Avertissement
- Publication type: Book chapter
- Book: Le Philologue et son double. Études de réception médiévale
- Pages: 7 to 9
- Collection: Medieval Literary Research, n° 17
Book chapter: 1/30 Next
Avertissement
À l’exception des deux premiers, tous les articles repris ici ont paru postérieurement à mon Joseph Bédier écrivain et philologue. Chacun traite d’un thème que mon livre n’avait fait qu’effleurer, et là où il suggérait la possibilité de développer tel aspect particulier de l’œuvre de Bédier, du contexte intellectuel dans lequel elle s’inscrivait, de celui qu’elle a contribué à modeler, ou de la réception de l’œuvre bédiérienne et, en particulier du Roman de Tristan et Iseut, les présents articles se sont donné pour tâche de proposer quelques réponses à des interrogations restées en suspens ; ces solutions restent partielles, sans doute, car ce n’est pas vers une, mais bien vers des synthèses qu’elles tendent. La question de la traduction et de ses modes, en particulier, devrait, pour être traitée vraiment sérieusement, prendre en compte les innombrables tentatives proposées depuis bientôt trois siècles pour adapter la littérature française médiévale à la langue moderne ; plusieurs thèses, sinon plusieurs vies, y suffiraient à peine. En outre, pour ne pas faire de ce volume un recueil exclusif d’études bédiériennes, on y a inclus des travaux consacrés à des figures plus anciennes (Le Grand d’Aussy, Quinet, Renan) ou plus modernes (Cingria, Aebischer, Zumthor), auteurs qui, tous, mettent en cause, de manière plus ou moins aiguë, les rapports de l’érudition et de la littérature. Cet angle d’approche peut sembler relativement restreint face à l’immensité des possibles ouverts par la question de la « réception » du Moyen Âge. J’y vois pour ma part l’occasion d’affirmer une idée qui m’est chère, à savoir que la réception profane du passé est inséparable de sa réception savante. Trop de chercheurs ont restreint la question du « retour » du Moyen Âge à l’étude de ce qu’en ont dit les artistes ; il n’était que justice que l’on privilégie, pour une fois, la parole des érudits, non que ceux-ci aient eu plus d’importance, dans ce processus, que les auteurs, mais parce que la collaboration des savants et des écrivains (des « clercs » et des « jongleurs », disait déjà Bédier) a toujours été à l’origine de l’évolution de notre culture, comme ces pages aimeraient le montrer. Dans quelques rares cas (Ferré, Updike, certains adaptateurs modernes de la matière tristanienne), je me suis permis d’élargir le champ des 8auteurs concernés et de sortir fugitivement de la sphère de l’érudition, mais on constatera que c’est presque toujours pour mieux y revenir, les allusions à des auteurs « profanes » témoignant, en l’occurrence, plutôt d’un élargissement que d’une éviction du rayonnement érudit.
Je n’ai pas cherché à donner à ces études beaucoup plus d’unité qu’elles n’en ont eu au gré varié de leurs publications respectives. Tout au plus ai-je tenté de les classer dans un ordre à la fois historique et logique, en allant de l’histoire de la philologie aux érudits modernes en revisitant au passage quelques grands massifs de l’œuvre bédiérienne, ainsi que les derniers avatars du Roman de Tristan et Iseut. Mais toutes ont été révisées afin que les redites apparaissent le moins nombreuses possible, certaines restant néanmoins nécessaires pour ne pas rendre incompréhensibles certains développements : on n’arrive pas au but par un seul chemin et les croisements de problématiques sont inévitables dès lors que l’on prétend cerner les divers aspects d’une question complexe aux innombrables ramifications. Je n’ai pas non plus cherché à réduire certains écarts stylistiques : on constatera en particulier que l’aspect un peu plus technique de « Traduire ou ne pas traduire » tranche avec l’esprit plus franchement littéraire des autres textes. Certaines études ont toutefois été passablement modifiées ; écourtées là où elles ne faisaient que répéter ce qui avait déjà été dit ailleurs, fondues parfois les unes dans les autres, augmentées enfin lorsque de précédentes contraintes éditoriales n’avaient pas permis de donner leur plein développement à certaines idées qui y étaient exprimées, corrigées et recontextualisées partout où cela s’est trouvé nécessaire, toutes tentent de répondre à une question particulière, et j’ai essayé de faire une force de ce qui pourrait, de prime abord, sembler une absence de direction générale. Selon l’angle adopté, en effet, des questions apparentées se trouvent abordées de différentes manières, et ce qui aurait été un casse-tête structurel dans le cas d’une monographie ciblée apparaît plutôt ici comme une réflexion plurielle qui tente de concilier histoire littéraire, sociologie de la littérature et histoire des formes.
En tête figure le plus ancien article de ce recueil, texte programmatique dont j’ai légèrement atténué le caractère à l’origine un peu abrupt (il avait, dans un contexte épistémologique plus tendu qu’aujourd’hui, valeur de manifeste), mais qui me semble, quant au fond, n’avoir pas tout à fait perdu de son actualité. Le dernier article, enfin, qui est aussi le deuxième plus récent, est un essai de synthèse sur la première moitié du xxe siècle, en même temps qu’une interrogation sur l’« avenir » du Moyen Âge.
9Dans tous les cas, la bibliographie a été complétée et mise à jour : on trouvera en fin de volume tous les travaux explicitement cités dans les divers articles. Je n’ai pas voulu compartimenter cette bibliographie : la distinction entre littératures primaire et secondaire aurait en effet été bien souvent fallacieuse, car les éditions des textes médiévaux sont, dans ce volume, plus souvent citées pour ce qu’en disent leurs éditeurs que pour ce que les textes eux-mêmes nous racontent, raison pour laquelle ceux-ci ont été classés sous le nom des éditeurs modernes et non des auteurs anciens, que l’on retrouvera néanmoins facilement grâce à l’index des noms propres.
L’histoire des études médiévales et de la réception du Moyen Âge dans la modernité sont des domaines encore jeunes de notre discipline, et la multiplication des colloques et des publications consacrés à ces sujets prouve la vitalité et la fécondité de nouveaux champs de recherches. Pour ma part l’édition de ce volume m’est l’occasion de mettre un point d’orgue (mais certainement pas un point final) à des travaux qui, trop obstinément poursuivis, menaceraient de faire oublier que le premier amour du critique doit rester l’étude des textes de ceux qui n’ont eu d’autre possibilité que d’être des créateurs ; si tant est du moins – et l’on comprendra que ce soupçon lancinant hante les présentes pages – que ceux-ci puissent être fondamentalement distingués de ceux qui les glosent1…
1 Les références précises des premières publications des articles repris et adaptés ici sont indiquées en note au début de chaque article. Qu’il me soit permis de remercier au passage les revues et éditeurs divers qui m’ont autorisé à reprendre mes textes sous cette nouvelle couverture. Je remercie ici Olivier Wicky de sa relecture attentive de ces pages.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-8124-3085-5
- EAN: 9782812430855
- ISSN: 2261-0367
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-8124-3085-5.p.0007
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-09-2015
- Language: French