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Classiques Garnier

Préface

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : La Métaphore en traductologie. La théorie des formes sémantiques et The Hunger Games
  • Pages : 11 à 13
  • Collection : Translatio, n° 14
  • Série : Problématiques de traduction, n° 12
  • Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
  • EAN : 9782406142478
  • ISBN : 978-2-406-14247-8
  • ISSN : 2800-5376
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14247-8.p.0011
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 25/01/2023
  • Langue : Français
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PRÉFACE

Louvrage La Métaphore en traductologie. La théorie des formes sémantiques et The Hunger Games de Bahareh Ghanadzadeh Yazdi est composé essentiellement de deux dimensions, théorique et pratique, qui sont annoncées par le titre et développées par les réflexions de lauteur tout au long de ce travail qui tient ainsi ses promesses.

Entreprendre des recherches dans le domaine de la traductologie demande de posséder au préalable un solide socle de connaissances en théories littéraires et linguistiques aussi bien que laudace et la confiance en soi suffisantes pour mener à terme les investigations analytiques portant sur des exemples du texte source, afin de les commenter, les synthétiser, et mieux appréhender ainsi leur passage vers la langue cible. Un travail traductologique sérieux repose en effet sur deux piliers, lanalyse de loriginal et lévaluation des réalisations traductives. En effet, la pratique de la traduction est vieille comme le monde ; et depuis quelle existe, depuis que les êtres humains communiquent entre eux, cest une activité ou même une relation qui engage lacteur-traducteur en assurant la jonction entre lœuvre originale et sa version traduite.

À notre époque, la traduction a pris une importance capitale. Il ne sagit plus seulement de passer tant bien que mal dune langue à lautre pour des raisons purement pragmatiques – comme cétait souvent le cas dans le passé –, mais dinterpréter des contacts et donc de la communication, au sens noble du terme, entre les personnes et leurs cultures, de faire émerger les individualités, les particularités de communautés aussi bien que des généralités théoriques et pratiques qui favorisent une véritable compréhension mutuelle. Linconnu, lindéterminé prend souvent, tant en linguistique – en sémantique lexicale – que dans la vie quotidienne, une signification péjorative qui provoque – notre cerveau est ainsi fait – le rejet de lautre, tant il est vrai quon naccepte pas ce quon ne connaît pas, ce quon ne comprend pas. La connaissance, au contraire, facilite léchange et lacceptation de lautre. La traduction 12est cette activité, qui contribue au rapprochement et peut-être même à la diminution des méfiances réciproques. Mais, et cela est de plus en plus admis, la traduction ne peut se contenter dêtre une simple activité pratique si elle veut progresser. Elle a besoin dune conceptualisation, dune traductologie, tout comme la politique a besoin de politologie et les sociétés ont besoin de sociologie. À notre époque, la théorisation des phénomènes – la prise de conscience de leurs modalités dêtre, lanalyse de leur assise dans un environnement culturel et politique, linterprétation des choix traductifs les concernant – paraît naturellement nécessaire pour construire un cadre de réflexions et nommer les faits. Bahareh Ghanadzadeh Yazdi est bien consciente de cette position intellectuelle et épistémologique, de la nécessité de la construction dun modèle interdisciplinaire théorique encadrant la traduction. La philosophie du langage, mais aussi les diverses branches de la linguistique et de la littérature sont des disciplines éminemment contributrices à une réflexion théorique. Parmi ces profils théoriques elle a choisi la théorie ambitieuse des formes sémantique de Cadiot et Visetti, fondée sur une phénoménologie de la perception, tout en argumentant son choix en parfaite connaissance des autres théories.

Son travail de recherche porte sur la traduction en français de la métaphore dans la littérature de jeunesse anglo-saxonne. Lauteur sappuie sur les quatre romans bien connus de The Hunger Games de la romancière Suzanne Collins, récits qui appartiennent au genre fantasy. Dans un premier temps, elle se concentre sur lanalyse des études théoriques de la métaphore, puis, dans un deuxième temps, sur lexploration de la métaphore dans le texte-source. Enfin, dans un troisième temps, elle justifie ses choix traductifs de langlais au français en sappuyant sur la TFS et en éprouvant sa méthode à travers une comparaison entre les choix du traducteur officiel, Guillaume Fournier, et les siens propres.

Il faut souligner la compréhension qua lauteur de cet ouvrage de limportance de la réflexion théorique, souvent passée sous silence, et de lanalyse de la littérature de jeunesse. Et comme on ne peut pas dans un seul ouvrage traiter tous les aspects de tous les phénomènes dun texte, lauteur a choisi la métaphore.

Il faut souligner également que le sujet de la traduction de la métaphore que lauteur se donne comme terrain à explorer, et en premier lieu dans 13sa dimension théorique, est peu habituel. Les difficultés sont multiples : dabord, la nature de la métaphore : est-ce une entité linguistique ? discursive ? Puis la question de la construction de lesprit humain : est-il bâti pour saisir la dimension spatiale et non seulement linéaire du discours ?

Il ny a pas dans lécriture et aussi dans lusage oral de la langue, artistique ou pragmatique, de phénomène plus intéressant, qui saisisse plus profondément la pensée que la métaphore, ce mouvement de lesprit où le sens fait la forme, et la forme fait le sens.

Lauteur a courageusement abordé ces problèmes et finement commenter létat des recherches dans le domaine. À cela sajoute une difficulté majeure, parfaitement surmontée, quest linterprétation de la métaphore dans deux langues-cultures, langlais et le français, alors que la langue première de lauteur est le persan. Nous sommes toujours heureux de lire un nouvel ouvrage traductologique et a fortiori lorsquil traite de la problématique littéraire de la métaphore, phénomène certainement lun des plus complexes et des plus difficiles à déchiffrer lorsquon veut éclaircir son statut linguistique et culturel à lintérieur dune langue et dans la littérarité artistique de son univers ontologique. Lentreprise devient encore plus ardue quand on examine sa mouvance dans le processus de la traduction. Car dans le passage dune langue-culture à lautre, le traducteur-analyste est obligé de comprendre et dévaluer la performance acrobatique de la transformation traductive de la métaphore.

Lauteur de cet ouvrage sen est sorti vainqueur.

Magdalena Nowotna

INALCO, Paris