E-gouvernement et Web 2.0, ou comment le numérique redéfinit l’intermédiation entre l’État, les citoyens et les territoires
- Type de publication : Article de revue
- Revue : European Review of Service Economics and Management Revue européenne d’économie et management des services
2021 – 1, n° 11. varia - Auteurs : Liefooghe (Christine), Tanigushi (Yoko)
- Pages : 113 à 144
- Revue : Revue Européenne d’Économie et Management des Services
E-gouvernement et Web 2.0,
ou comment le numérique redéfinit l’intermédiation entre l’État,
les citoyens et les territoires
Christine Liefooghea
Yoko Taniguchib
aUniversité de Lille – TVES – Territoires Villes Environnement
et Sociétés
bConsultante
Introduction
La transformation numérique de l’action publique est devenue un enjeu pour les États, encouragée par l’Open Government Partnership à l’échelle internationale tout comme par l’Union européenne. Elle est motivée par une prise de conscience politique des impacts potentiels de la diffusion exponentielle des technologies numériques, en particulier les technologies du Web 2.0 et des plateformes collaboratives qui en dérivent. Au nom des principes démocratiques, l’objectif est de mieux associer les citoyens à la décision, ou du moins de les consulter plus régulièrement, voire de favoriser la transparence de l’action publique pour lutter contre la corruption. Au nom de l’orthodoxie budgétaire, la création de plateformes de services publics vise à « moderniser et simplifier » les administrations tout en améliorant la qualité des services rendus aux usagers, à moindre coût. Le recours à des prestataires de la 114GovTech1 permettrait aussi d’externaliser certains services au public tout en assurant un accès au flux toujours renouvelé des innovations, sans avoir à recruter de nouveaux experts numériques sous le statut de fonctionnaire. Les Startups des Civic Techs2 offriraient quant à elles des outils pour consulter les habitants sur des choix politiques, au niveau national (lois, débats) ou au niveau local (budgets participatifs, nouveaux services, projets urbains, etc.). La transformation numérique de l’action publique se présente donc comme un vaste champ d’expérimentation pour les prochaines décennies, dans le meilleur des mondes (Schmidt et Cohen, 2013).
Des chercheurs interrogent cependant le dessous des cartes de cette utopie techno-politique, tantôt pour décrypter les modalités pratiques de cette transformation (conditions techniques et juridiques, implications budgétaires, formation, etc.), tantôt pour explorer les implications d’un nouveau partenariat public/privé/citoyens en termes de gouvernement et de gouvernance (GovTech, CivicTech, rôle des GAFAM, collectifs citoyens), voire pour sonder les implications de technologies encore obscures pour le commun des mortels et plus encore pour la législation (intelligence artificielle, gouvernementalité algorithmique, réalité virtuelle, plateformes participatives, etc.). Dans cet article, nous proposons plus modestement de confronter les résultats de deux démarches de recherche antagonistes qui avaient néanmoins pour objectif commun d’analyser l’effet potentiellement disruptif du Web 2.0, et des plateformes collaboratives associées, dans la relation entre pouvoirs publics et citoyens. L’une portait sur la transformation numérique pilotée au plus haut niveau de l’État, exploration menée pour le projet européen H2020 Co-VAL3. L’autre a étudié, dans le cadre d’une thèse (Taniguchi, 2018), le rôle du Web 2.0 dans la co-production d’innovations sociales à l’échelle des territoires dans une interaction entre citoyens et pouvoirs locaux. D’un côté, la transformation numérique de l’action publique conduit au e-gouvernement, où l’État joue un rôle majeur de pilotage voire court-circuite les échelons territoriaux et les pouvoirs locaux dans l’intermédiation avec les citoyens : des plateformes de services (aux) publics 115dématérialisés s’adressent directement à leurs usagers qui, en retour par les réseaux sociaux du Web 2.0, peuvent contribuer à l’amélioration de ces services voire susciter des innovations. De l’autre, des collectifs locaux de citoyens constitués en communautés numériques en interaction avec les collectivités territoriales portent des projets d’innovation sociale. Dans ce schéma dichotomique, les technologies du Web 2.0 sont des outils d’intermédiation numérique qui abolissent la distance institutionnelle entre pouvoirs publics et citoyens, à l’échelle nationale et locale.
Dès lors, ce court-circuit des canaux traditionnels de la vie politique et des procédures administratives conduit à une désintermédiation des relations socio-politiques classiques entre acteurs : le citoyen s’adresse par mail au maire sans passer par les services de la mairie ; l’agent public s’adresse à son ministre de tutelle sans passer par la voie hiérarchique ; l’usager des services publics réalise ses démarches administratives via Internet sans passer par un guichet d’une administration locale ; le service démocratie locale d’une ville propose aux citoyens de participer à la décision publique par vote numérique, etc. De même que le e-commerce menace les magasins physiques et qu’Amazon risque, à terme, de monopoliser une grande partie des relations commerciales, la transformation numérique de l’action publique rebat les cartes de la relation entre État, territoires et citoyens. Certaines grandes entreprises du numérique, américaines en l’occurrence, connaissent mieux que l’État le comportement des citoyens et pourraient aussi proposer des services (aux) publics, même sans délégation de service public (Haëntjens, 2018).
Notre objectif n’est pas de débattre des avantages et inconvénients de la gestion numérique des services urbains (smart city), des plateformes de consultation citoyenne proposées par les CivicTechs ou tout autre service inventé par les GovTechs dans les champs de l’action publique (santé, sécurité, éducation, etc.). Par la confrontation de nos terrains de recherche respectifs, l’article vise à comparer deux canaux d’innovation, par le national et par le local, pour comprendre comment la transformation numérique de l’action publique peut modifier les modes d’intermédiation dans l’élaboration et la mise en application des politiques publiques. Le vecteur de ces innovations n’est pas l’Internet mais une de ses technologies de mise en relation, le Web 2.0, apparu au début des années 2000. Néanmoins, ce format d’interaction numérique correspond moins à une invention technologique qu’à une modification 116des usages à partir d’outils préexistants. Le Web 2.0 serait plus une appellation marketing promue par Dale Dougherty et Tim O’Reilly, de la société de communication O’Reilly Media aux États-Unis à partir de 20034. Alors que les sites Internet des années 1990 sont des vitrines de publication, sans modification possible par les usagers qui ne sont alors que des lecteurs, les applications du Web 2.0 offrent aux usagers la possibilité d’interagir avec les annonceurs, de contribuer en créant des contenus, en particulier grâce aux Blogs ou aux Wiki qui ne demandent pas de compétences informatiques expertes (Millerand et al., 2010). Les interfaces simplifiées du Web 2.0, appelé aussi Web participatif ou Web social, facilitent l’interactivité de pair à pair, en supprimant les contrôles a priori des contenus. Le Web 2.0 est alors une plateforme où la valeur n’est pas créée par la vente de logiciels protégés mais par le traitement automatique de données gratuitement produites par effet réseau entre les contributeurs. Parmi les principes énoncés par Tim O’Reilly en 2005, le Web 2.0 est une « architecture de participation » constituée par un assemblage d’outils et de sites distribués et indépendants. L’intelligence collective est le fruit du co-développement des applications par les usagers (Broca, 2008), de la syndication automatique des contenus, d’interfaces souples qui transforment les sites Web 2.0 en « portails centrés utilisateurs ». Le nombre des usagers fait la force et la qualité du système technique, des données fournies par les réseaux sociaux et des services qu’on peut produire à partir de ces ressources. Si une grande partie de l’infrastructure du Web 2.0 est produite de pair à pair (Peer-to-Peer) en mode Open source (liberté d’accès et de modification), la création de plateformes par des opérateurs privés qui parviennent à attirer en nombre les usagers par l’ergonomie de leurs applications aboutit à des positions de quasi-monopole sur des marchés qui deviennent lucratifs : « le premier prend tout » (The winner takes all) est devenu le principe de l’économie numérique née de la diffusion des principes du Web 2.0.
Dans le champ de l’action publique, les conséquences de la « plateformisation » des relations entre individus sont potentiellement « disruptives », pour reprendre ici deux termes issus des études en management 117des organisations (De Vogeleer et Lescop, 2011). Dans une première section, nous explorons dans quelle mesure les outils du Web 2.0 modifient les formes de l’interaction entre acteurs : l’intermédiation numérique se substitue-t-elle à l’intermédiation humaine ? Le futur de l’action publique est-il dans la désintermédiation entre pouvoirs publics et citoyens/usagers, voire dans le court-circuitage du rôle d’intermédiation des territoires entre l’État et les citoyens ? Nous verrons comment l’État français tente de mettre en œuvre le principe de l’État comme plateforme de services puis comment analyser, à l’inverse, les relations numériques entre pouvoirs locaux et citoyens. Une seconde section présentera deux modalités locales d’intermédiation numérique, l’une à Lille (initiatives citoyennes) et l’autre à Brest (initiative publique locale) pour comprendre les avantages et les limites d’une intermédiation locale par les outils du Web 2.0. Une troisième section questionnera les expérimentations qui visent à dépasser la contradiction entre l’échelon national (l’État plateforme) et les échelons territoriaux (initiatives numériques locales) en articulant les différents niveaux territoriaux d’interaction numérique de manière à optimiser l’impact des nouvelles formes d’action publique.
1. E-gouvernement versus communautés
numériques citoyennes : désintermédiation
ou nouvelles formes d’intermédiation ?
La « crise des gilets jaunes », qui a mobilisé des citoyens pendant des mois à partir d’octobre 2018, illustre la question de la désintermédiation des relations entre l’État et les citoyens. Ce mouvement est le fruit d’un appel lancé sur les réseaux sociaux numériques en dehors de toute affiliation syndicale ou politique. Pour tenter de calmer la crise, le gouvernement a proposé un « Grand débat national » sur une plateforme numérique créée à cette fin5. Les données recueillies ont été traitées par des algorithmes afin de faire émerger les « vrais choix » des Français. Cette démarche a permis de tester en grandeur nature les engagements 118internationaux de la France en matière de gouvernement ouvert (Open Government). Si les résultats de cette expérimentation relèvent des sciences politiques, nous voulons plutôt ouvrir le débat sur la transformation des processus d’intermédiation qu’implique la transformation numérique de l’action publique, à travers les outils déployés par l’État pour rendre opérationnel le e-gouvernement mais aussi à travers des initiatives numériques communautaires à l’échelle locale. Nous posons dans cette section deux interprétations possibles du rôle de l’intermédiation numérique dans le renouvellement de l’action publique.
1.1. Web 2.0, plateformes d’intermédiation
et intelligence collective
Pour Tim O’Reilly, en 2005, les outils du Web 2.0 (blogs, wikis, forum, réseaux sociaux, etc.) permettent à n’importe quel usager d’Internet de créer du contenu, de le partager, de modifier les contenus d’autres internautes, d’échanger des avis voire de lancer des mobilisations citoyennes. L’architecture de participation du Web 2.0 permet ainsi de tirer parti de l’intelligence collective grâce aux liens hypertextes : « Telles des synapses formant un cerveau où les associations se renforcent par la répétition et l’intensité, les connections au sein du Web se multiplient organiquement à la mesure de l’activité collective de l’ensemble des utilisateurs »6. Cette dimension sociale voire participative du Web 2.0 engendre l’horizontalisation des relations entre individus, sans délégation de pouvoir, comme l’annonçait Marshall McLuhan dès 1977, ou la déverticalisation entre organisations, comme annoncé par Nicholas Negroponte dès 19957. Le Web 2.0, outil d’intermédiation sociale par le canal numérique, contribue aussi à l’émergence de nouvelles formes d’organisation territoriale, en mode communautaire (Moulaert et Nussbaumer, 2008 ; Liefooghe et Taniguchi, 2016) ou en améliorant la gouvernance entre acteurs (publics, privés, associatifs, citoyens, etc.). Par le partage d’informations sur des sites en wiki ou par la cartographie numérique participative (Plantin et Valentin, 2013), citoyens ou communautés d’acteurs co-produisent des services 119au profit des habitants et du développement des territoires, voire sur le mode des communs (Le Crosnier et Vidal, 2017 ; Beckouche, 2019). L’intermédiation numérique par le Web social remet ainsi en cause le rôle classique de l’action publique comme seul garant des services au public (Taniguchi et Liefooghe, 2015 ; Algan et al., 2016). Une démocratie contributive issue de cette « République des réseaux » pourrait compléter la démocratie locale participative de la « République des territoires » (Vanier, 2015). Dans une réflexion prospective sur l’ère numérique (Babinet, 2014), « Gilles Babinet se demande même ce que vaudra la démocratie représentative lorsque les citoyens auront accès à des informations si précises qu’ils pourront arbitrer en temps réel chaque politique publique »8. Ainsi, le Web social est un outil d’intermédiation numérique qui facilite l’innovation collaborative entre acteurs de différents horizons pour transformer potentiellement l’action publique à différentes échelles.
Si les plateformes du Web 2.0 sont des outils d’intermédiation sociale, ce sont aussi et surtout des interfaces techniques qui hiérarchisent les données collectées et favorisent l’accès à des services ou des biens fournis par des tiers. Ces plateformes d’intermédiation tirent parti de l’effet réseau pour automatiser les stratégies relationnelles grâce aux algorithmes (De Vogeleer et Lescop, 2011). Elles jouent le rôle de tiers de confiance, selon leur degré de réputation et d’attractivité, et diminuent les coûts d’interaction, voire de transaction. Pour élargir le réseau des usagers, elles rendent interopérables, grâce à des API, les multiples outils logiciels du Web. Ces API sont des interfaces de programmation qui permettent le dialogue entre les programmes informatiques, et sans lesquelles aucun transfert de données entre différentes bases n’est possible. C’est le cœur de métier des GAFAM américaines ou toute autre plateforme commerciale sur Internet. Les acteurs publics investissent ces technologies de plateforme numérique dans le but de rendre interopérables les services publics, pour en améliorer la qualité, inventer de nouveaux services et diminuer les coûts de l’action publique, voire pour défendre l’intérêt général contre la privatisation rampante de ces services. Si les plateformes du Web social font de l’intermédiation de particulier à particulier (Peer to Peer), les plateformes proposées par la puissance publique s’apparentent soit à de l’intermédiation entre professionnels (État, administrations territoriales) 120et particuliers (administrés, citoyens), soit à de l’intermédiation Pro to Pro, entre l’État, les collectivités territoriales et leurs agents publics. Le mouvement international d’ouverture des données publiques (Open Data9) fait du partage de ces données un enjeu stratégique qui implique « une intégration des services, ce qui va à l’encontre des habitudes d’une administration organisée en silos » (Beckouche, 2019, p. 23). En parallèle de ces innovations au sein des pouvoirs publics se développe une offre privée, complémentaire voire concurrentielle, soit pour accroitre le pouvoir des citoyens sur la vie politique (CivicTech), soit pour proposer des services dans des domaines régaliens (justice, sécurité) ou de l’État providence (santé, éducation, etc.).
Le Web 2.0 au service de la transformation de l’action publique relève donc de deux approches : soit une intermédiation numérique où la collaboration entre citoyens (ou habitants non citoyens français) et pouvoirs publics redéfinit la vie politique et propose des solutions aux insuffisances de l’action publique ; soit une désintermédiation des relations entre l’État et les citoyens/administrés qui court-circuite les agents publics en région voire les collectivités territoriales, au nom de l’innovation et de l’efficience budgétaire, voire d’une démocratie plus directe en mode numérique. Cette transformation numérique de l’action publique, qui est au stade de l’expérimentation dans de nombreux pays, est très documentée par diverses institutions (Conseil national du numérique, 2013, 2015 ; Algan et al., 2016 ; OCDE, 2017 ; CNIL, 2017 ; Conseil d’État, 2018 ; Audacities, 2018 ; Mureddu et Osimo, 2020) ou par des professionnels de la transformation numérique des entreprises (O’Reilly, 2011 ; Colin et Verdier, 2012 ; Babinet, 2014 ; Verdier et Baudot, 2015). Par contre, les travaux académiques francophones semblent moins nombreux sur les processus de transformation numérique au cœur des organismes de l’État. L’Open data et la dématérialisation de l’administration intéressent les sciences de l’information (Mabi, 2015 ; Paquienseguy, 2016 ; Goeta, 2018) ou le management des politiques publiques10. Des sociologues s’inquiètent de l’e-exclusion liée la dématérialisation des démarches administratives 121(Mazet, 2019) tandis que des politistes, juristes ou philosophes explorent les implications de la gouvernementalité numérique sur le devenir de la démocratie (Rouvroy et Stiegler, 2015 ; Arsène et Mabi, 2021) ou les racines internationales de l’Open Government (Gilles, 2017). Les approches territoriales ont plus souvent un angle local (Le Corf, 2012 ; Akrab, 2016) voire urbain (Haëntjens, 2018) que national (Beckouche, 2019). Dans cet article, nous proposons de croiser ces deux entrées géographiques – nationale et locale – pour analyser la transformation numérique de l’action publique au filtre des concepts d’intermédiation et de désintermédiation.
1.2. Vers « l’État plateforme »
ou la transformation numérique de l’action publique
Dans le cadre du projet européen H2020 Co-VAL portant sur la co-création de services publics avec les citoyens, un Work package portait sur la transformation numérique de l’action publique (Mergel et al., 2018). La recherche a reposé sur l’inventaire des politiques liées à l’Internet depuis 2000, par la méthode du Policy Tracing, ainsi que, pour la France, sur des entretiens au sein de la DINSIC11 dans les services du Premier ministre (Liefooghe, 2019b). Porté par des chercheurs en économie de l’innovation et management des politiques publiques, le projet privilégie une approche de la transformation numérique pilotée par l’État, qui élude la dimension territoriale. En tant que géographe, et pour la France, nous avons introduit une lecture multi-scalaire des informations recueillies, dont nous rendons compte dans la troisième section. Dans un premier temps, nous posons ici quelques jalons des politiques et outils mis en place au niveau national pour adapter l’administration française à l’évolution des technologies informatiques (TIC) puis numériques (Web 2.0). En dehors des politiques qui visent à équiper le territoire au gré des vagues technologiques (ADSL/fibre optique, 3G/4G, etc.) ou qui soutiennent l’économie numérique (French Tech, Industrie 4.0…), des politiques ont concerné les relations entre l’État et les citoyens. La loi dite « Informatique et liberté » de 1978 a créé un droit d’accès aux données administratives, faisant de la France 122un pays pionnier en la matière. Depuis, quelques lois ont jalonné la modernisation de l’administration (dématérialisation des formulaires, par exemple) et accordé de nouveaux droits aux citoyens. La loi pour une République numérique, du 7 octobre 2016 (no 2016-1321), est un jalon fondamental de ces transformations à venir et a d’ailleurs été élaborée et discutée via une consultation en ligne des citoyens, en complément de la procédure parlementaire classique.
Entre autres outils de modernisation de l’action publique, l’ouverture des données publiques est une priorité, sous l’égide de l’Union européenne. Si le plan France numérique 2008-2012 définit la politique de l’Open data, la France rejoint en 2014 le mouvement international de « partenariat pour un gouvernement ouvert » (Open Government Partnership). Un Plan national d’action pour un gouvernement ouvert, transparent et collaboratif, est adopté en 2015 et conforté pour 2018-2020. En application des directives européennes, le principe de l’Open data par défaut oblige les institutions publiques, les collectivités locales (de plus de 3500 habitants et 50 agents) et les acteurs investis d’une mission de service public à ouvrir leurs données à des fins de réutilisation. Pour ce faire, l’État doit lever les freins techniques et juridiques pour permettre aux citoyens, entreprises et collectivités territoriales de co-créer de nouveaux services publics. Pour mener cette ouverture, la mission Etalab est créée dès 2011, sous l’autorité du Premier ministre (Goeta, 2018). La plateforme data.gouv.fr, portail interministériel des données publiques, est lancée en décembre 2011 pour offrir outils et conseils (Mabi, 2015). En 2020, de nombreux jeux de données sont ouverts, ainsi que des exploitations cartographiques, telles que la base « Demandes de valeurs foncières » produite en collaboration avec la direction générale des finances publiques et qui vise à favoriser la transparence des marchés fonciers et immobiliers.
La politique de transformation numérique de l’action publique vise aussi à moderniser l’État et à simplifier les procédures administratives, dans un contexte de réduction budgétaire. Pour amplifier la dématérialisation des démarches administratives, les agents publics sont incités à innover, avec le soutien de l’incubateur beta.gouv.fr, créé en 2015 et hébergé au sein de la DINSIC (Foucaud, 2017). Pour co-construire les nouveaux services (sites web, applications, consultations en ligne, etc.), les outils et méthodes empruntés aux entreprises de l’économie 123numérique sont mobilisées : méthodes agiles, Hackathons, design de services, appels à projets, création de Startups d’État ou de territoires12. À terme, l’objectif est un fonctionnement de l’État en mode plateforme, stratégie lancée en 2014. Un catalogue d’API doit permettre aux différents ministères de transformer leurs anciens systèmes informatiques en plateformes numériques interopérables pour respecter le principe du « dites-le nous une fois », qui évite aux citoyens et entreprises de donner les mêmes informations à différentes administrations. Lancé en 2017, le programme Action publique 202213 vise en fait la dématérialisation de toutes les démarches administratives des acteurs de la vie civique, économique et sociale. Le bouton France Connect, sur les sites des administrations, doit simplifier le processus d’identification des Internautes et sécuriser la connexion. Le service Aidants Connect assiste les agents publics qui sont amenés à aider les administrés lors de leurs démarches numériques. Dans ce schéma de l’action publique en mode numérique, dont nous venons de donner quelques exemples, la démarche engagée par l’État depuis près de dix ans court-circuite de plusieurs façons le processus hiérarchique de l’administration tout comme l’intermédiation politique des territoires. En outre, la complexité de l’administration numérique associée à la réduction attendue du nombre de guichets de services publics engendre un nouveau problème, celui de l’illectronisme, qui concerne près de treize millions de Français démunis face à cette transition numérique14. Pour contrer cet obstacle, le gouvernement, au travers de la Mission Société numérique, mobilise les acteurs locaux via, par exemple, des centres sociaux numériques ou des caisses d’assurance maladie pour trouver des solutions d’intermédiation au plus près du terrain.
1241.3. Plateformes collaboratives
et intermédiation à l’échelle locale
En parallèle de ce processus descendant de transformation de l’État, des plateformes numériques collaboratives à l’échelle locale contribuent à redistribuer les jeux d’acteurs pour un développement plus décentralisé et/ou distributif. Le premier type de plateforme vise à optimiser les fonctions urbaines par l’intermédiation entre offreurs de services et usagers. Souvent privées, ces outils peuvent aussi favoriser la sociabilité et l’entraide entre voisins, comme Sharevoisin ou UP Campus. Le deuxième type de plateforme concerne la vie publique locale, qui vise à fluidifier les échanges entre élus et citoyens, à élargir la participation citoyenne (Douay, 2016 ; L’Her et al., 2017) ou à impliquer les habitants dans la gestion urbaine via des sites de cartographie contributive telles que Carticipe, FixMaVille ou handimap.org (Leclerc, 2013 ; Mericskay et Roche, 2011 ; Douay et Prévot, 2015). Le troisième type de plateforme aide au développement de communautés de pratique (Wenger et al., 2002) ou de communautés territoriales autour d’actions collectives qui transcendent les frontières entre institutions ou milieux socio-professionnels. Dans le cadre d’une thèse (Taniguchi, 2018), un travail de terrain réalisé en France entre 2014 et 2018 s’est focalisé sur ce troisième type de plateforme, en particulier sur les métropoles de Lille et de Brest. Pour comprendre les modalités de l’intermédiation numérique que permettent les outils du Web 2.0 en appui aux communautés, nous les avons analysés selon deux types de critères (Figure 1) :
1. Le mode de production des contenus, en distinguant trois niveaux :
– niveau 1 : ni collaboratif ni participatif. Les contenus sont produits par les administrateurs des sites et l’interaction avec les usagers est très limitée.
– niveau 2 : participatif. Toute personne peut fournir des contenus, qui ne peuvent pas être modifiés par d’autres lecteurs.
– niveau 3 : contributif. Les contenus peuvent être écrits et modifiés par les usagers avec ou sans inscription.
2. La cible de diffusion des contenus, diffusion interne au réseau (contrôle de l’accès) ou diffusion externe pour faciliter la participation (pas de restriction d’accès).
125Fig. 1 – Intermédiation et typologie des outils du Web 2.0.
Source : Taniguchi (2018).
Le suivi de 20 outils numériques interactifs permettant la co-production de contenus et l’échange entre utilisateurs sur les terrains de Lille et Brest15 permet de comprendre en quoi la transformation numérique de l’action publique à l’initiative d’acteurs locaux est une alternative à la transformation pilotée par l’État. Les deux sections suivantes exposent nos analyses au filtre des concepts antagonistes de désintermédiation et intermédiation.
2. Le Web 2.0 au service de communautés d’intermédiation entre acteurs hétérogènes :
les exemples de Lille et de Brest
Parmi plusieurs projets numériques territoriaux recensés en France entre 2014 et 2018 (Taniguchi, 2018), deux initiatives sont particulièrement 126intéressantes : le collectif citoyen Catalyst à Lille et la politique numérique municipale de la Ville de Brest. Trois raisons nous poussent à les mettre en valeur : la volonté de construire des communautés d’acteurs locaux ; l’expérimentation de différents outils numériques pour développer ces communautés ; des processus antagonistes de construction d’une nouvelle forme d’intermédiation numérique. En effet, si les deux initiatives ont en commun de vouloir mobiliser les citoyens par le biais d’outils numériques afin de construire des projets collectifs, la dynamique collective lilloise est du type bottum up, à l’initiative de citoyens constitués en collectif pour mobiliser les institutions de la Métropole de Lille en faveur de la construction de communs territoriaux, alors que la démarche de la Ville de Brest est une initiative top down qui vise à passer le relai aux citoyens en matière de développement numérique local. Nous présentons chacune des initiatives avant de décrypter le rôle et les limites des outils du Web 2.0 dans la dynamique de ces communautés territoriales.
2.1. Le collectif citoyen Catalyst à Lille :
un réseau d’innovation sociale et numérique
Le collectif Catalyst est né de travailleurs indépendants qui ont initié dès 2010 à Lille la création d’espaces de travail partagés (coworking), où les usagers mettent « un peu d’eux-mêmes » pour gérer les lieux mais aussi pour construire des projets collectifs (Liefooghe, 2016, 2018). Le cercle des coworkers pionniers s’est ensuite ouvert à des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) pour susciter des projets de transformation sociétale qui (re)donnent aux citoyens un pouvoir d’agir. L’objectif est de trouver une alternative à la logique concurrentielle en promouvant la collaboration et la création de Communs. Le collectif Catalyst est créé en 2011 dans le but de réunir différentes communautés (hackers d’un Internet libre, coworkers, makers/bricoleurs numériques, ESS, associations d’éducation populaire, etc.) jusqu’alors dispersées. Le collectif se définit comme un laboratoire de recherche citoyen et travaille chaque année sur un sujet spécifique en organisant des ateliers et des évènements, invitant parfois des personnalités telles que Bernard Stiegler ou Michel Bauwens. Citoyens, porteurs de projets et (jeunes) entrepreneurs se croisent lors de ces rassemblements collectifs, à l’échelle de la métropole lilloise puis de la région des Hauts-de-France, voire de l’autre côté de 127la frontière, en Belgique. De cette intermédiation informelle est née une structuration de Catalyst en trois réseaux : le réseau des makers, le réseau des tiers-lieux et le réseau des Communs. Ces réseaux thématiques sont autonomes et développent leurs propres outils d’animation pour agréger une communauté autour de projets collectifs. L’objectif de cette organisation en mode réseau est d’amplifier la dynamique collective en évitant les écueils d’une structuration hiérarchique pyramidale (Desmarchelier et al., 2020a, 2020b). En outre, le collectif Catalyst, soutenu par Lille Métropole, s’insère dans un réseau d’associations qui partagent les mêmes valeurs. Catalyst, en tant que collectif sans statut juridique, a d’ailleurs intégré l’association ANI16 pour pouvoir bénéficier de subventions, nécessaires à l’organisation de ses actions collaboratives.
L’exemple du réseau des Communs issu des actions d’intermédiation de Catalyst est particulièrement instructif sur la co-construction d’outils d’intermédiation numérique pour élargir une communauté d’intérêt et amplifier sa capacité d’action. Le réseau est né à Lille en 2015 suite à un événement, les ROUMICS17, organisé par l’association ANIS en 2014 sur le thème des biens communs. S’en est suivi un travail collaboratif de collecte d’informations sur les initiatives existantes, sur des grilles d’évaluation des communs, sur les modèles économiques, etc. Sur une idée de Michel Bauwens, a été organisé en 2016 à Lille une assemblée des communs afin d’accroitre la visibilité de la dynamique contributive et de porter cette cause auprès des institutions. Plusieurs sites Internet contributifs sont ensuite créés par les membres du réseau des Communs (Figure 2). Les uns ont pour fonction de partager des ressources (wiki des communs, encommuns.org), les autres de favoriser l’intelligence collective (Wikiversité, Unisson), d’autres encore d’aider à la diffusion vers un public élargi (Wikilivre, Communecter). La mise en commun de ressources permet aux contributeurs comme aux lecteurs de partager des références et de développer un langage commun. Cet effet pédagogique des sites contributifs est une première étape vers l’intelligence collective, comme le montre l’exemple de encommuns.org. Ce site a pour vocation de recenser les initiatives mais sur la base de 128l’auto-déclaration. Les porteurs de projets doivent cependant réaliser un diagnostic de leurs initiatives pour les qualifier en tant que communs, selon une grille pré-établie. Ce travail de décryptage permet aussi aux contributeurs de mieux présenter leurs projets à un public élargi. Néanmoins, l’écriture sur les différents sites du réseau des Communs est souvent prise en main par un petit nombre de personnes habituées à déployer ces outils numériques (Taniguchi, 2018). Manque d’aisance pour s’exprimer en ligne, hésitation à modifier un article, attitude passive de lecteur au détriment de l’effort que requiert une contribution sont autant de freins à la culture du partage et de l’intelligence collective. Des sites contributifs initiés et animés par une collectivité locale, comme à Brest, sont-ils plus efficients qu’un collectif autogéré pour mobiliser une communauté de citoyens en faveur des innovations sociales ?
Fig. 2 – Complémentarité des sites du réseau des communs initié
par le collectif Catalyst. Source : Taniguchi (2018).
2.2. Wiki-Brest : le rôle de la Ville de Brest
dans la « gouvernance contributive »
La Ville de Brest a mis en place en 2006 le projet Wiki-Brest, le premier wiki de territoire18 créé en France (Briand et Brunet, 2017). Wiki-Brest est un « site collaboratif du patrimoine et du vivre ensemble à Brest et au Pays de Brest » pour « donner à voir la diversité du patrimoine, des cultures, des histoires au pays de Brest » à l’échelle d’un bassin de vie19. Porté par le service Internet et expression multimédia au sein de la Direction de la citoyenneté, ce projet d’écriture numérique collaborative vise à susciter les témoignages des habitants (histoire, activités, services, territoire). À la différence de Wikipédia où les contributeurs doivent respecter une neutralité de ton et donner leurs sources, Wiki-Brest peut recueillir des expériences vécues, donc subjectives, si elles permettent de valoriser la vie locale et le territoire. Des articles de « personnes ordinaires » composent ainsi ces « carnets collaboratifs du Pays de Brest », qui deviennent le support d’une mémoire collective divisée en une dizaine de portails thématiques. La Ville a mis en place un accompagnement des habitants à l’écriture d’articles, des rencontres entre contributeurs ou des journées de collecte de données ou de photos. Au-delà de sa fonction de communication et de valorisation du territoire, Wiki-Brest est un programme d’initiation aux outils du wiki ainsi qu’aux règles de publication sur Internet. Mais à la différence des actions classiques de médiation numérique (cyber-espaces, formation aux outils) ou des sites Web institutionnels des collectivités locales, Wiki-Brest a pour vocation de faire émerger de nouvelles collaborations entre habitants au travers des « wikis qui sont devenus un outil de coopération partagé pour des centaines de personnes ».
Si l’objectif de la Ville de Brest était de se retirer, à terme, de l’animation de Wiki-Brest au profit d’une autogestion par la communauté des contributeurs, le fait est qu’une employée du service Internet et expression multimédia continue de faire « vivre la communauté ». Pour lancer puis 130développer le site, la Ville s’est appuyée sur le réseau local des médiateurs multimédia, dans les bibliothèques, lycées, mairies de quartier, les points d’accès public à Internet (PAPI) de Brest ou les espaces multimédia du Pays de Brest. L’ensemble de ces acteurs a élaboré la charte éditoriale du wiki et l’auto-régulation des contributeurs évite le vandalisme sur les pages. Néanmoins, l’expérience de Wiki-Brest montre qu’il n’est pas facile de transférer un outil créé et géré par un acteur public vers des communautés de citoyens : passer du rôle de contributeur à celui d’animateur nécessite d’investir de son temps et de son énergie. Fin 2017, en dépit des trois millions de pages vues par an et des 1240 comptes utilisateurs, la communauté des personnes réellement impliquées dans Wiki-Brest est de l’ordre d’une centaine de personnes sur la liste de discussion. De plus, Michel Briand, l’élu en charge du numérique entre 1995 et 2014, constate en 2017 que le site n’est pas « vraiment réapproprié par les différents services de la ville, de l’agglomération ou des communes du pays de Brest ». Comme pour la trentaine de wikis de territoires qui, en France, ont imité l’exemple de Brest, les moyens d’animation de ces projets sont « très modestes en dehors du bénévolat des acteurs locaux », du soutien des collectivités locales ou d’associations conventionnées. L’instabilité du financement par projet de Wiki-Brest entre 2006 et 201220 s’est traduit par un recentrage territorial sur la seule ville de Brest. Un arrêt des subventions suite à une changement de majorité municipale mettrait en péril les communs mémoriels accumulés depuis 2006 sur Wiki-Brest, faute de financement pour l’animation et l’hébergeur associatif.
Le cas de Brest, au-delà du wiki de territoire, est représentatif du rôle de l’action publique, sous l’impulsion de Michel Briand, élu convaincu de l’importance des outils numériques pour favoriser l’intermédiation entre citoyens et la co-création de nouveaux usages avec et entre les acteurs locaux, en réponse aux besoins du territoire, qui plus est dans un contexte budgétaire difficile. Dès 1995, la politique municipale expérimente de nombreux dispositifs numériques, des espaces de travail collectif et des événements pour faciliter l’appropriation des usages numériques. Le service Internet et expression multimédia de la Ville de Brest se propose d’être un facilitateur de projets citoyens : des acteurs locaux définissent les besoins 131et proposent des projets. La Ville soutient alors ces acteurs par la mise en réseau ou la mise à disposition de moyens (financiers, matériels, humains). Dès 2003, par exemple, un « appel aux envies » dénommé « Les usages du multimédia et d’Internet dans la Ville », a soutenu chaque année 30 à 40 porteurs de projets, presque toutes les propositions en fait, pour favoriser la coopération plutôt que de mettre en concurrence les initiatives. Michel Briand (2015) a forgé la notion de gouvernance contributive : un réseau d’acteurs qui valorise la contribution de chacun des acteurs au service du développement territorial. Au sein de cette gouvernance contributive, le rôle de la Ville n’est pas seulement de soutenir les initiatives, mais de devenir un facilitateur de maillage d’acteurs.
2.3. Apports et limites de l’intermédiation numérique
pour l’action collective
À Lille comme à Brest, de nombreuses rencontres et évènements sont organisés pour favoriser la mutualisation et la collaboration entre acteurs. Des lieux partagés tels que des espaces de coworking et des cafés citoyens permettent aux membres des communautés de se fréquenter plus régulièrement. L’intérêt des outils numériques est alors non pas de se substituer aux espaces physiques et aux interactions en face-à-face, mais de donner aux membres des moyens complémentaires d’action collective. Ces communautés territoriales jouent le rôle de facilitateur de projets collectifs en rassemblant autour de valeurs communes (entraide, partage, co-production, communs) des acteurs d’appartenances socio-professionnelles hétérogènes : associatifs, entrepreneurs, fonctionnaires, salariés d’entreprise, étudiants, universitaires, retraités, etc. La majorité d’entre eux sont néanmoins des trentenaires ou quarantenaires. L’étude de ces communautés montre qu’elles sont aussi constituées de différents cercles de sociabilité : (a) un noyau dur, au cœur de l’animation de la communauté, composé des personnes très présentes lors des événements, réunions et débats ; (b) des cercles de contributeurs actifs qui ne sont pas aussi impliqués que les animateurs mais contribuent d’une manière intense aux débats et au développement ; (c) des cercles de contributeurs occasionnels, qui participent aux actions de la communauté de manière discontinue et marginale. L’analyse des usages numériques à Lille et à Brest révèle deux grandes caractéristiques. Premièrement, les outils du Web 2.0 favorisent moins l’émergence d’une communauté de projet qu’ils ne renforcent les échanges au sein du noyau 132dur pré-existant, tout en permettant à d’autres personnes de rejoindre la dynamique. Deuxièmement, l’échange numérique intensif est limité à un nombre restreint de personnes, qui sont les administrateurs des sites ou des listes, alors que près de la moitié des abonnés des listes n’ont jamais envoyé de mails. A l’inverse, certaines personnes très actives lors des évènements physiques peuvent avoir un usage modéré du numérique : les usagers intensifs du numérique n’appartiennent pas nécessairement au cercle des acteurs très investis de la communauté.
L’usage du Web 2.0, s’il renforce la cohésion de la communauté de projet, permet-il aussi une ouverture géographique vers d’autres initiatives territoriales ? L’analyse des sites contributifs montre que les contenus en ligne sont souvent concentrés sur la zone géographique où le noyau dur de la communauté est basé, même si des personnes d’autres territoires participent activement aux débats sur les listes de discussions voire contribuent à l’écriture d’articles. Ainsi, le site Bretagne Créative, né des communautés brestoises mais couvrant l’ensemble de la Bretagne, rassemble en fait beaucoup d’informations sur la métropole de Brest. C’est une des limites du modèle contributif : les ressources proviennent des contributeurs actifs, le plus souvent localisés sur le territoire à l’initiative de la communauté, voire sur la ville-centre. La visibilité extra-locale de ces plateformes d’innovation sociale est donc limitée. Néanmoins, des évènements tels que les ROUMICS de Lille ou le Forum des Usages Coopératifs à Brest, à rayonnement régional, national voire international, sont une occasion de s’ouvrir à d’autres réseaux et de maintenir ensuite ces liens par Internet. Des réseaux peuvent alors se créer sur des projets d’envergure nationale, comme nous l’avons constaté autour de la médiation numérique ou des tiers lieux (Liefooghe, 2019a). Des pionniers des communautés lilloises ont acquis des responsabilités à l’échelle nationale dans les réseaux (La Mednum, France Tiers-Lieux) nés de l’intermédiation numérique et en face à face. Ces deux types d’intermédiations combinés aux trois cercles de sociabilité des communautés déterminent ainsi trois types de coopération (Figure 3) :
–Les coopérations au sein du noyau dur et avec les contributeurs actifs. Souvent impliquées dans plusieurs réseaux, ces personnes sont aussi connectées à des acteurs localisés en dehors du territoire, même s’ils sont minoritaires.
133–La coopération élargie avec des membres occasionnels : les échanges sont plutôt ponctuels et co-produisent peu de ressources communes.
–La coopération, aléatoire, avec des acteurs peu sensibilisés aux projets des communautés et qui n’ont pas le réflexe de consulter les sites.
Le Web 2.0 contribue donc à conforter la dynamique des communautés locales d’innovation sociale plus qu’à accroitre la diversité des acteurs qui les composent ou leur aire géographique d’influence. Intermédiation numérique et intermédiation physique se combinent mais sont d’autant plus efficaces qu’elles mettent en relation des acteurs partageant des valeurs proches. Dès lors, par extension des cas analysés à Lille et à Brest, la carte des initiatives sociales innovantes s’apparente plus à un semis qu’à un maillage territorial à l’échelle de la France et l’intermédiation numérique ne semble pas, pour le moment peut-être, changer fondamentalement la donne.
Fig. 3 – Deux types d’intermédiation, trois niveaux de coopération.
Source : Taniguchi (2018).
3. Retisser les liens entre l’État,
les territoires et les collectifs d’acteurs :
quelle intermédiation à l’ère numérique ?
Entre le semis des initiatives locales, aussi innovantes soient-elles, et la désintermédiation qu’implique la transformation numérique de l’action publique pilotée par l’État, le risque est grand d’une disparition du rôle d’intermédiation des territoires au sens politique du terme. Des voix s’élèvent au sein des associations d’élus et, au cœur de l’État lui-même, la question de l’égalité entre territoires et celle de la cohésion du territoire national devient une priorité. Par ailleurs, l’objectif étant aussi la réduction de l’endettement public, y compris dans les collectivités territoriales, la démultiplication des initiatives locales sans mutualisation des bonnes pratiques va à l’encontre de l’efficience souhaitée. Cette troisième section explore donc les pistes ouvertes par l’État en collaboration avec les acteurs territoriaux et les collectifs citoyens pour co-construire de nouvelles formes d’intermédiation qui combinent les avantages du numérique et ceux de la proximité spatiale.
3.1. Diffuser la transformation numérique de l’action publique : l’intermédiation des territoires régionaux et locaux
Si la politique numérique est initiée au niveau du gouvernement, sa mise en œuvre passe par l’intermédiation des territoires (régions, départements, intercommunalités, villes) en suivant un processus politique classique : débats parlementaires, négociations avec les élus et/ou leurs associations au regard des spécificités géographiques des territoires. Depuis quelques décennies, la priorité de cette forme classique d’intermédiation est à l’équipement du territoire national en réseaux de télécommunication, en l’occurrence l’accès à Internet et à la téléphonie mobile. Pour assurer la cohérence de l’aménagement numérique et l’égalité des territoires au gré des vagues d’innovations technologiques (ADSL puis fibre pour Internet ; 3G, 4G, 5G pour la téléphonie), des outils de planification territoriale sont élaborés en concertation avec les acteurs publics mais aussi avec les opérateurs 135privés de télécommunication. De l’échelle régionale à l’échelle des intercommunalités, ces « feuilles de route » doivent s’articuler entre elles et en lien avec les stratégies nationales pour éviter la fracture socio-numérique. Depuis 2017, la gouvernance des projets numériques doit aussi prendre en compte les usages, l’acculturation des administrés et le maillage des territoires en lieux ressources pour les citoyens. L’intermédiation entre acteurs politiques et opérateurs de télécommunication se mue dès lors en séances de concertation avec d’autres acteurs économiques et des usagers/citoyens pour élaborer des plans numériques co-construits.
Mais, au-delà de l’équipement en technologies de réseau, se pose la question de la transformation numérique des services publics. Cette étape cruciale relève d’une révolution des pratiques administratives et de la culture professionnelle des agents publics. Ces derniers sont ainsi au cœur d’une transition numérique qui n’est pas une simple informatisation des procédures administratives : ils doivent devenir des agents d’intermédiation entre les institutions et les administrés. Pour ce faire, la DINSIC – direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication, renommée DINUM en 2019 – met à disposition une boîte à outils inspirée des pratiques des entreprises du numérique, telles que l’agilité, le design centré usagers, les API. L’objectif est, d’une part, de faire basculer les systèmes informatiques de l’État, complexes et coûteux, vers des infrastructures plus souples autour des API et, d’autres part, d’atteindre l’objectif de dématérialisation totale des services publics, en particulier depuis 2017 et le programme Action publique 2022. Les agents publics sont alors appelés à co-construire les nouveaux services numériques sur le principe de « l’État plateforme ». L’innovation est au cœur d’une stratégie qui promeut aussi, par souci d’efficience économique, la diffusion d’outils déjà testés dans d’autres administrations, voire conçus par des agents publics organisés en communautés d’intérêt, au-delà de leur appartenance à telle ou telle administration.
Néanmoins, cette démarche ne couvre qu’une partie des services publics, essentiellement ceux des services de l’État. Si la transformation numérique de l’État butte encore sur le manque de compétences numériques, celle des administrations des collectivités territoriales est encore plus entravée. Dès 2011, l’État a donc mobilisé les élus 136autour de ce défi. Porté par la DINSIC, un programme de « développement concerté de l’administration numérique territoriale » (DCANT 2015-2017 puis 2018-2020) inaugure une méthode de co-écriture de feuilles de route pour des « Services Publics 2.0 », par un travail collaboratif de plusieurs mois entre acteurs des territoires, qui s’inspire des méthodes du design et utilise des outils en logiciel libre. Mais si les administrés sont la cible de ces « feuilles de route numériques », encore à appliquer, ils le sont plus en tant qu’usagers de services publics innovants à tester qu’en tant que citoyens capables d’initier des projets d’intérêt général. La stratification territoriale et la variété des services publics à transformer rendent la transformation numérique longue et complexe, de telle sorte que la place de l’usager dans ce processus y est discutable.
3.2. La multiplication des plateformes de recensement d’initiatives collaboratives
Les sites Web de création de contenus collaboratifs à vocation citoyenne sont une alternative à l’action conjointe, mais encore prescriptive, de l’État et des collectivités locales dans la transformation numérique de l’action publique comme dans la recherche de solutions aux défis sociaux et environnementaux. Néanmoins, les exemples de Lille et Brest montrent que ces expérimentations locales ne portent pas non plus les fruits attendus, et ce pour deux raisons majeures. D’une part, le travail collaboratif repose sur un petit nombre d’acteurs et le mouvement associatif local est alors confronté à un sentiment d’épuisement des militants. D’autre part, même si chacun apporte sa contribution aux initiatives et aux sites Web qui les animent, les efforts ne sont jamais d’une ampleur suffisante pour pouvoir répondre aux besoins. L’idée de construire des plateformes qui recensent la diversité des initiatives a donc émergé, par effet réseau entre collectifs locaux lors de divers événements et grâce aux outils du Web 2.0. Ces plateformes collaboratives visent à rendre visible un maximum de projets pour faciliter le partage d’expérience et mutualiser les ressources. Elles mettent en relation une grande diversité d’acteurs (institutions, entreprises, associations, citoyens) via des outils numériques collaboratifs qui ont des fonctions diverses : cartographie d’initiatives, forums de discussion, pages de profil d’usagers, partage d’actualité, etc. Nombre de ces plateformes 137portées par des collectifs ou des associations fonctionnent sur les principes des communs numériques : libre contribution et gratuité de la réutilisation du contenu, sauf en cas d’utilisation commerciale. En effet, ces plateformes collaboratives rassemblent souvent des acteurs en quête d’alternative économique, voire politique, pour un monde en transition écologique.
La capitalisation numérique des initiatives de la société civile vise à dépasser la logique communautaire locale pour engendrer, par intermédiation entre acteurs de divers horizons professionnels et géographiques, une dynamique de co-création de l’action publique à l’échelle de territoires plus étendus, voire à l’échelle de la France ou même du monde. De plus, ces plateformes jouent un rôle d’intermédiation entre porteurs de projets collaboratifs et acteurs publics qui cherchent de nouvelles solutions aux défis sociétaux, même si les institutions publiques peinent à intégrer ces pratiques collaboratives dans leurs routines technocratiques (Billaudeau et Dewynter, 2015). En moins de dix ans, ces plateformes de recensement se sont multipliées pour soutenir le foisonnement de projets locaux (ESS, fablabs, tiers-lieux, habitat participatif, agriculture urbaine…), mais cette multiplication nuit aussi à la lisibilité des projets. En outre, par manque de moyens humains ou financiers, elles ont du mal à se pérenniser et, comme pour les plateformes commerciales, la concurrence aboutit à une concentration des visites sur quelques-unes d’entre elles. En 2017, le CGET s’inquiétait de la capacité des plateformes, même nationales, à appuyer l’essaimage (CGET, 2017). Ce bilan est en quelque sorte une justification pour le projet de Carrefour des innovations sociales initié par l’État.
3.3. Le « Carrefour des innovations sociales » : l’État en position d’intermédiation entre acteurs d’initiatives locales
Initié en 2015 par le CGET, le Carrefour des innovations sociales vise à devenir un moteur de recherche national sur les initiatives locales socialement innovantes (économie circulaire, mobilité verte, inclusion numérique, etc.). Le défi est celui d’une transformation de l’action publique : « entre la diffusion par le haut de politiques homogénéisantes et le soutien dispersé à des milliers de projets locaux, une nouvelle voie doit être trouvée », considère Emmanuel Dupont, responsable du pôle Stratégie de recherche et innovation du CGET et initiateur 138du projet21. « L’acteur national doit innover, tester, expérimenter, diffuser, sécuriser, etc. des solutions conçues dans les territoires », dans un contexte de raréfaction budgétaire. Le Carrefour des innovations sociales doit faciliter le changement d’échelle des initiatives locales en outillant les réseaux et les initiateurs de projets afin qu’ils puissent « tirer les enseignements d’initiatives innovantes pour soutenir, non pas un, mais 10 projets à la fois » (CGET, 2017, p. 22). L’objectif de cette plateforme d’intermédiation numérique est donc de transformer en ressource opérationnelle une information locale trop fragmentée et hétéroclite. Mais le défi est aussi politique puisqu’il s’agit de co-construire des politiques publiques, en collaboration avec les territoires et une société civile porteuse de solutions aux défis sociétaux auxquels l’action publique peine à répondre (SGMAP et CGET, 2015 ; CGET, 2017).
Le projet de Carrefour des innovations sociales a lui-même été conçu selon les principes de co-construction, de mutualisation et de diffusion des initiatives. Portée par une association de préfiguration indépendante du CGET, la conception de la plateforme numérique mobilise des réseaux d’acteurs, locaux et nationaux, représentant la variété des réponses possibles aux défis sociétaux. Un collectif réunissant une centaine de structures participe à la définition et l’animation de cet outil, tandis qu’un comité de pilotage restreint composé de sept structures22 aux compétences variées (numérique, ESS, initiatives citoyennes, institutionnel, etc.) assure la coordination et le suivi opérationnel. Lancé en 2018 en version bêta, le Carrefour des innovations sociales a aussi bénéficié en 2019 d’un programme innovant de la DINSIC : deux « entrepreneurs d’intérêt général »23 ont été embauchés pendant dix mois afin d’améliorer les fonctionnalités de la plateforme. La figure 4 montre comment le CGET, partie prenante du comité de pilotage, assure alors le relai institutionnel entre des réseaux locaux ou nationaux dont le rôle d’intermédiation est fondamental pour accroître l’apprentissage inter-territorial et l’essaimage, souhaité, des innovations sociales.
139Fig. 4 – Le rôle des intermédiaires dans l’essaimage des innovations sociales. Source : Taniguchi (2018). D’après CGET (2017, p. 23).
Conçu comme un agrégateur de contenus, le Carrefour des innovations sociales n’est pas appelé à se substituer aux plateformes numériques portées par des collectivités territoriales, des entreprises ou des réseaux associatifs. Ces derniers devraient au contraire renvoyer automatiquement leur recensement d’initiatives collaboratives locales vers le Carrefour des innovations sociales, un outil numérique d’intermédiation où l’État joue un rôle parmi bien d’autres acteurs, un rôle de facilitateur plus que de contrôle ou d’initiateur. Reste que, une année après le lancement officiel de la plateforme, lors de la semaine de l’innovation publique en novembre 2019, le site Internet a disparu sans laisser aucune autre trace numérique.
140Conclusion
La diffusion rapide des outils numériques, en particulier via les smartphones, laisse supposer que l’État pourrait réaliser à moyen terme l’objectif de dématérialisation de la totalité des démarches administratives, à des fins d’économie budgétaire et d’amélioration de la qualité des services publics. L’intermédiation numérique entre l’État et les administrés reviendrait à court-circuiter les échelons locaux de l’administration voire, via les GovTech et les CivicTech, les collectivités territoriales dans la mise en œuvre des politiques publiques. Dans un sens diamétralement opposé, des collectifs de citoyens mobilisent ces mêmes outils du Web 2.0 pour lancer des initiatives locales innovantes en réponse aux défis sociétaux que la puissance publique ne parvient pas à résoudre : l’intermédiation numérique vient en appui à l’intermédiation physique que permet le local. L’antagonisme entre e-gouvernement, piloté par l’État, et la puissance d’agrégation territoriale des réseaux sociaux et plateformes numériques n’est peut-être qu’apparent. En effet, la prise de conscience de cet antagonisme, par des citoyens « éclairés », les associations d’élus et les services de l’État qui pilotent la transition numérique (DINSIC/DINUM, CGET/ANCT, Mission Société numérique, etc.), mobilise tous ces acteurs pour inventer de nouvelles formes d’intermédiation qui combinent dimension numérique et relation humaine, que ce soit pour inventer de nouveaux services publics ou pour diffuser les meilleures pratiques des initiatives locales. Reste qu’une troisième forme d’intermédiation numérique, proposée par des Startups et plus encore par les plateformes collaboratives de grandes entreprises, souvent américaines, risque d’interférer dans les relations entre citoyens/administrés, l’État et les collectivités territoriales. Les services qu’elles proposent, de par les données qu’elles recueillent en masse et traitent par leurs algorithmes, pourraient à terme se substituer à la puissance publique, transformant les citoyens en consommateurs de services au public. L’avenir dira laquelle de ces tendances prendra le dessus, de la création de communs par les collectifs de citoyens organisés grâce au Web 2.0 ou des plateformes privées qui imposent peu à peu leur monopole au nom du principe de l’économie numérique qui veut que le plus fort gagne.
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1 Startups vendant des solutions technologiques à au moins un acteur public.
2 Technologies qui visent l’amélioration des processus démocratiques.
3 Projet H2020 Co-VAL [770356] : “Understanding value co-creation in public services for transforming European public administrations”, 2017-2021.
4 Tim O’Reilly, Qu’est-ce que le Web 2.0 : modèles de conception et d’affaires pour la prochaine génération de logiciels, publié le 30 septembre 2005. Version française par B. Boisseau, disponible sur : (https://www.internetactu.net/2006/04/21/quest-ce-que-le-web-20-modeles-de-conception-et-daffaires-pour-la-prochaine-generation-de-logiciels/), consulté le 3 mars 2021.
5 Voir la plateforme, les questionnaires, les kits d’organisation de débats citoyens et la base de données en Open Data sur : https://granddebat.fr/ (consulté le 2 mars 2020).
6 Source : Tim O’Reilly, op. cit. voir note 4.
7 McLuhan M., 1977, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme, Poche ; Negroponte N., 1995, Being Digital, Vintage books ; cités par P. Beckouche (2019, p. 115).
8 Cité par P. Beckouche, 2019, p. 117.
9 Open data : données numériques dont l’accès et l’usage sont sans restriction technique, juridique ou financière.
10 Voir par exemple la revue Pyramides (2016, 26/27) portant sur la transformation numérique de l’administration publique en France et en Belgique.
11 Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication, placée sous l’autorité du Premier ministre, devenue DINUM par décret du 25 octobre 2019.
12 En 2017, pour aider les administrations à se moderniser est créé le site comment-faire.modernisation.gouv.fr. En 2018, un MOOC est lancé sur la plateforme FUN, réalisé par le CNFPT et beta.gouv.fr, pour aider les agents publics à se transformer en Startupers de services publics au sein de leur administration.
13 Détails sur : [https://www.modernisation.gouv.fr/action-publique-2022].
14 En 2018, d’après le rapport pour une stratégie numérique [https://societenumerique.gouv.fr].
15 Méthodologie : nous avons créé notre compte sur 2 sites participatifs, 7 sites contributifs en wiki et 3 sites de cartographie collaborative afin d’accéder aux articles et aux auteurs (historique de rédaction et de modification). Nous nous sommes abonnée à 8 listes de discussion pour accéder à leurs archives, étudier les échanges, repérer les auteurs et calculer la fréquence d’utilisation par auteur. Cette analyse a été complétée par 37 entretiens avec des acteurs brestois et lillois. Facebook et Twitter, peu utilisés par ces communautés, ont été exclus de l’analyse.
16 ANIS, association Nord internet solidaire fondée à Roubaix en 2001 pour lutter contre la fracture numérique, change de nom en 2011 pour devenir l’association numérique et innovation sociale, et s’installe à Lille.
17 Rencontres ouvertes du multimédia et de l’Internet citoyen et solidaire, événement annuel organisé par l’association ANIS et le collectif Catalyst avec leurs collaborateurs.
18 Site de type Wikipédia où les usagers peuvent rédiger des articles présentés sous forme d’encyclopédie.
19 Source des citations sur Wiki-Brest et des données numériques : « Wiki-Brest, présentation d’un commun de la connaissance », Contribution à l’Atlas des communs, Festival Brest en commun, [https://www.a-brest.net/article21787.html], posté le 31 décembre 2017 par Gaëlle Fily, Michel Briand, philweb (©© a-brest, Citoyenneté et nouvelles technologies).
20 Co-financement entre la Ville de Brest et divers supports : appel à projets « Nouveaux usages, nouveaux services » de la Région Bretagne en 2005 ; axe « Multimédia, usages innovants et lien social sur les territoires » du contrat de Pays de Brest 2006-2012.
21 Citations tirées de : Fondation pour la Co-construction du Bien Commun (2018).
22 CGET, La Fonda, Avise, Le Labo de l’ESS, Fondation Cognacq-Jay, Apriles, GNIAC.
23 EIG : programme de la DINSIC/DINUM mobilisant pour dix mois des data scientists, designers ou développeurs informatiques afin d’aider les agents publics à inventer de nouveaux services publics.
- Thème CLIL : 3306 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie de la mondialisation et du développement
- ISBN : 978-2-406-12052-0
- EAN : 9782406120520
- ISSN : 2555-0284
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12052-0.p.0113
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/06/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Web 2.0, services publics, plateforme numérique, innovations sociales, territoires, intermédiation