Préface
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Métaphore en traductologie. La théorie des formes sémantiques et The Hunger Games
- Pages : 11 à 13
- Collection : Translatio, n° 14
- Série : Problématiques de traduction, n° 12
PRÉFACE
L’ouvrage La Métaphore en traductologie. La théorie des formes sémantiques et The Hunger Games de Bahareh Ghanadzadeh Yazdi est composé essentiellement de deux dimensions, théorique et pratique, qui sont annoncées par le titre et développées par les réflexions de l’auteur tout au long de ce travail qui tient ainsi ses promesses.
Entreprendre des recherches dans le domaine de la traductologie demande de posséder au préalable un solide socle de connaissances en théories littéraires et linguistiques aussi bien que l’audace et la confiance en soi suffisantes pour mener à terme les investigations analytiques portant sur des exemples du texte source, afin de les commenter, les synthétiser, et mieux appréhender ainsi leur passage vers la langue cible. Un travail traductologique sérieux repose en effet sur deux piliers, l’analyse de l’original et l’évaluation des réalisations traductives. En effet, la pratique de la traduction est vieille comme le monde ; et depuis qu’elle existe, depuis que les êtres humains communiquent entre eux, c’est une activité ou même une relation qui engage l’acteur-traducteur en assurant la jonction entre l’œuvre originale et sa version traduite.
À notre époque, la traduction a pris une importance capitale. Il ne s’agit plus seulement de passer tant bien que mal d’une langue à l’autre pour des raisons purement pragmatiques – comme c’était souvent le cas dans le passé –, mais d’interpréter des contacts et donc de la communication, au sens noble du terme, entre les personnes et leurs cultures, de faire émerger les individualités, les particularités de communautés aussi bien que des généralités théoriques et pratiques qui favorisent une véritable compréhension mutuelle. L’inconnu, l’indéterminé prend souvent, tant en linguistique – en sémantique lexicale – que dans la vie quotidienne, une signification péjorative qui provoque – notre cerveau est ainsi fait – le rejet de l’autre, tant il est vrai qu’on n’accepte pas ce qu’on ne connaît pas, ce qu’on ne comprend pas. La connaissance, au contraire, facilite l’échange et l’acceptation de l’autre. La traduction 12est cette activité, qui contribue au rapprochement et peut-être même à la diminution des méfiances réciproques. Mais, et cela est de plus en plus admis, la traduction ne peut se contenter d’être une simple activité pratique si elle veut progresser. Elle a besoin d’une conceptualisation, d’une traductologie, tout comme la politique a besoin de politologie et les sociétés ont besoin de sociologie. À notre époque, la théorisation des phénomènes – la prise de conscience de leurs modalités d’être, l’analyse de leur assise dans un environnement culturel et politique, l’interprétation des choix traductifs les concernant – paraît naturellement nécessaire pour construire un cadre de réflexions et nommer les faits. Bahareh Ghanadzadeh Yazdi est bien consciente de cette position intellectuelle et épistémologique, de la nécessité de la construction d’un modèle interdisciplinaire théorique encadrant la traduction. La philosophie du langage, mais aussi les diverses branches de la linguistique et de la littérature sont des disciplines éminemment contributrices à une réflexion théorique. Parmi ces profils théoriques elle a choisi la théorie ambitieuse des formes sémantique de Cadiot et Visetti, fondée sur une phénoménologie de la perception, tout en argumentant son choix en parfaite connaissance des autres théories.
Son travail de recherche porte sur la traduction en français de la métaphore dans la littérature de jeunesse anglo-saxonne. L’auteur s’appuie sur les quatre romans bien connus de The Hunger Games de la romancière Suzanne Collins, récits qui appartiennent au genre fantasy. Dans un premier temps, elle se concentre sur l’analyse des études théoriques de la métaphore, puis, dans un deuxième temps, sur l’exploration de la métaphore dans le texte-source. Enfin, dans un troisième temps, elle justifie ses choix traductifs de l’anglais au français en s’appuyant sur la TFS et en éprouvant sa méthode à travers une comparaison entre les choix du traducteur officiel, Guillaume Fournier, et les siens propres.
Il faut souligner la compréhension qu’a l’auteur de cet ouvrage de l’importance de la réflexion théorique, souvent passée sous silence, et de l’analyse de la littérature de jeunesse. Et comme on ne peut pas dans un seul ouvrage traiter tous les aspects de tous les phénomènes d’un texte, l’auteur a choisi la métaphore.
Il faut souligner également que le sujet de la traduction de la métaphore que l’auteur se donne comme terrain à explorer, et en premier lieu dans 13sa dimension théorique, est peu habituel. Les difficultés sont multiples : d’abord, la nature de la métaphore : est-ce une entité linguistique ? discursive ? Puis la question de la construction de l’esprit humain : est-il bâti pour saisir la dimension spatiale et non seulement linéaire du discours ?
Il n’y a pas dans l’écriture et aussi dans l’usage oral de la langue, artistique ou pragmatique, de phénomène plus intéressant, qui saisisse plus profondément la pensée que la métaphore, ce mouvement de l’esprit où le sens fait la forme, et la forme fait le sens.
L’auteur a courageusement abordé ces problèmes et finement commenter l’état des recherches dans le domaine. À cela s’ajoute une difficulté majeure, parfaitement surmontée, qu’est l’interprétation de la métaphore dans deux langues-cultures, l’anglais et le français, alors que la langue première de l’auteur est le persan. Nous sommes toujours heureux de lire un nouvel ouvrage traductologique et a fortiori lorsqu’il traite de la problématique littéraire de la métaphore, phénomène certainement l’un des plus complexes et des plus difficiles à déchiffrer lorsqu’on veut éclaircir son statut linguistique et culturel à l‘intérieur d’une langue et dans la littérarité artistique de son univers ontologique. L’entreprise devient encore plus ardue quand on examine sa mouvance dans le processus de la traduction. Car dans le passage d’une langue-culture à l’autre, le traducteur-analyste est obligé de comprendre et d’évaluer la performance acrobatique de la transformation traductive de la métaphore.
L’auteur de cet ouvrage s’en est sorti vainqueur.
Magdalena Nowotna
INALCO, Paris
- Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
- ISBN : 978-2-406-14247-8
- EAN : 9782406142478
- ISSN : 2800-5376
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14247-8.p.0011
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 25/01/2023
- Langue : Français