YouTube as an imaginary of relationships and communication “Hey everyone! Hope you’re doing well!”
- Publication type: Journal article
- Journal: Études digitales
2019 – 1, n° 7. Youtoubeurs, youtubeuses : inventions subjectives - Author: Douyère (David)
- Pages: 215 to 239
- Journal: Digital Studies
Youtube comme imaginaire
de la relation et de la communication
« Coucou tout le monde ! J’espère que vous allez bien »
« Coucou tout le monde ! », « Salut tout le monde ! » : l’adresse proférée, sous diverses formes, en début de milliers de vidéos sur Youtube dit l’instanciation joyeuse du dialogue et de la relation proposée par un certain nombre de programmes vidéos « amateurs », vite professionnalisés1, pour les plus suivis, sur la plateforme de vidéos numériques détenue par Google, au sein de la société Alphabet. Cet imaginaire de la relation est aussi un imaginaire de la communication et de l’altérité : ces vidéos deviennent le support d’un « échange » vivant, visuel, scriptural et sonore d’une part, scriptural de l’autre, par les commentaires, échange qui pourra se matérialiser dans quelques « rencontres » lors de meet up, salons de youtubeurs où les fans (les « abonnés ») pourront faire la queue pour rencontrer quelques secondes leur modèle de vie.
Youtube, plateforme « ugc » de contenus produits par les usagers2 (User Generated Content), qui met les publics au travail3, constitue donc un espace de relation : « annonceurs », entreprises et marques4 essaient d’y atteindre leurs cibles Millenials ; de jeunes ou moins jeunes « youtubeurs5 » y entrent en relation avec leur public ainsi créé ; des web-216spectateurs y trouvent une façon de narrer la vie, de dire ce que l’on ne dit pas (mais que par conséquent l’on dit), d’envisager le monde. Cet article voudrait, assez librement, à la suite des travaux rassemblés dans ce dossier « Youtubeurs, youtubeuses », d’Études digitales (no 7, 2019), et sur un mode réflexif, parfois philosophique, essayer d’entrer dans ce monde et d’en dire quelques aspects vivants qui pourront orienter ou désorienter la recherche. Nous mènerons d’abord une réflexion théorique sur ce que peut constituer ou permettre Youtube, avant de procéder à une analyse de quelques vidéos confessionnelles de la youtubeuse « beauté » (Make up Life Style) EnjoyPhoenix et de considérer la méthodologie d’approche des vidéos déposées sur Youtube, pour, enfin, revenir sur l’apport des articles rassemblés dans le présent dossier d’Études digitales.
À l’issue d’un colloque organisé sur les youtubeurs et les youtubeuses6 mais aussi de plusieurs années (2015-2019) d’investigation libre et de recherche sur Youtube, notamment par l’observation de salons de youtubeurs en 2016 et 2017, nous voudrions ici formuler quelques hypothèses théoriques, qui peuvent paraître un peu libres, ou insuffisamment étayées. Mais il nous paraît aussi important, comme le préconisait Jean Devèze, que l’analyse sociologique et la recherche n’interdisent et n’entravent pas la pensée, à toujours la repousser. En notre contexte, il s’agit donc d’essayer de « penser Youtube » et ce qui s’y joue, en termes de subjectivité, de construction ou de mythe de la présence, de vécu de la communication digitale et d’imaginaire de la communication, dans une relation d’altérité.
Trois propositions théoriques
Youtube est, en un sens, un monde qui inverse la proposition du philosophe et talmudiste Emmanuel Levinas : tous y sont en attente du surgissement du visage de l’autre, qui fonde l’humain dans la responsabilité, et le voient se dérober, laissant place à l’absence et au même, 217sans cesse réitérés. Youtube est aussi cependant, sans doute, un espace qui permet la construction de l’autre, regardé dans son discours, tenu à distance. S’il peut donner à voir l’autre dans sa fragilité, m’engage-t-il pour autant dans ma responsabilité envers lui ? Au-delà des signes que les youtubeurs7 invitent à sélectionner en signe d’adhésion (pouce bleu, cloche, abonnement…), sans doute pas. Youtube est certainement, d’abord, un espace de subjectivation, pour ses acteurs « youtubeurs » et pour leurs abonnés. Un certain nombre des vidéos proposées procède, ensuite, à une construction de la présence et relève d’un imaginaire de la communication, différent de celui de la joignabilité universelle8. La plate-forme opère, enfin, un partage de langages et de flux qui associe le visionneur au « youtubeur », forme altérée de l’autre, leur permettant, l’un et l’autre, de se saisir médiatiquement de « la vie ».
Youtube et la subjectivation
Youtube apparaît donc, nous semble-t-il, comme un espace fragmenté, démultiplié, de subjectivations : on y accède, par la « publication » de vidéos, à l’invention d’une subjectivation reposant sur le rôle « authentique » que permet d’endosser et de jouer l’expression de soi9 sur « sa (propre) chaîne ». Le dispositif est investi comme permettant d’énoncer sa vie et de la poser en face d’autres, qui y projetteront la leur. Le processus de subjectivation est donc double : pour le jeune vidéaste d’une part et pour le web-spectateur d’autre part. Abonné, ce dernier peut vivre une partie de sa vie au croisement de celle ainsi présentée, en en recueillant des morceaux de vie énoncée, pour structurer la sienne propre. Cette « identification », cette projection sur la figure vivante énoncée permet de vivre des affects et de comprendre un monde en train de se faire. On voit bien aussi comment ces vidéos présentent 218« des façons d’être un homme », et des « façons d’être une femme » à un moment où les jeunes se constituent dans l’unes ou les autre, voire dans un entre-deux. Cette « amitié digitale », distante et à demi-réelle (non pour le « Ô ami, il n’y a nul ami ! » d’Aristote relu par Derrida, mais pour la fabrication numérique dont elle procède) concourt à cette invention subjective double, en chiasme.
Qu’est-ce qui toutefois dans cette exposition de soi en ligne, en une extimité tisseronienne10 néo-lacanienne, forme la subjectivation ? Le dispositif d’énonciation multimédia et sa dimension possiblement interactive ? La construction d’une adresse qui figure l’autre auquel on parle ? La présentation physique de soi et le fait d’avoir à « performer » sa vie, à l’énoncer ainsi devant un public ? N’est-ce pas aussi le langage et la forme du récit, qui, destinés à être mis en ligne et exposés, concourent à cette subjectivation ? Car Youtube est aussi et avant tout un espace de parole, de palabre, où l’on parle sans fin, dans sa voiture, pour évoquer la politique, dans sa ou dans une (ou un décor de) chambre, dans la nature… Des paroles infinies, dont les émetteurs sont filmés, sont ainsi disponibles en ligne. Pas seulement une archive : des attentes, des appels, des voix qui attendent l’autre qui les entendra. Voix en attente d’une oreille, visages en attente d’un regard : telles pourraient être les qualifications de Youtube, cet espace où se disent des vies en attente d’être entendues et, surtout, pleinement incarnées par leurs destinataires. D’une certaine façon, ce sont des saints, et Youtube est une hagiographie, leur Légende dorée : ils et elles racontent leur souffrance, leur parcours, leur quête du sens. Youtube, c’est la fête chrétienne de la Toussaint, communication des voix sur Youtube, immense diversité des voix et des parcours singuliers qui exhalent « la vie », disent leur vivant à eux. Variété des visages et des vies auxquelles s’identifier, donc, variété des vives à vivre. La télévision offerte à tous (ceux qui le souhaitent) : chacun devient Speaker, speakerine de sa propre vie et de ses « passions », s’exhibe en elles, organise son programme de parole. Chacun devient un animateur de sa vie à laquelle une âme est ainsi, croit-on, donnée, animateur également d’un public et d’émissions programmées suivant un rythme, une ritualité propre, une grille et des horaires structurés11.
219Construction de la présence
et imaginaire de la communication
Si l’on a pu dire que la télévision permettait la mise en relation avec une souffrance à distance12, on a vu qu’il pouvait en être de même avec Youtube, quand une youtubeuse montre ses alarmes, partage ses angoisses, dévoile ses intentions dissimulées. Au-delà de la dimension pathématique13 de la souffrance qui enseigne, de l’apprentissage par l’expression de la souffrance de l’autre, on saisit que l’image filmée et montée, diffusée et éditorialisée d’une personne « disant à l’autre » construit de la présence. On en perçoit l’écho dans l’adresse (« Coucou tout le monde »), le propos, le « vous » employé fréquemment, la réponse aux interpellations, positives ou négatives (les « haters ») des spectateurs, abonnés ou non. Car la personne qui parle se met en scène dans une adresse et se donne à voir. Elle offre et ouvre ainsi un canal de présence. La dimension de présence médiatique a souvent été négligée dans la recherche. Elle était pourtant posée dans les intuitions de McLuhan. Sans entrer dans une phénoménologie de la présence, il faut bien considérer que les dispositifs médiatiques sont des appareils qui simulent la présence14, créent ou font advenir une entité présente/absente qui entre en jeu dans la perception humaine d’un sujet. Autrement dit : il y a quelqu’un à côté de moi, une voix, celle d’un animateur radio, un visage, un corps et une voix, ceux d’un présentateur de la télévision. Il y assurément un mode d’existence de ces figures médiatiques acheminées et reformées : elles font présence pour l’usager. « Je me sens moins seule quand la télévision est allumée » : ce qui est bien connu pour les publics de spectateurs âgés devant la télévision vaut certainement aussi pour d’autres. Quelle composition de présence les accompagnent, comment gèrent-ils leur solitude et la peuplent de présence, pour paraphraser Michel de Certeau ? Le média et le dispositif de télécommunication, ici conjoints, figurent une présence et l’incarnent de façon partielle15. Ils permettent une mise en relation et l’advenue d’une présence « vivante », puisque 220filmée. Ce sont les travaux sur la présence, le cinéma et la vie – qui nous sont, pour une bonne part, méconnus – qu’il conviendrait pour cela de mobiliser.
Donc ouvrir le robinet (automatique) de Youtube, c’est ouvrir un canal de présence et de relation(s) disponible(s). Je veux de la présence ? Je veux me sentir moins seul ? La télévision, la radio, le web et Youtube sont disponibles. Youtube est une proposition multiple et diffractée de présences. De ce point de vue, la proposition médiatique et digitale renouvelle l’offre religieuse de peupler ma solitude de présences (celle de Jésus-Christ, présent quand on l’invoque disent les textes et la tradition chrétienne, celle de la Vierge Marie, des saints, voire des anges gardiens notamment16). Par la circulation d’un discours partagé, par la performance de rites, l’offre religieuse développe en effet le sentiment de l’inhabitation, au sens augustinien, d’une présence divine. Elle rend de la sorte possible l’invitation d’entités immatérielles peuplant mon intériorité de présences et la constituant ainsi. Comment penser autrement la pratique du dialogue avec le dieu chrétien à laquelle invitent les exercices de saint Ignace de Loyola ? Ces langages, ces gestes, convoquent des présences venant habiter les vies et proposent une humanité augmentée. L’humanité augmentée, c’est le propre du religieux et des techniques psycho-spirituelles17. Les médias font cela aussi, augmentent l’humanité de liens communautaires et de présences (à distance). Youtube, individualisant et « vulgarisant » la programmation télévisée, permettant de faire de soi le seul programme et le seul média, propose ceci également.
Youtube est un réservoir de voix et de visages qui « me » parlent, s’adressent à moi et occupent, occultent temporairement ma solitude. Des milliers de moi sont disponibles pour me parler. Je peux, d’un clic, opérer une relation avec Mademoiselle Gloria, avec Madison Ramaget, avec Cyprien, avec Emma CakeCup, Mllex Chloe ou The Doll Beauty. La machine à relation est disponible pour me procurer les présences palliatives et constructives qui me sont nécessaires. Elle opère ces présences à distance décrites très tôt par Jean-Louis Weissberg18. La vidéo 221construite comme une adresse ouvre un « canal de présence », de mise en relation (imaginaire, mais construite), comme nous l’écrivons à propos de l’image conversationnelle19 définie par André Gunthert20, dans le cas des dispositifs de visio-téléphonie tels que Facetime ou Skype. L’image animée, en live, ou adressée, met en relation avec la présence de l’autre, construit un artefact de la présence et de la relation. Youtube contribue donc au mythe de la présence et de la relation, sinon de la communication même. Sans aller jusqu’aux vidéos asmr (de pseudo-stimulation auditive apaisante21) de simulation de la présence d’une petite amie22 qui s’adresse à vous et vous parle tendrement pour vous aider à vous endormir, on comprend bien que les visages parlant de Sananas, Shera Kerienski ou d’autres font présence et fournissent l’appui à un imaginaire de la relation et de la communication.
Youtube, qui n’est pas seulement une plateforme de multi-ressources médiatiques23, mais, et en tant que tel – surtout dès lors que les vidéos s’avèrent singularisées et adressées –, de présences sollicitables et activables à gré, participe donc d’un imaginaire de la communication, ou plutôt active des communications imaginaires. Nous qualifions désormais, dans la poursuite d’un travail mené sur la communication religieuse24, de « communications imaginaires » ces communications où l’autre est figuré et institué comme interlocuteur alors que rien n’atteste qu’il puisse répondre dans un temps raisonnable dans le même langage. Ainsi le dialogue avec des animaux en 222régime chrétien catholique, avec la Vierge Marie, le Christ ou des saints, pour réel et attesté qu’il soit, relève d’une instauration de l’autre ou de la figure de l’autre comme interlocuteur, alors même que la possibilité de cet échange n’est pas communément admise. Imaginaire ne vient pas ici signifier que ce n’est pas vrai, ou que cet échange « n’existe pas » – il existe, naturellement, et l’on doit bien le tenir comme tel – mais que cette relation suppose une construction mentale d’instanciation de l’autre comme interlocuteur. Ce constat est vrai de toute relation d’échange (je parle « à la prof », « au boucher », « à quelqu’un de la campagne » et le construit comme interlocuteur tel), mais l’est bien davantage quand le support de l’autre ou sa capacité langagière viennent à manquer aux yeux de plusieurs. Youtube nous semble donc instituer, dans le cadre de programmes conçus par des vidéastes, comme une interlocution répétée, nourrie d’un apprentissage et de la divulgation de pratiques, appuyée sur un « style » et une énonciation personnelle fondée sur les signes de l’authenticité, comme une telle communication imaginaire, c’est-à-dire principalement fondée sur des signes d’existence qui autorisent l’adresse (et l’écoute), indépendamment de l’absence manifeste de l’interlocuteur. Je suis seul devant mon ordinateur, « en réalité », ou devant mon portable durant toutes ces heures. Je suis seul dans la chapelle ou l’oratoire (d’où l’importance de l’instauration et du rassemblement communautaires). Et néanmoins, je communique avec ces présences à distance que l’image, fixe et animée, et le langage, instancient pour combler, habiter (mais aussi amplifier) ma solitude. Il en va ainsi et aussi de l’écriture et de la fiction, évidemment. Et sans doute toute communication est elle, en plus ou moins grande amplitude, imaginaire, y compris au sein même d’une relation humaine duale. Le surgissement du visage de l’autre est bien, précisément, pour Levinas, cette sortie de l’imaginaire qui me ramène à la fragilité et à la relation.
La consultation de vidéos diffusées sur les chaînes Youtube personnelles participe donc d’une co-construction de la relation, figurée par le ou la vidéaste, mais aussi d’une croyance dans la présence ainsi figurée et partagée, et d’une co-construction imaginaire de la relation. On peut les lire au prisme du « Je sais bien mais quand même » développé, à partir d’Octave Mannoni25, par Frédéric Lambert26 à propos 223des médias, comme un déplacement de la Verneinung (dénégation) freudienne : je sais bien que Shera Kerienski ou EnjoyPhoenix ne sont pas là, « mais quand même », j’aime les entendre, et leur parler. Pour compléter la présence, la constater « irl » (in the real life), il y a les salons de youtubeurs et de youtubeuses, au cours desquels nous avons pu mener quelques observations durant deux ans (Salons Get Beauty et Video City, Paris, Vincennes, 2016-2017) : hugs (câlins), selfies, dédicaces parfois, autorisent (après de longues heures de queue, et dans un espace au compartimentage thématique très genré) un bref corps à corps qui complète la présence construite à distance et qui permet de dire « tout l’amour » porté à Je ne suis pas Jolie, Horia ou Shera Kerienski, relations si importantes dans nos vies.
Un partage de langages et de flux
Ce qu’opère enfin Youtube, nous semble-t-il, c’est non seulement un partage de ton, de phrasé, une certaine prosodie, mais également un vocabulaire qui fait communauté, sinon génération. Il permet aussi (on a alors les mêmes mots) une expérience conjointe : diy, haul, swap, unboxing, morning routine, vlog, room tour, faq, haters, prank… sont autant de termes qui se disent dans les vidéos et semblent « le langage » de Youtube, telle une célébration de l’échange pratiqué. Regarder et commenter des vidéos, c’est donc aussi partager un vocabulaire, reprendre un lexique, et faire certains gestes… On sait que le numérique ne relève pas uniquement de « discours d’escorte » ou d’accompagnement qui en font la promotion. Il suppose également des gestes et un vocabulaire pour le nommer globalement (électronique, informatique, multimédia, numérique, digital…) comme pour en nommer des segments d’expérience (fake, follower, lurker, retweet, live stream, streaming, troll, mur, journal, permalient, etc.). Les vidéos permettent donc un partage de mots. C’est un flux ou un flot de mots presqu’infini, sans cesse renouvelé, qui est délivré…, une nappe de mots qui entoure et enveloppe l’auditeur et disent « la vie », vécue, approchée ou redoutée, par le youtubeur. Des mots comme ceux d’EnjoyPhoenix.
224Entendre la triple confession d’EnjoyPhoenix
Pour faire apparaître cette énonciation d’un sujet en ligne, qui semble devenir lui-même en se disant face à l’autre et que construit et rend possible la caméra, et pour montrer l’approche d’écoute27 de Youtube à laquelle nous invitons – et détaillerons ensuite –, nous proposons de revenir ici sur une lecture de quelques vidéos d’EnjoyPhoenix proposée en aparté, comme un intermède, du colloque « Youtubeurs, youtubeuses » qui s’est tenu à Tours en 2017. La perspective est de donner à entendre une voix, de (se) donner accès à l’émotion, de sortir du préjugé de genre ou d’âge sur « la youtubeuse beauté » populaire qui conduirait à ne voir en elle que superficialité, bêtise, absence de pensée et de subjectivité, obsession de la parure. EnjoyPhoenix : on entend bien, d’emblée, le nom de scène youtubienne que se donne Marie Lopez28, née en 1995. S’y dit, semble-t-il, la joie de la résilience, du Phœnix, oiseau mythique qui renaît de ses cendres, peut-être celles du harcèlement qu’elle subit au lycée lorsqu’elle décide, pionnière, d’ouvrir sa chaîne Youtube pour « se faire des amis ». Nous proposons donc d’entendre la « renaissance » d’EnjoyPhoenix dans certaines de ses vidéos.
Ce regard porté sur ces séquences vidéo aura d’une certaine façon la forme d’un témoignage (de spectateur). Témoignage car il ne s’agit pas d’une recherche scientifique au sens propre, s’il en est, mais plutôt d’une trace relationnelle de web-spectateur chercheur, d’un témoignage communicationnel effectué par un chercheur qui a vu EnjoyPhoenix dire sa tristesse, dire comment créer sa chaîne Youtube l’avait aidée à surmonter le harcèlement dont elle se sentait victime au lycée, dire le sentiment qu’elle avait menti à ses abonnés en proposant des diy29 qu’elle n’avait pas vraiment envie de faire, dire combien elle avait souffert en voulant maigrir pour participer à l’émission Danse avec les Stars et 225exprimer combien ce régime excessif et cette pratique intensive du sport l’avaient fait souffrir et l’avaient déréglée. Le regard que nous portons ici pourrait être la trace de cette triple renaissance. Cette brève intrusion oraculaire – à laquelle nous sommes cependant constamment invités par la vidéaste – pourrait être le tracé de la « résilience » d’EnjoyPhoenix. Mais cela nous tournerait du côté de la psychologie que nous ne souhaitons pas mobiliser ici – même s’il serait intéressant de le faire. Nous demeurerons donc dans la question info-communicationnelle
Renaissance est le bon terme pour qualifier ce qui surgit du regard qu’EnjoyPhoenix porte sur elle-même. Le terme dit le fait qu’elle resurgit, redevient sujet, par et avec la vidéo, que la vidéo la fait (re)vivre. Son nom de youtubeuse même, on le sait, porte la trace de la renaissance. Le Phœnix est cet oiseau mythologique qui renaît de ses cendres (or une youtubeuse beauté Life Style n’a que faire des cendres, fût-ce des siennes – sauf pour un maquillage de Halloween évidemment). Enjoy dit la volonté d’avoir de la joie et du plaisir, de profiter. Profiter de la renaissance. Profiter de Youtube pour ressusciter. Et pour susciter chez ses fidèles, ses abonné(e)s, cette joie. De les aider, peut-être, aussi, à revivre. Comme la religion, ainsi que Peter Sloterdijk30 l’entend, lui qui a fait l’histoire des pratiques spirituelles, Youtube serait un dispositif thérapeutique, un outil qui aide à vivre, un certain temps, par exemple le temps de l’adolescence (ou de la vieillesse, ou…). Renaissance dit la survenue, la revenue d’une présence. Et Youtube est bien, comme le cinéma, une question de présence (et de rapport à la mort). Cette présence est suivie, écoutée, regardée, imitée peut-être, partagée. D’autres présences se forment à son contact, qui deviennent femmes, et pas forcément stupides.
Nous proposons de nous arrêter aux trois temps de cette renaissance, à ces trois renaissances plutôt. Et il y en aura d’autres, qui nous échapperons. Nous allons commencer par la dernière. On peut la lire en deux vidéos diffusées de manière assez rapprochées. Commençons par la seconde. Un mot, avant cela, sur la méthode, le chemin pris, au sens étymologique du terme31. Regarder les vidéos d’EnjoyPhoenix, les 226écouter, noter, parfois capturer une image (quand elle pleure, d’abord) est le commencement. Le ton, le style ont pour but de capturer l’émotion, cette émotion que suscite ou relève le web, et sur laquelle travaillent plusieurs chercheurs32. Il s’agit ici, de cette façon, de donner une place à l’émotion, de la recueillir, de la laisser s’exposer et de la dire, là où nos outils rationalistes l’étouffent volontiers, on le sait bien quand on travaille sur le religieux. Dire l’émotion en communication, sinon même la présence, c’est tout l’enjeu de cette investigation qui s’intéresse au déploiement d’EnjoyPhoenix. Les documents que nous étudions peuvent porter et mettre en jeu de l’émotion dans le cadre d’une relation de la youtubeuse à ses publics. C’est le cas de ces vidéos. Pour entrer dans l’émotion communiquée d’EnjoyPhoenix, regardons les larmes. Commençons par la plus récente des trois vidéos auxquelles nous nous intéressons dans ce cadre.
La dernière renaissance, les larmes
EnjoyPhoenix confie d’emblée que cette vidéo, « pourquoi j’ai “pris du poids”33 ? » mise en ligne le 16 septembre 2017 mais travaillée durant plusieurs mois, qui fait suite à une vidéo sur les crises d’angoisse, va être difficile : elle a quelque chose de particulier à dire. Elle avertit que la vidéo sera longue (elle fera trente-six minutes). « Personnellement ça me fait du bien, et j’adore faire ça ! ». L’espace d’un aveu se construit de ces paroles prudentes : EnjoyPhoenix a voulu maigrir beaucoup (beaucoup trop), elle a fait un régime et énormément de sport pour cela, et elle s’en est trouvée très mal. C’est la préparation pour l’émission de télévision Danse avec les stars qui l’a mise dans cet état. Dans la vidéo, elle révèle à ses abonnées le dessous d’une vie occultée par des vidéos. Bien sûr, naguère, elle a fait le récit de sa préparation pour cette émission, dit sa joie d’y être, produit des vlogs. Mais maintenant, elle va dire ce qu’elle n’a pas dit à l’époque, donner le dessous des vidéos, ce qui se passait réellement pour elle : elle pleurait, s’évanouissait, tombait, ne mangeait pas, 227s’épuisait, se faisait… vomir (le mot n’est, pudiquement, pas prononcé). Tout ça pour avoir l’air fine de corps, car on lui avait dit qu’elle était trop grosse. C’est donc cette souffrance secrète qu’EnjoyPhoenix évoque dans cette vidéo, à tenter de sculpter son corps qui désormais (elle montre une photo) lui paraît avoir alors été terriblement maigre. On voit l’empreinte du « confessionnal » d’une partie de la télé-réalité34 dans cet « aveu intime » filmé. Le décor même évoque, esthétiquement, cet univers. Cependant, estime EnjoyPhoenix, la renaissance est entamée depuis quelques mois : on l’aide, sa famille l’a soutenue, elle « voit quelqu’un », mais elle a des rechutes, des « tca » (troubles du comportement alimentaire) fréquents. L’aveu la soulage, après qu’elle a pleuré. Une certaine émotion monte quand elle évoque les regards de ceux qui l’ont trouvée trop grosse et incitée à maigrir comme de ceux qui se moquent d’elle, qui l’épient sur Youtube ou ailleurs sur les réseaux numériques, qui la critiquent sans cesse. Se moquer d’EnjoyPhoenix est un jeu sur les réseaux socio-numériques, que plusieurs youtubeurs pratiquent assidûment. En disant tout cela, elle progresse vers la vérité, se confie à ses abonnées, elle « leur doit la vérité ». On lit en commentaire : « Courage, Marie ! ».
La deuxième renaissance, sortir du mensonge
« C’est un peu la vidéo Révélation » (10’36) ; « C’est une des vidéos les plus difficiles que j’ai eues à tourner sur cette chaîne. » ; « Je suis à bout de souffle en fait tellement ça me stresse de faire cette vidéo. » Avec la vidéo « Je suis désolée de vous avoir menti35 », postée le 19 mai 2017, et largement commentée par les médias qui s’intéressent à Youtube, EnjoyPhoenix souhaite renaître des cendres de la facticité générée par Youtube et cherche, suite aux modifications techniques et algorithmiques opérées sur la plateforme, à renouer avec ses abonnés, certains l’ayant quittée, comprend-elle, pour sanctionner le manque d’authenticité des vidéos postées depuis plusieurs mois. Le journaliste Vincent Manilève évoque dans son enquête cette limitation thématique induite par une logique d’audience36 et ce repositionnement dans « l’authenticité » nécessaire.
228Il s’agit en effet ici de « redevenir soi-même » pour EnjoyPhoenix, en une confession publique. « J’ai juste envie de retrouver la Marie d’il y a un an et demi, deux ans » (21’53), « avoue »-t-elle. Il faut retrouver le désir de faire ce que l’on a envie de faire. Et la chaîne ne peut se concevoir dans la facticité et le semblant. La vidéo dit avant tout une souffrance de s’être dévoyée de soi-même. Elle sert à retrouver le chemin de soi. On pourrait presque dire qu’elle constitue un exercice spirituel au sens qu’en donne Pierre Hadot : reprise de soi, conversion au sens propre, retour à soi mais par la pratique de la confession publique vidéographique qui remet la youtubeuse dans le droit chemin d’elle-même. Elle refuse la complaisance pathique (elle n’est pas « en mode Caliméro et tout ! », 10’04) mais se donne à voir dans une sincérité qui prétend prendre le contre-pied des industries culturelles du numérique dans lesquelles elle s’est engagée, et leur lot d’artificialisation de l’humain en régime capitalistique. C’est donc une résistance touchante, autant qu’une résurgence de soi qui paraît ici. C’est aussi une rétractation au sens théologique chrétien : elle revient sur ce qu’elle a dit et fait pour proposer autre chose. Cette vidéo est rare (tout comme celles que nous regardons ici), avouons-le. D’ordinaire : vêtements, produits, routines, maquillage, etc. Cette étape est donc une forme de renaissance : là où il y avait quelque chose de mort, il s’agit de faire apparaître quelque chose de vivant, elle-même, qui se construit et se saisit dans la relation à l’autre postulée par l’adresse vidéo instituée. Cette parole cherche un(e) autre.
La première renaissance,
sortir du harcèlement au lycée
Lorsque EnjoyPhoenix ouvre sa chaîne Youtube, avec une vidéo intitulée « [Tutoriel Coiffure no 1] : Boucles avec un lisseur37 ! », mise en ligne le 12 mars 2011, elle n’évoque alors rien de sa vie personnelle d’adolescente. Ce n’est que plus tard, dans une vidéo devenue célèbre38 (publiée le 29 octobre 2014), qu’elle évoque le harcèlement qu’elle subit au lycée. « Pendant toute mon année de première, ma vie a clairement été un enfer ». La vidéo sert ici à dire l’épreuve. Elle permet aussi d’en sortir, par le fait de pouvoir « témoigner », mais aussi par le fait de 229trouver un interlocuteur. Sans vouloir mélanger les registres culturels, le grand et le petit, le tragique poétique et le quotidien, on peut songer ici au Paul Celan (ce poète juif roumain de langue allemande) de « je creuse et je me creuse jusqu’à toi » paru dans son recueil La Rose de Personne39 : il s’agit de retrouver l’autre, ou, pour le dire en termes plus enjoyphoenixien, et comme on l’a vu dans la vidéo précédente (et ultérieure) : « J’me suis souvenue d’la raison pour laquelle j’avais commencé cette chaine, en fait, c’est parce que j’avais pas d’amis, et parce que je voulais m’en faire… » (20’11-15).
Donc voilà j’ai commencé à faire mes vidéos sur Youtube, et je me suis fait deux trois copines au début, qui ont commencé à r’garder mes vidéos, qui ont bien aimé… […] qui m’ont laissé deux-trois commentaires qui m’ont vraiment redonné confiance en moi, qui m’ont fait du bien. J’ai commencé à parler avec toutes mes abonnées par message et tout… J’ai commencé à me faire des copines et je sentais qu’ça allait mieux en fait.
C’est l’appui pris sur cette vidéo qui va permettre à EnjoyPhoenix, dit-elle, de parler à ses parents du harcèlement auquel elle est confrontée et de faire en sorte que la situation se règle avec la proviseure du lycée. La vidéo est ici un équipement de renaissance sociale, quelque chose qui permet à EnjoyPhoenix de renaître avec et par d’autres, en lien avec eux. Avec cette vidéo s’inaugure aussi une trame dramatique et tensive dans ses énonciations youtubiennes. On sait qu’elle peut dire cela, être dans ce vrai-là, même si elle parle d’autre chose. Évidemment, ces aveux, ces confessions qui conduisent à la résurgence assistée par ordinateur (rao) sont accompagnés des commentaires qu’elles suscitent et qui, pour beaucoup, « associent » les abonnées à l’EnjoyPhoenix exprimée. Déclarations de soutiens, confessions parallèles surgissent.
La vidéo postée sur Youtube permet à EnjoyPhoenix d’entrer en relation avec ses abonnées, mais, surtout, avec quelqu’un. Un imaginaire de la relation se construit, qui lui permet d’être. On peut donc parler ici d’ontologie relationnelle : la communication permet d’être, à celle qui, en ligne, trouve l’autre. Elle construit l’échange, mais aussi l’être, permet de sortir de l’obscurité. La vidéo de confession, d’aveu, de redressement de soi permet de renaître : de « revenir à zéro » et d’être autrement. Elle est comme une crème réparatrice ou un contour des yeux : elle répare et 230refait, pour un certain temps. Mais il en faudra une autre, plus tard (assez vite d’ailleurs). C’est peut-être le risque de cette confession qui relève de l’effondrement que de devoir être sans cesse recommencée. Renaître par la technique de Youtube. EnjoyPhoenix est une femme augmentée, restituée à son authenticité montrée. Mais Youtube est aussi un miroir narcissique, évidemment. Enfin, cette lecture nous montre que Youtube peut également relever d’un véritable humanisme numérique : de l’humain s’y dévoile et s’y partage, fût-il diminué. Mais comment l’étudier de façon respectueuse ?
Étudier Youtube ?
Les difficultés de l’étude de Youtube sont, nous semble-t-il, le temps d’une part, la qualification préalable de l’objet d’autre part. Commençons par la seconde. Ceci bien sûr s’applique à de nombreux objets de recherche, mais l’on croit tout savoir d’emblée sur Youtube. « Youtube est une plateforme numérique industrielle détenue par un des acteurs majeurs du capitalisme étasunien sur laquelle des marques mobilisent le talent des influenceurs pour augmenter leur audience auprès de jeunes publics. » Une telle phrase résumerait ce que l’on dit et sait le plus souvent de Youtube : elle tue cependant et écrase évidemment toute compréhension de ce qui s’y joue pour les jeunes spectateurs en termes d’expérience humaine, de libre expression, de qualification de la vie. Comme si, de façon analogue, l’usage, multiple, de notre ordinateur ou de notre smartphone se résumait à un enjeu économico-industriel et informatique qu’il possède bien cependant. L’enjeu consiste donc non seulement à ne pas réduire l’approche d’un objet communicationnel-médiatique à sa dimension socio-économique – qui n’est qu’une strate, constructible, de la réalité –, mais également à en saisir la portée, la « résonance40 » vécue. Mais encore et surtout à savoir comment la recherche en communication peut, précisément, retrouver le « vivant41 », c’est-à-dire ce qui s’opère dans les échanges, ce qui, fluide, 231échappe, sans traces (enfin, ici, avec de nombreuses traces…), afin de le prendre en compte, de s’en saisir comme de l’insaisissable et ne pas sombrer dans la réification qu’opère l’approche scientifique elle-même. Saisir le vivant passe par la saisie du langage, du corps rendu visible, des émotions ou des affects que l’un et l’autre suggèrent être vécus.
« Que s’est-il passé sur Youtube ? » à tel endroit, dans telle vidéo, pourrait par conséquent être une question. Nous avons tenté une approche responsale (i.e. de l’ordre de la réponse) partielle. On saurait tout d’avance, et l’on sait donc quoi dire tant le discours précède l’étude de la chose : le cas est particulièrement manifeste pour Youtube (« influenceurs », « digital natives », marques…)42. On sait quoi dire dans le rapport aux marques, au genre, aux « fachos », etc. La catégorisation ordinaire ou journalistique imprègne vite l’approche du chercheur quant à ces contenus… L’objet, comme le fait remarquer Stéphane Olivesi, est piégeant par sa fausse proximité et sa facilité apparente. Il est en réalité difficile à construire. Ceux qui sont les mieux à même de l’étudier devraient être les spécialistes de l’analyse filmique ou du film de famille, de la vidéo « ordinaire ». Mais d’autres aspects s’introduisent dans l’étude qui peuvent rendre la chose plus complexe.
La première difficulté est donc le temps. Le temps de regarder les vidéos. Oh, bien sûr, on peut les regarder en accéléré (paramètres/vitesse de lecture), entendre la voix s’emballer, mais on perd alors le ton, la qualité de la voix (là encore, une étude sonore s’imposerait : comment qualifier ces voix qui animent et captent, se développent, forment rendez-vous réguliers, ou sont impossibles à écouter… ? Une des difficultés de l’étude de Youtube, qu’a rencontrée l’équipe Prim de l’Université de Tours lors de la préparation du colloque « Youtubeurs, youtubeuses » organisé en novembre 2017, a été ces voix : « C’est insupportable… », « Moi je ne peux pas ! », disaient des collègues à l’écoute de la voix de telle ou telle youtubeuse juvénile. C’est que l’énonciation youtubienne n’est pas universelle, si une telle énonciation existe : elle est « genrée » (liée à une représentation et à la performance, mais aussi à la réalité d’une identité sexuelle vécue), marquée par l’âge, une « génération », le milieu social, la position géographique… Une approche intersectionnelle de Youtube, si elle ne cloisonne et n’enferme pas, ou si elle ne constitue pas le cheval de Troie d’une approche idéologique préalable 232qui « saurait » déjà tout de l’objet, peut donc s’avérer extrêmement utile. Ces voix sont à qualifier. Le flux (flow), le rythme, le ton, le placement, la portée : les youtubeuses notamment en jouent. Cela constitue presque, nous semble-t-il, la « marque » de leur chaîne. Une youtubeuse, un youtubeur, c’est d’abord une voix et un visage qui forment style (« l’homme même », de Lacan à Buffon).
Donc, c’est insupportable. Comment arriver à supporter, à la fois les longs commentaires sur un gloss, les blagues, les mimiques, le ton de la voix. Ceci ouvre sur une question de traverse qui nous semble peu travaillée : l’expérience de l’insupportable en communication. Ceci nous arrive dans l’ordinaire : pourquoi je ne supporte pas telle voix, tel type de discours, dans un conseil universitaire ou ailleurs ? Et sa déclinaison médiatique : pourquoi Le Figaro, Charlie Hebdo, Marianne, Voici, Valeurs actuelles ou Rivarol me sont-ils insupportables ? L’insupportable expérience médiatique et communicationnelle quand elle n’est pas miroir ou connivence, choix conforté.
Donc, il y a de l’autre sur Youtube, que le même recherche. Et l’autre, ce sont ces millions de voix qui parlent de sport, de cuisine, des islams, d’élevage de poules43, de régime alimentaire, de psychologie, proposent des exercices physiques ou sportifs, fabriquent des bruits bizarres pour s’endormir (asmr), montrent des matchs, commentent des jeux vidéo, expliquent la doctrine des indulgences selon l’Église catholique44, filment une chienne allaitant treize petits, commentent la politique, évoquent des livres, des films… et ces voix – revenons au temps, qui nous a évidemment échappé – parlent longuement. Telle vidéo de Sananas sur les haters et le harcèlement en ligne des youtubeuses45 dure presque une heure, telle vidéo d’EnjoyPhoenix une demi-heure… Et ces vidéos sont 233des milliers, voire des centaines de milliers. Postées régulièrement. Il y a donc une difficulté à comprendre Youtube si on ne rentre pas dans l’écoute longue et répétée, intégrale, de ces vidéos. Comment savoir sinon que cette youtubeuse à la minute trente-quatre de sa vidéo explique que la disposition des coussinets des pattes de son chien est pour elle la preuve de l’existence de Dieu, alors que la vidéo semble consacrée à la beauté et à sa vie personnelle ? La beauté racontée sur Youtube est une énonciation de soi. Il faut suivre le déroulement d’une vidéo pour « entendre » la personne. Une vidéo n’est pas seulement un ensemble de données transcriptibles et analysables automatiquement.
Il faudrait bien sûr également entrer dans l’intelligence du web-spectateur, voir comment ces vidéos sont regardées… Quels sont les pratiques de consultation de Youtube ? L’image est-elle vraiment et toujours regardée, comme on pourrait le croire d’une vidéo ? On sait bien que la télévision n’est pas toujours vue, que les images peuvent continuer leur chemin monté tandis que les consommateurs vont et viennent, boivent et mangent dans le café, que la famille regarde ses téléphones portables ou échange… Il en va de même de Youtube. Le smartphone est posé près de l’évier et l’on fait la vaisselle tandis que Horia raconte un moment important de sa vie lors d’un voyage en Algérie ou évoque un nouveau produit de maquillage. Ou l’on regarde une vidéo dans le bus qui conduit au lycée, écouteur sur les oreilles. Ou la vidéo se déroule et l’on écoute distrait, en faisant autre chose… De la vidéo bien sûr, comme d’une lecture ou d’un film, on parle, au collège, au lycée, au travail ou à la fac…
Le temps des vidéos est donc quelque chose de complexe pour le chercheur sur Youtube, car il faut y passer du temps pour s’en saisir et les comprendre (mais au fond, il en va de même de la télévision, ou du cinéma…). Il reste que l’approche quantitativiste digitale peut contourner cette confrontation temporelle à l’objet (pour faire passer du temps… sur le logiciel et son paramétrage). La vidéo sur Youtube impose aussi souvent de se confronter à l’insupportable (comme la télévision, voire le cinéma là encore). Ou fait se surprendre à aimer cela. Abandonner ses catégories pour entendre ce qui y est dit. Youtube, expérience de l’altérité. Insupportable, donc.
Une autre difficulté de l’abord de Youtube – ou plutôt, une raison qui pourrait expliquer que la plateforme ait été peu étudiée dans ses contenus 234(il est quand même étonnant qu’un dispositif créé il y a quinze ans, en 2005, et qui recueille des centaines de milliers de vidéos et touche des millions de personnes n’ait quasiment pas été étudié en France…) – est la dimension « non noble » de l’objet. Il ne relève pas nécessairement de l’information (au sens de l’actualité du monde), propose de l’humour, des sketches, parle de maquillage, de beauté, de sport, de cuisine, de jeux vidéo, d’animaux… Il ne relève pas, le plus souvent, de la culture au sens classique. Ou alors, les vidéos déposées sur Youtube sont étudiées de façon « transparente » : elles sont perçues comme transmettant et construisant la représentation de martyrs en Syrie46 ou comme donnant accès à la pensée d’un activiste nationaliste antisémite tel qu’Alain Soral, mais sans que les vidéos qui concourent à diffuser sa pensée et donc à le comprendre soient analysées comme telles. Ainsi l’ouvrage consacré par quatre universitaires ou intellectuels français à l’étude de la pensée d’Alain Soral47, le fondateur du mouvement politique et social « Égalité et réconciliation », ne se penche-t-il jamais, en cent soixante-dix-neuf pages d’analyses, sur la forme des vidéos, sur ce qu’elles donnent à voir, sur leur rythme de publication, sur la façon dont se montre Soral (t-shirt notamment) ou même sur le fameux canapé rouge devenu un symbole de ces « émissions » personnelles. La dimension médiatique, l’esthétique de la communication est ici invisibilisée, neutralisée : la médiation disparaît en tant que telle (elle n’est pas tout, mais elle n’est cependant pas rien). Étudier Youtube : faire réapparaître les vidéos, les commentaires48, les signes et les médiations, entendre les voix, prendre au sérieux ce qui est dit, « vécu », montré, se laisser engager par le contenu.
235De premières connaissances sur Youtube
Si l’on s’en tient à l’apport de ce dossier49, que connaît-on et que comprend-on désormais de Youtube ? Tout d’abord que Youtube est un espace « genré » (comme beaucoup d’autres, certes), c’est-à-dire un espace où les représentations et les réalités liées à l’identité sexuelle s’énoncent et apparaissant « clairement », faisant office d’espace de projection pour les web-spectateurs. Laure Bolka-Tabary et Marie Després-Lonnet50 montrent bien par leur recherche cette polarisation genrée dans le rapport à la technique qui affecte Youtube. De même Lorreine Petters51 montre comment l’identité féminine est « mise en commerce » par la promotion de produits de beauté ou Life Style. Michael Perret52 fait bien apparaître également dans son étude des live streams les jeux de Pixelle avec la séduction, repoussée, et l’intérêt des hommes pour sa chaîne.
Laurence Allard propose de penser Youtube non seulement comme un travail mais aussi comme la mise en avant d’un talent, notion que l’on retrouve désormais dans le monde des ressources humaines (et même dans le discours universitaire ministériel, désormais) sur lequel se développent une carrière et une économie. Cette narration ouverte de soi est donc une mise en vente de soi. On pourrait, en cédant certes à l’outrance, parler de prostitution visuelle et langagière pour désigner ces vidéos où la vie et le discours d’une personne se monnayent, ce qui rejoindrait alors les réflexions d’un David F. Allen qui, à partir de l’œuvre de William Burroughs, présente la prostitution comme le 236stade ultime du capitalisme. Où peut-on aller plus loin que dans la vente de soi, de son histoire, de ses propres mots ? La vente d’organes. Laurence Allard montre bien comment une économie de l’expression de soi apparaît et se développe (mais on pourrait également qualifier de la même manière le modèle de l’édition littéraire) sous cette figure du « talent » créatif exprimé, accompagné d’un impresario53 nouveau style, le mcn (Multi-channels Network). Un import de critères du monde artistique semble donc s’effectuer, comme l’a montré ailleurs Bastien Louessard54. C’est le lien avec les marques et les annonceurs que manifeste Lorreine Petters55 dans l’analyse qu’elle effectue des chaînes de youtubeuses beauté et Life Style, grâce à laquelle elle suit la logique de prescription dans le domaine du maquillage (Make Up). Celle-ci est particulièrement évidente, notamment lorsque la youtubeuse « teste des produits » pour ses abonnées et « donne son avis ». C’est le visage que l’on connaît le plus souvent de ces youtubeuses, mais qu’il importe de documenter également.
Les travaux rassemblés dans ce numéro d’Études Digitales ainsi que ceux mis en ligne par l’équipe de recherche Prim de l’Université de Tours, sur sa propre chaîne Youtube56 à l’issue du colloque « Youtubeurs, youtubeuses » de 2017, nous apprennent également que Youtube accueille toutes sortes de contenus, toutes sortes de vidéos qu’elles soient familiales, locales, d’information, d’institution, ou le fait de « youtubeurs anonymes » qui, comme le dit Laurie Schmitt57, sont des « témoins ordinaires d’évènements extraordinaires » et mettent en ligne la vidéo d’une inondation ou d’une aurore boréale… Ils procèdent en tant que témoins du monde et visent à le partager et à le faire voir. Ce dossier montre enfin comment des appropriations singulières de Youtube sont possibles par des chercheurs, notamment en sciences de l’information et 237de la communication, telle celle de Virginie Spies58 qui utilise Youtube à des fins pédagogiques pour faire comprendre le fonctionnement des médias. Son témoignage montre l’originalité d’une telle pratique et augure de son apport en termes de vulgarisation.
Des recherches, enfin, investiguent les pratiques liées à ces vidéos. Celles du commentaire, d’abord, auquel se livrent de nombreux regardeurs. Jean Châteauvert59 poursuit ici son investigation des commentaires souscrits aux vidéos postées en ligne et montre leur dimension temporelle liée à la publication des vidéos : depuis le moment de leur parution jusque dans la longue durée. Dans une autre modalité d’étude, proche des travaux d’Anne Cordier sur la sociabilité numérique des jeunes60, Sandrine Philippe et Brigitte Simonnot61 montrent les modalités d’appropriation de l’information contenues dans les vidéos proposées sur Youtube. Enfin Christophe Premat62 pointe, de façon assez libre, la naissance d’un nouveau format informationnel d’entretiens avec la chaîne Thinkerview, dans laquelle le visage du youtubeur est nié et vient à disparaître. S’y subsistue une seule voix inquisitrice face à l’invité sommé d’expliciter en toute vérité et en toute authenticité son approche et sa conception de la société. L’inverse alors du youtubeur, son effacement.
Reste le plus étrange, la magie (sonore) sur Youtube, le désir d’influence et d’action sur le web-spectateur réalisé par les pratiques de l’asmr63 telles qu’étudiées par Adrien Mathy et Jean-Baptiste Fanouillère64. Celles-ci visent à produire des sons pour envoûter, apaiser, calmer ou endormir le spectateur, à avoir un effet sur lui au-delà 238de la monstration pornographique ou de la prière et de la médiation, religieuses ou non. Les brossages de cheveux, ongles tapotant, souffles suggestifs ne valent sans doute pas ces incroyables vidéos d’un lapin britannique65 grignotant des fruits ou des légumes devant un puissant micro : le son capté étant censé apaiser ou hypnotiser. C’est bien un animal qui aura le dernier mot (et pas le fameux chat, Prince des Réseaux, le Lol Cat, finalement).
Conclusion
Médier la voix, faire de l’image un canal de co-présence66, opérer une mise en relation à la fois réelle et imaginaire, tel est sans doute ce que réalise la plate-forme de vidéos Youtube pour ceux qui y suivent les « Youtubeurs » et « Youtubeuses », vidéastes amateurs ou professionnels ancrant leur présence dans un récit subjectif tourné vers une pratique : être soi, faire des choses. Le média s’est ici individualisé, apparemment, derrière l’architexte structurant les publications audiovisuelles ; chacun est le média, construit « sa » chaîne et parle à ses « abonnés ». Le royaume de la sincérité commence, car c’est bien de sincérité, d’authenticité et de vérité dont il s’agit ici : se dire à l’autre, se « partager ». Chaque vidéo pourrait être une scène eucharistique où le héros de l’histoire, avec sa liturgie propre, se donne à tous, se partage : vous regarderez ceci en mémoire de moi. La vidéo est le bon pain du peuple (post-)adolescent. Des micro-productions médiatiques se réalisent partout à travers lesquelles des vies (solitaires ?) se partagent. Celles-ci se professionnalisent, se lient au commerce et à l’industrie pour retisser les vies avec un autre sens. De nouvelles stars émergent, qui semblent ne « rien » faire et n’avoir aucun 239talent, comme leur reproche un temps, de façon critique, la télévision67, à part celui d’être elles-mêmes (Laurence Allard).
Youtube constitue donc une place industrielle, commerciale et publicitaire aux multiples voix où le régime de la télévision semble individualisé grâce aux outils fournis par une plate-forme digitale permettant à « chacun » de former son programme, de définir son rythme de publication, de développer une relation et une connivence avec son public. S’y entendent des voix de toutes sortes qui disent leur vie, leur passé, leur maquillage, leurs pratiques sportives ou alimentaires, leur souffrance, leurs croyances, leurs goûts et leurs couleurs, des dizaines de milliers de subjectivités qui s’énoncent et entendent être écoutées. On voit comment Youtube peut constituer un outil d’aide à l’énonciation subjective68, d’un devenir-soi numérique offert en pâture… à l’échange, aux haters (le nom donné à la critique, réduite à la haine souvent exprimée sur les réseaux) et aux regards ironiques ou indifférents. Cependant, face à Youtube se joue aussi un partage, une relation, une transmission de savoirs sur la vie, la maternité, la maladie, le maquillage, le jeu vidéo, etc. C’est donc aussi un lieu de circulation de savoirs et de savoirs d’action. S’y jouent des échanges, s’y manifestent des positions identificatoires par lesquelles de jeunes web-spectateurs se projettent dans une identité, masculine ou féminine, pensent acquérir des connaissances. Youtube propose donc une ontologie relationnelle, par la relation simulée dans l’adresse, artefact de l’échange, et par la relation expressive dans laquelle s’engagent les web-spectateurs. Un imaginaire de la relation et de la communication s’y développent donc.
David Douyère
Université de Tours
1 Vincent Bullich, « Régulation des pratiques amateurs et accompagnement de la professionnalisation : la stratégie de YouTube dans la course aux contenus exclusifs », Les Enjeux de l’information et de la communication, no 16/3B, 2015, p. 27-42, http://lesenjeux.u-grenoble3.fr/2015-supplementB/02-Bullich/index.html.
2 Jean Burgess, Joshua Green, YouTube : Online Video and Participatory Culture, Cambridge, Polity Press, 2009.
3 Antonio A. Casilli, En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, Paris, Le Seuil, 2019.
4 Marc Jahjah, « Logiques marchandes et désir de distanciation : l’ambiguïté des youtubeurs », Ina, La Revue des médias, 6 mars 2017, http://www.inaglobal.fr/numerique/article/logiques-marchandes-et-desir-de-distanciation-l-ambiguite-des-youtubeurs-9573.
5 Marc Jahjah, « Le YouTubeur existe-t-il ? », Ina, La Revue des médias, 17 novembre 2017, https://larevuedesmedias.ina.fr/le-youtubeur-existe-t-il.
6 Colloque « Youtubeurs, youtubeuses : figures – formats – savoirs – pouvoirs » organisé par l’équipe Prim (Pratiques et ressources de l’information et des médiations) de l’Université de Tours les 9 et 10 novembre 2017 à l’iut de Tours.
7 Le terme « youtubeurs » est ici employé au sens de vidéastes définissant un programme mis en accès sur Youtube et se donnant un rôle dans la présentation, visuelle ou orale de ce programme plus ou moins personnifié (identifié à leur personne) ; voir Marc Jahjah, « Le YouTubeur existe-t-il ? », op. cit. et la note 65 de cet article pour une interrogation portée sur cette approche.
8 Frédérique Toudoire-Surlapierre, Téléphonez-moi. La revanche d’Écho, Paris, Minuit, 2016.
9 Laurence Allard, « Express Yourself 2.0. Blogs, podcasts, fansubbing, mashups… : de quelques agrégats technoculturels à l’âge de l’expressivisme généralisé » in Éric Maigret et Eric Macé (dir.), Penser les Mediacultures, Paris, Armand Colin/Ina, 2005 ; Laurence Allard, Frédéric Vandenberghe, « Entre légitimation technopolitique de l’individualisme expressif et authenticité réflexive peer to peer », Réseaux, no 117, 2003.
10 Serge Tisseron, L’Intimité surexposée, Paris, Ramsay, 2001.
11 Vincent Manilève, Youtube derrière les écrans. Ses artistes, ses héros, ses escrocs, Paris, Lemieux, 2018 ; Juliette Moreau-Alvarez, Youtube : régi par des règles télévisuelles ?, mémoire de master en journalisme (dir. D. Douyère), École publique de journalisme de Tours, ufr Lettres & Langues/iut de Tours, Université de Tours, 2019.
12 Luc Boltanski, La Souffrance à distance. Morale humanitaire, médias et politique, Paris, Métailié, 1993.
13 Henri Maldiney, Aîtres de la langue et demeures de la pensée, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1975.
14 Yves Citton, Médiarchie, Paris, Le Seuil, 2017.
15 Pierre Musso, Télécommunications et philosophie des réseaux, la postérité paradoxale de Saint-Simon, Paris, PUF, 1997.
16 Haziel, Communiquer avec son ange gardien. Quand et comment le rencontrer, Paris, Bussière, 1995.
17 Peter Sloterdijk, Tu dois changer ta vie ! De l’anthropotechnique, trad. de l’allemand par O. Mannoni, Paris, Maren Sell, 2011.
18 Jean-Louis Weissberg, Présences à distance. Déplacement virtuel et réseaux numériques : pourquoi nous ne croyons plus la télévision, Paris, L’Harmattan, 1999.
19 David Douyère, « L’image dont on parle, l’image avec laquelle on parle. De la colonisation iconique de la conversation » (réponse à André Gunthert), Questions de communication, no 35, 2019, p. 137-152.
20 André Gunthert, L’Image partagée. La photographie numérique, Paris, Textuel, 2015 et « La visibilité des anonymes. Les images conversationnelles colonisent l’espace public », Questions de communication, no 34, p. 133-154.
21 L’asmr est fort bien étudiée dans ce dossier par un article d’Adrien Mathy et de Jean-Baptiste Fanouillère, « Énonciation subjective et simulacre d’intimité sur Youtube : le cas de l’asmr », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
22 Voir par exemple les vidéos d’asmr en « roleplay » Girlfriend : https://www.youtube.com/watch?v=3ZQJbXEWwxM ou https://www.youtube.com/watch?v=tV8z2NMXHso.
23 Vincent Bullich, Thomas Guignard, « Les plates-formes de contenus numériques : une nouvelle intermédiation ? », in L. Jeanpierre, O. Roueff, La culture et ses intermédiaires. Dans les arts, le numérique et les industries créatives, Paris, Archives contemporaines, 2014, p. 201-210.
24 David Douyère, « On the representation of a dialogue with God : Catherine of Siena and mystical communication », in François Cooren, Alain Létourneau (dir.), Dialogue and (Re)presentation, Amsterdam, Philadelphia, John Benjamins Publishing, 2012, p. 161-176.
25 Octave Mannoni, Clefs pour l’imaginaire ou l’Autre Scène, Paris, Le Seuil, 1969.
26 Frédéric Lambert, Je sais bien mais quand même. Essai pour une sémiotique des images et de la croyance, Paris, Non Standard, 2013.
27 David Douyère, Joëlle Le Marec, « Des savoirs vivants de l’enquête à l’écriture de recherche », in Hélène Bourdeloie, David Douyère (dir.), Méthodes de recherche sur l’information et la communication, regards croisés, Paris, Mare & Martin, 2014, p. 117-140.
28 La youtubeuse EnjoyPhoenix a publié deux ouvrages sous son nom, Marie Lopez : EnjoyMarie, Paris, Éditions Anne Carrière, 2015 et Carnet de routes, Paris, Éditions Anne Carrière, 2016.
29 Do it yourself, objet à réaliser soi-même.
30 Peter Sloterdijk, Tu dois changer ta vie ! De l’anthropotechnique, trad. de l’allemand par O. Mannoni, Paris, Maren Sell, 2011.
31 David Douyère, « La méthode, pour finir… », in Hélène Bourdeloie, David Douyère (dir.), Méthodes de recherche sur l’information et la communication, regards croisés, Paris, Mare & Martin, 2014, p. 255-264.
32 Laurence Allard, Camille Alloing, Mariannig Le Béchec, Julien Pierre (dir.), « Les affects numériques », Revue française des sciences de l’information et de la communication, no 11, 2017. https://journals.openedition.org/rfsic/2868. Camille Alloing, Julien Pierre, Le Web affectif. Une économie numérique des émotions, Bry-sur-Marne, Ina Éditions, 2017.
33 Les majuscules appartiennent au titre de cette vidéo. https://www.youtube.com/watch?v=_u5pwfppkhQ&t=29s.
34 Nous devons cette judicieuse remarque à Virginie Spies, lors du colloque « Youtubeurs, youtubeuses » (Université de Tours, Prim, novembre 2017) et l’en remercions.
35 https://www.youtube.com/watch?v=S_S6Qv8LtQE&t=46s.
36 Vincent Manilève, Youtube derrière les écrans. Ses artistes, ses héros, ses escrocs, Paris, Lemieux, 2018, p. 84, notamment.
37 https://www.youtube.com/watch?v=rA93w6n4jHc.
38 « Le harcèlement au lycée / Mon histoire et mes solutions ! », https://www.youtube.com/watch?v=AWpkDtbM90s.
39 Poème « Il y avait de la terre en eux, et ils creusaient. »
40 Hartmut Rosa, Résonance. Une sociologie de la relation au monde, trad. de l’allemand par Sacha Zilberfarb et Sarah Raquillet, Paris, La Découverte, 2018.
41 David F. Allen, David Douyère, « Joseph Gabel : réification, fausse conscience et communication », in Fabien Granjon (dir.), Matérialismes, culture et communication, tome 1, Marxismes, théorie et sociologie critiques, Paris, Presses des Mines, 2016, p. 146-161.
42 Divina Frau-Meigs, « Les youtubeurs : les nouveaux influenceurs ! », Nectart, vol. 2, no 5, 2017, p. 132.
43 David Douyère, « Volailles on Youtube. Diffusion de vidéos médiatiques, touristiques, commerciales et personnelles sur Youtube : l’élevage de volailles entre tradition rêvée et industrialisation redoutée », journée d’études Volailles d’hier et d’aujourd’hui, Villa Rabelais, Pôle Alimentation de l’Université de Tours – Inra, coord. Michel Duclos & Marie-Pierre Horard-Herbin, 4 avril 2017. https://www.youtube.com/watch?v=B9CZDxXvq6M.
44 David Douyère, « Communiquer sur les indulgences : les indulgences en ligne sur Twitter et sur Youtube », journées d’études Indulgentia. Pratiques des indulgences, II. Tradition, innovation, adaptation dans les sociétés européennes (du Moyen Âge à l’époque contemporaine). Les supports : les lieux, les temps, les gestes et les objets, 23-24 novembre 2017, Centre d’histoire sociale et culturelle de l’Occident, Université Paris Ouest Nanterre La Défense (à paraître en 2020 au Septentrion sous la direction d’Esther Dehoux, Caroline Galland, Charles Mériaux et Catherine Vincent).
45 https://www.youtube.com/watch?v=Ern2ZRAkElE.
46 Cécile Boëx, « Figures remixées des martyrs de la révolte en Syrie sur YouTube. Réinterprétations politiques et mémoires vernaculaires de la mort héroïque », Archives de sciences sociales des religions, vol. 181, no 1, 2018, p. 95-118.
47 Collectif des quatre, Le cas Alain Soral : radiographie d’un discours d’extrême droite, Lormont, Le bord de l’eau, 2018. La prise en compte de la dimension vidéographique est plus forte en revanche dans l’article de Julien Giry, « Le “complotisme 2.0”, une étude de cas de vidéo recombinante : Alain Soral sauve Glenn et Tara dans The Walking Dead », Quaderni, no 94, 2017, p. 41-52, https://www.cairn.info/revue-quaderni-2017-3-page-41.htm.
48 Jean Châteauvert « Vis à vis : quand Solange te parle », in Claire Chatelet et Amanda Rueda (dir.), Les Formes audiovisuelles connectées. Pratiques de création et expériences spectatorielles, Presses universitaires de Provence, Marseille, 2016, p. 141-152 ; et ici : Jean Châteauvert, « Youtubeurs : l’expérience de l’internaute », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
49 L’introduction de ce dossier rédigée par Gustavo Gomez-Mejia, Jérémie Nicey et Angèle Stalder ouvre sur d’autres travaux et références : « Youtubeurs : invention d’une énonciation subjective ? », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
50 Laure Bolka-Tabary et Marie Després-Lonnet, « Vidéos d’“unboxing” d’un smartphone : le genre comme marqueur énonciatif de la légitimité des youtubeurs “influenceurs” », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
51 Lorreine Petters, « La prescription des marques et des pratiques marchandes sur les chaînes de youtubeuses françaises », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
52 Michael Perret, « “Retrouvez-moi sur Twitch !” La gestion du live streaming comme relation au public et entrée en jeu », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
53 Nous devons l’évocation de cette figure au musicologue Philippe Vendrix, lors du colloque « Youtubeurs, youtubeuses » (Université de Tours, Prim, novembre 2017) et l’en remercions.
54 Bastien Louessard, Joëlle Farchy, Scène de la vie culturelle, YouTube, une communauté de créateurs, Paris, Presses des Mines, Transvalor, 2018.
55 Lorreine Petters, « La prescription des marques et des pratiques marchandes sur les chaînes de youtubeuses françaises », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
56 https://www.youtube.com/channel/UCSB2ND_Nqei7Jo-2UhEahmg/videos.
57 Laurie Schmitt, « Les youtubeurs, ces témoins ordinaires d’évènements extraordinaires », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
58 Virginie Spies, « Youtube, un espace d’expression pour le chercheur ? L’expérience de Des médias presque parfaits et du Frames festival – un témoignage », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
59 Jean Châteauvert, « Youtubeurs : l’expérience de l’internaute », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
60 Anne Cordier, Grandir connectés. Les adolescents et la recherche d’information, Caen, C&F éditions, 2015.
61 Sandrine Philippe et Brigitte Simonnot, « Les adolescents et Youtube, des loisirs aux savoirs. Quelle figure des youtubeurs dans l’évaluation de l’information en ligne ? », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
62 Christophe Premat, « La redécouverte d’un éthos journalistique avec la chaîne Youtube Thinkerview », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
63 Autonomous Sensory Meridian Response.
64 Adrien Mathy et Jean-Baptiste Fanouillère, « Énonciation subjective et simulacre d’intimité sur Youtube : le cas de l’asmr », Études digitales, no 7, 2019, « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ».
65 Où l’on peut voir (et surtout entendre !) un lapin grignoter une pastèque (https://www.youtube.com/watch?v=0td9Z8C4jNU), un concombre (https://www.youtube.com/watch?v=Gcp1K2rqDU8) ou une banane (https://www.youtube.com/watch?v=mITNkkIQ0T0). Ce qui pose une question épistémologique d’importance : ce lapin est-il un youtubeur ?
66 David Douyère, « L’image dont on parle, l’image avec laquelle on parle. De la colonisation iconique de la conversation » (réponse à André Gunthert), Questions de communication, no 35, 2019, p. 137-152.
67 Vincent Manilève, Youtube derrière les écrans. Paris, Lemieux, 2018, p. 231 sq., à propos de la façon dont les animateurs télévisés Laurent Ruquier (en 2013 et 2015), Léa Salamé (en 2015) et Thierry Ardisson (en 2017) ont reçu avec dérision les youtubeurs Norman, Squezzie, Natoo.
68 Gustavo Gomez-Mejia, Les fabriques de soi ? Identité et industrie sur le web, MkF éditions, 2016.
- CLIL theme: 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- ISBN: 978-2-406-10419-3
- EAN: 9782406104193
- ISSN: 2497-1650
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10419-3.p.0215
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-01-2020
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: YouTube, content, imaginary, identification, subjectivation