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Classiques Garnier

Religiosité transhumaniste Les nouvelles frontières de l’ingénierie exploratoire

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Études digitales
    2018 – 1, n° 5
    . Religiosité technologique
  • Auteur : Pucheu (David)
  • Résumé : De tous les discours qui ont accompagné le développement des technologies de l’information, le transhumanisme constitue l’un des plus extrêmes. Récit prophétique aux accents explicitement eschatologiques, le transhumanisme semble revêtir les habits séculiers d’une religiosité toute entière tournée vers les révélations de la technoscience où l’homme, en véritable démiurge, serait progressivement amené à prendre le contrôle de sa propre évolution et du monde qui l’entoure.
  • Pages : 53 à 70
  • Revue : Études digitales
  • Thème CLIL : 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
  • EAN : 9782406092902
  • ISBN : 978-2-406-09290-2
  • ISSN : 2497-1650
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09290-2.p.0053
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 13/08/2019
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Technologies, transhumanisme, prophétisme, eschatologie, technosciences, religiosité
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Religiosité transhumaniste

Les nouvelles frontières de lingénierie exploratoire

The Bible said that God made man in his own image. The German philosopher Ludwig Feuerbach said that man made God in his own image. The transhumanists says that humanity will make itself into God.

« La Bible dit que Dieu a fait lhomme à son image. Le philosophe allemand Ludwig Feuerbach a dit que lhomme a fait Dieu à son image. Les transhumanistes disent que lhumanité se fera Dieu. »

Sebastien Seung, 2002.

De tous les discours qui ont accompagné le développement des technologies de traitement de linformation, le transhumanisme constitue sans aucun doute lun des plus extrêmes. Récit prophétique aux accents explicitement eschatologiques (discours sur la fin des temps), le transhumanisme semble revêtir les habits séculiers dune religiosité toute entière tournée vers les révélations de la technoscience où lhomme, en véritable démiurge, serait progressivement amené à prendre le contrôle de sa propre évolution et de celle du monde qui lentoure.

Ce récit a su se frayer un chemin dans les interstices des plus grandes entreprises et institutions qui animent la dynamique du développement technologique contemporain : Google, Cisco, le MIT, la NASA, le DARPA, la NSF pour ne citer queux. La publication en 2003 du célèbre rapport N.B.I.C. financé par la NSF (National Scientific Fondation) et le Département du Commerce des États-Unis (intitulé la convergence technologique pour laugmentation des performances humaines : Nanotechnologies, 54Biotechnologies, Technologies de lInformation et Sciences Cognitives), a également profondément participé à populariser, sans nécessairement en dire le nom, certaines idées et croyances centrales du transhumanisme.

Loin de rester confiné dans le cercle de ses innombrables ramifications institutionnelles, Think Tank et entreprises technologiques qui se sont accumulés depuis presque vingt ans, le transhumanisme semble porter les germes de nouvelles croyances, despoirs et de crainte que la science-fiction, notamment, participe à disséminer dans la culture populaire1. La démultiplication des TED conférences (Technology Entertainment and Design) à une échelle internationale offre elle aussi un espace discursif et prosélyte de premier plan où prospèrent la vulgarisation et la diffusion didées transhumanistes.

Porté hier et aujourdhui par des scientifiques excentriques comme le futurologue FM-2030 (de son vrai nom Fereidoun M. Esfandiary), des philosophes comme le leader charismatique des extropiens Max More, des ingénieurs et physiciens de renom comme Marvin Minsky ou Freeman Dyson, des ingénieurs-entrepreneurs comme Raymond Kurzweil et des technologues de premier plan comme Hans Moravec ou encore le directeur de recherche du MIT Neil Gershenfeld, le récit transhumaniste déroute lobservateur par sa diversité. Malgré sa courte histoire, il semble bien difficile, en effet, de dresser une généalogie de ce courant de pensée, a fortiori aujourdhui internationalisé.

En revanche, cest incontestablement aux États-Unis et plus encore dans le bassin californien que le transhumanisme a trouvé son terrain dépanouissement le plus fertile. Cest encore dans la baie de San Francisco, vers laquelle convergent aujourdhui les capitaux dévolus aux entreprises technoscientifiques qui lalimentent (technologies de linformation, robotique, biotechnologies, nanotechnologies…), que ce récit continu dabreuver limaginaire de bon nombre dentrepreneurs, investisseurs, startupers, ingénieurs et scientifiques2. Les investissements 55massifs concédés par lexcentrique milliardaire Peter Thiel, ancien PDG de Paypal, à ces entreprises et programmes de R&D, via la Thielfondation, témoignent des intimes connections qui relient le marché à cette « nouvelle » religiosité dont on peut légitimement penser quelle opère une fonction idéologique décisive3. LUniversité de la Singularité, située à lépicentre de la Silicon Valley (Montain View) et financée entre autres par Google, Nokia, la NASA et Cisco, ne cache pas ses ambitions prosélytes, voire évangélistes, en offrant des sessions de formation et de sensibilisation exclusivement ouvertes aux potentiels investisseurs en « technologies du futur4 ».

Derrière lhétérogénéité des objets et des entreprises sur lesquels se fixent ces récits tels que laugmentation de lhumain (génomique, biotechnologie), lextension de la vie (cryogénisation, mind upload), le contrôle de la matière (nanotechnologies, ingénierie moléculaire), la robotique (Intelligence Artificielle, machine learning), etc., tous ces discours se caractérisent par une même foi dans un devenir plus ou moins proche où lHomme, par le truchement des technologies, au premier rang desquelles lIntelligence Artificielle, transcendera sa condition biologique. Cet horizon dattente nest pas simplement celui dune « augmentation » de la condition humaine. Celle-ci nest quune étape transitoire vers un dessein plus grand, celui du cosmos tout entier caractérisé par la progressive et inéluctable émergence dune « supra-intelligence » : létape de la « Singularité » pour les partisans du mouvement éponyme qui domine la pensée transhumaniste nord-américaine.

Nous sommant de participer à cette évolution cosmologique au risque den être évincés, le récit transhumaniste sarticule, au-delà des prédictions eschatologiques, autour des polarités que les sociologues des religions saccordent à considérer comme caractéristiques de lexpérience du sacré : la fascination (fascinans) et la répulsion (tremendum) pour reprendre la terminologie de Rudolph Otto. Ce phénomène est dautant 56plus manifeste que les plus grands promoteurs du transhumanisme ou de lIntelligence Artificielle sont aussi ceux qui, à linstar dElon Musk ou Bill Joy5, se font les hérauts dune fin des temps imminente où lhomme pourrait bien être frappé dobsolescence.

Innombrables sont les observateurs qui ont souligné la religiosité kaléidoscopique qui anime ces récits aux consonances sotériologiques (discours sur le salut) : on y retrouve des schèmes propres au millénarisme judéo-chrétien6 teintés de gnosticisme7, des affinités évidentes avec les quêtes mystiques des mouvements ésotériques occidentaux auxquels les transhumanistes reconnaissent volontiers une filiation (les alchimistes notamment qui saffichent selon Max More comme des proto-transhumanistes8), des formes de religiosités syncrétiques qui mêlent indistinctement philosophies orientales et occidentales propres au New Edge (la version technophile du mouvement New Age9 »), etc.

Pour esquisser les contours de cette religiosité, il me semble pertinent den tracer lorigine à travers le réseau dacteurs qui sest progressivement constitué aux États-Unis, et plus particulièrement en Californie, autour des imaginaires qui irriguent le transhumanisme. Cette sociohistoire met en lumière les liens étroits quentretient le transhumanisme avec une religiosité technologique spécifiquement américaine mais aussi avec les mouvements plus contemporains dune contre-culture scientifique adepte de « lingénierie exploratoire » baignée dans le New Edge et la science-fiction. Nous tenterons dans un dernier temps dinterroger la synthèse de cet imaginaire proposée par la théorie de la Singularité technologique centrale du montage symbolique transhumaniste.

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Religiosités technologiques américaines

La posture eschatologique qui caractérise les récits transhumanistes nest pas nouvelle : elle sinscrit dans une tradition séculaire constitutive de limaginaire technologique américain. La création des États-Unis sest, en effet, articulée autour dun récit cosmogonique situant les accomplissements technoscientifiques des Américains au cœur dun vaste chantier de recommencement du monde10. Cette « re-création » du monde, inaugurée par les américains sous lauspice des technologies dans lespace vierge du Wilderness – symbole dun monde au degré zéro de la Création – a inscrit durablement la technoscience dans une sotériologie aux accents gnostiques : elle véhicule lidée dun salut atteignable par linstrumentalité humaine parachevant les desseins du Créateur pour établir sur terre le Millenium11.

De son côté, le mythe de la Frontier (« lavancée de la civilisation chrétienne sur la barbarie12 ») qui a symboliquement encadré ce recommencement du monde dans lespace dynamique de lOuest (Westward), a suscité dans limaginaire national un sens aigu de « lillimitation13 » (illimiteness) irréductible au pouvoir que conféra aux Américains la maîtrise de la vapeur et de lélectricité.

Appuyé par une « théologie publique » façonnée par les mouvements calvinistes, puritains et latitudinaires du christianisme réformé qui ont peuplé le paysage religio-culturel de lAmérique naissante, ce « technomillénarisme14 » constitue un trait fondamental de limaginaire 58technologique américain dont les transhumanistes sont aujourdhui les dignes représentants. Lidée dun « progrès de la Création », dun « plan divin » ultimement rédempteur, qui sincarnerait dans le cours de lhistoire des hommes, est constitutive de ces mouvements religieux et sest transfigurée en acte à travers les progrès de la technoscience. La participation active des hommes par la médiation instrumentale à la venue du « Royaume », celui des derniers temps qui ouvre à la félicité terrestre telle que décrite dans les textes apocalyptiques, constitue toujours un schème axiologique fondamental pour interpréter le sens (la signification et à la direction) du progrès technoscientifique.

Si les référents chrétiens occupaient encore au xixe siècle une place centrale, le début du xxe siècle se caractérisera par une expression de plus en plus sécularisée de ce technomillénarisme : plus besoin de discourir sur Dieu puisque ses œuvres parlent delles-mêmes. Il sagit maintenant dobserver et daccompagner le développement technologique comme la manifestation éclatante du « progrès de la Création » proclamé aujourdhui, après les pasteurs en leur temps, par les « technoprophètes ». Célébrant le futur « sublime technologique15 » auquel nous invitent les progrès de la technoscience, les utopies technologiques américaines vont fleurir dès la fin du xixe siècle16.

Le discours sur la Frontier va lui aussi se métamorphoser. Si la Frontier désignait dabord un espace symbolique territorialisé à conquérir grâce aux instruments que Dieu avait mis entre les mains des Américains pour accomplir leur « destinée manifeste17 », elle va très vite se fixer sur la technoscience elle-même. La technoscience, comme le suggéra Vannever Bush en 1945, constitue la Endless Frontier18 de lhumanité. Elle saffiche dans ses virtualités, le caractère de ce qui est en puissance, comme la matrice des possibles de lhumanité entraînée dans une dynamique évolutionniste irréversible.

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Avatar séculier de ce technomillénarisme, la tradition futurologique américaine qui naît au début du xxe siècle va placer le progrès technologique au centre de ses études prospectivistes sur le devenir des sociétés humaines. Loin de rester une « science » contemplative visant à élaborer des scénarios prédictifs, la futurologie américaine défend et promeut, en vertu des projections sociotechniques quelle élabore, une programmatique que la célèbre formule dAlan Key résume bien : « plutôt que de prédire le futur, mieux vaut-il linventer ». La futurologie se présente finalement comme un « progressisme conservateur » destiné à monopoliser délibérément lespace des possibles ouvert par un futur toujours incertain. Cest encore à cette tradition, à cette « idéologie du futur » profondément imbue de déterminisme technologique, quil faut rattacher le transhumanisme. « Lâge dor » du futurisme californien, que Peter McCray situe au sortir de la seconde guerre mondiale19 sous limpulsion notamment de lémergence de linformatique et de la conquête spatiale, a plus particulièrement servi de catalyseur aux idées et croyances véhiculées aujourdhui par les récits transhumains.

New Frontier

Parmi les scénarios prospectivistes interrogés par la futurologie californienne dès les années soixante, figure de manière centrale, outre linformatisation des sociétés, la conquête spatiale qui nourrissait par ailleurs abondamment la science-fiction. Ouvrant une « nouvelle Frontier du progrès américain » pour paraphraser John F. Kennedy, plus prosaïquement désignée comme « Final Frontier » dans la série télévisée Star Trek, la conquête de lespace ne procédait pas dun simple enjeu géopolitique à lépoque de la guerre froide : elle cristallisait presque tous les pans de linnovation technoscientifique. Ce nouveau champ de possibles ouvert par les voyages extraterrestres réinterrogeait le telos de la technoscience manifestement appelée à guider la marche progressiste de lhumanité, au-delà des limites terrestres, dans les confins du cosmos.

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Comme le voyage expurgatoire des Européens fuyant lAncien Monde vers le Nouveau ou celui des pionniers vers lOuest recommençant le monde dans le désert (le Wilderness), la conquête de lespace offrait la promesse dun nouveau mouvement purificateur et rédempteur. Réactivant limaginaire de la Frontier, particulièrement vivace dans le montage symbolique californien, lexploration spatiale fut le théâtre dintenses transactions entre ingénieurs et scientifiques de toutes disciplines, auteurs de science-fiction et futurologues, entrepreneurs et acteurs de la contre-culture californienne réunis pour questionner ni plus ni moins le devenir de lespèce humaine.

La publication en 1972 du très médiatique rapport du Club de Rome « Limits to Growth20 » relatif à la surpopulation, à la raréfaction des ressources planétaires ou encore aux changements induits par lHomme sur lécosystème et la biodiversité, va, dune certaine manière, presser et intensifier cette projection de lhumanité au-delà des limites terrestres. Commanditée en 1970 par des acteurs privés et publics de près de 52 pays, cette étude, basée sur une simulation informatique de la croissance mondiale et menée au MIT par Donella et Dennis Meadows, ouvrait des perspectives pour le moins catastrophistes quant au devenir de lhumanité. Critiqué et critiquable sur bien des points, ce rapport nen reste pas moins le symptôme dune prise de conscience planétaire. Il dessine en effet les contours de lanthropocène, dun âge où lHomme, en raison de son inventivité mais également de son audace, sest progressivement situé au centre de lévolution dont il nétait jusqualors quun élément anecdotique. Loin daffaiblir les expectatives eschatologiques dun progrès continu par le truchement de la technoscience, le scenario profondément alarmiste du Club de Rome na fait quamplifier lurgence dinvestir les territoires encore inexplorés de la technoscience et a donné au mouvement futuriste californien une impulsion décisive21.

La L5 Society, organisation créée en 1975, va notamment être le terrain dune intense ébullition prospectiviste répondant aux anxiétés alimentées par la finitude des ressources terrestres. Bien quessentiellement dédiée 61à la promotion de la colonisation spatiale inspirée par les travaux de lastrophysicien Gerard ONeill22, la L5 Society va très vite constituer une plateforme de première importance pour la futurologie californienne autour des thématiques centrales qui allaient nourrir le transhumanisme : information, cybernétique23, cryogénisation, nanotechnologies, biotechnologies, augmentation de lhumain, intelligence artificielle, extension de la vie, etc.

La colonisation de lespace procédait, pour bon nombre de ses promoteurs, dune volonté, non seulement déchapper aux limites de la condition terrestre mais, par là même, de dépasser la condition humaine. La première occurrence du mot cyborg inspiré de la cybernétique visait dailleurs la « nécessaire » augmentation de lHomme hypothétiquement appelé à sadapter aux environnements extraterrestres. « Les voyages dans lespace confrontent le genre humain à des défis non seulement technologiques mais aussi spirituels en ce quils invitent lhomme à prendre une part active dans son propre développement biologique » écrivaient les auteurs de Cyborg and Space en 196024 (voir image 1). De la même façon, la projection imaginaire des hommes dans lespace, avant même le xxe siècle, avait servi de support aux spéculations et aux croyances relatives à limmortalité chez le cosmisiste russe Fedorov25 ou dans les premières nouvelles de science-fiction autour de la préservation artificielle26.

Mais la complexité inhérente à la mise en œuvre de la vision de ONeill a très vite déplacé la « Nouvelle Frontier » vers dautres espaces symboliques : ceux du cyberespace naissant et des mondes virtuels ou ceux des territoires encore inexplorés de linfiniment petit à linstar des propositions démiurgiques que Eric Drexler élaborera dans son best-seller 62Engines of Creation, The coming era of nanotechnology27. Drexler y envisage la possibilité de manipuler et de contrôler, grâce à lusage de « machines moléculaires », la matière aussi bien que le vivant dans ce qui pourrait sapparenter à un véritable « re-engineering » du monde. Lémergence de ces machines, inscrite dans une évolution technologique irréversible, présente des dangers auquel lauteur nous met en garde sur un ton, une fois encore, profondément teinté de technomillénarisme. Ancien étudiant de ONeill et acteur de premier plan de la L5, Drexler partageait avec ses membres la même volonté de sortir des sentiers battus de lestablishment scientifique pour sadonner à « lingénierie exploratoire » en sengageant à « concevoir et designer des technologies que nous ne sommes pas encore en mesure de construire28 ». Personnage clef du mouvement transhumaniste et fondateur en 1986 du Foresight Institute, Drexler va précisément adresser son essai sur « lingénierie moléculaire » au Club de Rome. Dans un paragraphe lui-même intitulé « The Limits To Grows », Drexler pouvait ainsi affirmer : « Le monde de la matière brute offre lespace fini dune croissance certes vaste mais limitée. Le monde de lesprit et des modèles (pattern) en revanche offre un espace sans limite pour le changement et lévolution [] Les limites dessinent les possibles29 ».

Science-fiction et « ingénierie exploratoire »

On retrouvera dans la L5 Society des membres aussi différents en apparence que Tim Leary, le guru du New Edge30 mais aussi des auteurs de science-fiction comme Isaac Asimov ou le créateur de la série Star-Trek Gene Roddenberry, des ingénieurs et scientifiques comme Freeman Dyson et Marvin Minsky, le très influent éditeur du Whole Earth Catalog Steward 63Brand, le transhumaniste de la première heure et auteur du rapport N.B.I.C. William Bainbridge, linformaticien inventeur du concept de vie artificielle Christopher Langton ou encore lingénieur en robotique et théoricien de la transmigration de la conscience dans les ordinateurs Hans Moravec. Malgré leurs différences, tous ces acteurs partageaient une même fascination pour le futur sublime technologique auquel nous conviait la technoscience qui devait désormais, face à lurgence de la situation planétaire, prendre les rênes de la destinée humaine.

Souvent citée pour avoir remporté son combat pour la privatisation de lexploration spatiale en faisant avorter le Moon Treaty qui préconisait la supervision de lÉtat et de la communauté internationale, la L5 Society fut donc également un espace essentiel pour léclosion et la propagation de croyances qui caractérisent la religiosité technologique californienne contemporaine.

Phénomène particulièrement intéressant : cette organisation met en lumière les liens étroits qui unissent « lingénierie exploratoire » et la science-fiction, comme sy emploient par ailleurs de nombreuses revues diffusées aux États-Unis et en Californie sensiblement à la même époque. On peut citer le magazine à gros tirage Omni publié dès 1978 par léditeur de Penthouse Bob Guccione et dédié à la vulgarisation scientifique sur fond de science-fiction et de nouvelles technologies ou encore la revue Mondo 2000, le magazine underground de la cyberculture et du New Edge qui explore les frontières de la conscience individuelle et collective selon une posture profondément cyberpunk31. Aux côtés dEric Drexler, Hans Moravec ou Tim Leary, figurent dans les colonnes de ces magazines les éminents auteurs de science-fiction américains comme Arthur Clarke, Isaac Asimov ou encore William Gibson qui fut linventeur du terme cyberespace et linitiateur du mouvement cyberpunk. Le CoEvolution quaterly de Steward Brand, qui succèdera à la « bible-manuel » de la contre-culture californienne du Whole Earth Catalog, a lui aussi participé à disséminer les idées de la L5 Society en les 64inscrivant dans des perspectives écologistes, libertariennes ou utilitaires, mais toutes teintées de science-fiction32.

On peine à discerner dans cette profusion dimaginaires gravitant autour de la prospective technologique américaine ce qui relève effectivement de lexpérimentation en laboratoire ou de la science-fiction. Comment ne pas être frappé par la ressemblance entre les scénarios de transmigration de la conscience dans le cyberespace imaginé par William Gibson avec les rêves de métempsychose (la possible migration des consciences après la mort vers de nouvelles « plateformes ») portés par les techniques du mind upload promues par Hans Moravec et toute une frange des transhumanistes ?

La « Singularité technologique » qui domine la pensée transhumaniste américaine en fournit un autre exemple. Popularisée par Raymond Kurzweil dans son ouvrage apocalyptique the Singularity is near, lexpression a été initialement utilisée par Vincent Vinge pour qualifier lémergence dune supra-intelligence devant mettre un terme à « lère humaine ». Auteur de science-fiction, informaticien et mathématicien de lUniversité de San Diego, Vinge incarne une fois encore cette confusion des genres. Avant même que Kurzweil ne prenne le leadership de ce mouvement, cest un jeune informaticien autodidacte de Berkeley, Eliezer Yudkowsky qui a créé en 2000 le premier institut explicitement dédié à la Singularité : le Singularity Institute for Artificial Intelligence. Geek accompli, écrivain et fan inconditionnel de science-fiction, Yudkowski y défend lidée du design dune Intelligence Artificielle « friendly » pour déjouer les plans dune supra-intelligence bientôt hors de contrôle. Mais cest fondamentalement le charismatique ingénieur-entrepreneur Raymond Kurzweil qui, de par sa position stratégique aux interstices du pouvoir médiatique, politique et économique américain, va faire de la Singularité un élément incontournable du récit transhumaniste californien.

La L5 society, nous lavons vu, saffiche comme un point nodal dans la constitution du réseau dacteurs américains futuristes qui va donner naissance au transhumanisme. Le transhumanisme en général et la 65théorie de la Singularité technologique en particulier vont, dune certaine manière, offrir une synthèse unifiée et en apparence « scientifisée » des spéculations qui animaient les membres de la L5.

Prophéties cosmologiques :
une odyssée informationnelle

Pour Kurzweil, comme pour bien des transhumanistes, lopération de dévoilement des mystères de la création opérée par la technoscience sinscrit dans une narration, un méta récit aux accents eschatologiques sur « le destin intelligent du cosmos33 ». Au cœur de cette prophétie se dévoile une lecture quon pourrait qualifier dhermétique de la « loi de Moore ».

Énoncée en 1965 par le fondateur dIntel Gordon Moore, cette loi, qui se vérifie empiriquement depuis 1959, met en lumière la progression exponentielle de la puissance de calcul (la fréquence de traitement de linformation) et des capacités de stockage de linformation (la quantité et la variété dinformations) corrélée à la miniaturisation ininterrompue de leurs composants et à la baisse de leurs coûts de fabrication. Pour les transhumanistes, cette évolution inscrite au cœur du développement technologique nest autre que celle de lIntelligence Artificielle, laquelle est appelée, en vertu de cette loi, à dépasser lintelligence humaine dans un futur proche (2045 selon les dernières prévisions de Kurzweil). Mais se dissimule, derrière la courbe exponentielle de la loi de Moore, une sorte de règle universelle bien plus vaste : celle de lévolution de lIntelligence qui guide depuis le départ lévolution du cosmos34. Pour Kurzweil lévolution de lunivers se caractérise par six époques consécutives dont lIntelligence constitue le pivot axial :

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Lapparition de la physique et de la chimie sur terre (linformation en structure atomique) ;

Le développement de la biologie (linformation en ADN) ;

Lémergence des cerveaux (linformation en réseau neuronale) ;

La création des technologies (linformation par le design) ;

Lhybridation de la technologie et de lintelligence biologique (létape du transhumanisme précisément où lHomme convergera avec la machine) ;

Et enfin, lultime étape parachevant « le destin intelligent du cosmos » : Le réveil de lunivers (The Universe Wakes Up) qui adviendra lorsque lunivers et la matière seront « saturés » par lintelligence libérée des « plateformes » imparfaites que constituent encore aujourdhui les structures atomiques ou organiques (linformation autonome).

Cette « Intelligence » chez Kurzweil, cette « pensée » chez Hans Moravec ou Marvin Misky, est un calcul : il ne sagit pas dune réduction mais dune posture ontologique. Linformation est la mesure de toute chose, tout se ramène à elle comme si elle était la particule élémentaire de notre cosmos, comme si lunivers était in-formé par elle et animé par ses interactions (ses patterns), cest-à-dire par leur mise en calcul sous une forme matérielle ou organique, physique ou chimique. Plus la quantité dinformation disponible est complexe et plus les opportunités de calcul, et donc lintelligence, saccroissent. Dans la cosmologie de Kurzweil ou celle de Moravec35, lIntelligence Artificielle se trouve « naturalisée » dans un continuum qui va de la simple matière organisée à lapparition des premières entités biologiques et à leur progressive évolution cognitive débouchant sur le design des premières intelligences artificielles qui pressent la venue de la Singularité technologique.

LHomme, en tant quespèce biologique, ne se situe pas au centre du cosmos : il na été que lultime intelligence biologique sur terre et doit désormais céder sa place (à moins de sy conformer, i. e. de converger avec elle) à une intelligence bien supérieure encore : celle des machines. Cette convergence nest pas pour Kurzweil et les singularitariens une option : quon le veuille ou non, cette étape est inscrite dans le devenir 67de notre cosmos. À laune de la Singularité, lintelligence sera bientôt indépendante de tout support dinscription, de tous corps biologiques et atomiques qui nen auront été que de vulgaires véhicules, des « plateformes » imparfaites36. Passé le seuil de la Singularité, lIntelligence sera une sorte desprit éthéré, de pensée pure omnisciente et omnipotente. En un mot, elle sera en tout point similaire au concept de Dieu. Comme pouvait le suggérait la célèbre formule de Freeman Dyson fréquemment citée par les transhumanistes : « Dieu est ce que lesprit (Mind) devient effectivement lorsque celui-ci passe au-delà de nos capacités dentendement37 ».

Neoanimisme

Ce qui permet de décrypter ce « destin intelligent du cosmos » cest donc le rôle ubiquitaire de linformation qui en est à la fois le véhicule et le témoin de par sa complexité croissante. Essentialisant les théories mathématiques et cybernétiques de linformation, linformation est lunité élémentaire et universelle qui anime lintégralité des phénomènes, ceux de la physique comme de la biologie, de la génétique comme de la cognition et, aujourdhui, ceux de la technologie.

Cest dailleurs cette idée qui sous-tend le rapport sur la convergence NBIC : nous serions au seuil dun déferlement sans précédent dinformations préfigurant une supra-intelligence capable de se nourrir indifféremment de la matière (nano), du vivant (bio), de la puissance computationnelle (info) et de la cognition (cogno). Si tout peut porter à croire que lHomme est le moteur de cette évolution, il nen est, en fait, que linstrument innocent, temporaire et bientôt obsolète dans la marche progressiste de lIntelligence. Il lui faut donc pleinement participer à sa venue comme le répète avec anxiété William Bainbridge dans le célèbre rapport commandité par la NSF.

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Si les transhumanistes se présentent eux-mêmes comme de stricts physicalistes réfutant le dualisme du corps et de lesprit au profit dune conception matérialiste et moniste de lunivers, un tel argument savère tautologique. Linformation saffiche en effet dans leur vision du monde comme un processus constitutif de tous les phénomènes physiques ou chimiques au point de sembler pré-exister au monde physique. « Nous pouvons aller au-delà des pouvoirs du monde matériel à travers le pouvoir des modèles (patterns) » écrit Kurzweil qui se considère lui-même moins comme un matérialiste que comme un « patternist ». « Cest à travers le pouvoir émergent des patterns que nous nous transcendons. Puisque la matière dont nous sommes faits est éphémère, cest le pouvoir transcendant de nos patterns qui subsiste38 ». Lintelligence, écrit encore le futurologue américain, « est plus puissante que la physique. [] Linformation, plus que la matière et lénergie, doit être vue comme la plus fondamentale des réalités39 ».

La Singularité promet ainsi de concrétiser les rêves millénaires de métempsychose grâce à la possible transmigration des « patterns informationnels40 » qui constituent notre conscience, notre condition dexistence ou notre identité dans de nouveaux avatars artificiels ou organiques ou dans les espaces (multivers) infinis des mondes virtuels. La mort nest quune « mort informationnelle » : les patterns des cerveaux cryogénéisés dans les couloirs dAlcor – la fondation dextension de la vie aujourdhui dirigée par le leader du mouvement des extropiens Max More – seront bientôt ressuscités, à laune de la singularité, grâce à leur modélisation dans de nouvelles « plateformes ».

Le modèle (le pattern informationnel) précède lexistence du réel à tel point quil est envisageable, comme samusent à le penser Hans Moravec ou Nick Bostrom41, que nous soyons déjà sans le savoir au cœur dune simulation informatique, à linstar des humains prisonniers de la « matrice » dans le célèbre film éponyme.

Moins physicaliste quil ny paraît, le transhumanisme nous offre la perspective dune vision du monde profondément animiste où 69linformation qui traverse tous les éléments de la Création saffiche, tel un fluide universel, comme son principe vital42. Linformation est aux transhumanistes ce que fut le « feu électrique » pour les théosophistes allemands du xviie siècle : le principe unificateur de la création, le fluide ayant insufflé la vie au monde43.

Entre profession de foi et « mauvaise foi » ?

Emporté par le succès planétaire de ses prophéties et de ses fables aujourdhui largement véhiculées par les industries culturelles (par la publicité, les séries télévisées, le cinéma, le jeu-vidéo ou la science-fiction), le transhumanisme, sans toujours dire son nom, captive son audience et continue dattirer les capitaux. Au fond, on peut parfois douter du credo et de lethos de ce mouvement porté par des futurologues, des scientifiques et des ingénieurs-entrepreneurs désireux, à linstar de Kurzweil, dévangéliser les « masses » scientifiquement incultes, de rallier des étudiants et des investisseurs du monde entier à la cause du solutionnisme technologique ainsi que sy emploient les sessions de formation proposées par luniversité de Singularité.

Dans un étonnant manifeste intitulé Religion for a Galactic Civilisation publié en 1985, William Bainbridge, qui fut le rapporteur du rapport N.B.I.C. mais aussi un sociologue des religions américain de premier plan, pressait lérection dune forme de religiosité populaire pouvant fournir un socle spirituel à lhypothétique migration de lespèce humaine aux confins de lespace. « Les nouveaux cultes sont peu créatifs et tendent à dessiner leurs pratiques et leurs doctrines à partir de groupes ou de 70traditions préexistantes. Si nous devons partager une vision galactique commune, la meilleure source est probablement la science-fiction. Non seulement la science-fiction offre un panorama des civilisations galactiques mais aussi des problématiques spécifiques permettant de les atteindre. Elle baigne dans loccultisme et les idées pseudo-scientifiques qui peuvent nourrir les appétits religieux du peuple si tant est quelles soient empaquetées (packaged) dans de nouvelles églises44 ».

Ne pourrait-on pas voir un étonnant parallèle entre cette religiosité populaire baignée dans la « pseudoscience » et le récit transhumaniste ? Une religiosité qui puisse nourrir aussi bien le discours hégémonique dune élite « technologiquement éclairée » que les appétits idéologiques du venture capitalism irréductible à la diffusion et la popularisation de croyances dans les vertus des entreprises technoscientifiques contemporaines.

David Pucheu

Université de Bordeaux

1 Au premier rang desquels la littérature danticipation scientifique, le cyberpunk et la démultiplication des mises en scènes cinématographiques grand public (Matrix, Avatar, Transcendance…) ou les séries à succès comme Black Mirror, West Word, ou encore Altered Carbon.

2 La congrégation religieuse « Way Of The Future », récemment portée par lancien ingénieur de Google et de Uber Anthony Levandowski, en fournit un exemple caricatural. Face lémergence imminente dune Intelligence Artificielle assimilable au concept de Dieu, sorte de parousie technologique, nous devrions organiser un nouveau culte pour célébrer sa venue (voir Harris, Mark (2017), « Inside Artificial Intelligences First Church » in Wired, consultable : https://www.wired.com/story/anthony-levandowski-artificial-intelligence-religion/).

3 Le transhumanisme pourrait à cet égard constituer une « innovation dopinion », pour reprendre les termes de Dominique Boullier, visant à exciter les marchés et à susciter les afflux de capitaux. Il serait assimilable, comme laffirme encore Bernard Stiegler, à du storytelling visant à encadrer le développement de la Nouvelle Économie.

4 Borrel, P. (2011). Entretien à propos d« Un monde sans humains ? ». Chimères, 75, (1), p. 87-94.

5 Voir Joy, Bill (février 2001). « Pourquoi le futur na pas besoin de nous ? » dans Revue des deux Mondes. p. 92-99.

6 Geraci, Robert (2010) Apocalyptic AI : Visions of Heaven in Robotics, Artificial Intelligence, and Virtual Reality. Cambridge : Oxford University Press.

7 Davis, Erik (1998). TechGnosis, Myth, Magic + Mysticism in the Age of Information. New York : Serpents tail.

8 More, Max (2013). « The Philosophy of Transhumanism », dans More, Max, Vita-More, Natasha (ed.). The Transhumanist reader. Oxford : Wiley-Blackwell, p. 4.

9 Voir Dorien Zenbergen (2010). New Edge. Technology and Spirituality in the San Francisco Bay Area (thèse de doctorat). Université de Leiden.

10 Nye, D. E. (2003). America as second creation : technology and narratives of new beginning. Cambridge : MIT press.

11 Voir Tichi, Cecelia (1979). New World, New Earth, Environmental Reform in American Literature from the Puritans through Whitman. New Heaven : Yale University Press. Miller, Perry (1965). The Life of the Mind in America, from the Revolution to the Civil War. New York : Harvest Book. Noble, David F. (1999). The Religion of Technology, the divinity of man and the spirit of invention. New York : Penguin Book.

12 Turner, Frederick Jackson (1894). The significance of the frontier in American history. Madison : State Historical Society of Wisconsin.

13 Hietala, Thomas R. (1994). Manifest Design, Anxious Aggrandizement in Late Jacksonian America, New York, Cornell University Press.

14 Pucheu, D. (2009). « Religion et imaginaire technologique en Occident. Continuités et ruptures ». dans Lakel, A., Massit-Follea F., Robert, P. (dir.). Imaginaire(s) des technologies dinformation et de communication. Paris, Les éditions de la MSH, p. 21-31.

15 Voir Carey, James (1989). « The history of the future » dans Communication as culture. New-York : Routeledge. p. 173-200.

16 Segal, Howard (1985). Technological utopianism in American culture, Chicago : University press of Chicago.

17 Rappelons ici que lépisode de la Frontier sachève en 1890 lorsque le Census déclara officiellement « closes » les frontières des États-Unis mettant ainsi un terme à la phase expansionniste qui mena les américains jusquaux extrémités de la côte ouest.

18 Cest le titre que donna Vannever Bush à son rapport soumis au Congrès américain en 1945 qui donnera naissance à la NSF (la National Scientific Fondation)

19 McCray, Patrick (2013). The Visioneers. Princeton : Princeton University Press, p. 60.

20 Meadows, Donella H, Meadows, Dennis L, Randers, Jørgen, William W (1972). The Limits to Growth ; A Report for the Club of Romes Project on the Predicament of Mankind. New York, Universe Books.

21 Lanthropocène est une figure ambivalente : offrant des visions du futur diamétralement opposée oscillant entre catastrophisme et utopie technologique. Voir Bourg, Dominique (2013). « Anthropocène, apocalypse ou parousie ? ». Socio-anthropologie, 28, p. 109-116.

22 Auteur dun best-seller publié en 1977 au titre évocateur : High Frontier. Human Colonies in Space.

23 Il faut souligner ici, après Fred Turner, la fascination quexercèrent au sein de la futurologie, de la contre-culture californienne et du New Edge des années soixante-dix, les écrits de Norbert Wiener et de la cybernétique. En situant linformation et son traitement automatisé au centre de sa théorie des systèmes, la cybernétique a suscité la « métaphore computationnelle » de la société qui partageait bien des affinités avec la vision dun cosmos unifié et les aspirations autorégulatrices des communautés qui ont façonné le devenir de linformatique.

24 Clynes, Manfred, Kline, Nathan S. (septembre 1960). « Cyborg and space » dans Astrnautics.

25 Sanders, Anders (2013). « Transhumanism and the meaning of life », dans More, Max, Vita-More, Natasha (ed.). The Transhumanist reader. Oxford : Wiley-Blackwell, p. 17.

26 Voir notamment Neil Ronald Jones (1931). The Jameson Satellite. Wildside Press.

27 Drexler, K. Eric. (1986). Engines of Creation. The coming era of nanotechnology. New-York : Anchor Books.

28 Drexler, K. Eric (1988). « Exploring Future Technologies » in Brockman, John (ed.). The Reality Club. New-York : Lynx Book, p. 129-150.

29 Drexler, K. Eric (1986). Op. cit., p. 167.

30 Qui proposait avant lheure sa propre version du transhumanisme dans lacronyme SMI2LE : « Space migration, Intelligence Increase, Life extension ».

31 Le titre original de Mondo 2000 était « High Frontier » en référence aux frontières de la conscience explorées grâce aux effets psychédéliques du LSD cher à Tim Leary. « Le personal computer était aux années 1990 ce que le LSD était aux années 60 » écrivait Tim Leary dans le premier numéro de Mondo 2000 signifiant ainsi le passage du New Age au New Edge. Publié jusquen 1998 par son éditeur R.U. Cyrius, on retrouvera ce même éditeur en 2008 aux commandes du magazine dédié au transhumanisme H+ magazine.

32 Digne héritière de ces publications et de cette culture de limprimé californien concentré sur la prospective technologique, la revue Wired, bien que davantage versée dans les business model et la glorification des ingénieurs-entrepreneurs, nen reste pas moins façonnée par cette même religiosité technologique californienne.

33 Farlman, Abu (2012). “Re-Enchantment Cosmologies : Mastery and Obsolescence in an Intelligent Universe” in Anthropology Quaterly, 84, 4, p. 1069-1088.

34 Kurzweil, comme Moravec, use emphatiquement du schéma de la loi de Moore pour représenter tous les processus évolutionnistes qui président non seulement à lIntelligence Artificielle mais plus largement à lévolution des espèces ou même aux ères géologiques. Des schémas profondément simplificateurs incompatibles avec ce que nous enseigne la biologie évolutionniste ou la géologie. Voir Ganascia, Jean-Gabriel (2017). Le Mythe de la Singularité. Faut-il craindre lIntelligence Artificielle ? Paris, Seuil, p. 29-42.

35 Voir Moravec, Hans (1988). Mind children. The future of Robot and Human Intelligence. Cambridge : Harvard University Press, p. 18.

36 Voir Sendberg, Anders (2013). « Morphological Freedom » dans More, Max, Vita-More, Natasha (ed.). The Transhumanist reader. Oxford : Wiley-Blackwell, p. 56-64.

37 « God is what mind becomes when it has passed beyond the scale of our comprehension » dans Dyson, Freeman (1988). Infinite in all directions. New-York : Harper & Row. p. 119.

38 Kurzweil, Raymond (2005). The Singularity Is Near. When humans transcend biology. New-York : Penguin Books, p. 388.

39 Ibid., p. 87.

40 Voir Koene, Richard. (2015). « Uploading to Substrate Independent Minds » dans More, Max, Vita-More, Natasha (ed.). The Transhumanist reader. Op. cit., p. 146-156.

41 Bostrom, Nick (2003). « Are You Living in a Computer Simulation ? » dans Philosophical Quarterly. 53-211, p. 243-255.

42 Cest dailleurs ce que met en lumière le design contemporain des Interactions Humain-Machine (IHM) délibérément orienté vers linterconnectivité et laugmentation computationnelle de nos corps, de nos environnements ou des objets de notre vie quotidienne. Brenda Laurel parle, par exemple, du nécessaire « design animiste » de lIHM. Voir Pucheu, D., « Effacer linterface : une trajectoire du design de linteraction homme-machine », Interfaces numériques, vol. 5, no 2, 2017, p. 257-277.

43 Lanalogie avec les imaginaires des fluides qui ont innervé les recherches quasi mystiques sur lélectricité ou encore les propriétés de lélectromagnétisme entre le xviiie et le xixe siècles sont à cet égard éclairantes. Voir Pierssens, Michel (2007). « Fluidomanie » dans Romantisme. 4,138, p. 75-88.

44 Bainbridge, William Sims (1982). « Religions for a Galactic Civilization » dans Emme Eugene M. (ed.) Science Fiction and Space Futures. San Diego : American Astronautical Society.