Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Le Profane et le Sacré dans l’Europe latine. ve-xvie siècles
- Pages: 437 to 443
- Collection: Encounters, n° 428
- Series: Symposiums, seminars, and conferences on the European Renaissance, n° 105
Résumés
Marc Deramaix et Olivier Pédeflous, « Introduction »
Sur la longue durée, la langue latine favorise la rencontre du sacré et du profane, mais chaque époque offre des occasions de repenser l’articulation complexe de ces deux notions au moment où les mutations successives des sociétés et des formes de la cultura animi en bouleversent le sens : l’Antiquité tardive, la Renaissance carolingienne, la Renaissance chartraine du xiie siècle, le Quattrocento à Florence et à Rome, la France sous François ier, marquée par le transitus pensé par Guillaume Budé.
Pascale Bourgain, « Prologue. Le lexique du profane et du sacré au Moyen Âge »
Le vocabulaire du profane et du sacré au Moyen Âge montre que dans un monde profondément religieux le non-sacré est très vite péjoratif. Le terme profanus sert ainsi à discréditer un contradicteur, ou une superstition. Le glissement de sens opéré par l’usage rend le mot antique impropre à exprimer la notion de profane au sens neutre d’« extérieur à la sphère du sacré », plutôt rendu par saecularis. Et divinus vient relayer sacer.
Simone Viarre (†), « Le profane et le sacré dans l’épopée de Paderborn »
L’Épopée de Paderborn est un poème anonyme de cinq cent vers, probablement inachevé, qui date des années 800 ; la définition qu’elle donne du roi des Francs organise le débat entre l’Imperium et le Sacerdotium. Simone Viarre étudie la rencontre entre le pouvoir profane incarné par Charlemagne et le pouvoir sacré sous les traits du pape Léon III.
438Marie-Geneviève Grossel, « Les espaces du sacré à l’épreuve de la traduction. La translation des Vitae Patrum pour Blanche de Navarre, régente (1201-1222) du comté de Champagne »
Dans les Vitae Patrum le désert était l’espace du sacré ; le translateur anonyme en fait pour la comtesse Blanche de Champagne un texte littéraire : dans cette sorte de speculum dominae qui revivifie la réalité intemporelle du sacré en la rendant contemporaine, il donne ainsi à sa commanditaire un espace de sainteté profane où cette grande dame laïque du xiiie siècle pouvait se retrouver.
Florent Coste, « La confusion du spirituel et du temporel. Judas, Simon le Magicien et la simonie au xiiie siècle »
Un bon moyen de comprendre la conception qu’une société donnée se fait du sacré est d’étudier une situation d’infraction ou de transgression où la frontière avec le profane n’est pas respectée. Si l’une des caractéristiques anthropologiques du sacré est qu’il est soustrait des échanges ordinaires, au Moyen Âge le crime consistant à commercer et trafiquer avec le sacré ou les sacrements s’appelle la simonie. L’article étudie un sermon de Jacques de Voragine qui compare le simoniaque à Judas et à l’Antéchrist.
Anne Raffarin, « Les fonctions de la littérature chrétienne dans la reconstruction de la Rome païenne. Le cas particulier du Liber pontificalis »
L’étude des monuments antiques à l’âge de l’humanisme pose le problème de la compréhension des espaces sacrés païens dans un monde devenu chrétien. De ce point de vue, la distinction entre sacré et profane prend un sens tout particulier et les notices du Liber Pontificalis qui décrivent le réinvestissement par les chrétiens d’espaces profanes ou sacrés du paganisme permettent d’en cerner les linéaments.
Sandra Provini, « Sacralisation et glorification des guerres d’Italie par les poètes des cours de Charles VIII et de Louis XII »
Fausto Andrelini et Antoine Forestier, poètes des cours de Charles VIII et de Louis XII, reprennent les procédés de la poésie épique de l’Antiquité pour offrir un récit héroïque des guerres d’Italie, qu’ils légitiment dans le même temps en les associant à l’imaginaire de la croisade. L’article examine 439les modalités de cette métamorphose d’une guerre profane en guerre sacrée, et les tensions qu’elle suscite entre la sacralisation et l’héroïsation de la campagne militaire et du roi qui la conduit.
Nathalie Catellani, « La figure du Prince dans l’œuvre de George Buchanan. De l’épiphanie au tyrannicide ? »
L’article confronte la représentation du Prince chez George Buchanan, telle qu’elle figure dans sa poésie de circonstance et dans son traité politique De Iure Regni apud Scotos dialogus (1579). Loin d’être contradictoires, poésie et traité constituent deux miroirs des Princes complémentaires qui posent les jalons d’une laïcisation du pouvoir royal.
Carine Ferradou, « Le De Iure regni apud Scotos de George Buchanan (1579). Une conception sécularisée de la politique ? »
Bien que s’inscrivant dans la lignée des traités « monarchomaques » et qu’inspiré par le néostoïcisme, le De Iure regni apud Scotos de George Buchanan (1579) propose une justification originale de la plus radicale des formes de tyrannicide. Il plaide pour une indépendance de la politique vis-à-vis de la religion, du Droit face aux Saintes Écritures, qu’il interprète en référence au contexte historique qui les a engendrées, et de l’éthique politique à l’égard de la morale scripturaire.
Catherine Langlois-Pézeret, « Étienne Dolet, humaniste laïc »
Le traitement des notions de profane et de sacré dans les ouvrages d’Étienne Dolet complète la réputation subversive de cet humaniste : réticent face au sacré, il préfère de loin le profane et le montre en laïcisant les rares textes poétiques qu’il consacre à la religion chrétienne.
Louise Katz, « La lecture morale de l’Antiquité profane dans le projet éditorial de Josse Bade »
Intermédiaire essentiel de la diffusion de la devotio moderna en France, Josse Bade considère son rôle dans la transmission des bonnes lettres comme l’accomplissement d’un devoir chrétien. L’analyse de ses pièces liminaires 440permet de mettre en lumière comment l’imprimeur a mis, dès les fondements de son projet éditorial, la lecture de l’Antiquité profane au service de la foi chrétienne.
Tristan Vigliano, « Sacré, profane, théologie, philosophie. Quelques figures de la retusio dans le De disciplinis de Jean-Louis Vivès »
La somme sur l’éducation que constitue le De disciplinis de Jean-Louis Vivès (1531) repose sur une distinction entre philosophie et théologie. Elle tente en outre d’établir s’il faut ou non lire les auteurs profanes. C’est cette distinction et cette question qu’on examine ici. Derrière des lignes de partage apparemment claires pointe une forme de trouble, qu’il faut mettre en rapport avec un surprenant appel à la retusio, paradoxal émoussement de l’esprit.
Jean-Yves Tilliette, « L’hymnographie des saints, d’Augustin d’Hippone à Thomas d’Aquin »
À travers l’analyse de quatre poèmes, le Psalmum contra partem Donati d’Augustin, l’hymne Altus prosator de l’Irlandais Colomba, le Rythmus sanctae Mariae Virginis de Pierre Damien et le Lauda Sion de Thomas d’Aquin, il montre comment les sciences du langage héritées de l’Antiquité sont mises par les auteurs sacrés au service de la transmission du message chrétien et en acquièrent en retour une force expressive singulière.
Evrard Delbey, « La problématique du profane et du sacré est-elle pertinente dans les élégies chrétiennes de Venance Fortunat ? »
Venance Fortunat n’utilise pas dans ses élégies la distinction sacré et profane. Pourtant, tout n’est pas sacré. L’article fait d’abord l’inventaire de ce que le poète qualifie de sacré, puis étudie l’élégie IV, 9 (à Léonce 1er) et l’élégie IV, 26 (à Vilithute). Venance Fortunat n’y recourt pas à la notion de sacré pour dire la certitude du divin.
Olivier Szerwiniack, « Sacré et profane dans le psautier de Luttrell »
L’article montre comment le célèbre psautier copié et décoré à la demande de Sir Geoffrey Luttrell III, dans le Lincolnshire, entre 1330 et 1345 environ, 441aujourd’hui conservé à la British Library sous la cote Additional 42130, est pleinement sacré en dépit des nombreuses et fascinantes représentations profanes qui couvrent ses marges.
Gisèle Besson, « Vrais et “faux” théologiens. Le champ de la théologie dans une réécriture médiévale de la mythologie païenne »
Afin de montrer comment la frontière entre les domaines du profane et du sacré tels qu’on les définit usuellement peut être floue même dans le moyen âge chrétien, l’article analyse, en contexte, l’emploi des mots de la famille de theologus chez un auteur du xiie siècle, le Troisième Mythographe Anonyme du Vatican. Les sens hérités de l’antiquité et le sens chrétien de ces termes se superposent, corroborant la démonstration de l’auteur à propos de la part de sagesse que contenait la mythologie païenne.
Émilie Séris, « Profane et sacré dans la bucolique au Trecento. Vt ethereo resonarent carmine ualles »
Pétrarque et Boccace se sont efforcés, dans leurs Bucolica carmina, de concilier lettres profanes et sacrées. Ils ont tiré le meilleur parti possible de la structure alternée et des virtualités allégoriques de la bucolique, mais l’églogue a révélé rapidement ses limites. L’assimilation des Écritures Saintes met le genre poétique en péril en abolissant sa dualité fondamentale, en introduisant massivement de l’épopée et en créant des tensions irréductibles entre sens profane et sens théologique.
Anne Bouscharain, « La poésie pastorale chez le Mantouan. L’Adulescentia, création d’une Arcadie chrétienne »
Dans son recueil pastoral de l’Adulescentia (1498), Battista Spagnoli crée le mythe d’une Arcadie chrétienne où le berger antique cède place au berger biblique, figure idéale qui unit le secessus d’une retraite monastique aux chants d’une dévotion sacrée à Marie. Il a également dessiné, en imitant Pétrarque et Boccace, son cheminement personnel vers la foi, qui doit se lire comme une conversion de son art poétique, synthèse moderne des studia humanitatis et divinitatis.
442Suzanne Laburthe, « Les scènes de la nativité dans l’œuvre du poète Jean Salmon Macrin. Entre profane et sacré »
Jean Salmon Macrin célèbre la naissance du Christ dans quatorze nativités. Si le thème en est sacré, Macrin tente de désacraliser le sujet par l’adoption d’une Muse pédestre. Cependant, ce choix d’une esthétique de la médiocrité doit être relu à la lumière d’autres pièces, qui lient rhétorique sacrée et rhétorique du pectus : l’attendrissement devant le tout petit si ordinaire dans son humanité devient un moyen de retrouver l’émotion sacrée, comme le voulait le courant de la deuotio moderna.
Bruno Garnier, « L’héritage dramatique de Jephthes de Buchanan. La conscience souffrante comme ressort tragique »
La tragédie de Buchanan, Jephthes sive votum, publiée en 1554 emprunte à deux tragédies d’Euripide des situations tragiques, des dialogues. L’article est centré sur deux aspects : les réinvestissements chrétiens des grands genres de l’Antiquité appliqués à la tragédie et les liens de la littérature d’expression personnelle avec l’examen de conscience. Le respect du vœu fait par Jephthes à Dieu de lui sacrifier sa fille trouve ici une amplification christique inconnue des versets bibliques d’où il était issu.
Florent Rouillé, « Alain de Lille, poète et prophète. Transgression et usurpation dans l’Anticlaudianus »
L’article examine la poétique de la catachrèse, du paradoxe et de l’énigme qui permet au théologien Alain de Lille d’agir sous le masque du poète. La langue poétique, paulinienne autant qu’elle parle dans un miroir et en énigme, virgilienne parce qu’elle manie l’allégorie selon les canons de Bernard Sylvestre, ne modifie pas la parole prophétique revendiquée par Alain de Lille dans son poème dont l’expression est aussi équivoque que le requiert l’art de l’integumentum.
Laure Hermand-Schebat, « Le rôle des dominicains dans la réfutation de la théologie poétique. De Giovannino de Mantoue à Savonarole (xive-xve siècles) »
La Renaissance voit s’affronter tenants de la Scolastique et ceux de l’Humanisme autour de la question du statut de la poésie : Giovannino de Mantoue contre Albertino Mussato, Giovanni Dominici contre Coluccio Salutati. 443Pétrarque et Boccace approfondissent dans la seconde moitié du xive siècle la notion de théologie poétique proposée par Mussato, et dans l’autre camp, plus d’un siècle plus tard, Savonarole rattache la poésie à la philosophie et non à la théologie.
Rachel Darmon, « Transmettre un savoir sur les dieux païens à la Renaissance. L’entreprise mythographique de Georgius Pictorius »
Pourquoi s’intéresser aux antiques dieux païens lorsque l’on est soi-même chrétien ? Le Magasin des dieux de Pictorius se nourrit de cette problématique et utilise la forme dialogique pour la porter à son paroxysme. Tandis que l’un des personnages reprend les attaques formulées par Augustin à l’encontre de la culture païenne, l’autre lui révèle peu à peu les savoirs que peuvent révéler ces antiques figures. Le profane est alors initié par le maître à un mode de connaissance fondé sur la mythologie.
George Hugo Tucker, « “Lyre chrestienne” et “lyre prophane” chez Joachim Du Bellay »
Cette étude fournit une nouvelle réponse à la question posée jadis par Gadoffre sur le rapport entre la poésie « profane » et « sacrée » chez Du Bellay. Elle ajoute au témoignage des productions françaises des débuts parisiens et du séjour romain du poète, celui maintenant des vers néo-latins de ses Poemata « romains » et des inédits de son retour en France, pour y voir une « lyre prophane » qui finit par être mise au service d’une « lyre chrestienne » surtout gallicane.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-09148-6
- EAN: 9782406091486
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09148-6.p.0437
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 02-03-2020
- Language: French