques250 et, l’année suivante, les artilleurs de Burgos firent tirer plusieurs canons en son honneur251. Dans la seconde moitié du xvie siècle, ce culte se vit institutionnalisé par la création de confréries d’artilleurs. Ainsi, en 1582, le capitaine général Francés de Álava favorisa la création d’une confrérie de Sainte Barbe à Burgos252. Ce même personnage fut également responsable de la mise en place d’une confrérie similaire à Lisbonne253. À propos de Pampelune en 1595, le conseil de guerre évoquait « la salve que l’on a coutume de faire le jour de la Sainte Barbe dans l’église où les artilleurs ont une chapelle et une confrérie à leur compte254 ». Autrement dit, à la fin du xvie siècle, la plupart des grandes garnisons devaient sans doute posséder leur confrérie d’artilleurs dédiée à Sainte Barbe. Le phénomène gagna également la mer. Ainsi, à bord des navires de la carrera de Indias, les artilleurs jouissaient d’un espace qui leur était réservé, habituellement appelé 251rancho de Santa Bárbara, où ils mangeaient et dormaient ensemble en plus d’y entreposer le matériel255. Cette relation privilégiée entre les artilleurs et Sainte Barbe était répandue à l’époque et l’on trouvait des confréries semblables en Flandre256 ainsi qu’en Italie257. Il faut également noter que le culte a perduré jusqu’à nos jours parmi les artilleurs et s’est même étendu à d’autres professions techniques telles que les mineurs ou les ingénieurs258.
Ce patronage religieux des artilleurs par Sainte Barbe revêtait diverses fonctions. Selon la légende, lorsque cette martyre chrétienne avait été décapitée par son propre père, la foudre s’était abattue sur ce dernier, le tuant sur le coup259. C’est la raison pour laquelle le culte qui s’était développé par la suite lui attribuait des vertus de protection contre la mort violente. Confronté quotidiennement aux risques du maniement des explosifs, les artilleurs valorisaient naturellement son intercession. Le célèbre auteur de traité d’artillerie Luis Collado décrivait ainsi le mode opératoire à suivre pour charger un canon :
Mais avant de mettre le boulet, l’artilleur doit le prendre avec les deux mains et, par dévotion et bonne usance, il doit faire un signe de croix avec devant la gueule de la pièce en invoquant le nom de la glorieuse Sainte Barbe son intercesseuse et avocate, puis il peut insérer le boulet. […] Lorsqu’il veut faire feu avec la pièce, il doit invoquer à nouveau Sainte Barbe pour qu’elle intercède auprès de Dieu Nôtre Seigneur en faveur de l’artilleur et le protège de la morte subite et de tout autre risque de perdre la vie260.
252Par ailleurs, si la sainte était censée offrir une protection quotidienne face aux dangers de la profession, la confrérie permettait quant à elle de bénéficier d’avantages sociaux qui venaient compléter ceux octroyés par la Monarchie à ses serviteurs les plus fidèles. Ses membres devaient s’entraider face à la maladie et aux difficultés économiques ; à leur mort, ils bénéficiaient de prières pour le salut de leur âme261. La création de ces confréries de Sainte Barbe s’inscrivait dans un phénomène plus large de multiplication des confréries religieuses dans les territoires catholiques après le Concile de Trente262. Il devint en effet fréquent en Europe de voir des métiers s’organiser autour de ce type d’organisations charitables et solidaires263. Dans le cas des artilleurs cependant, en l’absence de véritables corporations de métier, la confrérie était souvent le principal élément qui réunissait localement les individus de cette profession. Ainsi, à Burgos, tous les artilleurs de la forteresse avaient obligation de s’inscrire au sein de la confrérie de Sainte Barbe264. En d’autres termes, ces confréries participèrent à la construction de l’identité socioprofessionnelle des artilleurs et à sa différenciation du reste de la société.
253Origines géographiques
et circulation des artilleurs
Au xvie siècle, la profession d’artilleur, comme de nombreuses autres professions techniques, se caractérisait par une importante mobilité internationale265. Les listes d’artilleurs recrutés pour les flottes atlantiques révèlent ainsi une circulation européenne d’artilleurs d’Italie, de Flandre, des ports hanséatiques voire même de plus loin, venus servir sur les galions de la carrera de Indias ou des armadas espagnoles266. Ce recrutement à l’échelle de l’Europe s’appuyait principalement sur les réseaux diplomatiques et commerciaux de l’Espagne. La Monarchie organisait ainsi parfois la migration de groupes de dizaines d’artilleurs originaires de territoires alliés tandis qu’en Espagne, on usait du pouvoir attractif de l’argent américain mêlé parfois à un peu de violence afin de s’attacher le service d’artilleurs de passage sur des navires marchands étrangers. Toutefois, ce recours fréquent à des mercenaires étrangers déplaisait à un certain nombre d’officiers espagnols qui mettaient en avant les risques élevés de sabotage et de trahison de la part d’individus qui n’étaient pas sujets du roi d’Espagne. Il s’agit ici donc expliquer cette tension entre, d’une part la nécessité d’un recrutement européen compte tenu des besoins croissants en artillerie et, d’autre part, les difficultés et risques que ce recrutement représentait pour la Monarchie hispanique.
Une circulation européenne des artilleurs
Les séries de données concernant l’origine des individus recrutés comme artilleurs parmi les galions d’escorte de la carrera de Indias 254dessinent plusieurs grandes zones de recrutement. Parmi elles, la plus évidente était la région de Séville et de la Basse-Andalousie où les flottes étaient appareillées chaque année. Il s’agissait de la zone principale d’approvisionnement de la carrera de Indias en marins267, mais sa contribution aux équipages d’artilleurs fut dans un premier temps assez modeste : au tournant des années 1560 et 1570, la proportion d’artilleurs originaires d’Andalousie avoisinait les 15 % seulement. Cependant, le recrutement local se renforça et, dans le dernier quart du xvie siècle, les Andalous (principalement de Séville, Triana, Ayamonte, Sanlúcar de Barrameda, Jerez de la Frontera, Moguer et Puerto de Santa María) constituaient souvent près d’un tiers des effectifs d’artilleurs.
Au sein du royaume de Castille, l’autre principale région de recrutement d’artilleurs était située au nord, le long de la côte cantabrique, entre San Vicente de la Barquera et Fontarrabie. Ces nombreux ports des provinces de Guipúzcoa, Biscaye et Cuatro Villas où l’on fabriquait la plupart des galions de la Monarchie alimentaient en hommes les flottes de guerre du roi d’Espagne268. Dans les années 1560, cette région fournissait aux galions transatlantiques près d’un tiers de leurs artilleurs mais sa participation déclina significativement à la fin du xvie siècle, probablement en raison de la peste et d’un épuisement général de ses ressources humaines269. En marge de ces deux grands pôles de recrutement, les artilleurs espagnols avaient des origines très disparates à l’intérieur de la péninsule ibérique bien qu’il faille souligner une certaine prépondérance des villes portuaires, qu’elles fussent en Galice (Bayona, Vigo, Cangas, Pontevedra), aux Baléares (particulièrement Palma de Majorque) ou encore en Catalogne (Barcelone et Palamos)270. En additionnant ces différentes contributions, les royaumes de Castille et d’Aragon pourvoyaient systématiquement plus de la moitié des effectifs d’artilleurs.
Hors de la péninsule ibérique, la zone de recrutement des artilleurs de la Monarchie hispanique s’étendait à l’Est en Méditerranée. L’Italie constitua, pendant de nombreuses décennies, un important contributeur 255aux effectifs d’artilleurs des galions de la carrera de Indias. Cependant, fait surprenant, ces artilleurs italiens ne provenaient pas, pour la plupart, des territoires assujettis à la Monarchie hispanique. Ce sont surtout des Génois, des Vénitiens et des Niçois qui figurent dans les listes d’équipage que j’ai consultées. On y trouve également quelques Romains, des Toscans, mais seulement une poignée de Napolitains et aucun Sicilien ou Milanais. Plus à l’Est, quelques individus venaient des îles grecques sous domination vénitienne telles que la Crète (Candia dans les sources) ou encore Céphalonie, ce qui confirme les observations de Schwartz quant à la participation des experts grecs aux grandes conquêtes de la Monarchie hispanique271.
Enfin, les galions de la carrera de Indias avaient besoin de recourir massivement à des individus venant du nord de l’Europe. Les documents laissent entrevoir ce manque de familiarité culturelle entre, d’une part, ces étrangers septentrionaux forcés de décliner leur identité, leur âge et leur lieu de naissance dans une langue qu’ils ne maîtrisaient pas et, d’autre part, ces officiers comptables espagnols transcrivant tant bien que mal dans une phonétique latine les sons germaniques qu’ils entendaient. Même si les sources spécifient souvent la région de référence (Flandre, Hollande, Haute ou Basse Allemagne, Tyrol, etc.), l’identification précise des villes d’origine de ces individus est parfois difficile et sujette à interprétation. Ainsi, lorsqu’un certain Cristóbal Barquiman embarqua en tant qu’artilleur à bord du galion Trinidad de la Grande Armada contre l’Angleterre, on annota qu’il venait de « Danayque », écriture phonétique castillane probable de La Haye, prononcée « Den Haag » en néerlandais272. Il en résulte que les cartes des figures 24 à 29 contiennent sans doute quelques erreurs qui ne changent certainement pas les grandes lignes des résultats de mes recherches.
256Fig. 24 – Origines géographiques de 117 artilleurs de la carrera de Indias (années 1570).
Carte réalisée par l’auteur. Sources : AGI CT leg. 3914 (flotte de Tierra Firme, 1570), leg. 2937
(flotte de Nouvelle-Espagne, 1574), leg. 3915 (flotte de Tierra Firme + armada de guarda, 1574).
Fig. 25 – Origines géographiques de 99 artilleurs de la carrera de Indias (années 1580). Carte réalisée par l’auteur.
Sources : AGI CT leg. 2933 (armada de Magallanes, 1581), leg. 2940A (flotte de Nouvelle-Espagne, 1582), leg. 2941 (flotte de Tierra Firme, 1584), leg. 2940B (flotte de Tierra Firme, 1588). Informations ponctuelles : AGI CT leg. 3922 (flotte de Tierra Firme, 1586).
Fig. 26 – Origines géographiques de 106 artilleurs de la carrera de Indias (années 1590). Carte réalisée par l’auteur.
Sources : AGI CT leg. 2956 (armada de guarda, 1593), leg. 3937 (flotte de Nouvelle-Espagne, 1593), leg. 3956 (Flotte de Honduras, 1597), leg. 2967 (flotte de Nouvelle-Espagne, 1601). Informations ponctuelles : AGI CT leg. 2945 (flotte de Nouvelle-Espagne, 1589), leg. 486/1(6) (artilleur sévillan), leg. 3938 (patache de Tierra Firme, 1592), leg. 254/4(3) (artilleur de Castropol), leg. 254/4(2)
(artilleur flamand), leg. 264/1(7) (artilleur de Malaga), AGS GYM leg. 281/138 (condestable de Cologne).
Fig. 27 – Origines géographiques de 248 artilleurs de la Grande Armada de 1588 (escadron de Castille
appareillé en Andalousie). Carte réalisée par l’auteur. Source : AGI CT leg. 2934. Informations ponctuelles :
AGS GYM leg. 316/144 (artilleur napolitain), lib. 45, fol. 27r (condestable allemand), leg. 222/54 (cabo sicilien).
Fig. 28 – Origines géographiques de 105 artilleurs de l’armada del mar Océano (1590-1603). Carte réalisée par l’auteur.
Sources : AGI CT, leg. 2965 (Andalousie, 1599), leg. 2973 (Andalousie, 1603). ANTT Contos do Reino NA. 679 (Portugal, 1602). Informations ponctuelles : AGS GYM leg. 394/68, 69, 91, 111, 112, 269, 270, 271, 285, 315 (Portugal, 1593), leg. 389/249, 273,
296, 799 (Portugal, 1593), leg. 387/232 (artilleur flamand), leg. 397/5, 72, 82, 121 (Portugal, côte cantabrique, 1593).
Fig. 29 – Origines géographiques des artilleurs de la carrera de Indias, zoom sur la péninsule ibérique.
La première visualisation compile les données des figures 24, 25, 26 tandis que les trois suivantes reprennent
dans le même ordre les données de chacune de ces cartes.
Cette expertise technique nord-européenne provenait avant tout des grands ports des Pays-Bas et de la Hanse. Parmi les artilleurs de la carrera de Indias, on trouvait ainsi un grand nombre d’Anversois, de Hambourgeois et d’Amstellodamois, mais aussi quelques individus de Lübeck, de Copenhague, ou encore de Norvège ou même d’Irlande. La prépondérance des cités portuaires était parfaitement cohérente avec le fait que la majorité des artilleurs de la carrera de Indias étaient issus de la profession de marin. D’autres villes proches de ces ports fournissaient également de menus contingents. Ainsi, on trouve régulièrement, dans les listes d’équipage, des artilleurs originaires de la grande ville libre de Cologne, ou encore des centres métallurgiques sous domination espagnole qu’étaient Liège et Utrecht273. En revanche, les individus des puissantes nations rivales de l’Espagne telles que la France et l’Angleterre n’embarquaient que très rarement sur les galions transatlantiques. Il faut souligner ici l’originalité que représentait la profession d’artilleur : parmi les autres professions de la carrera de Indias, les trois-quarts des étrangers étaient des Portugais et des Italiens274. Il faut toutefois noter que cette affinité des Allemands et des Flamands à l’art de l’artillerie n’était pas nouvelle et, déjà au début du xvie siècle, l’expansion portugaise outre-mer avait reposé sur un recours massif à ces hommes du nord reconnus pour leur expertise en matière de canons275.
Il faut cependant noter une certaine évolution des zones de recrutement en Europe du nord durant les dernières décennies du xvie siècle. Au début des années 1570, les artilleurs nord-européens de la carrera de Indias provenaient essentiellement des Pays-Bas et ils étaient donc pour la plupart des sujets du roi Philippe II. Cependant, le renforcement de la révolte dans les années 1576-1579, de la mort du gouverneur Requesens à la formation de l’Union d’Utrecht, induisit sans doute une méfiance grandissante des capitaines de la carrera de Indias à l’égard de ces individus dont la plupart venaient de villes rebelles – Anvers ne fut récupérée par 263Alexandre Farnèse qu’en 1585276. C’est sans doute la raison pour laquelle le recours aux artilleurs flamands chuta brusquement dans les années 1580 au profit d’un recrutement local, en Andalousie, alors en pleine expansion grâce à la mise en place de l’école d’artilleurs de Séville277. Toutefois, les pertes de la Grande Armada de 1588 et la nécessité d’équiper rapidement des flottes de guerre grandissantes eurent raison de cette tendance au repli régional : on assista, dans les années 1590, à une phase d’internationalisation de la profession d’artilleur, avec non seulement le retour en force des Pays-Bas – et même de la ville rebelle d’Amsterdam – mais aussi un recours croissant aux individus des villes hanséatiques d’Hambourg, Gdansk et Copenhague.
Le spectre géographique de recrutement variait selon l’intensité des besoins et les ressources disponibles. Par exemple, en 1576, un escadron de 20 zabras et 3 pinazas fut appareillé sur la côte cantabrique afin d’être envoyé en Flandre sous le commandement de Juan Martínez de Recalde278. Le nombre total d’artilleurs requis pour ces navires de taille modeste ne dépassait pas la quarantaine d’individus. En outre, cette région du nord de l’Espagne était, on l’a vu, l’une des plus abondantes en techniciens du canon. Par conséquent, les listes d’équipage de cet escadron révèlent que le recrutement fut entièrement local, les artilleurs étant tous originaires de ports situés à moins de 100 kilomètres du lieu d’appareillage279.
L’opération de tous les records que fut la Grande Armada de 1588 nécessita quant à elle la participation d’artilleurs venus véritablement des quatre coins de l’Europe. La carte du recrutement des artilleurs embarqués dans l’escadron de Castille, appareillé en Andalousie, partage un certain nombre de caractéristiques avec les cartes de recrutement de la carrera de Indias280. La Basse-Andalousie (et notamment Séville, Triana, Ayamonte), ainsi que les ports basques et cantabriques fournirent plus des trois-quarts des artilleurs ibériques. La proportion d’artilleurs non-ibériques atteignait par contre un niveau record à près de 45 % des effectifs totaux. La contribution italienne, avec Venise et Gênes 264toujours en tête, était sensiblement plus modeste que lors des trajets transatlantiques. En dépit des affrontements qui se poursuivaient aux Pays-Bas entre troupes royalistes et rebelles, la Monarchie hispanique avait fait embarquer d’importants effectifs d’artilleurs originaires des ports d’Anvers, d’Amsterdam, de Bruges et de Groningen. Cependant, les principaux foyers fournisseurs d’artilleurs s’étaient clairement déplacés vers l’est et le nord, préfigurant la tendance que l’on a notée dans le recrutement de la carrera de Indias des dernières années du xvie siècle : les ports hanséatiques de Hambourg, Lübeck, Stettin et Gdansk primaient sur ceux des Pays-Bas et étaient secondés, dans une moindre mesure, par les villes de Copenhague, Stockholm et Königsberg. À ces individus de la Hanse et de la Baltique venaient s’ajouter un petit nombre d’artilleurs de Haute Allemagne, du Tyrol et d’Irlande qui, par affinités religieuses ou par lien diplomatique, se trouvaient impliqués dans les luttes contre l’Angleterre élisabéthaine.
Mise en place après le désastre de l’Invincible Armada, dans une période de manque constant d’artilleurs, l’armada del mar Océano représenta l’apex des équipages cosmopolites de la période. Les Ibériques ne constituaient qu’un tiers des artilleurs tandis que les deux autres tiers étaient équitablement partagés entre nord-Européens et méridionaux d’Italie et de Grèce. Le recrutement des artilleurs septentrionaux suivait cette même tendance générale à la supplantation des Flamands par les Hanséates, principalement originaires de Hambourg et de Lübeck. Les galions de la Monarchie hispanique s’étaient aussi considérablement ouverts aux artilleurs irlandais, écossais et, dans une moindre mesure, anglais, dans cette période d’interventionnisme espagnol en Irlande281. L’autre changement notable concernait l’origine des artilleurs méridionaux puisque les Génois, Vénitiens et Romains, bien que toujours présents, étaient désormais en infériorité numérique face aux sujets du roi d’Espagne en particulier napolitains et siciliens. Le service de l’artillerie de l’armada del mar Océano drainait également plus d’individus de la 265Méditerranée orientale, des îles de Crète, Chypre et Chios ainsi qu’un « Turc » que les sources disaient originaire de Kazan282.
La nature cosmopolite des équipages d’artilleurs à bord des navires espagnols est confirmée par divers témoignages qui n’ont pu être intégrés aux données cartographiques à cause de leur manque de précision. En 1593, Pedro de Zubiaur, général de l’escadron biscayen, écrivait au conseil de guerre que sur 92 artilleurs sous son commandement, 32 étaient d’origine flamande, allemande, ou hongroise et huit étaient italiens283. Des noms tels que Bartolomé de Niza, Jusepe Veneciano ou encore Bautista de Venecia laissent supposer une forte présence d’Italiens parmi les artilleurs des galères de Bretagne, à la fin du xvie siècle284. Le fait que la Monarchie hispanique retint à son service un grand nombre de soldats étrangers n’a rien d’une nouveauté historiographique : comme le rappelle Henry Kamen, la victoire « espagnole » de Saint-Quentin (1557) fut acquise par une armée dont seulement un dixième des effectifs était espagnol285. Cependant, au sein de l’armée de Flandre, les soldats étaient tous regroupés dans des tercios selon leur « nation » – espagnole, italienne, allemande, wallonne, bourguignonne, irlandaise, anglaise286 – tandis que les équipages d’artilleurs mélangeaient quant à eux les individus. En 1593, à bord du navire Nuestra Señora de Begoña de l’armada de guarda de la carrera de Indias, se côtoyaient autour d’un noyau de six Basques, trois Hambourgeois, trois Génois, deux Vénitiens, deux Andalous, deux Amstellodamois, un Ragusain, un Danois, un Norvégien, un Majorquin et un Minorquin287. On peut imaginer les soucis de communication lorsqu’il fallait coordonner les manœuvres de l’artillerie. Aussi, lorsqu’il fallut trouver un prêtre pour la confrérie de Sainte Barbe à Lisbonne, le lieutenant d’artillerie recommanda-t-il le père Ricardo, d’origine irlandaise, polyglotte sachant parler l’italien, l’allemand et le castillan, « ce qui était absolument nécessaire pour confesser les artilleur étrangers288 ».
266Bien que la composition des garnisons soit plus difficile à saisir en l’absence de données sérielles, il est possible d’affirmer que le recrutement y revêtait aussi une certaine dimension internationale. Les comptes de la place forte de Perpignan révèlent, pour la période 1550-1570, la présence de trois Flamands, deux Français (l’un du Rouergue, l’autre de Bourgogne) et un Portugais, tandis que le reste des effectifs dont l’origine était spécifiée se partageaient équitablement entre les royaumes de Castille et d’Aragon289. Les sources mentionnent fréquemment des artilleurs étrangers en garnison : un artilleur flamand au château de Setubal290 sept artilleurs allemands dans les forteresses de Galice291, trois autres Allemands à Madère292, quatre artilleurs anglais aux Açores293, un Anglais à la Havane ainsi qu’un Flamand et un Portugais – avant l’union des Couronnes ibériques – à Carthagène des Indes294. Des compagnies de cinquante ou cent artilleurs allemands furent même engagées pour certaines opérations telles que la conquête du Portugal et des Açores (1580-1583) ou encore la répression de la révolte aragonaise de 1591295. Par ailleurs, il faut souligner la complexité des mouvements à l’œuvre car, si beaucoup d’étrangers venaient servir dans les flottes et garnisons d’Espagne, un certain nombre d’Espagnols étaient envoyés servir loin de chez eux. La ville stratégique de Milan, à la fois verrou de l’Italie et point de départ du chemin des Espagnols vers les Pays-Bas, possédait ainsi une garnison principalement constituée de Castillans au sein de laquelle le service de l’artillerie ne faisait pas exception à la règle296. Dans cette même logique, l’artillerie de Lisbonne n’était pas placée entre les mains de sujets locaux et l’on préférait nommer aux postes d’artilleurs des Espagnols, voire des Italiens ou des Allemands297. Comme le chapitre précédent l’a mis en évidence, cette 267politique de nomination participait d’un processus de renforcement général du contrôle madrilène sur l’artillerie des différents territoires de la monarchie composite.
Aux Pays-Bas cependant, le recrutement des artilleurs semble être demeuré plus local. Bien que les documents comptables n’indiquent pas l’origine des individus, celle-ci peut être partiellement déduite des noms inscrits dans les registres. Or, ces noms suivent la prédominance linguistique de chaque ville, ce qui laisse supposer un recrutement fortement local. Ainsi, dans la garnison de Luxembourg, la quasi-totalité des patronymes affichent de fortes consonances germaniques298 (Rutger Schlosser, Peter Roloff, Mathias Schmidt) tandis que les canonniers de Mons possédaient tous des noms français (François du Bois, Jehan Andrieu) et ceux de Malines pour la plupart des noms flamands (Jan Van Muylen, Ructer Van Loeven) ainsi que quelques noms français (Jehan Sevard, Anthoine de Carpent)299. Le même constat ressort de la lecture des listes d’équipage des navires des armadas de Dunkerque et d’Anvers : parmi les dizaines de patronymes inscrits en tant qu’artilleurs par le comptable espagnol se trouvent une écrasante majorité de noms flamands (Jansen, Cornelis, Jong, etc.) au milieu desquels l’on devine parfois quelques Allemands (Cristian Lubeque) tandis que les patronymes à consonance française (Calaut, Jurel, Outrelet) représentaient 10 à 20 % des artilleurs300. Autrement dit, en Flandre et en Wallonie, les ressources humaines qualifiées étaient suffisamment abondantes pour pourvoir les places d’artilleurs des garnisons et des navires de guerre locaux malgré l’émigration massive d’artilleurs flamands vers la péninsule ibérique. En revanche, la présence des méridionaux au nord se faisait extrêmement rare puisqu’apparaissent seulement trois noms espagnols (Andrés de Uribe, Juan Felipe, Pedro de Sobrado) et un italien (Antonio Rosso) dans l’ensemble des escadrons de Dunkerque et Anvers301. Il faut cependant rappeler que les salaires d’artilleurs y étaient significativement inférieurs à ceux de la péninsule ibérique ce qui ne manquait pas de rendre le service de l’artillerie flamande peu attractif aux Espagnols et aux Italiens.
268Canaux de recrutement :
réseaux diplomatiques et marchands
Maintenant que l’existence d’un vaste marché international des artilleurs a été mis en évidence, il convient de comprendre de quelle manière et par quels moyens il put être mis en place et fonctionner avec autant de dynamisme. L’un des principaux canaux de recrutement était le fruit du développement étatique. Il s’agissait d’une coopération entre l’administration militaire et les réseaux diplomatiques de la Monarchie hispanique. Les mécanismes en jeu apparaîtront clairement à travers l’analyse du recrutement de compagnies d’artilleurs en Haute Allemagne. Ces compagnies regroupant une cinquantaine voire une centaine d’individus furent régulièrement levées pour des besoins ponctuels tels que les campagnes de don Juan en Méditerranée (1571-1573)302, la conquête du Portugal et des Açores (1580-1583)303 ou encore la répression de la révolte aragonaise (1591)304. À la fin des campagnes, ces artilleurs mercenaires allemands n’étaient pas systématiquement démobilisés et l’on trouve régulièrement des mentions de quelques effectifs demeurés en garnison, par exemple en Galice, à Lisbonne, ou encore en Aragon305.
L’une de ces levées d’artilleurs allemands intervint au lendemain du désastre de l’armada d’Angleterre. Confronté aux nombreuses pertes humaines, le roi envoya en février 1589 un courrier au gouverneur de Milan (le duc de Terranova) lui ordonnant de réunir d’urgence 200 artilleurs du Tyrol, de Venise ou d’ailleurs, prêts à servir en Espagne306. Cette mission allait mobiliser les réseaux diplomatiques de la Monarchie dans trois directions différentes. Le duc de Terranova proposait de s’occuper lui-même de recruter quelques individus en terres vénitiennes et à Milan307. Par ailleurs, l’ambassadeur de Philippe II à Gênes, don 269Pedro de Mendoza, fut également impliqué dans l’affaire et fournit au duc de Terranova un petit contingent d’artilleurs anglais, catholiques expatriés308. Enfin, la plupart des effectifs furent trouvés au nord des Alpes. Dès réception des ordres du roi, Terranova envoya en Autriche son secrétaire, Antonio Calmona, qui était « en très bons termes avec l’archiduc et ses ministres309 ». La démarche s’inscrivait clairement dans le jeu diplomatique de Philippe II avec ses cousins Habsbourg d’Autriche. Des récompenses étaient également prévues pour les autres princes prêts à coopérer. Ainsi, pour lever des hommes dans la ville de Salzbourg, Calmona négocia un titre de colonel et un habit de l’ordre d’Alcantara ou de Calatrava pour le frère de l’archevêque310. Malheureusement, les résultats du recrutement ne furent pas à la hauteur des espérances : faute de temps, le secrétaire Calmona n’était pas parvenu jusqu’à la Saxe et aux cités de la Hanse qui, on l’a vu, regorgeaient d’artilleurs311. De ces efforts combinés à Venise, à Gênes, en Autriche et en Bavière, on parvint finalement à réunir 57 artilleurs allemands, italiens et anglais312.
À l’été 1589, cette compagnie devait embarquer à Gênes avec une troupe de 3 000 fantassins allemands afin d’être transférée en Espagne, mais, à cause des prétentions excessives de l’infanterie allemande, Philippe II décida d’envoyer un ordre d’annulation et de renvoi des troupes juste avant leur embarquement en Ligurie313. Signe des grandes difficultés qu’il y avait à trouver des artilleurs, le duc de Terranova prit la précaution de ne pas renvoyer la petite compagnie acquise avec tant d’efforts, comme il l’écrivit au monarque :
Ce type de personnel, une fois renvoyé, ne peut se retrouver sans beaucoup de temps, d’argent et de difficultés. Aussi est-il de plus de service à Votre Majesté de garder ces artilleurs sous la main, sans regarder à la dépense que l’on pourrait économiser en les renvoyant314.
270L’ambassadeur de Philippe II à Gênes fut finalement chargé d’organiser l’acheminement de ces artilleurs vers la péninsule ibérique et tous embarquèrent en octobre 1589 dans un bateau en partance pour Alicante315.
À leur arrivée en Espagne, l’administration du capitaine général de l’artillerie prit le relais. Don Juan de Acuña Vela désigna Alonso Carrasco de Cuellar, officier d’artillerie qui avait l’habitude de traiter avec les artilleurs allemands, afin d’acheminer cette compagnie d’Alicante à Burgos316. Le voyage entre la côte méditerranéenne et le haut plateau de Burgos, situé à près de 900 mètres d’altitude, signifiait un parcours de plus de 600 kilomètres au beau milieu de l’hiver. En outre, le convoi était composé non seulement d’hommes mais aussi de femmes et d’enfants car certains de ces mercenaires s’étaient faits accompagner de leur famille. Aussi le capitaine général de l’artillerie insista-t-il pour qu’on leur réservât le meilleur traitement possible, en mettant à leur disposition charrettes, victuailles et cédules royales de libre-passage et de droit de logement317. Ce déplacement jusqu’à la capitale de l’artillerie castillane était motivé par plusieurs raisons. D’abord, Burgos, ville bon marché, était vue comme une étape assez commode vers la destination finale de cette troupe : l’escadron cantabrique de l’armada del mar Océano318. En outre, ce haut lieu de l’art de l’artillerie possédait les ressources humaines et matérielles permettant de tester les compétences des mercenaires étrangers et de combler leurs lacunes éventuelles, comme cela fut le cas lorsque cette compagnie arriva au milieu du mois de février 1590319.
La venue de cette troupe à Burgos souleva cependant un nouveau problème. Il fallait loger temporairement de nombreuses familles à une distance raisonnable du château afin que les mercenaires pussent s’y rendre en journée pour s’exercer avec les artilleurs castillans qui y résidaient. De plus, Carrasco de Cuellar refusait qu’ils fussent dispersés car il avait, disait-il, besoin de les garder tous sous sa vigilance afin d’éviter, en particulier, les abus d’alcool320. Ce problème engendra un échange triangulaire de courriers entre Carrasco de Cuellar, le conseil 271de guerre et les autorités locales réticentes à ce projet de logement321. Cependant, la situation se résolut d’elle même car, au mois de mai suivant, cette compagnie d’artilleurs embarqua à Santander sur divers navires de l’escadron de Martin de Bertendona322. L’opération avait été coûteuse en temps et en argent ; elle avait nécessité un an et trois mois d’efforts menés par divers agents de la Monarchie hispanique en Italie, en Autriche et en Espagne pour un gain d’une cinquantaine d’artilleurs mercenaires.
Ce terme de « mercenaire » était précisément celui employé par les sources. Comme la partie précédente l’a évoqué, une certaine souplesse était parfois demandée au gouvernement madrilène afin de tolérer le recrutement d’artilleurs luthériens, comme ce fut le cas pour cette cinquantaine d’artilleurs allemands. Or, l’argumentation en faveur de ce type de requête s’appuyait sur la logique du mercenariat, expliquant que ces individus étaient prêts à servir n’importe quel maître du moment qu’ils recevaient leur argent323. Comme le disait le duc de Terranova, l’essentiel était que les artilleurs mercenaires fussent dument payés. Les Allemands avaient d’ailleurs la réputation d’être très pointilleux et de n’accepter aucun retard dans le paiement de leurs soldes324. Cette compagnie d’artilleurs recrutés en Allemagne refusa de s’embarquer à Gênes sans être payée325 et Carrasco de Cuellar expliquait combien il était difficile de leur faire entendre raison quant à leurs inacceptables exigences de paiement en milieu de mois326. Par conséquent, le service de ces artilleurs qui n’étaient pas sujets du roi d’Espagne s’inscrivait dans le cadre d’un rapport économique entre employeur et employé dont le contrat était scellé et ritualisé par une cérémonie lors de laquelle les mercenaires juraient leurs bons et loyaux services327.
Du fait de ce statut contractuel et du manque chronique d’artilleurs, il arrivait non seulement que la Monarchie engageât des protestants, mais aussi des adversaires. Un document du conseil de l’amirauté de Flandre recense les noms de l’équipage d’un navire hollandais capturé en 1597 272par le capitaine Gaspard Rombouts de l’escadron de Dunkerque328. Faisant figurer l’origine des individus, cette liste donne d’abord une idée du spectre géographique de recrutement des Provinces-Unies. Il apparaît que, comme la Monarchie hispanique, les Provinces-Unies recouraient à des mercenaires étrangers pour le maniement de l’artillerie puisque, sur douze artilleurs présents dans la liste, cinq étaient Hollandais, un Wallon (de West-Cappel), quatre Allemands (de villes proches des Pays-Bas telles que Cologne, Munster ou encore Brunswick), et les deux derniers venaient de Scandinavie, plus précisément de Norvège et du Danemark. Il y avait indubitablement un flux important d’artilleurs mercenaires originaires des cités d’Allemagne du nord et de Scandinavie louant leurs services aussi bien aux Pays-Bas qu’en Espagne. Cette même année 1597, le conseil de l’amirauté passa d’ailleurs un contrat avec un capitaine suédois qui devait amener de Stockholm un navire de guerre entièrement équipé en hommes et en artillerie329. Néanmoins, la liste de cet équipage capturé aux ennemis hollandais présente un autre intérêt : il s’agissait en réalité d’une liste de recrutement établie par le comptable militaire Diego de Peralta afin de valider l’entrée de ces artilleurs au service de Philippe II330. Considérés comme des mercenaires contractuels, certains artilleurs pouvaient visiblement changer de camp du jour au lendemain comme s’il s’agissait simplement de changer d’employeur. C’est sans doute cette souplesse liée au statut de mercenaire et à la difficulté de trouver des individus aptes à l’office qui explique qu’autant d’artilleurs originaires de villes protestantes (de la Hanse et de Scandinavie) ou de cités rebelles (Amsterdam, Utrecht, Groningen) furent malgré tout engagés à bord des galions espagnols de la carrera de Indias, de la Grande Armada contre l’Angleterre ou encore de l’armada del mar Océano.
Le réseau diplomatique et militaire de la Monarchie hispanique fut certainement le canal le mieux organisé pour le recrutement des mercenaires artilleurs mais il fut loin d’être le seul. Une proportion importante (peut-être même majoritaire) de cette circulation internationale d’artilleurs s’effectuait à travers les réseaux commerciaux. La péninsule ibérique se situait au carrefour entre les trafics maritimes 273méditerranéen, atlantique et nord-européen. Depuis au moins le xve siècle, la Basse-Andalousie exportait son huile d’olive et son vin vers Bruges, Anvers, Londres, l’Irlande et la Bretagne331. Lorsqu’elle n’était pas productrice, cette région jouait un rôle de connexion comme dans le cas de la cochenille produite aux Canaries puis au Mexique et exportée vers Anvers et l’Italie332. Séville abritait une importante communauté de marchands génois ayant des affaires en Italie, en Flandre et au Nouveau Monde333. L’Espagne constituait à la fois un partenaire commercial et une escale vers l’Angleterre et les Pays-Bas pour les Vénitiens dont le trafic vers le Ponant s’intensifia au xvie siècle en raison du développement de l’industrie textile (requérant de la laine) et de la nécessité d’approvisionner en céréales une population toujours plus nombreuse334. Les Flamands entretenaient quant à eux un important trafic commercial avec les ports cantabriques et andalous jusqu’à ce que leurs hourques se fassent peu à peu détrôner à la fin du xvie siècle par les vlieboots hollandais lancés à la conquête du commerce entre la Méditerranée et l’Europe du nord335. Au début des années 1560, la péninsule ibérique représentait ainsi près des deux-tiers du commerce des Pays-Bas336. Autrement dit, dans la seconde moitié du xvie siècle, de nombreux navires de fret en provenance d’Anvers, de Gênes, de Venise ou encore d’Amsterdam faisaient régulièrement escale dans les ports de Basse-Andalousie. Ce trafic maritime constituait à n’en pas douter la voie principale par laquelle tant d’artilleurs anversois, génois, vénitiens et amstellodamois s’engagèrent sur les galions espagnols appareillés en Andalousie.
274La présence croissante des artilleurs hanséates fournit un argument supplémentaire en faveur de cette hypothèse du trafic marchand comme principal canal de circulation des mercenaires. Depuis la fin du Moyen Âge, le commerce des grands ports de la Hanse (Hambourg, Brême, Lübeck, Gdansk) avec la péninsule ibérique avait principalement pour destination le Portugal car il s’agissait surtout d’échanger les céréales de la Baltique contre le sel portugais337. La situation changea cependant dans les années 1580, lorsque la Monarchie hispanique se lança dans une guerre économique contre les Anglais et Hollandais, multipliant les embargos dans les ports ibériques338. Une forme d’alliance fut alors forgée entre Philippe II et les cités hanséatiques dans la perspective dans les voir remplacer les Hollandais et les Anglais dans le commerce entre la péninsule ibérique et l’Europe du nord339. Cette politique donna un formidable élan à la présence hanséate en Espagne. Avant la fin du siècle, les marchands de la Hanse s’étaient emparé de plus de 20 % du commerce de la carrera de Indias340. De ce commerce avec l’Espagne, les Hambourgeois se taillèrent la part du lion. À la fin du xvie siècle, 80 à 90 navires faisaient annuellement l’aller-retour entre Hambourg et la péninsule ibérique341. Les deux autres principaux partenaires de ce trafic furent, dans l’ordre, Lübeck et Gdansk342. Ce tournant commercial, dans les années 1580-1600, en faveur de la Hanse et au détriment des Pays-Bas reflète exactement ce qui peut être observé en cartographiant l’origine des artilleurs : les effectifs étaient proportionnels au volume du trafic de chaque port, classant dans le même ordre d’importance Hambourg, Lübeck et Gdansk comme principaux foyers d’origines des mercenaires artilleurs343.
Il est difficile de savoir si ces artilleurs mercenaires effectuaient le voyage dans le but spécifique de vendre leurs compétences au roi d’Espagne ou 275s’ils agissaient par pur opportunisme. Il faut rappeler ici que quasiment tous les navires marchands de l’époque naviguaient avec de l’artillerie et des artilleurs à leur bord344. De passage en Andalousie, un certain nombre de ces artilleurs de navires marchands étaient certainement tentés par les opportunités qu’offrait la carrera de Indias. Les écarts de salaire entre la péninsule ibérique et les Pays-Bas ou l’Italie alimentaient sans doute cet afflux de mercenaires. Un salaire de six ducats par mois sur un galion de l’armada del mar Océano était moyennement attractif pour un travailleur qualifié castillan tandis qu’il représentait un gain d’environ 50 % pour un maçon anversois345. S’engager pour l’Espagne constitua également pour certains catholiques, en particulier anglais, écossais et irlandais, un moyen de fuir les persécutions dans leur pays346.
Il faut par ailleurs considérer que le passage des mercenaires artilleurs depuis les navires marchands vers les flottes de guerre de la Monarchie hispanique s’opérait parfois par l’usage de la force. De nombreux navires privés en mouillage dans les ports de la péninsule ibérique étaient régulièrement saisis par les agents du roi en vue de la préparation des armadas. Contrairement aux embargos ciblant les Anglais et Hollandais dans le cadre du blocus commercial, ces réquisitions visant à s’approvisionner en ressources militaires pouvaient frapper tout navire de fret, quelle que fût sa provenance. C’est d’ailleurs ainsi que fut constituée une partie de la Grande Armada de 1588 : l’escadron du Levant se composait d’une dizaine de grandes caraques originaires de Venise, Gênes et Raguse et celui des hourques rassemblait plus de vingt navires originaires des Pays-Bas, de Hambourg, de Gdansk et du reste de la Baltique347.
Les hommes d’équipage, comme les navires, étaient parfois la cible de ces pratiques coercitives. Ainsi, lorsque la Monarchie dut faire face à une forte pénurie d’artilleurs au lendemain du désastre de la Grande Armada, le capitaine Marcos de Aramburu, qui avait pris part à cette dernière, proposait qu’un officier fût envoyé en Andalousie pour recruter
276les artilleurs qu’il pourra trouver dans les hourques allemandes, les navires français et du Levant y faisant escale et qu’il les attire avec les moyens les plus agréables possibles et des salaires d’avance pour que davantage d’artilleurs se joignent. […] Et si cela ne suffit pas, […] que l’officier porte sur lui une commission l’autorisant à user d’une force modérée afin de réquisitionner quelques individus à chaque navire en fonction de ce qu’il possède348.
Le duc de Medina Sidonia qui, en qualité de capitaine général d’Andalousie, se retrouva en charge de l’exécution de ce projet possédait alors des informations précises sur les navires de commerce présents dans les ports de Basse-Andalousie et le nombre d’artilleurs que chacun transportait349. Il demeurait cependant pessimiste quant aux possibilités de recruter ces artilleurs de leur plein gré, expliquant qu’il avait fallu récemment en « forcer » quelques-uns à joindre les navires du roi350. Le duc préconisait donc d’agir avec beaucoup de discrétion et suggérait même le recours à des moyens coercitifs plus sévères pour éviter toute possibilité de fuite :
Si Votre Majesté ordonne qu’on s’empare de ces individus de force, il conviendra qu’ils soient ensuite mis aux galères ou dans quelque prison pour les garder en sûreté, car autrement ils ne resteront pas. Et pour cette raison, il me semble falloir éviter tout bruit et démonstration dans cette affaire car sinon ils prendront la fuite351.
Le recrutement dans de telles conditions n’offrait sans doute pas la meilleure garantie de services de la part des artilleurs. Néanmoins, cette pratique apparaît peu souvent dans les sources, signe qu’elle resta marginale, utilisée simplement en cas de forte nécessité.
277Dangers, craintes et sabotages : l’enjeu de la loyauté
Ce système de recours à des mercenaires souleva cependant d’importantes questions de loyauté et de confiance. Le manque de fiabilité des troupes mercenaires, que Machiavel jugeait « désunies, ambitieuses, indisciplinées et déloyales », s’était érigé en un véritable topos de la littérature politique de l’époque352. Remis au goût du jour par le courant humaniste, cet idéal anti-mercenaire attaché aux pratiques de guerre de la Rome républicaine était devenu un élément courant du discours des réformateurs militaires de la Renaissance353. Cependant, ce discours masquait une réalité bien différente : comme l’a récemment montré David Parrott, les transformations de la révolution militaire induisirent un recours croissant aux mercenaires, entrepreneurs et autres professionnels de la guerre354. En ce sens, le recrutement d’artilleurs venus des quatre coins de l’Europe s’inscrivait dans une tendance plus générale à la montée en puissance du marché privé de la guerre. Néanmoins, certaines considérations concrètes s’appliquant au cas spécifique des artilleurs venaient compléter la rhétorique humaniste anti-mercenaire. Les artilleurs, dont les compétences étaient fort recherchées par toutes les puissances militaires de l’époque, furent en effet les acteurs d’une guerre de l’ombre, faite d’espionnage et de sabotages, entre les différents États de la Renaissance.
En février 1574, le duc de Terranova, alors président de Sicile355, conclut un marché avec deux artilleurs originaires de l’île de Chios356. Ces deux hommes avaient appris l’art de l’artillerie à Constantinople où ils avaient vécu plusieurs années mais, lorsque les Ottomans s’emparèrent de leur île natale en 1566, ils décidèrent de changer de maître et s’engagèrent comme artilleurs sur les galères de Sicile. Nourrissant un projet de revanche contre leur précédent employeur, ils proposèrent au duc de Terranova d’user de leurs contacts à Constantinople afin de s’introduire dans l’arsenal ottoman et d’y produire un terrible incendie à l’aide de mixtures dont ils avaient le secret. Le duc accepta le marché, leur livra une belle somme d’argent et promit de verser leurs salaires à leurs 278femmes durant leur absence357. De passage à l’île de Chios en mai 1574, ils aperçurent l’armada turque en route pour l’attaque de La Goulette et en informèrent le duc, jouant donc un premier rôle d’espions358. Ils arrivèrent à Constantinople au début du mois de juillet 1574 et, comme l’arsenal était vide suite au départ de la flotte, ils ourdirent un autre plan. Grâce à la complicité d’un cuisinier, ils parvinrent à s’introduire dans le palais de Topkapi, résidence du sultan, et y allumèrent un feu inextinguible qui ravagea en grande partie les cuisines et marqua l’histoire de l’édifice359. Ils parvinrent ensuite à retourner en Sicile et proposèrent même une seconde tentative de sabotage, pour l’année suivante, avec la complicité d’un maître artisan de l’arsenal360.
De toute évidence, l’artilleur jouissait à l’époque d’une position privilégiée pour ce genre d’opérations non seulement de par ses compétences en pyrotechnie mais aussi parce qu’il bénéficiait, semble-t-il, d’un statut accepté de mercenaire international qui ouvrait bien des portes, lui permettant, sans trop d’inconvénients, de se glisser à travers divers territoires ennemis. Par ailleurs, le duc de Terranova était manifestement un spécialiste de l’organisation de ce type de missions d’infiltration. En décembre 1588, lorsqu’il était gouverneur de Milan, il passa un nouveau marché visant cette fois l’Angleterre361. La rumeur circulait alors qu’un gentilhomme anglais avait été chargé par la reine Elizabeth de recruter des artilleurs en terres vénitiennes362. Il faut d’abord constater que pour l’Angleterre, comme pour l’Espagne, la région de Venise constituait un lieu de prédilection pour le recrutement d’artilleurs mercenaires. Il était cependant risqué pour les Anglais de recruter dans un territoire si proche de l’influence hispanique. Le duc de Terranova reçut en effet à Milan une proposition de la part d’un certain Giulio Maria Barone, artilleur au profil itinérant, vénitien d’origine ayant grandi à Marseille 279et servi Philippe II à Naples et au Portugal. Avec six compagnons artilleurs, il souhaitait offrir ses services au gentilhomme anglais afin d’infiltrer l’armée ennemie et commettre quelque méfait363. Le duc envoya aussitôt de Milan un courrier urgent au roi car il fallait décider au plus vite avant que le gentilhomme anglais ne quittât l’Italie. Le roi et le conseil d’État se réjouirent de l’initiative. Une fois en Angleterre, ces artilleurs espions devaient se mettre en contact avec l’ambassadeur don Bernardino de Mendoza (alors en France) et l’on discuterait de ce qui pourrait être fait364. Dans l’idéal, disait la réponse du roi au duc de Terranova, ces hommes devaient tenter de soulever l’équipage d’un navire anglais et d’en faire la capture365. L’histoire ne dit malheureusement pas ce qu’il advint de cette opération mais ce qu’il importe ici de comprendre, c’est que la Monarchie hispanique se servait du phénomène général de circulation internationale des artilleurs pour espionner et perpétrer des attaques en marge du champ de bataille.
Pratiquant ce type de tactiques, la Monarchie hispanique risquait également d’en être victime. En 1577, le capitaine général de l’artillerie dénonçait ainsi la présence de nombreux artilleurs flamands, allemands et français espionnant les routes de la carrera de Indias :
Ils se rendent experts de cette navigation et il en résulte un grand problème qui est que, certains d’entre eux décident d’aller servir dans des navires de leurs nations et, avec la connaissance qu’ils ont acquis de nos routes, ils vont piller les Indes et tous les navires d’Espagne qui voyagent sur la carrera366.
En engageant des mercenaires étrangers, la Monarchie courait donc le risque de dévoiler ses secrets et faiblesses aux corsaires et pirates. Parfois, les conséquences du recrutement d’étrangers étaient bien plus directes, comme le révèle le cas du San Pelayo, l’un des principaux navires de guerre de la flotte envoyée en 1565 sous le commandement de l’adelantado Pedro Menéndez de Avilés pour chasser les Français établis en Floride367. Le 280San Pelayo fut perdu à la suite d’une mutinerie ayant impliqué tous les hommes d’équipage étrangers : deux Français et deux Anglais prisonniers à bord parvinrent en effet à convaincre dix-huit Levantiscos (originaires de la Méditerranée orientale, principalement de Grèce), deux Catalans et un groupe de sept artilleurs flamands, de se soulever contre la quinzaine de marins espagnols et de tuer leurs commandants368. Les Grecs souhaitaient se faire pirates en Méditerranée, mais les Français, avec la complicité des artilleurs flamands imposèrent violemment leurs vues et mirent cap sur la France. Toutefois, en l’absence de pilote, le San Pelayo erra et alla finalement s’échouer sur les côtes danoises. Sans nul doute, cette mutinerie répondait plus à de l’opportunisme qu’à un véritable plan d’opération comparable à celui du duc de Terranova et de Giulio Maria Barone contre l’Angleterre, mais l’épisode montre clairement la vulnérabilité des bâtiments de guerre à ce genre d’attaques. Un autre type d’attaque à la portée de tout artilleur mal intentionné consistait à faire exploser le navire. Ainsi, la première perte de la Grande Armada de 1588 résulta d’une explosion interne probablement causée par un artilleur allemand par esprit de vengeance personnelle contre un membre d’équipage espagnol – officier ou capitaine, les histoires divergent369.
Ces risques bien concrets générèrent un climat général de suspicion des officiers espagnols à l’égard des artilleurs étrangers. Présent à Alicante lors du débarquement de la troupe d’artilleurs envoyée depuis Milan par le duc de Terranova en 1589, le marquis de la Fabara écrivit au roi qu’il y avait, parmi ces mercenaires, un chef anglais « dont on ne pouvait avoir confiance » et qui lui paraissait fort « suspect370 ». De même, le commandant de l’île de Terceira affirmait au conseil de guerre ne pas pouvoir se fier aux artilleurs anglais sous ses ordres371. Le risque imminent d’une attaque ennemie tendait à exacerber ce sentiment de méfiance. Ainsi au début du mois de juillet 1586, tandis qu’un escadron de vingt-neuf navires anglais sous le commandement de Francis Drake rôdait encore dans les Caraïbes372, le commandant de la forteresse de la Havane se dit prêt à renvoyer tous les artilleurs étrangers de sa garnison :
281Les étrangers ne sont bons d’aucune manière, l’on ne peut jamais avoir confiance en eux. Ainsi, je suis déterminé à expulser de la forteresse tous les artilleurs étrangers et à les renvoyer à Séville avec la flotte de passage ici, même si je manque terriblement d’artilleurs373.
Au début du xviie siècle, plusieurs capitaines de navires furent invités à témoigner devant les officiers de la casa de la contratación de leurs mauvaises expériences avec des artilleurs étrangers374. Fort de 26 années d’expérience à bord des galions de la carrera de Indias, le capitaine Miguel de Valdés affirmait ainsi avoir vu certains artilleurs étrangers manifester parfois le désir d’une victoire ennemie375. Lors de l’attaque anglaise sur la flotte du général Francisco del Corral en 1597, les artilleurs étrangers de son navire ne causèrent aucun dommage à l’ennemi car, disait-il, ils pointaient volontairement mal leurs pièces376. Le jeune capitaine Sancho de Beurco raconta quant à lui que, au retour des galions de Luis Fajardo en 1601, il y eut une escarmouche lors de laquelle certains artilleurs étrangers firent feu sans boulet, pour protéger les ennemis377. Il ajoutait qu’il était difficile de prévenir de tels sabotages discrets, car le commandant de bord « ne pouvait se trouver partout à la fois378 ». Un autre capitaine avait néanmoins trouvé une parade à ce problème en assignant à chaque artilleur étranger des soldats ou marins espagnols chargés autant d’aider à opérer les pièces que de veiller à leur « sécurité379 ».
Selon ces capitaines, les artilleurs étrangers pouvaient causer des troubles bien plus graves encore lorsqu’ils étaient en charge des pièces 282d’une forteresse. À Portobelo, une rumeur publique circulait, affirmant que le sac de la ville par le corsaire anglais William Parker en 1601 avait été rendu possible grâce à la complicité des artilleurs étrangers de la forteresse :
Le témoin [Miguel de Valdés] a entendu au port comme une chose publiquement et notoirement connue que, lorsque l’ennemi anglais surgit, il entra de nuit par le chenal, s’empara du lieu, le mit à sac et partit sans recevoir de dégâts d’aucun boulet d’artillerie du château et l’on raconte que cela était survenu ainsi parce que les artilleurs du dit château étaient étrangers et ils tiraient volontairement au-dessus de l’ennemi380.
Cet exemple révèle la circulation orale d’histoires dénonçant les trahisons d’artilleurs étrangers. Ces rumeurs étaient même relayées par la publication d’imprimés. Dans son traité d’artillerie, Luis Collado rejetait catégoriquement le recours aux mercenaires étrangers381. Pour justifier sa position, l’auteur transcrivait une histoire « que lui avait racontée » le fameux général Sancho Dávila, dans laquelle on retrouvait les techniques de sabotage décrites par les capitaines de la carrera de Indias : assiégé à Anvers, le général espagnol n’avait pu riposter car ses artilleurs, tous flamands, tiraient les pièces sans boulets ou sans viser correctement, afin d’éviter de blesser leurs compatriotes rebelles382.
Dans tous ces témoignages, il est difficile de séparer la réalité des faits de ce qui relève d’une rhétorique anti-mercenaire alors très en vogue383, ou bien même de ce qui se range du côté de la xénophobie pure et simple. Il faut cependant noter que, contrairement à Machiavel et aux admirateurs du modèle antique de la milice-armée, ces récits 283ne reprochaient aucunement aux mercenaires de faire de la guerre un commerce384. Quelle que soit son origine, un artilleur au service de la Monarchie était payé pour ses services, le fait était accepté. La critique portait uniquement sur le caractère « étranger » de ces artilleurs mercenaires, mais encore fallait-il s’entendre sur la définition de ce terme. Pour certains, la séparation d’avec l’étranger était construite sur le lien de vassalité entre le souverain et les sujets de ses différents États385. Mais alors pourquoi se méfiait-on des artilleurs flamands, pourtant sujets du roi d’Espagne ? La définition de l’artilleur étranger, fort subjective et variable selon les lieux et les points de vue, reposait sur des composantes avant tout politiques et secondairement culturelles : on craignait surtout de confier l’artillerie à l’ennemi anglais, au rebelle flamand, au rival français et, dans une moindre mesure, à l’hérétique allemand.
Il faut toutefois rappeler que, en dépit de ce sentiment fort répandu de défiance envers les artilleurs étrangers, la Monarchie hispanique continua de recourir massivement aux mercenaires. La cartographie montrant l’origine des artilleurs révèle plutôt, on l’a vu, une tendance à l’internationalisation de la profession dans les dernières années du xvie siècle et les premières années du xviie siècle. Le développement de la puissance navale espagnole dans l’Atlantique dévorait un grand nombre d’artilleurs et nécessitait d’être nourri par un flux constant de techniciens importés d’ailleurs. Loin d’être tous des espions infiltrés, ces artilleurs étrangers faisaient même parfois carrière au service de la Monarchie hispanique. L’anversois Cosme Adrian servit ainsi régulièrement sur les galions de la carrera de Indias au moins à partir de 1570 et mourut sur l’un d’entre eux en 1581386. Les artilleurs Jacome de Lubeque (allemand), Donato Juan (irlandais), Francisco Antonio Speculia (italien), Ventura Cifalonia (grec) et Luis Velanger (flamand) étaient tous venus participer à la Grande Armada de 1588 et servaient encore en 1593 sur les navires de Philippe II387.
284Conclusion
À l’aube du xvie siècle, l’artilleur était un expert technique rare et cher. Les informations manquent pour évaluer précisément le statut et le profil de ces premiers canonniers au service des Rois Catholiques388. Les salaires, on l’a vu, étaient nettement supérieurs à ceux de la plupart des ouvriers qualifiés. En France, le niveau des soldes plaçait les artilleurs « parmi les nantis du monde militaire » pour reprendre l’expression de Paul Benoit389. Quelques dizaines de ces coûteux techniciens suffisaient alors à faire la guerre aux États voisins390. Un siècle plus tard, suite à la multiplication des forteresses à bastions et des navires de guerre de haut-bord, l’artilleur était devenu un technicien plus commun. Dans ce processus de transformation, il avait perdu son statut de privilégié du monde militaire. Largement exclu des structures d’encadrement mises en place autour de lui, il se situait désormais clairement du côté de l’exécutant, de l’opérateur, même s’il jouissait d’une certaine prééminence économique par rapport aux innombrables autres serviteurs tels que les soldats d’infanterie et les marins.
Néanmoins, cette transformation avait ouvert de multiples possibilités pour de nombreux contemporains. Le recrutement en masse de ces artilleurs facilita l’accès à la profession d’un spectre élargi de la population. Pour des centaines de marins et de soldats, ce fut synonyme de promotion sociale et d’augmentation de salaire. Pour certains artisans, cela offrit l’occasion de joindre le service du roi et les nombreux privilèges qui y étaient associés. Pour de nombreux étrangers, il fut alors possible d’obtenir une petite part des immenses richesses espagnoles et américaines. Certains consacraient leur carrière entièrement à l’artillerie, d’autres joignaient le service du roi le temps 285d’une campagne ; rares étaient ceux qui faisaient fortune, mais tout aussi rares étaient ceux qui mouraient sans legs. Tous alimentaient un appareil militaire qui avait désespérément besoin de leurs compétences pour fonctionner. Ce monde socioculturel de l’artillerie, alors extrêmement dynamique, était en train de prendre forme. Or, sous l’action de cette force qui augmentait irrésistiblement l’usage de l’artillerie pour faire face aux puissances rivales, la rencontre entre ces multiples trajectoires individuelles et les structures étatiques émergentes produisit une importante innovation : des écoles de formation à l’artillerie apparurent sous le patronage de l’État, contribuant à redessiner la relation entre compétences, savoirs et individus à l’aube des grandes transformations scientifiques du xviie siècle.
1 Collado, Luis, Plática manual de artillería, op. cit., fol. 102v-103r. « Les éléments, Monsieur, qui sont requis pour former un artilleur parfait consistent d’une part en la vertu intérieure de l’homme et dons de la nature et, d’autre part, en son apparence extérieure. Ceux qui procèdent de la vertu naturelle découlent du fait que, comme l’art de l’artillerie est artificieux et de grande ingéniosité, il convient que celui qui le pratique soit homme vif et de jugement pondéré, afin de savoir prévenir quelque incident qui peut survenir dans cet office. […] Il convient que les artilleurs soient hommes courageux, intrépides et habitués à évaluer rapidement tout danger. […] Il convient que l’artilleur soit homme sobre et modéré avec la nourriture, la boisson, le sommeil et toutes les choses touchant aux vices humains […] et comme l’art de l’artillerie est laborieux et de grande fatigue, il convient qu’aux postes d’artilleurs soient admis des hommes sains, robustes et bien formés de corps […] et puisque cet art fait appel à de nombreux autres arts et offices, il convient qu’il soit exercé par une multitude d’hommes de divers arts et offices tels que des forgerons, tailleurs de pierre, charpentiers, charrons, arquebusiers, maçons, marins, fabricants de poudre et raffineurs de salpêtre […] et il ne convient en aucune manière qu’il y ait des artilleurs étrangers. »
2 Cobos Guerra, Fernando, La artíllería de los Reyes Católicos, op. cit. Ladero Galán, Aurora, « Artilleros y artillería de los Reyes Católicos (1495-1510) », op. cit.
3 Thompson, I. A. A, « El soldado del Imperio : una aproximación al perfil del recluta español en el Siglo de Oro », Manuscrits : Revista d’història moderna, vol. 21, 2003, p. 17-38.
4 Thompson cite notamment les études de Asenjo Sedano, C. « Una leva para la guerra de Cataluña : La de Guadix, del año 1642 », Actas del I Congreso de Historia de Andalucía, Cordoue, 1978, tomo I, p. 61-88 ; Calvo Poyato, J, « Medio siglo de levas, reclutas y movilizaciones en el reino de Córdoba : 1657-1712 », Actas II Coloquios Historia de Andalucía, Cordoue, 1983,Tomo II, p. 25-41 ; Mañeru López, Juan, Cámara Fernández, Carmen, « El reclutamiento militar en Castilla a finales del siglo xvi. Análisis de compañías de soldados levantadas en tierras de Burgos, Ávila, Soria, Álava, La Rioja, Navarra, Segovia y Cáceres », dans La organización militar en los siglos xv y xvi, Actas de las II Jornadas Nacionales de Historia Militar, Malaga, 1993, p. 179-189 ; Barrera García, E, Parejo Delgado, M.J., Tarifa Fernández, M.A., « El padrón de soldados de Úbeda y Torreperogil de 1596 », dans ibid., p. 281-289.
5 ANTT Contos do Reino e Casa, NA 679.
6 On pourra trouver des centaines de ces descriptions dans la base de données consultable sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555.
7 Thompson, I. A. A, « El soldado del Imperio », op. cit.
8 Ibid. Sur un échantillon de 1 048 artilleurs, je trouve 73 % d’âges pairs et 27 % d’impairs. Statistiques obtenues à partir de la base de données consultable sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555.
9 On trouve ainsi 61 artilleurs de 28 ans, 18 de 29 ans, 150 de 30 ans, 11 de 31 ans, 61 de 32 ans.
10 Voir la citation en introduction de ce chapitre.
11 AGS CMC 2a época leg. 747.
12 AGI CT leg. 2934.
13 ANTT Contos do Reino e Casa, NA 679.
14 Il s’agit d’une liste de fugitifs de l’escadre probablement établie à partir de la liste originale des équipages, AGI CT leg. 2973.
15 AGS VG leg. 70.
16 Diego de Peralta, le 09/08/1597. La liste fait partie des archives du conseil de l’amirauté : AGR CA no 28 (sans numérotation).
17 AGS CSU 2a época leg. 91.
18 Les données quantitatives de ce chapitre sont pour la plupart issues du traitement statistique des listes d’artilleurs consultables sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555.
19 AGI CT leg. 29XX et 39XX.
20 AGI CT leg. 3914 (Tierra Firme – 1570), leg. 2937 (Nueva España – 1574 et 1583), leg. 3915 (Tierra Firme + Guarda de la carrera – 1574), leg. 2940A (Nueva España – 1582), leg. 2941 (Tierra Firme – 1584), leg. 3922 (Tierra Firme – 1586), leg. 2940B (Tierra Firme – 1588), leg. 2945 (Tierra Firme – 1589), leg. 2937 (Nueva España – 1593), leg. 2938 (Tierra Firme – 1592), leg. 2956 (Guarda de la carrera – 1593), leg. 3956 (Honduras – 1597), leg. 2965 (Pataches de escolta – 1599), leg. 2967 (Nueva España – 1601).
21 AGI CT leg. 4871. Sur ces comptes rendus d’examens, voir p. 327.
22 Voir la citation en introduction de ce chapitre.
23 Voir p. 135. Don Juan Manrique de Lara était le fils du duc de Nájera, grand d’Espagne, Salazar y Castro, Luis de, Historia Genealógica de la Casa de Lara, vol. II, op. cit. p. 255. Don Francés de Álava y Beamonte était descendant des rois de Navarre et appartenait à l’une des principales familles de Navarre, Rodríguez, Pedro, Rodríguez, Justina, Don Francés de Álava y Beamonte. op. cit. Don Juan de Acuña Vela était le fils du premier vice-roi du Pérou, Blas Nuñez de Vela, RAH, leg. 9/301, fol. 48 v (Tabla genealógica de la familia de Vela, señores de Tabladillo).
24 Voir annexe II.
25 Don Diego de Avellaneda, AGS GYM leg. 88/250 (17/08/1578), don Diego de Prado, AGS GYM leg. 364/152 (20/07/1592), don Alonso Alfaro de Narvaez, AGS GYM lib. 57 fol. 194 (05/08/1591).
26 AGS GYM leg. 174/82 (03/07/1576).
27 AHN OM SANTIAGO Exp. 2892.
28 « Haciendo Vuestras Altezas participar al dicho Muñoz, sería igualar al súbdito con el superior y a un hombre humilde de pocos meritos y servicios, a un noble y que tantos tiene », Francisco de Molina au conseil des Indes (19/09/1603), dans le dossier « expediente sobre las exenciones de los artilleros de la casa de la contratación » AGI IG leg. 2007.
29 Pour les états de service des capitaines généraux, voir chapitre précédent. Pour les lieutenants, consulter la table prosopographique en annexe II.
30 AGS GYM leg. 156/39 (28/04/1583). et leg. 391/5 (13/09/1593).
31 AGS GYM leg. 688/82 (12/12/1608).
32 Il s’agit de l’alférez Juan de Cea Mariño, lieutenant d’artillerie à Majorque, AGS GYM leg. 81/154 (20/08/1576), et de l’alférez Pedro de Lumbe, lieutenant d’artillerie aux Açores, AGS GYM lib. 63 fol. 77r (23/05/1592). Sur la fonction de l’alférez voir Quatrefages, René, Los tercios españoles (1567-1577), op. cit., p. 272.
33 AGS GYM lib. 70 fol. 84v (12/11/1594). fol. 71v (18/10/1594), fol. 85r (12/11/1594), leg. 437/120 (13/03/1595), lib. 77 fol. 199r-201r (26/08/1597), leg. 209/139 (26/08/1587), leg. 364/152 (20/07/1592).
34 Quatrefages, René, Los tercios españoles (1567-1577), op. cit. p. 428-430. González de León, Fernando, The Road to Rocroi, op. cit., p. 53-63.
35 J’en ai consulté six : AGS GYM leg. 88/250 (17/08/1578), leg. 364/152 (20/07/1592), leg. 391/186 à 188 (18/07/1593), leg. 387/665 et 683 (07/11/1593), leg. 437/120 (13/03/1595), leg. 688/82 (12/12/1608).
36 « Al servicio de Vuestra Magestad conviene mucho que él que fuese teniente de capitán general del artillería sea persona muy onrada y que se preçie de serlo y que aya sido capitán de infantería y servido con mucha satisfación y le tengan por muy buen soldado y lo sea y experimentado por tal […] porque teniendo las [calidades], con tener a su cargo el artillería en un año y en menos se puede haçer plático de todo lo que es necesario para el manejo della y, aunque entienda las cosas de artillería, si le faltan las demás cosas, no lo podrá aprender ni saber ni sabrá mandar ni sabrá hazerse obedecer ni le estimaran », AGS GYM leg. 391/187 (08/07/1593).
37 Cette position d’Acuña Vela est récurrente dans les sources : AGS GYM leg. 364/152 (20/07/1592).
38 AGS GYM lib. 63 fol. 47 (09/12/1592).
39 Ibid.
40 « Le faltan las partes más esenciales de haber sido capitán de infantería y servido con satisfación y reputación de saber mandar y ser estimado », AGS GYM leg. 364/152 (20/07/1592).
41 AGS GYM leg. 391/188 (18/07/1593). Sur sa présence à la fonderie de Malaga, voir aussi AGS GYM lib. 63, fol. 14 (13/12/1591).
42 Inspection des fortifications, AGS GYM leg. 117/307 à 309 (23/09/1581). Titre de lieutenant d’artillerie de l’armée de la Terceira, AGS GYM leg. 146/269 (Juin 1583). Titre de lieutenant d’artillerie à Carthagène, AGS GYM lib. 63 fol. 105v-106v (28/0/1592).
43 Remplacement temporaire du capitaine Acosta par le capitaine Alfaro de Narváez, AGS GYM lib. 57, fol. 194 (05/08/1591). Comptes de la compagnie d’infanterie de ce capitaine à Lisbonne : ANTT, Contos do Reino a Casa, NA. 676.
44 AGS GYM leg. 437/120 (13/03/1595).
45 AGS GYM leg. 387/683 (22/11/1593).
46 AGS GYM leg. 364/152 (20/07/1592).
47 Ibid.
48 AGS GYM leg. 209/189 (04/0/1587) et leg. 284/265 (09/05/1590).
49 Dédicace à don Juan de Acuña Vela, le 10/08/1591, depuis Malaga, Prado, Diego de, « La obra manual y pláctica de artillería », op. cit.
50 « Por ser catalanes estos cuatro que pretenden la plaza de Cataluña y dice don Juan de Acuña que no conviene que allí la sirven respecto de que con facilidad se aprovecharían de los artilleros que lo son todos y de otras cosas que podría ser de inconveniente al servicio y hacienda de Vuestra Majestad », AGS GYM leg. 364/152 (20/07/1592).
51 AGS GYM leg. 387/665 (07/11/1593).
52 AGS GYM leg. 387/683 (22/11/1593).
53 En Sicile : Bernardino de Velasco (1574-1575) puis Juan de Angulo (1576-1602), AGS EST leg. 1142/211 et AGS GYM leg. 1160/54. À Naples : Pedro Díaz Carrillo de Quesada (1561-1582), Juan Vázquez de Acuña (1582-1605), Pedro de Acuña (1605 – ?), AGS EST leg. 1074/187, leg. 1086/151 et leg. 1106/286. À Milan : Jorge Manrique de Lara (1574-1605 ?), Cristóbal Lechuga (1605 ?-1610), Francisco de Padilla (1610 – ?) AGS EST leg. 1260/118, Descargos del capitán Lechuga dans AGS VIT leg. 278 (19), p. 109, 128, et AGS EST leg. 1299/128.
54 Voir p. 163-174.
55 Don Bernardino de Velasco, don Pedro de Acuña, don Jorge Manrique de Lara, don Francisco de Padilla.
56 Il fit l’acquisition du titre de Comte de Desio : AGS SSP lib. 1340 fol. 98 (23/12/1580).
57 AGS EST leg. 1065/17 (Janvier 1573) et AGS EST leg. 1144/73 (16/07/1575).
58 AGS EST leg. 1116/16 (21/01/1610) et leg. 1139/4 (25/01/1573).
59 AGS EST leg. 1260/118 (25/12/1574).
60 AGS EST leg. 1136/260 (07/05/1571).
61 AGS EST leg. 1139/134 (18/10/1573).
62 Le seul capitaine général à avoir obtenu une retraite est Pedro Díaz Carrillo de Quesada à Naples. Il passa l’office à son gendre en 1582, et mourut en 1589, AGS EST leg. 1086/151 et leg. 1090/25.
63 Voir annexe II.
64 Il s’agit de Pedro Fernández de la Carrera, AGS GYM leg. 688/17 (24/04/1608).
65 Le premier fut Juan de Molina, juste après l’annexion du Portugal, AGS GYM leg. 105/65 (03/08/1580). Le second fut Melchior de Buitrago, AGS GYM leg. 688/82 (12/12/1608).
66 AGS GYM lib. 77 fol. 199r-201r (26/08/1597).
67 Note du pagador Caro del Rincón du 28/04/1583, AGS CMC 2a epoca leg. 414.
68 AGS GYM leg. 81/269, 289 et 308 (05/05/1576).
69 AGS GYM leg. 88/250 (17/08/1578).
70 Voir les séries de noms d’artilleurs dans les armadas de la Monarchie, consultables sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555.
71 Don Francisco Hidalgo, artilleur au château de Lisbonne, AGS GYM lib. 63, fol. 289r (28/05/1594), et don Juan de Figueiroa, artilleur sur une patache de la carrera de Indias, AGI CT leg. 2940B (année 1588).
72 I. A. A Thompson, « El soldado del Imperio », op. cit. p. 32.
73 Traitement statistique de la base de données consultable sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555.
74 AGI CT leg. 4871, complétée par la liste des 74 disciples de Ferrofino, AGS GYM leg. 351/283 (06/03/1592). Ces données sont consultables sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555. Pour le contexte, voir chapitre « théorie et pratique à l’école d’artilleurs de Séville ».
75 AGS CSU 2a época leg. 91.
76 AGS GYM lib. 70, fol. 135v (02/04/1595) et fol. 257r (04/02/1596).
77 « Que para las plaças [de artilleros] que vaquaren puedan salir de la Infantería que estuviere en los fuertes los soldados que las quisieren servir y que el governador y los capitanes dellos no lo estorven, porque esto es lo que se acostumbra en los presidios de España », AGS GYM leg. 114/66 (11/06/1581).
78 AGS GYM leg. 209/374 (04/11/1587) et leg. 365/123 (11/12/1587).
79 AGS GYM lib. 77 fol. 247v (27/02/1598).
80 Mêmes mots mais adressés au duc de Frias, vice-roi de Catalogne, AGS GYM lib. 77 fol. 251v-252r (07/03/1598).
81 AGS GYM leg. 431/41 (10/09/1591).
82 AGS GYM leg. 627/170 (année 1604).
83 AGS GYM lib. 85 fol. 9v (19/08/1598).
84 Quatrefages, René, Los tercios españoles (1567-1577), op. cit. p. 263.
85 AGS GYM leg. 389/110 (06/01/1593).
86 AGS GYM leg. 276/273 (06/03/1589).
87 « Orden e instrucción del modo y manera que se ha de tener para pelear en el Mar », Coll. Navarrete, vol. 22, doc. no 47 (année 1575).
88 AGS GYM leg. 378/98 (08/11/1593).
89 Les cas sont nombreux. Par exemple : « Pasqual Galán, marinero que paso a Lombardero », AGS CMC 2a época leg. 747. « Diego de Argumedo, soldado […]sirve de Artillero desde diciembre 1593 […] Juan Antonio Urbas, marinero, sirve de artillero en plaza de Alonso de Monteagudo, fallecido. […] Sebastián Rodríguez, soldado de la Capitana, sirve de artillero en plaza de Gaspar Martínez, ausente en tres de marzo de 1594 » AGI CT leg. 3937. « Juan Griego, marinero, sirve plaza de artillero desde diez dias del mes de octubre de 1574 […] Pedro de Grandes, grumete, sirve plaza de artillero desde diez dias del mes de octubre de 1574 […] Diego López, grumete, sirve plaza de artillero desde trece dias del mes de octubre de 1574 » AGI CT leg. 3915.
90 « Porque somos informado que algunos de los dichos artilleros que residen en la dicha Burgos suelen hazer tan grandes ausencias […] mandamos que se les aperçiva que él que no volviere cada año a servir su tanda en la dicha Burgos como es obligado sin justa causa de enfermedad o de otra cosa urgente de que aya testimonio bastante, se despedirá, mayormente si se metieren en la mar a ser marineros sin horden nuestra como dizen que lo an hecho algunos », AGS GYM leg. 76/133 (17/05/1572).
91 AGS GYM leg. 203/31 (08/11/1587) et leg. 271/34 (année 1589).
92 AGS GYM leg. 82/174 (27/10/1577).
93 AGS GYM leg. 254/182 (16/12/1589).
94 Martin, Colin, Parker, Geoffrey, The Spanish Armada, op. cit.
95 « Que de Málaga, Cartagena y Alicante y todas sus costas se saquen los artilleros de tierra que se pudieren pues aunque no son los más platicos para husar su oficio en la mar, darán doctrina del artillería a los marineros que la sabrán usar bien, respetando de ser menester que sepa de navegación quien a de usar la artillería en la mar », AGS GYM leg. 254/168 (17/12/1589).
96 AGI MEXICO leg. 21/21 (21/10/1587).
97 AGS GYM leg. 389/164 (09/02/1593).
98 AGS GYM lib. 77 fol. 105r et v (13/12/1596).
99 AGS GYM leg. 213/14 (08/01/1587).
100 AGS GYM leg. 305/121 (27/08/1590).
101 Collado, Luis, Plática manual de artillería, op. cit. fol. 103r.
102 Ibid.
103 AGS GYM leg. 82/174 (27/10/1577).
104 « Paresce a su Excelencia que para el servicio de la dicha artillería y municiones que ay en el dicho castillo, un cabo con veinte artilleros en que se incluyan herrero, maestro d’axa, carpintero, maestro de carros y algunos otros officios con el sueldo competente », AGS GYM leg. 110/15 (06/01/1581).
105 Voir par exemple la liste d’équipage de la Capitana et de l’Almiranta de la flotte de Nouvelle-Espagne, année 1592, AGI CT leg. 3937. Listes consultables sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555.
106 AGS GYM leg. 82/174 (27/10/1577).
107 AGS GYM leg. 307/202 et 203 (27/11/1590).
108 Exemples de memoriales accompagnés de justificatifs comptables : AGS GYM leg. 389/238 (27/05/1593), leg. 316/153 et 431 (année 1590). Ou bien, si les justificatifs n’étaient pas présentés, le conseil de guerre se chargeait de vérifier : AGS GYM leg. 305/121 (30/09/1590), lib. 70, fol. 266r (14/12/1596).
109 AGS GYM leg. 182/49, 99, 136 (16), 165, 167 (8), 168 (10 et 12), 172 (5), 175 (4), leg. 212/64, 96, 297, leg. 213/49, 285, 551, leg. 268/36, leg. 276/273 et 275, leg. 305/121, leg. 307/202 et 203, leg. 316/98, 153, 430, 431, leg. 365/174, leg. 389/164, 238, 240, 273, 274, 542, 543, leg. 394/111, 271, 314, leg. 397/5, leg. 627/170, leg. 654/93, lib. 57, fol. 25v, lib. 63, fol. 181v-182v, 289r, lib. 70, fol. 38v, 236r, 266r, lib. 77, fol. 28r, 105r, 247r, 275r, lib. 85, fol. 9v, 10r, 35r, 91r, AGI IG leg. 2007 (sans numérotation, documents sur le parcours de Diego García de Copete), AGS EST leg. 1709/7.
110 AGS GYM leg. 305/121 (27/08/1590). leg. 365/174 (26/09/1592). lib. 85 fol. 91r (31/05/1600).
111 AGS GYM leg. 182/172 (5) (année 1585).
112 AGS GYM leg. 212/64 (17/0/1587).
113 AGS EST leg. 1709/7 (année 1605).
114 On trouve une moyenne de 18 ans pour vingt individus concernés, tandis que la moyenne de service des artilleurs de garnisons est autour de 27 ans.
115 AGS GYM lib. 63 fol. 289r (28/05/1594).
116 AGS GYM lib. 70 fol. 266r (14/02/1596).
117 Maestro Ambrosio, 20 ans de service en mer, infirme d’une jambe, obtint une place à Santander, AGS GYM lib. 57 fol. 25v (09/06/1590). Juan Ramirez, devenu manchot, fut envoyé à la garnison du fort de San Julián près de Lisbonne AGS GYM leg. 212/290 (année 1590). Manfre Bernegal, artilleur de l’armada del mar océano, devenu manchot après 40 ans de services, muté à la garnison de Lisbonne AGS GYM lib. 85 fol. 35r et v (21/12/1598).
118 AGS GYM lib. 77 fol. 247r (03/03/1598).
119 AGS GYM lib. 77 fol. 275r (11/07/1598).
120 AGS GYM leg. 389/238 (27/05/1593). Le corps expéditionnaire espagnol stationné à Blavet (Port-Louis) sous le commandement de Juan del águila, fut un renfort envoyé par Philippe II au duc de Mercœur, alors gouverneur de Bretagne et dernier ligueur contre l’autorité du roi de France Henri IV. Les troupes de Juan del águila demeurèrent en Bretagne de l’année 1590 au traité de Vervins qui marqua la paix entre la France et l’Espagne en 1598.
121 AGS GYM leg. 316/153 (année 1590).
122 AGS GYM leg. 277/9 (12/08/1589).
123 Voir la liste des artilleurs de Burgos payés dans l’armée de Portugal le 10/11/1580 : AGS CMC 2a época leg. 500. Sur la campagne des Açores, voir les paiements du 25/08/1584 au retour de Juan Zorrilla à Burgos : AGS CMC 2a época leg. 414.
124 AGS GYM leg. 277/9 (12/08/1589). Avec 46 pièces d’artillerie et un port de 1 150 t., l’énorme galion de Pedro de Valdés était Capitana de l’escadron d’Andalousie, Martin Colin, Parker, Geoffrey, The Spanish Armada, op. cit. p. 40 et 62.
125 Ibid., p. 168-169.
126 AGS GYM leg. 277/9 (12/08/1589).
127 AGS GYM leg. 268/36 (14/10/1589).
128 AGS GYM leg. 268/36 (14/10/1589).
129 AGS GYM lib. 63, fol. 256v (13/03/1594). À cette date, le document spécifie qu’il était artilleur de Burgos.
130 Il n’apparaît plus dans la liste des artilleurs de Burgos en Septembre 1594, AGS GYM lib. 70, fol. 39r (10/09/1594).
131 Diego García de Copete au conseil des Indes (08/02/1600) AGI IG leg. 2007 (sans numérotation). Sur le rôle du cabo de escuadra, voir Quatrefages, René, Los tercios españoles (1567-1577), op. cit. p. 263.
132 Diego García de Copete au conseil des Indes (08/02/1600), AGI IG leg. 2007 (sans numérotation).
133 Liste de l’équipage de la flotte de Juan de Salas et Pedro Sánchez Escudero, année 1599. Il était sur la patache Nuestra Señora de la Concepción, et le suivant dans la liste est son fils, AGI CT leg. 2965.
134 Diego García de Copete au conseil des Indes (08/02/1600) AGI IG leg. 2007 (sans numérotation). Sur l’escadron de Marcos de Aramburu composé de sept galions, voir Chaunu, Huguette, Chaunu, Pierre, Séville et l’Atlantique, 1504-1650, op. cit., tome 4, p. 92.
135 La casa de la contratación au roi, informations à propos de Diego García Copete (08/05/1606), AGI IG leg. 2008 (sans numéroration). Sur la flotte de Juan Gutiérrez de Garibay, voir Chaunu, Huguette, Chaunu, Pierre, Séville et l’Atlantique, 1504-1650, op. cit., tome 4, p. 198.
136 Voir l’information de la casa de la contratación au roi à propos des prétensions de Diego García Copete (08/05/1606), AGI IG leg. 2008 (sans numérotation).
137 AGI IG leg. 2076/264 (12/05/1621).
138 « Suplica a Vuestra Majestad que fuese servido de honrarle con el título de capitán como consta de la cedula real que tiene […] y que Vuestra Majestad mande que en las cedulas y despachos que se le dieren no se le quite el dicho título », ibid.
139 Voir le dossier de près de 100 pages constitué par sa veuve : AGI SANTO DOMINGO, leg. 20/8 (année 1621).
140 Voir les comptes du contador de Burgos Caro del Rincón : AGS CMC 2a época leg. 414.
141 AGS GYM leg. 209/172 (sans date, probablement année 1587).
142 Sa candidature fut même proposée par le capitaine général de l’artillerie en conseil de guerre, ibid. Sur sa fonction de contador, voir AGS GYM leg. 378/38 (23/10/1593).
143 Il s’agissait de l’artilleur Pedro de Monsalbe, par ailleurs en procès avec la femme de Sánchez de Moya, AGS GYM leg. 215/121 (année 1587).
144 AGI SANTO DOMINGO, leg. 20/8 (année 1621).
145 AGS GYM leg. 280/255 (18/01/1590).
146 AGS GYM leg. 378/38 (23/10/1593) et lib. 77 fol. 68r (17/08/1596).
147 AGI CT leg. 5254, N.2, R.1. (26/05/1597).
148 AGI SANTO DOMINGO, leg. 20/8 (année 1621). Macías Domínguez, Isabelo, Cuba en la primera mitad del siglo xvii, op. cit.
149 D’après sa veuve, il touchait l’énorme somme de 1 640 ducats par an, ibid. Le salaire du capitaine général de l’artillerie d’Espagne était de 1 000 ducats par an, AGS GYM lib. 43 fol. 22v-35r (30/08/1586).
150 En plus des trois biographies précédentes : Juan Lopez, capitan de artillería de l’armée d’Aragon, AGS GYM lib. 57 fol. 206-208 (18/08/1591). Pedro Díaz Borja, Juan de Villalobos, idem au sein des galères d’Espagne, AGS GYM leg. 280/245 (12/01/1590) et leg. 364/152 (20/07/1592). Gotardo Giacquetto, idem dans les galères de Sicile, AGS EST leg. 1156/249 (25/08/1589). Melchior Veloso et Pedro de Castro, idem dans la flotte de Nouvelle-Espagne, AGI CT leg. 219, no 2, R.5 (année 1581) et AGI CT leg. 2940B.
151 États de service relatés par sa fille, AGS EST leg. 1704/266-268 (10/08/1604).
152 Voir les descargos du lieutenant del Campo : AGS VIT leg. 330 (2) fol. 159 (17/03/1588).
153 Sur ce personnage, voir le chapitre suivant sur l’école d’artilleurs de Séville.
154 Cet ébéniste fait partie des témoins de la procédure d’information de l’année 1593 faisant partie du dossier intitulé « Andrés Muñoz el Bueno, artillero, sobre que se le haga merced del officio que esta vaco por Andrés de Espinosa », AGI IG leg. 2007.
155 Ces détails biographiques se déduisent des témoignages présents dans ibid.
156 « Andres Pacheco, artillero de color mulato esclavo de Nufro Rodríguez », AGI CT leg. 2934.
157 AGS CMC 2a época leg. 747 (année 1576).
158 AGS EST leg. 1141/122 (1).
159 Le capitaine Villamarin à la casa de la contratación (22/11/1589), AGI CT leg. 5108 (sans numérotation).
160 L’artilleur Juan Ramirez perdit sa main lors de l’attaque du port de Ferrol par les Anglais AGS GYM leg. 212/290 (année 1590). Maestro Ambrosio fut blessé à la jambe lors de l’Armada de 1588 et dut renoncer à servir en mer, AGS GYM lib. 57 fol. 25v (09/06/1590). Pedro de Bureta perdit quant à lui sa jambe durant cette même opération, AGS GYM lib. 57 fol. 153 (21/04/1591). Autre exemple d’amputation, l’artilleur Manfre Bernegal perdit son bras droit et dut arrêter le service, AGS GYM lib. 85 fol. 35r et v (21/12/1598).
161 « A los dos deste se provaron unas pieças nuevas de artillería y acaescio una gran desgracia porque unos artilleros que cargavan la una, habiendola disparado una vez, metieron una cuchara de pólvora y dentro se encendió y la llama dio en otra cuchara de pólvora que se metía en otra pieça y entrambos hizieron tal estrago que arrojaron más de 20 pasos a tres artilleros, los quales fueron muy mal heridos, los dos son ya muertos y el otro tiene un braço menos […] El daño fue harto pero pudiera ser mayor porque también cayeron dos gentiles hombres de la artillería, no recibieron otro daño y todos andábamos por allí cerca », AGS GYM leg. 220/15 (22/05/1588).
162 Quelques accidents : AGS GYM leg. 305/58 (09/07/1590), AGI CT leg. 928 N.26 (année 1595). Récit de l’attaque de corsaires français sur le port de Santiago de Cuba par le capitaine Gomez de Rojas Manrique AGI CT leg. 5108 (sans numérotation).
163 Sebastian Soler, devenu aveugle après 35 ans de service, AGS GYM leg. 276/273 (06/03/1589). Francisco Hidalgo devenu aveugle après 28 ans de services, AGS GYM lib. 63 fol. 289r (28/05/1594). Esteban de Roda, devenu aveugle après 43 ans, cécité sans doute causée par des flammes lors d’un combat, AGS GYM lib. 63 fol. 181v-182v (22/06/1593).
164 AGS GYM leg. 105/131 (20/09/1580).
165 Perez-Mallaína, Pablo, Spain’s Men of the Sea, op. cit., p. 186.
166 Tempère, Delphine, Vivre et mourir sur les navires du Siècle d’Or, Paris, Presses Universitaires de Paris-Sorbonne, 2009, p. 259.
167 « En todos los demás presidios de España hay artilleros, en algunos con sueldo moderado, en otros con corto, en otros con casi ninguno y en otros sin él, que sirven por solas las preeminencias », AGS GYM leg. 688/58 (14/08/1604).
168 Voir le document « Nominas de la artillería de Medina del Campo en 1498 y 1507 » transcrit dans Cobos Guerra Fernando, La artillería de los Reyes Católicos, op. cit. Ces trois niveaux de salaire apparaissent également dans la comptabilité de l’artillerie des années 1525-1526 : AGS CMC 1a época leg. 635 (4).
169 Pour les années 1570-1580, voir AGS CMC 2a época leg. 414. Salaires toujours constants en 1590 : AGS GYM lib. 57, fol. 52r-56v. Et en 1594 : AGS GYM lib. 70, fol. 39r.
170 Maravédis et ducados étaient les monnaies de comptes les plus couramment utilisées au xvie siècle, avec une équivalence stable de 1 ducado pour 375 maravédis. Voir Febvre, Lucien, « L’afflux des métaux d’Amérique et les prix à Séville : un article fait, une enquête à faire », Annales d’histoire économique et sociale, vol. 2, no 5, 1930, p. 68-80. En reprenant la méthode comptable des sources citées précédemment, je compte 30 jours par mois.
171 Un ouvrier pouvait espérer gagner 20 ducats par an en 1500 selon Elliott, John H., Imperial Spain, op. cit., p. 117. Confirmé par les chiffres de Hamilton, Earl J., American Treasure and the Price Revolution in Spain, 1501-1650, Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 1934. p. 394.
172 Le concept de « révolution des prix » proposé par Hamilton a été l’objet d’un long débat historiographique : Hamilton, Earl J. American Treasure and the Price Revolution in Spain, 1501-1650, op. cit. ; Gould, J. D., « The Price Revolution Reconsidered », The Economic History Review, New Series, vol. 17, no 2, 1964, p. 249-266 ; Cipolla, Carlo, « The So-Called ‘Price Revolution’ : Reflections on the ‘Italian Situation’ », dans Economy and Society in Early Modern Europe. Essays from Annales, Peter Burke (éd.), Londres, Routledge & Kegan Paul, 1972, p. 43-46 ; Fisher, Douglas, « The Price Revolution : A Monetary Interpretation », The Journal of Economic History, vol. 49, no 4, 1989, p. 883-902.
173 Les artilleurs de Pampelune étaient payés pour la plupart 50 maravédis par jour, 70 pour leur caporal, AGS CMC 2a época leg. 414. Depuis le milieu du xvie siècle, ceux de Perpignan touchaient entre 4,4 ducats et 5 ducats par mois, AGS CSU 2a época leg. 91.
174 Les salaires de 2 ducats par mois de ces artilleurs apparaissent également dans AGS CMC 2a época leg. 414.
175 AGS GYM leg. 174/153 (sans date, consultas de l’année 1584).
176 En 1594, chaque artilleur de Fontarrabie et Saint-Sébastien touchait 15 000 maravédis par an, équivalent à 3,3 ducats par mois, AGS GYM lib. 70 fol. 38r.
177 AGS GYM leg. 627/55 et 103 (14/01/1604).
178 AGS GYM lib. 63 fol. 268v-269r (13/04/1594) ; AGS GYM lib. 70, fol. 135v (02/04/1595).
179 Artilleurs de Ponta Delgada payés à 7,5 escudos à 10 reales par mois selon AGS GYM leg. 149/338 (18/09/1583). Idem à Madère, AGS GYM lib. 77, fol. 28r (18/05/1596). Pour l’équivalence entre escudo à 10 reales et ducados, il faut convertir en maravédis, en sachant que 1 real = 34 maravédis et 1 ducado = 375 maravédis. L’équivalent était donc de 6,8 ducats par mois.
180 Salaire de 6 escudos à Angra selon AGS GYM leg. 148/317 (20/08/1583), en sachant que l’escudo variait de 350 à 400 maravédis, le salaire se situait entre 5,6 et 6,4 ducats. Idem pour les places d’artilleurs à Ibiza, AGS GYM leg. 389/795 (08/11/1593). Salaire de 6 escudos à 350 maravédis » (environ 5,76 ducats), au sein de la forteresse de La Goulette, AGS GYM leg. 77/206 (01/03/1573).
181 « El Rey Nuestro Señor que está en el cielo mandó a don Francés de Álava que fue capitán general del artillería que enviase al dicho Reyno 16 artilleros con un cabo para que sirviesen con cada 4 ducados al mes y ninguno quiso pasar allá sino fueron dos », AGS GYM leg. 552/11 (04/01/1599).
182 Ibid.
183 AGS GYM leg. 655/347 (12/11/1606).
184 Salaire de 5 ducats établi dans la région de Lisbonne en 1581, AGS GYM leg, 115/269 (Juillet 1581). Salaire de 9 escudos à 11 reales au début du xviie siècle, AGS GYM leg. 3143 (03/07/1601).
185 AGS GYM lib. 77, fol. 247r (03/03/1598).
186 AGS GYM leg. 212/77 (02/10/1587), leg. 389/795 (08/11/1593), lib. 77 fol. 105r et v (13/12/1596).
187 AGS GYM leg. 431/70 (16/09/1595).
188 Ibid.
189 Les trois caporaux de Burgos gagnaient 70 maravédis par jour et les autres artilleurs entre 50 et 60 maravédis, AGS CMC 2a época leg. 414.
190 À la Goulette, un caporal à 10 escudos à 360 maravedis (9,6 ducats) par mois, (AGS GYM leg. 77/206 (01/03/1573). À Lisbonne en 1581, un caporal à 10 ducats par moir, AGS GYM leg 115/269 (Juillet 1581). À Carthagène, un caporal à 12 ducats par mois, AGS GYM leg. 254/221 (22/12/1589). Idem aux Canaries, AGS GYM lib. 45 fol. 83r (09/12/1588).
191 Deux postes d’artilleur à Milan avec ventaja à 5,5 et 6 escudos, AGS EST leg. 1260/126 (année 1583). Le document ne précise pas la nature de ces escudos, mais le document étant rédigé en castillan, je les considère comme des escudos espagnols valant entre 350 et 400 maravédis.
192 AGS GYM leg. 88/43 (27/07/1578).
193 AGS EST leg. 1157/103 (30/05/1591).
194 AGR CP no 621. Les salaires y sont exprimés en florins ; pour obtenir un équivalent en monnaie de compte espagnole, il faut compter 3 florins = 400 maravédis, soit 1 ducado = 2,8 florins : Esteban Estríngana, Alicia, Guerra y finanzas en los Paises Bajos Católicos, op. cit., p. 23.
195 Il s’agit de 18 canonniers de Malines et 19 canonniers de Mons payés douze sols par jour (18 florins par mois) et apparaissant dans AGR CC no 26170.
196 Van Zanden, Jan L., « Wages and the standard of living in Europe, 1500-1800 », European Review of Economic History, vol. 3, no 2, 1999, p. 175-197.
197 AGS GYM leg. 88/46 (30/07/1578).
198 AGS GYM leg. 125/186 (23/04/1582) et leg. 126/176 (12/05/1582).
199 AGI SANTO DOMINGO leg. 14/14 (année 1583). Le fait est confirmé par plusieurs officiers de l’île.
200 D’après le témoignage de Francisco Rodríguez, contador general en la isla, le salaire de Bartolomé Merced avait été augmenté à 1200 reales par an, soit un peu plus de 9 ducats par mois, ibid.
201 Deux artilleurs payés 500 pesos, AGI PANAMA leg. 14, R.8, N. 44 (30/06/1592). L’unité des pesos regroupant une multitude de valeurs différentes, j’ai choisi l’équivalence la plus usitée, le peso de ocho Reales, d’une valeur de 272 maravédis : voir Fuente, Alejandro de la, Havana and the Atlantic in the Sixteenth Century, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2008, p. 59 ; Hoffman, Paul E, The Spanish Crown and the Defense of the Caribbean, 1535-1585 : Precedent, Patrimonialism, and Royal Parsimony, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1980, p. 255.
202 AGI PANAMA leg. 1/165 (20/04/1602).
203 Nombreux exemples des galères d’Espagne : AGS GYM leg. 175/4 (28/09/1571), leg. 126/175 (12/05/1582), AGS GYM leg. 175/169 (année 1584). Salaires comparables à Naples : AGS EST leg. 1065/25 (année 1574) ; et au sein des galères génoises : AGS VG leg. 70 (année 1573-1574) et leg. 77 (année 1600). Il faut noter que, d’une manière générale, les salaires du personnel des galères étaient particulièrement bas.
204 Voir par exemple AGI CT leg. 3915 (année 1574). Mêmes salaires une génération plus tard : AGI CT leg. 3956 (année 1597).
205 Les artilleurs étaient tous payés 220 reales pour quatre mois : AGI CT leg. 2934 (année 1588). Le caporal Hanz Mertens touchait une douzaine de ducats par mois, AGS GYM lib. 45 fol. 27r ; idem pour le défunt Anton Polo, AGS GYM leg. 222/54 ; de douze à vingt ducats pour un gentilhombre del artillería selon Juan de Acuña Vela, AGS GYM leg. 203/31 (08/11/1587).
206 Escadron de Portugal : ANTT Contos do Reino e Casa, NA 679 (01/01/1601) et salaire de l’artilleur Velanger (66 reales par mois) AGS GYM leg. 397/96 (05/02/1593). Escadron de la côte cantabrique : AGS GYM leg. 378/85 (12/10/1593).
207 « Relación de la gente mareante que al presente ay effectiva en la Armada que se entretiene en el puerto de la villa de Dunkerque » (sans date, probablement année 1599) et « Relación de la gente mareante que queda en servicio en el equipaje de Amberes » (12/07/1608), AGR CA no 79. Le salaire ordinaire de ceux de Dunkerque était de 10 florins, et ceux d’Anvers touchaient normalement 9 florins, parfois plus avec les ventajas. Pour obtenir un équivalent en monnaie de compte espagnole, il faut compter 3 florins = 400 maravédis, soit 1 ducado = 2,8 florins : Esteban Estríngana, Alicia, Guerra y finanzas en los Paises Bajos Católicos, op. cit., p. 23.
208 Le salaire de 300 ducats par an devint une constante pour les lieutenants d’artillerie : voir par exemple AGS GYM leg. 88/250 (17/08/1578), AGS GYM leg. 156/39 (28/04/1583), AGS GYM lib. 70 fol. 84v (12/11/1594).
209 À la fin des années 1570, les ingénieurs Fratin et Antonelli touchaient 800 ducats par an, AGS CMC 2a época leg. 414. À la fin du siècle, l’ingénieur Rojas était payé 50 ducats par mois, AGS GYM lib. 77 fol. 85r (02/10/1596) et Tiburzio Spanocchi une centaine de ducats par mois, AGS GYM lib. 63 fol. 292v (13/06/1594). À Milan, Collado et Ferrari recevaient 25 ducats par mois, AGS EST leg. 1272/215 (02/11/1593). En Sicile, Vincenzo Locadello jouissait d’une centaine de ducats par mois et son fils de 25 ducats, AGS EST leg. 1156/184. Dans l’armée des Flandres, les salaires d’ingénieur allaient de 25 à 40 ducats, à l’exception Scipione Campi qui était payé 110 ducats par mois, AGS EST leg. 577/145 (07/11/1578) et leg. 606/99 (année 1593).
210 AGS CMC 2a epoca leg. 414.
211 Perez-Mallaína, Pablo, Spain’s Men of the Sea, op. cit., p. 123.
212 Pour la comparaison avec l’infanterie, voir Quatrefages, René, Los tercios españoles (1567-1577), op. cit. p. 311-312. La plupart des documents comptables précédents permettent de comparer les salaires de ces différentes professions. Voir par exemple ceux de l’Armada de 1588 : AGI CT leg. 2934 ; ceux de l’expédition à Magallanes : AGI CT leg. 2933. Même situation sur les galères : AGS GYM leg. 126/175 (12/05/1582).
213 Carpinteros, calafates, barberos et escribanos dans AGI CT leg. 2934 (année 1588).
214 Verlinden, C., Craeybeckx, J., Scholliers, E., « Price and Wage Movements in Belgium in the Sixteenth Century (1955) » dans Economy and Society in Early Modern Europe. Essays from Annales, Peter Burke, (éd.), Londres, Routledge & Kegan Paul, 1972, p. 55-84.
215 Perez-Mallaína, Pablo, Spain’s Men of the Sea, op. cit. p. 115. Hamilton, Earl J., American Treasure and the Price Revolution in Spain, op. cit. p. 400.
216 Goodman, David C., Spanish Naval Power, 1589-1665, op. cit., p. 195-203.
217 Recrutement forcé en Guipúzcoa en 1592, AGI IG leg. 433 lib. 2 fol. 120v-121r. Idem pour la Biscaye et Cuatro Villas fol. 124.
218 AGI CT leg. 216 N.4 R.6 (18/07/1579), leg. 476 N.1 R.11 (09/08/1580), leg. 219, N.2, R.5 (13/09/1581), leg. 236 N.1 R.14 (16/09/1590), leg. 254 N.4 R.3 (12/07/1599), leg. 265A N.1 R.8 (19/07/1603) leg. 285A, N. 3 (01/10/1609). La palme de ma recherche est détenue par Miguel Masa, artilleur niçois qui transportait avec lui plus de 2000 ducats d’or et de perles, voir le procès concernant son héritage : AGI CT leg. 928 N.26 (1595-1597).
219 Artilleur de l’armada devenu aveugle et touchant un salaire au château de Lisbonne : AGS GYM lib. 85 fol. 11v-12r (22/08/1598). Idem pour des artilleurs manchots, mis au compte de Lisbonne : AGS GYM leg. 212/290 (année 1590) et lib. 85 fol. 35r et v (21/12/1598). Artilleur de Minorque devenu aveugle et mis au compte de la garnison locale : AGS GYM leg. 276/273 et 275 (06/03/1589). Artilleur de Perpignan jubilado (retraité) après 50 ans de service : AGS GYM lib. 70, fol. 38v (10/09/1594).
220 Quatre ducats par mois de pension pour la veuve d’un condestable, versée à son fils aîné, AGS GYM leg. 305/58 (09/07/1590). Six ducats par mois de rente versée à chacun de ses deux fils pour la veuve du caporal d’Ibiza, AGS GYM leg. 277/71 (année 1589). Cas d’une veuve sans fils invitée à se remarier, AGS GYM leg. 391/448 (année 1593). Le conseil de guerre attribua à ce nouveau couple 6 ducats de ventaja, AGS GYM leg. 387/737 (17/12/1593).
221 Exemples : les frères Pedro et Juan de Villanueva à Pampelune, AGS GYM leg. 305/189 (05/10/1590) ; Diego García de Copete, son fils Diego García de Copete El Mozo dans la carrera de Indias, AGI CT leg. 2965 (année 1599) et son autre fils Cristobal, passant l’examen d’artilleur à Séville en décembre 1603, AGI CT leg. 4871 ; Juan de Vergara et son neveu Juan Fernández de Vergara, artilleurs à Ibiza, AGS GYM leg. 389/795 (08/11/1593).
222 Le père et le fils groupèrent leurs demandes de grâces : AGI SANTO DOMINGO leg. 14/14 (17/04/1583).
223 Dans les années 1570 : Rodrigo, Martín et Juan de Ballesteros. Puis dans les années 1580, Hernando de Ballesteros, Hernando de Mena Ballesteros, Hernán Ruiz Ballesteros el Viejo, Hernán Ruiz Ballesteros el Mozo. Dans les années 1590, Rodrigo et Hernando devinrent cabos, tandis qu’un nouveau García Ruiz Ballesteros fit son apparition comme artilleur. Voir AGS CMC 2a época leg. 414 (années 1570-1580), leg. 500 (artilleurs de Burgos envoyés pour l’invasion du Portugal en 1580) et AGS GYM lib. 70, fol. 39r (10/09/1594).
224 Francisco et Hernando de Ballesteros figurent comme assistants fondeurs de Burgos en 1594, AGS GYM lib. 70, fol. 39r (10/09/1594). Devenus fondeurs à Lisbonne, ils furent invités à suivre Francisco Sánchez de Moya dans le projet de mise en place d’une fonderie à Cuba, AGI CT leg. 5254 No 2, R.1 (année 1597). Puis Francisco de Ballesteros prit la succession de Juan Morel à la fonderie de Séville en 1608 jusqu’à sa mort en 1631 : Mora Piris, Pedro, La Real fundición de bronces de Sevilla, siglos xvi a xviii, op. cit., p. 33-34.
225 AGS GYM leg. 76/133 (17/05/1572).
226 Ribot García, Luis Antonio « Soldados españoles en Italia », op. cit.
227 Lorsqu’elles devenaient veuves, ces femmes sollicitaient parfois du roi le droit de continuer à fabriquer de la poudre à leur domicile : AGS GYM leg. 305/121 (27/08/1590) ; AGS GYM leg. 365/174 (26/09/1592).
228 Les plaintes et demandes de paiements étaient fréquentes. Voir AGS GYM leg. 316/98 (année 1590), leg. 307/95 (04/04/1590), leg. 316/153, 430 et 431 (année 1590) et leg. 391/376 (21/08/1593).
229 AGS GYM leg. 254/221 (22/12/1589) et leg. 281/240 (13/02/1590).
230 Places d’ayudantes en Sardaigne, AGS GYM leg. 88/43 (27/07/1578) ; à Perpignan, AGS CSU 2a época leg. 91 (années 1550-1570) ; à Majorque, AGS GYM leg. 552/11 (04/01/1599).
231 AGS GYM leg. 213/285 (année 1587).
232 À bord des navires de la carrera de Indias, la ration quotidienne était estimée à 34 maravédis en 1566, et à 50 maravédis en 1600, Perez-Mallaína, Pablo, Spain’s Men of the Sea, op. cit. p. 114.
233 Voir le testament de l’artilleur Miguel Griego : AGI CT leg. 476 N.1 R.11 (09/08/1580). Autre exemple dans le testament suivant : AGI CT leg. 254 N.4 R.7 (11/11/1599).
234 La norme semble avoir été d’une ration et demie sur les galères d’Espagne : AGS GYM leg. 175/4 (28/09/1571) et leg. 126/175 (12/05/1582). Pour un exemple de rations doublées pour les artilleurs, voir l’escadron de Juan Martinez de Recalde, AGI CT leg. 3921 (année 1582).
235 Perez-Mallaína, Pablo, Spain’s Men of the Sea, op. cit. p. 99.
236 Voir par exemple AGI CT leg. 476 N.1 R.11 (09/08/1580) et leg. 236 N.1 R.14 (16/09/1590).
237 AGI CT leg. 923 N.9 (année 1589).
238 Une bourse de 150 ducats en monnaie d’argent est évoquée dans le cas de l’artilleur Antonio de Mesa, AGI CT leg. 486 N.1 R.6 (année 1591). Des barres d’or d’une valeur totale d’environ 1 400 ducats figurent dans l’inventaire après décès de l’artilleur Alonso de Cadenas, AGI CT leg. 285A, N.3 (01/10/1609). Le record est détenu par l’artilleur niçois Miguel Masa qui revenait avec une fortune de plus de 2 000 ducats, AGI CT leg. 928 N.26 (années 1595-1597).
239 « En oliendo cosa de Indias no hay hombre que no acuda al este servicio porque ganan y medran en él y tienen su grangería y assí huyen de las armadas de Vuestra Majestad », AGS GYM leg. 655/285 (10/12/1606).
240 Tempère, Delphine, Vivre et mourir sur les navires du Siècle d’Or, op. cit., p. 145-146.
241 Voir p. 150-151 pour une mise en contexte de ces privilèges.
242 Cédule du 10/02/1553, AGS GYM leg. 114/203.
243 AGS GYM leg. 254/221 (22/12/1589)et leg. 281/240 (13/02/1590).
244 Voir chapitres « théorie et pratique à l’école d’artilleurs de Séville » et « des écoles d’artilleurs pour soutenir un empire ».
245 AGS EST leg. 1265/97 (18/04/1589).
246 « El secretario Calmona que fue a Tirol por lo de los 200 artilleros como avisé a VM me ha escripto que no sera posible hallarlos católicos ni tampoco hereges sin mucho tiempo y trabajo y haverlos de yr a buscar a Sajonia y las ciudades marítimas […] supplico a VM mande avisarme si es servido que se tomen de la nueva religión porque de otra manera no ay pensar hallar los 200 platicos y hábiles de tal ministerio, y entiendo que quando el Conde Hieronimo Lodron fue a Portugal en regimiento, dio 100 dellos a VM sin reparar en la religión, pues siendo gente mercenaria, dize que sirve bien con solo el respecto de la paga », ibid.
247 Maffi, Davide, Il baluardo della Corona. Guerra, esercito, finanze e società nella Lombardia seicentesca (1630-1660), Florence, Le Monnier Università, 2007, p. 100.
248 Kamen, Henry, The Spanish Inquisition : A Historical Revision, 4th ed., New Haven, Yale University Press, 2014. Lynn, Kimberly, Between Court and Confessional : The Politics of Spanish Inquisitors., Cambridge, Cambridge University Press, 2013. Werner Thomas, Los protestantes y la Inquisición en España en tiempos de Reforma y Contrarreforma, Louvain, Leuven University Press, 2001. Benassar Bartolomé, Inquisición Española : poder político y control social, Barcelone, Editorial Crítica, 1981.
249 Notamment la section consejo de Inquisición de l’Archivo Histórico Nacional ainsi que divers centres d’archives provinciaux (archivos históricos provinciales).
250 Corderas Descárrega, José, Un estudio de Santa Bárbara, Séville, Asociación de Señoras de Santa Bárbara, 1986, p. 35.
251 Diez Saez, Esteban, « Cofradía burgalesa de Santa Bárbara de los artilleros, año 1582. Asociación de señoras de Santa Bárbara de los artilleros de Burgos, año 1898. », Boletín de la Institución Fernán González, no 216, 1998, p. 147-161.
252 Ibid.
253 AGS GYM leg. 280/349 (20/01/1590).
254 AGS GYM lib. 70, fol. 113r (08/01/1595).
255 Tempère, Delphine, Vivre et mourir sur les navires du Siècle d’Or, op. cit. p. 112. Phillips, Carla R., Six Galleons for the King of Spain, op. cit., p. 153.
256 Diez Saez, Esteban, « Cofradía burgalesa de Santa Bárbara de los artilleros, año 1582 », op. cit. p. 151.
257 Voir la scuola di Santa Barbara évoquée par Mallett Michael E., Hale, John R., The Military Organisation of a Renaissance State : Venice c. 1400 to 1617, Cambridge University Press, 2006, p. 403. Je reviendrai sur cette confrérie p. 367.
258 Voir par exemple les motivations du colonel d’artillerie Corderas Descarrega pour entreprendre son étude de Sainte Barbe : José Corderas Descárrega, Un estudio de Santa Bárbara, op. cit. Sainte Barbe est même encore célébrée dans la navy américaine selon Phillips, Carla R., Six Galleons for the King of Spain, op. cit. p. 70.
259 Corderas Descárrega, José, Un estudio de Santa Bárbara, op. cit. p. 5.
260 « Pero antes de meter la [bala] tomela con las dos manos el artillero y, por devoción y buena usança, haga la señal de la cruz con ella à la boca de la pieça y invocando el nombre de la gloriosa Sancta Bárbara intercessora y abogada suya, mettala dentro de la pieça […] Queriendo pues dar fuego a la pieza, invoque de nuevo a Sancta Bárbara que interceda à Dios Nuestro Señor por el artillero y lo defienda de muerte subitánea y de qualquier otro peligro de vida », Collado, Luis, Plática manual de artillería, op. cit. fol. 46v.
261 Diez Saez, Esteban, « Cofradía burgalesa de Santa Bárbara de los artilleros, año 1582 », op. cit. p. 152.
262 Flynn, Maureen M., « Charitable Ritual in Late Medieval and Early Modern Spain », The Sixteenth Century Journal, vol. 16, no 3, 1985, p. 335-348.
263 Farr, James Richard, Artisans in Europe, 1300-1914, Cambridge ; New York, Cambridge University Press, 2000, p. 228 et suiv. Mackenney, Richard, Tradesmen and Traders : the World of the Guilds in Venice and Europe, c. 1250-c. 1650, Totowa, N.J., Barnes and Noble Books, 1987, p. 4-6 et 47.
264 Diez Saez, Esteban, « Cofradía burgalesa de Santa Bárbara de los artilleros, año 1582 », op. cit. p. 156.
265 Il s’agit d’un exemple de plus de la grande mobilité des techniciens qualifiés à l’époque moderne, bien que dans le cas des artilleurs, cette mobilité ne soit pas organisée par des guildes. Voir Epstein, Stephan R., « Labour Mobility, Journeyman Organisations and Markets in Skilled Labour in Europe, 14th-18th Centuries », dans, Le technicien dans la cité en Europe Occidentale, 1250-1650, Mathieu Arnoux et Pierre Monnet (éd.), Rome, École française de Rome, 2004, p. 251-269. Reith, Reinhold « Circulation of Skilled Labour in Late Medieval and Early Modern Central Europe » dans, Guilds, Innovation and the European Economy, 1400-1800, Stephan R. Epstein et Marteen Prak (éd.) New York, Cambridge University Press, 2008., p. 114-142.
266 Traitement statistique réalisé à partir de la base de données consultable sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555.
267 Perez-Mallaína, Pablo, Spain’s Men of the Sea, op. cit., p. 54.
268 Goodman, David C., Spanish Naval Power, 1589-1665, op. cit. p. 90 et 182. Perez-Mallaína, Pablo, Spain’s Men of the Sea, op. cit. p. 54.
269 Goodman, David C., Spanish Naval Power, 1589-1665, op. cit. p. 182.
270 Voir figures 24, 25, 26 et 29.
271 Schwartz, Stuart, « The Greek Gunners and the Spanish Conquest », dans Grecia en España : hacía una historia de la cultura mediterránea, Madrid, Ediciones Clásicas, 1999, p. 337-342.
272 AGI CT leg. 2934.
273 À propos de l’activité métallurgique de Liège voir la remarque du gouverneur Don Luis de Requesens dans AGS EST leg. 564/60 (23/07/1574). Utrecht était un lieu secondaire de fabrication d’artillerie (moins important que Malines) : « à Thomas Botz, maître fondeur d’artillerie dans la ville d’Utrecht… » AGR CC no 26167.
274 Perez-Mallaína, Pablo, Spain’s Men of the Sea, op. cit. p. 57. Tempère, Delphine, Vivre et mourir sur les navires du Siècle d’Or, op. cit. p. 134.
275 Machado de Castro, Tiago, « Bombardeiros na Índia », op. cit., p. 35-43.
276 Koenigsberger, Helmut, Monarchies, States Generals and Parliaments, op. cit., p. 261-293 et 315-316.
277 Voir chapitre « théorie et pratique à l’école d’artilleurs de Séville ».
278 AGS CMC 2a época leg. 747 (année 1576).
279 Ibid.
280 Voir figure 27.
281 Sur les multiples liens forts (religieux, militaires, politiques, économiques) de l’époque entre l’Espagne et l’Irlande contre l’ennemi commun anglais, voir García Hernán, Enrique, Ireland and Spain in the Reign of Philip II, Dublin, Four Courts Press, 2009. Sur l’intervention espagnole à Kinsale en 1601 pour soutenir la révolte d’une partie de la noblesse catholique irlandaise, voir García Hernán, Enrique, Irlanda y la monarquía hispánica : Kinsale, 1601-2001 : guerra, política, exilio y religión, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 2002.
282 « Marco Aurelio Turco, hijo de Vicencio, natural de Cazan », ANTT Contos do Reino e Casa, NA 679 (année 1602).
283 AGS GYM leg. 378/85 (08/10/1593).
284 AGS CSU 2a época leg. 201 (année 1597).
285 Kamen, Henry, Empire, op. cit., p. i.
286 Parker, Geoffrey, The Army of Flanders and the Spanish Road (1567-1659),op. cit., p. 26-27.
287 AGI CT leg. 2956.
288 « Aquí ay un santo clérigo yrlandés llamado el padre Ricardo […] sabe la lengua alemana, ytaliana y española […] y para confesar artilleros estrangeros es muy necesario y para la conservación de Nuestra Santa cofradía », AGS GYM leg. 280/349 (20/01/1590).
289 AGS CSU 2a época leg. 91.
290 AGS GYM lib. 57 fol. 108v (13/01/1591).
291 AGS GYM leg. 131/32 (20/09/1582).
292 AGS GYM leg. 213/285 (année 1587).
293 AGS GYM leg. 284/136 (19/05/1590).
294 AGS GYM leg. 88/142 (21/02/1578).
295 La compagnie de 48 artilleurs allemands du capitaine Baltasar Troyer fut démobilisée après la conquête de Angra do Heroismo : AGS GYM leg. 162/105 (30/05/1584). Un contingent de 108 artilleurs allemands fut envoyé en Aragon : AGS GYM lib. 57 fol. 206r-208v (18/08/1591).
296 Ribot García, Luis Antonio « Soldados españoles en Italia »,op. cit.
297 AGS GYM leg. 280/349 (20/01/1590).
298 AGR CP no 621 (année 1601).
299 AGR CC no 26170, fol. 15r (année 1572).
300 AGR CA no 79 (listes de 1599-1601 et 1608).
301 Ibid.
302 AGS EST leg. 1245/64 (année 1576).
303 Voir les gages de la compagnie de 48 artilleurs du capitaine Baltasar Troyer, AGS GYM leg. 162/105 (30/05/1584).
304 AGS GYM lib. 57 fol. 206r-208v (18/08/1591).
305 Ces artilleurs allemands étaient souvent rattachés à la comptabilité et au commandement des colonels d’infanterie allemande : liste des comptes de soldats à Lisbonne, ANTT Contos do Reino e Casa, NA. 673, fol 38r (année 1594). En Galice, AGS GYM leg. 131/32 (20/09/1582). Problème de paiement des artilleurs allemands d’Aragon et de leur capitaine en 1587, AGS GYM leg. 212/254 (année 1587).
306 AGS EST leg. 1265/210 (03/02/1589).
307 AGS EST leg. 1265/97 (18/04/1589).
308 Ibid.
309 Terranova au roi : « El señor Calmona, persona no menos de recaudo y abil y muy acepta al Archiduque y sus ministros », AGS EST leg. 1265/90 (04/03/1589).
310 AGS EST leg. 1265/102 (20/03/1589).
311 AGS EST leg. 1265/97 (18/04/1589).
312 AGS EST leg. 1265/43 (04/11/1589).
313 AGS EST leg. 1265/143 (12/08/1589).
314 « No es gente que, si se despiden una vez, se podrá hallar sin mucho tiempo, gasto y dificultad, y es más servicio de Vuestra Majestad tenerla en pie sin mirar en lo poco que en despedirla se puede ahorrar », ibid.
315 AGS EST leg. 1265/43 (04/11/1589).
316 AGS GYM leg. 254/220 (21/12/1589).
317 Ibid.
318 Ibid.
319 AGS GYM leg. 281/272 (16/02/1590).
320 AGS GYM leg. 281/273 (19/02/1590).
321 AGS GYM leg. 281/274 (17/02/1590).
322 AGS GYM leg. 284/52 (26/05/1590).
323 AGS EST leg. 1265/97 (18/04/1589).
324 AGS GYM leg. 254/220 (21/12/1589).
325 AGS GYM leg. 280/253 (16/01/1590).
326 AGS GYM leg. 281/272 (16/02/1590).
327 AGS GYM leg. 254/220 (21/12/1589).
328 Liste établie par Diego de Peralta le 08/08/1597, AGR CA no 28.
329 AGR CA no 5, fol. 11v (01/02/1597).
330 AGR CA no 28.
331 Bernal Rodríguez A.M., Collantes de Terán Sánchez, A., « El puerto de Sevilla, de puerto fluvial medieval a centro portuario mundial (siglos xiv-xvii) » dans I porti come impresa economica, Simonetta Cavaciocchi (éd.), Prato, Le Monnier, Istituto Internazionale di Storia Economica F. Datini, 1988, p. 779-824.
332 Ibid. et Bernal, Antonio Miguel, La financiación de la Carrera de Indias (1492-1824). Dinero y crédito en el comercio colonial español con América, Séville, Fundación El Monte, 1992, p. 92-93.
333 Pike, Ruth, Enterprise and Adventure : the Genoese in Seville and the Opening of the New World, Ithaca, Cornell U P, 1966.
334 Judde de Larivière, Claire, Naviguer, commercer, gouverner. Economie maritime et pouvoirs à Venise (xve-xvie siècles), Leiden, Brill, 2008, p. 242-266.
335 Gómez-Centurión Jiménez, Carlos, Felipe II, la empresa de Inglaterra y el comercio septentrional (1566-1609), op. cit., p. 22-29 et 291.
336 Lynch, John, Spain under the Habsburgs. Volume one : Empire and Absolutism 1516-1598, New York ; Londres, New York University Press, 1981, p. 288.
337 Voir en particulier le chapitre « Le rôle de Lübeck dans le commerce hanséatique en Espagne et au Portugal au xvie siècle » dans Jeannin, Pierre, Marchands du Nord. Espaces et trafics à l’époque moderne, Paris, Presses de l’Ecole Normale Supérieure, 1996, p. 279-309.
338 Gómez-Centurión Jiménez, Carlos, Felipe II, la empresa de Inglaterra y el comercio septentrional (1566-1609), op. cit. p. 187.
339 Ibid. p. 224-225.
340 Ibid. p. 246.
341 Ibid. p. 261.
342 Un total recensé de 1627 navires lübeckois et 750 de Gdansk pour la période 1557-1627, ibid.
343 Voir figures 24 à 28.
344 Voir p. 107-112.
345 Je calcule 12 florins par mois à raison de 20 jours travaillés à 12 patards par jour, Verlinden, J. Craeybeckx, E. Scholliers, « Price and Wage Movements in Belgium in the Sixteenth Century (1955), op. cit. Je considère un taux de conversion de 3 florins = 1 escudo, Esteban Estríngana, Alicia, Guerra y finanzas en los Paises Bajos Católicos, op. cit., p. 23.
346 AGS GYM leg. 364/92 (04/05/1593).
347 Martin, Colin, Parker, Geoffrey, The Spanish Armada : Revised Edition, Manchester, Manchester University Press, 1999, p. 26 et 263-264.
348 « Los artilleros que pudiere de las urcas alemanas, navíos franceses y de Levante que allí hubiese con medios los más agradables que se pudiese para que vayan agregándose otros con esto y con las pagas adelantadas […] Que si entendiendo en esto no bastase […] lleve comisión para husar de un rigor moderado de sacarles alguna gente, a cada uno la que pudiere en consideración de la que tuviese », AGS GYM leg. 254/168 (17/12/1589).
349 Il dénombrait un total de 190 navires ragusains, français, flamands, la plupart avec un seul artilleur, AGS GYM leg. 280/228 (16/01/1590).
350 Ibid.
351 « Mandando Vuestra Majestad que se recojan haziendoles fuerça, convendrá que luego se metan en galera o en alguna cárcel para tenerlos seguros, pues no lo podrán estar de ninguna otra manera. Y así por esta causa, no me a parescido hazer ningun ruydo ni demostrazión en esta diligencia porque no sirviera de más que de recogerlos por una parte y ellos yrse por otra », ibid.
352 Machiavelli, Niccolò, Il Principe, Florence, Antonio Blado d’Asola, 1532, chapitre 12.
353 Parrott, David, The Business of War, op. cit., p. 17 et 28.
354 Ibid.
355 La fonction de président de Sicile équivalait dans les faits à celle de vice-roi, mais le duc de Terranova étant sicilien, il ne pouvait pas bénéficier du titre officiel de vice-roi de Sicile.
356 AGS EST leg. 1141/11 (15/02/1574).
357 Ibid.
358 Voir le rapport de leur activité, AGS EST leg. 1141/191 (sans date, probablement fin 1574).
359 Sur l’impact de cet incendie, voir les différentes mentions dans Davis, Fanny, The Palace of Topkapi in Istanbul, New York, Scribner, 1970, p. 60. Freely, John, The Grand Turk : Sultan Mehmet II – Conqueror of Constantinople, Master of an Empire and Lord of Two Seas, Londres, I.B. Tauris, 2009, p. 90. Ortaylı, İlber, Private and Royal Life in the Ottoman Palace, New York, Blue Dome Press, 2015.
360 AGS EST leg. 1141/191 (sans date, probablement fin 1574).
361 AGS EST leg. 1264/104 (24/12/1588).
362 Ibid.
363 Ibid.
364 AGS EST leg. 1265/213 (12/01/1589).
365 Ibid.
366 « Se hacen pláticos en esta navegación de que viene a resultar un grande inconveniente que es cada que les parezca pasarse a servir en navíos de sus naciones y con la plática que tienen, ir a robar con ellos las Indias y a todos los navíos de España que andan en aquella carrera », AGS GYM leg. 82/174 (27/10/1577).
367 Perez-Mallaína, Pablo, Spain’s Men of the Sea, op. cit. p. 56.
368 Pour les détails du récit, je suis retourné au document source : AGI Justicia leg. 886/14.
369 Martin, Colin, Parker, Geoffrey, The Spanish Armada, op. cit. p. 167.
370 AGS GYM leg. 254/227 (22/12/1589).
371 AGS GYM leg. 186/85 (24/06/1586).
372 Konstam, Angus, The Great Expedition : Sir Francis Drake on the Spanish Main, 1585-1586, Oxford, Osprey Publishing, 2011.
373 « Estranjeros de ninguna manera son buenos ni en ningun tiempo se puede tener dellos confianza y así tengo determinado de, en esta flota, echar de la fuerza quantos estranjeros hay artilleros y enviarlos con ella a Sevilla, aunque la falta de artilleros es mucha », Luis Hernández de Quiñones à la casa de la contratación, AGI CT leg. 5108 (02/07/1586).
374 Procédure d’information de l’année 1602 faisant partie du dossier « Expediente sobre las exenciones de los artilleros de la casa de la contratación », AGI IG leg. 2007.
375 Ibid.
376 Ibid. Sur la flotte de Francisco del Corral voir Chaunu, Huguette, Chaunu, Pierre, Séville et l’Atlantique, 1504-1650, op. cit. tome 4, p. 46.
377 « Expediente sobre las exenciones de los artilleros de la casa de la contratación », AGI IG leg. 2007. Il s’agissait de l’armada de guarda de la carrera de Indias sous le commandement de Luis Fajardo, Chaunu, Huguette, Chaunu, Pierre, Séville et l’Atlantique, 1504-1650, op. cit., tome 4, p. 112.
378 « Expediente sobre las exenciones de los artilleros de la casa de la contratación », AGI IG leg. 2007.
379 Ibid.
380 « El testigo [Miguel de Valdés] lo supo en el dicho puerto por cosa llana pública y notoria que habiendo llegado allí el Inglès enemigo, entró con la noche por la dicha barra y tomo el lugar y le saqueó y se volvió a salir de noche sin que le hubiesen ofendido con ninguna bala de artillería del castillo, lo qual se decía y dijo que había sucedido por ser los artilleros del dicho castillo extranjeros y que hechaban las balas por alto », ibid. Le manque de précision des tirs d’artillerie depuis la forteresse est attesté par le gouverneur de Portobelo, AGI PANAMA leg. 1/156 (05/04/1601).
381 Voir le portrait du parfait artilleur en introduction de ce chapitre.
382 « Contavame Sancho D’Avila, que hallandose sitiado en el Castillo d’Anvers, dondé por falta de Artilleros Spañoles, eran casi todos Flamencos los que allí havía, y haviendose de nuevo rebelado los Estados, y siendo necessario tirar y offender el Castillo a los enemigos, que todos los tiros eran vanos porque o los tiravan sin meter balas, o salvavan por encima las trincheras », dans Collado, Luis, Plática manual de artillería, op. cit. fol. 103r.
383 Parrott, David, The Business of War, op. cit. p. 17.
384 Sur les critiques des mercenaires par Machiavel, voir les remarques de Parrott, ibid. p. 6 et 28.
385 AGS EST leg. 1245/62 (01/10/1576).
386 Il apparaît dans les listes d’équipage suivantes : AGI CT leg. 3914 (année 1570), leg. 3915 (année 1574). Voir son inventaire après décès : AGI CT leg. 219, N.2, R.5 (13/09/1581).
387 AGS GYM leg. 397/5 (12/01/1593), leg. 394/111 (03/02/1593), leg. 389/274 (09/04/1593), leg. 389/249 (09/05/1593), leg. 394/314 (07/05/1593).
388 Cobos Guerra, Fernando, La artíllería de los Reyes Católicos, op. cit. Ladero Galán, Aurora, « Artilleros y artillería de los Reyes Católicos (1495-1510) » op. cit.
389 Benoit, Paul, « Artisans ou combattants ? Les canonniers dans le royaume de France à la fin du Moyen Âge », op. cit.
390 Pour la période des Rois Catholiques, le nombre d’artilleurs était de 17 en 1495, 34 en 1505, 100 en 1508, voir Ladero Galán, Aurora, « Artilleros y artillería de los Reyes Católicos (1495-1510) », op. cit. La France, en avance sur ses voisins, comptait 81 canonniers ordinaires en 1491, Contamine, Philippe, « L’artillerie royale française à la veille des guerres d’Italie », op. cit.
- CLIL theme: 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
- ISBN: 978-2-406-11556-4
- EAN: 9782406115564
- ISSN: 2264-458X
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-11556-4.p.0197
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 08-11-2021
- Language: French