Transhumanist religiosity, The new frontiers of exploratory engineering
- Publication type: Journal article
- Journal: Études digitales
2018 – 1, n° 5. Religiosité technologique - Author: Pucheu (David)
- Pages: 53 to 70
- Journal: Digital Studies
Religiosité transhumaniste
Les nouvelles frontières de l’ingénierie exploratoire
The Bible said that God made man in his own image. The German philosopher Ludwig Feuerbach said that man made God in his own image. The transhumanists says that humanity will make itself into God.
« La Bible dit que Dieu a fait l’homme à son image. Le philosophe allemand Ludwig Feuerbach a dit que l’homme a fait Dieu à son image. Les transhumanistes disent que l’humanité se fera Dieu. »
Sebastien Seung, 2002.
De tous les discours qui ont accompagné le développement des technologies de traitement de l’information, le transhumanisme constitue sans aucun doute l’un des plus extrêmes. Récit prophétique aux accents explicitement eschatologiques (discours sur la fin des temps), le transhumanisme semble revêtir les habits séculiers d’une religiosité toute entière tournée vers les révélations de la technoscience où l’homme, en véritable démiurge, serait progressivement amené à prendre le contrôle de sa propre évolution et de celle du monde qui l’entoure.
Ce récit a su se frayer un chemin dans les interstices des plus grandes entreprises et institutions qui animent la dynamique du développement technologique contemporain : Google, Cisco, le MIT, la NASA, le DARPA, la NSF pour ne citer qu’eux. La publication en 2003 du célèbre rapport N.B.I.C. financé par la NSF (National Scientific Fondation) et le Département du Commerce des États-Unis (intitulé la convergence technologique pour l’augmentation des performances humaines : Nanotechnologies, 54Biotechnologies, Technologies de l’Information et Sciences Cognitives), a également profondément participé à populariser, sans nécessairement en dire le nom, certaines idées et croyances centrales du transhumanisme.
Loin de rester confiné dans le cercle de ses innombrables ramifications institutionnelles, Think Tank et entreprises technologiques qui se sont accumulés depuis presque vingt ans, le transhumanisme semble porter les germes de nouvelles croyances, d’espoirs et de crainte que la science-fiction, notamment, participe à disséminer dans la culture populaire1. La démultiplication des TED conférences (Technology Entertainment and Design) à une échelle internationale offre elle aussi un espace discursif et prosélyte de premier plan où prospèrent la vulgarisation et la diffusion d’idées transhumanistes.
Porté hier et aujourd’hui par des scientifiques excentriques comme le futurologue FM-2030 (de son vrai nom Fereidoun M. Esfandiary), des philosophes comme le leader charismatique des extropiens Max More, des ingénieurs et physiciens de renom comme Marvin Minsky ou Freeman Dyson, des ingénieurs-entrepreneurs comme Raymond Kurzweil et des technologues de premier plan comme Hans Moravec ou encore le directeur de recherche du MIT Neil Gershenfeld, le récit transhumaniste déroute l’observateur par sa diversité. Malgré sa courte histoire, il semble bien difficile, en effet, de dresser une généalogie de ce courant de pensée, a fortiori aujourd’hui internationalisé.
En revanche, c’est incontestablement aux États-Unis et plus encore dans le bassin californien que le transhumanisme a trouvé son terrain d’épanouissement le plus fertile. C’est encore dans la baie de San Francisco, vers laquelle convergent aujourd’hui les capitaux dévolus aux entreprises technoscientifiques qui l’alimentent (technologies de l’information, robotique, biotechnologies, nanotechnologies…), que ce récit continu d’abreuver l’imaginaire de bon nombre d’entrepreneurs, investisseurs, startupers, ingénieurs et scientifiques2. Les investissements 55massifs concédés par l’excentrique milliardaire Peter Thiel, ancien PDG de Paypal, à ces entreprises et programmes de R&D, via la Thielfondation, témoignent des intimes connections qui relient le marché à cette « nouvelle » religiosité dont on peut légitimement penser qu’elle opère une fonction idéologique décisive3. L’Université de la Singularité, située à l’épicentre de la Silicon Valley (Montain View) et financée entre autres par Google, Nokia, la NASA et Cisco, ne cache pas ses ambitions prosélytes, voire évangélistes, en offrant des sessions de formation et de sensibilisation exclusivement ouvertes aux potentiels investisseurs en « technologies du futur4 ».
Derrière l’hétérogénéité des objets et des entreprises sur lesquels se fixent ces récits tels que l’augmentation de l’humain (génomique, biotechnologie), l’extension de la vie (cryogénisation, mind upload), le contrôle de la matière (nanotechnologies, ingénierie moléculaire), la robotique (Intelligence Artificielle, machine learning), etc., tous ces discours se caractérisent par une même foi dans un devenir plus ou moins proche où l’Homme, par le truchement des technologies, au premier rang desquelles l’Intelligence Artificielle, transcendera sa condition biologique. Cet horizon d’attente n’est pas simplement celui d’une « augmentation » de la condition humaine. Celle-ci n’est qu’une étape transitoire vers un dessein plus grand, celui du cosmos tout entier caractérisé par la progressive et inéluctable émergence d’une « supra-intelligence » : l’étape de la « Singularité » pour les partisans du mouvement éponyme qui domine la pensée transhumaniste nord-américaine.
Nous sommant de participer à cette évolution cosmologique au risque d’en être évincés, le récit transhumaniste s’articule, au-delà des prédictions eschatologiques, autour des polarités que les sociologues des religions s’accordent à considérer comme caractéristiques de l’expérience du sacré : la fascination (fascinans) et la répulsion (tremendum) pour reprendre la terminologie de Rudolph Otto. Ce phénomène est d’autant 56plus manifeste que les plus grands promoteurs du transhumanisme ou de l’Intelligence Artificielle sont aussi ceux qui, à l’instar d’Elon Musk ou Bill Joy5, se font les hérauts d’une fin des temps imminente où l’homme pourrait bien être frappé d’obsolescence.
Innombrables sont les observateurs qui ont souligné la religiosité kaléidoscopique qui anime ces récits aux consonances sotériologiques (discours sur le salut) : on y retrouve des schèmes propres au millénarisme judéo-chrétien6 teintés de gnosticisme7, des affinités évidentes avec les quêtes mystiques des mouvements ésotériques occidentaux auxquels les transhumanistes reconnaissent volontiers une filiation (les alchimistes notamment qui s’affichent selon Max More comme des proto-transhumanistes8), des formes de religiosités syncrétiques qui mêlent indistinctement philosophies orientales et occidentales propres au New Edge (la version technophile du mouvement New Age9 »), etc.
Pour esquisser les contours de cette religiosité, il me semble pertinent d’en tracer l’origine à travers le réseau d’acteurs qui s’est progressivement constitué aux États-Unis, et plus particulièrement en Californie, autour des imaginaires qui irriguent le transhumanisme. Cette sociohistoire met en lumière les liens étroits qu’entretient le transhumanisme avec une religiosité technologique spécifiquement américaine mais aussi avec les mouvements plus contemporains d’une contre-culture scientifique adepte de « l’ingénierie exploratoire » baignée dans le New Edge et la science-fiction. Nous tenterons dans un dernier temps d’interroger la synthèse de cet imaginaire proposée par la théorie de la Singularité technologique centrale du montage symbolique transhumaniste.
57Religiosités technologiques américaines
La posture eschatologique qui caractérise les récits transhumanistes n’est pas nouvelle : elle s’inscrit dans une tradition séculaire constitutive de l’imaginaire technologique américain. La création des États-Unis s’est, en effet, articulée autour d’un récit cosmogonique situant les accomplissements technoscientifiques des Américains au cœur d’un vaste chantier de recommencement du monde10. Cette « re-création » du monde, inaugurée par les américains sous l’auspice des technologies dans l’espace vierge du Wilderness – symbole d’un monde au degré zéro de la Création – a inscrit durablement la technoscience dans une sotériologie aux accents gnostiques : elle véhicule l’idée d’un salut atteignable par l’instrumentalité humaine parachevant les desseins du Créateur pour établir sur terre le Millenium11.
De son côté, le mythe de la Frontier (« l’avancée de la civilisation chrétienne sur la barbarie12 ») qui a symboliquement encadré ce recommencement du monde dans l’espace dynamique de l’Ouest (Westward), a suscité dans l’imaginaire national un sens aigu de « l’illimitation13 » (illimiteness) irréductible au pouvoir que conféra aux Américains la maîtrise de la vapeur et de l’électricité.
Appuyé par une « théologie publique » façonnée par les mouvements calvinistes, puritains et latitudinaires du christianisme réformé qui ont peuplé le paysage religio-culturel de l’Amérique naissante, ce « technomillénarisme14 » constitue un trait fondamental de l’imaginaire 58technologique américain dont les transhumanistes sont aujourd’hui les dignes représentants. L’idée d’un « progrès de la Création », d’un « plan divin » ultimement rédempteur, qui s’incarnerait dans le cours de l’histoire des hommes, est constitutive de ces mouvements religieux et s’est transfigurée en acte à travers les progrès de la technoscience. La participation active des hommes par la médiation instrumentale à la venue du « Royaume », celui des derniers temps qui ouvre à la félicité terrestre telle que décrite dans les textes apocalyptiques, constitue toujours un schème axiologique fondamental pour interpréter le sens (la signification et à la direction) du progrès technoscientifique.
Si les référents chrétiens occupaient encore au xixe siècle une place centrale, le début du xxe siècle se caractérisera par une expression de plus en plus sécularisée de ce technomillénarisme : plus besoin de discourir sur Dieu puisque ses œuvres parlent d’elles-mêmes. Il s’agit maintenant d’observer et d’accompagner le développement technologique comme la manifestation éclatante du « progrès de la Création » proclamé aujourd’hui, après les pasteurs en leur temps, par les « technoprophètes ». Célébrant le futur « sublime technologique15 » auquel nous invitent les progrès de la technoscience, les utopies technologiques américaines vont fleurir dès la fin du xixe siècle16.
Le discours sur la Frontier va lui aussi se métamorphoser. Si la Frontier désignait d’abord un espace symbolique territorialisé à conquérir grâce aux instruments que Dieu avait mis entre les mains des Américains pour accomplir leur « destinée manifeste17 », elle va très vite se fixer sur la technoscience elle-même. La technoscience, comme le suggéra Vannever Bush en 1945, constitue la Endless Frontier18 de l’humanité. Elle s’affiche dans ses virtualités, le caractère de ce qui est en puissance, comme la matrice des possibles de l’humanité entraînée dans une dynamique évolutionniste irréversible.
59Avatar séculier de ce technomillénarisme, la tradition futurologique américaine qui naît au début du xxe siècle va placer le progrès technologique au centre de ses études prospectivistes sur le devenir des sociétés humaines. Loin de rester une « science » contemplative visant à élaborer des scénarios prédictifs, la futurologie américaine défend et promeut, en vertu des projections sociotechniques qu’elle élabore, une programmatique que la célèbre formule d’Alan Key résume bien : « plutôt que de prédire le futur, mieux vaut-il l’inventer ». La futurologie se présente finalement comme un « progressisme conservateur » destiné à monopoliser délibérément l’espace des possibles ouvert par un futur toujours incertain. C’est encore à cette tradition, à cette « idéologie du futur » profondément imbue de déterminisme technologique, qu’il faut rattacher le transhumanisme. « L’âge d’or » du futurisme californien, que Peter McCray situe au sortir de la seconde guerre mondiale19 sous l’impulsion notamment de l’émergence de l’informatique et de la conquête spatiale, a plus particulièrement servi de catalyseur aux idées et croyances véhiculées aujourd’hui par les récits transhumains.
New Frontier
Parmi les scénarios prospectivistes interrogés par la futurologie californienne dès les années soixante, figure de manière centrale, outre l’informatisation des sociétés, la conquête spatiale qui nourrissait par ailleurs abondamment la science-fiction. Ouvrant une « nouvelle Frontier du progrès américain » pour paraphraser John F. Kennedy, plus prosaïquement désignée comme « Final Frontier » dans la série télévisée Star Trek, la conquête de l’espace ne procédait pas d’un simple enjeu géopolitique à l’époque de la guerre froide : elle cristallisait presque tous les pans de l’innovation technoscientifique. Ce nouveau champ de possibles ouvert par les voyages extraterrestres réinterrogeait le telos de la technoscience manifestement appelée à guider la marche progressiste de l’humanité, au-delà des limites terrestres, dans les confins du cosmos.
60Comme le voyage expurgatoire des Européens fuyant l’Ancien Monde vers le Nouveau ou celui des pionniers vers l’Ouest recommençant le monde dans le désert (le Wilderness), la conquête de l’espace offrait la promesse d’un nouveau mouvement purificateur et rédempteur. Réactivant l’imaginaire de la Frontier, particulièrement vivace dans le montage symbolique californien, l’exploration spatiale fut le théâtre d’intenses transactions entre ingénieurs et scientifiques de toutes disciplines, auteurs de science-fiction et futurologues, entrepreneurs et acteurs de la contre-culture californienne réunis pour questionner ni plus ni moins le devenir de l’espèce humaine.
La publication en 1972 du très médiatique rapport du Club de Rome « Limits to Growth20 » relatif à la surpopulation, à la raréfaction des ressources planétaires ou encore aux changements induits par l’Homme sur l’écosystème et la biodiversité, va, d’une certaine manière, presser et intensifier cette projection de l’humanité au-delà des limites terrestres. Commanditée en 1970 par des acteurs privés et publics de près de 52 pays, cette étude, basée sur une simulation informatique de la croissance mondiale et menée au MIT par Donella et Dennis Meadows, ouvrait des perspectives pour le moins catastrophistes quant au devenir de l’humanité. Critiqué et critiquable sur bien des points, ce rapport n’en reste pas moins le symptôme d’une prise de conscience planétaire. Il dessine en effet les contours de l’anthropocène, d’un âge où l’Homme, en raison de son inventivité mais également de son audace, s’est progressivement situé au centre de l’évolution dont il n’était jusqu’alors qu’un élément anecdotique. Loin d’affaiblir les expectatives eschatologiques d’un progrès continu par le truchement de la technoscience, le scenario profondément alarmiste du Club de Rome n’a fait qu’amplifier l’urgence d’investir les territoires encore inexplorés de la technoscience et a donné au mouvement futuriste californien une impulsion décisive21.
La L5 Society, organisation créée en 1975, va notamment être le terrain d’une intense ébullition prospectiviste répondant aux anxiétés alimentées par la finitude des ressources terrestres. Bien qu’essentiellement dédiée 61à la promotion de la colonisation spatiale inspirée par les travaux de l’astrophysicien Gerard O’Neill22, la L5 Society va très vite constituer une plateforme de première importance pour la futurologie californienne autour des thématiques centrales qui allaient nourrir le transhumanisme : information, cybernétique23, cryogénisation, nanotechnologies, biotechnologies, augmentation de l’humain, intelligence artificielle, extension de la vie, etc.
La colonisation de l’espace procédait, pour bon nombre de ses promoteurs, d’une volonté, non seulement d’échapper aux limites de la condition terrestre mais, par là même, de dépasser la condition humaine. La première occurrence du mot cyborg inspiré de la cybernétique visait d’ailleurs la « nécessaire » augmentation de l’Homme hypothétiquement appelé à s’adapter aux environnements extraterrestres. « Les voyages dans l’espace confrontent le genre humain à des défis non seulement technologiques mais aussi spirituels en ce qu’ils invitent l’homme à prendre une part active dans son propre développement biologique » écrivaient les auteurs de Cyborg and Space en 196024 (voir image 1). De la même façon, la projection imaginaire des hommes dans l’espace, avant même le xxe siècle, avait servi de support aux spéculations et aux croyances relatives à l’immortalité chez le cosmisiste russe Fedorov25 ou dans les premières nouvelles de science-fiction autour de la préservation artificielle26.
Mais la complexité inhérente à la mise en œuvre de la vision de O’Neill a très vite déplacé la « Nouvelle Frontier » vers d’autres espaces symboliques : ceux du cyberespace naissant et des mondes virtuels ou ceux des territoires encore inexplorés de l’infiniment petit à l’instar des propositions démiurgiques que Eric Drexler élaborera dans son best-seller 62Engines of Creation, The coming era of nanotechnology27. Drexler y envisage la possibilité de manipuler et de contrôler, grâce à l’usage de « machines moléculaires », la matière aussi bien que le vivant dans ce qui pourrait s’apparenter à un véritable « re-engineering » du monde. L’émergence de ces machines, inscrite dans une évolution technologique irréversible, présente des dangers auquel l’auteur nous met en garde sur un ton, une fois encore, profondément teinté de technomillénarisme. Ancien étudiant de O’Neill et acteur de premier plan de la L5, Drexler partageait avec ses membres la même volonté de sortir des sentiers battus de l’establishment scientifique pour s’adonner à « l’ingénierie exploratoire » en s’engageant à « concevoir et designer des technologies que nous ne sommes pas encore en mesure de construire28 ». Personnage clef du mouvement transhumaniste et fondateur en 1986 du Foresight Institute, Drexler va précisément adresser son essai sur « l’ingénierie moléculaire » au Club de Rome. Dans un paragraphe lui-même intitulé « The Limits To Grows », Drexler pouvait ainsi affirmer : « Le monde de la matière brute offre l’espace fini d’une croissance certes vaste mais limitée. Le monde de l’esprit et des modèles (pattern) en revanche offre un espace sans limite pour le changement et l’évolution […] Les limites dessinent les possibles29 ».
Science-fiction et « ingénierie exploratoire »
On retrouvera dans la L5 Society des membres aussi différents en apparence que Tim Leary, le guru du New Edge30 mais aussi des auteurs de science-fiction comme Isaac Asimov ou le créateur de la série Star-Trek Gene Roddenberry, des ingénieurs et scientifiques comme Freeman Dyson et Marvin Minsky, le très influent éditeur du Whole Earth Catalog Steward 63Brand, le transhumaniste de la première heure et auteur du rapport N.B.I.C. William Bainbridge, l’informaticien inventeur du concept de vie artificielle Christopher Langton ou encore l’ingénieur en robotique et théoricien de la transmigration de la conscience dans les ordinateurs Hans Moravec. Malgré leurs différences, tous ces acteurs partageaient une même fascination pour le futur sublime technologique auquel nous conviait la technoscience qui devait désormais, face à l’urgence de la situation planétaire, prendre les rênes de la destinée humaine.
Souvent citée pour avoir remporté son combat pour la privatisation de l’exploration spatiale en faisant avorter le Moon Treaty qui préconisait la supervision de l’État et de la communauté internationale, la L5 Society fut donc également un espace essentiel pour l’éclosion et la propagation de croyances qui caractérisent la religiosité technologique californienne contemporaine.
Phénomène particulièrement intéressant : cette organisation met en lumière les liens étroits qui unissent « l’ingénierie exploratoire » et la science-fiction, comme s’y emploient par ailleurs de nombreuses revues diffusées aux États-Unis et en Californie sensiblement à la même époque. On peut citer le magazine à gros tirage Omni publié dès 1978 par l’éditeur de Penthouse Bob Guccione et dédié à la vulgarisation scientifique sur fond de science-fiction et de nouvelles technologies ou encore la revue Mondo 2000, le magazine underground de la cyberculture et du New Edge qui explore les frontières de la conscience individuelle et collective selon une posture profondément cyberpunk31. Aux côtés d’Eric Drexler, Hans Moravec ou Tim Leary, figurent dans les colonnes de ces magazines les éminents auteurs de science-fiction américains comme Arthur Clarke, Isaac Asimov ou encore William Gibson qui fut l’inventeur du terme cyberespace et l’initiateur du mouvement cyberpunk. Le CoEvolution quaterly de Steward Brand, qui succèdera à la « bible-manuel » de la contre-culture californienne du Whole Earth Catalog, a lui aussi participé à disséminer les idées de la L5 Society en les 64inscrivant dans des perspectives écologistes, libertariennes ou utilitaires, mais toutes teintées de science-fiction32.
On peine à discerner dans cette profusion d’imaginaires gravitant autour de la prospective technologique américaine ce qui relève effectivement de l’expérimentation en laboratoire ou de la science-fiction. Comment ne pas être frappé par la ressemblance entre les scénarios de transmigration de la conscience dans le cyberespace imaginé par William Gibson avec les rêves de métempsychose (la possible migration des consciences après la mort vers de nouvelles « plateformes ») portés par les techniques du mind upload promues par Hans Moravec et toute une frange des transhumanistes ?
La « Singularité technologique » qui domine la pensée transhumaniste américaine en fournit un autre exemple. Popularisée par Raymond Kurzweil dans son ouvrage apocalyptique the Singularity is near, l’expression a été initialement utilisée par Vincent Vinge pour qualifier l’émergence d’une supra-intelligence devant mettre un terme à « l’ère humaine ». Auteur de science-fiction, informaticien et mathématicien de l’Université de San Diego, Vinge incarne une fois encore cette confusion des genres. Avant même que Kurzweil ne prenne le leadership de ce mouvement, c’est un jeune informaticien autodidacte de Berkeley, Eliezer Yudkowsky qui a créé en 2000 le premier institut explicitement dédié à la Singularité : le Singularity Institute for Artificial Intelligence. Geek accompli, écrivain et fan inconditionnel de science-fiction, Yudkowski y défend l’idée du design d’une Intelligence Artificielle « friendly » pour déjouer les plans d’une supra-intelligence bientôt hors de contrôle. Mais c’est fondamentalement le charismatique ingénieur-entrepreneur Raymond Kurzweil qui, de par sa position stratégique aux interstices du pouvoir médiatique, politique et économique américain, va faire de la Singularité un élément incontournable du récit transhumaniste californien.
La L5 society, nous l’avons vu, s’affiche comme un point nodal dans la constitution du réseau d’acteurs américains futuristes qui va donner naissance au transhumanisme. Le transhumanisme en général et la 65théorie de la Singularité technologique en particulier vont, d’une certaine manière, offrir une synthèse unifiée et en apparence « scientifisée » des spéculations qui animaient les membres de la L5.
Prophéties cosmologiques :
une odyssée informationnelle
Pour Kurzweil, comme pour bien des transhumanistes, l’opération de dévoilement des mystères de la création opérée par la technoscience s’inscrit dans une narration, un méta récit aux accents eschatologiques sur « le destin intelligent du cosmos33 ». Au cœur de cette prophétie se dévoile une lecture qu’on pourrait qualifier d’hermétique de la « loi de Moore ».
Énoncée en 1965 par le fondateur d’Intel Gordon Moore, cette loi, qui se vérifie empiriquement depuis 1959, met en lumière la progression exponentielle de la puissance de calcul (la fréquence de traitement de l’information) et des capacités de stockage de l’information (la quantité et la variété d’informations) corrélée à la miniaturisation ininterrompue de leurs composants et à la baisse de leurs coûts de fabrication. Pour les transhumanistes, cette évolution inscrite au cœur du développement technologique n’est autre que celle de l’Intelligence Artificielle, laquelle est appelée, en vertu de cette loi, à dépasser l’intelligence humaine dans un futur proche (2045 selon les dernières prévisions de Kurzweil). Mais se dissimule, derrière la courbe exponentielle de la loi de Moore, une sorte de règle universelle bien plus vaste : celle de l’évolution de l’Intelligence qui guide depuis le départ l’évolution du cosmos34. Pour Kurzweil l’évolution de l’univers se caractérise par six époques consécutives dont l’Intelligence constitue le pivot axial :
66–L’apparition de la physique et de la chimie sur terre (l’information en structure atomique) ;
–Le développement de la biologie (l’information en ADN) ;
–L’émergence des cerveaux (l’information en réseau neuronale) ;
–La création des technologies (l’information par le design) ;
–L’hybridation de la technologie et de l’intelligence biologique (l’étape du transhumanisme précisément où l’Homme convergera avec la machine) ;
–Et enfin, l’ultime étape parachevant « le destin intelligent du cosmos » : Le réveil de l’univers (The Universe Wakes Up) qui adviendra lorsque l’univers et la matière seront « saturés » par l’intelligence libérée des « plateformes » imparfaites que constituent encore aujourd’hui les structures atomiques ou organiques (l’information autonome).
Cette « Intelligence » chez Kurzweil, cette « pensée » chez Hans Moravec ou Marvin Misky, est un calcul : il ne s’agit pas d’une réduction mais d’une posture ontologique. L’information est la mesure de toute chose, tout se ramène à elle comme si elle était la particule élémentaire de notre cosmos, comme si l’univers était in-formé par elle et animé par ses interactions (ses patterns), c’est-à-dire par leur mise en calcul sous une forme matérielle ou organique, physique ou chimique. Plus la quantité d’information disponible est complexe et plus les opportunités de calcul, et donc l’intelligence, s’accroissent. Dans la cosmologie de Kurzweil ou celle de Moravec35, l’Intelligence Artificielle se trouve « naturalisée » dans un continuum qui va de la simple matière organisée à l’apparition des premières entités biologiques et à leur progressive évolution cognitive débouchant sur le design des premières intelligences artificielles qui pressent la venue de la Singularité technologique.
L’Homme, en tant qu’espèce biologique, ne se situe pas au centre du cosmos : il n’a été que l’ultime intelligence biologique sur terre et doit désormais céder sa place (à moins de s’y conformer, i. e. de converger avec elle) à une intelligence bien supérieure encore : celle des machines. Cette convergence n’est pas pour Kurzweil et les singularitariens une option : qu’on le veuille ou non, cette étape est inscrite dans le devenir 67de notre cosmos. À l’aune de la Singularité, l’intelligence sera bientôt indépendante de tout support d’inscription, de tous corps biologiques et atomiques qui n’en auront été que de vulgaires véhicules, des « plateformes » imparfaites36. Passé le seuil de la Singularité, l’Intelligence sera une sorte d’esprit éthéré, de pensée pure omnisciente et omnipotente. En un mot, elle sera en tout point similaire au concept de Dieu. Comme pouvait le suggérait la célèbre formule de Freeman Dyson fréquemment citée par les transhumanistes : « Dieu est ce que l’esprit (Mind) devient effectivement lorsque celui-ci passe au-delà de nos capacités d’entendement37 ».
Neoanimisme
Ce qui permet de décrypter ce « destin intelligent du cosmos » c’est donc le rôle ubiquitaire de l’information qui en est à la fois le véhicule et le témoin de par sa complexité croissante. Essentialisant les théories mathématiques et cybernétiques de l’information, l’information est l’unité élémentaire et universelle qui anime l’intégralité des phénomènes, ceux de la physique comme de la biologie, de la génétique comme de la cognition et, aujourd’hui, ceux de la technologie.
C’est d’ailleurs cette idée qui sous-tend le rapport sur la convergence NBIC : nous serions au seuil d’un déferlement sans précédent d’informations préfigurant une supra-intelligence capable de se nourrir indifféremment de la matière (nano), du vivant (bio), de la puissance computationnelle (info) et de la cognition (cogno). Si tout peut porter à croire que l’Homme est le moteur de cette évolution, il n’en est, en fait, que l’instrument innocent, temporaire et bientôt obsolète dans la marche progressiste de l’Intelligence. Il lui faut donc pleinement participer à sa venue comme le répète avec anxiété William Bainbridge dans le célèbre rapport commandité par la NSF.
68Si les transhumanistes se présentent eux-mêmes comme de stricts physicalistes réfutant le dualisme du corps et de l’esprit au profit d’une conception matérialiste et moniste de l’univers, un tel argument s’avère tautologique. L’information s’affiche en effet dans leur vision du monde comme un processus constitutif de tous les phénomènes physiques ou chimiques au point de sembler pré-exister au monde physique. « Nous pouvons aller au-delà des pouvoirs du monde matériel à travers le pouvoir des modèles (patterns) » écrit Kurzweil qui se considère lui-même moins comme un matérialiste que comme un « patternist ». « C’est à travers le pouvoir émergent des patterns que nous nous transcendons. Puisque la matière dont nous sommes faits est éphémère, c’est le pouvoir transcendant de nos patterns qui subsiste38 ». L’intelligence, écrit encore le futurologue américain, « est plus puissante que la physique. […] L’information, plus que la matière et l’énergie, doit être vue comme la plus fondamentale des réalités39 ».
La Singularité promet ainsi de concrétiser les rêves millénaires de métempsychose grâce à la possible transmigration des « patterns informationnels40 » qui constituent notre conscience, notre condition d’existence ou notre identité dans de nouveaux avatars artificiels ou organiques ou dans les espaces (multivers) infinis des mondes virtuels. La mort n’est qu’une « mort informationnelle » : les patterns des cerveaux cryogénéisés dans les couloirs d’Alcor – la fondation d’extension de la vie aujourd’hui dirigée par le leader du mouvement des extropiens Max More – seront bientôt ressuscités, à l’aune de la singularité, grâce à leur modélisation dans de nouvelles « plateformes ».
Le modèle (le pattern informationnel) précède l’existence du réel à tel point qu’il est envisageable, comme s’amusent à le penser Hans Moravec ou Nick Bostrom41, que nous soyons déjà sans le savoir au cœur d’une simulation informatique, à l’instar des humains prisonniers de la « matrice » dans le célèbre film éponyme.
Moins physicaliste qu’il n’y paraît, le transhumanisme nous offre la perspective d’une vision du monde profondément animiste où 69l’information qui traverse tous les éléments de la Création s’affiche, tel un fluide universel, comme son principe vital42. L’information est aux transhumanistes ce que fut le « feu électrique » pour les théosophistes allemands du xviie siècle : le principe unificateur de la création, le fluide ayant insufflé la vie au monde43.
Entre profession de foi et « mauvaise foi » ?
Emporté par le succès planétaire de ses prophéties et de ses fables aujourd’hui largement véhiculées par les industries culturelles (par la publicité, les séries télévisées, le cinéma, le jeu-vidéo ou la science-fiction), le transhumanisme, sans toujours dire son nom, captive son audience et continue d’attirer les capitaux. Au fond, on peut parfois douter du credo et de l’ethos de ce mouvement porté par des futurologues, des scientifiques et des ingénieurs-entrepreneurs désireux, à l’instar de Kurzweil, d’évangéliser les « masses » scientifiquement incultes, de rallier des étudiants et des investisseurs du monde entier à la cause du solutionnisme technologique ainsi que s’y emploient les sessions de formation proposées par l’université de Singularité.
Dans un étonnant manifeste intitulé Religion for a Galactic Civilisation publié en 1985, William Bainbridge, qui fut le rapporteur du rapport N.B.I.C. mais aussi un sociologue des religions américain de premier plan, pressait l’érection d’une forme de religiosité populaire pouvant fournir un socle spirituel à l’hypothétique migration de l’espèce humaine aux confins de l’espace. « Les nouveaux cultes sont peu créatifs et tendent à dessiner leurs pratiques et leurs doctrines à partir de groupes ou de 70traditions préexistantes. Si nous devons partager une vision galactique commune, la meilleure source est probablement la science-fiction. Non seulement la science-fiction offre un panorama des civilisations galactiques mais aussi des problématiques spécifiques permettant de les atteindre. Elle baigne dans l’occultisme et les idées pseudo-scientifiques qui peuvent nourrir les appétits religieux du peuple si tant est qu’elles soient empaquetées (packaged) dans de nouvelles églises44 ».
Ne pourrait-on pas voir un étonnant parallèle entre cette religiosité populaire baignée dans la « pseudoscience » et le récit transhumaniste ? Une religiosité qui puisse nourrir aussi bien le discours hégémonique d’une élite « technologiquement éclairée » que les appétits idéologiques du venture capitalism irréductible à la diffusion et la popularisation de croyances dans les vertus des entreprises technoscientifiques contemporaines.
David Pucheu
Université de Bordeaux
1 Au premier rang desquels la littérature d’anticipation scientifique, le cyberpunk et la démultiplication des mises en scènes cinématographiques grand public (Matrix, Avatar, Transcendance…) ou les séries à succès comme Black Mirror, West Word, ou encore Altered Carbon.
2 La congrégation religieuse « Way Of The Future », récemment portée par l’ancien ingénieur de Google et de Uber Anthony Levandowski, en fournit un exemple caricatural. Face l’émergence imminente d’une Intelligence Artificielle assimilable au concept de Dieu, sorte de parousie technologique, nous devrions organiser un nouveau culte pour célébrer sa venue (voir Harris, Mark (2017), « Inside Artificial Intelligence’s First Church » in Wired, consultable : https://www.wired.com/story/anthony-levandowski-artificial-intelligence-religion/).
3 Le transhumanisme pourrait à cet égard constituer une « innovation d’opinion », pour reprendre les termes de Dominique Boullier, visant à exciter les marchés et à susciter les afflux de capitaux. Il serait assimilable, comme l’affirme encore Bernard Stiegler, à du storytelling visant à encadrer le développement de la Nouvelle Économie.
4 Borrel, P. (2011). Entretien à propos d’« Un monde sans humains ? ». Chimères, 75, (1), p. 87-94.
5 Voir Joy, Bill (février 2001). « Pourquoi le futur n’a pas besoin de nous ? » dans Revue des deux Mondes. p. 92-99.
6 Geraci, Robert (2010) Apocalyptic AI : Visions of Heaven in Robotics, Artificial Intelligence, and Virtual Reality. Cambridge : Oxford University Press.
7 Davis, Erik (1998). TechGnosis, Myth, Magic + Mysticism in the Age of Information. New York : Serpent’s tail.
8 More, Max (2013). « The Philosophy of Transhumanism », dans More, Max, Vita-More, Natasha (ed.). The Transhumanist reader. Oxford : Wiley-Blackwell, p. 4.
9 Voir Dorien Zenbergen (2010). New Edge. Technology and Spirituality in the San Francisco Bay Area (thèse de doctorat). Université de Leiden.
10 Nye, D. E. (2003). America as second creation : technology and narratives of new beginning. Cambridge : MIT press.
11 Voir Tichi, Cecelia (1979). New World, New Earth, Environmental Reform in American Literature from the Puritans through Whitman. New Heaven : Yale University Press. Miller, Perry (1965). The Life of the Mind in America, from the Revolution to the Civil War. New York : Harvest Book. Noble, David F. (1999). The Religion of Technology, the divinity of man and the spirit of invention. New York : Penguin Book.
12 Turner, Frederick Jackson (1894). The significance of the frontier in American history. Madison : State Historical Society of Wisconsin.
13 Hietala, Thomas R. (1994). Manifest Design, Anxious Aggrandizement in Late Jacksonian America, New York, Cornell University Press.
14 Pucheu, D. (2009). « Religion et imaginaire technologique en Occident. Continuités et ruptures ». dans Lakel, A., Massit-Follea F., Robert, P. (dir.). Imaginaire(s) des technologies d’information et de communication. Paris, Les éditions de la MSH, p. 21-31.
15 Voir Carey, James (1989). « The history of the future » dans Communication as culture. New-York : Routeledge. p. 173-200.
16 Segal, Howard (1985). Technological utopianism in American culture, Chicago : University press of Chicago.
17 Rappelons ici que l’épisode de la Frontier s’achève en 1890 lorsque le Census déclara officiellement « closes » les frontières des États-Unis mettant ainsi un terme à la phase expansionniste qui mena les américains jusqu’aux extrémités de la côte ouest.
18 C’est le titre que donna Vannever Bush à son rapport soumis au Congrès américain en 1945 qui donnera naissance à la NSF (la National Scientific Fondation)
19 McCray, Patrick (2013). The Visioneers. Princeton : Princeton University Press, p. 60.
20 Meadows, Donella H, Meadows, Dennis L, Randers, Jørgen, William W (1972). The Limits to Growth ; A Report for the Club of Rome’s Project on the Predicament of Mankind. New York, Universe Books.
21 L’anthropocène est une figure ambivalente : offrant des visions du futur diamétralement opposée oscillant entre catastrophisme et utopie technologique. Voir Bourg, Dominique (2013). « Anthropocène, apocalypse ou parousie ? ». Socio-anthropologie, 28, p. 109-116.
22 Auteur d’un best-seller publié en 1977 au titre évocateur : High Frontier. Human Colonies in Space.
23 Il faut souligner ici, après Fred Turner, la fascination qu’exercèrent au sein de la futurologie, de la contre-culture californienne et du New Edge des années soixante-dix, les écrits de Norbert Wiener et de la cybernétique. En situant l’information et son traitement automatisé au centre de sa théorie des systèmes, la cybernétique a suscité la « métaphore computationnelle » de la société qui partageait bien des affinités avec la vision d’un cosmos unifié et les aspirations autorégulatrices des communautés qui ont façonné le devenir de l’informatique.
24 Clynes, Manfred, Kline, Nathan S. (septembre 1960). « Cyborg and space » dans Astrnautics.
25 Sanders, Anders (2013). « Transhumanism and the meaning of life », dans More, Max, Vita-More, Natasha (ed.). The Transhumanist reader. Oxford : Wiley-Blackwell, p. 17.
26 Voir notamment Neil Ronald Jones (1931). The Jameson Satellite. Wildside Press.
27 Drexler, K. Eric. (1986). Engines of Creation. The coming era of nanotechnology. New-York : Anchor Books.
28 Drexler, K. Eric (1988). « Exploring Future Technologies » in Brockman, John (ed.). The Reality Club. New-York : Lynx Book, p. 129-150.
29 Drexler, K. Eric (1986). Op. cit., p. 167.
30 Qui proposait avant l’heure sa propre version du transhumanisme dans l’acronyme SMI2LE : « Space migration, Intelligence Increase, Life extension ».
31 Le titre original de Mondo 2000 était « High Frontier » en référence aux frontières de la conscience explorées grâce aux effets psychédéliques du LSD cher à Tim Leary. « Le personal computer était aux années 1990 ce que le LSD était aux années 60 » écrivait Tim Leary dans le premier numéro de Mondo 2000 signifiant ainsi le passage du New Age au New Edge. Publié jusqu’en 1998 par son éditeur R.U. Cyrius, on retrouvera ce même éditeur en 2008 aux commandes du magazine dédié au transhumanisme H+ magazine.
32 Digne héritière de ces publications et de cette culture de l’imprimé californien concentré sur la prospective technologique, la revue Wired, bien que davantage versée dans les business model et la glorification des ingénieurs-entrepreneurs, n’en reste pas moins façonnée par cette même religiosité technologique californienne.
33 Farlman, Abu (2012). “Re-Enchantment Cosmologies : Mastery and Obsolescence in an Intelligent Universe” in Anthropology Quaterly, 84, 4, p. 1069-1088.
34 Kurzweil, comme Moravec, use emphatiquement du schéma de la loi de Moore pour représenter tous les processus évolutionnistes qui président non seulement à l’Intelligence Artificielle mais plus largement à l’évolution des espèces ou même aux ères géologiques. Des schémas profondément simplificateurs incompatibles avec ce que nous enseigne la biologie évolutionniste ou la géologie. Voir Ganascia, Jean-Gabriel (2017). Le Mythe de la Singularité. Faut-il craindre l’Intelligence Artificielle ? Paris, Seuil, p. 29-42.
35 Voir Moravec, Hans (1988). Mind children. The future of Robot and Human Intelligence. Cambridge : Harvard University Press, p. 18.
36 Voir Sendberg, Anders (2013). « Morphological Freedom » dans More, Max, Vita-More, Natasha (ed.). The Transhumanist reader. Oxford : Wiley-Blackwell, p. 56-64.
37 « God is what mind becomes when it has passed beyond the scale of our comprehension » dans Dyson, Freeman (1988). Infinite in all directions. New-York : Harper & Row. p. 119.
38 Kurzweil, Raymond (2005). The Singularity Is Near. When humans transcend biology. New-York : Penguin Books, p. 388.
39 Ibid., p. 87.
40 Voir Koene, Richard. (2015). « Uploading to Substrate Independent Minds » dans More, Max, Vita-More, Natasha (ed.). The Transhumanist reader. Op. cit., p. 146-156.
41 Bostrom, Nick (2003). « Are You Living in a Computer Simulation ? » dans Philosophical Quarterly. 53-211, p. 243-255.
42 C’est d’ailleurs ce que met en lumière le design contemporain des Interactions Humain-Machine (IHM) délibérément orienté vers l’interconnectivité et l’augmentation computationnelle de nos corps, de nos environnements ou des objets de notre vie quotidienne. Brenda Laurel parle, par exemple, du nécessaire « design animiste » de l’IHM. Voir Pucheu, D., « Effacer l’interface : une trajectoire du design de l’interaction homme-machine », Interfaces numériques, vol. 5, no 2, 2017, p. 257-277.
43 L’analogie avec les imaginaires des fluides qui ont innervé les recherches quasi mystiques sur l’électricité ou encore les propriétés de l’électromagnétisme entre le xviiie et le xixe siècles sont à cet égard éclairantes. Voir Pierssens, Michel (2007). « Fluidomanie » dans Romantisme. 4,138, p. 75-88.
44 Bainbridge, William Sims (1982). « Religions for a Galactic Civilization » dans Emme Eugene M. (ed.) Science Fiction and Space Futures. San Diego : American Astronautical Society.
- CLIL theme: 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- ISBN: 978-2-406-09290-2
- EAN: 9782406092902
- ISSN: 2497-1650
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09290-2.p.0053
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 08-13-2019
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Technologies, transhumanism, prophecy, eschatology, technosciences, religiosity