Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: L'Humanisme au pouvoir ?. Figures de chanceliers dans l'Europe de la Renaissance
- Pages: 393 to 398
- Collection: Encounters, n° 444
- Series: Symposiums, seminars, and conferences on the European Renaissance, n° 107
Résumés
Loris Petris, « Introduction »
Cette introduction montre à quel point le statut de chancelier peut servir, entre le xive et le xvie siècle, de point d’observation significatif et dynamique des mutations de la société, qu’elles soient institutionnelles, idéologiques, économiques, techniques ou culturelles. Alors que l’appareil administratif se développe, cette fonction adopte des contours variés selon les époques et les régions mais son lien avec l’exercice du pouvoir demeure constant. Cette élite émergente des chanceliers entretient également des rapports profonds et constants avec l’humanisme, dont ils sont imprégnés de manière inégale, mais un humanisme juridique, chrétien et politique.
Jacques Verger, « Les chanceliers de l’université de Paris au xve siècle. Hommes de savoir, hommes de pouvoir »
De Jean Gerson à Ambroise de Cambrai, la charge de chancelier de l’université de Paris a été occupée au xve siècle par sept docteurs en théologie ou en droit canon. Leur rôle traditionnel était simplement de présider les jurys de licence mais ils détenaient aussi un certain pouvoir de juridiction et c’étaient généralement des fidèles du roi de France qui s’appuyaient volontiers sur eux pour contrebalancer l’attachement persistant des universitaires parisiens à leurs libertés et privilèges.
Jean-Baptiste Delzant, « Des échanges de bons procédés. Seigneurs et chanceliers dans les villes d’Italie centrale (fin xive – premier xve siècle) »
Les régimes seigneuriaux du centre de l’Italie recrutèrent certains de leurs agents parmi des professionnels itinérants des affaires publiques. Certains devinrent leurs chanceliers. Ils ne durent pas leur recrutement à leur familiarité avec des pratiques humanistes (rhétorique, art épistolaire) offrant de nouveaux instruments de gouvernement. Ils furent choisis pour leur savoir-faire 394administratif à l’intérieur du système notarial qui structurait les organismes communaux dont dépendaient les seigneurs.
Carla Maria Monti, « Pasquino Cappelli et le renouvellement humaniste de la chancellerie viscontéenne »
Comme Coluccio Salutati à Florence, Pasquino Cappelli eut à Milan non seulement un rôle politique absolument fondamental, mais également une activité culturelle importante. Véritable chancelier humaniste, il collectionna et étudia les livres des classiques, et, promouvant le culte des œuvres de Pétrarque, fit office de mécène et créa un réseau de contacts intellectuels. Enfin, avec la nouvelle culture, il renouvela la pratique de son activité professionnelle au service de la civitas. Il se modela sur Pétrarque lui-même, qui avait auparavant été chancelier et haut diplomate de la famille Visconti à Milan.
Clémence Revest, « ‘’Causer plus de tort que trente cohortes de cavaliers’’. L’imaginaire du chancelier dans l’Italie humaniste »
L’objectif est ici de mettre en évidence les principaux ressorts de la promotion d’un imaginaire du chancelier en homme de la Renaissance dans la littérature humaniste à partir du début du xve siècle. Nous revenons sur les deux phénomènes intimement liés que furent la réactivation de l’idéal oratoire cicéronien et la production d’un mythe des pères fondateurs, avant d’observer certains effets de cette double projection symbolique du point de vue des définitions institutionnelles de l’office.
Marc Boone, « Les chanceliers des ducs Valois de Bourgogne. Technocrates et/ou idéologues ? »
Du fait de ses responsabilités et de son autorité, mais plus encore parce qu’il devient la clef de voûte d’une construction étatique fondée sur l’utilisation de l’écrit, le chancelier de « l’État bourguignon » incarne une tradition bien médiévale. Les premiers chanceliers combinaient souvent le statut d’homme d’Église avec une formation technique de juriste. Avec l’intensification des pratiques politiques et des échanges diplomatiques avec la péninsule italienne, des visions empruntées à la culture humaniste se sont graduellement manifestées aussi à la chancellerie bourguignonne.
395Isabella Lazzarini, « L’humanisme au quotidien. Écrits et écritures de chancellerie dans l’Italie septentrionale (xve siècle) »
Le texte porte sur l’influence humaniste dans le travail concret des chancelleries et des professionnels de la communication, c’est-à-dire l’insertion occasionnelle ou bien l’adoption systématique d’attitudes humanistes envers la parole, le texte et les formes et les contenus des pratiques politiques et documentaires. Où, dans quelle mesure et comment peut-on parler, dans les chancelleries des principautés de l’Italie septentrionale au xve siècle, d’une diffusion du langage humaniste des actes quotidiens du pouvoir ? Et, là où cela arrive, quel est l’enjeu culturel et politique de cette innovation ?
Brian Jeffrey Maxson, « Les chanceliers entre privé et public. Les réponses adressées par Leonardo Bruni à Lucques en 1431 »
Cet article porte sur un échange polémique entre le chancelier de Lucques, Cristoforo Turrettini, et le chancelier de Florence, Leonardo Bruni, en 1430-1431. Dans les trois textes qui forment cet échange, dont la Difesa contro i riprensori del popolo di Firenze nella impresa di Lucca, Turrettini et Bruni ont tous deux joué sur les conceptions contemporaines des distinctions entre privé et public pour maximiser les effets de leurs écrits, à la fois pour eux-mêmes et pour leurs États.
Pierre Couhault, « Sous le sceau de la chevalerie. Les chanceliers des ordres auliques face à l’humanisme »
Comme bien d’autres institutions, les ordres de chevalerie créés par les princes de la fin du Moyen Âge avaient leurs chanceliers. Au cœur de l’administration de l’ordre, ils en étaient les maîtres de la parole – pastorale, politique et diplomatique. A priori, ces cercles chevaleresques étaient aux antipodes de l’humanisme. Leurs chanceliers furent pourtant tous confrontés à la montée de cette nouvelle culture. Certains s’y opposèrent, d’autres en furent des protecteurs ou des praticiens
Pierre-Ange Salvadori, « Chasser le spectre gothique de Suède. Le chancelier Olaus Petri, Gustav Vasa et la mélancolie humaniste »
Identifiant les Suédois aux Goths de l’Antiquité, l’humanisme leur fit porter la responsabilité d’une parenthèse médiévale des Bonnes Lettres ouverte par 396les sacs de Rome. Les Goths formaient donc des spectres pour les humanistes suédois qui procédèrent à un exorcisme savant, soit en niant l’ancestralité (le chancelier Olaus Petri), soit en relisant ce passé comme âge d’or. Le roi dut choisir entre la négation du passé gothique par son chancelier et sa sublimation par les humanistes catholiques.
Richard Cooper, « Stephen Gardiner et Thomas Wriothesley diplomates »
L’étude porte sur deux futurs chanceliers anglais, Thomas Wriothesley, chancelier entre 1544-1547 (et donc le dernier chancelier d’Henri VIII) ; et Stephen Gardiner, chancelier en 1553-1555, le premier chancelier de Marie Tudor la Sanguinaire. Il s’agit de deux figures très différentes dans un premier sens : d’une part, un juriste, partisan de la Réforme, qui aide Cromwell à détruire les abbayes, les tombeaux, les reliquaires, les images, les vitraux, et à séquestrer les biens de l’Église ; et, d’autre part, un prélat, adversaire de la Réforme, qui, par son expertise en droit canonique, se rend indispensable à un roi parfois lunatique.
Jean-Marie Le Gall, « Les gens de Lettres et les chanceliers de France (1480-1560) »
Les hommes de Lettres du xvie siècle, à la différence de la plupart de ceux du Moyen Âge, ont prétendu célébrer l’immortalité des grands hommes en ce bas monde grâce à leur talent de plume. On imagine que les chanceliers, par leur office prestigieux, mais aussi par leurs compétences avaient tout pour inspirer poètes, orateurs, historiens et autres virtuoses des Belles Lettres. De fait, ces derniers n’hésitèrent pas à appeler les chefs de la justice royale à protéger les bonae litterae, à défendre la justice, la patrie et même la langue française. Et pourtant, l’immortalité ne leur est aujourd’hui pas davantage acquise que leurs prédécesseurs médiévaux.
Laurent Vissière, « Jean de Ganay. Le chancelier à la mosaïque »
Chancelier de France de 1508 à 1512, Jean de Ganay fut un des hommes les plus en vue de la cour sous les règnes de Charles VIII et Louis XII. Proche du cardinal d’Amboise, il anima, avec son frère Germain de Ganay, un brillant cénacle intellectuel à Paris, et nombre de traités leur furent dédiés par les plus grands noms de l’époque. Jean était aussi en contact avec les humanistes italiens et commanda à Florence non pas une mosaïque (celle du musée d’Écouen), comme on l’a dit jusqu’ici, mais plusieurs.
397Séverin Duc, « En pleine tempête. Girolamo Morone, un “fidissimus nauta” devenu chancelier de l’état de Milan (1499-1522) »
En mai 1522, après la restauration de Francesco II Sforza aux dépens des Français, une ordinatione de réforme innove avec la création de « grand chancelier de l’état de Milan », considéré comme le « très fidèle naute, tenant le timon, pour traverser les tempêtes et éviter les naufrages ». Il s’agit ici de restituer les ressorts de la création de cette charge, en montrant comment le pouvoir pouvait s’envisager à la Renaissance comme un art de la navigation et comment Morone a pu incarner la figure de chancelier-timonier.
Laure Chappuis Sandoz, « Michel de L’Hospital, du pouvoir à la disgrâce. Itinéraire poétique et rétrospectif d’un serviteur du roi »
Est abordée ici la question de la retraite et de la disgrâce du chancelier Michel de L’Hospital sous l’angle littéraire, humain et philosophique de la quête d’une vie pour soi et de la (re)conquête d’une liberté intérieure. Sont convoqués les modèles horatiens, pliniens, stoïciens et chrétiens pour examiner comment s’opère une conversion des motifs de la retraite champêtre et de l’ataraxie vers un idéal de vertu chrétienne et d’élévation spirituelle par la grâce.
Olivier Spina, « L’humaniste qui censurait les livres. Thomas More, Lord Chancelier d’Henri VIII (1529-1532) »
Dans les années 1520, les idées réformées se répandent en Angleterre par le biais de livres luthériens et de traductions en vernaculaire des Écritures. Après s’être révélé un redoutable polémiste contre Luther et les évangéliques anglais, l’humaniste Thomas More devient Lord Chancelier de 1529 à 1532. Constatant l’inefficacité de l’Église à enrayer la progression du luthérianisme, More convainc Henri VIII de prendre en charge le contrôle des livres religieux et de mener une politique beaucoup plus répressive, révélant la désormais difficile conciliation pour les humanistes des lettres et de la foi.
Gérald Chaix, « Entre humanismes et réformes. Chanceliers et chancelleries des villes d’Empire »
Sur les quelque 85 villes d‘Empire dénombrées au début du xvie siècle, une douzaine dispose d’une chancellerie importante. Apparues au début du 398xiiie siècle, elles reflètent l’importance de l’écrit et la rénovation du droit romain. Une deuxième étape a lieu aux xive et xve siècles : essor des administrations, académisation des chanceliers qui adoptent des comportements humanistes (Peutinger, Augsbourg). Ils jouent un rôle essentiel dans l’adoption des réformes religieuses. Spengler (Nuremberg) fait la synthèse entre humanisme, idéal réformateur et enseignement luthérien.
Mark Greengrass, « Conclusion »
Cette conclusion présente un bilan : les chanceliers et les chancelleries d’une part points de rencontre entre la république des Lettres et la res publica lors de la Renaissance, et d’autre part instruments permettant de considérer comme un ensemble les chanceliers des royaumes et ceux d’autres institutions, et ainsi de descendre aux niveaux inférieurs de l’humanisme au pouvoir tout en esquissant des comparaisons sur le plan européen et en prenant garde au risque d’une lecture trop italocentrée.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-10083-6
- EAN: 9782406100836
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10083-6.p.0393
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 10-12-2020
- Language: French