YouTubers, the experience of the internet user
- Publication type: Journal article
- Journal: Études digitales
2019 – 1, n° 7. Youtoubeurs, youtubeuses : inventions subjectives - Author: Châteauvert (Jean)
- Pages: 33 to 47
- Journal: Digital Studies
Youtubeurs,
l’expérience de l’internaute
Le vocable « youtubeur » ou « youtubeuse » cache une réalité qu’on savait multiple et qui surprend encore par sa complexité. Dans certains contextes, le terme recouvre la double réalité des créateurs de contenus audiovisuels sur le web et des internautes qui cherchent sur Youtube une production audiovisuelle ignorée des médias traditionnels. Si l’usage tend à ne désigner, sous couvert de youtubeur, que ces internautes qui créent et diffusent leur matériel audiovisuel sur Youtube, il recouvre là encore des pratiques fort différentes. Depuis l’internaute qui met en ligne l’accident saisi par hasard, jusqu’à celui qui commente un extrait télévisé, celui qui partage un film de famille, un autre qui diffuse une séquence de jeu en ligne, etc., les youtubeurs ont cependant en commun de créer un contenu vidéo (User Generated Content) qu’ils diffusent dans l’espace public avec Youtube. J’aimerais m’arrêter dans cet article sur une déclinaison de ce phénomène qui s’est imposé en quelques années comme le genre le plus vu sur le web1 : des youtubeurs se présentent sous les traits d’internautes qui tiennent un blog vidéo, communément appelé vlog, depuis l’espace intime de leur appartement ou de leur chambre. J’utilise « se présenter » car on verra avec les exemples analysés que ces youtubeurs et youtubeuses, dès lors qu’ils acquièrent la popularité, détournent la finalité des plateformes « amateurs » d’expression de soi2 au profit d’une production qui masque un caractère et une finalité professionnels.
34Je veux ici explorer ce qui fait la spécificité de l’expérience de visionnage que cherchent et (parfois) trouvent les internautes lorsqu’ils regardent ces vlogs qui rappellent, par leur mise en scène et leur légèreté technique, « le face-à-face de la communication interpersonnelle qui les distingue de la télévision ou de la webcam […] dans un format qui s’adresse directement au spectateur3 ». Je fonderai ma réflexion sur l’analyse de commentaires que des internautes publient sur Facebook4 en marge de leur visionnage. Dans une approche temporaliste5 inspirée des travaux de Jean-Claude Domenget, je vais essayer de faire ressortir ce que le contenu et l’énonciation affichée dans ces commentaires nous enseignent sur les expériences de visionnage que vivent les internautes avec ces youtubeurs.
J’ai retenu les échanges postés en marge des productions de trois youtubeurs connus et populaires sur Youtube. Ces échanges assurent un corpus important par son volume et sa longévité et très diversifié. PewDiePie (Felix Arvid Ulf Kjellberg, 2010) met en scène un gamer qui commente avec une verve parfois crue des jeux vidéo ; Cyprien (Cyprien Iov, 2007) se présente comme un humoriste qui commente la sortie de jeux vidéo et la vie des jeunes branchés ; enfin, Solange te parle (Ina Mihalache, 2011) met en scène une jeune femme qui confie ses réflexions sur la vie, les relations humaines et, plus récemment, sur la culture.
35La mise en scène d’un youtubeur
ou d’une youtubeuse
D’entrée, Solange, Cyprien et PewDiePie s’affichent comme des youtubeurs : la réalisation conserve une facture « amateur » : le regard est face caméra ; le cadrage fixe ; la caméra est placée à hauteur des yeux ; l’objectif normal ou grand-angle est parfois manipulé par le youtubeur le temps d’un zoom ou d’un déplacement. Cette facture particulière répond aux standards selon lesquels l’internaute se filme dans son espace domestique en situation d’échange avec d’autres internautes. Or, une telle facture est illusoire : Cyprien est filmé en studio par une équipe technique ; bénéficiant également de l’appui de cameramen et de preneurs de son, PewDiePie est un personnage filmé dans un décor aménagé chez son créateur Felix Kjelberg ; la réalisation de Solange te parle a varié au fil des saisons, de l’autonomie complète de la youtubeuse à une réalisation, là encore, soutenue par une équipe technique.
Face à cette mise en scène, l’internaute prend pour cadre de référence une situation de communication interpersonnelle6. Relayée ici à travers la caméra et l’ordinateur, la mise en scène « amateur » d’un contact intime et direct avec le youtubeur apporte à l’échange une couleur d’authenticité7. Quand bien même l’internaute sait que PewDiePie ou Solange sont les avatars de leurs créateurs, il a le sentiment d’être devant un geste de parole personnel qui engage un autre internaute, un youtubeur qui lui parle à travers son vlog et à qui il peut répondre8.
36Interpellé du regard, invité à répondre à l’invitation – que lance souvent en clôture le youtubeur – de décerner un « J’aime », de déposer un commentaire ou de partager le post avec son réseau d’amis, l’internaute se voit offrir un rôle d’interlocuteur dans une communication interpersonnelle.
Cette mise en scène se nourrit de la dimension autoréflexive affichée par ces youtubeurs9. Ces créateurs parlent de leur travail de concepteur, scénariste et réalisateur sur les réseaux sociaux et dans des réalisations qui conservent une facture « amateur » caractéristique du vlog. Ils mettent en scène ces moments où Solange confie son manque d’inspiration, où PewDiePie fait appel à ses fans pour choisir les sujets des futurs épisodes, où Cyprien commente son métier de youtubeur10.
Cette dimension autoréflexive nourrit chez l’internaute un sentiment d’authenticité qui colore l’expérience de visionnage des vidéos de ces youtubeurs11. On peut en conclure que ce serait cette capacité de Solange, Cyprien ou PewPiePie à se révéler dans leur travail amont de créateur qui permettrait à l’internaute de vivre une expérience de visionnage qui ne s’arrêterait pas à la réception d’un vlog, mais deviendrait, sur une plateforme comme Youtube qui diffuse des « contenus générés par ses usagers », une invitation à échanger sur les réseaux sociaux avec la personne « réelle » qui se met en scène sous les traits d’un youtubeur ou de la youtubeuse.
Ce sentiment d’authenticité n’est cependant pas un a priori du genre : sous l’étiquette « vlog », on retrouve aussi des personnages animés, des personnages fictifs repris de films ou de bandes dessinées, des cas d’usurpations d’identité, etc.12 Le sentiment d’authenticité est le résultat d’un ensemble de facteurs, depuis une réalisation qui se présente comme un blog vidéo de facture « amateur » jusqu’à cette 37dimension autoréflexive qui explicite le travail de création porté par une plateforme, Youtube, où l’internaute pourrait lui aussi diffuser sa vidéo. Ce sentiment d’authenticité fait par moments oublier que le vlog du youtubeur est avant tout un geste de représentation, c’est-à-dire une performance livrée par un internaute-créateur, qui a une finalité : attirer plus de visionnages, plus de fans et parfois plus de commentaires sur les réseaux sociaux13.
La réponse des internautes
sur les réseaux sociaux
Le corpus de commentaires analysés impose ses limites. Aux variations qui tiennent à la multiplicité des communautés d’internautes et à la diversité des youtubeurs, s’ajoutent des écarts au gré du post qui déclenche les réactions mais aussi des changements que connaissent les communautés d’internautes au fil des saisons14.
Je concentrerai ici mes analyses sur les commentaires découlant de trois posts sur Facebook qui se veulent symptomatiques des échanges que suscitent ces vlogs. J’évoquerai à l’occasion d’autres échanges susceptibles d’apporter une perspective plus large à l’analyse proposée. Je questionnerai en particulier la finalité de ces commentaires en faisant ressortir le ou les destinataire(s) explicité(s), le temps dans lequel s’inscrit cette parole ainsi que la dimension perlocutoire affichée dans ces commentaires.
J’ai retenu pour aborder le youtubeur Cyprien, les échanges parus sur Facebook après la publication de la vidéo Mon année 201515 (31 décembre 382015, 630 commentaires). J’évoquerai à cette occasion les commentaires qu’a suscités la mise en ligne du court-métrage de Cyprien La Cartouche (30 janvier 2016, 370 commentaires) et la diffusion de la série télévisée Presque adultes écrite et incarnée par Cyprien et le youtubeur Norman (Norman Thavaud) (15 juillet 2016, 111 commentaires). Un tel abord sera l’occasion de mettre de l’avant les écarts dans les commentaires des internautes selon qu’ils réfèrent à un vlog, un court-métrage ou une série télévisée.
J’aborderai PewDiePie à travers la réponse des internautes au post du youtubeur sur Facebook, « Hope everyone is having a great day » (3 décembre 2015 ; 3 693 commentaires), qui donne un aperçu du phénomène PewDiePie sur Youtube. J’évoquerai à cette occasion les commentaires suscités par l’annonce d’une prochaine vidéo en 2017, « about to drop some new merch >>godchurch meme goes here<< be on the lookout this week… or not » (18 juillet 2017 ; 2 900 commentaires). Ceux-ci donnent à voir les transformations importantes dans la perception du vlog et du youtubeur chez les internautes au fil des saisons16.
Enfin, j’analyserai l’expérience marginale que propose Solange te parle à travers les échanges affichés sur la page Facebook et sur le site Solangeteparle.com en lien avec l’épisode Tranches de haine (2016, 285 commentaires)17. Ces commentaires révèlent une expérience de visionnage qui rompt avec le modèle de la communauté d’internautes réunis autour d’une youtubeuse et témoignent de la richesse des expériences que trouvent les internautes chez ces youtubeurs.
Les temps des échanges
D’emblée, les commentaires publiés sur Facebook en réponse au post « Cyprien – Mon année 2015 » laissent apparaître une caractéristique distinctive de cette expérience de visionnage : sur un total de 630 39messages, 480 ont été affichés dans la journée de la publication, soit 80 %, 122 messages le 1er janvier, 19 messages le 2 janvier ; l’échange se termine le 3 janvier avec 9 messages. Les internautes répondent au post du youtubeur dans une fenêtre de temps de quatre jours18. Quand bien même l’épisode demeure disponible sur Youtube, c’est seulement lors de sa publication que l’internaute peut interagir avec le youtubeur en délivrant son « j’aime » ou son commentaire.
L’analyse des commentaires suscités par l’annonce de la sortie du court-métrage de Cyprien La Cartouche (30 janvier 2016) révèle un premier phénomène de concentration : 77 % des 379 des commentaires sont publiés le premier jour. Mais, par la suite, les commentaires seront publiés avec régularité pendant 10 mois, jusqu’en novembre. Les commentaires faisant suite à l’annonce du deuxième épisode de la série télévisée Presque adultes accentuent cet écart avec seulement 40 % des 111 commentaires affichés le premier jour ; ils ont ensuite été régulièrement postés pendant un mois19. Ces écarts démontrent une fenêtre de temps spécifique au vlog qui module l’expérience de visionnage des internautes20.
L’analyse du facteur temporel dans les échanges autour du youtubeur PewDiePie confirme pour ne pas dire accentue la présence d’une fenêtre de temps de quelques jours : 3 339 commentaires parmi les 3 693 ont été publiés le jour même, soit 90 % ; les échanges se sont terminés trois jours plus tard, avec 28 commentaires le dernier jour21.
40L’analyse des 313 commentaires laissés par les internautes sous le post Tranches de haine (25 janvier 2015) laisse paraître une fenêtre de temps plus ouverte, avec 63 % des commentaires affichés le premier jour et un déclin progressif pendant un mois22. Cette fenêtre de temps dans les échanges en marge de Solange te parle reflète le portrait sociologique de ces internautes23 : plus âgés, établissant un rapport plus distant avec les réseaux sociaux (Pasquier, 2011), leurs commentaires visent moins une communauté de fans présente dans les premières heures qu’ils ne traduisent l’espoir d’être lu par Ina/Solange, tenue pour présente sur la plateforme Facebook24.
Les échanges sur Facebook qui accompagnent les posts de ces youtubeurs révèlent une première caractéristique de cette expérience de visionnage : visionner et réagir s’inscrivent dans une fenêtre de temps25, un présent aux frontières variables suivant la relation que les internautes construisent avec le youtubeur et suivant la communauté d’internautes. Fenêtre de temps pendant laquelle le commentaire ou le « j’aime » trouvent écho dans les échanges sur les réseaux sociaux26.
À qui s’adressent ces messages ?
Sur les 630 messages publiés suite au post « Cyprien – Mon année 2015 », 148 affichent pour destinataire le youtubeur « Cyprien » ; 4 41visent l’internaute Cyprien Iov par son identité civique27 ; 58 messages ciblent la communauté des internautes, évoquant Cyprien à la troisième personne28 ; 420 messages sont affichés sans destinataire explicite, ouverts à tous les internautes qui fréquentent la plateforme Facebook.
Les destinataires explicités dans les messages affichés lors de la publication de PewDiePie, « Hope everyone is having a great day », laissent apparaître des écarts encore plus grands dans la place qu’occupe le youtubeur au sein des échanges. Sur les 3 693 commentaires déposés, seulement 311 ont pour destinataire PewDiePie ; 17 visent l’internaute Felix Arvid Ulf Kjellberg29 ; 15 ciblent la communauté des internautes, référant au youtubeur à la troisième personne30 ; 3 350 messages n’affichent pas leur destinataire.
Sur les 234 messages affichés sur Facebook en lien avec le post Tranches de haine, 137 interpellent directement « Solange » que les internautes s’adressent à elle grâce à son nom de youtubeuse ou grâce à son 42prénom civique, Ina – voire qu’ils utilisent régulièrement les deux au sein d’un même commentaire31. Les 103 autres messages n’affichent pas de destinataire explicite, à part quelques-uns qui relèvent d’échanges entre internautes.
Les destinataires de ces messages laissent apparaître une seconde caractéristique de cette expérience de visionnage : il n’y a pas de frontière entre représentation et réalité, le youtubeur étant interpellé indistinctement comme figure du web ou comme personne. L’expérience de visionnage des vidéos d’un youtubeur se nourrit de cette absence de frontière entre réalité, avatar et fiction : parce qu’il ne s’agit pas de personnages limités à l’univers de la représentation, l’internaute peut espérer être lu sur Facebook par d’autres internautes parmi lesquels, parfois, l’internaute-créateur s’il est présent sur Facebook dans cette fenêtre de temps32.
L’identité de ces destinataires visés par les commentaires laisse aussi apparaître des expériences de visionnage polarisées les unes par le youtubeur, les autres par la communauté d’internautes. Ainsi les commentaires autour de la série Solange te parle qui s’adressent à plus de 50 % à Ina ou Solange, traduisent une expérience de visionnage fortement polarisée autour de la figure de la youtubeuse avec laquelle les internautes développent une relation d’intimité. Les commentaires suscités par Cyprien dessinent une expérience de visionnage que l’internaute peut prolonger avec le youtubeur, visé par 25 % des commentaires, et la communauté de fans qu’il retrouve sur Facebook. Les commentaires que provoque PewDiePie révèlent une expérience de visionnage polarisée autour de la communauté de fans. PewDiePie demeure un destinataire marginal, puisqu’il est visé par seulement 9 % des commentaires.
43La finalité de ces messages
Un regard sur le contenu des commentaires affichés par les internautes sur Facebook illustre la finalité de ces échanges. Sur les 3 693 commentaires publiés en réponse au souhait de PewDiePie « Hope everyone i shaving a great day », 3 678 se présentent comme des formules toutes faites et inscrites dans une dynamique sociale qui limite les informations personnelles33. Mais là où un certain usage conversationnel voudrait que l’internaute retourne la question à son interlocuteur, seulement 21 commentaires se présentent comme un fragment d’un échange avec le youtubeur qu’on relance par une question ou à qui on retourne le souhait34.
Sur les 630 messages publiés en réponse au post de Cyprien « Mon année 2015 », 236 se présentent comme des souhaits de bonne année35. Les autres messages alternent entre internautes qui commentent leur année 2015 et fans qui confient le plaisir qu’ils ont à suivre Cyprien. Les réactions à la vidéo Mon année 2015 en tant que telle demeurent marginales, elles sont souvent seulement évoquées alors que l’essentiel du message consiste à saluer Cyprien36.
Ici encore, les commentaires relançant le youtubeur par une question sont rares puisqu’on en totalise que 23. Même lorsque des internautes 44régissent aux propos d’un autre internaute, les commentaires sont toujours formulés comme des réactions qui n’appellent pas, sinon peu de réponses.
Le terme « échange » qu’on utilise pour désigner ces commentaires masque l’usage que les internautes font de Facebook au fil de leur expérience suscitée par ces youtubeurs : là où la plateforme peut être le prolongement d’un dialogue préexistant avec un réseau d’amis, Facebook devient ici l’occasion pour l’internaute de signifier sa présence par une réaction qui peut être vue par le youtubeur et la communauté de fans. Car, si la dimension illocutoire affichée est celle d’une déclaration qui n’invite pas au dialogue, le geste d’écrire un commentaire dans cette fenêtre de quelques heures ou de quelques jours qui suivent la publication, porte une intention perlocutoire (Searle, 1985), celle de s’inscrire dans une communauté, celles des fans qui suivent le youtubeur. Le commentaire est un geste de participation qui doit s’exécuter dans une fenêtre de temps précise pour assurer la visibilité et la portée de cette « pratique de communication interpersonnelle en public37 ».
Les commentaires des internautes qui suivent Solange te parle se présentent essentiellement comme des témoignages personnels et des déclarations d’amour à l’endroit de la youtubeuse38. Des commentaires encore une fois qui appellent peu au dialogue, mais qui se présentent comme des réactions très personnelles à une annonce de Solange ou à une capsule vidéo. Des réactions que les internautes inscrivent dans une fenêtre de temps plus ouverte où le commentaire pourra trouver écho auprès des interlocuteurs visés, en l’occurrence Solange et la communauté de fans.
45L’expérience de visionnage
d’un youtubeur en deux temps
J’ai ouvert l’analyse des échanges sur Facebook en signalant cette fenêtre de temps pendant laquelle les internautes réagissaient par un « j’aime » ou par un commentaire. Pour être vu par le youtubeur et la communauté des fans, l’internaute inscrit sa réaction dans une fenêtre de temps durant laquelle le destinataire visé par son message est susceptible d’être présent et actif sur la plateforme des échanges. C’est-à-dire que l’expérience de visionnage de ces youtubeurs s’arrime à une temporalité précise, ce moment où le geste de commenter trouve écho dans un espace public.
Sous forme de commentaires qui se réduisent pour l’essentiel à des réactions, qui appellent peu au dialogue et demeurent limités par cette fenêtre de temps, la participation des internautes révèle un enjeu fondateur de cette expérience de visionnage : l’internaute qui choisit de suivre un youtubeur, qui inscrit sa présence par un « j’aime » ou un commentaire, affirme une identité dans l’espace public du web et s’inscrit dans une communauté d’internautes avec lesquels il partage un intérêt commun pour ce youtubeur. Cette identité est plurielle en ce qu’elle tient à ses choix de suivre différents youtubeurs, à ses interventions qui pourront varier au fil du temps selon les sujets abordés et les vlogs visionnés, interventions qui se déclinent du discret « j’aime » jusqu’au commentaire personnel et engagé. Dans cette diversité de commentaires, l’internaute s’expose et, du même souffle, se cache derrière une multiplicité d’identités qu’il affiche par ses choix et ses interventions à différents moments, sur différentes plateformes39. Une multiplicité d’identités que Voirol explique en puisant dans les travaux de Georges Herbert Mead : « une conception intersubjective de l’individuation par la socialisation [Mead, 2008]. Selon Mead, c’est en adoptant la perspective d’autrui face 46aux conséquences ses propres actes que le sujet se constitue un sens de lui-même40. »
L’individu se définirait de la sorte comme un cumul de personnalités (les différents Soi) qui sont autant de réponses sociales apportées dans le cadre de différentes expériences. Ces personnalités plurielles viennent former un tout (l’Esprit), lequel est donc toujours une résultante de ces interactions sociales41.
L’internaute rechercherait dans ses expériences de visionnage qui, en apparence, réunissent pendant quelques heures ou quelques jours fans et youtubeurs, des lieux privilégiés d’interactions sociales où il peut exprimer une multiplicité d’identités à travers lesquelles il se définit comme individu42. Suivre différents youtubeurs, participer aux échanges sur différentes plateformes, à différents moments, par un « j’aime » ou des commentaires personnels, critiques ou engagés, seraient des gestes porteurs d’identités sous lesquelles un internaute s’expose et se définit dans l’espace public des communautés d’internautes. La culture de participation et d’affirmation d’une identité que Burgess et Green attribuaient aux créateurs de contenu sur Youtube serait ainsi tout aussi présente chez les internautes qui fréquentent les youtubeurs.
Réflexions
Ces quelques pas dans une analyse temporaliste des commentaires que publient les internautes en marge des posts de ces youtubeurs invitent à revoir nos conceptions de ce qu’est une expérience de visionnage tout comme nos outils d’analyse. Dans la culture de l’instantané43 du web, la prise en compte des commentaires que publient les internautes et le 47facteur temps se révèlent comme des dimensions incontournables pour rendre compte de l’expérience de l’internaute qui suit un youtubeur au fil de ces vlogs et sur les réseaux sociaux. Livré sur une plateforme comme Youtube, qui lève la distinction entre représentation et réalité, ce qui aurait pu être, à un autre moment ou sur une autre plateforme, un simple visionnage donne lieu, dans ces fenêtres de temps où visionner et commenter vont de pair, à des gestes d’appropriation44 qui transforment l’expérience des internautes. Il suffit de lire les commentaires en marge de ces vlogs pour découvrir des expériences de visionnage qui nous racontent aussi le récit des internautes.
Jean Châteauvert
Université du Québec à Chicoutimi
1 Le matériel mis en ligne par les internautes représente 63 % des vidéos des plus vues sur Youtube (Jean Burgess et Joshua Green, « Youtube’s Popular Culture », in Jean Burgess et Joshua Green (eds), YouTube : Online Video and Participatory Culture, Polity Press, Cambridge, 2009, p. 38-57). Parmi ce matériel, les vlogs se distinguent comme le genre le plus populaire avec 25 % de tous les visionnages. Les chiffres donnés sur « Statista. The Satistics Portal » (mai 2017) confirment cette place prépondérante qu’occupent les vlogs dans les visionnages sur Youtube.
2 On consultera, à propos des enjeux liés à cette conception d’une plateforme d’expression de soi, l’article de Dominique Cardon et d’Hélène Delaunay-Téterel, « La production de soi comme technique relationnelle. Un essai de typologie des blogs par leurs publics », Réseaux, vol. 4, no 138, 2006, p. 15-71.
3 « Youtube’s Popular Culture », art. cité, p. 54.
4 Je concentre mon analyse sur les échanges sur les plateformes « officielles » telles que Facebook qui conservent la trace temporelle de leur publication et archivent l’essentiel des commentaires publiés.
5 On consultera en particulier sur cette approche temporaliste les travaux de Jean-Claude Domenget, « Quelques principes pour analyser les temporalités du Web », in Valérie Schafer (dir.), Temps et temporalités du Web, Presses universitaires de Paris Nanterre, Paris, 2018, p. 201-216 et de Jean-Claude Domenget, Valerie Larroche et Marie-France Peyrelong, « Reconnaissance et temporalités : pour un ancrage de ces concepts en sic », in Ibidem (dir.), Reconnaissance et temporalités, L’Harmattan, Paris, 2015, p. 15-33. On se référera aussi aux travaux de Jean-Samuel Beuscart, Thomas Beauvisage et Sisley Maillard, « La fin de la télévision ? Recomposition et synchronisation des audiences de la télévision de rattrapage », Réseaux, vol. 5, no 175, 2012, p. 43-82 et Philippe Ross, « Coordination entre production et réception », tic&société, vol. 7, no 1, 2013, qui font appel aux jeux de temporalité mis en œuvre dans la dynamique des réseaux sociaux.
6 Michael Strangelove, Watching YouTube : Extraordinary Videos by Ordinary People, University of Toronto Press, Toronto, 2010.
7 Sur la notion d’authenticité dans le vlog, on consultera en particulier Kimberly Ann Hall, « The Authenticity of social-media performance : lonelygirl15 and the amateur brand of Young-Girlhood », Women & Performance : a journal of feminist theory, vol. 25, no 2, 2015, p. 128-142.
8 La courte histoire des youtubeurs révèle pourtant que cette mise en scène peut être fictive. La polémique soulevée chez les internautes par la révélation que le personnage central de Lonely Girl 15 (Mesh Flinders, Miles Beckett et Greg Goodfried, 2006-2008) était incarné par une comédienne de vingt-et-un ans souligne le poids de cette référence à une communication interpersonnelle authentique dans le vlog. On verra Ellcessor, Elizabeth, et Sean C. Duncan, « Forming The Guild Star Power and Rethinking Projective Identity In Affinity Spaces », Journal of Game-Based Learning, vol. 1, no 2, 2011, p. 82-95.
9 Watching YouTube : Extraordinary Videos by Ordinary People, op. cit., p 75.
10 Ce caractère autoréflexif fait l’objet d’épisodes comme My Response (PewDiePie, 2017), Tranches de haine (Solange, 2016), Cyprien répond à Cortex (Cyprien 2012).
11 On consultera, sur le rôle de la dimension autoréflexive dans le sentiment d’authenticité, Thomas Mosebo Simonsen, Identity-formation on YouTube : investigating audiovisual presentations of the self, Aalborg Universitet, 2012, p. 232.
12 Signe de cette distance avec l’authenticité, Rich McCormick écrit en 2017 un article intitulé « Animated vloggers could be the future of YouTube » (The Verge, 2017). Aaron Duplantier questionne la dimension de l’authenticité présumée dans son livre Authenticity and How We Fake It. Belief and Subjectivity in Reality TV, Facebook and YouTube, MacFarland & Company, Jefferson, North Carolina, 2016.
13 Identity-formation on YouTube : investigating audiovisual presentations of the self, op. cit., p. 240.
14 Pour évoquer un exemple parlant, dans les échanges en marge de PewDiePie, le youtubeur visé par 9,6 % des commentaires analysés en 2015, était visé par 4,3 % des commentaires analysés en 2017. De concert avec ce changement de destinataire, les commentaires critiques à l’endroit du youtubeur marginalisés en fin des échanges en 2015 sont bien présents, et ce dès les premiers échanges, en 2017.
15 Sous le titre, Cyprien – Mon année 2015, on peut lire : « 2015 a été une année très intense pour moi, je ne savais pas qu’on pouvait rentrer tant de chose dans une année ? Pour voir les vidéos dont je parle… ».
16 À titre indicatif, le nombre de commentaires sur la page Facebook de PewDiePie varie entre janvier et juillet 2017 de 438 à 32 812 ; il atteignait 96 708 en décembre 2016.
17 On trouvera une analyse exhaustive du contenu de ces échanges autour de Solange te parle dans Jean Châteauvert « Vis à vis : quand Solange te parle », in Claire Chatelet et Amanda Rueda (dir.), Les Formes audiovisuelles connectées. Pratiques de création et expériences spectatorielles, Presses universitaires de Provence, Marseille, 2016, p. 141-152.
18 Une analyse comparative entre nombre de visionnages et nombre de commentaires et/ou « J’aime » révèle des corrélations, mais aussi de grandes variantes selon les youtubeurs et les posts. Ainsi, alors que PewDiePie suscite en moyenne 1 commentaire pour 100 000 à 150 000 visionnages, Solange te parle génère 1 commentaire pour 2 000 à 3 000 visionnages. Autant les écarts sont importants, autant on observe des constances dans la corrélation entre nombre de visionnages et nombre de commentaires pour chacun de ces youtubeurs pris individuellement.
19 Au moment où j’écris, cette ouverture dans la fenêtre de temps se retrouve à la sortie de chaque épisode télévisé diffusé les 8 et 17 juillet et le 5 août 2017.
20 Les échanges autour de la série sonore L’Épopée temporelle, épisode 1 à 4 (publiés les 13, 20 et 27 juillet et le 3 août 2017) se traduisent là aussi par une fenêtre de temps plus ouverte pour les commentaires, ceux-ci couvrant deux à trois semaines pour chacun des épisodes.
21 Dans les échanges autour de youtubeurs populaires tel PewDiePie et Cyprien, on retrouve une véritable compétition pour être le premier à inscrire un commentaire qui en l’occurrence se réduit à « First », « Premier », « Déjà vu », « J’étais le premier à voir ». On se référera à propos de cette compétition à Jean Châteauvert « Web Series Archives : The Case of The Guild », The Archives. Post-Cinema and Videogame Between Memory and the Image of the Present, in Federico Giordano et Bernard Perron (eds.), Gorizia, Mimesis International, 2014, p. 77-95.
22 Ces commentaires sur Facebook culminent le jour de la diffusion postée le 25 janvier avec 133 messages, pour décliner dès le 26 janvier avec 32 messages et tomber à 16 messages le 27 janvier. Entre le 28 janvier et le 14 mars, il y a eu 53 messages.
23 Le portrait souvent répété de l’internaute qui suit Solange te parle comme étant celui d’une femme ayant entre 18 et 35 ans est à nuancer. Les échanges sur Facebook et les projections publiques du film Solange et les vivants laissent apparaître une communauté mixte (60 % de femmes, 40 % d’hommes) et couvrant un spectre d’âge plus large, certains internautes faisant régulièrement allusion à leur âge avancé.
24 « Vis à vis : quand Solange te parle », art. cité.
25 Henry Jenkins, Sam Ford, et Joshua Green évoquent une communication sur le web « temporaire et localisée » dans leur livre Spreadable Media. Creating Value and Meaning in a Networked Culture, New York University Press, New York, 2013. Je reviendrai plus loin sur le facteur temps dans cette expérience de visionnage.
26 Jean Châteauvert, « Les nouvelles plates-formes de diffusion. L’expérience spectatorielle », in Jean Châteauvert et Gilles Delavaud (dir.), D’un écran à l’autre. Les mutations du spectateur, L’Harmattan, Paris, 2016, p. 205-220.
27 Quelques exemples parlant de ces écarts entre les commentaires qui interpellent le créateur par son nom de youtubeur ou par son nom civique, le cumul et l’ambiguïté survenant parfois dans un même message (les graphies originelles sont conservées) : « À toi aussi Cyprien, mon respect. » ; « Merci Cyprien pour toutes les vidéos drôles que tu nous fais voir. Person je ris toujours comme un fou à chacun de tes vidéos tout ça pour te dire merci et bonne année Mr Iov. » ; « Tu as vraiment à être fier de toi Cyprien. Bonne année 2016. » ; « Bonne fin d’année Mr IOV ainsi qu’au 8 000 000 de tarés qui vous suivent. » ; « Je t’adore Cyprien Iov. » ; « Vivement que tu nous fasses un long métrage (ou une série tv. Comme Games of Thrones ou Friends. Cyprien tu m’entends ? » À noter, on trouve aussi parmi ces commentaires, des internautes qui remettent en question l’authenticité du youtubeur : « Si tu réponds, ça veut dire que tu existes. » ; « T’es vivant ? »
28 Quelques exemples de ces commentaires qui interpellent la communauté d’internautes, évoquant le youtubeur à la troisième personne : « J’aime bien ce YouTubeur. Ça se voit que ce n’est pas quelqu’un de faux. » ; « Qui pari que d’ici l’année prochaine Cyprien sera dans le top 10 des YouTubeurs avec le plus d’abonnés ? » ; « Après mille ans découvrez… Même si on s’y attendaient tous l’année 2015 de Cyprien. » ; « C’est moi ou avant Cyprien était bogoss et maintenant il est … bruh. »
29 Quelques exemples parlant de ces commentaires qui interpellent le créateur par son nom de youtubeur et par son nom civique : « Thanks Felix i had a wonderful day and i wish the best for you and edgar. » ; « Felix make more amnesia plz make more I’m the biggest biggest biggest biggest biggest biggest biggest biggest biggest biggest biggest fan ever I love you pewds. » ; « Noitiicee miiii sennpaaiiiiiii. Fucking hell felix notice me, you orangutan smelling piece af toast. » ; « Thanks Felix I’m having the bestest day in the whole wide world. »
30 Quelques exemples de ces commentaires qui interpellent la communauté d’internautes, évoquant le youtubeur à la troisième personne : « And that’s why pewds is amazing. » ; « PewDiePie is tje best. » ; « Pewds is our brother. » ; « Hope great everyone is having a day. » ; « Leonard PewDiePie said : hope everybody is having a a good day’ almost 25k likes if I said that 2 likes. »
31 Quelques exemples parlant des écarts entre les commentaires qui interpellent le créateur par son nom de youtubeur et par son nom civique : « Solange ou Ina ou Ina ou Solange ou les deux si tu veux, JE TAIME, très sincerement. Bise. » ; « Solange, Ina, nous on t’aime. Voilà. » ; « On t’aime Solange/Ina. Ce que tu fais c’est fabuleux. » ; « Je t’aime Solina ! ! ! Pardonne les, ils ne savent pas ce qu’ils font ni pourquoi ils le font… » ; « Tu es belle de talent Solange, Ina peut être fière de toi. »
32 L’espoir d’être vu par le youtubeur se lit régulièrement sous forme de demandes d’internautes de se voir nommé : « Hey pewds can u please give me a shout out i am your biggest fan. » ; « Pewds it’s my birthday. please notice me. » ; « Pewds its my brothers birthday please tell him why’re doing a vid. » ; « If you react to my comment i wll have the best year in my life. » ; « Notice me Pewds. Beg u ! ! ! Please. » ; « Notice me pewds. » ; « It’s my birthday, please notice me. »
33 Quelques exemples de ces réponses succinctes : « Hope you have too. » ; « Hope you have a great day too PewDiePie. » ; « Great. » ; « Super. Thanks. » ; « Have a great day. » ; « Having a horrible day. » ; « Not realy. » ; « Yup. »
34 Quelques exemples de ces commentaires qui invitent le youtubeur au dialogue : « Are you having a great day ? I hope your are Pewds. » ; « Whats your real name PewPew ? » « How about you Pewds, is your day great ? » ; « How is it going bros ? » ; « Yes, you ? » ; « Why are you asking brother ? » ; « What about you ! ! ! ? ? »
35 Quelques exemples de ces commentaires qui n’ouvrent pas le dialogue : « Bonne année Cyprien. » ; « Bonne année 2016. » ; « Merci Cyprien. Bonne année 2016. » ; « Continue mec, tu me fais marrer. » ; « Bonne année à toi. » ; « À l’année prochaine. » ; « Ne change pas. » ; « Bonne année Cyprien et reste géniale c’est comme ça qu’on te kiffe. »
36 Quelques exemples de ces allusions à la vidéo : « Déjà vu. Elle est trop. » ; « Le meilleur. » ; « Trop bien. » ; « Vrment trop fort. » ; « Comment dire. Cette vidéo est GÉ-NI-ALE. J’ai adoré. C’est fou le nombre de choses que tu as fait en l’espace d’une année seulement. Continue comme ça, tes vidéos sont magiques. » ; « Top. » ; « Super la vidéo. » ; « Après Antoine Daniel, ta vidéo. » ; « Super vidéo cyprien. » ; « Vidéo très cool et bonne continuation. » ; « Je viens de voir. Je regarde à nouveau toutes tes vidéos. » ; « Je viens de la voir. »
37 Éric Dagiral et Olivier Martin, dans L’Ordinaire d’internet. Le web dans nos pratiques et relations sociales (Armand Colin, Paris, 2016, p. 233) distinguent, dans leur analyse des échanges sur Facebook, la forme conversation entre amis (réels et virtuels) de la forme commentaire que les internautes ajoutent en marge d’une publication. Ces distinctions laissent aussi apparaître des formes mixtes où conversation et commentaire cohabitent ou se fondent dans la dynamique des échanges.
38 Quelques exemples de ces déclarations qui n’appellent pas de réponse : « Merci Solange/ Ina de faire sortir cette violence. » ; « J’attendais cette nouvelle vidéo avec impatience, merci Solina. » ; « Vous êtes géniale Ina (vraie et créative) et courageuse. » ; « Moi je t’aime ! Merci pour ton humour et ton courage. » ; « Et bien moi, je t’aime Solange, et je le dis haut et fort. »
39 On se référera à propos de cette multiplicité d’identités que projette l’internaute à l’article d’Olivier Voirol, « L’intersubjectivation technique : de l’usage à l’adresse. Pour une théorie critique de la culture numérique », in Julie Denouël et Fabien Granjon (dir.), Communiquer à l’ère numérique : Regards croisés sur la sociologie des usages, Presses des Mines, Paris, 2011, p. 138 et sq.
40 « L’intersubjectivation technique : de l’usage à l’adresse. Pour une théorie critique de la culture numérique », art. cité, p. 146.
41 George Herbert Mead, L’Esprit, le soi et la société, Presses universitaires de France, Paris, 2006 (1934), p. 216 et sq.
42 On trouvera une analyse de ce processus identitaire à travers les commentaires en marge des webséries et youtubeurs dans Jean Châteauvert, « Le temps des mots », Communiquer, Revue de communication sociale et publique, à paraître.
43 Sur la culture de l’instantané, on verra « Reconnaissance et temporalités : Pour un ancrage de ces concepts en sic », art. cité.
44 Sur la notion d’appropriation, on verra en particulier l’article d’Éric Maigret « Les trois héritages de Michel de Certeau. Un projet éclaté d’analyse de la modernité », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 55e année, n ? 3, 2000, p. 511-549.
- CLIL theme: 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- ISBN: 978-2-406-10419-3
- EAN: 9782406104193
- ISSN: 2497-1650
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10419-3.p.0033
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-01-2020
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: YouTubers, experience, Facebook, comments, temporality