Notice
- Publication type: Book chapter
- Book: Le Cachet d’Onyx, Léa, L’Amour impossible, La Bague d’Annibal
- Pages: 105 to 111
- Collection: Nineteenth-Century Library, n° 103
NOTICE
Éditions parues du vivant de Barbey :
L ’ Amour impossible, Paris, Delanchy, 1841, 288 p.
L ’ Amour impossible, Paris, Librairie nouvelle Bourdilliat, 1859, 274 p.
L ’ Amour impossible, La Bague d’Annibal, Paris, A. Lemerre, Petite bibliothèque littéraire, 1884, 330 p.
Le texte de L’Amour impossible est ici reproduit d’après l’édition Lemerre de 1884, dernière édition à avoir été revue par Barbey.
Articles contemporains :
« L’Amour impossible », Revue du Calvados, 1841 (article signé HP).
« L’amour impossible », La Revue des Deux Mondes, 1er juin 1841 (article non signé).
Scudo, « L’amour impossible, Chronique parisienne, par Jules Barbey d’Aurevilly », La France littéraire, 22 août 1841 (l’article est signé du seul nom de famille).
Alphonse Duschenes, « L’Amour impossible, de M. Jules Barbey d’Aurevilly », Le Figaro, 8 octobre 1859.
Le 14 mai 1841, Barbey remercie Trebutien et, par l’intermédiaire de ce dernier, Alphonse Le Flaguais, « de la réclame insérée dans La Revue de Caen1 ». Sans doute s’agit-il de l’entrefilet paru dans La Revue du Calvados, revue dont Alphonse Le Flaguais vient d’être nommé directeur.
« – L’Amour impossible, chronique parisienne, par M. Jules d’Aurevilly, vient d’être édité à Paris, par Delanchy.
Les personnes qui ont connu l’auteur n’ont pas oublié combien on doit attendre de son esprit original jusqu’à l’étrangeté, hardi jusqu’à la témérité. Nous pouvons affirmer que l’œuvre de M. Jules Barbey sera classée parmi les créations les plus neuves de la littérature moderne2. »
106Dans cette même revue paraîtra un article plus étoffé et fort élogieux, signé des seules initiales HP3. Le critique loue la singularité et l’originalité de l’œuvre : « piquante chronique parisienne », « curieux roman », « étrange histoire ». S’il juge le dénouement peu vraisemblable et le style parfois trop affecté, il estime cependant que ce « coup d’essai » est un « coup de maître ». Il promet un bel avenir à un auteur dont la « plaisanterie » est « acérée » et qui analyse avec finesse et subtilité le cœur des femmes.
Au cours de cette même année 1841, Barbey envoie à Philarète Chasles, journaliste à La Revue des Deux Mondes, un exemplaire de son roman. Il en espère un article critique. Une recension, non signée, paraît, dans ce même journal, le 1er juin :
« – L’Amour impossible, chronique parisienne, par M. Jules Barbey d’Aurevilly, est un petit roman très spirituel, très raffiné, très moderne, dans le genre de M. de Balzac, quand il observe, ou plutôt de M. Charles de Bernard. L’auteur, en beaucoup de pages brillantes, et en plusieurs situations très bien saisies, est déjà passé maître. Il s’agit d’une femme à la mode, d’une lionne qui vole son amant à une autre femme de ses amies, et qui, pourtant n’en profite guère ; car elle et lui sont blasés, et ils ont beau faire, ils ne peuvent s’aimer. Le style, le langage, le costume et les mœurs de cette nouvelle sont du dernier moderne ; la mode y joue un grand rôle, le jargon n’y est pas étranger : L’auteur fait preuve d’assez de fonds et de talent propre, pour devoir se débarrasser au plus vite de ce qu’il y a d’étrange et de passager dans ces dialectes qui ne durent qu’une ou deux semaines : il peut, en étant plus simple, prétendre à des succès durables. Il y a des scènes charmantes, le moment, par exemple, où Mme d’Anglure, la femme volée, entre à l’improviste chez sa rivale pour lui reprendre l’amant déjà tombé à genoux, et qui n’a que le temps de se relever. Mme d’Anglure, douce, pure, aimante, espèce de beau camélia blanc élancé, un peu sotte, disent les méchans, mais passionnée, est une heureuse figure. Elle meurt de douleur. Sa brune et fière rivale, Mme de Gesvres, est un peu trop peinte en panthère, et a trop de cambrures ; faite comme elle est, et fait comme l’est aussi M. de Maulevrier, on ne comprend pas pourquoi, tout en croyant l’amour impossible, ils n’en poussent pas l’expérience jusqu’au bout : c’est là, dans la conclusion de 107la nouvelle, une grave invraisemblance. Je soupçonne l’auteur, qui m’a l’air très expérimenté, d’avoir dissimulé à cet endroit et de n’avoir pas voulu tout dire. Quoi qu’il en soit, il amuse, il intéresse, il impatiente quelquefois par excès de trait et d’esprit, il n’ennuie jamais. »
Le 8 juin, Barbey envoie à Trebutien l’article d’un de ses amis, l’italien et musicien Paul Scudo, article qui paraîtra dans La France littéraire le 22 août, et il le prie de l’insérer dans La Revue de Caen. A-t-il lu trop vite cette critique ? Il revient sur sa demande quelques jours plus tard : « Ainsi, que ce malencontreux article d’abord agréé (mais trop facilement) par moi, et jugé dangereux pour le succès de mon livre, s’ensevelisse entre vos mains4. » L’article se termine ainsi : « Le style de L’Amour impossible n’est pas académique, il a tous les défauts de la manière et de l’excentricité. L’auteur se plaît à jouer avec les mots, et à les faire brillanter à la lumière de son esprit. Souvent, il en tire de beaux reflets, mais, à la longue, cela finit par éblouir et fatiguer les yeux du lecteur. Quoi qu’il en soit de nos critiques, L’Amour impossible est le début d’un homme très-remarquable qui, nous le croyons, est appelé à un bel avenir littéraire5. »
En septembre 1843, Barbey prend connaissance, grâce à Trebutien, de l’article de Paul Delasalle, article publié dans La Revue du Calvados : « Il y avait un bon article de critique dure et morale contre L’Amour impossible, mais M. Delasalle ne l’a pas fait. Le sien est un compte rendu avec des phrases hachées, tirées de mon livre, plus quelques gros mots d’indignation et de condamnation par ci par là, et si gros, si gros qu’en vérité je me demande si nous sommes en province aussi bêtes qu’en Angleterre, de moralité hypocrite et ennuyeuse6. »
Le 24 juin 1853, il propose à Trebutien sa propre lecture critique du roman :
« Je vous ferai, puisque vous y tenez, le petit mot que vous me demandez sur L’Amour impossible. C’est un livre que je n’ai pas même relu depuis qu’il a été écrit. L’impression que j’en ai gardée, c’est qu’il y a dans tout ce livre assez l’instinct des nuances et quelques grands 108traits qui annoncent la largeur de la touche pour plus tard ; – du reste, le style sans naturel, surtout au point de vue du public qui nie le naturel de mon naturel tout à l’heure encore, quoique la vie m’ait bien mûri et bien simplifié. Par peur du commun, à l’heure où j’écrivais ce conte vrai de L’Amour impossible, je sautais dans le bizarre comme on saute par une fenêtre, et je me cassais le cou. Puis j’avais un peu le défaut que le vieux Mirabeau (le Grand !) se reprochait à lui-même, un style fait en écaille d’huître, tellement surchargé de différentes couches d’idées, qu’il faudrait une ponctuation faite exprès pour le débrouiller. J’ai eu quelquefois l’idée que cette écaille avait de la nacre par dessous, si ce n’est des perles par dedans, mais la vérité est qu’il y avait trop d’incidences à ma phrase, trop d’entrecroisé d’aperçus, nuisant à la marche de la pensée et à la clarté de l’expression7. »
Dans cette même lettre, il enterre définitivement la marquise :
« Maintenant la Grande Marquise (comme nous l’appelions) et qui m’écrivait, hier encore, un billet signé feue Bérangère, n’est plus que le spectre de sa beauté, de sa fierté, de son brio, de sa gaîté ; une naufragée de la vie, bleuie, meurtrie aux plus misérables écueils et n’ayant au milieu des hontes que je ne veux pas dire, gardé d’imposant qu’un esprit de démon et un ennui de tout, qui est assez diabolique aussi ; – du reste, terrible pour tout le monde, elle est toujours restée très bonne femme pour moi, sans doute en vertu du proverbe de Walter Scott : Les faucons n’arrachent pas les yeux aux faucons8. »
Le 1er septembre de cette même année, il fera à nouveau allusion à L’Amour impossible à propos de ses Memoranda, ce journal qu’il tient en 1836-1839 à l’intention de son ami Maurice de Guérin, dans ces années où il fréquente la marquise du Vallon :
« À l’heure où ils furent écrits, je n’étais pas encore l’homme que je suis devenu peu après … L’ennui peint dans L’Amour impossible, l’ennui des gants blancs, du Balcon de l’Opéra, de la vie de salon, les seules choses que les Gérontes et les instituions vieillottes du règne de Louis-Philippe eussent laissées aux fortes jeunesses des hommes conçus dans le ventre des mères au moment où tonnait le canon d’Austerlitz, tout cela me chassait aux excès et aux aventures qui n’ont point eu de Memoranda et qui en auraient eu de terriblement piquants et curieux 109si Guérin eût vécu, car s’il eût vécu, j’aurais continué de noter ma vie par quart d’heure9… ».
Enfin, il écrira à Louis Poupart, dit Davyl, en 1865 : « Mon premier livre : – L’Amour impossible (chez Lévy), roman de Highlife, de salon, de boudoir, fait dans un temps où les vicomtesses se disaient froides et ne l’étaient point. J’ai peint ce vice du temps, avec un pinceau qui valait mieux que ce que je peignais. Le caractère de cela, c’est le raffinement, l’ennui, le dandysme10. »
En 1857, il entretient l’espoir que Georges Mancel, éditeur caennais qu’il surnomme Murray – du nom de l’éditeur de lord Byron –, pourrait rééditer le roman. Du moins le confie-t-il à Trebutien : « Je suis convaincu qu’il couvrirait bientôt ses frais. Le livre n’a pas été écrémé. Réimprimé par moi, avec une préface, tiré d’ailleurs au nombre d’exemplaires qu’on voudra, déposé ici chez plusieurs libraires, avec les relations de Murray… qui est un vrai Murray Normand, c’est-à-dire supérieur, nous ferions partir enfin ce coup de Pistolet qui n’est point parti11. » Ce projet n’aura pas de suite, mais le roman sera réédité par Bourdilliat deux ans plus tard.
On ne connaît pas la réaction de Barbey à l’article publié dans Le Figaro cette même année par Alphonse Duschenes. Avec verve, ce critique souligne les contradictions entre le polémiste (Barbey est alors un journaliste fort véhément au Réveil), « gardien vigilant de la morale » et « intraitable puritain », et le romancier dont l’histoire, les personnages, le style sont dignes d’un Crébillon.
Le manuscrit, propriété du musée Saint-Sauveur-le-Vicomte, est conservé aux Archives de la Manche, à Saint-Lô. Il occupe un peu plus de la moitié d’un gros cahier relié. Certains feuillets en ont été arrachés. Mais s’agit-il du manuscrit ou de l’un des manuscrits de L’Amour impossible ? Car si le texte publié suit, avec quelques variantes, celui du manuscrit pour les cinq premiers chapitres, il s’en écarte considérablement par la suite. La continuité est rompue à partir du chapitre vi de la première partie. Dans le chapitre vii du manuscrit, Barbey indique d’ailleurs entre parenthèses de se reporter à des feuilles volantes. Le texte manuscrit qui correspond à la deuxième partie est, de plus, fragmentaire et très 110incomplet par rapport à la version publiée (nulle trace, par exemple, du récit de la soirée chez Mme de Gesvres ou de la mort de Mme d’Anglure).
Figurent en première belle page du cahier, en haut à gauche, les initiales « J B d’A », et, plus bas à droite, une adresse : « 19 rue du Colombier ».
Sur le second feuillet, en belle page, se trouve l’épigraphe : « Il ne s’agit pas de ce qui est beau et amusant, mais tout simplement de ce qui est…. »
Le texte proprement dit commence au feuillet suivant, en belle page, précédé de ce titre : « Esquisse, ébauches, premier trait ». Les premières pages portent peu de ratures, comme si elles étaient la transcription d’un brouillon antérieur.
Il n’y pas d’indications de parties. Les chapitres qui correspondent à ceux de la première partie du texte publié sont numérotés, mais, à l’exception du chapitre vii, n’ont pas de titre. La numérotation disparaît après le chapitre vii à l’exception du chapitre numéroté xi, chapitre qui correspond au chapitre iv de la deuxième partie dans la version publiée.
Barbey a utilisé le reste du cahier comme brouillon : on y trouve des notes, des citations, une liste de livres à lire, des esquisses d’articles ou de comptes rendus de lectures (sur la mode, sur un livre d’Amédée René, sur Necker directeur du trésor, sur la critique, sur 1848, etc.), quelques lignes qui semblent se référer au chapitre xii d’Une vieille maîtresse. De nombreuses pages sont restées blanches.
L’avant-dernière page du cahier porte une date : « Donné à Kling 100 f. ce 6 avril 1848 ». Kling est le tailleur de Barbey, il a été aussi son logeur.
Une page est consacrée à « Mme du V… », elle est marquée d’une croix et le texte en est laconique :
« Une perce-neige.
A vécu sur [mot illisible] vivre sous la glace, meurt dans la boue, = » (virgule et signe égal figurent dans le texte).
L’écriture du manuscrit varie au cours de la rédaction : tantôt régulière, lisible ; tantôt fiévreuse, les caractères mal formés, les ratures nombreuses, appuyées. Comme à son habitude, Barbey ponctue peu.
Dans le chapitre i, le narrateur s’adresse à un interlocuteur : « Mon cher Georges ». Comment ne pas songer que le texte a pu être, à l’origine, 111destiné à Maurice de Guérin que Barbey nommait toujours de son premier prénom : Georges ? N’était-ce pas pour cet ami très cher que sont écrits dans le même temps les Memoranda ? Comment ne pas imaginer également que la Comtesse d’Anglure, qui se prénomme Caroline, ne fasse écho à la joliesse, au charme, au chic, de la jeune fille que Guérin rencontre en 1836 et qu’il épousera deux ans plus tard : Caroline de Gervain ?
1 LT, p. 75.
2 Revue du Calvados 1841, p. 69.
3 Ibid., p. 333 sqq.
4 LT, p. 79.
5 La France littéraire, t. VI, nouvelle série, 22 août 1841, p. 216-217.
6 Lettre du 29 septembre 1843, LT, p. 115. Article non retrouvé.
7 LT, p. 588-589.
8 LT, p. 588.
9 LT, p. 617.
10 Corr. 6, p. 279.
11 LIT, p. 77 (28 février 1857).
- CLIL theme: 3440 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- XIXe siècle
- ISBN: 978-2-406-13774-0
- EAN: 9782406137740
- ISSN: 2258-8825
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-13774-0.p.0105
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-19-2023
- Language: French