Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : La « Philautie » humaniste, héritages et postérité
- Pages : 333 à 336
- Collection : Études et essais sur la Renaissance, n° 117
- Série : Perspectives humanistes, n° 10
Résumés
Tristan Vigliano, « Philautie avant philautie. Sens et sources d’une notion dans les Adages d’Érasme »
Cet article interroge la nature de la philautie pour Érasme au moment où il commence à s’approprier cette notion, et cherche de quelles sources, antiques et humanistes, résulte cette appropriation dans les Adages. La connaissance de ces sources (Aristote et Platon, Stobée et Filippo Beroaldo) révèle certaines décisions fortes de l’écrivain, certains traits de composition encore inaperçus, et même certains effets de sens, peut-être plus ironiques qu’il n’y paraît.
Arthur Huiban, « La “philautie” des premiers Loci communes de Melanchthon (1521). Doctrine anthropologique ou entrée lexicale dans l’Écriture ? »
À partir de l’usage de la notion de « philautie » dans les Lieux communs théologiques de Melanchthon (1521), l’article fait le point sur l’apport de la première doctrine luthérienne dans sa relation à l’Écriture et à l’héritage humaniste, antique et patristique. Melanchthon condamne en effet sous le nom de « philautie » la confiance en soi, comprise comme croyance en la capacité de l’homme à se sauver lui-même, ouvrant sur une méditation scripturaire sur l’efficience de la parole de Dieu.
William McKenzie, « La philautie. Narcisse aux seuils de la modernité »
L’article explore une « pré-histoire » du « narcissisme » dans le récit ovidien et dans ses traductions, emblèmes, gloses et commentaires, où il observe que les concepts d’« amor sui » et de « philautia » se chargent d’une dimension « historique ». En incarnant la folle nouveauté dans les domaines intellectuel, cosmique, politique et amoureux, Narcisse illustre la recherche de nouveaux liens entre les périodes historiques et de nouvelles manières de se constituer en communauté.
334Anne-Élisabeth Spica, « Figures emblématiques de la philautie en Narcisse »
Le corpus emblématique permet de sonder les effets de spécularité et d’aveuglement qui instruisent l’énoncé iconotextuel de la philautie, d’un double point de vue : d’une part, la formulation d’un discours visible et lisible sur l’amour excessif de soi, mortifère et vaniteux, à partir de la figure qui en paraît la plus adéquatement expressive, Narcisse ; d’autre part, le discours sur les dangers de l’illusion philautique que dénonce cette construction même, et ses remèdes au cœur du mal.
Gérard Milhe Poutingon, « Violence philautique et incongruité chez Rabelais »
L’étude porte sur les relations entre la philautie, en particulier lorsqu’elle est vindicative, et le hors-propos. Après un rappel de l’état de la question dans les mentalités du xvie siècle, les faits sont examinés dans l’œuvre de Rabelais. Cette étude s’achève sur des propositions relatives à l’influence des Lettres de Diogène sur le prologue du Tiers Livre.
Jeltine Ledegang-Keegstra, « Théodore de Bèze, attaqueur satirique et dupe de philautie »
Jamais l’esprit satirique n’a quitté Bèze, des Juvenilia (1548) à la Réponse à un gentilhomme savoysien (1598), et jusque dans la Confession de la foy chrestienne (1559). Dans ses œuvres, Bèze attaque plusieurs défauts connexes de la « philautie » tels que la vanité, l’arrogance, la fausse modestie et l’ambition, notamment dans de violentes diatribes ad personam, et s’est lui-même fait accuser de ces défauts par d’autres écrits.
Blandine Perona, « Satire et philautie, franchise et aveuglement de Politien à Montaigne »
Partant de la Praelectio in Persium de Politien (1498), cet article montre combien la représentation de la philautie humaniste est tributaire de l’évolution du genre satirique. La satire se justifie comme antidote à la philautie, et les visages de la philautie se transforment avec les cibles de la satire. Ainsi, la philautie des théologiens que dénonce Érasme s’oppose à la charité, quand celle 335des courtisans que dénoncent plus tard H. Estienne, Du Fail et Montaigne s’oppose surtout au naturel.
Audrey Duru, « Le lexique de l’amour de soi dans la poésie et les traités spirituels de langue française (seconde moitié du xvie siècle-premier xviie siècle) »
Au xvie siècle, la poésie dite chrétienne à la première personne offre un dispositif littéraire qui repose sur le retour moral sur soi et la dénonciation de l’amour de soi. L’approche lexicale montre que le je s’y trouve purgé de l’intérêt personnel à travers un combat métaphorique, dont le soubassement doctrinal et confessionnel est divers : ascétisme, humanisme dévot, anti-humanisme, mystique. Les vers offrent une ressource lettrée et sociale, remaniée pour dire un je délesté du moi.
Aline Smeesters, « À partir de deux notices de Sandaeus. La doctrine scolastique de l’amour-propre “bien ordonné” »
L’article analyse les origines et les enjeux de l’importance donnée par jésuite Sandaeus à l’amour de soi « bien ordonné » dans les notices de dictionnaire qu’il consacre à l’« amor sui » et à l’« amor proprius » (Pro theologia mystica clavis, 1640). Il montre que la légitimation d’une forme positive d’amour de soi s’inscrit dans la promotion par l’Église de Rome d’un amour actif, tourné vers les œuvres de charité, contre les excès des mystiques et contre les doctrines réformées.
Isabelle Moreau, « Présomption humaine et purge sceptique. Montaigne, Charron, La Mothe Le Vayer »
En comparant le traitement réservé à l’amour de soi et à la présomption chez Montaigne, Charron et La Mothe Le Vayer, à travers une constellation de termes relatifs à la notion de « philautie », cet article montre qu’il s’agit d’un problème d’ordre représentationnel plutôt que d’un vice. Il en analyse les implications épistémologiques ainsi que les réponses apportées par ces auteurs, prenant ainsi position dans le débat sur l’incidence du scepticisme dans le fonctionnement de la vie morale.
336Nicolas Correard, « Le philosophe en philaute. Portrait satirique de Thomas Hobbes par John Eachard (1672-1673) »
Dans ses deux dialogues Mr Hobbs’s State of Nature Considered (1672) et Some Opinions of Mr Hobbs Considered (1673), le satiriste John Eachard met en scène Thomas Hobbes sous les traits de Philautus. Au-delà du portrait caricatural qui vise le philosophe dans les polémiques contemporaines, Eachard reformule ainsi la notion de self interest, centrale dans l’anthropologie hobbesienne, en fonction d’une catégorie au passé humaniste et chrétien que Hobbes entendait justement évacuer.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-08837-0
- EAN : 9782406088370
- ISSN : 2114-1096
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08837-0.p.0333
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 27/06/2019
- Langue : Français